Gresea Echos 79 - La première Guerre coloniale mondiale

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Rapines rivales 21

En 1889, la France arrive au Dahomey (actuellement le Bénin), qu’elle annexe partiellement. En 1893, elle entre en Côte d’Ivoire. Voilà de quoi inquiéter les Anglais qui sont sur la Côte d’Or voisine depuis 1821. Ceux-ci essaient de s’y étendre, mais se heurtent au Royaume des Ashanti, qui contrôle l’intérieur des terres. Londres parvient à mettre celuici sous protectorat en 1896. Cinq plus tard, l’ensemble de ce territoire (qui deviendra le Ghana) est sous la mainmise britannique. France et Grande-Bretagne risquent de se croiser et, dès lors, déclencher un conflit meurtrier. Voulant l’éviter, les deux gouvernements négocient. Un premier accord en 1890 échoue, car trop imprécis sur les contours des deux empires. En 1896, ils se remettent autour de la table et parviennent à un compromis deux ans plus tard : l’Angleterre conserve son autorité sur le bas Niger (et évidemment sur la Côte d’Or) ; la France peut se développer vers l’est dans ce qu’elle a nommé le Soudan1 français en 1891 puis l’Afrique Occidentale française en 1895. En 1900, Londres réunit les possessions de la Couronne autour de Lagos et celles de Goldie pour former le Nigeria. Paris peut s’engager plus loin que le lac Tchad atteint en 1890. Il ne va pas s’en priver. En 1898, il lance trois expéditions militaires pour occuper le territoire de l’actuel Tchad. En 1900 a lieu la bataille décisive qui permet à l’Etat européen d’ajouter ce territoire à son empire colonial. Mais on n’était pas loin de la guerre. La stratégie du nouveau secrétaire aux Colonies, Joseph Chamberlain, est de placer une antenne britannique à côté de chaque établissement français. 1 Le terme Soudan signifie pays des Noirs en arabe. Au départ, il représente donc un territoire beaucoup plus vaste que l’actuel pays qui porte ce nom. C’est quasiment toute la région en dessous du monde arabe méditerranéen.

Dès qu’un drapeau bleu, blanc, rouge apparaît, il faut que flotte tout près l’Union Jack.

La querelle égyptienne De longue date, l’Egypte est un joyau. L’irrigation que permet le Nil donne de nombreuses récoltes céréalières abondantes. Sa situation entre l’Occident européen et l’Orient indochinois est également appréciée depuis l’Antiquité. Elle a été une haute civilisation de l’humanité. Elle a alimenté la période grecque, même avant Alexandre. Elle était le grenier de Rome et elle a été une pièce maîtresse de la conquête arabe, puis ottomane. Ce n’est pas pour rien que Napoléon y mène une campagne à la fin du XVIIIème siècle et que l’Angleterre réplique en envoyant son meilleur amiral. Mais cet épisode a une autre conséquence. Des officiers égyptiens acquièrent une influence grandissante pour chasser les Mamelouks, anciens esclaves affranchis qui dominent le pays depuis le XIIIème siècle environ. Ils font nommer Méhémet-Ali vice-roi d’Egypte pas le sultan ottoman en 1805. Celui-ci, s’inspirant de la Révolution française, introduit des réformes économiques et institutionnelles jamais vues à l’époque dans le monde arabe. Il industrialise le pays, avec le développement d’une sidérurgie et du textile. Il introduit la culture du coton. Mais il manque d’une demande de consommateurs prêts à acheter tous ces produits. Il est poussé à la guerre et à la conquête pour absorber sa production naissante, l’armée servant de marché captif pour les biens fournis par l’industrie (textile pour les uniformes, sidérurgie pour le matériel comme des canons…)2. 2 Alaf Lufti Al-Sayyid Marsot, « Muhammad Ali’s Internal Policies », in Groupe de Recherches et d’études sur le Proche-Orient, L’Egypte au XIXème siècle, éditions du CNRS, Paris, 1982, p.168

Gresea Echos N°79

«ils oublieront l’Alsace et la Lorraine ; ils y trouveront une compensation» Bismarck, 1878.


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