MATIèRES PREMIèRES
…puis s’attaquer à la glace des océans? Les prophètes de l’énergie fossile prétendent qu’avec la fin du pétrole, du gaz naturel et du charbon, il reste toujours la combustion de la glace. Appelé familièrement «glace qui brûle», l’hydrate de méthane est issu de la décompo sition de matières organiques. Les gisements se trouvent dans les zones de pergélisol de l’hémi sphère nord, à partir d’une profondeur de 150 m. Mais on en trouve aussi et surtout dans les océans des talus continentaux, à une profondeur variant de 100 à 300 m en fonction de la tem pérature et de la pression. L’hydrate de méthane est la plus vaste réserve d’énergie fossile. Selon les estimations, celle-ci renfermerait trois fois plus de carbone que les réserves cumulées de pétrole, de gaz et de charbon. Diverses entreprises développent des techniques d’injection d’eau chaude, de produits dégivrants ou de dioxyde de carbone (CO2) liquide dans les sites de stockage d’hydrate de méthane. Le but est de faire fondre la glace pour aspirer le méthane. Mais ce gaz nuit gravement au climat, étant 20 à 30 fois plus agressif que le CO2 pour l’atmosphère. Or son extraction du pergélisol, tant sur terre que dans l’océan, implique d’importants rejets incontrôlés de méthane dans l’air. L’extraction de méthane se réalisera-t-elle, et à partir de quand? Cela dépend de l’évolution de la technique et des prix de l’énergie. Dans le pergélisol de l’Alaska, l’extraction pourrait commencer en 2015. Pour la production en milieu marin, rien ne se fera avant encore au moins dix ans. Comme le pergélisol dans les montagnes, l’hydrate de méthane joue en effet un rôle stabilisateur pour la roche des talus continentaux. L’extraction du méthane pourrait donc déstabiliser les plateaux continentaux et déclencher des tsunamis. Les multinationales pollueuses tentent de se donner une image «verte». Même dans le secteur des matières premières, elles ne peuvent plus se fermer aux critiques. Elles ont donc commencé à publier des rapports sur la durabilité et à faire des dons à des œuvres d’entraide locales ou à des parcs naturels. A l’échelle internationale, elles misent sur des codes de conduite facultatifs ou des systèmes de certification. Mais tant que les règles ne seront ni contraignantes, ni recevables en justice, tant qu’il n’y aura pas de contrôle indépendant, les belles déclarations de ce qui est probablement l’industrie Magazine Greenpeace Nº 4 — 201 1
la plus sale de la planète se résumeront à une simple opération d’écoblanchiment. La rébellion de la base Les réserves d’énergies fossiles et de métaux ne sont pas infinies. Les gisements facilement accessibles et bon marché sont plus ou moins épuisés. Les nouvelles technologies et le cours élevé des matières premières permettent certes de produire dans des régions de plus en plus reculées et dans des concentrations de plus en plus faibles. Mais l’énergie et les coûts associés à ces productions augmentent. Le risque lié aux investissements s’accroît, notamment à cause des variations spéculatives de prix. La concen tration d’une matière première sur un site donné n’est souvent plus le critère décisif pour lancer un projet: les facteurs qui emportent la décision sont plutôt le taux d’imposition, les prix de l’énergie et de l’eau ou la faiblesse de la législation. C’est pourquoi la production s’est déplacée du Nord vers les pays du Sud, où les industries «sales» rencontrent souvent moins d’obstacles. Mais le monde devient plus petit, même pour les multinationales. Les populations locales étaient autrefois mal informées et n’intervenaient pas avant l’apparition des premiers dégâts. Aujourd’hui, suite aux mauvaises expériences de ces dernières années, les protestations s’élèvent souvent dès la phase de planification. Et parfois avec succès: l’Argentine, le Mexique, le Pérou, le Bangladesh ou la Turquie ont vu de puissants mouvements citoyens empêcher des projets miniers, voire convaincre les Parlements d’interdire l’usage du cyanure ou même l’exploitation minière en tant que telle. A travers le monde, les populations indigènes insistent de plus en plus sur le «consentement libre, préalable et éclairé», un droit garanti par les Nations Unies en cas de projets sur leurs territoires ancestraux. Le monde prend progres sivement conscience que l’époque des matières premières bon marché est révolue et que nous devons nous atteler sérieusement à la recherche de solutions alternatives.
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