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ACTES DU COLLOQUE « NOURRIR LES VILLES... ET DÉVELOPPER LES CAMPAGNES : POUR UNE ALIMENTATION DURABLE ET RESPONSABLE. »

NOURRIR LES VILLES... ET DÉVELOPPER LES CAMPAGNES

POUR UNE ALIMENTATION DURABLE ET RESPONSABLE ACTES DU COLLOQUE DE LA CHAIRE UNESCO EN ALIMENTATIONS DU MONDE ET DE LA VILLE DE PARIS

Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

Chaire UNESCO en alimentations du monde France

Centre international d’études supĂ©rieures en sciences agronomiques


ISBNĂą€†: 978-2-900792-20-9 Photos Pierre-Emmanuel Rastoin - per@rastoin.com


« NOURRIR LES VILLES... ET DÉVELOPPER LES CAMPAGNES : POUR UNE ALIMENTATION DURABLE ET RESPONSABLE » ACTES DU COLLOQUE organisĂ© par la Chaire UNESCO et le rĂ©seau UNITWIN en Alimentations du monde, en collaboration avec la Ville de Paris, l’École du Breuil et le Palais de la DĂ©couverte Paris, 13 dĂ©cembre 2012 Damien ConarĂ©, Julie Debru, Jean-Louis Rastoin, Henri RouillĂ© d’Orfeuil Coordonnateurs Avec le soutien de :

www.chaireunesco-adm.com



TABLE DES MATIÈRES Préambule 7 Programme du colloque

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Ouverture et conférences introductives

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« Comment les villes se nourrissent-elles ? »

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« Vers de nouvelles formes d’intermĂ©diation entre producteurs et consommateurs ? »

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« Nourrir les villes et droit Ă  l’alimentation »

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« Peut-on nourrir durablement les villes au Nord et au Sud ? »

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« Agir pour une alimentation durable et responsable »

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Conclusion

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Fiches projets d’action en alimentation durable et responsable

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CERVIA 37 RESTAURATION COLLECTIVE BIO LOCALE 39 ECOSCIENCE PROVENCE 40 LE PANIER VANVÉEN 42 LA PLATE-FORME POUR LE COMMERCE ÉQUITABLE 44 EATING CITIES 49 IUFN 52



PRÉAMBULE Au milieu des annĂ©es 2000, la population mondiale est devenue majoritairement urbaine. En 2050, plus des deux tiers des humains habiteront en ville. L’urbanisation se fera principalement par augmentation des grandes agglomĂ©rations : en 2025, vingt-sept citĂ©s compteront plus de 10 millions d’habitants, avec Tokyo en tĂȘte de liste (plus de 36 millions d’habitants) et Paris en 27e position (10 millions). Pour nourrir les villes avec des aliments de qualitĂ© (Ă©quilibrĂ©s, nutritifs, accessibles et partagĂ©s) et dĂ©velopper durablement les campagnes, il faudra inventer une nouvelle façon de produire, plus respectueuse des ressources naturelles, plus soucieuse de l’équitĂ© du travail et de sa rĂ©munĂ©ration, crĂ©atrice de sens et de valeurs, tant pour les producteurs et l’espace rural que pour les consommateurs. Dans cette Ă©volution, les grandes mĂ©tropoles du XXIe siĂšcle constitueront un formidable laboratoire d’innovations. L’objectif du colloque « Nourrir les villes et dĂ©velopper les campagnes » Ă©tait d’apporter des connaissances sur des expĂ©riences novatrices et de rĂ©flĂ©chir en termes de prospective aux facteurs susceptibles de permettre les changements d’échelle nĂ©cessaires, tant au niveau de la gouvernance alimentaire des villes qu’à celui de l’organisation de filiĂšres adaptĂ©es aux critĂšres d’un dĂ©veloppement durable et responsable. Des scientifiques et des acteurs de terrain ont apportĂ© leurs analyses et leurs convictions. Celles-ci ont Ă©tĂ© soumises aux participants au colloque, parties prenantes du systĂšme alimentaire au titre des pouvoirs publics, des professionnels des filiĂšres et des organisations de la sociĂ©tĂ© civile. Ce document rassemble les synthĂšses des diffĂ©rentes interventions au colloque ainsi que des fiches prĂ©sentant des actions de terrain rĂ©digĂ©es par des Ă©tudiants de l’Institut d’études politiques de Paris et de Montpellier SupAgro. Nous les remercions pour leur participation Ă  l’organisation de la journĂ©e et leur contribution post-colloque. Pour celles et ceux qui souhaiteraient avoir accĂšs aux diaporamas prĂ©sentĂ©s par les confĂ©renciers, il est possible de les retrouver en suivant le lien Internet : www.chaireunesco-adm.com/spip.php?rubrique22 Nous exprimons Ă©galement notre gratitude aux trois fondations qui ont bien voulu nous apporter leur soutien : Agroplis Fondation, Fondation Daniel et Nina Carasso et Fondation Nicolas Hulot. Le comitĂ© d’organisation 7



PROGRAMME DU COLLOQUE « NOURRIR LES VILLES... ET DÉVELOPPER LES CAMPAGNES : POUR UNE ALIMENTATION DURABLE ET RESPONSABLE » PARIS, 13 DÉCEMBRE 2012 9h00 – OUVERTURE Damien ConarĂ©, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral chaire UNESCO et rĂ©seau UNITWIN en alimentations du monde, Montpellier SupAgro ; Fabienne Giboudeaux, adjointe au Maire de Paris, chargĂ©e des espaces verts ; Guillaume Garot, Ministre dĂ©lĂ©guĂ© auprĂšs du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la ForĂȘt, chargĂ© de l’Agroalimentaire.

9h15 – CONFÉRENCES INTRODUCTIVES Le systĂšme alimentaire : enjeux et perspectives dans un monde de plus en plus urbanisĂ©, Jean-Louis Rastoin, directeur chaire UNESCO et rĂ©seau UNITWIN en alimentations du monde, Montpellier SupAgro ; Pourquoi devons-nous changer notre modĂšle de production et de consommation alimentaire ?, Dominique Chardon, agriculteur, prĂ©sident de Terroirs et Cultures.

10h00 – 1re TABLE RONDE : COMMENT LES VILLES SE NOURRISSENT-ELLES ? Une brĂšve histoire de l’alimentation des villes en France, Marc de FerriĂšre le Vayer, directeur chaire UNESCO « Sauvegarde et valorisation des patrimoines culturels alimentaires », UniversitĂ© François Rabelais, Tours ; Les sources et les flux d’approvisionnement alimentaire de la ville de Paris au dĂ©but du XXIe siĂšcle, AndrĂ© Torre, INRA ; Dynamique des agricultures urbaines, Serge Bonnefoy, association Terres en Ville.

11h30 – 2e TABLE RONDE : VERS DE NOUVELLES FORMES D’INTERMÉDIATION ENTRE PRODUCTEURS ET CONSOMMATEURS ? Distribution : les circuits courts, vecteurs de proximitĂ©s, Yuna Chiffoleau, INRA ; Restauration collective : un levier pour changer les comportements alimentaires et rĂ©orienter l’offre, Agathe Vassy, Fondation Nicolas Hulot ; FiliĂšres : quelle coordination pour mieux partager la valeur crĂ©Ă©e entre producteurs agricoles, industriels et distributeurs ?, Christian Amblard, ComitĂ© Ă©conomique du pruneau d’Agen.

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14h30 – CONFÉRENCE INTRODUCTIVE : NOURRIR LES VILLES ET DROIT À L’ALIMENTATION Olivier De Schutter, rapporteur spĂ©cial des Nations unies pour le droit Ă  l’alimentation.

15h00 – 3e TABLE RONDE : PEUT-ON NOURRIR DURABLEMENT LES VILLES AU NORD ET AU SUD ? Les exigences d’un dĂ©veloppement durable : quelles relations entre la ville et son hinterland nourricier ?, Gilles Billen, CNRS ; La reconquĂȘte des marchĂ©s urbains africains avec les produits de l’agriculture familiale locale, Jean-Baptiste Cavalier, responsable programme agriculture et alimentation, CFSI, Paris ; Le rĂŽle des politiques publiques pour amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© alimentaire : l’exemple du programme brĂ©silien des cantines scolaires, Renato Maluf, UniversitĂ© fĂ©dĂ©rale rurale de Rio de Janeiro.

16h30 – 4e TABLE RONDE : AGIR POUR UNE ALIMENTATION DURABLE ET RESPONSABLE Promouvoir le « caractĂšre durable et responsable » de l’alimentation ; Introduction et animation : Henri RouillĂ© d’Orfeuil, AcadĂ©mie d’agriculture de France ; Appuyer les acteurs de l’alimentation durable et responsable : Guilhem Soutou, Fondation Daniel et Nina Carasso ; Favoriser le dĂ©veloppement territorial : JĂ©rome Kohn, Directeur du CERVIA, Julien Labriet, FNAB ; Favoriser le dĂ©veloppement environnemental : MikaĂ«l Schneider, EcoScience Provence ; DĂ©velopper les relations producteurs-consommateurs : Julie Stoll, dĂ©lĂ©guĂ©e gĂ©nĂ©rale de la Plate-forme pour le commerce Ă©quitable ; Claire Martin-Gousset, ancienne administratrice du rĂ©seau AMAP de France, crĂ©atrice d’une AMAP Ă  Vanves ; Les plateformes d’échange et d’information : Maurizio Mariani, Eating cities, Marketa Braine-Supkova, IUFN.

18h00 – SYNTHÈSE ET CONCLUSIONS Jean-Louis Rastoin, chaire UNESCO en Alimentations du monde.

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SYNTHÈSE

OUVERTURE ET CONFÉRENCES INTRODUCTIVES Damien ConarĂ©, chaire UNESCO Alimentations du monde, Fabienne Giboudeaux, Ville de Paris, Guillaume Garot, ministre dĂ©lĂ©guĂ© auprĂšs du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la ForĂȘt, chargĂ© de l’Agroalimentaire, Jean-Louis Rastoin, chaire UNESCO Alimentations du monde, Dominique Chardon, Terroirs & Cultures Rapporteurs : Yoann Durrieu, Etienne Le Bideau et Simon Ronceray Montpellier SupAgro

AprĂšs une introduction d’Universcience (regroupement du Palais de la dĂ©couverte et de la CitĂ© des sciences), dont le rĂŽle est la diffusion et la vulgarisation des sciences ; Gabriel Picot, rappelle la participation de cet Ă©tablissement public Ă  la semaine du dĂ©veloppement durable avec l’École du Breuil. Cette manifestation suivie par plus de six-cents scolaires et un millier de visiteurs a permis Ă  ce public de dĂ©couvrir les plantes du milieu urbain. AprĂšs avoir prĂ©cisĂ© le rĂŽle de la Chaire UNESCO en alimentations du monde (formation, recherche et partage de connaissances sur l’alimentation durable), son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, Damien ConarĂ© a rappelĂ© les enjeux qui motivaient ce colloque : contribuer au dĂ©veloppement de systĂšmes alimentaires durables. Le lien avec le colloque du 1er fĂ©vrier 2013, « Quelles ressources pour nourrir les villes ? » a aussi Ă©tĂ© soulignĂ©. De nombreuses questions se posent face Ă  diffĂ©rents constats : la moitiĂ© de la population mondiale est urbaine depuis 2007 et les surfaces agricoles utiles diminuent en parallĂšle Ă  une urbanisation galopante. Ces interrogations concernent diverses parties prenantes et soulĂšvent des problĂšmes de partage des espaces, de partage des richesses (lutte contre la prĂ©caritĂ© alimentaire), et de justice sociale. Ce sont aussi des questions d’ordre Ă©conomiques qui concernent par exemple l’emploi. Il rappelle Ă©galement l’existence d’actions innovantes comme par exemple le programme « Fome Zero/Bolsa Familia » au BrĂ©sil. En France Ă©galement des actions sont conduites afin de sensibiliser le grand public sur les notions d’agriculture urbaine. C’est ainsi que Fabienne Giboudeaux, adjointe au Maire de Paris chargĂ©e des espaces verts, a Ă©voquĂ© les 11


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manifestations parisiennes qui ont eu lieu dans le cadre de l’annĂ©e thĂ©matique sur l’agriculture urbaine clĂŽturĂ©e par ce colloque. Les actions de sensibilisation « Savez-vous plantez les choux ? » Ă  Bagatelle et « Carrot City » Ă  Bercy ont connu une frĂ©quentation importante. Elles ont Ă©tĂ© accompagnĂ©es de rencontres et dĂ©bats sur les modes de consommation alimentaire des Franciliens. Cela a permis d’observer une nouvelle fois le dĂ©veloppement des AMAP (et le besoin d’organisation de cette filiĂšre) et le rĂŽle de celles-ci dans l’indication de l’origine des aliments. L’alimentation des cantines scolaires par des produits locaux est aujourd’hui recherchĂ©e. Et, si la ville a pu un moment tourner le dos aux campagnes, les besoins de contact avec la nature et avec les agriculteurs se rejoignent aujourd’hui et font renaĂźtre un grand espoir. La re-crĂ©ation du lien producteur-consommateur semble importante. L’approfondissement de ces thĂ©matiques est donc souhaitĂ©, les rĂ©flexions des acteurs et des scientifiques devant permettre d’aiguiller et d’amĂ©liorer les politiques publiques, en tenant compte des besoins alimentaires et culturels. Guillaume Garot a pu alors rappeler les idĂ©es portĂ©es actuellement par le gouvernement concernant ces domaines. Ministre dĂ©lĂ©guĂ© chargĂ© de l’Agroalimentaire auprĂšs du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la ForĂȘt il a soulignĂ© le fait que la question de savoir comment nourrir les villes est majeure. Afin d’y rĂ©pondre, il faut essayer de penser ensemble le dĂ©veloppement agricole et le dĂ©veloppement des villes. Il faut ainsi sortir de la caricature « Paris et le dĂ©sert français ». Au-delĂ  de la France, c’est Ă  l’échelle mondiale que le problĂšme doit ĂȘtre abordé : avec une augmentation extraordinaire de la population mondiale (pour atteindre 9 milliards d’humains en 2050), les donnĂ©es de la FAO avancent un besoin d’augmenter de 70 % la production agricole pour nourrir le monde. Cela ayant lieu en parallĂšle Ă  une forte croissance urbaine, le dĂ©fi alimentaire constitue un des plus grands dĂ©fis du siĂšcle, de la mĂȘme façon que la question de l’énergie, de l’accĂšs Ă  l’eau, de la protection de l’environnement. Enfin, c’est la question de la justice sociale qui est adressĂ©e aux responsables publiques : comment garantir l’accĂšs de chaque ĂȘtre humain Ă  une alimentation de qualitĂ©, saine et sĂ»re ? L’importance du rĂŽle de la Banque alimentaire dans la sociĂ©tĂ© française tĂ©moigne de la persistance d’inĂ©galitĂ©s. À d’autres Ă©chelles se posent les questions de stabilitĂ© et de paix : les rĂ©centes Ă©meutes de la faim dans plusieurs pays en 2007-2008 sont lĂ  pour le rappeler. Afin de rĂ©pondre Ă  ces dĂ©fis, la lutte contre la spĂ©culation doit ĂȘtre engagĂ©e, avec une transparence sur l’état des stocks mondiaux et une meilleure articulation des politiques Ă  l’échelle mondiale. Selon Guillaume Garot, la France ne doit pas s’inscrire dans une vision malthusienne, elle peut rĂ©pondre Ă  ces dĂ©fis d’une nouvelle maniĂšre. C’est ainsi qu’elle se doit de produire en plus grande quantitĂ© dans une idĂ©e de co-dĂ©veloppement, mais surtout de produire mieux, plus durablement. Cela 12


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s’inscrit dans l’exigence d’un nouveau modĂšle de production et de transformation. C’est aussi relever le dĂ©fi de l’agroĂ©cologie. Pour se faire, des outils sont en train d’ĂȘtre mis au point afin d’accompagner la mutation de l’agriculture en tenant compte des contraintes. L’agroalimentaire doit pour sa part relever le dĂ©fi vert : celui de la mutation Ă©cologique de l’économie. Ces efforts sont Ă  accompagner d’une lutte contre le gaspillage alimentaire qui reprĂ©sente un tiers de la production mondiale. En France, 20 Ă  30 kg de nourriture consommables sont jetĂ©s par an et par personne. Ces actions peuvent ĂȘtre engagĂ©es, par exemple dans les cantines, en adaptant la taille des portions en fonction de l’appĂ©tit. Ces Ă©conomies rĂ©alisĂ©es permettent d’avoir des produits de meilleure qualitĂ© et donc plus consommĂ©s, le gaspillage est ainsi doublement limitĂ©. La concertation avec la grande distribution (grĂące Ă  des rencontres rĂ©gionales) a notamment pour but de dĂ©velopper la vente Ă  l’unitĂ©, surtout pour les produits laitiers. Une action politique aura lieu dans ce sens en juin 2013 avec la diffusion du pacte national contre le gaspillage alimentaire. Elle s’inscrira dans la durĂ©e avec la loi d’avenir. Celle-ci comprendra un volet agricole et un volet agroalimentaire qui seront construits Ă  partir de rencontres rĂ©gionales pour identifier et surmonter les difficultĂ©s. D’aprĂšs les premiers intervenants, le systĂšme alimentaire et son devenir sont des sujets de prĂ©occupation dans un monde de plus en plus urbanisĂ©. Jean-Louis Rastoin, directeur de la Chaire UNESCO AdM, a dĂ©veloppĂ© ces analyses. Il rappelle tout d’abord que le monde est traversĂ© par une dĂ©ferlante urbaine, avec l’augmentation rapide du nombre de grandes villes et de leur taille. Les dĂ©fis urbains qui les accompagnent sont nombreux : concilier la croissance Ă©conomique et la crĂ©ation d’équipements collectifs, lutter contre la prĂ©caritĂ©, les bidonvilles, l’insalubritĂ© et la malnutrition. C’est aussi repenser les concentrations urbaines qui sont trĂšs Ă©nergivores, dĂ©gradent l’environnement, provoquent une production importante de polluants et dĂ©chets par le biais de la multiplication d’infrastructures lourdes et de l’industrie. Dans ce contexte on assiste Ă  deux fractures, d’une part entre le rural et l’urbain, et d’autre part, entre l’agriculture et l’alimentation. Deux scĂ©narios peuvent ĂȘtre imaginĂ©s pour 2050, l’un aboutissant Ă  100 millions de travailleurs agricoles (exode rural massif tel qu’on a pu le constater en Europe aprĂšs 1945), l’autre Ă  600 millions (exode rural contenu). Cette diffĂ©rence nette entre les deux scĂ©narios permet de pointer un Ă©norme problĂšme de chĂŽmage potentiel. Actuellement deux modĂšles coexistent, le modĂšle agro-industriel et le modĂšle traditionnel qui reprĂ©sentent respectivement 57 et 43 % de la population mondiale. Le modĂšle agro-industriel est caractĂ©risĂ© par des produits standardisĂ©s (marketing coĂ»teux), hygiĂ©niquement sĂ»rs (mais contenant beaucoup de 13


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sucre, sel, graisses, etc.), et avec une consommation trĂšs importante de produits animaux. Ce modĂšle a permis de faire baisser les prix par le jeu des Ă©conomies d’échelle, mais il faut rappeler la forte tendance au gaspillage qui en rĂ©sulte, et la convergence mondiale des modĂšles de consommation alimentaire. La production est intensive (intrants chimiques, gĂ©nĂ©tiques, mĂ©caniques), spĂ©cialisĂ©e (neuf grandes cultures pour 85 % de la production), concentrĂ©e (firmes globales), mondialisĂ©e (filiĂšres longues et dĂ©localisations) et surtout financiarisĂ©e (fonds d’investissement), ce qui gĂ©nĂšre une vision Ă  court terme pour garantir une rentabilitĂ© immĂ©diate pour les actionnaires. Le modĂšle traditionnel est trĂšs diffĂ©rent du premier : le maillon agriculture occupe une place importante dans l’alimentation, les filiĂšres sont quasiment inexistantes, les revenus faibles entrainent une pauvretĂ© de masse et la productivitĂ© du capital et du travail est trĂšs basse. Ce modĂšle traditionnel se caractĂ©rise par une trĂšs grande diversitĂ© des modĂšles de production et de consommation, qui en font le porteur d’un important patrimoine culturel et de savoir-faire adaptĂ©s aux Ă©cosystĂšmes. La cohabitation de ces deux systĂšmes est caractĂ©risĂ©e par un bilan trĂšs prĂ©occupant. Il y a actuellement 3 milliards de personnes qui souffrent de malnutrition et les maladies non transmissibles liĂ©es Ă  l’alimentaire expliquent directement ou indirectement 50 % de la mortalitĂ© mondiale ; les ressources naturelles se dĂ©gradent ou s’épuisent et le droit Ă  l’alimentation n’est pas garanti de maniĂšre gĂ©nĂ©rale. L’évolution Ă  long terme du systĂšme alimentaire mondial peut ĂȘtre imaginĂ©e selon deux scĂ©narios. Le scĂ©nario 1 correspond Ă  un prolongement des tendances observĂ©es depuis la rĂ©volution industrielle : le marchĂ© et la technoscience y occupent une place prĂ©pondĂ©rante. Il y a en consĂ©quence une forte diminution du nombre d’exploitations agricoles, d’entreprises agroalimentaires et de commerce alimentaire, par concentration. Les produits alimentaires complĂ©mentĂ©s et mĂ©dicalisĂ©s se dĂ©veloppent, les fermes verticales apparaissent comme des solutions technico-Ă©conomiques. Le pilotage se fait par le marchĂ© mondial et les firmes multinationales. Les externalitĂ©s nĂ©gatives de ce scĂ©nario peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme insupportables et un scĂ©nario 2, dit de « rupture », est envisagĂ©. Celui-ci maintient des exploitations agricoles en nombre suffisant, la dimension des exploitations augmente pour procurer aux agriculteurs des revenus de paritĂ©. Le tissu des micros et mĂ©so-usines agroalimentaires se consolide. Des produits alimentaires spĂ©cifiques sont dĂ©veloppĂ©s, naturels et de haute qualitĂ© (labels, indications gĂ©ographiques, etc.). Le pilotage se fait par des marchĂ©s rĂ©gulĂ©s, des rĂ©seaux interconnectĂ©s et une Ă©conomie sociale et solidaire. 14


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En prospective, c’est gĂ©nĂ©ralement un scĂ©nario intermĂ©diaire qui se rĂ©alise, voyant une cohabitation plus ou moins harmonieuse des scĂ©narios dĂ©crits. Compte tenu des changements perceptibles, on pourrait observer un dĂ©clin du modĂšle d’envergure qui se maintiendrait pour approvisionner les mĂ©galopoles, une croissance du modĂšle de proximitĂ© pour les villes moyennes et donc la coexistence de plusieurs systĂšmes alimentaire pour un pays. Face Ă  la tendance lourde de marginalisation de l’alimentation, les consommateurs accepteront-ils d’accorder davantage de temps Ă  la prĂ©paration de leur repas et de budget Ă  leur alimentation ? L’individualisme et le grignotage finiront-ils par s’imposer Ă  la place des repas conviviaux ? La sociĂ©tĂ© va-t-elle accepter l’évolution des technologies de production (OGM, nanotechnologies, etc.) ? Le changement du modĂšle alimentaire dominant nĂ©cessite des politiques d’accompagnement : repenser les valeurs en renforçant la part accordĂ©e Ă  l’éthique, Ă  la santĂ© et Ă  l’environnement. Ainsi, l’éducation autour de la mĂ©moire alimentaire doit retrouver une place prĂ©pondĂ©rante. Des innovations technologiques, commerciales et organisationnelles sont possibles. Il faut notamment qualifier les produits, crĂ©er des normes de dĂ©veloppement durable et une fiscalitĂ© incitative. Ceci ne pourra se faire sans la reconstruction des liens entre monde urbain et monde rural, entre Nord et Sud. Dominique Chardon, prĂ©sident de l’association Terroirs et Cultures et agriculteur bio, confirme pourquoi nous devons changer notre modĂšle de production et de consommation alimentaire. L’aspiration au progrĂšs technique de ces derniĂšres annĂ©es a Ă©tĂ© considĂ©rable, et fut une vĂ©ritable dĂ©marche vers la reconnaissance du mĂ©tier d’agriculteur. La fiertĂ© d’appartenir Ă  cette profession face aux dĂ©fis Ă  relever Ă©tait un moteur de progrĂšs. Il y a vingt-cinq ans cet agriculteur se posa la question du sens Ă  donner Ă  son mĂ©tier. Alors qu’il Ă©tait un des premiers Ă  produire des asperges Ă  NoĂ«l et qu’il avait une production de pĂȘches en monoculture, il s’est dit que cela ne pouvait plus durer. Sa rĂ©flexion l’amena Ă  arrĂȘter les asperges et Ă  s’engager vers l’agriculture biodynamique tout en cherchant Ă  rester aussi productif. Cette « rĂ©volution silencieuse » et la mutation technique qui allait avec avaient pour but de rĂ©pondre aux exigences de durabilitĂ© de la production agricole. Ce changement de pratique lui permit de modifier son rapport avec la terre, son « outil de travail » qui devient avant tout un lieu de production qu’il faut respecter et amĂ©liorer. Des idĂ©es et des valeurs, accompagnĂ©es du retour au bon sens paysan, l’amĂšnent ainsi Ă  ne plus mettre tous ses Ɠufs dans le mĂȘme panier. Il possĂšde actuellement 40 hectares de vignes, d’oliviers et fruitiers dans une exploitation adaptĂ©e aux terroirs sur lesquels se trouvent ses parcelles. Dans la production des fruits, lĂ©gumes et du vin, les marchĂ©s ne sont pas sĂ©curisĂ©s, garantis. Sur une exploitation, afin d’éviter les dĂ©boires de production il faut s’adapter en reconnaissant l’importance des diversitĂ©s biologiques, et connaĂźtre les terres et les microclimats qui influencent 15


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les productions. Au cƓur de cette territorialisation de l’exploitation agricole, la redĂ©couverte de l’équilibre entre les diffĂ©rentes espĂšces dans le paysage est capitale. C’est ainsi qu’émerge la notion de « produits du terroir » Ă  laquelle se rapporte aussi la volontĂ© esthĂ©tique de produire beau, bon et sain. Cet engagement pour l’agriculture biologique s’accompagne d’une volontĂ© de respecter la santĂ© des hommes, face aux dĂ©rives considĂ©rables sur le plan environnemental du systĂšme conventionnel. De plus, un engagement au niveau de la dimension sociale a Ă©tĂ© pratiquĂ©. Ce modĂšle, plus territorialisĂ©, a permis Ă  des saisonniers de devenir des permanents, avec un plus grand respect Ă  l’égard des salariĂ©s et de leurs compĂ©tences. L’intĂ©gration des dimensions sociales et solidaires s’est concrĂ©tisĂ©e par la crĂ©ation d’une coopĂ©rative et la mise en place en parallĂšle d’un rĂ©seau de jeunes dĂ©sireux de s’adapter Ă  la demande en modifiant leurs productions et en y dĂ©veloppant plus de valeurs ajoutĂ©es. Le dĂ©veloppement territorialisĂ© peut ĂȘtre vu comme une alternative au dĂ©veloppement classique, une possibilitĂ© qui pourrait mĂȘme s’appliquer dans les secteurs dĂ©favorisĂ©s. Cette alternative s’appuie sur la diversitĂ© biologique et culturelle des rĂ©gions. Des terroirs tĂ©moins ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s, essentiellement dans des pays du Sud, associĂ©s Ă  une communautĂ© humaine avec son histoire, ses savoir-faire et ses connaissances. Face aux difficultĂ©s liĂ©es Ă  la pĂ©riode de soudure et la pauvretĂ©, l’agroĂ©cologie peut constituer une rĂ©ponse. Le travail sur sa terre, avec des productions alimentaires vivriĂšres, augmente fiertĂ© et reconnaissance pour les paysans. C’est ainsi que rĂ©habiliter les produits du terroir peut permettre Ă  des hommes et Ă  des femmes de retrouver le lien au sol et Ă  l’histoire. Il y a autour du concept de terroir tout un champ d’activitĂ©s qui doit ĂȘtre conduit par des Ă©quipes pluridisciplinaires composĂ©es de chercheurs, agronomes, cuisiniers, etc. Il faut montrer aux paysans qu’il leur est possible de nourrir leur famille et la population urbaine.

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SYNTHÈSE

« COMMENT LES VILLES SE NOURRISSENT-ELLES ? » Marc de FerriĂšre le Vayer, UniversitĂ© François Rabelais, Tours, AndrĂ© Torre, INRA, Serge Bonnefoy, Terres en ville Rapporteurs : Yoann Durrieu, Etienne Le Bideau et Simon Ronceray Montpellier SupAgro

Une ville est une agglomĂ©ration d’un certain nombre d’habitants qui ont des activitĂ©s diverses et dont certaines ne sont pas liĂ©es Ă  l’agriculture. Quel systĂšme permet Ă  l’alimentation d’arriver jusque dans la ville ? Pour obtenir une rĂ©ponse complĂšte, il paraĂźt important de commencer par un rappel historique de l’approvisionnement alimentaire. Marc de FerriĂšre, directeur de la chaire UNESCO « Sauvegarde et valorisation des patrimoines culturels alimentaires », rappelle qu’il y eut trĂšs tĂŽt, dĂ©jĂ  en Gaule, l’obligation d’approvisionner des villes qui comptaient plusieurs milliers d’habitants, donc de mettre en place des systĂšmes de conservation, de distribution et surtout de stockage. L’histoire de France peut ĂȘtre contĂ©e comme une succession d’émeutes de la faim, comme la RĂ©volution française qui a dĂ©marrĂ© Ă  la suite de problĂšmes de rĂ©coltes et de gestion des denrĂ©es alimentaires. Il faut donc un approvisionnement durable en produits alimentaires de base. ParallĂšlement, une demande spĂ©cifique Ă©merge. Quand le consommateur a eu sa ration minimale en produits amylacĂ©s, il demande autre chose. Un deuxiĂšme cycle d’approvisionnement doit alors ĂȘtre assurĂ© pour des produits diversifiĂ©s, plus haut de gamme, d’oĂč la crĂ©ation de la ceinture maraĂźchĂšre autour de Paris (ex. : pĂȘches de Montreuil). Face Ă  cette demande du consommateur, l’agriculture s’adapte. Dans un premier temps, s’établit une agriculture de proximitĂ©, car les gens n’ont pas le choix (aucun lien avec le dĂ©veloppement durable). DĂšs lors que des alternatives apparaissent, un changement a lieu. Avec l’arrivĂ©e du train, la ceinture fruitiĂšre et lĂ©gumiĂšre disparaĂźt, car les livraisons de produits plus lointains s’effectuent dans de bonnes conditions. Les compagnies ferroviaires font basculer l’agriculture : elles organisent des colloques ou crĂ©ent des Ă©coles pour inciter les agriculteurs Ă  changer de production et pouvoir les vendre Ă  Paris (ex. : les pommes de terres primeurs). 17


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Cela profite aux compagnies qui remplissent ainsi leurs wagons et aux agriculteurs qui vendent des produits Ă  haute valeur ajoutĂ©e. Les rĂ©gions d’élevage vont pouvoir dĂ©velopper leurs activitĂ©s, comme la Sologne en pisciculture via la mise au point de wagons aquariums, ou le transport de lĂ©gumes depuis la Bretagne. Les produits sont frais et variĂ©s, une vraie diversitĂ© alimentaire est proposĂ©e, dans un contexte français d’urbanisation lente. Il existe alors une double logique : assurer le ravitaillement de base et le ravitaillement plus diversifiĂ©. Le systĂšme diversifiĂ© permet de limiter les stocks et donc la spĂ©culation par un apport rĂ©gulier de denrĂ©es. Par contre, en cas de mauvaise rĂ©colte pour le systĂšme de base, la spĂ©culation commence, et peut Ă  l’extrĂȘme se traduire par une famine. Les logiques s’opposent et c’est lĂ  le rĂŽle des politiques : empĂȘcher spĂ©culations et distorsions via un lissage du ravitaillement, quitte Ă  intervenir brutalement sur le marchĂ©. Plus tard seulement se poseront les questions de qualitĂ©. Il y a cent ans, on mangeait beaucoup moins bien et demeuraient des problĂšmes de sĂ©curitĂ© alimentaire. La trop forte teneur en sel dans les aliments consommĂ©s (seul moyen de conservation) est une des principales causes de mortalitĂ© jusqu’au XIXe siĂšcle. Le taux de mortalitĂ© liĂ© Ă  l’alimentation Ă©tait plus Ă©levĂ©, mais pour des raisons diffĂ©rentes. Il faut aujourd’hui penser Ă  la façon de re-rĂ©flĂ©chir les approvisionnements urbains, en exploitant au mieux par exemple les circuits courts. C’est en regardant les blocages du passĂ© qu’il est possible d’éviter la reproduction des erreurs. C’est lĂ  une des utilitĂ©s de l’histoire. Mais oĂč en est la situation parisienne aujourd’hui ? Quelles sont les sources, les flux et les limites de l’alimentation de la mĂ©tropole ? AndrĂ© Torre, Ă©conomiste, rappelle que l’Île-de-France est la premiĂšre rĂ©gion industrielle de France. Avec 12 millions d’habitants, elle reprĂ©sente 19 % de la population nationale pour seulement 2,2 % du territoire, 50 % de sa surface est dĂ©diĂ©e Ă  l’agriculture. À cause d’une artificialisation trĂšs forte et en croissance, rĂ©alisĂ©e avant tout aux dĂ©pends des espaces cultivĂ©s ou en herbe, la surface agricole utile de l’Ile-de-France a diminuĂ© de 2,4 % entre 2000 et 2010. Ce problĂšme touche particuliĂšrement la rĂ©gion, caractĂ©risĂ©e par une concentration d’administrations et d’institutions, avec une croissance dĂ©mographique forte. Bien que l’Île-de-France soit une grande rĂ©gion agricole et alimentaire, principal centre français de consommation alimentaire, le poids Ă©conomique de l’alimentation (10 % du PIB rĂ©gional) demeure plus faible que pour le reste de la France. La rĂ©gion importe davantage qu’elle n’exporte. On peut penser Ă  une sous-exploitation du potentiel de production locale : le maraichage, l’arboriculture et l’horticulture reprĂ©sentent seulement 1 % de la SAU mais 15 % du produit brut standard, et le bio reste loin des objectifs fixĂ©s par le Grenelle de l’environnement. La grande distribution est en tĂȘte 18


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des circuits de distribution, suivi de 700 marchĂ©s en plein air. Les circuits courts sont utilisĂ©s par 15 % des exploitations pour la vente de leur production. MalgrĂ© ce potentiel agricole sous-exploitĂ© et cette production assez peu variĂ©e, la proximitĂ© du marchĂ© d’intĂ©rĂȘt national de Rungis profite aux producteurs locaux. Il faut donc aujourd’hui dĂ©velopper le potentiel rĂ©gional. La production alimentaire d’Île-de-France ne peut suffire Ă  nourrir tous les Franciliens, ni en quantitĂ© ni en diversitĂ© des produits. La relocalisation du systĂšme Ă  proximitĂ© de Paris offre de multiples avantages : traçabilitĂ© des produits, diversification des paysages, multifonctionnalitĂ© du territoire, savoir-faire, variĂ©tĂ©s locales et emplois locaux. Un des blocages rĂ©side dans la diminution de la part des sols agricoles en France due Ă  leur utilisation pour les espaces artificialisĂ©s. Cette rĂ©partition des sols provoque des conflits d’usage du foncier agricole. La lutte a lieu d’un cĂŽtĂ© contre l’extension de la ville et la disparition du foncier agricole (49 % du contentieux), de l’autre contre la protection des terres agricoles (34 % du contentieux), idĂ©e parfois dĂ©fendue par des agriculteurs qui veulent pouvoir vendre leurs terres en terrains constructibles. L’espace pĂ©riurbain est caractĂ©risĂ© par l’interpĂ©nĂ©tration des dimensions rurales et urbaines, et le soutien ambigu Ă  la prĂ©servation des terres agricole, surtout pour prĂ©server les paysages et l’environnement. Avec la montĂ©e de ce modĂšle, en Île-de-France comme ailleurs, l’essor d’une identitĂ© territoriale originale s’oppose au modĂšle de densification des villes. Qu’en est-il alors des dynamiques des agricultures urbaines et pĂ©riurbaines ? Membre du rĂ©seau des agriculteurs français locaux, Serge Bonnefoy lĂšve l’ambiguĂŻtĂ© sur les termes. Distinguer l’agriculture urbaine et pĂ©riurbaine est possible, en ce point que l’une (urbaine) est spĂ©cialisĂ©e et l’autre est Ă  tendance surtout cĂ©rĂ©aliĂšre en France. Mais il est aujourd’hui encore difficile d’établir des liens entre le code de l’urbanisme et le code rural, il en va de mĂȘme pour les liens entre État et collectivitĂ©s. Les gouvernances entre ces collectivitĂ©s, les professions et les sociĂ©tĂ©s civiles font partie des enjeux forts du pĂ©riurbain, au mĂȘme titre que les besoins de territorialisation de la politique agricole et la transition des villes. Aussi, l’agriculture doit ĂȘtre reconnue comme droit commun. Il existe diffĂ©rents grands types de politiques agricoles pĂ©riurbaines basĂ©es sur diffĂ©rents axes tels que le foncier, les filiĂšres territorialisĂ©es, la campagne urbaine. Il existe six principaux domaines d’action, Ă  savoir : â€șâ€ș les relations agriculteurs/citadins ; â€șâ€ș l’agri-environnement ; â€șâ€ș la mise en valeur des espaces ; â€șâ€ș l’organisation du territoire ; â€șâ€ș le dĂ©veloppement des circuits de proximité ; â€șâ€ș l’économie agricole et forestiĂšre. 19


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Dans ce contexte, la coopĂ©ration entre les diffĂ©rents acteurs, avec pour arĂšne commune l’enjeu alimentaire, est nĂ©cessaire : ce nouvel ensemble est appelĂ© gouvernance alimentaire. Les systĂšmes alimentaires territoriaux requiĂšrent la mise en place de relations efficaces entre production agricole, santĂ©, accĂšs social et culture. Or, trop souvent, les diffĂ©rents acteurs (communes, intercommunalitĂ©s, associations, monde agricole, acteurs privĂ©s) communiquent trĂšs mal entre eux. Leur mode d’action se doit d’ĂȘtre cadrĂ© par l’Union europĂ©enne et l’État, et le principe de gouvernance alimentaire doit s’y inclure. Il est dĂ©jĂ  prĂ©sent dans certaines actions plus ou moins innovantes comme l’engagement de certains acteurs en faveur d’un approvisionnement local de la restauration collective, du food planning, de la relocalisation des productions pour l’alimentation des villes et des nouvelles formes agraires de la ville en transition. Des plans d’approvisionnement et de consommation locale voient le jour avec la mise en place de politiques alimentaires (Rururbal Ă  Grenoble).

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SYNTHÈSE

« VERS DE NOUVELLES FORMES D’INTERMÉDIATION ENTRE PRODUCTEURS ET CONSOMMATEURS ? » Yuna Chiffoleau, Institut national de la recherche agronomique, Agathe Vassy, Fondation Nicolas Hulot, Christian Amblard, ComitĂ© Ă©conomique du pruneau d’Agen Rapporteurs : Yoann Durrieu, Etienne Le Bideau et Simon Ronceray Montpellier SupAgro

Les circuits courts sont de plus en plus prĂ©sents dans le systĂšme alimentaire français. Ils sont une forme de lien entre les producteurs et les consommateurs qui partagent les mĂȘmes valeurs comme la qualitĂ© du produit issue d’une agriculture de proximitĂ©. Cependant, la mĂ©diatisation faite autour des circuits courts et leur variabilitĂ© propre mĂšnent Ă  l’exclusion de certaines classes socioĂ©conomiques. L’image de certains circuits courts ne convient pas aux valeurs et envies de tous les consommateurs. Les travaux de Yuna Chiffoleau, sociologue Ă  l’INRA, l’ont amenĂ©e Ă  se poser les questions suivantes : les circuits courts sont ils des vecteurs de proximitĂ© ? Sont-ils de bons outils de dĂ©veloppement durable ? Les circuits courts collectifs peuvent permettre d’intĂ©grer, Ă  travers le partage de techniques et de compĂ©tences, des profils de producteurs auparavant marginalisĂ©s. Ils constituent ainsi la base d’une agriculture durable. Des alliances entre producteurs et acteurs Ă©conomiques sont un atout pour le maintien de petites structures locales. Par exemple, les Ă©levages de races locales peuvent ĂȘtre valorisĂ©s par des abattoirs locaux. Cela permet aux petits ateliers de transformation de rester prĂ©sents sur le marchĂ© malgrĂ© le monopole de certains agro-industriels, y compris pour valoriser des produits de consommation courante « mais d’ici » et pas seulement des produits de type AOP. Il existe cependant des points de vigilance tels que la tension sur la valeur ajoutĂ©e Ă©conomique des produits vendus en circuits courts, la concurrence entre « vrais » et « faux » circuits courts, et des difficultĂ©s liĂ©es Ă  la perte de savoir-faire. De plus, il n’y a pas de 21


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notion de qualitĂ© dans le concept de circuit court, ce qui pose problĂšme car de nombreux consommateurs associent les circuits courts au bio. Il y a un manque de lĂ©gislation Ă  ce sujet du fait d’un dĂ©saccord entre les acteurs concernĂ©s. Il faut aussi noter l’implication des collectivitĂ©s territoriales dans la crĂ©ation de circuits de proximitĂ© au niveau local par la mise en place de plates-formes pour prĂ©server l’emploi, l’environnement et la qualitĂ© des produits. Toutefois, certaines reproduisent le fonctionnement des circuits longs alors que la mise en place d’une « gouvernance alimentaire territoriale » invite Ă  la gestion du lien agriculturealimentation par tous les acteurs. Ce schĂ©ma coopĂ©ratif permet Ă  la fois de favoriser la proximitĂ© sociale et le partage de la dĂ©cision et du contrĂŽle au sein des circuits courts et de structurer la complĂ©mentaritĂ© avec les filiĂšres longues. La durabilitĂ© d’une filiĂšre courte n’est pas la mĂȘme suivant le territoire oĂč elle se met en place. Il faut nuancer les effets obtenus qui ne sont pas toujours bĂ©nĂ©fiques Ă  tous les niveaux de la filiĂšre, ni pour tous les acteurs. Ainsi de nouvelles actions sont menĂ©es pour mieux valoriser et intĂ©grer les filiĂšres courtes dans le systĂšme alimentaire : en Languedoc-Roussillon un essai est en cours pour les marchĂ©s de plein vent. Cet essai consiste Ă  Ă©tiqueter les produits avec diffĂ©rentes couleurs selon qu’ils proviennent du producteur-exposant, d’un autre producteur de la rĂ©gion, ou de filiĂšres longues. Le but est d’informer clairement le consommateur sur la provenance des produits proposĂ©s sur les marchĂ©s pour l’aider Ă  faire des choix. La restauration collective reprĂ©sente un dĂ©bouchĂ© intĂ©ressant pour les filiĂšres courtes. La Fondation Nicolas Hulot Ɠuvre pour le changement des comportements alimentaires et la rĂ©orientation des offres de production. Pour aboutir Ă  une restauration collective responsable, la Fondation Nicolas Hulot a deux objectifs prĂ©sentĂ©s par Agathe Vassy, reprĂ©sentante de la Fondation. Le premier vise Ă  favoriser la mise en place de nouveaux systĂšmes agricoles intĂ©grĂ©s aux territoires en rĂ©pondant aux enjeux environnementaux, sociaux, Ă©conomiques et culturels. Le second dĂ©veloppe l’aspect de relocalisation de la production et de la distribution au sein d’un territoire privilĂ©giant la consommation de produits locaux de qualitĂ©. La restauration collective a plusieurs atouts comme levier de changement des comportements alimentaires : elle touche un public nombreux et divers qui peut ĂȘtre sensibilisĂ© au goĂ»t de l’aliment et Ă  sa qualitĂ© environnementale. Elle permet le regroupement de nombreux acteurs autour d’une dĂ©marche de progrĂšs et de changement Ă  l’interface entre alimentation et agriculture sur un territoire. Ces dynamiques sont dĂ©jĂ  Ă  l’Ɠuvre depuis le Grenelle de l’environnement de 2007 qui a menĂ© Ă  des engagements en termes d’alimentation responsable. Proposer 20 % de produits bio ou Ă  faibles impacts environnementaux dans les restaurants collectifs de l’État d’ici 2012 en est un. Le plan national d’alimentation soutenant les circuits courts, ainsi que les plans rĂ©gionaux de 22


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l’alimentation sont d’autres impulsions intĂ©ressantes. Pourtant, les porteurs de projets sur le terrain rencontrent un certain nombre de blocages. Certains projets peinent Ă  aboutir et aucune procĂ©dure de suivi n’a Ă©tĂ© mise en place concernant l’introduction des produits Ă  faibles impacts environnementaux. Les rĂ©sultats ont besoin d’ĂȘtre chiffrĂ© et comparĂ© aux objectifs initiaux. Plus concrĂštement, la Fondation Nicolas Hulot a proposĂ© en 2011 en partenariat avec le CCC-France des « journĂ©es rĂ©gionales de la restauration collective responsable » qui regroupĂšrent producteurs, transformateurs, distributeurs, acheteurs, cuisiniers, Ă©lus, convives, associations et structures d’accompagnement. Ces rencontres ont permis d’instaurer un dialogue entre les acteurs et de lancer des dynamiques collectives de mise en place d’approvisionnements responsables. Pour cela, la Fondation a utilisĂ© un format de rencontre innovant : le World CafĂ©, grĂące auquel les diffĂ©rents acteurs ont rĂ©flĂ©chi ensemble et proposĂ© des solutions concrĂštes, le tout dans une ambiance conviviale et ludique. Les synthĂšses rĂ©gionales et nationales de ces rencontres ont permis de tirer un bilan national et de porter plusieurs centaines de propositions partagĂ©es auprĂšs des pouvoirs publics. Un site Internet regroupe toutes les informations et idĂ©es issues de ces dĂ©bats participant au travail de mutualisation et d’échange. Les circuits courts ont souvent une image de qualitĂ© pour le consommateur. Cependant, seuls les labels de qualitĂ©, tels que les IGP, sont garants d’une qualitĂ© supĂ©rieure du produit. Selon Christian Amblard, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du syndicat du pruneau d’Agen, la rĂ©glementation internationale est en retard au niveau des signes de qualitĂ©. En tant que spĂ©cialiste de la filiĂšre pruneau en France, il travaille avec le rĂ©seau mondial OriGIn qui lutte contre la banalisation des produits alimentaires par le maintien et la reconnaissance des signes de qualitĂ©. Ce rĂ©seau rassemble 350 groupes de producteurs dans quarante pays. Le pruneau est un produit de diversification qui est trĂšs sensible aux alĂ©as climatiques. Il se cultive dans le sud-ouest de la France sur une zone territoriale restreinte ce qui a menĂ© Ă  la crĂ©ation du label qualitĂ© « pruneau d’Agen ». La filiĂšre s’organise autour de producteurs et de transformateurs organisĂ©s pour la plupart en coopĂ©ratives, le tout liĂ© par l’interprofession chargĂ© de rĂ©aliser des actions d’intĂ©rĂȘt commun : recherche et expĂ©rimentation technique, communication nutritionnelle et promotion du produit. La France reprĂ©sente 15 % de la production mondiale et n’exporte que 30 % de sa production Ă  l’inverse du Chili qui en exporte la quasi-totalitĂ©. Les nouveaux arrivants sur le marchĂ© profitent du flou juridique pour s’approprier l’image de qualitĂ© du pruneau d’Agen tout en ayant des coĂ»ts de production trois Ă  cinq fois infĂ©rieurs. C’est pourquoi le syndicat du pruneau d’Agen se bat pour conserver ce label spĂ©cifique au territoire et ainsi protĂ©ger la filiĂšre et les emplois qui en dĂ©pendent. Le label devient un outil de protection pour l’économie d’une rĂ©gion mais aussi un repĂšre simple pour les consommateurs. 23


SYNTHÈSE

« NOURRIR LES VILLES ET DROIT À L’ALIMENTATION » Olivier De Schutter, Rapporteur spĂ©cial des Nations unies pour le droit Ă  l’alimentation Rapporteurs : Marie Verrot, CĂ©line Juteau, Camille Demange, Pauline Charazac et Anne Colombari Projet collectif « Nourrir les villes, dĂ©velopper les campagnes » Sciences-Po Paris

Depuis quelques dĂ©cennies, les gouvernements ont focalisĂ© leur attention sur les cultures d’exportation, ont favorisĂ© les cultures intensives destinĂ©es Ă  produire des volumes colossaux et ont sous-estimĂ© l’importance de l’agriculture familiale. Olivier De Schutter, rapporteur spĂ©cial des Nations unies pour le droit Ă  l’alimentation, nous explique qu’il est aujourd’hui primordial de reconstituer des systĂšmes agroalimentaires locaux. Cinq problĂšmes majeurs justifient une transition vers une rĂ©invention ou une restructuration des systĂšmes agroalimentaires. Tout d’abord, les pays les moins avancĂ©s ont crĂ©Ă© des dĂ©pendances de plus en plus fortes Ă  l’égard des marchĂ©s pour s’alimenter, multipliant leur facture alimentaire par cinq ou six entre 1992 et 2008. Or, les futurs chocs climatiques et l’instabilitĂ© des marchĂ©s rendent pĂ©rilleuse cette dĂ©pendance Ă  l’égard des importations. DeuxiĂšmement, sur un plan nutritif, les populations pauvres ont des rĂ©gimes alimentaires moins diversifiĂ©s et de moindre qualitĂ© alors que pour les classes moyennes Ă©mergentes et riches, le fardeau de l’obĂ©sitĂ© Ă©merge. De plus, la concurrence Ă©crasante des cultures d’exportation sur la petite agriculture familiale s’intensifie, ce qui justifie que des mesures soient prises. À cela s’ajoutent les problĂšmes logistiques auxquels il faudra faire face du fait d’une urbanisation croissante. Il est prĂ©vu que 65 % de la population mondiale vive dans les villes d’ici 2050. Cela pose deux problĂšmes : celui du chĂŽmage au sein de cette nouvelle main-d’Ɠuvre urbaine, et celui de la dĂ©population des campagnes. Il devient donc fondamental de soutenir les paysans afin de ralentir ce phĂ©nomĂšne de migration. Il est possible de crĂ©er des emplois en favorisant des filiĂšres agroalimentaires Ă  l’échelle locale et en stabilisant les emplois dans 24


ACTES DU COLLOQUE « NOURRIR LES VILLES... ET DÉVELOPPER LES CAMPAGNES : POUR UNE ALIMENTATION DURABLE ET RESPONSABLE. »

les zones rurales. Enfin, il existe un problĂšme de co-gestion dans la circulation et l’approvisionnement des villes, c’est-Ă -dire un problĂšme d’amĂ©nagement du territoire. Aujourd’hui, beaucoup de familles pauvres se trouvent dans des dĂ©serts alimentaires dans lesquels il existe des barriĂšres physiques ou financiĂšres empĂȘchant l’accĂšs d’une partie de la population Ă  des supermarchĂ©s ou d’autres sources d’approvisionnement alimentaires. Pour les familles pauvres, le transport reprĂ©sente un coĂ»t supplĂ©mentaire non nĂ©gligeable. De ce fait, elles n’ont pas toujours les moyens de s’alimenter en raison des distances gĂ©ographiques. En rĂ©ponse Ă  ce diagnostic existent des solutions telles que le dĂ©veloppement des infrastructures de transport, des marchĂ©s fermiers, ou des programmes d’achats publics favorisant les producteurs locaux. Au BrĂ©sil par exemple, un programme national d’alimentation scolaire fut lancĂ© en 2009 permettant Ă  30 % de la nourriture scolaire de provenir de l’agriculture familiale. La demande de plus en plus forte des citoyens dĂ©sireux de se rĂ©approprier le systĂšme agroalimentaire dont ils dĂ©pendent tĂ©moigne aussi d’une exigence de dĂ©mocratisation de ces systĂšmes. Certains pays adoptent des lĂ©gislations afin de mettre en place des arĂšnes de consultations instaurant un dialogue permanent entre organisations paysannes, sociĂ©tĂ© civile et gouvernement. Au BrĂ©sil, le Conseil national de la sĂ©curitĂ© alimentaire (CONSEA) est un conseil regroupant sociĂ©tĂ© civile et dĂ©lĂ©guĂ©s des ministres afin d’influencer les dĂ©cisions ministĂ©rielles. Le « Food Security Change Lab » en Afrique du Sud rĂ©unit les producteurs, consommateurs, grands distributeurs et l’État pour Ă©voquer la question de la durabilitĂ© du systĂšme agroalimentaire. Enfin, le ComitĂ© de la sĂ©curitĂ© alimentaire mondial, rĂ©formĂ© Ă  Rome fin 2009, rĂ©unit toutes les parties prenantes des politiques agricoles et alimentaires pour identifier des solutions. La dĂ©mocratisation des systĂšmes agroalimentaires apparait comme une source fascinante de solutions.

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SYNTHÈSE

« PEUT-ON NOURRIR DURABLEMENT LES VILLES AU NORD ET AU SUD ? » Gilles Billen, Centre national de la recherche scientifique, JeanBaptiste Cavalier, ComitĂ© français pour la solidaritĂ© internationale, Renato Maluf, UniversitĂ© fĂ©dĂ©rale rurale de Rio de Janeiro Rapporteurs : Marie Verrot, CĂ©line Juteau, Camille Demange, Pauline Charazac et Anne Colombari Projet collectif « Nourrir les villes, dĂ©velopper les campagnes » Sciences-Po Paris

Selon Gilles Billen, la relation entre la ville et son hinterland nourricier, c’est-Ă dire son territoire d’approvisionnement, est complexe et Ă©volue dans le temps. La ville influence la structure de l’hinterland en fonction de ses besoins alimentaires. À la fin du XVIIIe siĂšcle, le bassin de la Seine couvrait l’essentiel des besoins alimentaires de Paris. Au XIXe siĂšcle, Paris a multipliĂ© par dix sa demande alimentaire donnant lieu Ă  une transition des pratiques agricoles avec le remplacement des jachĂšres par une sole de lĂ©gumineuses fourragĂšres. Aujourd’hui, on observe une spĂ©cialisation extrĂȘme des territoires. Deux territoires distincts rĂ©pondent aux besoins alimentaires de Paris en plus des importations : le Bassin parisien se spĂ©cialise dans les grandes cultures cĂ©rĂ©aliĂšres, et le Grand Ouest et le Nord dans l’élevage, soutenu par des importations massives d’aliments pour bĂ©tail du BrĂ©sil et de l’Argentine. Cette nouvelle organisation du territoire et de l’approvisionnement des villes n’est pas sans consĂ©quence. L’industrialisation de l’agriculture et la production industrielle d’azote ont entrainĂ© la contamination nitrique des eaux souterraines et de surfaces rendant certaines sources d’eau impropres Ă  la consommation. Dans ce cadre, quels sont les leviers sur lesquels agir pour rendre Ă  nouveau compatibles les deux fonctions du territoire rural : nourrir les habitants tout en produisant une eau potable de qualitĂ© ? Tout d’abord, il faut relocaliser l’approvisionnement alimentaire. Cela implique que le bassin parisien doit rĂ©introduire l’élevage et produire localement le fourrage. En recrĂ©ant une alliance entre cultures cĂ©rĂ©aliĂšres et Ă©levage, la rĂ©gion diminue aussi sa dĂ©pendance aux importations. De plus, 26


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il faut gĂ©nĂ©raliser une agriculture moins gourmande en intrants, utiliser des lĂ©gumineuses pour la fixation d’azote et les dĂ©jections animales pour fertiliser les terres. RĂ©duire notre consommation de viande reprĂ©sente aussi un intĂ©rĂȘt pour la santĂ© publique. Les bilans montrent que dans un tel scĂ©nario, le bassin parisien serait en mesure de nourrir sa population, de produire une eau de bonne qualitĂ© et mĂȘme d’exporter une production excĂ©dentaire de cĂ©rĂ©ales. Dans un contexte de dĂ©veloppement au Sud, le travail entamĂ© en 2009 par le ComitĂ© français pour la solidaritĂ© internationale (CFSI) et la Fondation de France cherche Ă  appuyer les agricultures familiales pour relever un triple dĂ©fi : rĂ©duire la sous-alimentation, assurer aux paysans un revenu digne, et gĂ©rer durablement les ressources naturelles. Le programme, prĂ©sentĂ© par JeanBaptiste Cavalier, a soutenu une centaine de projets avec pour objectif de partager les pratiques et de dĂ©montrer que les agricultures familiales ouestafricaines sont en mesure de nourrir les villes. Face Ă  une croissance urbaine trĂšs importante et au dĂ©peuplement des campagnes, deux solutions sont possibles : recourir aux importations, ce qui s’avĂšre souvent risquĂ© comme l’ont montrĂ© les Ă©meutes de la faim en 2008, ou produire localement. La vente sur les marchĂ©s locaux est d’ailleurs aujourd’hui le principal dĂ©bouchĂ© des agricultures ouest-africaines. On observe un changement des mentalitĂ©s. D’un cĂŽtĂ©, les agriculteurs sont en train d’évoluer dans leurs pratiques, de l’autre, la demande est de plus en plus exigeante en matiĂšre de qualitĂ©. Un processus de capitalisation a Ă©tĂ© initiĂ© avec pour objectif d’étudier une cinquantaine d’initiatives innovantes et de co-construire avec les acteurs de terrain un plaidoyer en faveur de l’agriculture familiale. Cinq domaines d’études ont Ă©tĂ© identifiĂ©s. Un premier domaine est l’influence qu’exercent la gestion des stocks et la conservation sur la production et le marchĂ©. Une bonne gestion des stocks peut ĂȘtre un outil de rĂ©sistance contre les crises, ainsi qu’un outil de rĂ©gulation des prix. Cela pose cependant la question de la limitation des risques de spĂ©culation, de la transparence de la gestion des stocks et d’un possible systĂšme de crĂ©dit-stockage. DeuxiĂšmement, la transformation et le conditionnement des produits peuvent offrir de nouvelles opportunitĂ©s en crĂ©ant de nouveaux dĂ©bouchĂ©s ; ce sont par ailleurs des secteurs crĂ©ateurs d’emploi. Mais certaines contraintes techniques subsistent telles que l’absence de matĂ©riel pour transformer, de matĂ©riaux d’emballages ou le non-respect des rĂšgles sanitaires. TroisiĂšmement, les dĂ©marches de qualitĂ© pourraient permettre des dĂ©bouchĂ©s plus rĂ©munĂ©rateurs. Cela suggĂšre une rĂ©flexion sur la dĂ©finition et la mesure de la « qualitĂ© ». Un autre domaine d’études identifiĂ© est celui des marchĂ©s de niche, oĂč la question centrale est celle du changement d’échelle : pour toucher l’ensemble des consommateurs, doit-on passer par une « massification » de ces marchĂ©s ou bien par une multiplication des niches ? Enfin, la derniĂšre piste 27


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de rĂ©flexion porte sur la concertation entre acteurs et la crĂ©ation d’alliances. Ces mĂ©canismes peuvent ĂȘtre facteur de dĂ©veloppement, mais ils peuvent aussi se heurter Ă  un manque d’objectifs partagĂ©s et ĂȘtre entravĂ©s par des conflits d’intĂ©rĂȘts. Renato Maluf expose ensuite l’expĂ©rience des cantines scolaires au BrĂ©sil qui tĂ©moigne de la faisabilitĂ© d’une coordination nationale afin d’ancrer de nouvelles habitudes alimentaires dans les Ă©coles. Le Programme national de repas scolaire (PNAE), initiĂ© dans les annĂ©es 1950, joue un rĂŽle important pour garantir l’accĂšs aux aliments des enfants pauvres. Le financement du programme provient d’un fonds budgĂ©taire fĂ©dĂ©ral, et d’une participation des provinces et des municipalitĂ©s. Le programme a permis la dĂ©centralisation des achats des aliments vers les municipalitĂ©s. Au moins 30 % des aliments doivent ĂȘtre fournis par des agriculteurs familiaux locaux. Depuis 2009, une nouvelle loi d’orientation stipule que les repas scolaires sont un droit des enfants. Le programme est nĂ© d’une gestion nationale coordonnant les diffĂ©rents intĂ©rĂȘts et perspectives sectorielles et d’une gestion locale avec la sensibilisation du personnel, l’acceptation des Ă©coles et des politiques. Il permet aujourd’hui la distribution de 46 millions de repas gratuits par jour dans les Ă©coles publiques brĂ©siliennes.

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SYNTHÈSE

« AGIR POUR UNE ALIMENTATION DURABLE ET RESPONSABLE » Henri RouillĂ© d’Orfeuil, AcadĂ©mie d’Agriculture de France Rapporteurs : Marie Verrot, CĂ©line Juteau, Camille Demange, Pauline Charazac et Anne Colombari Projet collectif « Nourrir les villes, dĂ©velopper les campagnes » Sciences Po Paris

Le systĂšme alimentaire mondial dĂ©crit, critiquĂ© et analysĂ© lors des prĂ©cĂ©dentes tables rondes produit des externalitĂ©s sociales et environnementales nĂ©gatives. Les acteurs prĂ©sents autour de cette table ronde dĂ©veloppent des actions de promotion d’une alimentation durable et responsable qui illustrent des Ă©volutions souhaitable de la production agroalimentaire et prĂ©figurent le systĂšme alimentaire territorialisĂ©, durable et responsable que ce colloque cherche Ă  cerner. Ces acteurs sont crĂ©ateurs d’innovations et mĂšnent des projets Ă  externalitĂ© positive. L’agriculture reprĂ©sente aujourd’hui 40 % de l’emploi mondial et plus de 50 % si on rajoute les activitĂ©s amont et aval des filiĂšres agroalimentaires. Elle compte pour 70 % de la consommation des eaux douces et reprĂ©sente aussi 20 % du CO2 Ă©mis. L’agriculture impacte fortement l’environnement et le marchĂ© du travail, mais ces impacts ne sont pas pris en compte dans les prix des aliments ni dans les choix des consommateurs. Il convient nĂ©anmoins de prendre en compte les externalitĂ©s sociales et environnementales de la production des aliments et veiller Ă  ce qu’elles deviennent positives. C’est ce que font de nombreux acteurs, notamment ceux qui vont prĂ©senter leurs actions au cours de cette derniĂšre table ronde. Guilhem Soutou, chargĂ© de mission alimentation durable, Fondation Daniel et Nina Carasso : « penser global et agir local » La Fondation Daniel et Nina Carasso (FDNC) a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e dĂ©but 2010, sous l’égide de la Fondation de France, en mĂ©moire de Daniel Carasso, fondateur de Danone en France et aux États-Unis, et de son Ă©pouse Nina. Cette jeune fondation familiale soutient des projets dans deux grands domaines : l’art et 29


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l’alimentation durable. Le choix de la thĂ©matique de l’alimentation durable s’explique d’une part par l’histoire et la sensibilitĂ© de la famille Carasso mais aussi par une prise de conscience de la complexitĂ© et de l’ampleur des problĂ©matiques liĂ©es Ă  l’alimentation humaine, Ă©voquĂ©es aujourd’hui. La FDNC concentre essentiellement son action sur la France et l’Espagne, et se projette Ă©galement vers les pays du Sud. La FDNC s’appuie sur une vision systĂ©mique de l’alimentation, qui rassemble une multitude d’acteurs interdĂ©pendants. La comprĂ©hension de ces systĂšmes alimentaires par la combinaison de disciplines aussi variĂ©es que l’agronomie, l’économie et la sociologie constitue un enjeu essentiel pour identifier des solutions globales et assurer la durabilitĂ© et la qualitĂ© de l’alimentation humaine. Cette complexitĂ© amĂšne la FDNC Ă  soutenir des projets de recherche comme la chaire UNESCO Alimentations du monde ou Ă  encourager la recherche multidisciplinaire Ă  travers le prix international Premio Daniel Carasso. La FDNC a Ă©galement pour objectif de contribuer Ă  l’émergence d’acteurs de terrain innovants, porteurs de solutions d’avenir, adaptĂ©es et rĂ©plicables. Elle soutient ainsi des projets pilotes voire avant-gardistes, assumant un risque d’échec, pour identifier des solutions porteuses. À titre d’exemple, la FDNC lance dĂ©but 2013 en partenariat avec la Fondation de France un appel Ă  projet sur l’agriculture, les Ă©cosystĂšmes et l’alimentation. Par cette combinaison d’approches, la Fondation Daniel et Nina Carasso souhaite contribuer Ă  l’identification de solutions globales et Ă  la mise en place de solutions concrĂštes, locales. JĂ©rĂŽme Kohn, directeur du Cervia (Centre rĂ©gional de valorisation et d’innovation agricole et alimentaire de Paris-Île-de-France) Le Cervia est un organisme associĂ© de la rĂ©gion Île-de-France, crĂ©Ă© en 2007, pour fournir un service d’appui aux filiĂšres, services consulaires (chambres rĂ©gionales du commerce et de l’industrie, d’agriculture et des mĂ©tiers) et aux entreprises agroalimentaires. Il vise Ă  revaloriser le patrimoine alimentaire local notamment via la crĂ©ation d’une marque « Saveurs d’Île-de-France ». Cette dĂ©marche s’appuie sur trois constats : la surface francilienne est Ă  dominante agricole et forestiĂšre ; la population n’est pas consciente de ses richesses et la culture ou connaissance des filiĂšres et des produits rĂ©gionaux se perd. Or, en Île-de-France, on compte plusieurs dizaines de fromages emblĂ©matiques (bries de Melun et de Meaux, Coulommiers, etc.), mais aussi des productions d’aromates (moutarde de Meaux, safran du GĂątinais, etc.) et de fruits et lĂ©gumes (asperges d’Argenteuil, cerises de Montmorency, lĂ©gumes de pot-au-feu de la plaine d’Aubervilliers, etc.). Le Cervia a pour objectif la reconstruction des filiĂšres de production en dĂ©veloppant des dĂ©bouchĂ©s locaux et Ă  l’export pour les productions 30


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territoriales, en favorisant les rapports de proximitĂ© avec le consommateur et en mutualisant les compĂ©tences pour la valorisation des savoir faire et filiĂšres alimentaires. Il a notamment produit une collection d’ouvrages rappelant l’histoire de ces filiĂšres et de ces produits. Au-delĂ  des objectifs, les principaux critĂšres de valeur sont la valorisation du patrimoine rĂ©gional par la dĂ©monstration d’un ancrage fort des productions, des matiĂšres premiĂšres, de produits et de savoir faire emblĂ©matiques mais aussi la prĂ©servation de l’environnement, notamment par la gestion des dĂ©chets et la prĂ©servation des paysages, et enfin la dynamique Ă©conomique avec la capacitĂ© Ă  innover, la politique salariale et la capacitĂ© Ă  valoriser les compĂ©tences. Julien Labriet, FĂ©dĂ©ration nationale d’agriculture biologique (FNAB) La FĂ©dĂ©ration nationale d’agriculture biologique des rĂ©gions de France (FNAB) est un organisme professionnel Ă  vocation syndicale qui fĂ©dĂšre les groupements rĂ©gionaux d’agrobiologistes rĂ©partis sur l’ensemble du territoire français. Le rĂ©seau FNAB regroupe actuellement environ 10 000 paysans et 300 salariĂ©s sur l’ensemble du territoire français. Il est notamment engagĂ© dans une dynamique de relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation, qui concerne l’ensemble des territoires et pas uniquement les villes. La FNAB porte une rĂ©flexion sur la maniĂšre d’organiser la relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation dans le cadre d’une Ă©conomie sociale et solidaire. Pour cela elle collabore avec de nombreux acteurs de la recherche, de l’économie sociale et solidaire, ainsi qu’avec les rĂ©seaux de commerce Ă©quitable et solidaire et les grandes surfaces. Une recherche action portant sur les modes d’organisation des producteurs permettant d’accompagner le changement d’échelle de l’agriculture biologique dans un systĂšme alimentaire local, territorial Ă©quitable et solidaire est actuellement menĂ©e. Convaincue que la restauration collective est un levier important de dĂ©veloppement d’une agriculture respectueuse de l’environnement qui soit accessible Ă  tous, la FNAB accompagne les acteurs de la restauration collective depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000 (accompagnement des parties prenantes et structuration des filiĂšres). La FNAB porte depuis quelques annĂ©es un travail sur les circuits courts intĂ©grant une dimension sociale (accessibilitĂ© sociale et gĂ©ographique, partenariats avec l’IAE, etc.) pour valoriser les expĂ©riences existantes et appuyer les projets collectifs de producteurs souhaitant s’impliquer dans ce type de projet. MickaĂ«l Schneider, responsable projet, EcoScience Provence EcoScience Provence est une association Ă  caractĂšre scientifique agrĂ©Ă©e pour la conservation de l’environnement. L’association expĂ©rimente des 31


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changements dans les comportements de consommation des habitants d’un territoire rassemblant dix-sept communes (50 000 habitants). Son travail a dĂ©butĂ© en 2006 avec la suppression des sacs Ă  usage unique chez les commerçants. Cette premiĂšre action menĂ©e en concertation avec les acteurs du territoire a permis de dĂ©velopper le commerce engagĂ©, un programme visant Ă  promouvoir l’éco-responsabilitĂ© des commerçants. Le programme a pour objectif une consommation plus durable, avec le soutien de l’économie locale et la rĂ©duction des dĂ©chets. En 2009, une enquĂȘte menĂ©e par EcoScience Provence sur le territoire montre un grand manque de valorisation des producteurs locaux et une mĂ©connaissance totale entre commerçants et producteurs locaux. En rĂ©ponse Ă  cela, le commerce engagĂ© se dĂ©veloppe afin de valoriser le producteur, de l’impliquer dans la dĂ©marche et de rapprocher les commerçants et les producteurs. À ce jour, 80 commerces et producteurs sont engagĂ©s dans le projet. Le commerce engagĂ© est un systĂšme Ă©volutif avec une rĂ©vision rĂ©guliĂšre des cahiers des charges. Il s’agit non pas d’un label mais d’une dĂ©marche participative. Le souhait est d’essaimer la dĂ©marche en accompagnant les associations locales qui souhaitent se saisir du projet et le porter dans leur rĂ©gion. Ce projet d’essaimage est soutenu par la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme. Claire Martin-Gousset, ancienne administratrice du rĂ©seau Amap de France (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), crĂ©atrice d’une Amap Ă  Vanves L’Amap est basĂ©e sur deux Ă©lĂ©ments : la transparence et la solidaritĂ©. Il s’agit d’un contrat d’un an entre un groupe de citoyens et un paysan, garantissant tout d’abord un revenu pour le producteur. Un partage s’effectue sur le prix du panier en fonction de la rĂ©munĂ©ration du travail souhaitĂ©e et discutĂ©e entre les membres. Ce systĂšme d’économie sociale et solidaire repose sur un engagement fort des consommateurs : participation aux travaux de la ferme, Ă©ducation des enfants, connaissances de la saisonnalitĂ© des productions, etc. Il y a 240 groupes en Amap en Île-de-France mais aujourd’hui, l’augmentation de la demande des consommateurs fait face Ă  une pĂ©nurie de producteurs pouvant y rĂ©pondre. Le rĂ©seau des Amap de France travaille en lien avec l’association Terres de liens, qui tente d’apporter des solutions au principal problĂšme qui reste l’accĂšs Ă  la terre. Une couveuse nommĂ©e « Le champ des possibles », a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e pour permettre aux jeunes non issus du milieu agricole de s’installer en agriculture dans des filiĂšres en Amap. Deux fermes ont Ă©galement Ă©tĂ© rachetĂ©es en Île-de-France pour mettre en place des couveuses. Julie Stoll, dĂ©lĂ©guĂ©e gĂ©nĂ©rale de la Plate-forme pour le commerce Ă©quitable. Le label du commerce Ă©quitable est le plus connu des consommateurs 32


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dans l’Union europĂ©enne (avant le label bio). Par exemple, 50 % des bananes achetĂ©es en Suisse sont issues du commerce Ă©quitable. Le commerce Ă©quitable promeut des garanties sociales et environnementales sur les termes de l’échange. Il s’est dĂ©veloppĂ© sur des produits originaires des pays en dĂ©veloppement vendus dans les pays europĂ©ens. Le label s’applique aujourd’hui uniquement aux Ă©changes commerciaux Sud-Nord. La dĂ©marche commerce Ă©quitable procĂšde d’un mouvement de renforcement des agricultures familiales, mais des Ă©tudes d’impacts montrent des externalitĂ©s positives Ă  plusieurs niveaux (Ă©conomique, social, environnemental). Aujourd’hui, le travail se porte sur l’extension de cet outil sur d’autres zones avec des liens Sud-Sud et Nord-Nord. Maurizio Mariani, plateforme internationale Eating Cities, prĂ©sident de Risteco Eating Cities est une plateforme internationale de dialogue social crĂ©Ă©e en 2010, cofinancĂ©e par la Fondation pour le ProgrĂšs de l’Homme et gĂ©rĂ©e par Risteco. Elle dĂ©finit des propositions portĂ©es auprĂšs des dĂ©cideurs politiques. Elle entretient des liens forts avec l’AmĂ©rique du Nord et la Chine (AcadĂ©mie des sciences sociales de Beijing, Canton) oĂč une plateforme a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e pour favoriser l’échange d’expĂ©riences. L’objectif principal est d’aider les familles chinoises Ă  maintenir les cultures alimentaires chinoises car ces derniĂšres sont trĂšs saines. Par exemple, un problĂšme est l’introduction de la viande rouge en plus grande quantitĂ© dans le rĂ©gime alimentaire chinois. AprĂšs six ans de travail avec la Chine, pays trĂšs productiviste, on constate une Ă©volution : depuis 2010-2011, un retour s’opĂšre au marchĂ© interne, au dĂ©veloppement de filiĂšres durables, Ă  une agriculture raisonnĂ©e et Ă  donner une valeur au travail de l’homme. Actuellement, l’association se charge de la prĂ©paration de propositions pour l’Union europĂ©enne et exerce un lobbying quotidien. Elle mise sur les administrations locales avec une volontĂ© d’utiliser la restauration collective, qui concerne plus d’un citoyen sur cinq, comme un levier de changement. L’idĂ©e est de crĂ©er une nomenclature de la restauration collective afin d’avoir suffisamment d’informations (CA, nombre de repas, etc.). Marketa Braine-Supkova, International Urban Food Network (IUFN) IUFN est un rĂ©seau de recherche et de coopĂ©ration internationale sur la gouvernance alimentaire des rĂ©gions urbaines. Officiellement lancĂ© Ă  l’occasion du colloque international “Hungry city”, qui s’est tenu au Conseil rĂ©gional d’Île-de-France en novembre 2012, il a pour objectif de renforcer la coopĂ©ration entre les collectivitĂ©s territoriales et le monde de la recherche autour de la question alimentaire. 33


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L’initiative est nĂ©e d’un constat alarmant : la façon dont les villes se nourrissent Ă  l’heure actuelle n’est pas durable. Pourtant, l’alimentation n’est pas une prioritĂ© des politiques publiques locales. Les initiatives terrain existent pour rĂ©pondre Ă  ce dĂ©fi, mais elles restent pour l’instant trop Ă©parpillĂ©es et parfois mĂ©connues. Ainsi, IUFN dĂ©fend l’alimentation durable comme un axe pertinent pour la construction des territoires rĂ©silients et comme un pilier majeur et fĂ©dĂ©rateur des politiques publiques locales. Notre pĂ©rimĂštre d’action est international, couvrant les pays industrialisĂ©s et les BRICs (BrĂ©sil, Russie, Inde, Chine). La question de la gouvernance alimentaire est complexe. S’en saisir est un choix politique. Le changement d’échelle et l’accĂ©lĂ©ration dont nous avons besoin requiĂšrent une bonne percolation entre la dynamique des acteurs de terrain et celle des chercheurs. Favoriser et faciliter l’accĂšs des dĂ©cideurs publics aux connaissances scientifiques Ă  travers un Ă©change rĂ©gulier avec le monde de la recherche internationale est sans doute une partie de la solution.

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SYNTHÈSE

CONCLUSION Jean-Louis Rastoin, Chaire UNESCO Alimentations du monde Rapporteurs : Yoann Durrieu, Etienne Le Bideau et Simon Ronceray Montpellier SupAgro

À l’origine de toutes les grandes civilisations, il y a l’acte alimentaire dont la source est l’agriculture et le cadre la citĂ©. Comme l’a dit trĂšs justement Massimo Montanari : « L’histoire de l’alimentation embrasse celle de l’humanitĂ© tout entiĂšre ». On relĂšve dans la pĂ©riode contemporaine deux tendances lourdes et opposĂ©es : â€șâ€ș d’un cĂŽtĂ©, la croissance continue des villes qui fait que nous serons sur cette planĂšte deux tiers d’urbains au milieu de ce siĂšcle, avec une « mĂ©tropolisation » de villes diffuses et quelques dizaines de mĂ©galopoles ; â€șâ€ș de l’autre, le dĂ©clin de la population agricole qui pourrait ĂȘtre divisĂ©e par un facteur de 15 Ă  20 dans les quarante prochaines annĂ©es. Dans ce contexte de grands bouleversements, comment atteindre un objectif d’alimentation responsable et durable dans les villes ? Les diffĂ©rentes contributions Ă  ce colloque suggĂšrent d’agir Ă  la fois sur le volet urbain et rural. Aujourd’hui, il existe une vraie demande des villes pour : â€șâ€ș une politique fonciĂšre gĂ©rant les conflits d’usages entre habitat, services publics, infrastructures, entreprises industrielles et de service, et production agricole ; â€șâ€ș modifier le comportement du consommateur Ă  travers l’éducation, l’information gĂ©nĂ©rique objective, la publicité ; â€șâ€ș mettre en place une gouvernance alimentaire territoriale favorisant un approvisionnement local, les qualitĂ©s organoleptiques des produits, l’équitĂ©, l’environnement, et rĂ©pondant aux deux points prĂ©cĂ©dents. 35


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Une des clĂ©s d’évolution positive de l’offre rĂ©side dans le dĂ©veloppement de systĂšmes alimentaires territoriaux (SAT) responsables et durables en agissant sur trois volets : â€șâ€ș des filiĂšres productives crĂ©ant des emplois ; â€șâ€ș la mise en valeur patrimoniale du territoire (paysages et terroirs) ; â€șâ€ș l’éthique, par l’application du droit Ă  l’alimentation et la mise en place d’une sĂ©curitĂ© alimentaire et nutritionnelle. Ce contexte de changement gĂ©nĂšre un foisonnement d’initiatives dans le domaine de la recherche, comme sur le terrain. Il s’agit Ă  prĂ©sent de recenser ces initiatives, de les analyser et de les partager : c’est l’une des missions de la chaire UNESCO en Alimentations du monde de Montpellier SupAgro.

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ANNEXE

FICHES PROJETS D’ACTION EN ALIMENTATION DURABLE ET RESPONSABLE Fiches rĂ©alisĂ©es par Marie Verrot, CĂ©line Juteau, Camille Demange, Pauline Charazac et Anne Colombari, Ă©tudiantes Sciences-Po Paris, dans le cadre du projet collectif « Nourrir les villes, dĂ©velopper les campagnes ! »

CERVIA Titre de l’action : Centre rĂ©gional de valorisation et d’innovation agricole et alimentaire (Cervia) Partenaires : RĂ©gion Île-de-France (principal financeur) Chambre rĂ©gionale d’agriculture Association des industries agroalimentaires Lieux : Paris Île-de-France Date de lancement et durĂ©e : en cours depuis 2007 Objectifs : Quels Ă©taient les objectifs Ă  la crĂ©ation du projet ? Si les objectifs ont Ă©voluĂ©, quels sont-ils aujourd’hui ? Le Cervia est une association (loi 1901) crĂ©Ă©e en 2007. Afin de rĂ©pondre de maniĂšre satisfaisante aux enjeux Ă©conomiques, sociaux et environnementaux en Ăźle-de-France, l’action du Cervia s’intĂšgre dans une dĂ©marche de dĂ©veloppement durable pro-actif. Les objectifs du Cervia sont doubles : â€șâ€ș promouvoir l’identitĂ© agricole et alimentaire de la rĂ©gion Île-de-France. Le Cervia a pour objectif de valoriser la culture rurale des communes de la rĂ©gion et de mettre en valeur son patrimoine gastronomique ; â€șâ€ș soutenir et accompagner les entreprises des secteurs agricoles et alimentaires de la rĂ©gion l’Île-de-France dans diffĂ©rents domaines : recherche et dĂ©veloppement, innovation, marketing, commercialisation. Description : Comment fonctionne le projet ? À quel stade en est-il ? Le Cervia regroupe les missions d’un ComitĂ© de Promotion des produits agricoles et alimentaires et celles d’un Centre rĂ©gional d’innovation et de 37


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transfert de technologies (CRITT). Le Cervia soutient les filiĂšres franciliennes de l’agro-alimentaire et Ɠuvre en faveur des circuits courts. Afin de renforcer le rĂŽle de l’État et des collectivitĂ©s pour l’agroalimentaire responsable, le Cervia participe à : â€șâ€ș la promotion et la valorisation du territoire, des produits et des savoir faire agricoles et alimentaires franciliens ; â€șâ€ș l’expertise et le soutien au secteur alimentaire en Île-de-France. RĂ©sultats : Dans quelle mesure avez-vous rĂ©ussi Ă  atteindre les objectifs citĂ©s plus haut ? AprĂšs six ans d’existence, le Cervia, en se dĂ©veloppant Ă  travers des projets structurants et des partenariats de qualitĂ©, possĂšde un bilan positif : â€șâ€ș labellisation « cellule de diffusion technologique » par le ministĂšre de la Recherche du DĂ©partement transfert, technologie et qualitĂ© du Cervia ; â€șâ€ș organisation d’un colloque scientifique « Fruits et lĂ©gumes, les apports de la recherche » en 2010 ; â€șâ€ș collaboration avec les producteurs de lait pour le lancement d’une gamme de produits ultra frais depuis 2010 ; â€șâ€ș lancement de la marque alimentaire rĂ©gionale « Saveurs Paris-Île-de-France» en 2011. Document de rĂ©fĂ©rence : www.saveursparisidf.com/site-professionnel/qui-sommes-nous/ decouvrir-le-cervia

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Restauration collective bio locale Institution/acteur en charge et coordonnĂ©es : FĂ©dĂ©ration nationale d’agriculture biologique des rĂ©gions de France (FNAB) Julien Labriet 40 rue de Malte 75011 Paris 01 43 38 18 70 | jlabriet@fnab.org Titre de l’action : Restauration collective bio locale Partenaires : rĂ©seau FNAB et groupements de producteurs bio, MAAP, MEDDE, etc. Lieux : toutes rĂ©gions et dĂ©partements de France mĂ©tropolitaine Date de lancement et durĂ©e : dĂ©but annĂ©es 2000 Objectifs : Quels Ă©taient les objectifs Ă  la crĂ©ation du projet ? Si les objectifs ont Ă©voluĂ©, quels sont-ils aujourd’hui ? Faciliter l’introduction de produits bio locaux en restauration collective dans un double objectif de : â€șâ€ș structuration de filiĂšres relocalisĂ©es en rĂ©gion dans le cadre d’une Ă©conomie sociale et solidaire ; â€șâ€ș relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation. Description : Comment fonctionne le projet ? A quel stade en est-il ? Action globale et transversale : â€șâ€ș accompagner les parties prenantes et dĂ©velopper une expertise professionnelle : â€șâ€ș conseil, accompagnement, sensibilisation (Ă©lus, gestionnaires, personnels de salle, convives, enseignants, sociĂ©tĂ© civile, producteurs) ; â€șâ€ș formation des personnels de la restauration ; â€șâ€ș coordination d’un rĂ©seau national de formateurs locaux ; â€șâ€ș rĂ©daction d’outils et guides pour professionnels, Ă©lus, producteurs. â€șâ€ș structurer les filiĂšres rĂ©gionales et promouvoir l’agriculture biologique, la proximitĂ© et les circuits courts en restauration collective (RC) : la FNAB travaille au plus prĂšs des organisations Ă©conomiques de producteurs bio travaillant Ă  l’approvisionnement de la RC et structurĂ©es sous forme de SCIC, GIE ou d’association. RĂ©sultats : Dans quelle mesure avez-vous rĂ©ussi Ă  atteindre les objectifs citĂ©s plus haut ? En 2012, vingt-quatre groupements de producteurs bio spĂ©cialisĂ©s sur ce dĂ©bouchĂ© et livrant quotidiennement la RC. Documents de rĂ©fĂ©rence : www.repasbio.org et www.restaurationbio.org 39


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Ecoscience Provence Institution/acteur en charge et coordonnĂ©es : Ecoscience Provence Mikael Schneider Titre de l’action : « Commerce engagĂ© » Partenaires : Syndicat intercommunal de la valorisation et de l’élimination des dĂ©chets du centre-ouest Var (SIVED) / ADEME (finance le projet) Lieux : France (origine : PACA, diffusion Ă  l’ensemble du territoire) Date de lancement et durĂ©e : 2006 / long-terme Objectifs : Quels Ă©taient les objectifs Ă  la crĂ©ation du projet ? Si les objectifs ont Ă©voluĂ©, quels sont-ils aujourd’hui ? â€șâ€ș Tendre vers un mode de consommation durable. â€șâ€ș PrĂ©servation des ressources. â€șâ€ș CrĂ©er des liens entre producteurs locaux et commerçants. Ces objectifs ont peu Ă©voluĂ© depuis le dĂ©marrage du projet. Ce qui a surtout Ă©voluĂ©, ce sont les systĂšmes d’évaluation auprĂšs des producteurs, les cahiers des charges, etc. Description : Comment fonctionne le projet ? À quel stade en est-il ? Le projet consistait Ă  sa crĂ©ation Ă  diminuer la distribution de sacs plastiques Ă  usage unique dans les commerces (2006), au travers d’un partenariat avec le Sived. Des scientifiques se sont ainsi rĂ©unis avec des communicants pour se poser la question du dĂ©veloppement durable. De la simple gestion des dĂ©chets, le projet a ensuite Ă©voluĂ© afin de promouvoir les gestes Ă©co-responsables auprĂšs de ces mĂȘmes commerçants. Par la suite, les acteurs du projet se sont concentrĂ©s sur les circuits Ă©conomiques courts, en privilĂ©giant la consommation locale. C’est ainsi que le label « Producteur engagĂ© » a Ă©tĂ© crĂ©Ă©, pour permettre aux consommateurs d’identifier les dĂ©marches Ă©co-responsables. Cette dĂ©marche est participative et dynamique. Elle se base sur la crĂ©ation de rĂ©seaux entre Ecoscience, le Sived, les commerçants, les producteurs et enfin les consommateurs. Le but est rĂ©ellement d’apprendre les uns des autres, afin de perfectionner sans cesse cette dĂ©marche. RĂ©sultats : Dans quelle mesure avez-vous rĂ©ussi Ă  atteindre les objectifs citĂ©s plus haut ? Les rĂ©sultats sont trĂšs satisfaisants, puisque quatre-vingt commerçants de la rĂ©gion se sont dĂ©jĂ  engagĂ©s dans cette dĂ©marche responsable. La quantitĂ© d’ordures mĂ©nagĂšres a Ă©galement baissĂ©, tĂ©moignant d’une prise de conscience 40


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grandissante. Des marchĂ©s de producteurs engagĂ©s « 0 dĂ©chets » sont organisĂ©s au niveau local, une journĂ©e « Commerce engagĂ© » a Ă©tĂ© organisĂ©e en partenariat avec la FNH, etc. Tout ceci tĂ©moigne d’un dynamisme important et d’une appropriation du comportement responsable par les producteurs, commerçants et consommateurs. Limites : Quels sont les obstacles majeurs que vous avez rencontrĂ©s (logistique, refus d’autres acteurs, financiers, etc.) ? À quelles critiques avez-vous Ă©tĂ© confrontĂ© ? Est-ce que vous pensez que votre projet a des externalitĂ©s nĂ©gatives ? Les limites rencontrĂ©es sont surtout la rĂ©sultante des comportements de consommation : certains acteurs ne voient pas l’intĂ©rĂȘt d’un tel changement, ou n’y sont pas encore suffisamment prĂ©parĂ©s. Certains acteurs ne sont pas non plus en mesure de changer leur comportement : par exemple, dans les boucheries, les sachets plastiques sont obligatoires pour une question d’hygiĂšne. Pourtant, des comitĂ©s de discussion sont mis en place pour aborder ces problĂšmes, et trouver des solutions innovantes : utiliser des labels de qualitĂ©, etc. Attentes en matiĂšre de politiques publiques : Avez-vous des attentes en matiĂšre de politiques publiques ? Le projet est soutenu par la politique locale. Toutefois, il faudrait plus de libertĂ© avec les grandes enseignes pour effectuer des campagnes de sensibilisation, etc. Perspectives d’avenir : Quels sont vos perspectives d’avenir ? Est-ce que vous pensez que l’extension de ce projet est souhaitable, et possible ? Le projet a commencĂ© Ă  diversifier les cahiers des charges, en les adaptant selon le type de commerce. Par exemple, de nouvelles initiatives ont Ă©tĂ© lancĂ©es dans les CHR (cafĂ©s/hostellerie/restaurants). L’extension de ce projet est Ă  la fois souhaitable et possible, et des Ă©quipes d’Ecoscience y travaillent actuellement. Il y a eu des partenariats trĂšs rĂ©ussis avec la Guyane par exemple. Des outils ont Ă©tĂ© mis en place pour que d’autres associations locales sur d’autres territoires puissent appliquer le projet (formations, fiches techniques, site Internet spĂ©cialisĂ©, etc.). Documents de rĂ©fĂ©rence : http://commerce-engage.com

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Le Panier vanvĂ©en Institution/acteur en charge et coordonnĂ©es : Claire Martin-Gousset 23 rue Jean Bleuzen 92170 Vanves 01 47 36 21 24 | clairemg@free.fr Titre de l’action : Le Panier vanvĂ©en Partenaires : rĂ©seau des Amap Île-de-France et Miramap (rĂ©seau national) Lieux : Vanves Date de lancement et durĂ©e : L’Amap a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e il y a sept ans par un groupe de militants Ă©cologiques de Vanves Ă  la suite d’un forum social portant sur l’éducation, la dĂ©mocratie participative et l’agriculture et au cours duquel la formule des Amap a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e. Objectifs : Quels Ă©taient les objectifs Ă  la crĂ©ation du projet ? Si les objectifs ont Ă©voluĂ©, quels sont-ils aujourd’hui ? L’objectif est toujours de dĂ©fendre l’agriculture paysanne de proximitĂ©. NĂ©anmoins, certaines modalitĂ©s de la vente des paniers ont Ă©voluĂ© avec le renforcement de la coopĂ©ration entre les consommateurs et les producteurs. Par exemple, le prix du panier est dĂ©cidĂ© non plus en fonction des seuls critĂšres Ă©conomiques mais pour assurer aux maraĂźchers une rĂ©munĂ©ration dĂ©cente. Les produits ne sont pas nĂ©cessairement bio, la prioritĂ© Ă©tant de renforcer l’agriculture de proximitĂ©. Les Amap donnent une opportunitĂ© aux consommateurs d’aider les paysans. Les Amap s’inscrivent dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. Par exemple, elles ont aidĂ© un arboriculteur de l’ouest parisien Ă  fournir des produits bio aux cantines de plusieurs lycĂ©es et lui ont ainsi permis de se dĂ©gager des circuits de la grande distribution et d’obtenir de meilleures conditions. Description : Comment fonctionne le projet ? À quel stade en est-il ? Le Panier vanvĂ©en rassemble au cours des annĂ©es avec des prises de responsabilitĂ©s et associe un groupe de consommateurs d’environ 140 familles Ă  un paysan, c’est un maximum pour l’agriculteur qui ne peut pas gĂ©rer plus de 140 paniers. Ces familles reçoivent des paniers de fruits et de lĂ©gumes. Une fois par mois, les familles participent aux travaux agricoles. Cette participation permet aux consommateurs de prendre conscience de la rĂ©alitĂ© du travail des paysans. Ils deviennent des dĂ©fenseurs actifs de l’agriculture paysanne. Plus gĂ©nĂ©ralement, le rĂ©seau francilien des Amap, qui rassemble 260 Amap, milite pour la prĂ©servation des terres agricoles, la formation aux circuits courts et le rachat des terres dans le cadre de l’association Terre de Liens. 42


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RĂ©sultats : Dans quelle mesure avez-vous rĂ©ussi Ă  atteindre les objectifs citĂ©s plus haut ? En crĂ©ant un lien direct entre les consommateurs et les paysans, les Amap ont contribuĂ© au dĂ©veloppement d’une mobilisation citoyenne. Notre objectif est de dĂ©velopper le rĂ©seau francilien pour permettre Ă  de nouveaux paysans d’entrer dans la formule Amap. Limites : Quels sont les obstacles majeurs que vous avez rencontrĂ©s (logistique, refus d’autres acteurs, financiers, etc.) ? À quelles critiques avez-vous Ă©tĂ© confrontĂ© ? Est-ce que vous pensez que votre projet a des externalitĂ©s nĂ©gatives ? Le plus difficile a Ă©tĂ© de convaincre la municipalitĂ© de nous accorder un lieu de distribution. Le Panier vanvĂ©en ne rencontre pas vraiment d’obstacles financiers car les paniers sont prĂ©payĂ©s aux paysans. La principale limite Ă  l’extension de la formule est du cĂŽtĂ© de l’offre des producteurs et de la disponibilitĂ© des terres pour la production maraichĂšre. L’Île-de-France est une rĂ©gion principalement cĂ©rĂ©aliĂšre. Cette limite nous empĂȘche de donner satisfaction aux nombreux consommateurs qui souhaiteraient entrer dans une Amap. Attentes en matiĂšre de politiques publiques : Avez-vous des attentes en matiĂšre de politiques publiques ? Les Amap attendent la reconnaissance vĂ©ritable de l’importance de l’agriculture paysanne de proximitĂ© et la prise en compte de la volontĂ© des consommateurs de se nourrir diffĂ©remment. Il faut obtenir de la part des pouvoirs publics et des chambres d’agriculture un changement de vision et de cap. Cette reconnaissance doit s’accompagner de mesures permettant Ă  cette agriculture de trouver sa place. L’une des principales mesures serait de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs prĂȘts Ă  s’engager dans cette nouvelle agriculture. Se pose Ă©galement la question de la traçabilitĂ© des produits de maniĂšre Ă  pouvoir identifier les produits locaux. Nous avons la conviction que l’agriculture industrielle n’est pas nĂ©cessaire pour nourrir tout le monde. Nous avons besoin d’une autre agriculture et pour que celle-ci se dĂ©veloppe Ă  grande Ă©chelle, des choix politiques doivent ĂȘtre faits Ă  tous les niveaux. Perspectives d’avenir: Quels sont vos perspectives d’avenir ? Est-ce que vous pensez que l’extension de ce projet est souhaitable et possible ? Actuellement, en Île-de-France, une vĂ©ritable volontĂ© politique est nĂ©cessaire pour permettre l’extension des Amap, comme ce fut le cas autour d’autres grandes villes du monde. Par exemple, Ă  Milan, oĂč une importante zone verte a Ă©tĂ© dĂ©diĂ©e Ă  l’agriculture biologique ou dans les lĂ€nder allemands, oĂč les agriculteurs sont formĂ©s Ă  l’agriculture biologique notamment pour Ă©viter une 43


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aggravation de la pollution de l’eau. En Île-de-France, le dĂ©veloppement de l’agriculture de proximitĂ© est bloquĂ© du fait de la toute-puissance des cĂ©rĂ©aliers qui tiennent la chambre d’agriculture et les syndicats. Documents de rĂ©fĂ©rence : Le film « Solutions locales pour un dĂ©sordre global » de Coline Serreau, qui commence par une sĂ©quence sur l’Amap de Vanves.

La Plate-forme pour le commerce Ă©quitable Institution/acteur en charge et coordonnĂ©es : Plate-forme pour le commerce Ă©quitable (PFCE) Julie Stoll DĂ©lĂ©guĂ©e gĂ©nĂ©rale 61, rue de la Chapelle 75018 Paris TĂ©l : 01 42 09 05 73 | stoll@commercequitable.org www.commercequitable.org Partenaires : www.commercequitable.org/lapfceetsesmembres/nos-partenaires.html Date de lancement et durĂ©e : CrĂ©Ă© en 1997 Objectifs : Quels Ă©taient les objectifs Ă  la crĂ©ation du projet ? Si les objectifs ont Ă©voluĂ©, quels sont-ils aujourd’hui ? La Plate-forme fut crĂ©Ă©e en 1997 afin de rassembler les principaux acteurs du commerce Ă©quitable. Au total, la plate-forme comprend une trentaine d’adhĂ©rents (organisations d’envergure nationale) et reprĂ©sente plus de 1 000 structures sur le territoire français. Les adhĂ©rents rassemblent des entreprises de commerce Ă©quitable (alimentaire, artisanat, cosmĂ©tique, mode, tourisme), des labels de commerce Ă©quitable, des rĂ©seaux de distribution, des associations d’éducation populaire et des ONG qui travaillent auprĂšs des producteurs. À sa conception, le but de la Plate-forme Ă©tait d’assurer la concertation des diffĂ©rents acteurs, et de leur permettre d’amĂ©liorer leur compĂ©tence en partageant des bonnes pratiques. La seconde mission de la Plate-forme Ă©tait d’offrir une reprĂ©sentation institutionnelle du secteur du commerce Ă©quitable. En d’autres termes, de dĂ©fendre une conception exigeante du commerce Ă©quitable, d’établir une dĂ©finition commune du commerce Ă©quitable, bien qu’évolutive, et de promouvoir cette dĂ©finition. 44


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Ces deux objectifs n’ont pas changĂ© aujourd’hui. Description : Comment fonctionne le projet ? À quel stade en est-il ? La Plate-forme comporte trois axes d’activitĂ©s majeurs fortement interconnectĂ©s. Tout d’abord, elle est constituĂ©e d’un volet de travail de plaidoyer auprĂšs des pouvoirs publics (locaux, nationaux, europĂ©ens, etc.) pour mettre en place un cadre institutionnel favorable au commerce Ă©quitable et Ă  plus d’équitĂ© dans le commerce. La Plate-forme pour le commerce Ă©quitable est clairement positionnĂ©e sur la promotion de l’agriculture familiale comme un moyen de nourrir le monde durablement. Elle participe donc Ă  un plaidoyer sur toutes les politiques qui ont une influence sur le renforcement ou l’affaiblissement de l’agriculture familiale : politique agricole commune, fiscalitĂ©, politique de dĂ©veloppement, politiques commerciales, RSE, etc. Sa deuxiĂšme mission est de communiquer auprĂšs du grand public sur le commerce Ă©quitable. Par exemple, la Plate-forme pour le commerce Ă©quitable organise chaque annĂ©e la quinzaine du commerce Ă©quitable (www.quinzainecommerce-equitable.fr). Enfin, la Plate-forme comporte un volet de production d’expertise sur l’impact du commerce Ă©quitable. Afin de contrĂŽler les externalitĂ©s nĂ©gatives et de quantifier les externalitĂ©s positives liĂ©es au commerce Ă©quitable, la Plateforme pour le commerce Ă©quitable fait appel Ă  des Ă©quipes de chercheurs travaillant sur le terrain. Les Ă©tudes d’impact servent aussi Ă  crĂ©dibiliser la dĂ©marche commerce Ă©quitable. RĂ©sultats : Dans quelle mesure avez-vous rĂ©ussi Ă  atteindre les objectifs citĂ©s plus haut ? Sur le volet efficacitĂ© de la dĂ©marche, la Plate-forme a indĂ©niablement rĂ©ussi quelque chose. On observe en effet que les rĂ©sultats des Ă©tudes d’impact sont trĂšs positifs. Le commerce Ă©quitable est un vĂ©ritable outil de dĂ©veloppement pour les producteurs du Sud. Plus de 80 % des produits issus du commerce Ă©quitable sont des produits alimentaires. La vocation des acteurs du commerce Ă©quitable est de renforcer l’agriculture familiale et la souverainetĂ© alimentaire. Les Ă©tudes d’impact montrent que le commerce Ă©quitable a rĂ©ussi Ă  structurer et encourager les petits producteurs. GrĂące aux pratiques commerciales plus justes, le commerce Ă©quitable est un outil efficace d’amĂ©lioration de la performance, de la productivitĂ©, et des pratiques environnementales et sociales des producteurs. Sur le volet de l’adhĂ©sion du public et des citoyens, le mouvement du commerce Ă©quitable a Ă©galement des rĂ©sultats intĂ©ressants. C’est fondamental car le commerce Ă©quitable est un partenariat entre les producteurs et 45


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les consommateurs. Ainsi, on observe une croissance importante du marchĂ© du commerce Ă©quitable et de sa notoriĂ©tĂ©. En effet, le secteur dĂ©passe les 400 millions d’euros de chiffre d’affaires en France alors qu’en 2004 il ne reprĂ©sentait que 93 millions d’euros (dans le monde c’est aujourd’hui prĂšs de 6 milliards). En 2001, 7 % des Français connaissaient le commerce Ă©quitable, aujourd’hui 99 % savent dĂ©crire le concept. Il y a une forte corrĂ©lation entre le dĂ©but des activitĂ©s de communication (telles que les quinzaines du commerce Ă©quitable) et la prise de conscience des citoyens. La mobilisation citoyenne et militante est trĂšs efficace. La Plate-forme pour le commerce Ă©quitable et ses membres sont parvenus Ă  installer le commerce Ă©quitable dans la connaissance et l’imaginaire des citoyens. Lorsqu’on leur demande de dĂ©crire le commerce Ă©quitable, les Français retiennent que ce sont des produits issus de petits producteurs, avec un prix juste et servant de soutient au dĂ©veloppement des pays du Sud. Cependant, les marges de progression sont encore Ă©normes. En France, un foyer dĂ©pense en moyenne 6 euros par an dans des produits issus du commerce Ă©quitable alors qu’en Suisse un foyer dĂ©pense 41 euros par an. Une autre marge de progression consiste Ă  poursuivre les activitĂ©s de plaidoyer pour changer les rĂšgles du secteur de l’alimentation. Le commerce Ă©quitable est un outil, une illustration de ce qu’il faudrait faire pour changer les rĂšgles. C’est pour cela que la Plate-forme pour le commerce Ă©quitable est active dans diffĂ©rentes campagnes (PAC, OMC, aide publique au dĂ©veloppement, agriculture paysanne). Au-delĂ  de promouvoir le commerce Ă©quitable, le but est d’impulser des changements structurels dans le secteur de l’alimentation. Limites : Quels sont les obstacles majeurs que vous avez rencontrĂ©s (logistique, refus d’autres acteurs, financiers, etc.) ? À quelles critiques avez-vous Ă©tĂ© confrontĂ© ? Est-ce que vous pensez que votre projet a des externalitĂ©s nĂ©gatives ? Le premier obstacle est liĂ© au dĂ©veloppement des marchĂ©s. En France, il y a un engagement limitĂ© de la grande distribution. Dans d’autres pays, la grande distribution s’est beaucoup plus investie. Une autre difficultĂ© financiĂšre est illustrĂ©e par le coĂ»t liĂ© Ă  la garantie et Ă  l’obtention de labels. Les entreprises qui proposent des produits issus du commerce Ă©quitable doivent garantir la provenance et la dĂ©marche auprĂšs des consommateurs. Ce coĂ»t se rĂ©percute sur le prix des produits. On peut questionner la pertinence d’un systĂšme qui fait payer les acteurs de l’alimentation durable un supplĂ©ment pour promouvoir des pratiques responsables. Il est possible d’imaginer un systĂšme dans lequel les entreprises, producteurs et consommateurs engagĂ©s n’auraient pas Ă  assumer ce coĂ»t supplĂ©mentaire. La plupart des produits viennent de PME donc les budgets liĂ©s au marketing 46


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sont moins importants que dans des grosses entreprises. À qualitĂ© Ă©gale, les produits issus du commerce Ă©quitable ne sont pas forcĂ©ment plus chers que les produits conventionnels (0 Ă  15 % plus chers selon les enquĂȘtes des associations de consommateurs). Cependant, il s’agit de produits d’une qualitĂ© supĂ©rieure et donc forcĂ©ment plus chers que des produits de moins bonne qualitĂ©, et pas forcĂ©ment accessibles Ă  tous. Cependant, des Ă©tudes ont montrĂ© que l’éducation des consommateurs avait un impact beaucoup plus large sur leur consommation de produits issus de commerce Ă©quitable que leur revenu. Cela signifie qu’un prix Ă©levĂ© des produits n’est pas forcĂ©ment rĂ©dhibitoire et qu’il est essentiel de poursuivre cette Ă©ducation des citoyens consommateurs. Le terme « commerce Ă©quitable » a un capital symbolique plus important que son capital Ă©conomique, mais ce capital symbolique est essentiel. C’est la prise de conscience citoyenne qui va permettre de changer les consommations et surtout les arbitrages (par exemple, accepter de manger un peu moins de viande, pour acheter quelques produits issus du commerce Ă©quitable, etc.). Aujourd’hui, il existe aussi une critique provenant des dĂ©fenseurs du « consommer local ». En effet, l’empreinte carbone des produits importĂ©s peut sembler importante. Mais les produits conventionnels viennent aussi de loin, et il ne semble pas que les consommateurs aient dĂ©cidĂ© de couper leur consommation de cafĂ©, bananes et autres produits importĂ©s. Tant que des produits seront importĂ©s, il est plus intĂ©ressant qu’ils proviennent du commerce Ă©quitable. De plus, dans le coĂ»t carbone d’un produit, il n’y a pas seulement le transport mais aussi le mode de production. Souvent les produits Ă©quitables sont moins intenses en carbone que les produits conventionnels. De plus, ils sont essentiellement transportĂ©s en bateau, ce qui rĂ©duit aussi leur empreinte carbone par rapport au transport aĂ©rien. Une des fonctions des Ă©tudes d’impact est d’identifier les potentielles externalitĂ©s nĂ©gatives liĂ©es au commerce Ă©quitable. Par exemple, des Ă©tudes d’impact en Bolivie ont dĂ©montrĂ© que le dĂ©veloppement de la demande de quinoa entrainait un phĂ©nomĂšne de surproduction qui conduisait Ă  un appauvrissement des sols. Ce phĂ©nomĂšne est global et pas seulement liĂ© aux productions issues du commerce Ă©quitable. Les acteurs du commerce Ă©quitable ont donc mis en place avec les producteurs de quinoa du Sud des normes supplĂ©mentaires pour rĂ©duire ces externalitĂ©s nĂ©gatives. Attentes en matiĂšre de politiques publiques : Avez-vous des attentes en matiĂšre de politiques publiques ? La Plate-forme pour le commerce Ă©quitable a beaucoup d’attentes transversales en matiĂšre de politique publique. Tout d’abord, du cĂŽtĂ© de l’aide publique au dĂ©veloppement, la plate-forme 47


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soutient la rĂ©duction du fossĂ© entre la stratĂ©gie affichĂ©e de soutien Ă  l’agriculture familiale et les crĂ©dits qui profitent Ă  d’autres types d’agriculture (ce fossĂ© ayant Ă©tĂ© pointĂ© du doigt par la Cour des comptes). Aujourd’hui, il y a plus de soutient apportĂ© Ă  l’agro-industrie qu’a l’agriculture familiale. Or, un rapport rĂ©cent publiĂ© par la FAO suggĂšre que seule l’agriculture familiale sera en mesure de nourrir le monde. DeuxiĂšmement, il est essentiel que le ministĂšre en charge de la consommation organise d’importantes campagnes d’éducation Ă  la consommation responsable. Il faudrait aussi donner plus de moyens Ă  des organisations comme la ligue de l’enseignement ou la fĂ©dĂ©ration des artisans du monde, des structures qui mĂšnent des activitĂ©s d’éducation Ă  la consommation, qui sont reconnues d’utilitĂ© publique et qui ont besoin d’ĂȘtre soutenues. En matiĂšre de fiscalitĂ©, les entreprises les plus vertueuses doivent payer le prix fort pour les externalitĂ©s positives qu’elles gĂ©nĂšrent. Il faudrait imaginer une pĂ©rĂ©quation permettant aux entreprises non vertueuses (en matiĂšre de social et d’environnement) de payer pour ces vertus. Cela garantirait aussi une Ă©galitĂ© de compĂ©titivitĂ© entre entreprises. La Plate-forme pour le commerce Ă©quitable dĂ©fend aussi la mise en place d’un plan interministĂ©riel de soutien au commerce Ă©quitable et une prise de conscience des pouvoirs publics. Certains sont Ă  l’écoute aujourd’hui sur ces sujets, mais il y a clairement un manque de moyens. Enfin, il est crucial d’assurer une vraie cohĂ©rence des politiques publiques Ă  tous les niveaux. Lorsque des objectifs sont Ă©tablis en matiĂšre d’alimentation responsable (et dans n’importe quel autre domaine), il est important que les autres politiques commerciales et agricoles soient en cohĂ©rence avec ces objectifs. Perspectives d’avenir : Quels sont vos perspectives d’avenir ? Est-ce que vous pensez que l’extension de ce projet est souhaitable, et possible ? Une des principales perspectives d’avenir du commerce Ă©quitable est son universalisation, c’est-Ă -dire le dĂ©veloppement de filiĂšres Sud-Sud et Nord-Nord. Documents de rĂ©fĂ©rence : www.commercequitable.org

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Eating Cities Institution/acteur en charge et coordonnĂ©es : Isabelle Lacourt | i-lacourt@risteco.it Titre de l’action : Eating Cities Date de lancement et durĂ©e : mars 2010 – Ă  ce jour Objectifs : Quels Ă©taient les objectifs Ă  la crĂ©ation du projet ? Si les objectifs ont Ă©voluĂ©, quels sont-ils aujourd’hui ? Encourager, au niveau europĂ©en, la vision systĂ©mique pour la mise en place de politiques alimentaires, en se saisissant de la problĂ©matique urbaine de « la ville qui mange » et en lançant un processus de dialogue social multilatĂ©ral, en vue de la dĂ©finition d’un nouveau paradigme Ă©conomique qui remet l’homme au centre de l’économie agro-alimentaire. Description : Comment fonctionne le projet ? À quel stade en est-il ? Le projet est financĂ© en partie sur les fonds propres de Risteco et en partie par un financement octroyĂ© par la fondation Charles LĂ©opold Mayer. Les rencontres : Le projet naĂźt en 2010 avec l’organisation de rencontres et confĂ©rences visant Ă  instaurer un dialogue social entre les acteurs de la filiĂšre alimentaire, le monde de la production (gestionnaires, acheteurs (publics et privĂ©s), entreprises de catering, fournisseurs, associations, reprĂ©sentants de coopĂ©ratives agricoles, cuisiniers, etc.), le monde de la recherche, les dĂ©cideurs publics (collectivitĂ©s territoriales), des reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile, des journalistes spĂ©cialisĂ©s sur les questions alimentaires, etc. Chaque rencontre traite une question en l’abordant sur trois thĂšmes : les aspects de la filiĂšre alimentaire liĂ©s Ă  la production, Ă  la consommation, au travail de l’homme. Du dialogue participatif naissent des propositions Ă  court, moyen ou long terme qui servent de base Ă  l’élaboration de documents dont des cahiers de propositions. Le projet prĂ©voit aussi la prĂ©sence de reprĂ©sentants du programme Ă  l’occasion d’évĂšnements dĂ©diĂ©s Ă  l’alimentation des villes, Ă  la gouvernance urbaine et Ă  la filiĂšre alimentaire en gĂ©nĂ©ral, etc. Depuis 2010, plus de trente prĂ©sentations ont Ă©tĂ© faites lors de confĂ©rences ou d’ateliers internationaux, dont la derniĂšre les 31 mars et 1er avril 2013, lors d’un forum international sur l’urbanisation organisĂ© Ă  ShanghaĂŻ. Des propositions concrĂštes : Le projet prĂ©voit la production de documentation publications, comptes rendus, interviews, y compris publication d’un livre intitulĂ© « La ville qui mange », cahiers de propositions qui s’adressent aux dĂ©cideurs publics et privĂ©s, impliquĂ©s dans les processus en amont et aval de la 49


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filiĂšre agroalimentaire, ainsi qu’à tous les opĂ©rateurs et commanditaires de la restauration collective (sortie 2013). Il prĂ©voit Ă©galement la rĂ©alisation et l’échange d’études de cas et de bonnes pratiques qui puissent servir Ă  l’élaboration de politiques alimentaires durables pour les villes europĂ©ennes. À quel stade en est le projet ? Le programme de confĂ©rences et d’ateliers thĂ©matiques a dĂ©butĂ© en mars 2010, au rythme annuel d’une confĂ©rence internationale et de trois ateliers thĂ©matiques. Ce programme reste actif jusqu’en 2014. En 2012, Risteco a lancĂ© un prix pour rĂ©compenser des films documentaires en collaboration avec le festival Cinemambiente de Turin. Il a donnĂ© lieu Ă  la crĂ©ation de EC Media Collection. Le premier campus d’étĂ© aura lieu en 2013 pour rĂ©unir de jeunes chefs cuisiniers et agriculteurs. Il constitue un test important pour la suite du programme. Deux concepts papers sont disponibles ainsi que quatre comptes-rendus de rencontres. La sortie du livre « La ville qui mange » est prĂ©vue mi-2013. Les publications thĂ©matiques ainsi que des cahiers de propositions sont en cours d’élaboration. Le partenariat avec des rĂ©seaux europĂ©ens d’universitĂ©s, travaillant sur l’intĂ©gration du dĂ©veloppement durable dans les programmes Ă©ducatifs est en voie de renforcement. Eating City s’est Ă©galement rapprochĂ© d’autres rĂ©seaux issus de la sociĂ©tĂ© civile tels que ARC 2020, Groupe de Bruges et aussi le Criigen, avec dans ce dernier cas la diffusion de l’information sur l’éventuelle toxicitĂ© des OGM en Italie (premier volume de EC Media Collection). En 2013, deux projets transversaux sont Ă©galement lancĂ©s, sur la restauration sociale sanitaire (hĂŽpitaux et maisons de retraite) et sur l’intĂ©gration religieuse dans les Ă©coles. RĂ©sultats : Dans quelle mesure avez-vous rĂ©ussi Ă  atteindre les objectifs citĂ©s plus haut ? Le projet Eating City fait maintenant partie du programme sur la gouvernance, au sein de l’axe thĂ©matique, dans les actions de la Fondation FPH. Il est aussi citĂ© dans la publication Sustainable Food in Urban Communities (2012) de URBACT. DĂ©marrĂ© grĂące aux rĂ©seaux de Risteco et de la FPH, le dialogue multilatĂ©ral s’enrichit annĂ©e aprĂšs annĂ©e, Ă  un niveau international et au sein des instances de l’UE : une premiĂšre rencontre avec des parlementaires europĂ©ens a eu lieu en novembre 2011 ; Eating City a participĂ© activement Ă  l’expert Hearing : « Feeding the planet sustainability, from foresight to better integrated policies » organisĂ© par la DG Agri en novembre 2012 ; lancĂ©e en 50


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avril 2012, une plateforme Eating City prend actuellement pied en Chine en collaboration avec le partenaire chinois CASS. Les actions entreprises au sein du projet Eating City commencent Ă  dĂ©passer le simple niveau de communication prĂ©vu initialement, pour atteindre celui de l’expĂ©rimentation concrĂšte grĂące Ă  deux projets transversaux qui sont nĂ©s en 2013. Vu l’intĂ©rĂȘt suscitĂ© aujourd’hui, il est dĂ©jĂ  prĂ©vu que la plateforme se poursuive au-delĂ  du terme initialement prĂ©vu de l’Expo universelle de Milan en 2015, sous la forme d’un think tank international. Limites : Quels sont les obstacles majeurs que vous avez rencontrĂ©s (logistique, refus d’autres acteurs, financiers, etc.) ? À quelles critiques avez-vous Ă©tĂ© confrontĂ© ? Est-ce que vous pensez que votre projet a des externalitĂ©s nĂ©gatives ? Le projet se dĂ©ploie dans la mesure oĂč il fĂ©dĂšre des partenaires dĂ©cidĂ©s Ă  s’engager concrĂštement, du fait d’un budget consacrĂ© majoritairement Ă  l’organisation des rencontres et Ă  l’invitation des participants. Il repose donc sur un effort important dans la recherche de partenaires actifs, partageant les mĂȘmes objectifs. Quelques critiques sont nĂ©es d’un questionnement sur la lĂ©gitimitĂ© des porteurs d’Eating City (issus de la sociĂ©tĂ© civile, et Ă  un niveau international), elles se dissolvent en gĂ©nĂ©ral au moment oĂč ceux qui adhĂšrent aux objectifs s’engagent concrĂštement en prenant part aux rĂ©unions ou en portant des actions. Attentes en matiĂšre de politiques publiques et perspectives d’avenir ? Eating City vise principalement Ă  convaincre les dĂ©cideurs de l’Union europĂ©enne de crĂ©er des directives sur la mise en place de politiques alimentaires spĂ©cifiques aux villes-territoires, il crĂ©e aussi le contact avec le ComitĂ© des rĂ©gions et des villes europĂ©ennes. On peut dire qu’Eating City aura atteint son objectif le jour oĂč, plus aucun politique et plus aucun urbaniste ne planifieront de stratĂ©gies territoriales ou de projets, sans prendre en compte concrĂštement les externalitĂ©s positives et nĂ©gatives, sur le plan social, environnemental, culturel, Ă©conomique, de la filiĂšre alimentaire nĂ©cessaire Ă  l’approvisionnement des villes et Ă  l’alimentation des habitants.

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IUFN Institution/acteur en charge et coordonnĂ©es : IUFN International Urban Food Network MarkĂ©ta Braine-Supkova, prĂ©sidente | Marketa.braine@iufn.org www.iufn.org Titre de l’action : IUFN International Urban Food Network (RĂ©seau de recherche et de coopĂ©ration internationale sur la gouvernance alimentaire des rĂ©gions urbaines) SiĂšge : IUFN, AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, 75231 Paris cedex 5 Date de lancement : CrĂ©Ă© en 2011, officiellement lancĂ© en 2012 Ă  l’occasion du colloque international Hungry City (6-7 dĂ©cembre 2012, Conseil rĂ©gional Île-de-France, Paris) sous le haut patronage de Monsieur le ministre StĂ©phane Le Foll et de Monsieur le sĂ©nateur JoĂ«l LabbĂ© Objectifs : Quels Ă©taient les objectifs Ă  la crĂ©ation du projet ? Si les objectifs ont Ă©voluĂ©, quels sont-ils aujourd’hui ? IUFN est un rĂ©seau de recherche et de coopĂ©ration internationale sur la gouvernance alimentaire des rĂ©gions urbaines. Il a pour but de renforcer la coopĂ©ration entre les collectivitĂ©s territoriales et la communautĂ© scientifique des pays industrialisĂ©s et ceux des puissances Ă©mergentes – le BrĂ©sil, la Russie, l’Inde et la Chine. Le pĂ©rimĂštre thĂ©matique est dĂ©fini par la gouvernance alimentaire des rĂ©gions urbaines, penser « systĂšme ». Le travail de recherche d’IUFN s’inscrit dans la continuitĂ© des travaux sur les systĂšmes alimentaires territorialisĂ©s ou encore des approches comme les systĂšmes agro-alimentaires localisĂ©s. IUFN souhaite ainsi explorer, Ă  l’échelle territoriale, la complĂ©mentaritĂ© des pratiques entre le systĂšme alimentaire actuel et les pistes alternatives. L’objectif est de questionner la durabilitĂ© de l’existant, de rĂ©flĂ©chir Ă  de nouvelles structures organisationnelles, valorisant le plus possible le potentiel de production local/territorial de la zone concernĂ©e. IUFN dĂ©fend l’alimentation durable comme un axe pertinent pour la construction des territoires rĂ©silients. Cette position globale repose sur trois volets : â€șâ€ș la mise en place d’un systĂšme alimentaire durable garantissant la sĂ©curitĂ© alimentaire des populations des rĂ©gions urbaines ; â€șâ€ș l’intĂ©gration du critĂšre alimentaire dans les projets de planification territoriale et urbaine, comme axe indispensable pour le dĂ©veloppement des territoires rĂ©silients ; â€șâ€ș le renouvellement de la gouvernance de l’alimentation dans les rĂ©gions urbaines. 52


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Du point de vu opĂ©rationnel, IUFN vise Ă  contribuer aux actions stratĂ©giques suivantes : â€șâ€ș inventer et dĂ©velopper Ă  grande Ă©chelle un systĂšme alimentaire territorialisĂ© durable pour les villes ; â€șâ€ș faire de l’alimentation durable un pilier majeur et fĂ©dĂ©rateur des politiques publiques locales ; â€șâ€ș identifier, structurer et mieux partager les bonnes pratiques et des actions innovantes en matiĂšre d’alimentation durable pour les villes ; â€șâ€ș favoriser et faciliter l’accĂšs des dĂ©cideurs publics aux connaissances scientifiques Ă  travers un Ă©change rĂ©gulier avec le monde de la recherche. Description : Comment fonctionne le projet ? À quel stade en est-il ? La concrĂ©tisation du projet d’IUFN se traduit par la crĂ©ation d’une structure dĂ©diĂ©e Ă  la gouvernance alimentaire des rĂ©gions urbaines – plateforme web interactive. Cette plateforme, dont le lancement est prĂ©vu pour septembre 2013, sera : â€șâ€ș Un outil d’animation du rĂ©seau international des collectivitĂ©s territoriales et la communautĂ© scientifique. À ce titre, il permettra entre autres : â€șâ€ș la mise en contact des collectivitĂ©s du monde entier engagĂ©es sur la thĂ©matique de la gouvernance alimentaire ; â€șâ€ș l’animation de groupes de travail techniques en ligne entre les collectivitĂ©s et les chercheurs ; â€șâ€ș l’organisation de confĂ©rences techniques en ligne. â€șâ€ș Un centre de ressources outil de structuration, d’analyse et de diffusion de l’information sur la gouvernance alimentaire des rĂ©gions urbaines. À ce titre, la plateforme permettra : â€șâ€ș la valorisation des initiatives existantes (ex. par le biais de fiches de bonnes pratiques rĂ©digĂ©es par IUFN, l’accĂšs aux documents de politiques clĂ©s) ; â€șâ€ș la valorisation des rĂ©sultats de la recherche (accĂšs aux rapports de recherche, rĂ©daction et mise Ă  jour de « basics » sur les sujets clĂ©s Ă  destination des collectivitĂ©s locales par IUFN). Trois projets stratĂ©giques sont actuellement en cours pour 2013 : â€șâ€ș la crĂ©ation technique de la plateforme web interactive d’IUFN sur la gouvernance alimentaire des rĂ©gions urbaines ; â€șâ€ș la tenue de l’enquĂȘte nationale sur la gouvernance alimentaire des rĂ©gions urbaines en France 2013 en partenariat avec ADCF, AMGVF, AgroParisTech, ETD, Eco Maires, IAU-IDF et le WWF-France ; â€șâ€ș la prĂ©paration du 2e colloque international d’IUFN, Paris dĂ©cembre 2013 : « Foncier & gouvernance alimentaire des rĂ©gions urbaines ». 53


CHAIRE UNESCO ALIMENTATIONS DU MONDE

Attentes en matiĂšre de politiques publiques : Avez-vous des attentes en matiĂšre de politiques publiques ? Les politiques en faveur de la ville durable se dĂ©veloppent de plus en plus. Toutefois, une premiĂšre enquĂȘte menĂ©e par IUFN sur le territoire national en 2011 en partenariat avec ETD et ADCF a montrĂ© que la gouvernance alimentaire ou mĂȘme l’alimentation durable ne reprĂ©sente pas une prioritĂ© sur l’agenda des acteurs locaux, engagĂ©s davantage sur d’autres composantes de la ville de demain – transports, logement, Ă©nergie, dĂ©chets, etc. La rĂ©flexion sur la gouvernance alimentaire se rĂ©duit trĂšs souvent Ă  des actions ponctuelles en faveur notamment des circuits courts, des jardins partagĂ©s et/ou d’un approvisionnement alimentaire local et/ou bio des cantines scolaires. MalgrĂ© une profusion d’initiatives locales et sectorielles, les politiques alimentaires globales font aujourd’hui dĂ©faut. L’alimentation reste paradoxalement le parent pauvre de la rĂ©flexion sur la ville durable et est peu prĂ©sente dans les grandes procĂ©dures et outils d’amĂ©nagement du territoire ou des projets urbains. Or, seule une approche globale, intĂ©grant pleinement l’alimentation dans les politiques publiques locales permettra le changement d’échelle dont nous avons besoin. Dans cette optique, IUFN engage un travail de lobbying au niveau national (Ă©lections municipales 2014 en France) et international en coopĂ©ration avec les acteurs majeurs prĂ©sents auprĂšs des collectivitĂ©s territoriales.

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Documents de rĂ©fĂ©rence : Document « Nourrir nos villes, pour une gouvernance alimentaire durable des rĂ©gions urbaines » Joint statement IUFN/ICLEI Actes du colloque « Hungry City » (dĂ©cembre 2012) Argumentaire d’IUFN pour une gouvernance alimentaire durable des rĂ©gions urbaines Plaquette d’IUFN



NOURRIR LES VILLES... ET DÉVELOPPER LES CAMPAGNES

POUR UNE ALIMENTATION DURABLE ET RESPONSABLE

ACTES DU COLLOQUE DE LA CHAIRE UNESCO EN ALIMENTATIONS DU MONDE ET DE LA VILLE DE PARIS

Chaire Unesco « Alimentations du monde » Institut des rĂ©gions chaudes – Montpellier SupAgro 1101, avenue Agropolis -- BP 5098 34093 Montpellier Cedex 05 -- France TĂ©l. : +33 (0)4 67 61 70 00 www.chaireunesco-adm.com

Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

Chaire UNESCO en alimentations du monde France

Centre international d’études supĂ©rieures en sciences agronomiques


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