GrandChelem 42

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Hall of Fame

Jeff Tarango

« Je n’ai fait que sortir du court... » La Rédaction a désigné sans réelles difficultés son podium des joueurs les plus caractériels. John McEnroe en occupe logiquement la plus haute marche, suivi de près par Fabio Fognini. Ce duo est complété par l’inévitable Marat Safin. Mikhael Youzhny, Xavier Malisse et Benoît Paire ont également été cités, tout comme Jeff Tarango. Raison de plus pour aller poser quelques questions à ce gaucher américain qui avait fait parler de lui suite à une altercation mémorable avec Bruno Rebeuh, arbitre de chaise. C’était à Wimbledon, au troisième tour, en 1995. Interview. Entretien réalisé par Loïc Revol

19 ans après l’incident de Wimbledon, est-ce que tu reparles à Bruno Rebeuh ? Non. Tu as des regrets par rapport à ton comportement ce jour-là, est-ce que c’est une chose que tu referais aujourd’hui ? Est-ce que je le referais si j’avais le choix ? Non, je laisserais quelqu’un d’autre s’y coller... Ce jour-là, tu es sorti de tes gonds. Comment la décision d’un arbitre peutelle mettre un joueur dans un tel état ? Vous savez, j’estime être simplement dans mon droit. C’est un enchaînement de décisions suspectes qui, si vous avez vu le match en entier, ne peuvent que vous amener à cette conclusion : cette rencontre était selon moi arrangée. Franklin Johnson, ancien Président de l’USTA et membre honoraire à vie de l’ITF, a même déclaré, lors de ma défense en 1995, en qualité de témoin oculaire, qu’il n’avait jamais vu de sa vie un arbitre prendre autant parti. C’est la seule raison de ton craquage ou le public et l’ambiance y ont aussi contribué ? En 1995, c’était ma septième participation au tableau principal de Wimbledon. Je n’avais jamais reçu d’avertissement pour violation

du code de conduite avant cela. Et je n’en ai jamais reçu après, alors que j’ai joué là-bas en simple, en double et en double mixte à presque chacune de mes 13 participations. Comment as-tu composé avec cet incident passé, alors que beaucoup de personnes estiment simplement que tu as pété un plomb ? Honnêtement, les joueurs ont respecté ce que j’ai fait. Je n’ai insulté personne et je n’ai rien fait d’autre que de sortir du court et demander que justice soit faite. Qu’as-tu dit à ta femme après qu’elle a giflé l’arbitre ? Elle m’a juste défendu, à la française, et je l’ai remerciée. Elle a montré au monde quel lâche est ce gars. On se souvient également de la fin de ton match contre Thomas Muster, à Roland-Garros, en 1997, où l’Autrichien refuse de te serrer la main. Tu lui en as reparlé, depuis ? Oui, à de nombreuses reprises ! Après le match, il est venu me voir dans les vestiaires, m’a serré la main et s’est excusé. A sa place, tu pourrais comprendre ce qu’il a fait, sachant qu’il détestait ton comportement sur le court ? J’essayais de gagner… Il ne pensait pas

que je pouvais le battre à Roland-Garros. Pourtant, j’y était déjà parvenu, certes sur dur, à Tel-Aviv, 6-2 6-4. Je pensais que j’étais capable de faire la différence sur mes qualités et grâce à mon gros mental. Selon moi, lui ne pouvait me dominer que sur le physique. C’est de cette manière que j’ai abordé la rencontre. Beaucoup de joueurs ont essayé de jouer avec le mental de leur adversaire et sont parvenus à leur fin. On dit souvent que le tennis d’aujourd’hui manque de joueurs à fort caractère. Tu es d’accord avec cela ? Les règles du tennis ont définitivement forcé les joueurs à se comporter d’une manière beaucoup plus barbante. Moi, j’ai poussé pour qu’on soit plus souple avec les gars qui cassaient leur raquette, par exemple. Ou qu’on laisse les fans garder les balles qu’ils attrapent, pendant un match, qu’on soit moins strict avec le public quand il fait du bruit... Selon moi, le tennis doit s’adapter et devenir plus « fan friendly ». Aujourd’hui, tu te retrouves dans un joueur, en particulier ? Bien sûr. Mes deux enfants, âgés de six et quatre ans. Ace et Jesse.

« Crazy Dany » Nous aurions pu, également, décerner la palme d’or à un joueur autrichien très connu des arbitres et autres parieurs, Daniel Koellerer, dont la carrière a marqué les esprits par ses frasques et sa singularité. Portrait rapide de la folie ordinaire de ce caractériel hors-catégorie, qui a fini par être banni des courts à vie.

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olérique, agressif, insupportable, agaçant. Autant de qualificatifs peu flatteurs qui reviennent au sujet de Daniel Koellerer. Né le 17 août 1983 à Wels, en Autriche, Daniel Koellerer débute sa carrière professionnelle à partir de 2002. Jusque-là, rien à signaler. Sauf que « Dani » sème la terreur auprès des arbitres, des juges de lignes, des ramasseurs, spectateurs et, surtout, de ses adversaires lorsque ses nerfs lâchent. Une étiquette de joueur caractériel que le garçon a tout fait pour entretenir. Ses frasques sont devenues cultes. En 2006, au cours d’une tournée disputée en Amérique du Sud, il écope de six mois de suspension pour mauvais comportement. De quoi bien cerner le personnage. « Dani » est également capable de briser sa raquette en deux sur son genou après une défaite à Munich face à Philipp Petzschner. L’Autrichien est aussi ce genre d’individu qui se crache dans la main avant de serrer celle de Filippo Volandri. Charmant. Ainsi se fait-il apprécier de ses collègues – on comprend qu’il ait ensuite du mal à trouver des partenaires d’entraînement. Passablement agacé par son comportement sur le terrain, Stefan Koubek, un compatriote, était tout proche de l’étrangler sur son banc. Mais son chef d’œuvre absolu remonte à 2010 lors d’un Challenger à Szczecin, en Pologne, face à Pablo Cuevas. À l’entame du troisième set, Koellerer est au service. Alors que l’échange s’installe, il monte au filet et joue une volée amortie. Cuevas se précipite, donne un coup de raquette qui passe de l’autre côté du filet, mais rate la balle... Koellerer s’écroule alors au sol, sans raison apparente – comme s’il avait été touché par le coup de l’Uruguayen, ce qui n’est absolument pas le cas. L’Autrichien se tord de douleur, mais personne ne réagit. Contraint de persister dans sa mauvaise foi, il rejoint son banc en boitant, et abandonne. Une simulation d’exception. Mais une telle carrière devait se terminer en apothéose. Le 31 mai 2011, Daniel est suspendu à vie par la Tennis Integrity Unit « pour avoir tenté de truquer des matchs ». Un clap de fin à l’image de sa carrière : controversé. Loïc Revol

sur welovetennis.fr

retrouvez la vidéo de l’incroyable simulation de Daniel Koellerer face à Pablo Cuevas sur la home page de notre site Welovetennis.fr. Ainsi que toutes les autres vidéos de ces caractériels dans la rubrique consacrée, sur welovetennis.fr/grandchelem

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GRANDCHELEM - magazine d’informations GRATUIT sur le tennis - bimestriel - septembre-octobre 2014

Les pétages de plombs de Jeff Tarango Au troisième tour de Wimbledon, en 1995, Jeff Tarango est mené 7-6(6) 2-1 par Alexander Mronz lorsque tout bascule... Sur une balle adverse annoncée « faute », Bruno Rebeuh, l’arbitre français de la rencontre, overrule son juge de ligne pour donner le point à Mronz. Tarango s’approche de lui, commence à discuter... puis rejoint sa ligne de fond de court, passablement énervé. En réponse aux quelques manifestations du public, il lâche alors : « Oh, shut up ! » L’arbitre lui inflige immédiatement un avertissement pour violation du code de conduite. L’Américain n’en croit pas ses yeux : « Comment ça ? Pour avoir dit « shut up » ? » Il proteste et en vient à appeler le superviseur sur le court, réclamant le remplacement de Rebeuh. Evidemment, ses doléances ne sont pas entendues et il lui est intimé de recommencer à jouer. Tarango n’en peut plus et lance, en retournant de son côté du terrain... « Vous êtes l’officiel le plus corrompu de ce sport ! » L’arbitre réagit : nouvel avertissement et point de pénalité. L’Américain explose. « C’est fini ! » Il range sa raquette, prend son sac et quitte le court. Pis, un peu plus tard, sa femme, une Française, gifle Bruno Rebeuh. Jeff Tarango sera sanctionné d’une amende de 45 000£ et interdit de participation à Wimbledon, l’année d’après. Deux ans plus tard, à Roland Garros, il livre un véritable numéro de cirque face à Thomas Muster. Imitant les ahanements de son adversaire à la fin du premier set, il se justifie en conférence de presse : « A un moment donné, les grognements qu’il pousse font un écho dans ma tête, c’est vraiment trop. C’est fou, hein, ce bruit qu’il fait... Et moi, je le fais une fois, je me prend un let. C’était une comédie, c’était ridicule... » Plus tard, il provoque Muster en gonflant les bras ; celui-ci le vise sur un smash ; l’arbitre descend de sa chaise une quinzaine de fois pour vérifier les marques ; Tarango sert à la cuillère... L’Américain finit par perdre le match 7-5 1-6 6-2 6-1, s’approche pour serrer la main de son adversaire... qui la refuse. Encore un sacré moment de caractère !


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