us open 2015
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Djokovic : le mutant En décrochant son dixième titre du Grand Chelem, Novak Djokovic change de dimension. À 28 ans, le Serbe n’est plus qu’à quatre unités de Pete Sampras et Rafael Nadal. Lancé à grande vitesse, le numéro un mondial peut voir loin, très loin… Textes de Loïc revol envoyé spécial à New York et Clément Gielly
Banaliser l’exceptionnel. Nous avons tellement été habitués au caviar et aux records qui tombent les uns après les autres, que nous avons parfois du mal à apprécier à leur juste valeur les performances actuelles de Novak Djokovic. Au point que les exploits de Nole sont devenus difficiles à classer dans l’imaginaire collectif. Pourtant, ce que réalise le Serbe est hors-norme. Son succès à New-York, le dixième de ses titres majeurs, lui permet d’entrer dans le cercle très fermé des vainqueurs de Grand Chelem à deux chiffres, bouclant ainsi une saison 2015 grand cru. Avec un deuxième Petit Chelem après 2011 (dans l’ère Open, seul Roger Federer l’a réalisé à plusieurs reprises en 2004, 2006 et 2007) et un Grand Chelem des finales que Federer était le dernier à avoir accompli en 2009, sa domination sur le monde de la petite balle jaune est sans partage. Djokovic n’a laissé que des miettes à ses concurrents : douze tournois, onze finales consécutives (série en cours), sept trophées. À 28 ans, le Djoker semble n’avoir plus de limites et rattrape de façon irrépressible Björn Borg et Rod Laver, onze fois vainqueurs dans les Majeurs. Ce n’est qu’une question de temps. Mais le protégé de Boris Becker voit plus loin, comme les 14 trophées de Rafael Nadal et Pete Sampras. Au même âge, il est en retard sur les temps de passage de Roger Federer (15) et Rafael Nadal (14). Certes. Mais, aujourd’hui, son hégémonie est absolue, son règne total. Depuis 2011, l’année de sa prise de pouvoir, il a remporté neuf titres du Grand Chelem sur vingt possibles et disputé quinze finales. Personne ne fait mieux. À ce rythme-là, Nole effacera rapidement les stats de l’Espagnol et de l’Américain du revers de la main, aucun joueur ne pouvant lutter physiquement contre lui. Rafa n’est plus que l’ombre de lui-même et Federer, avec ses 34 printemps, ne constitue plus une menace à long terme dans des matchs en cinq sets. Bousculé par un public new-yorkais odieux et indigne de sa performance, le Serbe a témoigné de toute sa force mentale. Si Connors ou Nadal étaient des monstres, Nole est le stade ultime. Cette rage lui apporte un supplément d’âme sans précédent. Son emprise ne fait que commencer. 2016 pourrait bien être l’année de l’avènement d’une légende…
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« Je ne peux pas critiquer le public, ici, à New-York, où l’interaction avec les spectateurs et le show font vraiment partie du tournoi. C’est normal qu’un champion comme Federer ait ce genre de soutien. C’est le cas partout dans le monde. Il le mérite par son com et en-dehors du cour portement sur t. À moi de faire en sorte de le mériter au ssi. »
Federer, l’équation insoluble ? Il faut être réaliste. Et Federer avec nous : un 18ème sacre en Grand Chelem reste quelque chose d’illusoire pour le Suisse. Encore une fois, du côté de New-York, toutes les conditions étaient réunies pour voir le Maestro s’adjuger un nouvel US Open. Un physique qui tient la route, un service kické faisant des merveilles, une nouvelle arme en retour, le SABR (lire encadré)… Seulement, voilà, Federer a craqué. Et pas qu’une fois… Contre le mutant Djokovic en finale, il s’est procuré la bagatelle de 23 balles de break… Mais n’en a converti que quatre ! Des regrets, il peut en avoir à la pelle. À 34 ans, le Bâlois joue l’un des tout meilleurs tennis de sa carrière. Mais, malgré un jeu en constante évolution, marqué par des prises de position résolument offensives, Roger Federer reste comme impuissant dans les tournois majeurs. Il s’écroule dans le money-time, chose à laquelle il ne nous avait pas habitué.
Le SABR, nouvelle arme de Federer Dans une perpétuelle envie d’innover, voire d’inventer, Roger Federer tente de nouvelles choses. Continuellement. C’est en pleine tournée américaine et, plus précisément, lors d’un entraînement avec Benoît Paire à Cincinnati, que le Suisse a dévoilé sa nouvelle arme : le SABR, acronyme de « Sneak Attack By Roger ». Celui que l’on surnomme « peRFect » s’amuse à retourner les deuxièmes services adverses en prenant la balle très tôt, souvent en demi-volée. Un nouveau coup qui a notamment fait ses preuves à l’US Open et que Federer risque bien de conserver dans sa palette !
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Serena Williams, ou la théorie du jour sans L’histoire du tennis est émaillée de rendez-vous manqués, où le champion, ultra-favori, semble tétanisé par l’enjeu et passe à côté de sa rencontre. C’est probablement ce qu’a vécu Serena Williams en demi-finale de l’US Open. Non, l’Américaine n’était pas invincible. Et c’est… presque rassurant. Textes de Laurent Trupiano
Lente, sans vie, sans puissance, face à une Roberta Vinci épatante : Serena Williams est tombée en demi-finale de l’US Open, se privant ainsi d’un Grand Chelem historique et d’un 22ème titre majeur. Une situation qui semblait improbable, même si, comme le précisait justement Patrick Mouratoglou, son coach, avant la rencontre, « il ne faut jamais sous-estimer son adversaire ». D’ailleurs, l’Américaine n’est pas tombée dans ce travers. L’explication de sa défaillance est ailleurs et c’est Marion Bartoli qui a su le mieux poser des mots sur ce qui s’est passé : « Serena a subi le poids de toute cette pression – et tout est arrivé en même temps. Tout à coup, son corps et sa tête ne répondaient plus. Ce fut comme un trou noir. J’ai déjà vécu cette sensation, c’est horrible. On se bat, on essaie de s’en sortir et cela fonctionne parfois. Mais, généralement, il est déjà trop tard. » Un avis partagé par Patrick Mouratoglou : « C’est un jour sans. Cela peut arriver dans ces tournois du Grand Chelem qui durent deux semaines. Elle n’est pas la seule à avoir vécu ça. Évidemment, vu le contexte, c’est malheureux… Mais c’est le tennis. Cela confirme que rien n’est joué d’avance et j’y vois du positif. On n’a toujours pas gagné ce 22ème titre, alors on va se remettre au travail. On a un bel objectif à atteindre. » Serena, elle, est restée cinq minutes en salle de presse, refusant d’évoquer les conséquences de cette défaite. Meurtrie, elle a rendu hommage à son adversaire du jour. Mais pensait, sûrement, déjà à l’Open d’Australie. Car, on le sait, Serena ne renonce jamais…
Lui aussi était tétanisé Tous les passionnés se souviennent de la rencontre épique entre Guillermo Coria et Gaston Gaudio en finale de Roland Garros, en 2004. Coria domine cette rencontre de la tête et des épaules et mène rapidement deux manches à zéro. Il fait le break dans le troisième set et puis… La catastrophe. Alors qu’il doit conclure, il tombe dans ce fameux trou noir. L’Argentin a beau tenter de survivre, le reste de la rencontre est un véritable calvaire qui le voit s’incliner au cinquième set, 8-6, après avoir eu deux balles de match. Jamais il ne se remettra de ce cyclone, tombant dans une « dépression » tennistique.
My Little Italy Le circuit féminin nous propose souvent des scenarii complètement improbables. La victoire de Flavia Pennetta en finale, face à sa compatriote Roberta Vinci, en est un inédit. Ce qu’il restera de cette finale italienne surprise entre Roberta Vinci et Flavia Pennetta, c’est d’abord ces merveilleux sourires à l’issue d’un duel entre amies. Mais aussi le jeu proposé, loin du stéréotype bim-bam-boum, où seule la puissance compte. On ne vous étonnera pas si l’on vous explique qu’on a apprécié le revers slicé de Roberta, qui faisait résonance avec le numéro 47 de GrandChelem. Surtout, le sacre de Flavia nous a forcément rappelé celui de Marion Bartoli à Wimbledon, en 2013. Une consécration ultime, presque un jubilé pour clore une carrière parsemée de superbes coups d’éclat. Il faut aussi rendre hommage à nos amis transalpins, dont la génération, révélée par le titre de Schiavone à Roland Garros, en 2010, confirme que l’Italie est une grande nation de tennis, où l’idée d’un certain style de jeu presque à l’ancienne perdure avec efficacité. En annonçant qu’elle allait se retirer à la fin de la saison, Flavia Pennetta a mis un peu plus en lumière cette épopée italienne de ces dernières années. Une épopée collective, où les performances en Grand Chelem ont été régulières et impressionnantes avec Francesca Schiavone, Sara Errani, Roberta Vinci et Flavia Pennetta, que ce soit en simple ou en double. Pas étonnant que la Squadra ait remporté la Fed Cup à trois reprises en six ans.
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