Grains de Sel n°91

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« Les enfants ne deviennent pas citoyens du jour au lendemain à la majorité. » Journaliste, auteur de Comment parler politique aux enfants, Sophie Lamoureux plaide pour donner le goût de la politique aux plus jeunes. Rencontre.

« La politique, ce n’est pas de ton âge », disent parfois les adultes aux enfants. Vous pensez exactement le contraire. Les enfants sont-ils si concernés ? Les enfants ne deviennent pas citoyens du jour au lendemain à la majorité, lorsqu’ils ont le droit de voter. C’est un long apprentissage, qui fait partie de l’éducation, pour permettre à son enfant de devenir plus tard acteur de sa vie et de trouver sa place dans la société. C’est aux parents d’encourager cette capacité si précieuse à s’étonner et à réfléchir. Vos propos vont à l’encontre du désenchantement politique auquel on assiste aujourd’hui. Faut-il redonner ses lettres de noblesse au mot politique ? La politique, c’est la façon dont les hommes organisent leur vie ensemble. Le fonctionnement des institutions, les repas à la cantine, les horaires à l’école, la construction des routes, tout cela, c’est de la politique. Elle ne se réduit pas aux petites batailles politiciennes. Elle nous concerne à tous les âges et tous les jours. Si on ne s’en occupe pas, ce sont les autres qui s’en occupent pour nous. Mais c’est être amputé d’une part de soi-même en étant sujet et non pas citoyen.

Autour de quel âge se construisent les premières formes de conscience politique ? Cet éveil se fait-il progressivement dès l’enfance à la faveur de questions, même très simples, ou apparaît-il véritablement à l’adolescence ? Dès 5 ans, les enfants nous posent de grandes questions : pourquoi y a-t-il des riches et des pauvres ? Pourquoi ce n’est pas juste ? Ils possèdent aussi un sens de la propriété : ce qui est à moi n’est pas à toi. C’est l’âge des réflexions philosophiques. Vers 7/8 ans, lorsqu’ils entrent dans l’âge dit de raison, les questions deviennent plus « scientifiques » : c’est quoi un maire ? Combien y a-t-il de députés ? À partir de 10 ans et à l’adolescence, les idéaux font surface. Les enfants sont sensibles aux héros au destin souvent tragique qui défendent leurs convictions. Comment, en tant que parents, accompagner ses enfants dans cette éducation à la citoyenneté ? La vie quotidienne offre plein d’opportunités pour ouvrir des discussions. Il suffit d’accueillir les interrogations des enfants sur une injustice à l’école, la présence des SDF dans la rue, une manifestation. Toutes ces questions concrètes sont propices aux échanges. À l’occasion des élections municipales, on peut aussi proposer aux enfants de venir au bureau de vote pour leur montrer à quoi cela ressemble de participer à la démocratie. Généralement, cela les amuse de voir qu’on se cache dans un isoloir, que l’on met l’enveloppe dans une urne. Avec les plus grands, certaines questions peuvent nous laisser sans réponses. Les parents ne sont pas des encyclopédies sur pattes, mais ils peuvent se documenter avec leurs enfants. Les jeux vidéo, dont beaucoup proposent de créer une société de A à Z, peuvent aussi être un support de discussion sur différents modèles d’organisation de la société. Avec les adolescents, c’est souvent le bon moment pour échanger sur les contestations politiques historiques.

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