Bg marcilhac

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de couleur. Dans l'atelier de Jean Dunand, c'est son fils Bernard qui se lancera dans la mise au point de ces laques de couleurs transparentes. Il parviendra à varier les tons et les valeurs de façon tout à fait remarquable, encouragé par Jean Dunand qui trouvait dans ces innovations matière à les utiliser personnellement. Avec le recul du temps, l'attrait de la nouveauté ne semble plus intéresser autant Bernard Dunand qui se plaît à reconnaître aujourd'hui que la laque naturelle ne doit pas être travaillée en un trop grand nombre de couleurs, car toute l'habileté du travail du laqueur consiste à parvenir à une évocation des nuances avec la palette réduite dont il dispose naturellement. A la vérité, la laque n'est pas de la peinture et il convient donc de l'utiliser en respectant ses règles spécifiques. Il faut noter que, en français, le mot laque est masculin lorsque l'on parle d'une œuvre exécutée dans cette matière, et féminin lorsque l'on désigne la matière elle-même. Ainsi, on dira d'un grand panneau décoré qu'il s'agit « d'un laque », alors que l'on précisera qu'il a été exécuté avec « de la laque ».

Les techniques de fabrication

déformation des bâtis lors de leur séjour en chambre humide. Là encore, comme pour les hélices d'avion, la colle forte y gonflait sous l'effet de l'eau: les assemblages se décollaient et s'ouvraient. Il prit alors la décision d'ouvrir un petit atelier d'ébénisterie et engagea à plein temps le charpentier avec lequel il avait procédé à l'agrandissement de son atelier une fois récupéré le local de Heinsius. Il fit l'acquisition de matériaux de récupération sur des chantiers de démolition et réalisa alors tous ses collages à la caséine, matière ayant l'avantage de ne pas se dissoudre à l'humidité. Il installa par la suite, vers 1925, en ouvrant un véritable atelier d'ébénisterie, l'une des plus grandes presses à bois de la région parisienne. Il est vrai que la taille des œuvres qu'il entreprenait l'obligeait pratiquement à le faire. De même, à cette époque, il installa toutes les machines nécessaires à sa nouvelle entreprise pour dégauchir les grands panneaux, les raboter ou les cintrer, ajoutant des scies à ruban, des scies circulaires, des toupilleuses, des mortaiseuses, etc. Débités selon les besoins, les panneaux étaient ensuite emmagasinés dans un grand hangar pour y parfaire leur séchage avant d'être façonnés.

Les techniques de fabrication varient selon les objets à réaliser. Jean Dunand choisissait donc avec une extrême précaution ses panneaux de bois qui, de toutes façons, devaient être travaillés selon des méthodes spéciales pour pouvoir résister à l'humidité. Après avoir eu comme chambre humide, pour le séchage de ses premiers objets laqués, de simples armoires, Jean Dunand a pu installer après la guerre de 1914-1918 une pièce assez vaste pour y faire durcir la laque de plusieurs paravents à la fois. Ayant résolu son manque de place par l'adjonction de nouveaux locaux, il construisit lui-même, avec l'aide d'ouvriers de l'atelier, quatre chambres humides. Placée au rezde-chaussée de l'atelier, c'était une sorte de caveau en ciment, sans ouverture autre que la porte par laquelle on entrait pour placer les meubles et objets et qui fermait hermétiquement. On y pénétrait de plain-pied et, à l'intérieur, l'eau coulait sur les murs de façon régulière, afin de maintenir une humidité constante. La laque naturelle étant une diastase, c'est cette humIdité qui occasionne, par fermentation, à la fois son durcissement par oxydation et son séchage. Dès le laquage des premiers paravents, réalisés en contreplaqué et construits à l'extérieur de l'entreprise familiale, Jean Dunand eut de nombreux déboires, causés principalement par la

Les bois les plus adaptés à recevoir la laque ne doivent pas être trop durs, ni trop denses, afin que les premières couches de laque puissent bien y pénétrer. De plus, ils doivent avoir un grain aussi régulier que possible et ne pas avoir de veines dures et de veines tendres alternées de façon trop marquée, ni présenter de nœuds ou de défauts. Le noyer de nos campagnes de France, le tilleul, le tulipier ou l'acajou constituent les meilleurs supports qui soient. Les Japonais parlent de ces arbres en disant que la laque en est « amoureuse », tellement elle y pénètre bien. Le contreplaqué que Dunand exécutait dans ses ateliers était en général fabriqué avec une âme de peuplier, exécutée en lattes de bois de section carrée, collées les unes aux autres pour former une planche. Une fois séchée à la presse, cette planche était dégauchie pour corriger le peu de jeu qui pouvait encore exister, après quoi on collait sur chaque face deux ou trois placages successifs, en les posant de telle sorte que le sens des veines du bois se contrarie. Dunand recommandait de n'utiliser que des feuilles de bois se suivant dans le débitage, afin d'être certain qu'elles aient les mêmes réseaux de veines pour réagir de la même façon une fois collées sur chacune des deux faces. Les meubles laqués devaient être construits selon une technique spéciale, en rejetant toute partie en bois debout, inapte à être laquée parce que se déformant de quelque façon qu'elle soit utilisée,

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