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Architecture & Patrimoine
ALBY-SUR-CHÉRAN Valoriser l’héritage
Et si on sortait des villes pour redécouvrir les atouts des communes rurales ? À seulement 15 kilomètres d’Annecy, Alby-sur-Chéran est une petite pépite. Ce qui rend le village si particulier ? Son bourg médiéval, son patrimoine architectural et naturel. Un parfait exemple qui illustre la forte attractivité des territoires ruraux.
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REPORTAGE TEXTE ET PHOTOS : PATRICIA PARQUET
Des fanions colorés s’agitent au-dessus de la place du Trophée. Installés à l’occasion de la Fête médiévale d’Alby-sur-Chéran, ils lui donnent un air de kermesse. Le bourg médiéval, avec sa fontaine, sa place, ses maisons aux façades colorées, ses anciennes échoppes et ses ruelles vient de retrouver son calme et sa simplicité. Assis à la terrasse du Café les Petits Galets, sous les arcades, nous nous sentons hors du temps, loin du tumulte des villes touristiques de la région. Cette partie ancienne donne un charme fou au village. Quel contraste avec la partie plus habitée et ses constructions récentes en périphérie ! En découvrant cette bourgade de 2 700 habitants qui ne cesse de s’accroître, nous croisons Jean-Claude Martin, maire de la commune depuis 20 ans, fervent défenseur de la mobilité douce. Il ne met que 33 minutes à vélo électrique pour rejoindre Annecy. « Il n’y a pas que les bords du lac ! Ici vous verrez, c’est plus calme. Nous voyons arriver de plus en plus de familles. La population est l’une des plus jeunes de l’agglomération annécienne dont nous faisons partie. Les maisons se vendent en une semaine, c’est incroyable. Nous accueillons de plus en plus de résidents secondaires », nous préciset-il, heureux de comptabiliser 34 associations qui proposent des animations tout au long de l’année. Nous voici au cœur du Pays d’Alby réunissant 15 communes et 15 000 habitants. « Nous voudrions devenir la ville du quart d’heure ou tout se fait à pied ou à vélo en 15 minutes », souligne le maire, fier de nous indiquer que sa commune a été la deuxième communale rurale en France à avoir obtenu l’électricité. Ce bourg était autrefois protégé par 7 châteaux. Aujourd’hui, il n’en existe plus que deux, en ruine (dont l’ancienne résidence des seigneurs d’Alby). Les châteaux ont été détruits au fil du temps. Pourquoi venir ? Pour visiter le bourg et son patrimoine local. Des visites libres ou guidées sont proposées toute l’année afin de découvrir l’architecture et le patrimoine naturel du village en 12 étapes. Un musée dans un village, c’est fabuleux ! Alby-sur-Chéran en possède deux : le musée de la Cordonnerie et le musée de la Ciergerie. Ils racontent la richesse de l’artisanat qui a marqué l’histoire du site. C’est sans aucun doute la meilleure manière de raconter les lieux, de se replonger dans le passé pour mieux comprendre le présent. La commune a su valoriser cet héritage en achetant le bâtiment de l’ancienne cordonnerie, en le mettant aux normes, en présentant de manière simple et lisible les objets exposés, comme une mémoire du temps accessible.








Un village, deux musées
Il y a eu jusqu’à 70 maîtres-cordonniers et 300 personnes vivaient de cette activité dans le village d’Alby-sur-Chéran (tannerie, fileuses de chanvre et de lin pour coudre les chaussures). Les peaux qui servaient à fabriquer des chaussures étaient lavées dans le Chéran et dans la fontaine sur la place centrale. Jeter un œil au toit du bâtiment, au-dessus de la cordonnerie. Les peux étaient séchées sur une poulie (la seule qui reste à ce jour). Au XIXe siècle, des cordonniers d’Alby-sur-Chéran avaient été réquisitionnés pour fabriquer des chaussures pour les militaires lors de la guerre avec la Prusse en 1870. Ce n’est pas la chaussure de Sept Lieux d’un géant qui est exposée au musée, mais le chef d’œuvre d’un apprenti. Imaginez la tête des enfants devant l’objet hors norme. Il fallait jusqu’à deux jours pour fabriquer une chaussure. Dans la région, les cordonniers fabriquaient surtout des sabots et des galoches. Les outils accrochés racontent différentes étapes de fabrication et de préparation des peaux. Autre musée, autre ambiance. Tout est resté là, figé dans le temps, comme si l’atelier de fabrication de cierges de la famille Blanchet avait fermé la veille. Les cierges sont encore suspendus sur un grand cercle, accroché au plafond. Les morceaux de paraffine sont empilés tandis que des coulures de cire apparaissent au fond des chaudrons en cuivre. Le neveu ou la nièce de l’ancien propriétaire de la ciergerie raconte tour à tour l’histoire de cet atelier ouvert en 1860, devenu propriété de la commune qui a décidé de le laisser en l’état et d’en faire un musée. L’activité a pris fin en 1985, mais les visites permettent de ne pas oublier l’activité qui fait partie de l’histoire du village.


POUR EN SAVOIR PLUS
Musée de la cordonnerie : entrée libre et gratuite de juin à septembre. Visites guidées sur réservations. Tél. 04 50 68 39 44. Ciergerie Blanchet : visites sur rendez-vous uniquement. À partir de 5 adultes. Date à retenir : Les Médiévales d’Alby-sur-Chéran, les 14 et 15 mai 2022 Visite libre : circuit « Suivez la mouche », départ sur la place du Trophée, durée 1 heure. Pour en savoir plus : mairie-alby-sur-cheran.fr
Après une déambulation dans le bourg médiéval, une visite à l’église contemporaine Notre-Dame de Plaimpalais de l’architecte Maurice Novarina (1907-2002) offre un fabuleux saut dans le temps.
TEXTE : PATRICIA PARQUET
Quel drôle de clocher ! C’est une colonne cylindrique de 22 mètres de haut, ajourée d’une centaine de lucarnes, séparée de son église. Sa forme rappelle le donjon qui dominait autrefois le village d’Alby-sur-Chéran au Moyen-Âge. Le baptistère se situe sous le clocher selon la tradition byzantine. Le plan de l’église Notre-Dame de Plaimpalais est simple. Un grand rectangle abrite la nef centrale à laquelle s’ajoute une chapelle sur le côté. Le plafond est rythmé par les lames d’épicéa de la région. Derrière la simplicité des murs massifs édifiés en pierre, en provenance des carrières de Bange, près d’Alby-sur-Chéran, on imagine le travail colossal des deux artisans locaux ayant taillé à la main chacune d’entre elles (ce qui représente 5 et 2 ans de travail).
DES MURS-VITRAUX COLORÉS
Les plans sont signés de l’architecte haut-savoyard, Maurice Novarina (à son actif, une vingtaine de bâtiments religieux, mais aussi le centre culturel Bonlieu à Annecy, le palais des sports de Megève, l’hôtel de ville de Grenoble et des réalisations en France et à l’étranger). Les travaux de l’église Notre-Dame de Plaimpalais ont démarré réellement en 1954. L’église a vu le jour grâce à la participation de 2 300 bénévoles (il n’y avait alors que 750 habitants) et l’énergie de l’abbé Périllat. Ce dernier a même passé son permis poids lourds pour pouvoir transporter les pierres. L’édifice a remplacé une église, fragilisée par un glissement de terrain et détruite par un incendie en 1935. L’architecte a souhaité associer son architecture à l’art. Il a fait appel à son ami le maître verrier Alfred Manessier pour concevoir les vitraux. Fabriqués par les ateliers Lorin à Chartres et installés en 1978, ces vitraux recouvrent des pans de murs du sol au plafond. Remarquables, ils sont inscrits aux Monuments historiques. Quand la lumière transperce les petits morceaux de verre, elle éclate à l’intérieur et rayonne de couleurs bleus, rouges et jaunes dominantes. La lumière révèle l’architecture de Maurice Novarina dont elle fait entièrement partie. Poussez la porte, l’entrée est libre en journée. Un clocher en forme de donjon, des murs en pierres et d’éclatants vitraux. L’église de Notre-Dame de Plaimpalais, construite par l’architecte Maurice Novarina, fut inaugurée en 1960 et terminée quelques années plus tard. Pierres locales apparentes, toiture en ardoise.


OÙ VOIR LES ÉGLISES DE MAURICE NOVARINA ?
L’architecte a réalisé plus d’une vingtaine d’édifices religieux. En voici quelquesuns qu’il est possible de visiter en Savoie et en Haute-Savoie : l’Église NotreDame du Léman à Vongy/Thonon-les-Bains, l’Église Notre-Dame des Alpes au Fayet à Saint-Gervais, Sainte-Bernadette à Annecy avec l’architecte Claude Fay, Notre-Dame-de-Toute Grace au Plateau d’Assy, Notre-Dame de Toute Prudence au col de l’Iseran à Bonneval-sur-Arc, l’Église Notre-Dame de la Rencontre à Amphion-Publier, l’Église du Sacré-Cœur à Cran Gevrier, l’Église Notre-Dame de Lourdes à Thonon-les-Bains, l’Église Saint-Simond à Aix-les-Bains, l’Église Notre-Dame de la Paix à Étrembières…
Sources: Maurice Novarina, architecte, collection Portrait, édité par le Caue de HauteSavoie, Franck Delorme et Carine Bonnot.