Photojournalisme en danger - Mémoire de recherche IEP - Frédéric Marie

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Photojournalisme en danger Une profession dans le flou entre mort annoncée et survie

IEP de Toulouse Mémoire de recherche présenté par Frédéric Marie Directeur du mémoire : Olivier Baisnée Date : 2013


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Photojournalisme en danger Une profession dans le flou entre mort annoncée et survie

IEP de Toulouse Mémoire de recherche présenté par Frédéric Marie Directeur du mémoire : Olivier Baisnée Date : 2013

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AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS

Faire l’état des lieux d’une profession que l’on souhaite exercer n’est pas chose facile. Non pas qu’il y ait de grandes difficultés dans le travail d’enquête ou de recherche, mais parce que certaines réalités ne sont pas faciles à admettre. Néanmoins, ce travail fut des plus enrichissant et passionnant à mener, d’autant plus qu’il a également été l’occasion de rencontrer des personnes formidables et qui m’ont aidé dans l’élaboration de ce mémoire mais aussi dans ma vie professionnelle. Je tiens donc à les remercier : Frédéric Scheiber, Patrick Bernard, Benjamin Girette, Frédéric Lancelot, Rémi Benoît, Clément Debeir, Théo Renaut, des photojournalistes qui en plus d’être talentueux sont d’une incroyable gentillesse. Je tiens également à remercier mon maître de mémoire et également directeur de Master, Olivier Baisnée pour ses conseils et son inépuisable connaissance en sociologie du journalisme. Enfin, ce travail a été mené en parallèle de reportages sur le terrain pour la presse et certaines rencontres ont été capitales pour mener à bien cette réflexion sur la profession de photographe de presse. Directement ou indirectement, ces personnes ont également participé à ce mémoire et je les en remercie.

Être photographe c’est écrire avec la lumière. Être photojournaliste c’est capter la lumière de la vérité.

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AVERTISSEMENT L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur(e).

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Sommaire CHAPITRE 1 : LA CRISE DU PHOTOJOURNALISME… OUI MAIS POURQUOI ? I/ Le journalisme en crise 1) Vers la fin de la presse écrite 2) Journaliste, un statut qui se précarise 3) Du multimédia à l’homme orchestre II/ La technologie contre la photographie (approche historique et culturelle) 1) L’affirmation de la télévision et des médias de masse 2) L’Internet et les réseaux sociaux 3) Des agences aux banques d’image III/ La chute des prix 1) L’épineuse question du DR 2) La photo libre de droit 3) La photo d’amateur CHAPITRE 2 : LE PHOTOJOURNALISME N’EST PAS ENCORE MORT I/ Un métier à part entière 1) Les contraintes techniques et esthétiques 2) Un travail d’enquête et de journaliste, « l’œil » 3) Etude de cas : le reporter de guerre II/ La niche du people 1) La photo que personne n’a. La dimension d’être tout seul 2) Un métier lucratif 3) Nuance : des budgets de moins en moins importants III/ Le financement privé 1) L’argent du Corporate 2) Le prix de la reconnaissance 3) Le cas de Visa pour l’image

Conclusion et ouverture

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« Arrêtons de dire que le photojournalisme est mort » (Raymond Depardon)

Le photojournalisme fait face à un paradoxe qui lui colle à la peau depuis plusieurs années. En effet, jamais la demande en photo dans la presse n’a été aussi importante et pourtant la profession est considérée comme étant en crise. Mais est-ce pour autant le terme adéquat ? Il est évident que ce que l’on appelle « l’âge d’or du photojournalisme » semble derrière nous. Les agences de reportage qu’étaient Sipa, Gamma ou encore Sygma ont laissé place, non sans résistance, à des banques d’images dans lesquelles piochent les médias, pour quelques centimes d’euros, à la recherche d’images d’illustration. Les Gilles Caron, Raymond Depardon, Henri Bureau, Jean-Pierre Laffont, Alain Dejean, Patrick Chauvel, et bien d’autres encore, ont eu la chance de vivre à la fois le début d’une aventure ainsi que son apogée, et pour certain même, son déclin. Le photojournalisme est une invention contemporaine, qui n’a eu de cesse de muter depuis les années 1930. La technique a été la partie visible de l’iceberg dans cette évolution, avec une technologie qui a transformé la pellicule en carte mémoire en à peine quelques dizaines d’années. Cependant, le journalisme a lui aussi connu des mutations. Le photographe de presse n’est plus le même qu’il y a quarante ans et ses images non plus. Pour un photographe qui débute au début des années 2000, le fait qu’une rédaction envoie un photographe à l’autre bout du monde et le rémunère pour son travail semble presque inconcevable. En quelques clics sur Twitter ou Facebook, un journal peut trouver un photographe local et lui acheter sa production pour une bouchée de pain. L’ambiance est plutôt morose dans le milieu du photojournalisme, y compris lors du festival « Visa pour l’image » de Perpignan. Des conférences sur l’avenir de la profession apparaissent dans le programme des festivités et les conversations dans les bars perpignanais ne sont pas des plus réjouissantes lorsque l’on commence à aborder son quotidien de photographe, de directeur photo ou encore d’iconographe. « Ce n’est vraiment pas un métier que je conseillerai de faire à un jeune », lance l’un d’entre eux. Et pourtant, la profession fait toujours rêver. Le photographe de presse a endossé le rôle de martyr de la profession de journaliste. Il est celui qui peut être remplacé par le rédacteur et son appareil photo compact bon marché, par soucis d’économie, il est celui qui doit laisser plus de place dans le journal à son collègue de l’écrit, il est celui qui coûte le plus cher à la rédaction, du fait de son matériel continuellement obsolète.

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Cependant, est-ce vraiment la réalité ? Le photojournalisme est-il vraiment en train de mourir ? Est-ce seulement possible ? C’est pour répondre à ces questions que ce travail a été mené. La démarche qui a été choisie a consisté à analyser individuellement, d’une part le monde de la photographie, et d’autre part celui du journalisme, afin de mener une réflexion globale pertinente. L’objectif a été de comprendre les causes du déclin de cette profession, tout en se demandant s’il est pour autant question de crise. Le but de ce travail n’est pas de prédire l’avenir ni de conjecturer sur les évolutions que connaîtra le photojournalisme dans les prochaines années, encore moins de donner des solutions. L’intérêt de cette étude est d’aller plus loin que le simple constat défaitiste qui anime toute une profession et de s’intéresser à ce qui fait que cette dernière est une branche primordiale du journalisme : témoigner. En suivant cette démarche, à travers des lectures et des entretiens avec des professionnels du milieu, il s’est rapidement révélé que le photojournalisme n’a pas dit son dernier mot, même s’il est évident que la condition des photographes de presse est loin d’être encourageante. Au final, rares sont les photographes qui vivent exclusivement de la presse. Et pourtant, plusieurs éléments montrent que la profession n’est pas forcément appelée à disparaître.

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CHAPITRE 1 : LA CRISE DU PHOTOJOURNALISME… OUI MAIS POURQUOI ?

Le photojournalisme est mort, vive le photojournalisme ! Depuis les années 1950, on annonce la mort de cette profession sans jamais en voir la fin. La plupart des ouvrages sur le photojournalisme commencent tous par le même constat, celui d’un univers en crise, avant de rappeler pourtant que les protagonistes sont loin d’avoir tirés leur révérence. Au delà de l’évidence du marché de la photo qui est clairement catastrophique, il existe des causes bien plus profondes qu’il est nécessaire de développer afin de bien comprendre la situation actuelle. Le photojournaliste est, comme son nom l’indique, photographe et journaliste. Il est donc évident que les deux univers, pris séparément, doivent être analysés, car il existe des deux côtés, des éléments de réflexions indispensables pour comprendre pourquoi il est devenu d’usage d’employer le mot « crise » à tout bout de champs, y compris dans ce domaine d’activité.

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I/ Le journalisme en crise 1) Vers la fin de la presse écrite Si Eric Sherer, journaliste, pose la question dans son livre intitulé A-t-on encore besoin des journalistes ? c’est que l’interrogation est bien présente dans l’opinion publique. « Il y a 15 ans, le monde qui arrivait à nous, passait par le tamis des médias et des journalistes, qui dictaient aux masses leur choix des contenus. Cet oligopole a vécu. Le journaliste n’est plus seul à dire au monde qui il est. Il n’est plus le seul historien du présent et des évolutions de nos sociétés ». Le constat du journaliste se confirme lorsque l’on navigue sur les réseaux sociaux. Les « timeline » de Facebook et de Twitter sont en train de remettre en cause le simple fait d’acheter un journal au kiosque. Pourquoi se satisfaire d’un simple exemplaire papier, lorsqu’en quelques mouvements de souris d’ordinateur, l’internaute peut avoir accès à des centaines de sources d’informations différentes ? Ce constat ainsi que les trop importants coûts de tirage et de distribution font que les annonceurs se détournent de plus en plus du média « traditionnel » qu’est la presse papier. Or cette évolution n’est pas récente. Certes la crise économique a porté un coup très dur aux rédactions, provoquant pertes de chiffre d’affaire et plans sociaux, mais Eric Sherer rappelle que la presse écrite est entrée en récession en 2007. D’ailleurs, les chiffres communiqués par la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels (CCIJP) vont en ce sens. En effet, entre 2001 et 2009, le nombre de « reporters photographes mensualisés » a diminué de 16 % (de 786 à 664) et celui de « reporters photographes pigistes » a diminué quant à lui de 30 % (de 660 à 460). Cependant, malgré les idées reçues, ce n’est pas Internet qui est l’unique fautif, mais « le temps non disponible, la fragmentation des contenus et la prolifération, tout au long de la journée, des choix et des sollicitations », selon Eric Sherer. Le lecteur a de moins en moins de temps à consacrer à l’information. C’est d’ailleurs le leitmotiv du quotidien national 20 Minutes. Le gratuit est en quelques années devenu le quotidien le plus lu de France avec un concept simple, la possibilité pour le lecteur de s’informer en moins de temps qu’il ne lui en faut pour prendre le métro, qui plus est, gratuitement. Il semble néanmoins évident qu’Internet a bouleversé la donne journalistique, comme le fait remarqué Bruno Patino, ancien président du Monde Interactif et actuel responsable du numérique à France Télévision, dans un ouvrage dont il est l’un des auteurs, La presse sans

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Gutenberg : « Internet n’est pas un support en plus ; c’est la fin du journalisme tel qu’il a vécu jusqu’ici. La presse n’a pas entamé un nouveau chapitre de son histoire, mais bien une autre histoire, sous le régime d’Internet ». 2) Journaliste, un statut qui se précarise La première victime de la crise qui touche la presse écrite n’est pas l’information, mais bien la profession de journaliste. En effet, ces derniers souffrent à plusieurs niveaux. Les plans sociaux s’enchaînent dans les rédactions afin de couper dans les dépenses, ce qui a plusieurs effets : les CDI se font rares voire inexistants, les pigistes sont de moins en moins bien rémunérés, les stagiaires d’écoles de journalismes se retrouvent à faire le travail de salariés tout en touchant de ridicules « indemnités », etc… Alain Accardo, un sociologue des médias, dans son ouvrage Journalistes précaires, journalistes au quotidien (Agone, 2007), met en avant un autre aspect du déclin du journalisme en abordant les difficultés que traversent les membres de la profession. A travers les nombreux témoignages présents dans l’ouvrage, on peut se rendre compte de la réalité du métier : production très mal rémunérée, conditions de travail difficiles, relations entre collègues conflictuelles et vie sociale sacrifiée. Le pigiste est souvent perçu comme le précaire par excellence, n’ayant pas réussi à accéder à un poste dans une rédaction et contraint de travailler plus que les autres pour finir ses fins de mois. Une étude du cabinet indépendant Technologia1 menée en 2010, en partenariat avec le Syndicat National des Journalistes (SNJ), intitulée « le travail réel des journalistes, qualité de l’information et démocratie », montre que face à cette situation, le journaliste a tendance à ne pas compter ses heures et s’adonne avec ferveur, ce qui amène à une situation « propice au rétrécissement de la vie personnelle et conduit, le plus souvent à ressentir une fatigue physique et psychique », ou encore de frustration, liée à une « résignation du journaliste qui, désespéré de ne pas être reconnu pour son travail, augmente en nombre les rédactions d’articles pour pouvoir vivre décemment mais qui, pas ailleurs, avoue ne pas toujours faire un travail de qualité ». Il faut cependant apporter une nuance aux conclusions de cette étude, qui ne prend pas suffisamment en compte le fait que de nombreux journalistes choisissent de travailler à la 1

Rapport d’étude réalisé sous la direction de Jean-Claude Delgènes, directeur général du Cabinet indépendant spécialisé en prévention des risques professionnels. www.technologia.fr

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pige, car ce mode de fonctionnement correspond à leurs attentes. C’est le cas par exemple de Wilfrid Estève, cofondateur du collectif de photographes « l’œil Public » et président de l’association « FreeLens », qui revendique le statut de pigiste lors d’une conférence à Sciences-Po Paris en janvier 20112. Autre facteur de précarité, le phénomène du CDD à répétition est devenu courant dans la presse. Plus grave, le CDD d’usage, spécifique à une vingtaine de secteur et dont celui de l’information, consolide le statut précaire du journaliste qui en « bénéficie », car il permet techniquement à l’employeur d’enchaîner les contrats sans avoir de carence à respecter, ni d’indemnité de fin de contrat à verser. Enfin, un exemple récent de précarité a fait parlé de lui dans le milieu du photojournalisme. En effet, l’un des gagnants du World Press Photo 2012 n’est autre qu’un chômeur de 25 ans. Daniel Rodriguez, jeune photographe portugais, a été obligé de vendre son matériel photo afin de payer ses factures, en septembre 2012. Sa photo en noir et blanc montrant des jeunes en train de jouer au football dans un village de Guinée-Bissau, ancienne colonie portugaise a remporté le premier prix dans la catégorie « Vie quotidienne », alors qu’aucun organe de presse n’a souhaité publier le cliché.

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http://www.journalisme.sciences-po.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=1025&Itemid=1

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Photo de Daniel Rodriguez, lauréat du World Press Photo 2012 3) Du multimédia à l’homme orchestre Le CDI, graal absolu du journaliste, existe encore. Cependant, pour le décrocher, il faut obligatoirement remplir une longue liste de conditions. Les rédactions font ainsi appel à des rédacteurs-photographes, capables de filmer, monter, prendre du son, le tout en parlant plusieurs langues. Les titres de presse quotidienne régionale suivent déjà ce modèle depuis plusieurs années, avec un réseau de correspondants locaux capables de fournir textes et photos. Peu importe la qualité, l’heure est aux économies. La division du travail n’est plus le modèle économique dominant dans la presse. Les rédactions demandent à leurs photographes de filmer afin de fournir du contenu qui sera publié sur Internet. C’est par exemple le cas de 20 Minutes. Depuis avril 2013, le quotidien a lancé son « journal avec réalité augmentée ». Dorénavant, en passant son smartphone sur une image, le lecteur lance une vidéo, souvent réalisée par l’auteur du cliché. Ce nouveau mode d’information est intéressant pour le lecteur, comme pour l’annonceur qui peut placer davantage de publicité, mais il représente un exercice très difficile pour le photographe, qui en plus de son travail de prise de vue photographique, de postproduction et d’archivage, se

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retrouve dans la peau d’un JRI (journaliste reporter d’image), devant mener des interviews et monter un reportage audiovisuel sur un logiciel approprié. Pour certains photographes interrogés dans le cadre de ce mémoire, la réaction est sans appel : « Je refuse de faire autre chose que de la photo. Lorsqu’un rédac chef me fait ce genre de proposition, je réponds toujours : « si vous cherchez quelqu’un qui sait tout faire moyennement alors ce n’est pas pour moi ». C’est comme les web documentaires, je trouve cela vraiment mauvais. On demande à un mec de faire le boulot de cinq autres, ce qui est complètement absurde ! », note Benjamin Girette, photojournaliste à IP3 Press. D’autres, comme Pierre Morel, acceptent de se prêter à l’exercice : « C’est génial de pouvoir écrire à côté des photos, de faire une petite vidéo. Faire dialoguer tous ces médias est une grande richesse. En revanche, cela demande du temps et sur de l’événementiel ou de l’actualité, c’est très dur car on est à la merci d’erreurs et d’un manque de rigueur. Certains journalistes le font très bien, mais ce n’est pas la majorité », et le photojournaliste indépendant reconnaît que « c’est vraiment un autre métier. Je m’en limite à ce que je sais faire : de la captation ou des interviews, pas plus. » Samuel Bollendorff, journaliste indépendant et précurseur du web documentaire avec « Voyage au bout du charbon » (2008), explique pourquoi il apprécie le mélange des genres offert par le web documentaire, dans une interview pour Polka dans le numéro n°21 de mars 2013 : « C’est un outil formidable qui donne beaucoup de liberté aux photographes. Il permet de faire du « hors champs » en sollicitant deux sens, l’ouïe et la vue. Au spectateur de relier le son et l’image selon son imaginaire, son expérience intime. Cette démarche est plus active que devant une télévision et l’information mieux reçue. »

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Conclusion I/ : Le photojournaliste, qu’il soit salarié d’une rédaction ou pigiste, doit faire face à un contexte difficile. Mais à la différence de ses collègues rédacteurs, JRI ou radiophoniques, il doit affronter des difficultés supplémentaires liées aux évolutions du métier de photographe.

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II/ La technologie contre la photographie (approche historique et culturelle) 1) L’affirmation de la télévision et des médias de masse L’affirmation de la télévision comme média de masse dans les années 70 porte le premier coup dur au photojournalisme. Dans son ouvrage Le photojournalisme, Jean-Pierre Amar rappelle « qu’entre 1960 et 1975, le nombre de postes de télévision est presque multiplié par dix et grâce aux satellites de télécommunications, les images voyagent d’un continent à l’autre très rapidement ». Aujourd’hui encore, il est très difficile pour les photographes de lutter contre cette immédiateté. Seules les photos d’agences dites « filaires » et de « hot news » comme l’AFP, Reuters ou Associated Press (AP) ont leur place dans la presse généraliste car il faut parler de ce que l’on voit sur les chaînes d’information en continue. Le « newsmagazine » a perdu le monopole du grand reportage comme c’était le cas pour Life lors de la guerre du Vietnam. Même Newsweek a tiré sa révérence en 2012. En France, l’hebdomadaire Paris Match continue de publier des grands reportages mais son heure de gloire est loin derrière lui.

Dernière couverture du célèbre magazine américain Le jeu de l’innovation fait que les formats se succèdent dans le domaine de l’information. Dès la fin du 19ème siècle, l’instantanéité de la photo remplace la gravure et le dessin car elle

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permet de montrer des scènes fortes d’actualité comme par exemple les milices fédérales tirant sur un groupe de grévistes à Baltimore, Maryland, David Bendann dans le Harper’s Weekly le 11 août 1877. Il est certain que la photo reste un contenu incontournable, mais il n’est pas rare de voir une capture vidéo dans un journal papier. Ce phénomène très présent dans la presse people comme par exemple Entrevue, se développe de plus en plus dans la presse d’information généraliste. Récemment, de nombreux médias ont utilisé une capture vidéo de l’interview de Jérôme Cahuzac donnée à BFM TV.

Photo parue dans le journal Métro du 16 avril 2013 Il est intéressant de noter qu’une fois encore, l’innovation technologique s’apprête à bouleverser la donne. En effet, les boîtiers numériques donnent accès à une qualité d’image telle, qu’une simple capture vidéo peut être presque d’aussi bonne facture qu’une véritable prise de vue photographique. Le fabriquant Canon s’apprête d’ailleurs à sortir un nouveau modèle proposant une qualité encore meilleure des captures vidéo (annexe IV). 2) L’Internet et les réseaux sociaux « Quand plus de six cents millions de personnes dans le monde ont une page Facebook, quand plus de quatre milliards de photos ont été postées sur Flickr et que Twitter vaut plus d’un milliard de dollars, chacun sent bien que les médias sociaux ne sont pas qu’une mode »,

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écrit Eric Sherer. Il est évident que ces nouveaux moyens de communications et d’expression ont bouleversé eux aussi le photojournalisme tel qu’on le connaissait avant. Dans les années 1990 et jusqu’au début des années 2000, ramener quelques dizaines d’images d’un pays en guerre pouvait coûter la vie au photojournaliste. Les contraintes de l’argentique (le coût des films et la postproduction) semble inconcevable à l’heure du numérique. Aujourd’hui, n’importe qui peut transférer plusieurs centaines d’images en quelques minutes à plusieurs milliers de kilomètres de chez lui. Facebook, Twitter mais aussi Apple avec son smartphone ont mis dans les mains de Monsieur et Madame tout le monde un formidable outil dont Robert Capa aurait très certainement rêvé d’avoir. Prendre une photo, la modifier et la mettre en ligne sur Internet presque instantanément et de n’importe où dans le monde : un nouveau courant photographique est née : l’iPhonographie.

Dan Chung, photojournaliste et iPhonographe Certains professionnels commencent même à franchir le cap de la « photo mobile ». Dan Chung, photojournaliste du Guardian a par exemple couvert les jeux olympiques de Londres avec son Iphone 4S3 et certains de ses clichés rivalisent sérieusement avec des prises de vue

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http://www.guardian.co.uk/sport/2012/jul/27/london-olympics-2012-smartphone

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au boîtier numérique dernier cri. La très célèbre agence photo Getty Image supporte également la pratique à travers le reportage de Benjamin Lowy en Libye4.

Photo ci-dessus : Damon Winter, photographe pour le New York Times, a remporté en 2011 la troisième place du célèbre prix « Picture of the year » avec ses photos « Hipstamatic » prises lors d’un reportage avec les soldats américains en Afghanistan. (Crédit : www.damonwinter.com/)

Ces nouvelles pratiques influent également sur la perception des événements contemporains. Prenons l’exemple des récents attentats de Boston (avril 2013). Lors de cet événement, des centaines de photos et vidéos d’amateurs se sont retrouvées sur Internet et les autorités ont pioché dans cette immense source d’information afin de retrouver les auteurs de l’attentat. Très peu d’images de professionnels ont été publiées ce jour là, car les spectateurs étant équipé de smartphone ont eu une longueur d’avance sur les photojournalistes. 4

http://pdnphotooftheday.com/2011/04/9155

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Images prises par des amateurs au moment de l’attentat de Boston 3) Des agences de presse aux abois En 1907, Edouard Belin met au point son bélinographe et envoie ses premières images par radio en 1925. En quelques minutes, une image en noir et blanc est analysée par une cellule photoélectrique et transmise d’un continent à l’autre. Cette innovation technologique permet ainsi aux agences de presse de relayer les clichés de ses photographes basés aux quatre coins du monde, rapidement aux rédactions.

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Cependant, c’est une fois de plus l’avancée technologique qui a mis un terme au monopole de ces structures intermédiaires. Avec Internet et les réseaux sociaux, les photojournalistes peuvent directement traiter avec les rédactions, sans passer par la case « commission ». Pour survivre, les agences de presse photo ont coupé dans les dépenses et une véritable chasse aux salariés s’est mise en place. Les licenciements sous pression bancaires font encore partie du quotidien des agences. L’heure étant aux économies, le recours aux « freelances » est devenu la norme. « Le métier est en pleine mutation, parce que les sources ont été entièrement changées et bouleversées. Il y a encore quelques années, on parlait de professionnels de la profession pour le photojournalisme. C’était un club fermé. Maintenant c’est open bar ! Tout le monde peut être bombardé photojournaliste, ne serait ce que pour deux minutes ou un quart d’heure. Il y a une foule de documents amateurs dans les archives des agences », raconte Patrick Bernard, salarié d’Abaca Press, basé à Bordeaux et responsable à lui seul de tout le quart Sud-Ouest. Le reporter-photographe insiste sur ce point, notamment concernant l’actualité internationale : « Il est très rare qu’une agence envoie l’un de ses salariés à la guerre comme c’était le cas avant. Elle préfère acheter la production d’un photographe local trouvé sur Twitter, évitant les frais… et les risques ». Récemment, la mort de Olivier Voisin en Syrie, en février 2013, tout juste un an après celle du jeune photojournaliste Rémi Ochlik, renforce cette volonté de recourir à des correspondants et non plus à des envoyés spéciaux.

Olivier Voisin

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Remi Ochlik L’âge d’or des agences fait définitivement partie du passé. Hubert Henrotte en fait le constat dans son ouvrage Le monde dans les yeux. Le fondateur des agences Gamma et Sygma porte un regard nostalgique sur les structures qui pour lui, sont « pratiquement toutes tombées dans les escarcelles de trois sociétés qui monopolisent le marché mondial de l’image. Deux sont basées aux Etats-Unis : Corbis, propriété personnelle de Bill Gates, fondateur de Microsoft, et l’agence Getty Images, créée par un héritier du roi du pétrole Jean-Paul Getty. La troisième est en France, Hachette Filipacchi Médias, filiale presse du groupe Lagardère, qui a pris le contrôle de Gamma, Explorer, Spooner, Stills, Hoa-Qui, MPA, Jacana et Rapho. Elle est aussi éditeur d’une myriade de magazines dans le monde ». Pour lui, la situation n’est pas prête de s’arranger car « Getty et Corbis détiennent chacune une bonne vingtaine de petites et grandes agences et s’enorgueillissent de contrôler près de 70 millions de photos d’archives. Il existe encore une ou deux agences qui résistent, mais pour combien de temps... ». A l’heure où ce mémoire est rédigé, l’agence de presse Sipa est toujours en liquidation judiciaire. Aujourd’hui, trois agences dominent le paysage photojournalistique mondial : Reuters, AP et l’AFP. Cette dernière est présente dans 150 pays et met en ligne près de 3000 photos par jour.

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Conclusion II/ : « Le glas est en train de sonner », avance Hubert Henrotte. Le contexte économique est beaucoup moins favorable aux agences de presse, mais également aux photographes qui ont ainsi davantage de mal à se faire payer pour leur production. L’innovation technologique a permis une effervescence en terme de production photographique. Alors que Flickr se réjouit d’atteindre bientôt les 7 milliards de photos, Facebook en a diffusé 240 milliards depuis sa création en 2004. « En pleine expansion, c’est aujourd’hui la fonction la plus utilisée par nos utilisateurs et l’un des moyens les plus efficaces pour entrer en interaction avec sa communauté », rapporte l’équipe de Mark Zuckerberg5, le fondateur du réseau social au 800 millions de membres. Internet regorge de contenu souvent gratuit, ce qui a forcément des effets sur le prix des photos.

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Polka Magazine n°21 de mars/avril 2013 : « Qui va gagner des milliards ? » de Laurence Butet-Roch (p.12)

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III/ La chute des prix 1) La photo libre de droit Lancé en 2004, la plateforme de partage de photos en ligne, Flickr, a atteint en août 2011 les 6 milliards de clichés. En 2012, environ 43 millions d’images ont été mises en ligne par mois sur la banque d’image6. A la différence de Facebook ou Twitter, les utilisateurs de cette plateforme peuvent donner l’autorisation à qui le veut d’utiliser sa production sous certaines conditions (souvent le fait de mentionner le nom de l’auteur ou l’interdiction d’un usage commercial). Ainsi, il n’est pas rare de trouver des images Flickr dans la presse. Plus largement, ce type d’image affiliée à la licence Creative Commons, c’est à dire libre de droit, est une menace pour les photographes qui perdent des clients du fait de cette concurrence déloyale. De nombreuses banques d’images ont fleuries sur le net, proposant des photos à des prix dérisoires pour les professionnels. C’est le cas par exemple de Fotolia où pour quelques dizaines d’euros par mois, il est possible de télécharger des centaines d’images.

Une image d’illustration libre de droit récupérée sur Flickr

6 http://www.flickr.com/photos/franckmichel/6855169886/

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2) L’épineuse question du DR « C’est qui DR ? ». La question de Patrick Timsit dans le film Paparazzi (1998) de Franck Bordoni, fait sourire, car le personnage fait référence à une photo volée, parue dans un magazine people et prise par son interlocuteur. Cependant, même si DR, « droit réservé », n’est pas une personne physique, il n’en reste pas moins un ennemi du photographe de presse. La mention DR est utilisée dans trois cas différents. Le premier concerne principalement la presse people. Dans ce cas, l’auteur de la photo (souvent volée à l’issue d’une planque) ne souhaite pas être identifié car cela lui serait néfaste professionnellement. Ensuite, une photo fournie par une entreprise ou une institution dans le cadre d’un dossier de presse est souvent créditée DR. Cette façon de faire est jugée dangereuse pour la crédibilité de l’information par les professionnels. C’est par exemple ce qu’avance Jean-François Leroy, directeur du festival de photojournalisme de Perpignan, dans le journal Le Monde du 22 mars 20107 : « Le problème, c’est la déontologie. On met DR pour les photos de produits de beauté, les bagnoles, la culture, et même les portraits d’hommes politiques. Mais on ne dit pas qui les a fournies. Où est la frontière entre l’information et la communication ? ». Enfin, la mention DR est utilisée pour les photos dites « orphelines », celle que l’on trouve sur Internet sans vraiment connaître l’auteur. Bien entendu, les dérives sont nombreuses et il n’est pas rare que certaines rédactions ne cherchent pas véritablement l’origine de certaines photos trouvées sur Internet. Le Syndicat national des auteurs et diffuseurs d’images (SNADI) a d’ailleurs fait parvenir en janvier 2010 un « Livre blanc sur l’usage abusif de la mention « droits réservés ». 3) L’image d’amateur Malgré les idées reçues, publier dans la presse une photo prise par un amateur n’est pas un phénomène récent. Au contraire, il est lié à l’histoire même du photojournalisme. Le 17 mai 1937, les journaux n’hésitent pas à publier des photos amateurs de l’explosion du dirigeable allemand Hindenburg à Lakehurst. Le Pulitzer, la récompense la plus prestigieuse pour un photojournaliste, est même donné à un amateur, Arnold Hardy pour la photo de l’incendie de l’hôtel Winecoff à Atlanta en Géorgie le 7 décembre 1946. Aujourd’hui, avec l’explosion des 7

Claire Guillot, « DR », appellation incontrôlée pour les photographes », Le Monde, 22 mars 2010

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réseaux sociaux ainsi que des chaînes d’information en continue, le document amateur fait partie du contenu audiovisuel diffusé dans la presse. Pourtant, alors que l’on peut penser que ces pratiques peuvent constituer une concurrence déloyale, pour les professionnels, il n’en est rien. « Contrairement à ce que tout le monde pense, la concurrence de la photo d’amateur ne fait pas de mal au métier », affirme Patrick Bernard (Abaca Press), « le contenu fourni par une agence est tamponné « vu et photographié par un professionnel », preuve qu’il s’agit d’un vrai reportage et que l’information a été vérifiée ». Benjamin Girette (IP3 Press) y voit même un aspect positif : « Je vois le bon côté des choses. Il y a de plus en plus de monde qui s’intéresse à la photo, cela augmente le nombre d’amateur et donc de professionnel. Et puis en France la profession est assez protégée au niveau du droit d’auteur donc l’impact des amateurs est limité. Les journaux ont compris que les photos Flickr, ça va un moment, mais ce n’est pas possible d’illustrer tous leurs articles avec ça. Cependant, je reste persuadé qu’on aura un jour une photo Instagram au World Press Photo… ». Corentin Fohlen, lauréat justement d’un World Press Photo ne semble pas inquiet lui non plus : « La photo amateur est un faux problème. Elle a toujours existée et n’a jamais remplacé et ne remplacera jamais le professionnel, car ce dernier donne à voir différemment ». Jean-François Leroy avait organisé en 1990, lors de la 2ème édition de Visa Pour l’Image, une exposition intitulée « Ces amateurs qui font l’actualité » avec Roger Thérond, ancien rédacteur en chef de Paris Match, et dans le texte de présentation de l’exposition, Roger Thérond disait « il y a aujourd’hui 200 millions de Japonais qui sont susceptibles de faire la « couv » de Match la semaine prochaine ».

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Pulitzer Arnold Hardy

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Conclusion III/ : Economies obliges, un grand nombre de titre de presse se contente de leurs abonnements aux agences pour illustrer leurs articles. Des iconographes déplorent le fait qu’ils sont contraints par des notes de services d’utiliser exclusivement des photos de l’AFP ou mieux, libres de droit. Les directeurs de la photographie, quand ils ne sont pas remplacés par des iconographes n’ont pas la possibilité d’acheter la production de photojournalistes indépendants, ce qui a des conséquences directes sur la qualité des reportages publiés dans la presse.

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CHAPITRE 2 : LE PHOTOJOURNALISME N’EST PAS ENCORE MORT Et pourtant… la demande de photo étant toujours plus importante, il y a un besoin de photographes de presse certain, même si on va préférer un pigiste à un salarié, un correspondant à un envoyé spécial, car la photo est toujours trop couteuse. Or il est évident qu’il est possible de vivre de la photographie. La presse people ou encore des newsmagazine comme Paris Match existent encore et attirent toujours autant les annonceurs. Même si « le poids des mots, le choc des photos » n’est plus la devise officielle de Match, elle est toujours d’actualité. De plus, la réalisation d’une photo de presse n’est pas à la portée de n’importe qui. Le photojournalisme est un métier qui s’apprend et qui se perfectionne sur le terrain au fil des reportages. Au delà de la technique, il y a un travail d’enquête de journaliste à maîtriser, et un réseau à entretenir afin de raconter une histoire dans la presse. L’un des cas les plus évidents est celui des reporters de guerre. Sans cesse et tristement d’actualité en Syrie, certains photographes risquent leur vie pour informer un public qui ne cherche, au final et bien trop souvent, qu’intrigue politique et paillettes.

The Bang Bang Club (2010) de Steven Silver

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I/ Un métier à part entière 1) Les contraintes techniques et esthétiques Même si aujourd’hui tout le monde pense savoir prendre des photos, tout le monde n’est pas photographe. Il y a quelques mois, on pouvait lire sur un réseau social : « Twitter te fait croire que tu es une personnalité, Instagram que tu es un photographe et Facebook que tu as des amis. Le réveil va être difficile ! ». Le journalisme comme la photographie sont de véritables métiers, qui s’apprennent dans des écoles mais aussi sur le terrain. Photographier signifie étymologiquement « écrire avec la lumière », et même si le numérique permet de réaliser des prises de vue sans trop de difficulté, il en faut plus pour s’affranchir de la technique. Diaphragme, obturation, exposition, sensibilité ISO, choix de la focale… maîtriser un boitier numérique ne se fait pas en claquant des doigts. De plus, le photojournaliste fait rarement de la photo dite « studio », c’est à dire dans de bonnes conditions, au chaud. Au contraire, il lui arrive de traiter plusieurs sujets dans la même journée, jonglant entre la conférence de presse et le match de football sous la pluie, en passant par la photo de reportage de guerre dans un milieu hostile. Peu importe les conditions de prise de vue, il lui faut ramener de la matière et de quoi remplir n’importe quel format de publication, que ce soit la petite image d’illustration ou la « double », voire encore le graal absolu : la « couv ». Afin d’être publié, le professionnel doit trouver un angle, un point de vue intéressant et si possible, unique. Il ne s’agit pas de faire une photo banale que n’importe qui peut obtenir avec un simple appareil photo numérique compact. « Ce qui est dans le cadre a de l’importance et une signification. Ce qui n’est pas dedans n’existe pas », note David Duchemin, photographe professionnel dans son ouvrage Le langage du photographe. En effet, ce qui différencie bien souvent l’image d’un professionnel et celle d’un amateur est la composition de cette dernière. Y a-t-il un premier plan ? Une perspective ? La règle des tiers est-elle respectée ? Où sont les points de force ? Au final, une image se construit, un peu à l’image d’une peinture. L’auteur décide de A à Z ce qu’il souhaite mettre en avant ou au contraire ce qu’il souhaite occulter. « Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise photo, il y en a qui ont du sens, et d’autres pas », explique Frédéric Lambert, sémiologue, « Informer par l’image, c’est choisir une photographie qui résume, selon le photographe, l’événement auquel il a assisté ».

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Enfin, tout comme la photographie est une écriture, la sémiologie est une grammaire. Car une image se lit et s’interprète. C’est la mission des iconographes au sein des rédactions, mais c’est d’abord au photographe de faire passer son message à travers ses prises de vue. 2) « L’œil » du journaliste Il est très rare de trouver deux photojournalistes ayant le même parcours. Avant de se retrouver dans les pages d’un journal, certains ont écrit, d’autre filmé, d’autre encore n’ont aucune formation journalistique. Mais le dénominateur commun du photojournalisme reste l’intérêt pour l’information journalistique. « Une bonne photo est une photo qui raconte tout à la première lecture et permet de réfléchir sur ce que l’on ne voit pas. C’est le résumé et la preuve d’un événement », affirme Hubert Henrotte, fondateur de Gamma et de Sygma. Certains photojournalistes se considèrent comme des journalistes avant d’être photographe. C’est le cas par exemple de Frédéric Scheiber (20 Minutes Toulouse) : « j’ai mis de longues années avant de dire que je suis photographe et aujourd’hui encore, je me vois avant tout comme un journaliste ». Pour Wilfrid Estève (président de l’association FreeLens), un reportage photo représente « 80% d’enquête et 20% de photos ». Dans l’ouvrage de Yan Morvan, ancien reporter de guerre, Photojournalisme (2000), il explique comment construire un reportage : « Ce que je lis est accessible à tout le monde, mais personne ne voit les mêmes choses, ou certains trouvent que tel ou tel sujet sera trop dur à faire ». Avant même de se rendre sur le terrain, le photojournaliste suit une méthodologie précise : « Quand on part en reportages, on a à l’esprit le scénario que l’on a construit, comme un story-board. Il faut à tout prix le suivre, sinon il manquera des cases ». Enfin, le photojournaliste pigiste passe par des étapes communes à celles de ces collègues de l’écrit ou de l’audiovisuel, à savoir la rédaction d’un synopsis, mais aussi tout un travail d’interview et de recherche sur le sujet qu’il va traiter. Dans une interview donné au magazine Photo en août 20128, Jean-François Leroy déplore « qu’il y a de moins en moins de photojournalistes, de personnes qui construisent un sujet, qui se documentent (…) il y a un problème de fainéantise et de prétention, c’est effarant. 8

« L’ardent défenseur du photojournalisme » de Paul Barlet. Photo n°492 de septembre 2012

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Aujourd’hui, pour beaucoup, l’actualité se résume à la timeline de Facebook, c’est quand même un peu léger… ».

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3) Etude de cas : le reporter de guerre

1980, l’Amérique centrale est en pleine ébullition et un événement tragique va bouleverser le Salvador. Lors des obsèques de Monseigneur Romero, l’archevêque de San Salvador, assassiné le 24 mars, une fusillade éclate sur le parvis de la cathédrale. En quelques minutes, 38 personnes sont tuées et plus de 400 sont blessées. Sous les balles, le héros du film d’Oliver Stone « Salvador », arme son appareil photo et déclenche à tour de bras. La scène est invraisemblable et digne des films d’action américains. Or même si « nom du personnage » est un personnage fictif, le réalisateur n’a pas eu besoin de chercher l’inspiration bien loin, puisque ce jour là, un photojournaliste français était présent, debout au milieu de victimes et photographiant au grand angle la tuerie en direct. Patrick Chauvel signe alors un « scoop » mémorable et remporte ce jour là le prix Missouri de la prestigieuse université de journalisme des Etats-Unis pour la photo ci-dessus. L’une des branches du photojournalisme les plus connues est celle du reportage de guerre. Paradoxalement, il n’existe aucune formation à ce métier bien particulier. Comment se préparer à la guerre, autrement dit à ce qui est totalement imprévisible ? Patrick Chauvel, célèbre reporter de guerre, raconte son incroyable parcours dans ses livres Sky, Rapporteur de guerre et Les pompes de Ricardo Jésus. Il explique comment sa carrière débute, sans la

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moindre préparation, sans même savoir utiliser correctement son Leica M3. A l’issue d’un périple totalement improvisé dans le désert du Moyen Orient en 1967, en pleine guerre des six jours, il raconte : « De retour à Paris, je découvre avec horreur que quatre-vingt-dix pour cent de mes photos sont ratées, inutilisables. C’est foutu, j’ai honte, je suis déprimé, écoeuré. Quelle trahison pour ceux qui m’ont confié leur image, leur courage, leur souffrance ! J’ai l’impression que les morts sont morts une deuxième fois, et moi avec », ajoutant « Une des seules photos réussies de toute cette première aventure est une photo de moi posant avec une « fiancée armée » devant le mur des Lamentations, prise avec mon appareil photo par un soldat israélien qui, lui, savait s’en servir ».

L’une des photos de Patrick Chauvel prise pendant la guerre du Vietnam

Le « rapporteur » va se rattraper pendant les trente-cinq années qui suivent, à travers toutes les guerres qui ont rythmé la fin du XXème siècle. Hubert Henrotte l’engage à Sygma en 1978. Dans « Le Monde dans les yeux », il lui dédit même un chapitre : « Patrick continue de courir le monde en furie, attiré par la guerre comme par un aimant, forçant son destin pour mieux témoigner de la folie des hommes et jouant avec la mort. Il gagnera quatre fois de justesse. Une balle dans la jambe en Iran, un obus de mortier au Vietnam, avec cinq éclats dans les poumons, les bras et les genoux, et deux miracles, au Liban et à Panama. (…) Il a sur lui les

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stigmates de ses reportages, des blessures qui portent toutes un nom : Israël, Vietnam, Cambodge, Erythrée, Angola, Iran, Mozambique, Liban, Tchétchénie, Panama… Il se regarde et conclut : « Je n’ai plus beaucoup de places libres ! ».

Photo de Patrick Chauvel prise à Grozny pendant la guerre de Tchétchénie Le métier de reporter de guerre attire, presqu’autant qu’il tue. « Pourquoi tant d’effort et d’impatience à me rendre en un lieu que tant de gens cherchent à fuir ? », se demande Onur Coban, alors qu’il couvre la guerre en Libye en 2011. « La conviction que si je n’y vais pas, cette histoire là ne sera pas racontée. Le besoin de transmettre un événement et d’essayer d’être la voix de ceux qui le font ou le subissent. L’envie aussi, d’être le premier sur place », explique-t-il. Cette rage de témoigner malgré le danger de mort, est le dénominateur commun des journalistes de guerre. C’est cette même rage qui guide Bill Biggart vers la deuxième tour du World Trade Center encore debout le 11 septembre 2001. Tandis que la zone est évacuée en urgence, il ne pense pas une seconde à changer son itinéraire et se dirige vers sa mort, l’œil dans le viseur de son boitier.

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Le photojournaliste de guerre, se voit comme un témoin de l’histoire. James Nachtwey, photographe de l’agence Magnum raconte pourquoi il a choisi de faire ce métier à travers une interview menée par Chauvel dans le documentaire Rapporteur de Guerre : « Au début, c’est pas goût d’aventure, de défis, de voyage, l’envie de faire carrière… et aussi de faire la différence. Et plus tu es confronté à la souffrance des autres, à l’injustice et à la tragédie, plus les raisons personnelles s’effacent naturellement devant l’envie de témoigner et d’essayer de maintenir le dialogue afin que les choses changent. Si personne ne sait ce qu’il se passe, si tout se fait dans l’ombre, tout peut arriver ».

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James Nachtwey dans le film War Photographer (2001) de Christian Frei

L’un des plus célèbres clichés du photographe américain « Pas de témoins, pas de crime », répète Patrick Chauvel. Mais plus qu’un témoignage, le reportage de guerre est aussi un travail de mémoire pour les prochaines générations. « On doit déranger, on doit être une épine dans le pied », affirme Laurent Van Der Stockt, photographe indépendant. Il faut dire que les reporters de guerre ont souvent du mal à ramener des images.

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L’armée ne laisse pas toujours beaucoup de marge de manœuvre aux journalistes en temps de guerre. L’opinion publique représente souvent une partie de la victoire dans une guerre et les services de communication des armées l’on bien compris. Lors du récent conflit au Mali, une photo de l’AFP a défrayé la chronique dans les Etats Majors et la réponse a été immédiate : les photographes de presse ne sont plus les bienvenus sur le terrain d’opération.

Issouf Sandgo, auteur de la photo pour l’AFP assure que « le soldat ne posait pas » « Le photographe n’est pas là pour ne faire que ce qu’on lui donne le droit de faire », rappelle le photojournaliste indépendant Wilfrid Estève. Le journaliste qui part couvrir une guerre a le choix. Il peut se contenter d’être un « embedded », c’est à dire « embarqué » et donc rigoureusement encadré par les services de presse de l’armée. A ce jour, les militaires ont embarqué près de 400 journalistes provenant de 180 médias9. Cependant, les Patrick Chauvel et autre Laurent Van Der Stock préfèrent quant à eux adopter un autre angle et prennent le risque de ne pas rester à l’abri derrière les blindés de la « grande muette ». Ces derniers ne restent pas pour autant seuls sur le champ de bataille. Il existe alors une solidarité 9

Amaury de Rochegonde – « La drôle de guerre sans images » – Stratégies – 14 mars 2013 39


entre journalistes de guerre sur le terrain. Dans les années 1990, le Bang Bang Club commence à se faire connaître en Afrique du Sud. Cette drôle d’équipe de photographes casse-cous, enchaîne les scoops et les publications dans le monde entier, couvrant une actualité violente et toujours en cours, dans les townships africains, alors que la guerre civile fait rage entre pro et anti Mandela.

Greg Marinovich remporta le Pulitzer en 1991 pour cette photo Tandis que Kevin Carter se suicide après avoir remporté le Pulitzer pour photo prise au Sahel, La fillette et le vautour (voire partie III/ 2), son compère Ken Oosterbroek tombe sous une balle perdue des forces de la « National Peacekeeping Force » le 18 avril 1994. Joao Silva et Greg Marinovich raconteront l’histoire de ce Bang Bang Club dans un livre, plus tard adapté dans un film de Steven Silver en 2011.

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Conclusion I/ : Le fait de dire que l’on ne s’improvise pas photojournaliste est en partie faux, car l’histoire et les différents parcours de célèbres reporter-photographe prouve que les cases « école » ou « formation » ne font pas vraiment partie du cursus honorum du professionnel de l’image de presse. Même s’il existe des écoles de photos et même des formations, certes accélérées, de journalisme en temps de guerre, n’importe qui peut faire carrière dans cette branche professionnelle. Mais quoi qu’il en soit, l’autodidacte devra néanmoins acquérir certaines compétences qu’un amateur n’aura pas, même s’il se trouve sur un événement non couvert par le professionnel. Le cas du reporter de guerre est peut être à lui seul le gage de survie du photojournalisme, qui se veut être le témoin de l’histoire et le garant d’une mémoire collective.

L’un des photomontages de Patrick Chauvel extrait de son exposition « Peurs sur la ville

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II/ La niche du people 1) La photo « que personne n’a » En journalisme, le graal absolu reste le scoop, l’exclusivité. Le rêve de tout photojournaliste est d’avoir la photo « que personne n’a », d’être seul sur le terrain. Bien sûr, cela ne constitue pas le quotidien d’un photographe de presse, car l’actualité ne se résume pas à une succession de scoops. Cependant, comme le rappelle Patrick Bernard (Abaca Press), « l’objectif du photojournaliste est d’avoir une photo complètement différente des autres sur un même événement. Même sur un événement où il y a déjà plusieurs confrères, il faut sortir une photo décalée afin de se démarquer. Le top du top, c’est l’exclue, car à ce moment là, on oublie l’abonnement, le forfait. On revient à l’essence du métier. Mais ça ne marche pas à tous les coups… ». Il faut dire que l’exercice est difficile, car en France (comme dans le monde), les soldats de l’AFP sont continuellement sur tous les fronts. Equipés tels des commandos de la photographie, ils sont les premiers à mettre en ligne les photos qui sont dans les minutes qui suivent sur tous les sites d’informations de l’Hexagone et du monde. Pourtant, il y a existe un domaine dans lequel l’AFP et l’agence filaire plus généralement, n’a pas le monopole : la photo people. En effet, l’une des règles de base de l’AFP est l’interdiction formelle pour ses photographes de faire de l’exclusivité. Pas de planque, pas de photo volée sur la vie publique, pas de photo non-signée : paradoxalement, c’est le règlement intérieur très stricte de l’AFP qui permet aux autres agences de survivre. En effet, les « gros coups », ceux qui rapportent le plus d’argent car vendus en exclusivité à un seul média ne peuvent pas être vendus par l’AFP qui est censée donner à tous ses abonnés la même information, qu’ils soient des médias nationaux ou locaux.

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2) Un métier lucratif

Paparazzi (1998) de Franck Bordoni Le photojournalisme peut donc être un métier très lucratif. C’est le cas par exemple des paparazzis. Ce terme issu de l’italien « paparazzo » désignant un moustique bruyant, est fortement connoté et nombre de journalistes refusent l’amalgame avec le photojournalisme. Pourtant, la frontière entre les deux mondes est parfois très floue, et certains reporterphotographe ne se cache pas de faire du people, comme Patrick Bernard : « Bien évidemment c’est du photojournalisme. C’est comme ceux qui disent que l’ostéopathie n’est pas de la médecine. La presse people, c’est de l’information, c’est l’une des branches du photojournalisme comme le sport, l’économie, le news, la politique. La trame est la même : recherche, enquête, développement. La traque est différente mais on peut retrouver des parallèles dans la manière de ramener l’information dans la politique comme pour le people, c’est la même chose avec le off dans le news ». Et cela peut surtout rapporter gros ! Le scénario de Paparazzi (1998), n’est pas si romancé que cela et Franck Bordoni n’a pas eu à trop réfléchir pour imaginer ses personnages car il existe des exemples de « chasseurs de scoops » célèbres en France. C’est le cas de Bruno Mouron et Pascal Rostain, qui ont consacré leur vie à traquer la vie privée des stars derrières leur téléobjectif depuis la fin des

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années 1970, pour Paris Match, jusqu’à la création de leur propre agence indépendante, Sphinx. Dans une interview parue dans Libération (du 31 juillet 2009 « Derrière chaque photo, il y a un être humain », par Frédérique Roussel), à la question « le people n’a-t-il pas pris le pas sur le photojournalisme ? », Raymond Depardon répond que « l’un devrait financer l’autre. Dans l’équipe des débuts de Gamma, Hugues Vassal prenait des personnalités comme Johnny Hallyday ou Mireille Mathieu. C’est ce qui a payé notre loyer les premières années, qui a permis à Gilles Caron (disparu en 1970 au Cambodge, ndlr) d’aller en Israël et moi au Tchad. Cloisonner les deux n’est pas bien, le système de vase communicant reste fondamental. Magnum aussi a vécu des moments difficiles. L’agence réalisait des « annual reports » pour les grandes sociétés qui faisaient leur bilan. Ou les photographes vivaient comme des moines, ou ils font du corporate. C’est un compromis. » 3) Nuance : des budgets de moins en moins importants Néanmoins, il est nécessaire d’apporter plusieurs nuances à ces propos. En effet, si parmi l’ensemble des titres de presse écrite, la famille du people a toujours été une niche plutôt lucrative, elle a tendance à s’éroder de plus en plus comme l’affirme un article des Echos paru le 4 septembre 2012, dans lequel on apprend que « confrontés à la concurrence d’Internet, mais aussi de multiples petits magazines lancés sur ce créneau, de grands titres people ont vu leurs ventes reculer de 15 à 20 % cet été (2012) ». Comme c’est le cas pour l’ensemble des titres de presse, en cas de difficulté financière, il est alors question de restrictions budgétaires du côté du service photo. Aujourd’hui le budget photo du magazine VSD oscille entre 10 000 et 15 000 euros par numéro et environ la moitié est consacrée à un seul « gros » sujet. Lorsque l’on sait que VSD est très riche en visuels, on comprend alors que les tarifs ont été revus à la baisse.

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DSK est la star de VSD tandis que la guerre au Mali est relayée en petit appel de Une (en haut à droite)

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III/ L’argent, nerf de la guerre 1) L’argent du corporate Dans le jargon de la photographie, le « corporate » renvoie du travail effectué pour les entreprises ou les institutions n’appartenant pas au monde de la presse. Beaucoup de photojournalistes, notamment indépendants, ont recours au corporate, qu’ils assimilent à un travail « alimentaire ». Il s’agit très souvent d’un milieu beaucoup plus lucratif que celui de la presse. « Cela peut représenter 80% de mes revenus certains mois », note Benjamin Girette (IP3 Press). La journée de travail d’un photographe dit « institutionnel » peut rapporter plusieurs centaines d’euros, voire plus selon l’entreprise ou l’institution. Cependant, les revenus d’un journaliste professionnel doivent provenir pour la majorité de la presse. Le photographe de presse n’échappe pas à cette règle et il doit jongler entre les deux sources de revenu s’il veut garder sa carte de presse. Certains ont décidé de franchir le cap et de ne vivre quasiment que du corporate : « nous avons besoin de l’argent du corporate pour financer des reportages qui seront ensuite publiés dans la presse », explique Clément Debeir, photographe et directeur de l’agence de presse SapienSapiens à Toulouse. Le journaliste n’a pas pu conserver sa carte de presse car il est gérant de son entreprise (un journaliste encarté ne peut être que salarié). « Au final, il ne s’agit que d’un bout de plastique », sourit-il, même s’il reconnaît que le système est pervers. « Nous, journalistes, avons beaucoup à apporter au monde de la publicité. Nous pouvons être les acteurs d’une « communication intelligente », ajoute t-il. Samuel Bollendorff partage le point de vue du photographe toulousain : « Vous voyez encore beaucoup de photojournalistes publiés dans la presse? Celle-ci consomme mais ne produit plus vraiment de projets photo. Le nombre de photoreporters détenant une carte professionnelle diminue tous les ans, preuve que la presse ne les finances plus. Je me retrouve ainsi à produire mon prochain travail, réalisé à la chambre photographique, grâce au Centre national du cinéma et à France Télévisions ». Dans Rapporteur de guerre, le documentaire de Patrick Chauvel, Gille Peress, photographe de l’agence Magnum, explique qu’il « a compris très vite les limitations de la presse, qui ne sont pas fatalement mauvaises, mais qui sont quand même des limitations. Par exemple, tu as dix pages, tu as les pubs, comment veux tu vraiment faire une investigation de la réalité dans ce contexte là ? Donc la presse, ce n’est qu’un support mais ce n’est pas une fin en soi ». C’est d’ailleurs dans cette logique qu’apparaissent les collectifs de photographes tel que l’œil

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public, créé en 1995. Les reporter-photographes travaillent alors ensemble et exposent leur travail. Cependant, ce système disparaît au profit d’hybrides entre l’agence et le collectif. C’est par exemple le cas de la célèbre agence Magnum, ou en France, l’agence Myop. Ces structures sont faites sur mesures pour les photographes et non plus pour une personne faisant du profit en étant simplement un intermédiaire. Néanmoins, la situation est de plus en plus difficile, y compris pour le photographe institutionnel qui se retrouve en concurrence avec des banques d’images telle que Fotolia, ou simplement avec des photos amateurs, libres de droit.

2) Le prix de la reconnaissance Le photojournalisme fait partie des métiers dans lesquels le prestige et la reconnaissance sont des atouts professionnels indéniables. Cela est en partie dû au fait que pour se faire connaître, les photographes de presse exposent leurs reportages dans des galeries d’art où lors de festivals consacrés à la photographie (par exemple à Visa pour l’image, dont nous parlerons ci-après). Il existe également des bourses et autres récompenses qui permettent à de jeunes talents d’émerger sur la scène photojournalistique. Pierre Morel a remporté en 2007 la bourse du Tremplin Photo EMI (Ecole des Métiers de l’Information), ce qui lui a permis de démarrer une carrière de photographe de presse : « Cela m'a ouvert un réseau, ce qui est le plus

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important dans ce métier. Connaitre des gens, s'inscrire dans une communauté. De pouvoir faire l'EMI-CFD, qui est une super école avec de vrais pros dedans (et pas des photographes ratés qui deviennent profs comme dans beaucoup d'écoles) m'a aussi beaucoup aidé. Sur le plan matériel, j'ai eu 8000 euros de matos ce qui n'est pas du tout négligeable et permet de commencer sérieusement sans investissements lourds à faire ».

Double page de présentation du sujet de Pierre Morel qui lui a permis d’obtenir plusieurs prix De nombreux photojournalistes sont récompensés chaque année. L’une des plus prestigieuses récompenses est le World Press Photo. Cette organisation indépendante et non lucrative fondée en 1955 et basé à Amsterdam récompense chaque année des photographes de presse à l’issue d’un prestigieux concours dans plusieurs catégories. En 2011, Corentin Fohlen a remporté le deuxième prix dans la catégorie « photo d’actualité » pour son cliché d’un affrontement à Bangkok entre Chemises rouges et forces gouvernementales. Avant cette récompense, il est le plus jeune photojournaliste à avoir exposé à Visa pour l’Image et remporte en 2009 le prix Jeune Reporter de la ville de Perpignan. « J’avais cinq ans de métier avant d’avoir le World Press et le Prix Visa. Ces récompenses m’ont permis de faire connaître surtout mon nom à l’étranger. En France, j’avais déjà construit peu à peu mon

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réseau », il constate que bien que ce soit une « merveilleuse récompense qui motive pour continuer la voie qu’on s’est tracé, ce n’est pas parce que tu reçois un prix que l’on vient forcément te chercher pour te proposer du travail. Rien n’est acquis dans ce métier ! ».

Affrontement à Bangkok entre Chemises rouges et forces gouvernementales Cependant, il est évident que la récompense peut changer le destin d’un photojournaliste. C’est le cas tristement célèbre de Kevin Carter qui s’est suicidé quelques semaines après avoir remporté le Pulitzer pour une photo prise au Sahel, La fillette et le vautour, en 1994 (cidessous). Son suicide a été attribué aux critiques causées par la remise de la prestigieuse récompense, alors que son entourage dément cette hypothèse.

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Kevin Carter remporte le Pulitzer en 1994 avec cette photo. Cependant, il faut savoir que la somme d’argent donnée avec le prix Pulitzer, à savoir 10 000 dollars, n’est pas pour autant significative. Quand on sait le coût du matériel ainsi que les frais engagés dans un reportage, qui plus est en territoire en guerre, cela semble marginal. Néanmoins, les retombées matérielles du prix peuvent intervenir indirectement, comme l’explique Emmanuelle Gatien dans son thèse de 2010 « Prétendre à l’excellence ». En effet, la chercheuse a interrogé plusieurs lauréats de prix (Pulitzer et Albert Londres), et a démontré que le système de récompense avait pour effet une revalorisation du journaliste dans son environnement professionnel : hausse du salaire, promotion, etc… Mais au delà des aspects financiers, directs ou indirects, la véritable récompense est clairement symbolique : « dans un champ autonomisé comme le journalisme, la reconnaissance est d’autant plus valorisante qu’elle est accordée par les pairs : le journaliste se trouve ainsi légitimé. L’article défini contribue à son inclusion et à son assimilation au cercle des « élus ». Le Prix est une caution, un gage de compétence, que l’on n’hésite pas à accoler à la signature », écrit Emmanuelle Gatien. Ce n’est d’ailleurs pas l’argent qui motive le candidat, d’autant plus qu’en photo, la plus part des images primées ont été prises sur un terrain dangereux pour le photojournaliste, souvent dans un pays en guerre. La notion de sacrifice et de don de soi est très présente. Le candidat, à

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travers sa démarche, tente de s’ajuster à l’image idéale qu’ils ont du grand reporter. Il est possible d’étudier cette image dans le cinéma. Dans le film d’Oliver Stone « Salvador », le héros est un photojournaliste courageux et audacieux. Il y a une image romanesque du journaliste qui est en « mission » et qui met sa vie en péril pour montrer au monde les horreurs de la guerre. Toujours dans le cinéma mais plus dans le grand reportage, le film « Paparazzi » de Franck Bordoni, les deux personnages principaux donnent une image quelque peu alléchante du métier de photographe de presse. En effet, le héros traque des personnalités en échanges de centaines de milliers de francs. Les qualités et les défauts des journalistes sont romancées et amplifiés par le récit cinématographique et cela a forcément des effets sur l’image qu’a la société de ce métier (voir en annexes les différentes affiches de films mettant en scène des photographes de presse). 3) Le cas de Visa pour l’image

Rendez-vous incontournable pour les photographes des quatre coins du monde, le festival Visa pour l’image rassemble chaque année depuis maintenant 25 ans, des milliers de passionnés de photojournalisme. Pendant trois semaines d’expositions, de conférences et de projections, Perpignan devient la capitale mondiale du photojournalisme international. En

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2012, pas moins de 221 500 visiteurs ont profité des 26 expositions gratuites et quelques 3000 professionnels étaient accrédités. Il y a 25 ans, la première édition n’en comptait que 123 et seulement 7 agences étaient représentées. Lors de la première semaine du festival, le public peut assister tous les soirs à des projections de diaporamas présentant le travail des meilleurs photographes du moment. Une rétrospective de l’année, en image, fait également partie des moments forts du festival. Enfin, près de 150 000 euros de prix sont distribués tout au long de la semaine pour récompenser certains photographes de presse. Cependant, le festival est un véritable paradoxe du photojournalisme. En effet, tandis que la profession souffre de plus en plus du manque de production de la presse et que « nombre d’agences ont disparu, ou pire encore ne sont plus que l’ombre de ce qu’elles étaient et que l’on ne compte que quelques dizaines de photographes vivant décemment de leur métier », comme le souligne Jean-François Leroy, « paradoxalement, il n’y a jamais eu autant d’aspirants photographes. Ce métier fait toujours rêver », ajoute le cofondateur du festival.

Sous certains aspects, Visa pour l’image connaît cependant un certain déclin. En effet, de moins en moins d’agences décident d’installer un stand à Perpignan. Ces dernières n’en voient plus l’intérêt et les professionnels ne semblent plus se faire d’illusion quant à l’avenir de leur profession. Visa est avant tout un événement mondain, lors duquel les photographes se

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retrouvent autour d’un verre dans l’un des bars qui bordent les lieux d’exposition. Jusqu’à 4 heures du matin, ces derniers profitent avant tout d’un moment de détente dans une ville du sud de la France. Les conférences et autres débats n’attirent pas autant que la terrasse du café. Cependant, même si une certaine morosité semble régner chez les professionnels, le festival attire de plus en plus les amateurs de photographies de presse.

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Conclusion III/ : Les très nombreuses récompenses et expositions, mais également le succès de la presse spécialisée tel que le titre Polka, prouvent que le photojournalisme est clairement apprécié et loin de disparaître.

L’AFP décroche le Pulitzer 2012 avec cette photo d’une fillette en pleurs après un attentat suicide à Kaboul en décembre, prise par Massoud Hossaini

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CONCLUSION Que reste-t-il du photojournalisme ? Tel un bastion assiégé, le photojournalisme est clairement une profession en danger. Menacé par les évolutions des mœurs et de la technologie, le métier de photographe de presse ne semble pourtant pas près de disparaître. Au final, ce sont les « professionnels de la profession » qui se trouve en danger. Non pas que l’amateurisme ait pris le pas sur les salariés, mais parce que la donne journalistique a changé. Les supports ont évolué et paradoxalement, la presse s’est retrouvée privée de moyens financiers autrefois initiateur de grands photoreportages. La photo de presse tend à se confondre dans la masse de la création. Ce n’est plus la presse qui commande et qui fait partir les reporters sur le terrain. Tandis que Hubert Henrotte parlait déjà de « spéculation »10 dans les années Gamma, aujourd’hui, certains photojournalistes, aussi reconnus soient-ils, doivent autofinancer leurs projets sans attendre une aide des journaux. Où trouver de l’argent ? Tandis que certains se tournent vers un travail alimentaire, souvent à des années lumières de la photographie et du journalisme, d’autres tentent leur chance sur les plateformes de « crowdfunding », littéralement « financement par la foule ». Ce concept est né outre-Atlantique en 2008, avec Indiegogo à San Francisco. Imaginée à la base pour financer le cinéma indépendant, la plateforme ouvre ses portes à tous les acteurs de la création, photographes compris. A en croire les résultats encourageants de ces nouvelles structures de financement (entre 40 et 50% des projets photos aboutis), on peut se demander si ces dernières ne vont pas changer la donne. En 2011, Emphasis.is est d’ailleurs créée, spécialement pour les photoreporters. Le concept est simple : le photographe professionnel crée son profil sur le site et télécharge synopsis visuel et vidéo sur la plateforme. Après validation du projet par un comité de rédaction, ce dernier à 60 jours pour aboutir. Si tel est le cas, les contributeurs ont accès au making-of et à l’exclusivité du reportage pendant 4 jours. D’autres supports journalistiques apparaissent et se veulent sauveurs du photojournalisme. Ce sont les web documentaires ou encore les POM, ces « petits objets multimédias » qui allient photos, sons et vidéos. Cependant, la rentabilité 10

Les reporters financent leurs reportages en espérant s’y retrouver financièrement une fois leur retour et la vente du sujet.

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n’est pas encore au rendez-vous et certains professionnels y voit même une aberration, dénonçant une pratique d’ « homme orchestre » décrédibilisant la profession. Alors qu’il est impossible de savoir si le photojournalisme finira par disparaître véritablement, des éléments d’actualité montrent que son rôle est important dans notre société. « Pas de témoin, pas de crime », répète inlassablement Patrick Chauvel. En mai 2013, c’est son collègue et ami Laurent Van Der Stockt qui a justifié une fois de plus cette phrase. Après un reportage de deux mois en Syrie, le photojournaliste est rentré en France avec dans ses cartes mémoires la preuve que le régime syrien utilise l’arme chimique sur son peuple. Une preuve qu’attendrait l’ONU pour intervenir militairement. Au delà de la qualité du reportage photo (en annexes), c’est la portée internationale et géopolitique de ce dernier qui force le respect. Laurent Van Der Stockt a démontré une fois de plus l’utilité du photojournalisme : témoigner, raconter, mais surtout vérifier. Tandis que le pessimisme semble régner dans la profession, certains ne désarment pas, comme Alain Mingam, respectivement lauréat et président du World Press en 1981 et en 1997 : « Au moment où la grand-messe du photojournalisme entonne à Visa pour l’Image l’hymne annuel de toutes cantates à la gloire des photoreporters, l’état précaire de la profession vit à l’heure des violons du Titanic… L’heure n’est pas encore au requiem, car d’autres solutions subsistent par l’audace de certains photographes ou de rédacteurs en chef qui partagent passion et respect encore intacts pour l’image, comme le prouvent avec alternance Match, Géo, Le Monde 2, VSD, Elle et Libération ».11

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Réponse Photo de novembre 2004. 57


ANNEXES

o Annexe I : 20 Minutes, le gratuit poursuit sa domination dans le multimédia o Annexe II : La réalité augmentée dans 20 Minutes o Annexe III : CDD d’usage texte de loi o Annexe IV : Canon révolutionne la photo o Annexe V : Article de Libération sur la Syrie o Annexe VI : Laurent Van Der Stockt : diapo Syrie o Annexe VII : Le cinéma à la gloire du photojournalisme o Annexe VIII : Entretien avec Patrick Bernard / Abaca Press o Annexe IX : Entretien avec Benjamin Girette / IP3 Press o Annexe X : Entretien avec Corentin Fohlen / indépendant

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Annexe I

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AnnexeII

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Annexe III Article 3.3 Le contrat à durée déterminée dit d'usage (CDD d'usage) En vigueur étendu Les dispositions de cet article ne s'appliquent que pour les contrats conclus dans le cadre de l'article L. 1242-2, alinéa 3, du code du travail (L. 122-1-1, alinéa 3, du code du travail ancien). 3.3.1. Conclusion du CDD dit d'usage L'activité principale de l'entreprise qui recourt à un CDD dit d'usage doit relever de l'un des secteurs cités à l'article D. 1242-1 du code du travail (D. 121-2 du code du travail ancien). Dans le cadre de l'activité principale de l'entreprise, les conditions d'un recours légitime et maîtrisé au contrat à durée déterminée dit d'usage s'inscrivent dans le cadre de l'article D. 1242-1 du code du travail (D. 121-2 du code du travail ancien), les circulaires DRI 18/90 du 30 octobre 1990, 92/14 du 29 août 1992 et l'accord sectoriel inter branches du 12 octobre 1998 relatif au recours au CDD d'usage dans le secteur du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, et dans le respect des articles L. 1242-1 et suivants du code du travail (L. 122-1 et suivants du code du travail ancien). Il est rappelé que « l'usage constant » s'analyse en un usage « régulier », mais non obligatoirement permanent ou exclusif de tout autre. En conséquence, il est admis qu'au sein d'une même branche ou d'une même entreprise certains emplois pourvus en contrat à durée indéterminée de droit commun (CDI) ou en contrat à durée indéterminée intermittent (CDII) puissent également l'être en CDD dit d'usage, sous réserve des dispositions du présent accord et de ses annexes. Les fonctions artistiques et techniques liées à la création, la production, l'exploitation et la diffusion d'un spectacle vivant sont des fonctions pour lesquelles le CDD dit d'usage est autorisé, dès lors que le contrat définit les éléments précis et concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi. La liste des fonctions des emplois artistiques, administratifs et techniques figurant dans l'annexe C du présent accord, qui sont des fonctions pour lesquelles le recours au CDD dit d'usage est autorisé, sera modifiée par accord collectif spécifique à chaque branche du spectacle vivant. Le CDD dit d'usage, comme tout contrat à durée déterminée, doit être écrit et comporter la définition précise de son motif. Le CDD dit d'usage conclu dans le respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur comporte impérativement les mentions suivantes : ― la nature du contrat : « contrat à durée déterminée d'usage en application de l'article L. 1242-2 (3°) du code du travail » ;

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― l'identité des parties ; ― l'objet du recours au CDD dit d'usage ; ― les éléments précis et concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; ― la date de début du contrat et sa durée minimale dès lors que celui-ci prend fin à la réalisation de son objet, ou la date de fin de contrat s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée à terme certain ; ― l'existence et la durée de la période d'essai s'il y a lieu ; ― le titre de la fonction, la qualité ou la catégorie d'emploi pour lesquelles le salarié est embauché ainsi que sa position dans la classification de la convention collective applicable ; ― le lieu de travail, lieu d'embauche du salarié ; ― la durée du travail applicable au salarié telle que définie dans les conventions collectives ; ― s'il y a lieu, le contrat de travail, ou un avenant, précisera les modalités de fonctionnement de la modulation du temps de travail ; ― le salaire de base applicable ; ― la mention de la convention collective applicable, d'un éventuel accord de groupe ou d'entreprise, d'un règlement intérieur régissant les conditions de travail du salarié ; ― les références d'affiliation aux caisses de retraite complémentaire et à la caisse des congés spectacles ; ― les références des organismes de protection sociale ; ― le lieu de dépôt de la déclaration unique d'embauche. Toute modification du contrat de travail fait obligatoirement l'objet d'un avenant notifié par écrit et contresigné par les parties. 3.3.2. Période d'essai Les dispositions spécifiques à la période d'essai pour ces contrats sont précisées dans les conventions collectives du spectacle vivant. Etendu par arrêté du 4 décembre 2008 Articles cités: Code du travail - art. L1242-1 Code du travail - art. L1242-2

Source : http://www.legifrance.gouv.fr/

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Annexe IV

Le Canon EOS-1D C accède à la vidéo 4K en 25 i/s Le 4 février , 2013

Par le biais d’une mise à jour de son firmware à venir durant le mois d’avril 2013, le reflex numérique cinéma Canon EOS-1D C pourra alors accéder à l’enregistrement de vidéo en définition 4K à la cadence de 25 i/s. Canon officialise aujourd’hui la disponibilité prochaine d’un mode vidéo 4k à 25 i/s sur son reflex numérique dédié aux studios de cinéma et aux entreprises de production audiovisuelle, le Canon EOS-1D C. C’est une évolution importante de ce reflex numérique plein format qui permettra au boîtier de rester dans la course dans les années à venir en proposant le 4k, une définition quatre fois supérieure au Full HD qui semble être le vecteur de développement des nouvelles technologies dans le cinéma et le home cinéma. Voici l’annonce officielle de Canon : Courbevoie, le 04 février 2013 – Canon annonce aujourd-hui le développement d’une nouvelle fonctionnalité pour l’EOS-1D C. Prenant en compte les retours d’expérience des professionnels européens de la vidéo, cette mise-à-jour permettra l’enregistrement à 25 images/seconde en résolution 4K. Conçu spécifiquement pour les secteurs du cinéma, de la télévision et de la production haute résolution, l’EOS-1D C est le tout premier reflex à permettre la capture de vidéos 4K. Extrêmement compact, il est optimisé pour garantir des enregistrements de qualité exceptionnelle même en basse lumière. Il offre une plage dynamique très étendue et peut donc être utilisé dans presque toutes les conditions de tournage. L’EOS 1D-C réalise des vidéos 4K (4096 x 2160 pixels) avec une compression Motion JPEG 8 bits. Il peut également envoyer simultanément, grâce à son port HDMI, un signal Full HD non-compressé (1920 x 1080 pixels) en YCbCr 4:2:2 vers un enregistreur externe. Les vidéos Full HD peuvent en outre être enregistrées directement sur des cartes CF, avec un débit allant jusqu’à 1080/60p. La fonction Log Gamma de Canon permet quant à elle d’obtenir des vidéos ayant une grande latitude d’exposition et une plage dynamique sensationnelle. Le résultat ? Une liberté sans pareil, que ce soit pendant le tournage ou en en postproduction.

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Annexe V MONDE

Syrie: Le Monde témoin d’attaques chimiques contre les rebelles près de Damas12 27 mai 2013 à 15:25

Des soldats de l'armée syrienne dans le village Dahret Abed Rabbo près d'Alep en Syrie, le 26 mai 2013 (Photo AFP) Par AFP

L’armée syrienne a eu recours à des armes chimiques contre les forces rebelles qui tiennent les faubourgs de Damas, selon deux reporters du Monde présents sur place en avril et mai et dont le récit est publié lundi dans le journal. Les envoyés spéciaux du Monde «ont été témoins plusieurs jours d’affilée» d’utilisation d’explosifs chimiques et de leurs effets sur les combattants sur le front de Jobar, 12

http://www.liberation.fr/monde/2013/05/27/syrie-le-monde-temoin-d-attaques-chimiques-contre-les-rebellespres-de-damas_905952

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«quartier à la sortie de Damas où la rebellion a pénétré en janvier», témoigne le reporter Jean-Philippe Rémy. Le 13 avril, le photographe Laurent Van der Stockt a ainsi vu les combattants «commencer à tousser, puis mettre leurs masques à gaz, sans hâte apparemment, mais en réalité déjà exposés. Des hommes s’accroupissent, suffoquent, vomissent». Les journalistes ont aussi recueilli des témoignages de l’utilisation de ces produits «dans une couronne beaucoup plus large» autour de la capitale syrienne. Sur une vidéo tournée par Laurent Van der Stock et consultable sur le monde.fr, des combattants et des médecins racontent les symptômes provoqués par ces produits: difficultés respiratoires, maux de tête, pupilles contractées, nausées... «Si on ne les traite pas immédiatement, c’est la mort», témoigne sous couvert de l’anonymat un médecin de l’hôpital Al-Fateh de Kaffer Battna, dans la poche rebelle de la région de la Ghoutta aux portes de Damas. Un certain nombre de prélèvements ont été effectués (sur les victimes) et sont en cours d’étude, rapportent les médecins. «Les gaz utilisés sur les fronts le sont de manière ponctuelle, évitant des épandages massifs qui constitueraient facilement des preuves irréfutables», écrit Jean-Philippe Rémy. Le régime syrien nie l’utilisation d’armes chimiques. L’article cite aussi «une source occidentale bien informée» selon laquelle le pouvoir syrien a recours «à des mélanges de produits, notamment avec des gaz anti-émeutes (lacrymogènes) pour brouiller les pistes et l’observation des symptômes». L’ONU a une nouvelle fois appelé mercredi Damas à laisser ses experts enquêter en Syrie sur les armes chimiques, faisant état d'«informations de plus en plus nombreuses» sur l’utilisation de ces armes dans le conflit. En attendant un feu vert de Damas, les enquêteurs de l’ONU en sont réduits à recueillir les informations disponibles en dehors de la Syrie, notamment en contactant des médecins et des réfugiés dans les pays voisins.

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Annexe VI

"Images de guerre sur la route de Damas" Le Monde.fr | 31.05.2013 à 18h42 • Mis à jour le 01.06.2013 à 10h39

Le photographe Laurent Van der Stockt et le journaliste du "Monde" JeanPhilippe Rémy se sont rendus clandestinement en Syrie, de la frontière libanaise à la capitale, Damas, où ils ont été témoins de l'usage de gaz toxiques par l'armée syrienne. Photographer Laurent Van der Stockt and "Le Monde" reporter Jean-Philippe Rémy travelled clandestinely to Syria, from the Lebanese border to Damascus, where they bear witness to the use of toxic arms by the Syrian army.

Hosh Arab, le 27 mars. Abou Qousay, commandant de la katiba locale, montre des bases de l'armée syrienne. Au loin, Damas. / Hosh Arab, the 27th of March. Abou Qusay, commander of the local katiba (battalion), points toward the bases of the Syrian army. Further in the distance, Damascus.

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A la périphérie d'Howsh Arab, en contrebas, des bases de l'armée syrienne. Plus loin, on voit aussi les lumières de Damas. / Bases of the Syrian army are seen below, on the outskirts of Hosh Arab. Further in the distance, the lights of Damascus.

Jebel El Jerit. Des combattants des katibas "Suada al Islam" et "Zikhar". Jebel El Jerit. / Fighters of the "Suada al Islam" and "Zikhar" katibas (battalions).

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Sakha, à l'entrée de Yabroud, sur le mur d'une caserne militaire prise par l'ASL début 2012 : "Armée libre, nous sommes passés ici, signé : le bataillon (Katiba) El Jobb Abou El Majid". Sakha, at the entrance to Yabrud, on the wall of a military barracks taken by the Free Syrian Army in early 2012: "Free army, we were here, signed: El Jobb Abou El Majid Katiba (batallion)".

Au domicile d'un commandant de l'Armée syrienne libre, à Yabroud. / At the home of a commander of the Free Syrian Army in Yabrud.

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A Zamalka, dans la banlieue de Damas, un opérateur radio de la brigade rebelle Tahrir Al-Sham ("Libération de la Syrie") / A radio operator of the Tahrir Al-Sham ("Liberation of Syria") brigade in Zamalka (outskirts of Damascus).

De septembre à octobre 2012, l'armée syrienne a également bombardé Zamalka, l'une des entrées de Damas / From September to October 2012, the Syrian army also bombarded Zamalka, on the outskirts of Damascus.

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Pour venir à bout de la rébellion dans la région de la Ghouta, l'armée syrienne a déployé les grands moyens / The Syrian army deployed considerable resources to try and overcome the rebellion in the region of the Ghouta.

A Irbin, une école a été détruite par un avion de chasse de l'armée syrienne / A school in Irbin, destroyed by a Syrian army fighter plane.

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La plupart des habitants de Zamalka ont fui, mais cet homme vend des cigarettes pour survivre / Most of the inhabitants of Zamalka have fled, but this man has stayed behind and sells cigarettes to survive.

L'armée syrienne a bombardé la ville de Douma à l'automne 2012 / The Syrian army bombarded the city of Douma in the fall of 2012.

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A l'entrée du quartier de Jobar, au loin de la fumée s'échappe de la place des Abbassides, où se trouve l'un des fronts de la bataille de Damas. / At the entrance to the neighbourhood of Jobar. In the distance smoke rises above Abbasid square, one of the front lines in the battle for Damascus.

A Damas, le quartier de Jobar est la seule zone tenue par les rebelles. Les murs des maisons ont été percés pour leur permettre de se déplacer vers le centre et les forces gouvernementales.

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Pour avancer jusqu'aux quartiers centraux de Damas, les rebelles de Tahrir AlSham doivent traverser encore quelques pâtés de maison, puis de larges avenues, et prendre d'assaut de vastes bâtiments en terrain dégagé. Autant d'obstacles infranchissables.

Le quartier de Jobar, à Damas, est un secteur crucial pour l'Armée syrienne libre (ASL). A travers les tranchées, les rebelle transportent une arme anti-char. / The suburb of Jobar, in Damascus, is an area of critical importance for the Free Syrian Army (FSA).

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Les rebelles sont parvenus à deux pas de la célèbre place des Abbassides, mais ils sont bloqués par les forces gouvernementales qui disposent de chars. / The rebels have reached a position just a stone's throw from the famous Abbasid Square, but they are being held back by government forces in tanks.

Des snipers rebelles dans le quartier de Jobar. / Rebel snipers in the suburb of Jobar.

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Un tireur embusqué rebelle a installé son poste de tir au milieu d'une bibliothèque. / A rebel sniper has set up his rifle in the middle of a bookshelf.

Les rebelles ont installé des caméras vidéo afin de surveiller les lignes de front où se trouvent les tireurs embusqués des forces gouvernementales. / Rebels have installed video cameras on the front lines where government snipers are positioned.

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Un combattant rebelle vient d'être touché par le tir d'un sniper de l'armée. / A rebel fighter has just been hit by Syrian army sniper fire.

A Jobar, les attaques au gaz ont commencé courant avril. Au centre, Abou Ahmad Dahla, commandant d'un des bataillons de la brigade / In the second half of April, gas attacks became almost a strange kind of routine in Jobar. On the front lines, the rebels of the Free Syrian Army got used to keeping their gas masks beside them.

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Des séances de lavages réguliers des yeux, avec des seringues remplies de sérum physiologique, ont été organisées / Regular eye baths have been organised, using syringes of saline solution.

Des seringues et des ampoules d'atropine, un produit injectable qui contrecarre les effets des neurotoxiques, ont été distribuées / Syringes and vials of atropine, an injectable product to counter the effects of neurotoxic substances, were distributed.

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Selon les endroits, les combattants qui ont été victimes de gaz toxiques affirment que les produits ont été diffusés par de simples obus, par des roquettes, voire par une forme de grenade. / Depending on their location, fighters who have been victims of chemical gas attacks report that the gases were housed in simple shells, in rockets and even in grenades.

Dans les faubourgs de Damas, des soins médicaux sont prodigués après des attaques au gaz / Ghouta, in the suburbs of Damascus, medical care is provided after gas attacks.

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Annexe VII Le cinéma à la gloire du photojournalisme : affiches de films

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Annexe VIII Ø Entretien : Patrick Bernard / reporter-photographe pour Abaca Press Quel regard portes tu aujourd’hui sur le photojournalisme et la presse plus généralement ? Le photojournalisme est un métier en mutation, parce que les sources ont été entièrement changées et bouleversée. Avant, on parlait des « professionnels de la profession », c’était un club fermé, maintenant c’est open bar, tout le monde peut être bombardé photojournalisme, ne serait ce que deux minutes ou un quart d’heure. Il y a une foule de documents amateur. Andy Warhol disait qu’en l’an 2000 nous serons tous des stars au moins dix minutes. Maintenant on peut tous être journaliste au moins dix minutes. Il y a des objets qui le permettent. Avec un smartphone, il est possible d’envoyer une photo de n’importe où. Le problème c’est qu’il y avait des codes et des contrôles. C’était un métier drivé, canalisé, et maintenant il n’y a plus ça. Tout le monde peut témoigner du vrai comme du faux. C’est à la fois un outil hyper génial et hyper dangereux. L’agence Abaca s’est spécialisée dans le people car c’est plus rentable. Est ce que tu considères que cette activité relève du photojournalisme et quel est ton regard sur celleci ? Ce n’est pas parce que c’est plus rentable, c’est parce qu’il y a une demande énorme. C’est après que ça devient rentable. La photo politique c’est saturé, personne ne va en demander. Bien évidemment, le people c’est du photojournalisme. C’est comme ceux qui disent que l’ostéopathie n’est pas de la médecine. La presse people, c’est de l’information. La trame est la même : recherche, enquête, développement et production de la matière. La traque est différente. Mais on peut retrouver des parallèles dans la façon de ramener l’information dans la politique comme pour le people, c’est le « off » dans le news. La grande trame est la même. Le people est l’une des branches du photojournalisme, comme le sport, l’économie, le news, la politique. La notion de « photo que personne n’a » est au cœur de la profession de photojournaliste, mais est ce pour autant le quotidien des photographes de presse ? L’objectif est surtout d’avoir une photo complètement différente des autres sur un même événement, sortir une photo décalée. Le top du top, c’est l’exclue, le seule espoir du

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photojournalisme. C’est le graal du métier, car dans ce cas, on oublie l’abonnement, le forfait. Tu reviens à l’essence du métier. Cependant, ça ne marche pas à tous les coups... Les agences ont-elles encore leur place dans un monde post-Internet et réseaux sociaux ? Oui parce que la production des agences est tamponnée « Vu et photographié par un photographe professionnel ». Les étapes de vérification de l’information et des sources sont importantes. La concurrence de la photo d’amateur fait-elle du mal au métier ? Non, contrairement à ce que tout le monde pense. Certes une branche en est quasi morte : c’est l’illustration. Tu peux trouver des photos de coucher de soleil à un euro. J’ai connu de très bons photographes d’illustration mais aujourd’hui c’est fini car le marché à été pris par les amateurs. Mais pas pour le reste. C’est marginal. Le problème c’est que le métier s’appauvri, visuellement, et donc se vend moins. Le papier se vend de moins en moins. Le photojournalisme a-t-il un avenir selon toi ? Ce n’est pas un métier qui va disparaître complètement. Y aura toujours des photos et des vidéos faites par les journalistes. Les « hommes orchestres » sont recherchés pour gagner du temps. Mais même lui ne sera pas salarié. C’est le salarié qu’il faut chasser. Le multi produit veut dire un appauvrissement de la qualité. C’est une pure utopie ou alors pour du produit bas de gamme. Rien ne peut sauver le photojournalisme. Il y avait la théorie de la tablette, avec les diaporamas. On espérait revenir sur le tarif du « print ». Mais tu n’es jamais en position de force dans ce métier, sauf en cas d’exclusivité. Le seul espoir ce serait à la limite une agence qui ferait de l’exclu. Mais c’est de moins en moins possible car le suréquipement numérique a amené une plus grande rareté de l’exclusivité.

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Annexe IX Ø Entretien : Benjamin Girette / photojournaliste pour IP3 Press Que penses tu de la situation du métier de photojournaliste aujourd’hui ? C’est un métier qui se modifie. On publie d’une autre façon car on nous considère d’une autre façon. Mais malgré les difficultés, je sais que je ferai ça tant que je n’en ai pas marre. La concurrence de la photo d’amateur fait-elle du mal au métier ? Je vois le bon côté des choses : il y a de plus en plus de monde qui s’intéresse à la photo, cela augmente le nombre d’amateurs et donc de professionnels. Et puis en France la profession est assez bien protégée au niveau du droit d’auteur donc l’impact des amateurs est limité. Les journaux ont compris que les photos Flickr ça va un moment mais ce n’est pas possible d’illustrer tous leurs articles avec ça. Mais je reste persuadé qu’on aura un jour une photo Instagram au World Press Photo… Justement, qu’apportent le World Press et les autres récompenses au photographe ? Disons que ces dix dernières années les récompenses étaient les seuls moyens de financement. Cela permet de sortir la tête de l’eau. L’argent des prix reste assez dérisoire, car il faut casser au moins deux optiques et manquer de se faire tuer pour en gagner un. Cette année il y a un mec qui est au chômage, qui a du revendre son matériel photo pour se nourrir et qui a gagné le World Press dans la catégorie « daily life ». Quand tu gagnes un prix, on ne peut pas dire que t’es mauvais ou qu’on ne te connaît pas. Alors que tes photos sont refusées par la presse dès que tu gagnes un prix, ton reportage passe comme par magie… Quel est ton point de vue sur l’usage du Corporate ? Par période cela peut être 80% de mon chiffre d’affaire, sinon il reste le people… Les mairies ou les conseils généraux et régionaux payent très bien. Il y a des budgets pharamineux dans les institutions ! Le people a-t-il encore de beaux jours devant lui selon toi ? Même dans le people les prix chute car les titres ont de plus en plus de mal à se vendre. Et puis il ne faut pas se mentir, c’est un métier de chien… ça ne me donne pas du tout envie.

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Comme le reste des journalistes, le photographe de presse est de plus en plus amené à jouer l’homme orchestre, filmant, écrivant à côté des photos. Est ce que c’est aussi ton cas ? Qu’en penses tu ? Je refuse de faire autre chose que de la photo. Lorsqu’un rédac chef me fait ce genre de proposition, je réponds toujours : « si vous cherchez quelqu’un qui sait tout faire moyennement alors ce n’est pas pour moi ». C’est comme les Webdoc : je trouve ça vraiment mauvais. On demande à un mec de faire le boulot de 5 autres, ce qui est complètement absurde. Parce que l’heure est aux économies… Oui mais cela n’empêche pas d’avoir une vraie stratégie photo comme à 20 Minutes où il y a un vrai service photo. Ce n’est pas exemple pas le cas à Métro. Sa rédaction est à la recherche d’un seul photographe a qui ont demande de faire l’éditing, des petits films, écrire et même s’occuper de la charte graphique ! Quel est selon toi l’avenir du photojournalisme ? On « bouffe » de plus en plus d’image avec les réseaux sociaux. Il y a des gens qui arrêtent le photojournalisme pour faire de l’art. C’est le cas de Luc Delahaye qui après 15 ans de reportage de guerre s’est lancé dans l’art et les expositions. Matthias Bruggmann qui a fait une école d’art en Suisse a à la fois une démarche artistique et photojournalistique. D’un côté il cherche à informer et de l’autre à répondre aux codes de l’art. Johann Rousselot qui a exposé à Visa l’année dernière est en train de casser tous les codes avec des photos carrément « photoshopées ». Son objectif est de passer le message que ça plaise ou non. Au final, tout le monde cherche des moyens de sortie car on veut tous s’en sortir même s’il n’y a plus d’argent dans la presse.

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Annexe X Ø Entretien : Corentin Fohlen / photojournaliste indépendant Quel regard portes tu aujourd’hui sur le photojournalisme et la presse plus généralement ? Le photojournalisme est a un tournant: la crise de la presse et la concurrence féroce entre photographes de toutes nationalités nous oblige à nous renouveler. On ne peut plus raconter comme avant où l'information était rapportée par quelques photographes occidentaux. Maintenant l'information est en direct, 24h/24, donc à nous de raconter différemment, en prenant le temps quand c'est possible. La presse se renouvelle en même temps: XXI, 6 mois, Causette, Néon, Desportes, Polka … mettant au placard les "vieux" magazines qui, s'ils ne changent pas, viendront à disparaitre; tout comme les quotidiens passeront au tout internet dans les années à venir. Le modèle du webdocumentaire est également passionnant, même si je reste attaché à la pure photo, mais les finances doivent suivre. Le crowfunding est également un moyen de financer ses projets, même si je déplore que la presse ne le fasse de moins en moins. Tu as gagné des récompenses prestigieuses, qu’est ce que cela t’a apporté ? J’avais déjà cinq ans de métier avant d'avoir le World Press et le Prix Visa. Ces prix m'ont permis de faire connaitre surtout mon nom à l'étranger, en France j'avais déjà construit peu à peu mon réseau. C'est une merveilleuse récompense qui motive pour continuer la voie qu'on s'était tracée. Ce n'est pas un lot de consolation mais une vraie récompense même si ce n'est pas pour cela que l'on vient te chercher parce que tu as reçu un prix. Mais il est vrai que pour les prix que j'ai reçu pour mon travail à Bangkok, j'ai eu une seule parution sur ce sujet au moment des évènements. Pour cet exemple précis, effectivement la seule façon de diffuser ce travail l'a été par les prix reçus après coup. Quel est selon toi l’avenir du photojournalisme ? L'avenir est au beau fixe : on a jamais eu un tel niveau de photographie, on a jamais eu une telle variété de reportages et de qualités, on a jamais eu autant de possibilité de diffuser et montrer ses photos (galeries, musées, web, Facebook, magazines, fondations, affichage publique, festivals, etc…)

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La concurrence de la photo d’amateur fait-elle du mal au métier ? La photo amateur est un faux problème: elle a toujours existée et n'a jamais remplacée et ne remplacera jamais le professionnel car le pro donne à voir différemment. Comme le reste des journalistes, le photographe de presse est de plus en plus amené à jouer l’homme orchestre, filmant, écrivant à côté des photos. Est ce que c’est aussi ton cas ? Qu’en penses tu ? On ne m'a jamais demandé d'écrire, de filmer ou de prendre du son à côté de mes reportages. Je reste profondément attaché à la pure photo, même si je vois les possibilités de mixer différents médiums. Pour l'instant il m'arrive de filmer certaines scènes parce que je les trouve fortes, mais je laisse ces vidéos au placard. La technique est malheureusement une barrière pour moi: je ne sais pas faire du montage. Il n'y a pas d'obligation, mais le mélange des genres permet d'autres opportunités, c'est évident.

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BIBLIOGRAPHIE

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TABLE DES MATIERES CHAPITRE 1 : LA CRISE DU PHOTOJOURNALISME… OUI MAIS POURQUOI ? ……9 I/ Le journalisme en crise.......................................................................................................10 1) Vers la fin de la presse écrite........................................................................................10 2) Journaliste, un statut qui se précarise............................................................................11 3) Du multimédia à l’homme orchestre.............................................................................13 II/ La technologie contre la photographie (approche historique et culturelle).................16 1) L’affirmation de la télévision et des médias de masse..................................................16 2) L’Internet et les réseaux sociaux...................................................................................17 3) Des agences aux banques d’image................................................................................20 III/ La chute des prix..............................................................................................................25 1) L’épineuse question du DR...........................................................................................25 2) La photo libre de droit...................................................................................................26 3) La photo d’amateur.......................................................................................................26 CHAPITRE 2 : LE PHOTOJOURNALISME N’EST PAS ENCORE MORT ……………...30 I/ Un métier à part entière......................................................................................................31 1) Les contraintes techniques et esthétiques......................................................................31 2) Un travail d’enquête et de journaliste, « l’œil »............................................................32 3) Etude de cas : le reporter de guerre...............................................................................34 II/ La niche du people.............................................................................................................43 1) La photo que personne n’a – dimension d’être tout seul...............................................43 2) Un métier lucratif ....................................................................................................... 44 3) Nuance : des budgets de moins en moins importants....................................................45 III/ Le financement privé.......................................................................................................47 1) L’argent du Corporate...................................................................................................47 2) Le prix de la reconnaissance.........................................................................................48 3) Le cas de Visa pour l’image..........................................................................................52 Conclusion et ouverture..........................................................................................................56

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Résumé : Le photojournalisme est il vraiment en train de mourir ? Cette profession qui consiste à raconter une histoire avec des images est aujourd’hui aux abois. La concurrence, les évolutions techniques, la crise de la presse sont autant de facteurs de précarité. Pourtant, face à la démocratisation de l’information et la multiplication des supports permise par Internet et les réseaux sociaux, la demande en photographies est en hausse constante. Malgré ce paradoxe et face au triomphe des chaînes d’informations en continue, certains newsmagazines, pourtant incontournables, ont été obligés de jeter l’éponge. La photographie qui fait véritablement son apparition dans la presse au début du XXème siècle semble déjà ne plus avoir sa place au début du XXIème. Sygma, Gamma et maintenant Sipa sont des dinosaures du photojournalisme face aux monstrueuses banques d’images que sont Corbis et Getty. Cependant, les photojournalistes n’ont pas dis leur dernier mot, ou du moins, n’ont pas encore pris leur dernière photo. Ce mémoire est l’occasion de faire un état des lieux de la profession et surtout de réfléchir aux évolutions qu’elle traverse depuis déjà plusieurs années. Au delà des clichés et des idées reçues, l’objectif a été de mettre en lumière les éléments qui prouvent que le photojournalisme n’est au contraire pas près de disparaître. A travers des témoignages, des études mais aussi une littérature et une filmographie plutôt riches dans ce domaine, ce travail montre que le photojournalisme, bien qu’étant une profession souvent précaire, est indispensable dans une société submergée d’images de toutes sortes et de toutes provenance.

Mots clés : Photojournalisme, reportage, photographie, journalisme, presse

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