Psychanalyse Tassigny Frans
âAthĂ©na au Divanâ
(Roland Devolder)
Psychanalyse et poĂ©sie Chapitre 1 Proposition 1. Si dans chaque psychanalyste, il y a un poĂšte qui sommeille, et si dans chaque poĂšte un analyste qui sâoublie, câest parce quâils Ă©veillent tous deux un langage articulĂ©: celui de lâinconscient. Pour les premiers, il se meut dans un champ fermĂ©, rigoureux, presquâ un âhuis closâ; pour les seconds, il nâest vif que dâĂȘtre avide, lyrique, Ă©perdu ou romantique. Proposition 2. Les maĂźtres dâĂ©chec possĂšdent lâart des gens qui nâont pas dâart; les psychanalystes celui de soigner; les poĂštes, eux, celui dâ Ă©merveiller. Mais tous trois sont face Ă leur solitude, souvent dans la recherche, quelquefois dans la musique et dans la joie autour des murs et des blanchis que cernent nos peines. Proposition 3. Il nây a pas de poĂšte assis ou de poĂšte des rues, il y a des poĂštes tout court. Par contre, il nây a pas de psychanalyste tout court. Ils sont notaires de lâesprit, maĂźtres de lâinconscient, pĂ©dagogues, enseignants, docteurs ou thĂ©oriciens, mais eux ils sont bien logĂ©s. Proposition 4. Des poĂštes, tous font ou ont fait partie dâune âacadĂ©mie erranteâ. Pour les plus rĂ©voltĂ©s, celle de lâaristocratie du prolĂ©tariat; pour les autres, disons quâils sont versĂ©s dans la âlyreâ. Des analystes, hormis quelques dissidents, ils sont tous aux lĂšvres du pouvoir, rarement ou jamais Ă lâĂ©coute de lâanarchie. Proposition 5. Et si les poĂštes nâĂ©taient en fait que de faux marginaux cachant subrepticement leur dĂ©shonneur sous le masque abstrait dâinconsolables tĂ©nĂ©breux, de romantiques de cafĂ©, de lyriques affairistes. Alors, pour rĂ©parer le bien quâils nâont su donner ou le mal de leur mĂ©diocritĂ©, il faudra des analystes de toute force pour guĂ©rir leur imposture. 3
Proposition 6. Et si les analystes lisent Nerval, câest parce quâil sâest pendu dans la rue leur fournissant un cas clinique presque exemplaire. Les poĂštes, eux, se rappellent quâil Ă©tait GĂ©rard Labrunie, brancardier et poĂšte sous la commune au temps oĂč la lettre tuait. Proposition 7. Il faut absolument se diriger de lâauteur vers son oeuvre, Ă savoir: que câest parce que tel crĂ©ateur possĂšde une telle personnalitĂ© quâil produit telle oeuvre. Mais jamais Ă travers les caractĂ©ristiques, spĂ©cificitĂ©s dâun texte dâen dessiner un profil psychologique de lâauteur et dâen tirer une sĂ©rie de conclusions en une dichotomie de prĂ©dicats divers. Il serait vain dâinterprĂ©ter les vers de Paul Pavel: âle lait noir de lâaube se boit au crĂ©pusculeâ comme la reprĂ©sentation macabre du camp dâAuschwitz, lieu de ses Ă©crits. Proposition 8. Si le poĂšte vit lâangoisse de la page blanche et lâanalyste la ruine dâun cabinet vide, câest que tous deux vivent leur art comme un accoudoir de leur solitude et non comme un Ă©veil de la pensĂ©e.
âLe rĂȘve dâUlysseâ
(Roland Devolder) 4
Additions.
âLes poĂštes architectesâ (Roland Devolder)
Appendice 1. Les poĂštes sont majeurs, plĂ©niers ou mĂ©tĂ©ores, jamais prophĂštes. LâavĂšnement du nazisme est dĂ» au besoin pour lâAllemagne dâavant-guerre dâun grand chef spirituel, dâune sorte de berger de lâAme germanique. Ils lâattendaient Ă travers lâoeuvre des grands Romantiques. HĂ©las, le paradis espĂ©rĂ© sâest mĂ©tamorphosĂ© en apocalypse, le grand guide sâest mutĂ© en barbare sanguinaire dans les messes noires de lâholocauste. Appendice 2. Chez les poĂštes Ă©pris dâune mythologie liĂ©e aux Ă©lĂ©ments, les plus subtils sont ceux qui traitent des minĂ©raux.
5
LâArgument.
Il faut distinguer entre la psychanalyse en tant que discours et la psychanalyse en tant que pratique, qui est le choix dâun mode de vie; le discours psychanalytique Ă©tant dâailleurs insĂ©parable de ce choix, puisquâil en Ă©mane et quâil y reconduit. On appelle psychanalyse une dĂ©marche qui dĂ©tient un savoir qui dĂ©voile et articule le langage cachĂ© de lâinconscient et reconstruit lâhomme pour tendre vers une philosophie vĂ©cue et pratiquĂ©e qui nâest autre que la vie elle-mĂȘme et lâĂ©merveillement devant lâexistence du monde dont lâhomme crĂ©e son expĂ©rience par excellence.
Proposition 1. Le psychanalyste ne donne pas de remĂšde Ă la souffrance mais il cherche Ă dĂ©couvrir le chemin qui a menĂ© Ă ce mal de vivre. La vĂ©ritĂ© de lâexpĂ©rience de lâanalysant ne peut ĂȘtre limitĂ©e au rĂ©cit, confinĂ©e Ă la narration car la substance de son vĂ©cu lui Ă©chappe et cela il le sait car il a dĂšs lors recours Ă quelquâun qui lâĂ©coute et peut lâaider Ă sâapproprier cette substance. Câest lâespĂ©rance de la rencontre analytique, celle du rapport aux mots capables de rĂ©tablir la relation entre lâanalysant et la rĂ©alitĂ©. En fait nul ne possĂšde la vĂ©ritĂ© de son expĂ©rience et lâon peut sâen approprier une partie en se confiant Ă quelquâun dâĂ©tranger. Parler devient alors lâĂ©laboration de la traversĂ©e de la douleur (tel un thĂ©Ăątre oĂč lâinterprĂ©tation des mots tient la douleur en otage) intĂ©grĂ©e dans lâensemble dâun corps social et cela comme tĂ©moin de la souffrance et des hallucinations quâelle a engendrĂ©es. LâidĂ©e de perte dâune fausse identitĂ© mĂšne lâanalysant Ă passer par une autre voie pour se reconnaĂźtre dans son dĂ©sir.
âLe Divanâ (Roland Devolder)
6
Proposition 2. Prendre la psychanalyse en otage, câest dĂ©placer le centre de gravitĂ© de sa pensĂ©e, ouvrir des brĂšches aux murailles des vĂ©ritĂ©s, reconnaĂźtre humblement que la majoritĂ© de nos dĂ©cisions seraient dĂ©terminĂ©es non par des choix provenant du libre arbitre mais par lâinquisition de la culpabilitĂ© ou la dictature de lâangoisse. Lâanalysant Ă©labore sa douleur tissĂ©e dans les mots de tous, ourlĂ©e de verbes ordinaires, blasonnĂ©e de lâĂ©cu du quotidien. Il est le premier tĂ©moin (de ses rĂȘves) et voilĂ quâĂ la croisĂ©e des chemins convergent âle survivantâ, âlâassassinâ et tous âles disparusâ. Tous ces morts qui maintenant prennent la parole dans lâhallucination dâune autre rĂ©alitĂ©. Lâanalysant accepte de parler avec ses mots qui lui ont permis de vivre, de survivre. Comme sâil abordait lâincertitude dâune ombre cassĂ©e qui tient une partie de sa vie en secret, il ne peut sâexiler en silence. Il y aura plus loin un corridor, une porte, une halte, puis lâombre sâattablera jusquâĂ lâaube, se penchera sur son maĂźtre pour disparaĂźtre dans son sommeil. A la fois fidĂšle et traĂźtresse, elle aura mimĂ© tous ces gestes, mais restera muette pour que, complice, elle garde le souvenir de lâhomme (lâanalysant), de sa pensĂ©e qui a Ă©tĂ© mutilĂ©e pour quâune mĂ©moire continue Ă exister reconnaissant un sentiment exclu de la sensibilitĂ© pour quâune autre vie continue. Proposition 3. âJe suis la plaie et le couteau, la victime et le bourreauâ
âCabestanâ (Roland Devolder)
Charles Baudelaire nâessaie-t-il pas de donner Ă travers la poĂ©sie un cadre Ă sa douleur? Il vivait dans lâhorreur de la misĂšre, dâoĂč il nâest presque jamais sorti. Une frontiĂšre onirique le sĂ©pare de cet Ă©tat de choses. Il se dĂ©double, devient lâautre, se donne un espace de fiction pensant que formuler son dĂ©sir dâesthĂšte dans le tableau dâun poĂšme le situerait ailleurs, comme venant dâun rĂȘve substituant la triste rĂ©alitĂ© . Ainsi ses vers sâapproprient lâensemble dâun Ă©tat crĂ©atif qui se repaĂźt de sa condition: âle mauditâ. Il se marginalise, certes, mais câest le moteur de sa crĂ©ation. Sans tortures il nâest rien, la vie lui semble banale, plate. Conscient dâavoir une pensĂ©e mutilĂ©e, il lâĂ©rotise.
7
Cette Ă©rotisation de la souffrance, câest le masochisme; lâalchimie de la mort et de la jouissance. Lâessentiel de ses âamoureusesâ rend compte de la mouvance du dĂ©sir humain car il y a du plaisir pendant lâexpĂ©rience de la douleur. Il est produit par une activitĂ© hallucinatoire qui permet la permanence de la souffrance et sa nĂ©gation, plutĂŽt sa sublimation. La scĂšne parnassienne de Charles Baudelaire redonne Ă celle-ci sa vraie dimension: celle dâun fantasme. Il fait participer lâhallucination Ă sa poĂ©sie. Il fait du traumatisme le sujet dâesthĂšte que son oeuvre symboliste inaugure. Proposition 4. Donnerons-nous encore aux inquisiteurs de la psychanalyse le soin de nous rĂ©vĂ©ler une avant-garde. La psychanalyse nâa cure de mĂ©taphysique, elle ne sâinquiĂšte que de biographie. Elle puise dans le vĂ©cu et se ressource de mĂ©moire. Comme si pour certains il y eut des failles secrĂštes, des rejets tus, des drames non perceptibles, non avouables. Il serait donc de plus grandes souffrances: celles que lâhomme mĂ©connaĂźt. Il serait donc des âmauxâ enfouis qui sans cesse taraudent, abĂźment, sans pour cela que quelque pharmacie opĂšre. Comme si dĂšs le dĂ©part les dĂ©s Ă©taient pipĂ©s, la donne faussĂ©e. Comme si la pierre angulaire de la vie sâinscrivait de malentendus et de distorsions oĂč les rĂŽles humains seraient distribuĂ©s en dĂ©sertions qui tout au long de lâexistence rendent sourds au chant du monde. Les religions offrent la compassion aux fautes humaines, la philosophie la sagesse de les supporter stoĂŻquement et la psychanalyse la parole qui libĂšre, tout au moins la recherche dâune parole dans le silence des ombres et les procĂšs des tĂ©nĂšbres qui nous cachent le coeur.
âEcce homoâ (Roland Devolder)
8
Proposition 5. Le remords, câest le bois mort de la conscience dĂ©posĂ© aux pieds de lâhomme pour quâil en fasse un bĂ»cher de toutes les croix quâil porte. Lâhomme demeure auprĂšs dâune phrase secrĂšte, imprononçable, imprononcĂ©e, quâil garde jusquâĂ lâaube dans les rĂ©bus du sommeil. Comme une pensĂ©e qui aspire Ă se reconnaĂźtre sur lâĂ©cheveau des rĂȘves pour ensuite refouler ce quâelle nâa pu combattre, la poĂ©sie tient lâhomme par son ombre, lui rendant ainsi visible ses chaĂźnes. Lâhomme est en face de ses bourreaux lorsquâil est acculĂ© au silence fait de âdĂ©sir momieâ. Lâoubli est un linceul ouvert qui garde nos souvenirs partagĂ©s dâenvie et de vomi, de dĂ©sir et de dĂ©goĂ»t, de parturition et de mort. Proposition 6. Entre psychanalystes il y aurait hĂ©las le mot trahison. Par contre, entre poĂštes, le concept de dĂ©couverte. Comprenez autrement: un grand poĂšte nâest pas seulement celui qui versifie mais celui qui trouve et met en lumiĂšre lâoeuvre dâautres poĂštes. Et câest principalement cette Ă©coute qui le grandit. Ils ont dĂšs lors pu poser sous le portique le bĂąton des rancunes, ce quâaucune Ă©cole psychanalytique nâa encore atteint. Par contre, les psychanalystes ne cherchent pas Ă plaire alors que certains poĂštes, grands ou mineurs, choisissent bien trop souvent ce qui se fait dans lâair du temps, est Ă la mode, ne respirant plus dans âlâoeuvre Ă venirâ. Proposition 7. LâhĂ©ritage lacanien Ă©tablit des correspondances entre psychanalyse, linguistique et ethnologie. Son langage est polyphonique. A lâimage de James Joyce, Lacan a imaginĂ© un nouveau langage dont le registre est pluriel et dĂ©borde du cadre clinique pour ouvrir un champ qui englobe une multitude de disciplines. Ce qui est remarquable chez Lacan, câest quâil nâest pas animĂ© seulement du souci de tout savoir, mais Ă©galement de la nĂ©cessitĂ© dâĂȘtre un observateur actif. Ce nâest possible que dans la mesure oĂč lâon vit son observation en la reformulant dans une thĂ©Ăątralisation, dans une mise en scĂšne. Voici une recherche dââĂȘtre âlâAnalysantâ (Roland Devolder) lâautreâ, enquĂȘte et quĂȘte de lâidentitĂ© secrĂšte et cachĂ©e de lâĂȘtre.
9
Enfin, au cours de la cure psychanalytique, de lâanalyse, avec son sens du vĂ©cu, de la situation, de lâĂ©pisode crucial et du dialogue, Lacan peut dĂ©couvrir, isoler des traits de comportement, des signes, des attitudes, des bribes de discours, qui Ă eux seuls dĂ©notent une identitĂ© profonde, composant un rituel social et dĂ©dramatisant la condition humaine. ArchĂ©ologue du mobilier psychique, nomenclateur des symboles, linguiste, tout Ă la dĂ©couverte dâun immense assemblage de figures et de passions; fresque vivante du thĂ©Ăątre de la vie, il tend Ă des allures dâhomme de science. Le rĂ©el de ces faits dâobservation, ainsi quâune profonde Ă©tude de lâoeuvre de Freud le conduisent Ă une dĂ©marche intĂšgre, Ă savoir: ECRIRE INDEPENDAMMENT en dĂ©pit des thĂšmes et des systĂšmes dirigĂ©s. Proposition 8. Toute âpoĂ©sie vigileâ se traduit par lâintrospection du poĂšte. Celui-ci se surprend Ă ĂȘtre, et sâil se mire dans un âJe narcisseâ, comprenez celui qui fleurit dans son jardin secret, son paradis intime, câest quâil se love dans une bulle, un giron, comme Ă la recherche de lâenfant. Certes, ce champ onirique aurĂ©olĂ© dâimage dâenfant sâexpose souvent Ă une forme faible, Ă un romantisme guimauve, Ă©dulcorĂ©, dâoĂč pour beaucoup un sentiment de rĂ©volte, une non-acceptation du âpoĂšte-enfant-naĂŻfâ. Etablissons un parallĂšle avec Lacan vis Ă vis du sujet cartĂ©sien dĂ©pendant et symbolisĂ© par $ barrĂ©. Faudrait-il user pour le poĂšte dâun sigle barrĂ©, griffĂ©, sâoblitĂ©rant ses initiales? En quelque sorte se raturant. Voici lâĂ©bauche dâune algĂšbre poĂ©tique, reprĂ©sentant lâauteur barrĂ© dâune expression de ses textes, avortant un langage intime pour sâextraire dâune enveloppe, dâun monde clos et tiĂšde et sectionnant le cordon ombilical du âJe-poĂšme-enfanceâ. Proposition 9. Mieux vaut ne jamais ĂȘtre en possession dâune vĂ©ritĂ© quâĂȘtre possĂ©dĂ© par la vĂ©ritĂ©, pensait Alfred Kollertisch. Et si cette vĂ©ritĂ© se situait dans la foi dâun dieu? Existe-t-il ou non? La vie dâun homme qui croit est-elle meilleure que celle du mĂ©crĂ©ant? Pascal pense que Dieu aide les hommes Ă vivre, bien que son propos sâĂ©loigne de son existence ou de sa virtualitĂ©. Pascal ne pose pas lâexistence de Dieu comme une question de base, câest lâattitude de lâhomme face Ă la foi quâil analyse, câest Ă©galement la perspective de celui-ci dans lâathĂ©isme quâil commente; le problĂšme de lâexistence de Dieu ou non nâest quâune simple interrogation. FrĂ©dĂ©ric Nietzsche affirme que Dieu est mort, quâil existe ou non. Cette interrogation, Nietzsche sâen moque Ă©galement. Comprenez alors cet aphorisme anonyme: âDieu est mort. SignĂ© Nietzsche. Nietzsche est mort. SignĂ© Dieu.â
10
Remarquons que LâEvangile et Zarathoustra sont encore bien vivants... Le problĂšme de la psychanalyse peut Ă©galement se poser de la mĂȘme façon, Ă savoir: la psychanalyse, peut importe son orientation, peut-elle aider les hommes Ă mieux vivre ou, au contraire, son champ nâest-il que le lieu dâun chantage, quâune escroquerie oĂč les praticiens sont travestis en manipulateurs. Dâautre part, Ă©veille-t-elle une volontĂ© crĂ©atrice, serait-elle lâoutil dâune nouvelle critique ou au contraire occulteraitelle lâoeuvre dâun oeil cyclopĂ©en ne poussant sa recherche que de ce dont elle se repaĂźt. Proposition 10. Le bonheur serait-il autre chose que la somme des fragments qui le constituent, serait-il plus encore? Stendhal notait dans son Journal: âOn gĂąte le bonheur en le dĂ©crivant.â Comme il nâest dans aucune chose assignable, il est tout en soi-mĂȘme et au mieux ne peut ĂȘtre traduit que dans le âRayuresâ (Roland Devolder) rythme ou la musique. Il peut ĂȘtre lâonde de lâhomme qui vit en communion avec les saisons, et rythmĂ©e par le chant du monde, celle-ci rend son Ă©cho dans lâindicible; dire le bonheur câest dĂ©jĂ le ternir, le trivialiser, comme si sa mĂ©ditation rendait le langage indigent, sa langue mendiante. Le bonheur ne se pĂšse pas avec des mots, il signifie lâarrĂȘt de lâĂ©criture et sâimpose au poĂšte par ce grand mutisme qui lui est propre, comme des oiseaux ivres de soleil semblent des papiers brĂ»lĂ©s de la mĂ©moire. Proposition du dĂ©chet dâĆuvre Si pour ĂȘtre un bon citoyen soyons dâune religion reconnue; pour devenir franc-maçon, dâaucune religion reconnue; pour se prĂ©tendre psychanalyste, dâaucune religion mĂ©connue. Lâanalysant vient Ă la cure avec sa bouse dâinconscient que le psychanalyste roule tel le ScarabĂ©e dâEgypte.
11
Proposition 11 Certes, la psychanalyse nâest pas seulement affaire dâoeuvre, de rĂ©ferences savantes et de vocables Ă©sotĂ©riques. Si les Ă©crits importent, câest quâils sont nĂ©cessaires comme moyen de vivre aidant ainsi son âcollectifâ Ă rĂ©inventer le sien, alors la parole psychanalytique reste une crĂ©ation continue. Par contre la poĂ©sie; comprenez la crĂ©ation poĂ©tique ne sâinquiĂšte ni des rĂ©alitĂ©s existentielles, ni des nĂ©cessitĂ© dâun groupe. Elle est affaire de rĂ©voltes, dâinsoumissions, voire-mĂȘme de provocations. Si les Ă©crits importent, câest quâils sont la genĂšse tantĂŽt rimbaldienne de la âparole-avenirâ, tantĂŽt RilkĂ©enne du ârĂ©veille des Dieux enfouisâ, mais toujours en lutte, et hĂ©las quelquefois martyre Ă lâimage de Frederico Garcia Lorca. Proposition 12 Les thĂ©rapies jeunes ne disposent pas de rĂ©Ă«lles rĂ©fĂ©rences sĂ©culaires. Il faut donc sâadapter, englober, vivre dâhĂ©ritages ou dâapports souvents incompris. Leur histoire se bĂątit sur de fragiles Ă©vidences, des fondations discutables. La psychanalyse lacanienne est au coeur de la principale division dâune crĂ©ation, initiative personelle du mĂȘme nom et de la SociĂ©tĂ© freudienne chargĂ©e en somme dâ universaliser la pensĂ©e du âPĂšre Fondateurâ. Nous nâĂ©piloguerons pas sur les raisons du Schisme et de lâattitude de Jacques Lacan qui avait dissous sa propre association de son vivant. Nous nâinsisterons pas Ă©galement sur le phĂ©nomĂšne de castes qui dĂ©finit les diffĂ©rents collectifs, ni sur leurs dogmatismes. La psychanalyse est donc plurielle et divisĂ©e, il serait simplement bon que dans les millĂ©naires Ă venir il se trouve un maĂźtre qui cessant dâocculter les rĂ©ussites des divers collectifs, au contraire, les rĂ©unirait Ă lâexemple dâun maire. Proposition 13 introduction Ă Lacan Est-t-il rĂ©ellement possible de lire, vraiment lire, les travaux dâun psychanalyste cĂ©lĂšbre? Quand le lecteur sâempare des premiers mots des âEcritsâ il ressemble Ă un voyageur dĂ©jĂ trop ou trop peu savant. Lacan, câest une oeuvre, une terre ardue quâil faut Ăąprement dĂ©fricher; des relatives qui sâenchassent et nâen finissent pas de sâenchasser dans les anneaux du style, et paradoxalement pour les rares initiĂ©s qui connaissent un espace familier avec ses thĂšmes et dĂ©veloppements, ses lignes de fuite. Un profil quadrillĂ© par lâaccumulation du savoir critique, surtout par ses commentaires quâil faut vĂ©rifier, comparer Ă nouveau Ă lâaune de Freud; lâinconscient Ă la lumiĂšre de thĂ©orique. Tout est lĂ : assigner la relecture de Freud dans lâĂ©difice du savoir psychanalytique.
12
Rien nâest plus ardu, plus profond, il est vrai que les concepts lacaniens qui indiquent tout Ă la foi, cette âthĂ©orisation du sujet de lâinconscientâ Ă travers les opĂ©rations du professeur et de son brio stylistique fait quâun livre de Lacan ressemblera toujours, Ă ne pas sây tromper Ă un autre livre de Lacan - est en mĂȘme temps marquĂ© de la singularitĂ© qui convient dâaccueillir comme une oeuvre unique et non comme lâaboutissement de la tradition freudienne, mais comme un livre libre. Propostition 14 Si la poĂ©sie se loge dans une tour altiĂšre et de ses simples sentinelles exsangues jusquâaux seigneurs aux lauriers dâĂ©fraĂźchis, tous savent avec le faucon crĂ©celle la perspective du vide qui les sĂ©pare de lâĂ©ternitĂ© comme le vol dâIcare celui de la mort. Proposition 15 Comme Ă©clusĂ©e des mĂ©duses de lâhorizon paraĂźt aux cadavres dâautres latitudes un ciel Ă©pochĂ© de nuages sans noms
âlâanalysteâ (Roland Devolder)
13
La Psychanalyse et lâAube dâOr
âlâAlchimisteâ (Roland Devolder)
AprĂšs mâĂȘtre dĂ©vĂȘtu de mes habits de marchand, aprĂšs avoir endossĂ© ceux dâun poĂšte, il me reste Ă dĂ©fendre ce pourquoi James Joyce fut James Joyce, Ă savoir: the Golden Aube. LâĂ©veil psychanalytique est une rĂ©ponse Ă la marginalitĂ©, Ă lâexclusion, Ă ce quâil y a
14
dâartificiel dans la sociĂ©tĂ©, Ă savoir: la dĂ©sinformation. Toujours rĂ©ponse mais groupale au sein de lâaube dâor, au brassage des idĂ©es partisanes dâun âgai savoirâ Ă la façon de Nietzsche ou de Gurdjieff. Lâinconscient du groupe se rĂ©vĂšle dans des dĂ©bats non dirigĂ©s, structurĂ©s plus par le groupe que par le langage, dĂ©finis par lâexpression sartrienne âcollectifâ avec une connotation dâ Ă©thique et de convivialitĂ©. Le problĂšme clĂ© : lâĂ©thique. On entend par âWeltanschaungâ un systĂšme issu dâun ensemble de valeurs dirigĂ© philosophiquement, idĂ©ologiquement. Ce dĂ©terminisme, cette conception du monde Ă part entiĂšre, implique une prise de position claire du mouvement psychanalytique, Ă savoir: comment celui-ci peut se diffĂ©rencier tout aussi bien du marxisme que de nâimporte quel autre engagement politique et philosophique et cela pour rejoindre le concept freudien de totale indĂ©pendance et de neutralitĂ©: âune mĂ©thode de recherche, un instrument impartial comparable par exemple au calcul infinitĂ©simalâ (S. Freud). Laboratoire de psychanalyse La psychanalyse est perdue dans la mesure oĂč elle nâexiste que pour assurer le renouveau de la mĂ©decine, de la philosophie et de la psychologie. Lâordinaire Lieu dâaccueil pour des paroles qui nâayant pu se dire ou nâayant pas reçu de rĂ©ponses ont Ă©tĂ© Ă©crites. Fabriquer un lieu de parole oĂč celle-ci ne serait pas Ă prendre. OĂč elle tournerait pour Ă©viter que lâon puisse Ă lâordinaire prendre rang, en Ă©tant priĂ© de laisser son nom au vestiaire. Lâordinaire nâest pas un fantasme de pouvoir mais de vĂ©ritĂ©.
15
Lacan et Freud. Le lacanisme est un avatar du freudisme. On comprendra que la cause lacanienne se plaide comme la cause freudienne. Terrible impĂ©rialisme idĂ©ologique, institutionnel et politique que les âpyramidauxâ de Lacan mĂšneront vers lâĂ©laboration dâ une âinternational lacanian associationâ suite Ă la scission de 1963 avec lâAFP. Lâinnovation lacanienne rĂ©side dans la recherche de la thĂ©orisation du sujet de lâinconscient. Rendons Ă Lacan ce qui revient Ă Lacan, comme on laisse Ă lâHomme ce qui revient Ă sa mĂ©moire. Lâhomme serait-il ligotĂ© au mat de son navire (destin) tel lâUlysse dâHomĂšre auprĂšs des sirĂšnes si: âlâamour câest donner ce que lâ on nâa pas Ă quelquâun qui nâen veut pasâ? Ou alors, la cĂ©lĂšbre phrase de Jacques Lacan rejoindrait-elle la pensĂ©e de Pascal, Ă savoir: âtout ce qui est incomprĂ©hensible ne laisse pas dâĂȘtreâ Jacques Lacan conçoit la critique littĂ©raire dans la promotion de la structure du langage âtelle quâelle puisse recouvrir ce sujet neuf Ă se produire en tant que sujet divisĂ© dans son ĂȘtreâ; il poursuit par âcâest parce que lâ inconscient nĂ©cessite la primautĂ© dâune Ă©criture que les critiques glisseront Ă traiter lâoeuvre Ă©crite comme se traite lâ inconscient.â Sous rĂ©serve que âlâoeuvre Ă©crite nâ imite pas lâ effet de lâinconscient, elle en pose lâĂ©quivalent, pas moins rĂ©el que lui, Ă le forger dans sa courbureâ. Freud dĂ©montre que le âsignifiantâ a en quelque sorte Ă©tĂ© refoulĂ© et que câest lĂ le point dâ appel du flux inĂ©puisable de significations quâil âprĂ©cipite dans le trou quâil produitâ que Lacan commente comme suit: âinterprĂ©ter consiste certes, ce trou, Ă le clore. Mais lâinterprĂ©tation nâa pas plus Ă ĂȘtre vraie que fausse. Elle a Ă ĂȘtre juste, ce qui en dernier ressort va Ă tarir cet appel de sens, contre lâapparence oĂč il semble fouettĂ© au contraire.âš (Source: prĂ©face de Lacan âcâ est Ă la lecture de Freudâ au livre de R. Georgin, Lacan). La psychanalyse en extension. Lâanalyste nâĂ©coute jamais aussi bien que lorsquâil se met en position dâanalysant. La parole de lâanalysant nâest pas tant adressĂ©e Ă lâanalyste quâ Ă lâAutre de lâanalyste. La parole psychanalytique nâest pas de lâ ordre de la communication.
16
Le transfert. Lâ effet de lâarticulation du sujet de lâinconscient peut dĂ©river par un mot dâ esprit, celuici relĂšve de la psychanalyse en intention. Mais quâen est-il vĂ©ritablement du sujet de lâ inconscient? Quâen est-il de cette prĂ©sence qui lui est sujette? Peut-ĂȘtre est-ce la reconnaissance de lâĂąme cachĂ©e de lâhomme. Sans oublier que lâinconscient pense sans rĂ©ellement pouvoir penser. Russell Jacoby affirme que la psychanalyse âtroqua son aspect menaçant et parfois rĂ©volutionnaire contre un comportement plus affableâ, dĂ©sormais devenue âlĂ©gale, respectable mais aussi molle et satisfaite dâelle-mĂȘmeâ. Nous comprendrons quâaujourdâhui il nâexiste plus rien qui puisse prouver que la psychanalyse ait jamais Ă©tĂ© rĂ©volutionnaire, ou autre chose que molle et satisfaite dâelle-mĂȘme. Ferenczi (1922). Selon Ferenczi, âla psychanalyse nâa jamais obĂ©i Ă aucun dogme philosophique; elle a interprĂ©tĂ© les idĂ©es philosophiques et les doctrines politiques comme la manifestation de la nature psychologique humaine... La psychanalyse nâa jamais reconnu aucun des partis individuels ou collectifs comme de vĂ©ritables reprĂ©sentants de la nature humaine, elle a attendu de lâ avenir une orientation âsocialo- individuelleâ qui respecterait les diffĂ©rences naturelles entre les individus, la lutte pour accĂ©der au bonheur, Ă lâ indĂ©pendance, en accordant au moins autant dâimportance quâĂ lâ organisation inĂ©luctable, mais guĂšre supportable de la vie en collectivitĂ©.â
17
Psychanalyse et littérature
âSublimationâ (Roland Devolder)
LâArgument. On appelle critique psychanalytique une recherche qui dĂ©tient un savoir qui dĂ©voile et articule le langage cachĂ© de lâinconscient et reconstruit lâoeuvre pour tendre vers une philosophie vĂ©cue et pratiquĂ©e qui nâest autre que la vie elle-mĂȘme et lâĂ©merveillement devant lâexistence du monde dont lâhomme crĂ©e son expĂ©rience par excellence.
18
Proposition 1. MaĂŻakovski souhaitait vivre un double choix: celui de renier la mĂ©moire de son pĂšre et celui de choisir lâheure exacte de sa mort. Comment pouvez-vous imaginer un analyste ailleurs que sous la pierre angulaire de Freud et succombant dâune mort ouateuse sur un divan peut-ĂȘtre... ... P.S MaĂŻakovski serait-il mort des suites dâune purge stalinienne et Freud dâun excĂšs de cocaĂŻne? Proposition 2. Les poĂštes ont des âfrĂšres secretsâ: capitaines au long court, portiers de nuit, gens du cirque, etc... Ceux-ci se retrouvent paradoxalement dans les rĂȘves de lâanalysant que le thĂ©rapeute banalise et dĂ©mystifie. Vous comprendrez maintenant la solitude des poĂštes. On ne comprend la vraie solitude et son poids que lorsquâon est dâamis qui vous distraient de votre Ă©veil crĂ©atif. Rappelezvous Milosz lorsquâun ami sâinquiĂ©tait de son absence et lui demandait âMaĂźtre, comment se porte votre solitude?â. Car on est seul, on est toujours seul, tout a pour but la solitude.
entouré
Proposition 3. Le passĂ© est Ă Lacan ce que lâĂ©piphanie est Ă Joyce, le labyrinthe Ă Borges, la madeleine Ă Proust et la lumiĂšre aux impressionnistes. Tous ces concepts ont fait Ă©cole, sont amis reconnus sauf peutĂȘtre lâoeuvre dâArthur Rimbaud qui ne sera dâactualitĂ© que dans la genĂšse de lâhomme Ă venir. âLa dame au fauteuilâ (Roland Devolder) 19
Proposition 4. Il faut absolument se diriger de lâauteur vers son oeuvre, Ă savoir: que câest parce que tel crĂ©ateur possĂšde une telle personnalitĂ© quâil produit telle oeuvre. Mais jamais Ă travers les caractĂ©ristiques, spĂ©cificitĂ©s dâun texte dâen dessiner un profil psychologique de lâauteur et dâen tirer une sĂ©rie de conclusions en une dichotomie de prĂ©dicats divers. Il serait vain dâinterprĂ©ter les vers de Pierre PrĂ©vel âle lait noir de lâaube se boit au crĂ©pusculeâ comme la reprĂ©sentation macabre du camp dâAuschwitz, lieu de ses Ă©crits; ainsi que de taxer Ezra Pound de fasciste suite Ă quelques interviews durant la guerre Ă Radio Rome oĂč lâon a sciemment mĂ©langĂ© esthĂ©tique et politique. Proposition 5. Si sur les doigts de la main le peintre tient de son pouce sa palette, le politique lâindex de lâagora, lâartisan le majeur qui bĂątit, le musicien lâannulaire qui frĂ©mit lâĂąme du violon et lâanalyste le petit doigt de lâOreille, alors le poĂšte en est la paume auprĂšs de laquelle tous viennent se recueillir; quant au philosophe, il est lâoutil, plumeau qui vacille sournoisement, subtil et fugace. Proposition 6. Pour faire un poĂšte il faut une chemise propre chaque matin et nâavoir honte de rien, pas mĂȘme de ses coquilles. Pour faire un analyste il faut impĂ©rativement une commande sociale, il a besoin dâun maĂźtre Ă penser, dâune Ă©cole reconnue. Paradoxalement, pour lâanalyste, lâĂ©crit est sujet Ă un gigantesque trac, poussant presque lâorgueil Ă commenter, Ă produire dans la fidĂ©litĂ© et le rigorisme le plus prĂ©cis au maĂźtre choisi. Pour le poĂšte, lâimprimatur est tempĂȘte sous un crĂąne, pour lâanalyste, au seuil dâune virgule. Proposition 7. Du champ des OdyssĂ©ens, tel lâUlysse dâHomĂšre nĂ© des cercles moussus du ressac, symbolisant lâhomme aux mille idĂ©es et sâinscrivant dans la dynamique de mouvants tropiques; Ă©pisodes Ă ciel ouvert dâaventures, de liaisons charnelles, de combats chevaleresques. Le hĂ©ros nâa de libertĂ© que dans lâĂ©pique, lâaction virile, le grand nomadisme. Alors que pour le champ de lâanalyste, tout est monde intĂ©rieur, Ă©conomie de la parole, Ă©coute dans un thĂ©Ăątre dĂ©pouillĂ© et sĂ©dentaire telle une oasis intĂ©rieure. Proposition 8. Si la poĂ©sie se veut le langage le plus haut chargĂ© de sens, câest parce quâelle est le noeud, le foyer, le âvortexâ de la logopoeĂŻa (la pertinence du mot), de la phalopoeĂŻa (lâoriginalitĂ© de lâimage) et enfin de la mĂ©lopoeĂŻa (lâassonance des sons). Câest cette der-
20
niĂšre qualitĂ© qui est rarissime comme nous pouvons Ă©galement lâimaginer chez lâanalyste, Ă la diffĂ©rence que le poĂšte perçoit le âchant du mondeâ et lâanalyste la mĂ©canique secrĂšte de lâinconscient, voie intĂ©rieure de lâhomme. Proposition 9. Si le poĂšte est vigile, sa pensĂ©e renvoie Ă un ordre symbolique. Il se rĂ©fĂšre Ă une gĂ©ographie sidĂ©rale, sâinscrit dans une tradition orale. Proposition 10. Se rappeler un arbre, un oiseau. Lâinstant passe, lâhirondelle sâenvole, disparaĂźt. Oublieuse mĂ©moire! Mais avec tant dâoubli comment faire un poĂšme? LâĂ©corce du chĂȘne, les trilles de lâoiseau ne sont plus que de tĂ©nus souvenirs, les pas du promeneur vont bientĂŽt croiser ceux des citadins. Pardonnez ce clichĂ© simpliste, mais pour faire un poĂšme, il faut garder sa trousse de crayons de couleurs et surtout se garder du monde. Certes, cette naĂŻve saynĂšte est lââĂ©piphanieâ du randonneur, elle est sensible et perceptible de tous, mais indicible, pour beaucoup, tout au moins comme poĂšme; sonnet ou Ă©lĂ©gie par exemple. Rappelez-vous ces phrases du âMauditâ: âJe nâappelle pas au secours, je nâappelle plus au secours, il faudrait reprendre ma cervelle dâenfant et lui rĂ©apprendre lâalphabet, votre alphabet.â Lâauteur se suicidera peu de temps aprĂšs dans une misĂšre noire!!! Le choc du monde rĂ©el sâinscrit dans un drame humain. Il avait gardĂ© lâalphabet de lâarbre et de lâoiseau mais Ă©tait inapte Ă rĂ©soudre ses problĂšmes existentiels. Proposition 11. VoilĂ bientĂŽt cinq ans quâun poĂšte nâĂ©crit plus, la question ne lâintĂ©resse pas davantage que celle du commerce dâustensiles de cuisine ou de palettes de tomates. Un spectre lâa pris dâun geste. Un homme par libertĂ© sâabsente, lâamour, la poĂ©sie et le crime se signent quelquefois du mĂȘme silence... Ses poĂšmes nâont pas de costumes, sâils sont lambeaux, haillons, il ne sâen inquiĂšte point, il Ă©tait mendiant dâautres soleils, de quĂȘtes Ă©perdues et de bohĂšme. Tels des sagas, ils errent dans le passĂ©, sorte de purgatoire onirique. âEt la gloire sâen fut ailleursâ,disait Henri Michaux, quâils y restent, hirsutes, dĂ©penaillĂ©s, leurs guenilles ne sâirritent point de lâanonymat, ils sont prĂ©sents ailleurs, colchiques ou orchidĂ©es, peu importe, ils hantent encore de vieux tiroirs, des photos jaunies. Ils sont dans lâherbier du verbe: grenier Ă blĂ© de lâImaginaire. On ne dĂ©place pas le centre de gravitĂ© de la poĂ©sie pour les rhabiller au goĂ»t du jour. Ce ne sont pas des dandys, comme il serait aussi vain de fouiller de vieux grimoires, les vers de Villon nâappartiennent quâĂ lui seul, Ă son temps, son destin. Ne rien imiter, ni personne comme Ă©crivait Hugo: âun lion qui copie un lion devient un singeâ. 21
Proposition 12. Le(s) Dieu(x) du poĂšte nâest (ne sont) pas celui (ceux) des hommes; son Ăąme est dĂ©jĂ habitĂ©e par de grands mythes, ceux-ci probablement inhĂ©rents Ă lâinconscient collectif, Ă©ternels Ă lâorigine de la pensĂ©e humaine se rient des historiettes dâun prophĂšte perdu dans son agitation brownienne qui subitement revit se prĂ©tendant fils cĂ©leste, sans omettre les balancelles de lâEsprit Saint... Et si ce Dieu des hommes Ă©tait une âscorie de lâInconscientâ, celui ou ceux du poĂšte reprĂ©senterai(en)t la symbolique qui tout au long de sa vie le dĂ©couvrirait. âCe sont les symboles qui nous voient, pas nous qui les contemplonsâ. Leur genĂšse est profondĂ©ment enfouie, tel un rĂ©seau de mycĂ©lium secret qui un jour bourgeonnera et ainsi le long du chemin de lâexistence retournera Ă la chaĂźne des poĂštes. Ceux-ci Ă leur tour dĂ©velopperont ce Grand Ordre Symbolique le transmettant aux gĂ©nĂ©rations futures, Ă savoir: aux âpoĂštes Ă venirâ. Proposition 13. Pour certains lâĂ©criture nâest plus une souffrance, elle agit comme une catharsis. Certes, lâauteur est dĂ©livrĂ© mais le seul terrain dĂ©fendu est bien souvent celui de âsoi-mĂȘmeâ. Alors, beaucoup trichent, feintent et la plume Ă la main sont distants, implacables, voire glacials; solution de facilitĂ© permettant de rester dans lâombre, ils utilisent leur intelligence comme une armure, leur poĂ©sie est dĂ©sincarnĂ©e. Lâauteur nây vĂ©hicule tout au plus quâune image quâil sait que lâon attend de lui.
âHomage Ă Francis Baconâ (Roland Devolder) 22
âPĂ©nĂ©lopeâ (Roland Devolder)
Il sait que le lecteur attend une composition psychologique savamment dosĂ©e de qualitĂ©s nĂ©gatives et dâune forme de charisme âpour que le public sây cristalliseâ. Ceux-lĂ devraient mĂ©diter cette phrase de Robert Georgin: âEntre lâauteur (le poĂšte) et son lecteur sâĂ©tablit une relation transfĂ©rentielle analogue Ă celle qui se dĂ©clenche dans la cure analytiqueâ. Proposition 14. La culpabilitĂ© est bien souvent inscrite dans une oeuvre romanesque comme un fil conducteur. Flaubert ou Simenon, peu importe, tous deux y voient une sorte dâitinĂ©raire rythmĂ© par un crescendo dramatique qui pousse lâhomme Ă la faute. Le crime est une faute irrĂ©parable, on ne sait revenir sur ses pas, leurs auteurs y Ă©taient prĂ©destinĂ©s dans la mesure oĂč ils portaient dĂšs le dĂ©but une faille en eux. Le champ romanesque porte en lui une langue interne postulant que le drame est inscrit en nous. La destinĂ©e nous dĂ©passe, faisant tout basculer. Il y aurait un âtransfertâ entre lâauteur et son hĂ©ros; celui-ci dĂ©place un drame quâil pressent dans sa propre existence en lâarticulant dans le champ romanesque. Il exorcise son angoisse Ă travers une expĂ©rience fictive, il essaie son hĂ©ros au meurtre, au suicide, dĂ©plaçant ainsi ses propres pulsions auto-destructrices. Cela le soulage et si ses problĂšmes restent entiers, il les a momentanĂ©ment âdĂ©chargĂ©sâ, sa ou ses victimes passent du rĂ©el Ă la fiction dans la conscience obscure dâune sociĂ©tĂ© qui se repaĂźt de larmes et de sang. 23
Proposition 15. Toute oeuvre dĂ©tient des clefs secrĂštes en filigrane. Lâanalyse peut en rĂ©vĂ©ler, par exemple, que: Dans un rĂ©cit rĂ©trospectif, ce peut ĂȘtre le rappel dâun Ă©vĂ©nement essentiel, la confession est scandĂ©e par une rĂ©fĂ©rence permanente Ă un drame vĂ©cu; Dans un monologue intĂ©rieur ce peut ĂȘtre une formule incantatoire qui revient comme un refrain (H. Boll, Portrait de groupe avec dame: âJe ne suis pas un monstreâ); Dans un journal intime ce peut ĂȘtre le rappel dâun secret enfoui ou un retour obsessionnel aux Ă©pisodes dâune aventure qui conditionnera, dĂ©terminera lâavenir; Enfin, ce peut ĂȘtre une simple phrase qui rĂ©sume Ă elle seule la personnalitĂ© profonde dâun personnage ou dâune scĂšne paysagiste; un thĂšme lumineux et bien sĂ»r Ă lâimage du monde âproustienâ le rappel dâune sensation et dâune mĂ©lodie: la madeleine et la petite symphonie de Vinteuil. Proposition 16. On peut Ă©galement discerner une structure romanesque qui telle une matrice construira lâoeuvre. Les âNouveaux Romanciersâ y excellent: Robbe-Grillet dĂ©passera le cadre romanesque pur pour tendre vers la construction cinĂ©matographique; C. Simon utilisera la mise en abĂźme Ă lâĂ©gal de Vermeer dans âLe portrait des Arnold Finiâ; Butor inscrira la rĂ©alitĂ© mythologique dans son chef-dâoeuvre âLa modification.â Dâautres seront de vĂ©ritables structuralistes de lâĂ©crit, une harmonie fondĂ©e sur de savants calculs mathĂ©matiques forge des travaux plus techniques que romanesques. Joyce calquera les 17 chapitres dââUlysseâ sur les fondations homĂ©riques: les trois premiers chapitres sur la TĂ©lĂ©machie, les treize suivants lâOdyssĂ©e proprement dite, et le dernier: le retour. Simenon choisira une technique de construction que lâon peut rĂ©sumer par - crise passe - drame - dĂ©nouement - quâil commente comme âune discipline de travail, une affaire de volontĂ©.â Proposition 17. Pierre Assouline, dans sa biographie de Georges Simenon Ă©crit: âA force de vouloir vivre la vie des autres, cette attitude lui (Simenon) est devenue une seconde nature.â Graham Greene, dans son roman âLe troisiĂšme hommeâ Ă©crit: âTout Ă coup, dans lâĂ©trange cellule de notre esprit oĂč naissent de telles images, sans prĂ©paration, sans raison, Martins vit se dessiner au milieu dâun endroit dĂ©sert, un corps Ă©tendu Ă terre, entourĂ© dâun groupe dâoiseaux. Peut-ĂȘtre Ă©tait-ce une scĂšne non encore Ă©crite dâun de ses propres romans qui sâĂ©bauchait aux frontiĂšres de son subconscient.â Signalons que Martins est lui-mĂȘme Ă©crivain, quâil est donc une projection de Greene Ă lâintĂ©rieur de son roman. Celui-ci ne raconte en fait quâune seule histoire, celle dâun homme qui, Ă la suite dâĂ©vĂ©nements exceptionnels, comprend que sa vie est torve. Il se remet en question en donnant libre cours Ă ses pulsions, ses instincts les plus profondĂ©-
24
ment enfouis, se libĂ©rant dâun complexe de culpabilitĂ© qui le mine. Relançant lâĂ©nigme romanesque, il part Ă la reconquĂȘte de son statut, de son honneur, de lâimage noble, se dĂ©faisant donc de celle du petit Ă©crivaillon de western pour celle du justicier, lui permettant ainsi dâatteindre la sĂ©rĂ©nitĂ©. Enfin, remarquons Ă©galement que Simenon et Greene sont des auteurs qui se dĂ©doublent; Martin-Greene, Maigret-Simenon sont des couples oĂč les auteurs sâidentifient Ă leurs hĂ©ros, focalisant ainsi quelque chose de cachĂ©, de secret, inscrit en eux Ă la courbure de lâinconscient. Si nos deux Ă©crivains peuvent mettre en scĂšne un hĂ©ros, avec un langage propre; cette mise en scĂšne, souvent dramatique, les pousse dans une quĂȘte Ă travers laquelle leur âpĂšre spirituelâ se reconnaĂźt comme sâil la faisait vivre par procuration. Peut-ĂȘtre parce que dans leur vie quotidienne, ils nâont pas eu lâoccasion de se prouver aux yeux de leurs proches, peut-ĂȘtre parce quâils ont Ă©galement compris que des milliers de lecteurs Ă©taient dans le mĂȘme cas, peut-ĂȘtre parce que leur intention les dĂ©passe, ils reconstruisent dans un univers fictif, un symbole qui permettra au lecteur comme Ă lâauteur, de quitter leur enveloppe de tous les jours pour revĂȘtir les habits du hĂ©ros. La force dâun hĂ©ros, en transparence avec une exploration intĂ©rieure de lâhomme qui repousse toujours plus loin ses limites, est quâil ne se rĂ©signera pas Ă rester neutre, quelles que soient les difficultĂ©s. Il doit dĂ©passer des frontiĂšres, risquant son avenir, son destin plutĂŽt quâĂ©touffer ses pulsions; il rompt alors les amarres et sâengouffre dans un univers dont il ignore les limites, pour tendre Ă lâarchĂ©type dâun homme en mutation qui, dans la douleur, se libĂšre dâune condition souvent morne et abrutissante. Proposition 18. Lâanalysant tient le grand Autre âen Ă©tatâ. Celui-ci tel James Joyce au bord de la Liffey est Ă la quĂȘte de nouvelles Ă©piphanies. Et bien que sa poĂ©sie soit un art assez profond pour tout englober, il lui manque une dimension: le mystĂšre, lâĂ©nigme, que seul un grand Autre peut rĂ©vĂ©ler. Propositon 29 Antonin Artaud prĂ©destinĂ© tel un Ă©corchĂ© vif nâa hĂ©las jamais habitĂ© son corps, quand Ă sa parole lucide et Ă la fois hallucinĂ©e elle rejoint les archĂ©types Jungiens. Il reprĂ©sentera sa folie, non pas dans un statut dâacteur mais dans le seul espoir de lâexorciser. Cela lui Ă©tait devenu vital, comme lâair, lâeau. Il devient dĂ©s lors le tyran de sa dĂ©mence. Celle-ci nâappartient plus au jugement des âassisâ, ni des psychiatres, elle se fait mĂ©tamorphose, incandescence. Il est lâhomme qui habite les feux qui le dĂ©truisent.
25
Proposition 20 Lâerrance de la pensĂ©e rĂ©sulte du refus de sâenfermer dans des systĂšmes philosophiques car ceux-ci portent en eux le germe des rĂ©ponses Ă leurs incertitudes et le canevas de leurs possibles. La âpensĂ©e sauvageâ explore les zones dâombres du savoir un peu comme le revers de ces sociĂ©tĂ©s scientifiques qui se donnent si bel air de se vouloir parlantes, convaincantes, dĂ©finitives. Au contraire, lâor est lĂ oĂč lâimagination nâest pas une intruse et sâ il y a utopie celle-ci sera la derniĂšre rĂ©ponse a nos vanitĂ©s. Lâor est dans lâeau des rĂȘves loin des abysses de cette torve rĂ©alitĂ© que lâon sait si bien. Lâor est lâĂ©quilibre du vers, la forme et du vers lâinforme dans le dĂ©licat feulement de la pensĂ©e et des subtilitĂ©s des Ă©motions; paraphrasant Godfried Benn: âMon crĂąne plumeau qui vacille sournoisement.
âSolitudeâ (Roland Devolder) 26
Additions. Appendice 1. Le mot solitude et son concept reviennent Ă©pisodiquement dans ces propositions car ils sont intimement liĂ©s Ă la poĂ©sie, mais je ne suis pas bien sĂ»r que âla solitude du poĂšteâ soit une quelconque forme de chĂątiment. Si lâon âentre en solitudeâ, nây voyez aucun sacerdoce, ni sacrifice, au contraire sa quintessence est Eveil, comme une auberge espagnole pour le pĂšlerin, la cure pour lâanalysant; elle offre ce que lâon possĂšde rĂ©ellement: LE VECU, tout comme dans la vie nous ne souffrons point de ce que nous avons apportĂ©, donnĂ© mais plutĂŽt de ce que nous nâavons su ou pu donner. Il nây a strictement rien Ă nĂ©gocier ni Ă expier. Certes la plupart ont besoin de solitude pour oeuvrer âil faut ĂȘtre abĂźmĂ© en soi-mĂȘmeâ (Franz Kafka) - et il est difficile dâen cerner les limites. Souvent dâune extraordinaire indiffĂ©rence, les poĂštes sâĂ©garent probablement parce quâils les ont dĂ©jĂ dĂ©passĂ©es. Rimbaud lâavait bien sur parfaitement compris (en Abyssinie), il avait certainement dĂ©passĂ© un art quâil avait trop bien cernĂ©; mĂ©tĂ©ore dans la matrice du poĂšte Ă venir il nâavait dĂšs lors plus rien Ă prouver: le dĂ©finitif mĂȘme lâincompris ne se rature point, ne se recommence pas. Il avait trop donnĂ©, trop vite, trop loin, le fossĂ© entre le Verbe et lâexistence nâest ni une abysse ni un ru mais tout simplement une expĂ©rience vĂ©cue, une Ă©quinoxe de lâesprit onirique. Appendice 2. Les poĂštes sont majeurs, plĂ©niers ou mĂ©tĂ©ores, jamais prophĂštes. LâavĂšnement du nazisme est dĂ» au besoin pour lâAllemagne dâavant-guerre dâun grand chef spirituel, dâune sorte de berger de lâAme germanique. Ils lâattendaient Ă travers lâoeuvre des grands Romantiques. HĂ©las, le paradis espĂ©rĂ© sâest mĂ©tamorphosĂ© en apocalypse, le grand guide sâest mutĂ© en barbare sanguinaire dans les messes noires de lâholocauste. Appendice 3. Un mercenaire nâa aucun droit, sauf celui dâobĂ©ir; un poĂšte a tous les droits, sauf celui dâobĂ©ir. Si le militaire dĂ©sobĂ©it, il est cassĂ©, dĂ©serteur ou mort. Si le poĂšte obĂ©it, il devient un soldat de plomb.
27
Appendice 4. Pour lâanarchiste, il y aurait trois façons de boire du vin: avec son coeur, comme un bon fils - avec son esprit, comme un intellectuel de gauche (Sartre) - avec son corps, comme un clochard. Michel Boelen y ajoute que lâenfer câest âla bouffeâ, le purgatoire, les femmes et le paradis, le vin. Ce rituel sâinscrit dans des lieux oĂč un âvistemboireâ comprenez un va-t-en-boire: un objet insolite qui rapproche les initiĂ©s de truchement qui hantent bars, auberges et cafĂ©s. Certes, il existerait de mauvais fils, de faux intellectuels de gauche et des clochards travestis dâaristocrates, mais en fait les âvrais acteursâ boivent car ils sont Ă la recherche de fraternitĂ© et de sororitĂ©, sentiment profond quâils prĂ©fĂšrent aux traditionnelles relations pĂšre-fils, mĂšre-fille. Quant aux amants, leur vin de noce est le prĂ©misse de leurs corps qui plus tard dans la nuit trinqueront de substantielles liqueurs. Nous noterons que les divergences bon fils, mauvais fils sont basĂ©es sur lâhypocrisie et le mensonge, que celle des intellectuels de gauche et les autres sur un idĂ©al disons rĂ©publicain; il faut un Robespierre avant un Sartre, quant au clochard et son contraire lâaristocrate, ces divergences sont purement sociales bien sĂ»r mais inversĂ©es. Remarquons Ă©galement que les premiers sâ ils gardent leur espoir crĂ©atif tendent Ă des poĂštes engagĂ©s et que les seconds, comme le pensait G. Bernanos ne sont plus souvent âque des bourgeois honteuxâ.
âRimbaud et Verlaineâ (Roland Devolder)
28
Appendice 5 Pour Michel Foucault Lâoeuvre dâArtaud Ă©prouve dans la folie sa propre absence, mais cette Ă©preuve, le courage recommencĂ© de cette Ă©preuve, tous ces mots jetĂ©s contre une absence fondamentale de langage, tout cet espace de souffrance physique et de terreur qui entoure le vide ou plutĂŽt coĂŻncide avec lui, voilĂ lâoeuvre elle-mĂȘme: lâescarpement sur le gouffre de lâabsence dâoeuvre la folie est lâespace et la dĂ©cision Ă partir de laquelle irrĂ©vocablement elle cesse, et surplombe. Câest le monde qui devient coupable Ă lâĂ©gard de lâoeuvre; le voilĂ requis par elle, contraint de sâordonner Ă son langage, astreint par elle Ă une tĂąche de reconnaissance, de rĂ©paration. Le tiomphe de la folie se mesure Ă le dĂ©mesure dâoeuvres comme celle de Nietsche, de Van Gogh, dâArtaud. Et rien en lui, surtout pas ce quâil peut connaĂźtre de la folie, ne lâassure que ces oeuvres de folie le justifient. (Michel Foucault: âHistoire de la folieâ Ă lâage classique) Appendice gĂ©nĂ©ral. Lâauteur recherche lâhomme jeune et idĂ©aliste quâil Ă©tait. En effet, un romancier ne peut le plus souvent produire quâune oeuvre de maturitĂ©, avec le recul du temps, avec un bagage dâexpĂ©riences vĂ©cues et une technique quâil a au fil des ans Ă©prouvĂ©e. Il est possible pour un homme de 40 ans de comprendre et de dĂ©crire la psychologie dâun cadet, lâinverse est particuliĂšrement plus ardu. Certes, il y a toujours une composition littĂ©raire possible, mais elle sera artificielle, lâauteur ne saura pas sentir son ou ses personnages, les faire agir exactement au bon moment, en pressentant, anticipant leurs pĂ©ripĂ©ties tout en respectant une unitĂ©. (passĂ©, prĂ©sent, futur).
Appendice au bonheur. Alors le temps ne sâarticule plus entre les fuseaux horaires des hommes livrĂ©s au stress dâaffairistes perdus dans leur agitation brownienne. Le marchĂ© du bonheur nâest pas celui des dĂ©cideurs. Il nây a point de nĂ©goce, de dĂ©fi. Le bonheur ne se capitalise pas, son bilan se joue des marĂ©es de la finance; on nâachĂšte pas le coeur, son cours nâest pas traduit en bourse. Au contraire, funambule sur le fil tĂ©nu de lâinsolide il sâinscrit dans la quintessence dâune Ă©piphanie. Appendice Ă Jacques Lacan. La psychanalyse guĂ©rit de lâignorance mais pas de la connerie. La science, câest ce par quoi les sociĂ©tĂ©s mortes ont lâair de se maintenir parlantes. Nanterre mai 68: il nây a pas de dialogue. Le dialogue est une duperie. Câest une idĂ©e de FrĂ©dĂ©ric Mitterrand dans âLes aigles dĂ©chusâ: la psychanalyse sera lacanienne ou ne sera pas.
29
Cunnington Lors de la 1Ăšre guerre mondiale, un capitaine français refuse la reddition de lâĂźle de Cunnington, situĂ©e au large des cĂŽtes chiliennes. Suite au conflit mondial, il reste sans aide (alimentaire, humanitaire etc) durant deux ans. Il y vit avec un groupe de quatre hommes et de leurs Ă©pouses. De jour en jour, les rĂ©serves sâĂ©puisent, la misĂšre sâinstalle. Enfin, un navire (ennemi ou ami?) apparaĂźt au large. Quatre des hommes valides tentent Ă lâaide dâune barque dâatteindre la haute mer, pour cela ils doivent dĂ©passer les rouleaux marins et, de la plage tout cela est suivi par les femmes et⊠Le capitaine et ses trois accolytes meurent noyĂ©s sous les yeux de leurs familles. Il reste sur lâĂźle le dernier homme valide, gardien du phare. Celui-ci perd la raison et devient un cruel despote, violant deux des femmes et infĂ©odant les deux autres. Quelques mois plus tard, il dĂ©cide de prendre comme femmes de harem les deux autres, dont la femme du capitaine. Lors de leur arrivĂ©e, un violent drame Ă©clate, Ă savoir : au prĂ©ril de sa vie, lâune des femmes finit par le terrasser. La veuve du commandant envoie son fils au phare pour y quĂ©rir un baril dâessence afin dâincinĂ©rer le cadavre. A ce moment, lâenfant voit approcher une chaloupe française provenant dâune goĂ©lette qui se portait Ă leur secours. Quelle ne fut pas la stupĂ©faction des sauveurs lorquâils accostĂšrent et se retrouvĂšrent face Ă des femmes en haillons, des enfants famĂ©liques et un cadavre encore chaud! Ils furent reccueillis, sauvĂ©s et soignĂ©s⊠leur histoire fut transmise ultĂ©rieurement au commandant Jacques-Yves Cousteau qui, lors dâune mission scientifique Ă lâĂźle de Cunnington fit rechercher le dernier survivant, Ă savoir: le fils du capitaine. Celui-ci revĂ©cut lors dâune interview tous les Ă©lĂ©ments du drame avec une prĂ©cision extrĂȘment minutieuse. Lors dâun âpĂ©lĂ©rinageâ sur lâĂźle il dressa une croix Ă la mĂ©moire de son pĂšre noyĂ© et jamais retrouvĂ©. Il avait vĂ©cu avec ce drame durant toute sa vie (1916 -âŠ) et plusieurs dĂ©cennies aprĂšs il Ă©tait revenu sur la scĂšne du drame pour tĂ©moigner de ce quâon pourrait appeler lâinstant catastrophique vĂ©cu lors de son enfance. Il revĂ©cut donc le drame de cette communautĂ© en le verbalisant lors de sa rencontre avec Cousteau et se libĂ©rant probablement de lâangoisse du traumatisme par le tĂ©moignage, la parole, la symbolique dâune croix Ă©rigĂ©e Ă la mĂ©moire des disparus.
(Tassigny-Rochez)
âPortrait on Red Sofaâ (Lucian Freud) Ă la mĂ©moire de Mme Maude Manoni (â 1998)
30
PoÄšmes
Maldoror 31
Câ est en marchant seul parmi les rues oĂč de tiĂšdes couchers de soleil imprimaient sur les vitraux de la cathĂ©drale des rougeurs de vieux cuivre quâ il se rappelait ces chaussĂ©es populeuses avec des cours fermĂ©es de grilles devant lesquelles il sâ arrĂȘtait comme un exclu, puis il reprenait la marche, le bruit de ses pas lui mesurait le temps, alors il pouvait sâĂ©pancher en citant Rainer Maria Rilke car alors le plaisir de sâĂ©couter et dâĂȘtre Ă©coutĂ© lâenivrait dâ une joie subrepticement amĂšre et pĂ©tillante. Il revoyait les enfants de coeur qui piaillaient comme des fougasses au miel et contrastaient avec la soutane dâun vieux pĂšre de lâĂ©glise Ă la pourpre cardinalice.
Puis il sâ arrĂȘtait de nouveau, sâasseyait sous les arbres sans feuilles encore endoloris par le vent du nord. IncrĂ©dule devant ce soleil tĂ©nu, Maldoror ne voyait que des hirondes en bandes de brume violette couchĂ©es sur lâhorizon qui ressemblaient Ă des guirlandes de vanille. Une soudaine volĂ©e de cloches assourdies par le vent Le rappela aux rĂ©alitĂ©s, mais les gens qui fourmillaient sur la place lui parurent en quelque sorte changĂ©s.
32
Lointaines, les Ă©lĂ©gies duiniennes Ă©taient Ă ce moment comme dĂ©formĂ©es par un nouvel ordre. Une fanfare rythmĂ©e par les vers du poĂšte passa dans son imagination lui fouettant le sang avec la voluptĂ© de lâivresse, une statue romantique aux Ă©paules dĂ©lavĂ©es du temps lui semblait Ă©panouie comme celle dâune dĂ©esse Ă demi-nue. PrĂ©fĂ©rant la solitude, Il prenait congĂ© Ă lâheure de lâAngĂ©lus, par une venelle oĂč les femmes du peuple aux coiffes austĂšres le saluaient avec de grands yeux tristes et vides.
Maldoror sâ appuyait sur le balcon de la forĂȘt, regardant le brouillard sâĂ©paissir dans la vallĂ©e. Il voyait sur lâ adret sâ allumer des lumiĂšres blafardes, entendait des chiens aboyer et le grondement de lâ eau dans la cascade du dĂ©versoir. Sâ il clignait des yeux, il lui semblait apercevoir Ă lâ intĂ©rieur dâun vieux moulin la farine bĂ©nie qui se dĂ©posait Ă cĂŽtĂ© du pĂ©trin, et le brouillard lui-mĂȘme Ă©tait presque pur, presque sacrĂ© comme le fruit du blĂ© saint.
33
Puis, le brouillard montait, lourd et cependant transparent, comme une Ă©toffe ouateuse piquĂ©e dâ Ă©toiles, de galaxies laiteuses qui allaient doucement recouvrir le profond sommeil de ses terres. Spectacle dâune immobilitĂ© inaltĂ©rable, presque mĂ©lancolie qui sâagenouille auprĂšs des choses parfaites. Comme si lâĂ©tĂ© venait brusquement de mourir, Maldoror vit se dĂ©tacher sur le ciel profond lâarchitecture effilĂ©e de la cathĂ©drale et naĂźtre prĂšs de la flĂšche les premiĂšres Ă©toiles curieusement fluides et glacĂ©es comme durant les nuits hivernales.
Il se transporta sur la plus brillante qui Ă©tait vaste et dĂ©solĂ©e comme le regard dâun mendiant. De lĂ , il apercevait ses terres et les villes des hommes, il voyait sâassombrir dans les brumes du soir les rives et les plaines.
34
De lĂ -haut, il se rendait parfaitement compte des ocĂ©ans dont les eaux bleutĂ©es glissaient vers les cĂŽtes, Ă travers la transparence glacĂ©e du vide, comme un archipel aussi long quâun pays semblait un arc-en-ciel incandescent, ourlĂ© sur toute sa longueur dâune fluorescence telle une constellation terrestre vue du mĂ©tĂ©ore lointain. Fallait-il dĂ©truire Carthage Etais-tu jaloux de leurs poĂštes Envieux de leurs compagnes et de leur art?
O Maldoror Le fallait-il, le fallait-il vraiment Que nous reste-t-il Ă prĂ©sent Tu as brĂ»lĂ© Alexandrie Mis leurs poĂšmes au bĂ»cher Nourri les flammes du savoir des sages et des justes Tu as enseveli lâ Atlantide NoyĂ© lâ Agora, englouti leurs dieux Dans les abysses de lâocĂ©an O Maldoror Le fallait-il, le fallait-il vraiment Que nous reste-t-il Ă prĂ©sent
35
Ossements, osselets, grenailles AgenouillĂ©es, longues proies lancinantes CrĂ©puscule des faunes aux bras pourpres De grandes chasses se rĂ©veillent, Maldoror sâĂ©tire Ossements, osselets, batailles Que les fers du cavalier sonnent aux pierres Que la fanfare sâĂ©loigne et sa chouannerie dâombres vineuses Que les herbes feulent auprĂšs des barricades Ossements, osselets, mitrailles Voici lâheure borgne des suppliciĂ©s de lâ aube Voici des troupes de centaures, des demi-dieux sanglants Voici la faim, la peste, les bĂ»chers rougeoyants Câ Ă©tait ton pays Maldoror
Revois-tu lâ Arche triple aux arcades piquĂ©es dâĂ©toiles CâĂ©tait la nef Qui dominait tes plaines Ossements, osselets, murailles Et puis comme un grand silence oeil de lâorage Quand les chevaux et les boeufs tournent lentement La criniĂšre face au vent des gueux Ossements, osselets, Ă©pousailles Lâ amour et le crime se signent dâ un mĂȘme sĂ©cret Le sacrement nâest plus quâun fruit gĂątĂ©
36
A ceux qui portaient lâ hĂ©rĂ©sie Tu as rĂ©duis leur ville en cendres A ceux qui te toisaient Tu as croisĂ© le fer, rouĂ© les membres A celle qui tâ Ă©tais destinĂ©e Tu as engendrĂ© comme pour te rendre immortel Ossements, osselets, semailles Les tentations sâ Ă©puisent, les cendres sâ Ă©teignent De grandes chasses se meurent CâĂ©tait ton temps Maldoror Il ne reste que ruine dans les lambeaux de ma mĂ©moire Parmi les chemins du passĂ©, lâonction de lâoubli Les chemins et les pistes de lâerrance
DĂ©jĂ de tant de crimes impunis Pourquoi la tentation te semble-t-elle un fruit trop mĂ»r Conte-moi Ce quâ Ă©tait le coeur de Cabestant Les cris de lâ hironde Livre-moi Le chant des esclaves Les priĂšres de PĂ©nĂ©lope Et la colĂšre dâUlysse
37
Tu tâ en viens, Maldoror Te repaĂźtre de verbes secrets Aux voyelles arabesques Courbes dâ insectes amoureux Tu tâen viens, Maldoror Rejoindre les lĂ©gendes gardĂ©es de la mĂ©moire
Sommes-nous loin du village Aux colombiers blancs Aux vergers lourds de fruits obĂšses de soleil? OĂč sont les filles Aux cheveux odorants? Pourquoi les hommes doivent-ils payer de leur sueur Le pain, le vin Alors que nul nâ a maison de bonne pierre? Toi qui dĂ©jĂ de tant de pas et plus Tu tâen retournes parmi les tiens Comme Ulysse en Ithaque Tu tâ en retournes parmi les tiens Rejoindre tes dieux paĂŻens Venus de Troie, de KĂ©ops, de Rome De Rhodes ou dâ ailleurs qui sont tes vies antĂ©rieures
38
OPUS III
âla pythieâ (Roland Devolder)
QuĂȘte dâindices - dans quelque chose qui pousserait Ă lâ Ă©coute - parenthĂšse dâ une nouvelle expĂ©rience qui rĂ©vĂ©lerait la substance dâune rĂ©volte. Mythologie quâil portait avec lui mais ne sâ accomplissait pas, ne se rĂ©alisait pas, ne bĂątissait rien - faire la part des choses entre la pudeur et le mensonge dâ une vĂ©ritĂ© quâil voulait bien avouer, peut ĂȘtre sâ avouer Ă soi-mĂȘme. De toute façon il serait perçu dâ une autre maniĂšre. Seul le dĂ©cor lui donnerait le sens du narratif, le reste de cet imaginaire reprĂ©sente pour lui le choix tantĂŽt extrait de son passĂ©, de ses vies antĂ©rieures - des fragments, vraisemblance - que la somme de ceux-ci formeraient un canevas qui comprendrait le tout puis en fait abandon vers des Ă©lĂ©ments tellement personnels quâils nâintĂ©ressent personne.
39
NĂ© dans les colonies comment contenir les germes dâ une identitĂ© de nomade, dâune chouannerie de masques rincĂ©s dans une analyse fiĂ©vreuse. Culture de la nostalgie des colons, dâun milieu puritain et impĂ©rialiste qui vira vers un exode tragique. Roman noir parenthĂšse insĂ©rĂ©e besoin impĂ©rieux de racines que la rĂ©alitĂ© impose - certain Ă©tat des choses implacable irrĂ©futable - le tragique ne vaut de ce quâil bouleverse dans la vie intĂ©rieure de lâenfant Kolwezi incarnation dâune image supportable encore une fois parenthĂšse du drame refermĂ© vers lâexode tel un reliquat de notre chair laissĂ©e dans la fosse aux lions.
né
Ă
Demain sâĂ©tendra sur les linges du poĂšme comme un avenir intemporel sur les rĂȘves des hommes, comme une Ă©lipse, comme des anneaux spiralĂ©s qui sertiront la courbure de notre passĂ©. Tous deux maquillĂ©s dans nos peaux comme des figurines dâopĂ©ra No, nous laisserons sur le palanquin du dĂ©sir assez de politesse pour se revoir, assez de courâlâinstant catastrophiqueâ (Roland Devolder) toisie pour sâ avouer que nos chemins se rejoignent dans lâ imposture. Tous deux encore rincĂ©s dâune image quâon a eu beau masquer, rĂ©volus des attributs quâorne lâennui, nous arpenterons dans nos manteaux les stances des geishas et des mandarins de lâempire du silence. On ne sâavouera plus la voix qui nous souffle de ne plus nous taire, on se rĂ©signera dans le futur dâ Ă©nigmatiques rencontres, comme si ce nâĂ©tait pas plus simple de se parler avec des mots de sable et de miel, ou dâune caresse dans les cheveux, de la simple reconnaissance dâun regard. Demain sâĂ©tendra sur les livres quâon a pu Ă©crire, sur les poĂšmes laissĂ©s la nuit, sur lâ immaculĂ©e voyelle du petit alphabet qui ne sâest plus fait dĂ©sir. Il faudra bien pourtant nous rĂ©soudre Ă ces trains de nuit, ces hĂŽtels secrets, ces chevaux de bois borgnes dâun manĂšge qui ne nous rĂ©vĂ©lera que dans la part de nĂ©ant que nous aurons laissĂ©e au bord de la nuit. Demain sâĂ©tendra sur jamais et jamais· tombera de lui-mĂȘme comme un fruit mĂ»r. Il y aura des cris dâenfant, une fontaine et les poussiĂšres du chemin allumĂ©es du chant des oiseaux traverseront lâ ombre comme des pierrailles rieuses.
40
Demain sâĂ©tendra et sâil le faut nous nous trahirons car on peut aimer dâimposture mais point dâ indiffĂ©rence. Sâ il le faut nous nous dĂ©chirerons car on peut sâaimer de haine, et surtout point de tiĂ©deur. Sâil le faut nous nous ignorerons... Demain sâĂ©tendra sur les livres que lâon referme comme on claque une porte un jour de colĂšre. Demain sâĂ©tendra sur le souvenir comme lâombrage de lâarbre porte sur ses racines. âLâarbre voit mais son fruit est aveugleâ - Puis viendra lâarche des vents bombardiers de pollen aux terres nourriciĂšres, quant aux pluies, elles sâĂ©grĂšneront sur les partitions de lâaubade, tantĂŽt fugaces, rosĂ©ennes au pied des herbes qui feulent, tantĂŽt wagnĂ©riennes au fort de lâ orage. Ainsi tout sâ accomplira jusquâĂ lâinnocence des serins habillĂ©s de printemps. Ainsi les collines bruissantes sâĂ©tireront prĂšs du fleuve dans le sacrement paĂŻen du crĂ©puscule alors lâattente du poĂšte nommera âles enfants de septembreâ. Demain sâĂ©tendra sur les plaines comme neige semblable Ă un rideau de tulle et contrastant avec la robe noire de quelques corbeaux qui de charogne en charogne exhalent une plainte telle un hululement de mort. Puis viendra lâaboiement des chiens errants, le cri dâun enfant qui tiendra captif les rĂȘves des hommes solitaires bĂąillonnĂ©s de sommeil. Et jusque dans le hoquettement du vieux poĂȘle, câest le vent du nord simulacre des errances tourmentĂ©es, mais lâ homme ne sâ absente-t-il pas? Un spectre lâa pris dâun geste, lâa dĂ©tournĂ© du chemin. Un homme par libertĂ© sâabsente du poĂšte qui vit en lui, il va rejoindre le groupe, le collectif des concrĂ©tions. Il lui faut bĂątir. Mais il sait quâil en reviendra tel lâUlysse dâHomĂšre en Ithaque.
âles enfants du Maldororâ 41
Lettre ouverte Ă Julien Quelque chose sur les Franc-Maçons que jâaurais mieux fait de ne pas dire, quelque chose sur Proust qui avait mĂȘme Ă©tĂ© complĂštement absurde, quelque chose sur Lacan que jâavais dâabord jugĂ© moi-mĂȘme particuliĂšrement pertinent mais que jâavais tout de mĂȘme dĂ» reconnaĂźtre quelques instants aprĂšs comme assez fou, quelque chose sur la psychanalyse qui moi-mĂȘme je nâai pas compris dĂ©s le moment oĂč je lâai eu dit Ă âLa Moireâ. En effet, Ă peine avais-je prononcĂ© devant lâ auditoire cette formule sur lâoeuvre Lacanienne que lâon mâa priĂ© de bien vouloir lâexpliquer, ce que jâavais Ă©tĂ© incapable de faire parce quâĂ la seconde mĂȘme, je ne savais dĂ©jĂ plus ce que jâavais bien pu dire sur âLa thĂ©orisationâ du sujet de lâInconscientâ. Je voyais quelque chose et cela trĂšs clairement et dĂ©s lâinstant aprĂšs je ne sais mĂȘme plus ce que je viens de dire; je viens de dire quelque chose sur lâĂ©minent psychanalyste parisien, mais, deux, trois secondes aprĂšs je ne sais mĂȘme plus ce que je viens vraiment et effectivement de dire. Peut-on avoir le facultĂ© de dire quelque chose, donc de formuler, et en mĂȘme temps dâenregistrer ce que lâon vient de formuler. Pour moi ce nâest pas possible, je ne sais mĂȘme plus pourquoi jâai dit en ce moment quelque chose sur mon sujet, mais encore, naturellement, quoi sur Lacan! Outre ces considĂ©rations personelles, quelques remarques concernant vos cours. - Pourquoi ne pas insister sur lâEthno-psychanalyse, faire dâĂ©couvrir Frazer, Malinowski, Levi-Strauss, Devreux, Bastide, peut-ĂȘtre en suivant le fil conducteur dâune des Revues internationales de psychanalyse? - Pourquoi omettre dans les grandes figures de la psychanalyse, Mijjola, Betleheim, Jones, en insistant sur Betleheim qui a mon avis a eu un reel succĂšs et un large public? - Pourquoi sur le braquet littĂ©raire, dâAntonin Artaud au Conte de LautrĂ©amont, en passant par Nerval nây a-t-il point de traces? - Enfin, pourquoi ne pas informer vos Ă©mules de lâactualitĂ© psychanalytique si bien rendue par Elisabeth Rudinesco sans omettre le volet de la psychiatrie et de son histoire merveileusement expliquĂ©e par Gladys Swaing et Marcel Gauchet? Voici plus ce que rĂ©pondrait Ă une commande sociale, Ă savoir la diversitĂ© et lâĂ©clectisme qui je le regrette nâont point encore vu le jour dans les âCahiers de la Moireâ, faute peut-ĂȘtre dâĂȘtre au programme de vos cours.
42
Table de matiĂšre p3 Psychanalyse et poĂ©sie (chapitre 1) p6 additions p8 lâargument p15 proposition du dĂ©chet dâoeuvre p17 La Psychanalyse et lâaube dâOr p21 Psychanalyse et la littĂ©rature p21 lâargument p30 additions p34 Cunnington p35 PoĂšmes: Maldoror p43 Opus III Table des illustrations Illustrations sont de Roland Devolder, sauf p34 âPortrait on Red Sofaâ (Lucian Freud) couverture: la chaise Ă porteur p2 p5 p6 p7 p8 p9 p11 p13 p14 p17 p21 p22 âLa p25 âHomage p26 p29 p31 âRimbaud p34 âPortrait p35 p43 p45 âLes p46 p48 âLe collectifâ
âAthĂ©na âLe âLes
au rĂȘve poĂštes âLe âEcce
dame Ă
au Francis et
on âLa enfants âLâinstant
Red du
Divanâ dâUlysseâ architectesâ Divanâ âCabestanâ Homoâ âLâanalysantâ âRayuresâ âLâanalysteâ âLâalchimisteâ âSublimationâ fauteuilâ Baconâ âPĂ©nĂ©lopeâ âSolitudeâ Verlaineâ Sofaâ âMaldororâ pytieâ Maldororâ catastrophiqueâ
Remerciements Ă M. Julien Friedler, Mme. Sandrine Rochez et au collectif de La Moire, ainsi quâaux anciens amis de lâUniversitĂ© de Bruxelles. Remerciements plus particuliers Ă ma mĂšre affectueusement, Frans. Une attention particuliĂšre Ă M. Roland Devolder pour sa gĂ©nĂ©rositĂ© et la qualitĂ© de son Ćuvre (pour le contacter: R. Devolder; Vlaanderenstraat 43; 8400 Oostende tel. (059) 50 24 79), ainsi quâĂ Messieurs Eric Georges, Johan Vermeire et Jacques Moens pour leur prĂ©cieuses connaissances informatiques. Merci Ă©galement Ă M. C. Sobotik, M. D. Castello, S. Zamparo, H. Winants, Mme. Mariane Schmitt, MaĂźtre Y. Rosenoer, Jean-Paul Simon, GĂ©rard HĂ©douin, G. Dudek, la famille Dewinck, Patrick Baudry, Ovide Boiteau, Jean-François Joie, Patrick Wauter, Marie Hannon, Michel Bourdon, M. Hassan Bouslimi, M. Jacques Bude, M. Jean-Paul Rudgiu, Cris et Mich, AndrĂ©; poĂšte, Stephan Nicaise, Feu mon pĂšre Georges Tassigny. Feu Jean-Lou Carryn, Feu Steve Wielemans, feu Henri Silberschatz, Feu M. Lazarovich Mirko, M. Michel Coupaye, Baudouin Devriendt, M. Patrick Boussard, Elisabeth Wildom, MaĂźtre François DeliĂšre, M. Ignace Massa, Jean de Marken, Mme. Mary Foster, Quentin Masquelier, Mlle. Nadia Cornelis, Mme. Claire Hertzeg, M. Bodart, M. Palazo, Michel Lenaerts, la famille Scaffidi, Ă la famille Robert pour leur patiente Ă©coute. Un petit clin dâĆuil M. Xavier de Staercke, Mm. Claire Dugardyn, Mme. M. Boudolf, Jean, M. Jean Marganne, Docteur Roger Adriaens, M. Guy Henrotte, LĂ©on Dewolf et ses amis, et ses partenaires du B.C.C.B., tous les membres du cercle Royale CĆcilia, mes amis-bridgeurs. Un petit clin dâĆil au joueurs du cercle dâĂ©chec âle TIBUCCLEâ.
Le chevalier, le diable et la mort (Albrecht DĂŒrer) 43