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Il n’y a pas de fatalité au déclin. Il faut échanger nos points de vue et bâtir des solutions nouvelles. Comme l’indiquait Hannah Arendt : "Le pouvoir jaillit parmi les hommes lorsqu’ils agissent ensemble." C’est maintenant que se décide si le Grand Paris sera un succès dont pourra bénéficier la génération à venir. Gilles Ricour de Bourgies Président de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France

Paris brille-t-il ?

de la FNAIM Paris Ile-de-France

Qui attirer, et retenir ? Comment ? La question de l’attractivité est peut-être plus stratégique encore que celle de la compétitivité. Elle est de nature politique, surtout. C’est-à-dire qu’elle nous concerne tous. Les professionnels de l’immobilier, agents économiques de terrain au cœur des préoccupations des Français, sont donc fondés à s’emparer de ce sujet dans le cadre des débats sur le Grand Paris. D’autant plus que le logement est un facteur clé pour l'attractivité d'un territoire métropolitain comme le nôtre. Il constitue en effet un "hard factor", un actif tangible de la métropole. Mais il participe aussi pleinement du "soft power" de l’agglomération, cette qualité de vie que les habitants recherchent et à laquelle ils sont profondément attachés. Conformément à l’esprit de la collection des Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France, l’ouvrage qui vous est ici présenté accueille des personnalités et des experts reconnus, issus d’horizons divers. Chacun s’efforce de poser le bon diagnostic puis d’esquisser des solutions aux problèmes les plus urgents qui se posent au Grand Paris. Pour que la région capitale continue à être le moteur de la France et à se faire entendre dans le concert des villes mondiales, ces "Global Cities" en pleine expansion partout sur la planète.

Les Cahiers

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France

Depuis 2008, le monde est devenu urbain : plus de la moitié des habitants de la planète vit désormais dans des villes. Et en 2025, si les évolutions se prolongent, ce seront les deux tiers. Il y aura alors 40 agglomérations de 10 à 40 millions d’habitants dans le monde. 35 seront situées dans les pays du Sud et les émergents. Car ce profond mouvement d’urbanisation s’inscrit dans celui, plus large, de "renversement du monde" en faveur des pays du Sud et de l’Est. Comme le relèvent les consultants de McKinsey : "The urban economic center of gravity is shifting"... La compétition entre grandes métropoles mondiales est devenue féroce pour attirer les mouvements internationaux des hommes, des capitaux, des marchandises, des services, des technologies. Au sein de ce monde qui vient, que pèsera Paris, dont la position s’effrite dans les classements internationaux ? Que pèse déjà Paris, à la fois comme capitale d’une nation qui tourne peu à peu le dos à la croissance et comme principale métropole d’une "zone euro" engluée dans une interminable crise financière ? Bref, Paris brille-t-il encore, et suffisamment, pour créer de l'activité ?

Paris brille-t-il ? L’urgence d’une véritable stratégie d’attractivité pour le Grand Paris

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Une publication de la FNAIM Paris Ile-de-France - novembre 2012 - N° 2 - 18 € Directeur de publication : Gilles Ricour de Bourgies N°ISBN 978-2-9521616-2-6

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Avec les contributions de : Jean-Luc Berho, Daniel Canepa, Julien Damon, Pascal Gauchon, Maurice Gauchot, Daniel Janicot, Peer de Jong, Hervé Juvin, Georges Pahud et Pierre Simon.

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L’urgence d’une véritable stratégie d’attractivité pour le Grand Paris


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France sont une plateforme d’échanges et de débats dans le cadre de l’avènement du Grand Paris. Autour d’un thème d’actualité, cette revue semestrielle permet à des personnalités d’horizons variés, responsables politiques et administratifs, experts, intellectuels et praticiens, de livrer leurs analyses, donner leur point de vue et stimuler la réflexion collective. Dans le monde complexe et mouvant qui est le nôtre, il importe de multiplier les approches, de décloisonner les savoirs. La réussite naît de l’échange et de l’interconnexion des réseaux. Par cette initiative, les professionnels de l’immobilier regroupés au sein de la FNAIM s’affirment comme des acteurs déterminés, ouverts et responsables, au cœur de la Cité.


Contexte et enjeux 7 Gilles Ricour de Bourgies Président de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France

Présentation des intervenants 19 Entretiens Pascal Gauchon 23 Hervé Juvin 31 Julien Damon 39 Pierre Simon 49 Maurice Gauchot 57 Georges Pahud 63 Peer de Jong 67 Jean-Luc Berho 75 Daniel Janicot 81 Daniel Canepa 87

Cahier de la FNAIM Paris Ile-de-France

L’urgence d’une véritable stratégie d’attractivité pour le Grand Paris

sommaire

Paris brille-t-il ?

Annexes Les facteurs d’attractivité du Grand Paris 95 Le Grand Paris dans les classements internationaux 99 Orientations bibliographiques 103 Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Une publication de la FNAIM Paris Ile-de-France - novembre 2012 - N° 2 Directeur de publication : Gilles Ricour de Bourgies N°ISBN 978-2-9521616-2-6

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Les Cahiers n°



Renforcer l’attractivité du Grand Paris : c’est maintenant ! par Gilles Ricour de Bourgies Président de la FNAIM Paris Ile-de-France

contexte et enjeux

Paris brille-t-il ?

Depuis 2008, le monde est devenu urbain : plus de la moitié des habitants de la planète vit désormais dans des villes. Et en 2025, si les évolutions se prolongent, ce seront les deux tiers. Il y aura 40 "villes" de 10 à 40 millions d’habitants dans le monde - dont 35 dans les pays du Sud et les pays émergents1. Selon un récent rapport du cabinet McKinsey2, ce profond mouvement d’urbanisation favorise la consommation mondiale : les villes émergentes accueilleront un milliard de nouveaux consommateurs et 600 millions d’entre eux vivront dans les 440 villes émergentes les plus dynamiques. D’ici à 2025, toutes ces villes, chinoises à 50 %, assureront près de la moitié de la croissance mondiale. Ainsi que le relèvent les consultants de McKinsey : "The urban economic center of gravity is shifting"… Que pèsera Paris dans ce vaste mouvement de "renversement du monde3" en faveur des pays du Sud et de l’Est ? Que pèse déjà Paris, à la Villes du futur, futur des villes. Quel avenir pour les villes du monde ? Délégation sénatoriale à la prospective, rapport n° 594 du 9 juin 2011 de M. Jean-Pierre Sueur, sénateur. 2 Urban world, McKinsey Global Institute, juin 2012. 3 Le renversement du monde. Politique de la crise, Hervé Juvin, Gallimard, 2010, 272 p. Selon les derniers chiffres des Nations unies (Cnuced), le montant des investissements directs étrangers ou IDE est passé de 388 à 313 milliards de dollars en Europe de 2009 à 2010 quand, dans le même temps, les pays d’Asie et d’Océanie nous dépassaient, à 359 milliards d’IDE en 2010 contre 309 en 2009 (World Investment Report 2011, UNCDTAD, United Nations Publication, 2011). 1

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France fois comme capitale d’une nation qui tourne peu à peu le dos à la croissance et comme principale métropole d’une "zone euro" engluée dans une interminable crise financière ? Bref, "Paris brille-t-il" encore, et suffisamment ? Un monde de villes… qui ne nous fera pas de cadeaux ! De nombreuses enquêtes mesurent régulièrement l’attractivité internationale des territoires, qu’il s’agisse de villes ou de pays. Leurs résultats sont divers, voire contradictoires. Il faut dire qu’ils sont davantage conçus comme des outils de communication - voire de pure promotion - que d’aide au pilotage stratégique des territoires concernés. Difficile dans ces conditions de préciser la réalité de notre propre situation. Quand le très officiel Tableau de bord de l’attractivité de la France nous situe, au sein de 12 pays de l’OCDE, au 2e rang derrière les États-Unis en termes de flux d’investissements étrangers reçus en 2011, le cabinet Ernst & Young estime que l’Allemagne nous a détrônés en se hissant au 2e rang de l’attractivité européenne, derrière le Royaume-Uni. Son baromètre Attractivité du site France 2011 pointe ainsi une baisse de 4 % des projets d’investissements étrangers en France. Et deux motifs d’inquiétude : la faiblesse des projets en provenance des pays émergents et la chute des implantations de centres de recherche et développement (-39 % en un an, malgré un régime fiscal parmi les plus avantageux d’Europe !)4. Sachant que la R&D se concentre principalement en région parisienne, qu’en est-il de la capitale ? Il est tout aussi difficile d’y voir clair. Le cabinet PricewaterhouseCoopers classe Paris au 4e rang - contre le 8e l’an dernier parmi les 27 principales "Cities of Opportunities" dans le monde. Mais dans le même temps, The Economist Intelligence Unit ne De même, quand le Global Dynamism Index de Grant Thornton International place la France au 3e rang des pays offrant l'environnement financier le plus favorable pour les entreprises et en 16e position des pays les plus dynamiques au niveau mondial, devant le Royaume-Uni, la Banque Mondiale, qui vient de publier son classement Doing Business 2013 sur la facilité d’exploiter une entreprise dans 185 pays, nous y classe à la 34e place... Source : Économie Matin, 30/10/2012.Voir à ce sujet l'annexe II. 4

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Paris brille-t-il ? positionne la capitale qu’à la 16e place de son palmarès 2012 de la "Ville la plus agréable à vivre au monde", certes devant Londres (51e), mais loin derrière Melbourne, Vienne, Vancouver et Toronto. Quant à l’Observatoire des investissements internationaux de l’agence Paris-Ile de France Capitale Economique, il relève que "l’attractivité de la Région Capitale française sur les critères essentiels d’investissement tend à diminuer de façon inquiétante depuis 3 ans (9e cette année, contre 6e l’an passé et 5e en 2010)". Et d’ajouter que, "interrogés sur les intentions d’implantation à trois ans, les décideurs se tournent en priorité vers Shanghai et São Paulo". Au-delà des querelles de chiffres, Paris et le pays dans son ensemble resteraient relativement bien positionnés à l’échelle mondiale. L’année 2011 s’est révélée excellente pour le tourisme en France et en Ile-de-France, 32,7 millions de visiteurs (dont 42 % d’étrangers) ayant séjourné dans les seuls hôtels franciliens l’année dernière5. Mais l’INSEE enregistre une forte chute en août 2012 du taux d’occupation des hôtels, tant à Paris que sur l’ensemble de la région. La compétition entre Car notre situation globale, par ailleurs excessigrandes métropoles vement variable selon les critères retenus, est mondiales est de plus fragile. Elle tend même à s’effriter, notamment en plus féroce. face aux pays émergents - et particulièrement aux villes asiatiques. La compétition entre grandes métropoles mondiales est de plus en plus féroce pour attirer les mouvements internationaux des hommes, des capitaux, des marchandises, des services, des technologies… Selon le professeur Robert Papin, fondateur de HEC Entrepreneur : "La France a des atouts (...) mais les Français sont des pessimistes qui semblent ignorer que le monde entier nous classe en tête des pays dans lesquels il fait bon vivre. On envie nos infrastructures, notre système de santé, la diversité de nos paysages, notre patrimoine historique et culturel (…) et Par rapport à 2010, le nombre de clients accueillis (les arrivées) est en progression de +3 % en Ile-de-France et +3,3 % en France métropolitaine. Source : "2011, une excellente année pour le tourisme en Ile-de-France", INSEE Ile-de-France, Faits et chiffres n° 295, août 2012. 5

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France notre avance technologique dans des secteurs de pointe6". Si le risque d’un décrochage économique et social est réel, rien ne nous oblige en effet à céder à ce "pessimisme français". Pour peu d’avoir le courage de s’affranchir des discours convenus et d'affronter le réel. Grand Paris : une situation doublement paradoxale En fait, nous faisons face à de nombreux paradoxes. Certains sont typiquement français. Ainsi, nous véhiculons l’image d’un pays fermé alors que notre économie est l’une des plus ouvertes au monde, notamment à l’investissement international. Les entreprises étrangères (ou leurs filiales) emploient 13 % de l’effectif salarié hexagonal, contribuent à hauteur de 19 % au chiffre d’affaires de l’économie française, et les investisseurs étrangers détiennent déjà 42,4 % du capital des entreprises du CAC 407. De même, nous donnons parfois l’image d’un pays arrogant, alors que nous ne cessons de reculer et perdre des parts de marché à l’export - comme en témoigne le creusement abyssal de notre déficit commercial : 5,3 milliards d'euros en août 2012, 45,6 milliards d'euros depuis le début de l’année, plus de 73 milliards en 2011… Un autre paradoxe est plus spécifiquement francilien. Il s’agit du décalage entre l’attractivité internationale du Grand Paris et son attractivité locale, "domestique". Un décalage que l’on retrouve entre des atouts économiques encore solides pour la "Ville Lumière", en tout cas à l’échelle de l’Union européenne, et des facteurs sociaux ou sociétaux qui peinent à convaincre les Franciliens eux-mêmes. Ainsi, nous attirons certes l’essentiel des investissements directs étrangers (IDE) en direction de la France, constituons la 1re place européenne - et la 3e mon"Notre pays est-il condamné à la pauvreté ?", par Robert Papin, Le Monde, 01/10/2012. 7 Même si les pays émergents tiennent une place croissante dans les flux d’investissements, 85 % de ces IDE sont encore d’origine européenne (pour 60 %) ou nord-américaine. Preuve que le monde reste pour l’essentiel fragmenté entre grands blocs régionaux. Source : Rapport annuel 2011 de l’AFII, mars 2012. 6

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Paris brille-t-il ? diale (derrière Tokyo et Pékin) - pour l’accueil des quartiers généraux des plus grandes entreprises mondiales8, et plus de 9 étudiants étrangers sur 10 se déclarent satisfaits de leur séjour chez nous9. Mais, a contrario, le déficit migratoire francilien se creuse : 190 000 départs par an contre seulement 110 000 arrivées (hors immigration, estimée par l’INSEE à 32 000 entrées annuelles entre 1999 et 2009)10. Certes, la plupart des grandes métropoles mondiales connaissent un phénomène comparable de "moteur démographique à trois temps" (un mélange de solde naturel élevé et de solde migratoire déficitaire avec le reste du pays mais excédentaire avec le reste du monde)11. Cependant, un sondage CSA publié le 11 octobre 2012 à l’occasion du salon Provemploi révèle que plus d'un Francilien sur deux (54 %) déclare vouloir quitter la région pour travailler en province. Une proportion qui monte aux deux tiers chez les jeunes ! Parmi les raisons invoquées figurent en premier lieu la volonté de trouver un cadre de vie plus agréable (68 %), devant le coût de la vie (41 %), le "ras-le-bol" de l’agitation parisienne (38 %) et la volonté de s’éloigner pour Plus d'un Francilien devenir propriétaire de son logement (20 %). Les sur deux souhaiterait inconvénients les plus souvent cités sur la vie quitter la région pour dans notre région sont d’ailleurs le prix de l’imtravailler en province ! mobilier, jugé trop élevé (par 56 % des sondés), l’agitation et le stress (41 %), devant le temps passé dans les transports (40 %), le coût de la vie en général (39 %), l’agressivité des gens (30 %), le manque d’espaces verts (21 %) et le climat (19 %). Seuls réels freins au départ : la différence de salaire entre Paris et la province et la difficulté à trouver un poste pour son conjoint... Source AFII, Dix raisons d’investir en France, juillet 2012. Image et attractivité de la France auprès des étudiants étrangers, étude internationale TNS Sofres pour CampusFrance, 24/05/2012. 10 "Le déficit migratoire entre l’Ile-de-France et les autres régions peut-il se réduire ?", IAU Ile-de-France, Débat & enjeux, Migrations et métropoles, Atelier n° 3, 02/10/2009. 11 Ibid. 8 9

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Malgré toutes les réserves d’usage s’agissant d’un sondage, celui-ci oblige à se demander, au fond, ce que signifie vivre à Paris et dans sa région. Pourquoi choisir de s’installer et travailler dans une grande métropole comme l’Ile-de-France ? Les grandes métropoles, moteurs de croissance et îlots préservés de la crise ? Dans un récent ouvrage, La crise qui vient12, l’économiste et urbaniste Laurent Davezies estime que les principales métropoles nationales constituent une "France productive, marchande et dynamique où se forgent les nouveaux atouts de la compétitivité du pays". Cette France des grands centres urbains, donc du Grand Paris, bénéficie d’un "énorme potentiel" et serait relativement préservée de la crise actuelle, contrairement au reste du territoire, notamment les villes moyennes qui s’enfoncent dans un "déclin productif" irréversible. Entre la France périurbaine et celle des métropoles apparaît ainsi une sorte de "séparatisme social et culturel13" déjà pointé par le géographe Christophe Guilluy, dont les analyses ont largement inspiré la dernière campagne présidentielle. Ce risque ne peut pas nous laisser indifférents, pour au moins trois raisons. Tout d’abord, au sein même de l’agglomération francilienne émergent des territoires d’abandon et s’affirment des pratiques d’évitement, voire de défiance. "Le séparatisme culturel est la norme" et "les stratégies résidentielles ou scolaires concernent une majorité de Français", constate Christophe Guilluy, pour qui "la fable de la mixité urbaine" (Le Monde, 13/10/2011) réussit de moins en moins à masquer l’apparition de "frontières culturelles invisibles" entre populations. Le "séparatisme social et culturel" menace au cœur même du Grand Paris. Par ailleurs, nombre de territoires qui, selon Davezies, "décrochent" et s’enfoncent aujourd’hui appartiennent au bassin parisien et donc au périmètre d’influence immédiat du Grand Paris (Picardie, Champagne-Ardenne, Haute-Normandie). La Crise qui vient. La nouvelle fracture territoriale, Laurent Davezies, Seuil, octobre 2012, 128 p. 13 Fractures françaises, Christophe Guilluy, Bourin éditeur, 2010, 206 p. 12

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Paris brille-t-il ? Enfin, aucune ville ou région, même directement connectée aux flux des échanges mondiaux comme l’Ile-de-France, ne peut se projeter dans l’avenir, bâtir sereinement son destin, si son environnement immédiat (banlieues et espaces périurbains) menace de basculer à tout instant dans la pauvreté, la souffrance sociale, voire le chaos. Car Davezies nous avertit : "La France est à la veille d’un choc nouveau et autrement plus brutal que les précédents." La première condition de l’attractivité d’une métropole comme l’Ile-de-France tient dans sa cohésion, tant sociale que territoriale. C’est ce que souligne le recteur Jean-François Dumont dans la revue Constructif de la FFB : "Deuxième en Europe, après Moscou, par sa population, troisième au monde en termes de PIB par habitant, Paris dispose d'atouts solides dans la compétition internationale. Pourtant, elle souffre de difficultés de cohésion sociale et d'insuffisantes connexions entre la villecentre et son agglomération14." Sommes-nous encore suffisamment attractifs pour les Franciliens eux-mêmes ? Qu’est-ce, au fond, qu’une ville "attractive" ? Attractivité : le rôle essentiel du logement

L'attractivité, c'est d'abord la force d'un territoire, sa capacité à faire converger et à fixer un certain nombre de ressources.

Pour les géographes et urbanistes François Cusin et Julien Damon15, la définition première de l’attractivité renvoie à l’acception physique, objective du terme : l’attraction qu’exerce un territoire. C’est-à-dire la force qui s’en dégage et lui permet à la fois de faire converger et de fixer, à l’image d’un aimant, toute sorte de ressources : populations, revenus, capitaux, main-d’œuvre, entreprises, emplois, biens, services, événements professionnels ou culturels, informations, etc. C’est pourquoi, classiquement, l’attractivité est fortement liée aux "hard factors" des politiques urbaines, parmi lesquels les infrastructures. C’est donc très naturellement que la priorité "Forces et faiblesses de la mégapole parisienne", Constructif, n° 26, juin 2010, p. 34-37. 15 "Les villes face aux défis de l’attractivité. Classements, enjeux et stratégies urbaines", Futuribles, n° 367, 2010, p. 25-46. 14

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France du Grand Paris est la construction d’un réseau de transports dense et moderne. Mais comme le remarque Philippe Pelletier, du comité stratégique du Plan Bâtiment Grenelle : "Si la question des transports constitue le point d'entrée du Grand Paris, le logement en est le cœur16." Qui dit transport dit attractivité du territoire et donc logement ! Car la notion d’attractivité est certes très proche de celle de la compétitivité, qui comprend à la fois l’efficacité économique d’un territoire et sa capacité à valoriser ses avantages comparatifs sur les marchés, notamment par le marketing urbain ou territorial. Les régions et les métropoles les plus dynamiques économiquement se montrent plus attractives, susceptibles de capter une part plus importante des nouveaux investissements étrangers. Pour autant, attractivité et compétitivité ne se confondent pas. Car un territoire, une ville, n’est pas seulement - et pas essentiellement - un "agent économique". C’est, fondamentalement, un lieu de vie. Et le terme même d’attractivité ne se réduit pas à une dimension objective. Il s’inscrit dans un registre affectif, plus large et plus subtil, qui renvoie à l’attrait qu’exerce un bien, un lieu ou une personne. Il rejoint en cela la notion d’influence, à mi-chemin de la séduction et de la conviction, dont de nombreux experts soulignent l’importance croissante au sein des rapports de force économiques et politiques issus de la mondialisation17. D’où le décalage permanent entre la réalité et la perception de l’attractivité des grandes métropoles internationales. Comme le résument François Cusin et Julien Damon : "L’attractivité ne se réduit pas aux fonctions économiques des villes. Elle déborde le cadre purement économique, celui des activités d’échange et de production, et renvoie aux dimensions proprement urbaines, sociales, culturelles et politiques des territoires." Car "si le territoire peut être assoPetit-déjeuner débat "Comment construire 70 000 logements neufs dans le Grand Paris ?", La Fabrique de la Cité, 30/05/2012. 17 Cf. en particulier Pierre Buhler (La puissance au XXIe siècle - Les nouvelles définitions du monde, CNRS Éditions, octobre 2011), Claude Revel (La France, un pays sous influences ? Vuibert, juin 2012) et Didier Lucas (Les diplomates d'entreprise – Pouvoir, réseaux, influence, Choiseul Éditions, octobre 2012). 16

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Paris brille-t-il ? cié à une fonction de production, c’est aussi un support d’identité et un lieu offrant bien-être et qualité de vie aux habitants qui le peuplent". Et d’ajouter : "La sphère résidentielle illustre tout particulièrement la complexité des interactions entre les dimensions économiques et non économiques de l’attractivité des territoires18". Quelles stratégies d’attractivité métropolitaine ? L’attractivité d’un territoire est bien la résultante de ses capacités d’attraction et d’attrait. Mais "l’attractivité précède la compétitivité", car "les entreprises vont désormais là où les gens ont envie d’aller", soulignent encore Cusin et Damon. Il est donc essentiel de disposer d’un parc de logements conforme aux besoins et attentes de la population - celle qui réside dans l’agglomération ou souhaite la rejoindre. Dès lors, une double question s’impose : qui attirer (et retenir) ? Comment ? En matière d’attractivité urbaine, deux grandes théories se distinguent. La plus connue est celle de Richard Florida, dont l’ouvrage majeur - The Rise of the Creative Class vient d’être réédité. Ce géographe américain Il est essentiel de fonde l’attractivité des villes sur l’attraction des disposer d’un parc de membres de la "classe créative", ces personnes logements conforme travaillant dans les industries créatives et de la aux besoins et attentes connaissance. Appuyant un discours plus vaste de la population sur l’ouverture culturelle, les bienfaits de la technologie et la nécessité de la tolérance, sa théorie inspire la plupart des projets de développement centrés sur la valorisation des facteurs urbains "soft" (ambiance urbaine, accueil des minorités ou vitalité des activités culturelles). Car ces personnes porteuses d’activités créatrices d’une indéniable valeur économique le sont aussi "de valeurs ‘post-matérialistes’ qui accordent une grande importance à la qualité de vie et aux expériences culturelles19". À l’autre bout du spectre se situe Edward Glaser, économiste à Harvard. Dans Triumph of the City 18

"Les villes face aux défis de l’attractivité…", op. cit.

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Ibid.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France (2011), il synthétise une quinzaine d’années de travaux pour déceler les raisons profondes de l’attrait humain pour la ville, pourtant a priori synonyme "d’interactions difficiles et d’exaspération mutuelle20". À rebours de Florida, il insiste sur la satisfaction des besoins primaires des hommes, au premier rang desquels la sécurité, et sur la nécessité du dynamisme urbain, que permettent "la compétition, la connexion et le capital humain". Le patron de PricewaterhouseCoopers aux États-Unis, Bob Moritz, semble lui faire écho en soulignant que "les villes réussissent lorsqu’elles investissent pour répondre aux besoins primaires à la fois de leurs habitants et de leurs entreprises21". Pour Glaeser, il n’y a rien de pire qu'une ville-vitrine, car la vraie cité est faite de chair, non de béton. Shakespeare s’interrogeait déjà : "Qu’est-ce qu’une ville sinon les gens ?" Dès lors, le logement est clairement au cœur des stratégies d’attractivité. Il constitue un "hard factor", un actif tangible de la métropole. Mais il participe aussi pleinement du "soft power" de l’agglomération, cette qualité de vie à laquelle les habitants sont profondément attachés. D’où l’importance également, comme facteur d’attractivité, de la sécurité - thème du 1er Cahier de cette collection de la FNAIM Paris Ile-de-France. Dans les temps de confusion qui sont les nôtres, c’est bien un retour au réel qui s’impose. Un retour à la réalité des hommes. La crise que nous devons affronter aujourd’hui est polymorphe. C’est une crise économique et sociale, bien sûr. Une crise de compétitivité et davantage encore d’attractivité. Mais c’est plus profondément une crise de sens et de repères. Une crise de volonté aussi. Pour le Grand Paris, cet "acte de volonté", c’est l’heure des choix ! N’en doutons pas : dans un environnement international instable et très concurrentiel, mais également au sein d’un pays "Le triomphe de la Cité. Les atouts économiques de la ville, selon Edward Glaeser", par Julien Damon, Esprit, juin 2011, p. 168-173. 21 Cities of Opportunity 2012, PwC & Partnership for New York City, op. cit. 20

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Paris brille-t-il ? qui semble douter de lui-même, le Grand Paris est l’un des rares projets d’envergure susceptible de rétablir l’image de dynamisme et de modernité du "site France". Il constitue un formidable levier pour permettre à notre pays tout entier de retrouver son niveau, son rang, sa place dans le monde de demain, qui ne fera aucun cadeau aux anciens "Occidentaux" que nous sommes. Mais également pour sortir des problèmes de déshérence économique, sociale et territoriale - qui n’affectent pas que les seules "banlieues à problèmes". Ces deux aspects sont évidemment liés. Nous sommes à la croisée des chemins. La question essentielle est de nature stratégique : où va-t-on, et comment ? Le Grand Paris n’est sans doute pas suffisant. Mais il est indispensable à la "remise en route de l’Ile-de-France". Et c’est maintenant que se décide s'il sera un succès dont pourra profiter la génération à venir. L’échec est en effet possible. Par manque d'ambition, absence de décision politique, enlisement bureaucratique, manque de visibilité sur le modèle économique et social à promouvoir, renoncements financiers enfin. Ce dernier point est essentiel. Les risques qui Il faut remettre sur la pèsent sur le financement du réseau de Grand table la gouvernance Paris Express ne sont pas fictifs. Et ils ont une réelle du Grand Paris, conséquence directe sur l’objectif de construcc'est-à-dire l'équilibre tion de 70 000 logements supplémentaires par des pouvoirs et des an en Ile-de-France - un objectif que chacun responsabilités entre s’accorde pourtant à considérer comme indispublic et privé. pensable au regard du marché immobilier. Ces risques obligent à remettre sur la table la gouvernance réelle du Grand Paris, c’est-à-dire l’équilibre des pouvoirs et des responsabilités entre public et privé. Car, de leur côté, les entreprises ne manquent pas à leurs obligations : les taxes sur l’immobilier d’entreprise ont explosé ces derniers mois pour assurer le financement du Grand Paris ! Plus généralement, seule l’activité économique sera à même de recréer de l’attractivité et ainsi d’attirer les capitaux étrangers indispensables au financement des infrastructures projetées. 17


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Alors que le climat des affaires ne cesse de se dégrader22, les responsables politiques ne délivrent pas toujours les meilleurs discours, au point que le président de General Electric Europe, Nani Beccalli, s’inquiète ouvertement, dans Le Figaro du 22 octobre 2012, "des signaux négatifs que la France envoie aux investisseurs". Il serait préférable de laisser davantage s’exprimer les acteurs économiques, de terrain. Ce sont eux qui feront le succès du Grand Paris. C’est à eux de reprendre la main ! Conformément à l’esprit de la collection des Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France, l'ouvrage qui vous est ici présenté est de nature polyphonique. Il accueille des personnalités et des experts d’horizons divers pour proposer autant de points de vue et d’analyses. Dans une saine démarche de coproduction des politiques publiques, chacun s’efforce également d’esquisser des solutions aux problèmes les plus urgents qui se posent au Grand Paris pour continuer à être le moteur de la France et à se faire entendre dans le concert des villes mondiales, ces "Global Cities" en pleine expansion partout sur la planète. Pour être reconnu et rayonner, tout territoire "a besoin d'être nommé, délimité, partagé, symbolisé et représenté23". La priorité me semble donc être de conforter ou retrouver une identité au Grand Paris. Pour valoriser ses spécificités face à la concurrence mondiale et permettre à tous ses acteurs, habitants, institutions ou entreprises, de retrouver une légitime fierté. Tout, de la stratégie à la gouvernance, découle de ce "vouloir-vivre ensemble". Il n'y a pas de fatalité au déclin. Il faut échanger nos points de vue et bâtir des solutions nouvelles. Comme l'indiquait la philosophe Hannah Arendt dans la Condition de l'homme moderne (1961) : "Le pouvoir jaillit parmi les hommes lorsqu'ils agissent ensemble."

Selon les chiffres de l’INSEE, qui montrent que "l’indicateur de retournement calculé au niveau France reste en zone défavorable, tout comme les indicateurs de retournement sectoriels à l’exception de celui des services, qui se situe en zone d’incertitude" (23/10/2012). 23 "Paris Saclay. Un territoire, une identité, une marque", par Denis Gancel (Agence W). VIIe Forum de l'innovation et de la recherche organisé par Paris-Ile de France Capitale Economique, CCIP, 30/10/2012. 22

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Les intervenants Pascal Gauchon. Ancien élève de l’École normale supérieure (ENS) et agrégé d'histoire, il a enseigné la géopolitique en classe préparatoire aux grandes écoles de commerce et a dirigé l'institut privé Prépasup. Président de l'association Anteios (www.anteios. org), cofondateur du Festival de géopolitique et de géoéconomie (www.centregeopolitique.com), directeur de la collection Major aux Presses universitaires de France (Puf), il est l'auteur de nombreux ouvrages de géopolitique, parmi lesquels Géopolitique de la France - Plaidoyer pour la puissance (Puf, 2012), ainsi que Le modèle français (2011, 5e édition) et Les 100 mots de la géopolitique (2010, 3e édition) dans la collection "Que-sais je ?" Hervé Juvin est président d’Eurogroup Institute, filiale d’accompagnement stratégique du cabinet de conseil Eurogroup et vice-président de l’AGIPI (association générale interprofessionnelle de prévoyance et d’investissement). Il développe depuis vingt ans une activité de réflexion, de conseil aux entreprises et de propositions aux pouvoirs publics partout dans le monde. Ses travaux l’ont conduit à tenir des chroniques régulières dans Le Monde sur la construction européenne (1998-2000), L’Agefi (depuis 1995) sur l’évolution des marchés financiers, L’Expansion (chaque mois) sur des sujets de société, le site Realpolitik.tv (www.realpolitik.tv) sur les sujets de géoéconomie. Prix Turgot 2005 pour Les Marchés financiers - Voyage autour de la planète financière (Éditions d’Organisation 2004), prix IFG du meilleur livre d’économie financière 1996 pour Le Devoir de Gestion (Les Djinns) et prix du meilleur "Livre du dirigeant" 2006 pour l’Avènement du Corps (Gallimard), ses derniers ouvrages sont L'Occident mondialisé, avec Gilles Lipovetsky (Grasset, mars 2010) et Le renversement du monde - Politique de la crise (Gallimard, septembre 2010). 19

présentation

Paris brille-t-il ?


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Julien Damon. Professeur associé à Sciences Po (Master Urbanisme) et chroniqueur aux Échos, il est docteur en sociologie (Université Sorbonne - Paris IV), diplômé de l'ESCP Europe et lauréat du IBM Faculty Award 2010 en "Urban Planning". Rapporteur général du Grenelle de l’insertion pour le Haut commissaire aux Solidarités actives (2008), conseiller scientifique de Futuribles international, du CREDOC et au Centre d’Analyse Stratégique auprès du Premier ministre, Julien Damon a créé la société de conseil et d’expertise Éclairs (http:// eclairs.fr) et publie de nombreux articles, études et ouvrages, parmi lesquels Éliminer la pauvreté (Puf 2010), Villes à vivre (Odile Jacob 2011) et Les familles recomposées (Puf, "Que sais-je ?", 2012). Pierre Simon est le président de Paris-Ile de France Capitale Economique, association qui rassemble une centaine de grandes entreprises françaises et internationales pour contribuer à l'attractivité de l'Ile-de-France. Après une première expérience de Commissaire de la marine nationale (1959-1966), Pierre Simon effectue l'essentiel de sa carrière professionnelle dans le secteur financier (Société Lyonnaise de Banque, Groupement de la Carte Bleue, Groupe Paribas). Ancien président de la CCIP (2004-2010), de la CRCI de Paris Ile-de-France et d'Eurochambres (2005-2009), il est Officier de la Légion d’honneur et Commandeur de l’ordre national du Mérite. Maurice Gauchot est un professionnel de l'immobilier d'entreprise, Président de CBRE France depuis 2007, après en avoir été le Vice-Président à partir de 2002. Il a également été Directeur Général et associé de Hines Holding de 1999 à 2002, Directeur Général d’Auguste Thouard & Associés de 1990 à 1999. Ses principales réalisations ont été la Tour EDF à la Défense, le siège Havas à Suresnes, l’acquisition des terrains Renault à Boulogne. Il a participé à de grands dossiers tels que Cœur Défense et CB16 à la Défense. 20


Paris brille-t-il ? Georges Pahud est Canadien. Ayant effectué ses études à Lausanne (Suisse), il a débuté dans l'immobilier dans les années 1970 avant de créer sa propre société en 1988, qu'il a revendue pour être aujourd'hui courtier associé d'Immeuble Uni Prudent à Vancouver. Il a présidé l'Association Canadienne de l'Immeuble (ACI) et préside aujourd'hui l'International Consortium of Real Estate Associations (ICREA). Peer de Jong. Après une carrière militaire, notamment comme aide de camp du Président de la République (1994-1997) et chef de corps du 3e Régiment d'Infanterie de Marine à Vannes (1997-1999), il rejoint le secteur privé et s'installe en Asie. Il cumule aujourd'hui de nombreuses fonctions, comme directeur de la stratégie de la société IntelligenceKnowledge (www. intelligenceknowledge.com), directeur international au Forum Francophone des Affaires et vice-président de la chambre de commerce et d'industrie franco malaisienne à Kuala Lumpur. Doctorat de Sciences politiques (Paris V), DEA de Relations internationales (Paris I) et DESS en Management international de l'ESSEC, Peer de Jong est professeur associé à l'École de Guerre Économique à Paris. Chevalier de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite, il est décoré de nombreuses autres distinctions étrangères et françaises. Jean-Luc Berho, chargé de mission sur le suivi de l'accord national interprofessionnel sur le logement des jeunes au sein de Solendi. Secrétaire confédéral de la CFDT jusque fin 2011, en charge des questions du logement, il a été pendant plus de 10 ans vice-président de l’Union d'Économie Sociale pour le Logement (UESL). À l’origine de la conception de la Garantie des Risques Locatifs, il préside depuis 2006 l’Association Pour l’Accès aux Garanties Locatives (APAGL). Chevalier de la Légion d’honneur, Jean-Luc Berho a notamment présidé les groupes de travail du Conseil National de l’Habitat sur la Couverture Logement Universelle en 2002 sur la Garantie des Risques Locatifs en 2004. 21


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Daniel Janicot, chevalier de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, commandeur dans l'Ordre des Arts et des Lettres, est conseiller d'État et président de l’Agence pour la Vallée de la Culture, chargée de définir la programmation culturelle de l’île Seguin. Ancien élève de l'ÉNA, il a notamment été viceprésident de la Bibliothèque nationale de France, délégué général de l'Union centrale des arts décoratifs, directeur du musée des Arts décoratifs, du musée de l’affiche et de la publicité et du musée Camondo, ou encore délégué général de l'American Center à Paris. Cofondateur en 2006 et président du prix Artcurial du livre d’art contemporain, il est l'auteur du rapport sur La dimension culturelle du Grand Paris, remis au Président de la République en février 2012, et du livre La culture : Un enjeu capital(e), publié aux éditions France-Empire en mai 2012. Il anime par ailleurs un blog de réflexion sur l'actualité culturelle du Grand Paris : http://danieljanicot.wordpress.com. Daniel Canepa est depuis le 3 novembre 2008 préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris. Ancien élève de l’ÉNA, il a effectué toute sa carrière dans l'administration préfectorale, y compris place Beauvau en qualité de directeur adjoint du cabinet du ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (2002-2003) puis secrétaire général du ministère (2004-2006). Commandeur de la Légion d'honneur et dans l'ordre national du Mérite, chevalier du Mérite agricole, Daniel Canepa est par ailleurs délégué interministériel au projet Euro Disney en France et préside le Conseil d’administration de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, l’association du Corps préfectoral et des Hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur ainsi que l’association européenne des représentants territoriaux de l’État.

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"L’attractivité de l’Ile-de-France, c’est le fruit d’un héritage !" Pascal Gauchon

Ancien élève de l'ENS, agrégé d'Histoire Cofondateur du Festival de géopolitique et de géoéconomie

entretiens

Paris brille-t-il ?

Vous êtes un analyste reconnu du "modèle français" et avez notamment publié une Géopolitique de la France aux Puf. Quels sont les grands atouts dont dispose encore notre pays dans la mondialisation ? Ce qui fait la compétitivité et l’attractivité de la France, et cela vaut bien évidemment encore plus pour Paris, c’est avant tout un héritage. C’est-à-dire l’étroite imbrication d’une géographie, d’une image et d’un ensemble de savoir-faire. Géographiquement, la France bénéficie d’un climat tempéré et d’une situation privilégiée : isthme reliant naturellement la péninsule ibérique, voire l’Italie, au nord de l’Europe et à l’Angleterre, notre pays constitue également une bonne partie de la façade océanique du continent. À ces données géographiques s’ajoute un héritage historique et culturel : celui construit par l’État français, qui nous permet aujourd’hui encore de bénéficier d’infrastructures matérielles et immatérielles - comme l’éducation par exemple - de bonne qualité. Cela permet à la France de se situer parmi les grands pays développés de la planète et de bénéficier d’une image valorisante. S’agissant des avantages récents, plus économiques, on notera l’émergence de très grandes entreprises de dimension internationale. En 1958, la France ne comptait qu’une seule entreprise parmi les 100 premières mondiales (Total, 99e) ; aujourd’hui, 8 à 9 entreprises (selon les années et les modes de calcul) figurent dans ce palmarès. Un deuxième atout tient à la qualité du travail, et plus généralement au capital humain de la France : pro23


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France ductivité de la main-d’œuvre, niveau de formation – même s’il faut ici reconnaître un certain décrochage en ce qui concerne les coûts du travail, notamment vis-à-vis de l’Allemagne. Et ses principaux handicaps ? Je parlerais plus volontiers de contraintes. Et il y en a autant que d’atouts ! La plus grave est bien évidemment la dette, car elle est à la fois immédiate et sans rémission ou solution visible, les mesures de rigueur et de relance n’étant pas compatibles dans le temps. Résultat, qu’on le veuille ou non, c’est la rigueur qui est à l’ordre du jour en Europe. Notre appartenance à un certain nombre d’organisations internationales est une autre contrainte, dans la mesure où cela limite nos possibilités d’action. Ainsi de la zone euro, qui implique la disparition de toute politique monétaire française en tant que telle. Il y a bien évidemment des atouts à la construction européenne et à l’existence de l’euro, mais pour la France, ces avantages s’accompagnent de limites et de contraintes. S’y ajoutent enfin des contraintes morales, comme en atteste la difficulté à évoquer sérieusement, par exemple, la question de l’immigration. La France s’est laissée imposer toute une série de contraintes, techniques et morales, qui l’empêche de valoriser suffisamment ses atouts. Mais nos compatriotes sont probablement prêts à davantage d’efforts s’ils sont sollicités. Le projet de Grand Paris atteste d’une volonté de faire de la capitale un vecteur d’attractivité pour le pays tout entier. Qu’en pensez-vous ? Quelle est l’attractivité d’une ville comme Paris ? Qu’est-ce que l’attractivité des très grandes métropoles mondiales ? C’est leur capacité à attirer et à fixer durablement les activités à forte valeur ajoutée et celles de décision, de commandement. Quelles sont-elles ? La haute technologie, la R & D, l’enseignement, les activités financières, mais aussi celles qui donnent du pouvoir : sièges sociaux, lieux de décision, grandes banques, événements internationaux, etc. Paris, capitale des 24


Paris brille-t-il ? congrès, dispose dans ce domaine d’indéniables atouts. Et elle est globalement en rivalité, en Europe, avec un nombre limité de villes. Londres, bien sûr, qui nous surclasse. Et, sur le continent, la nébuleuse des villes belgo-néerlandaises, une conurbation ou mégalopole reliant Bruxelles et Hambourg via la "Randstad Holland" (Amsterdam, Rotterdam, La Haye, Utrecht) et s’étendant dans une certaine mesure jusqu’à la Ruhr. Les autres villes européennes comme Berlin, Milan, Madrid ou Barcelone sont des challengers. Quels sont les principaux facteurs d’attractivité de villes comme Paris, Londres ou la mégalopole belgo-néerlandaise ? Tout d’abord, la taille. Elle se mesure par celle du marché de consommation visé mais également par un tissu d’activités multiples, notamment de services aux entreprises. Car, quel est l’avantage premier de la ville, quelle que soit d’ailleurs sa taille, sinon la proximité ? Une entreprise qui s’installe a besoin de tout avoir sous la main, y compris des compétences, donc une main-d’œuvre qualifiée. Le deuxième atout est celui de la fluidité. Elle est permise par des Toutes les grandes infrastructures de qualité, tant intérieures (facivilles internationales lité de circulation) que, surtout, extérieures, en sont chères, car elles direction du reste du monde (aéroports et hubs partagent les mêmes internationaux, réseaux de télécommunication, problèmes de coût du etc.). terrain, du travail, de la vie en général.

Le troisième atout est constitué par l’ensemble des conditions offertes pour attirer et retenir les entreprises. Avec les problèmes qui se posent à toutes les grandes villes internationales, donc chères : coût du terrain, du travail, de la vie en général, de la fiscalité enfin pour garantir un haut niveau de prestations collectives. La fiscalité est un levier qui permet de corriger pour partie les coûts naturels qui s’imposent aux entreprises et à leurs cadres. Le dernier élément est le plus informel, mais à mon sens le plus important : c’est l’image de la ville. Cet avantage est directement issu du passé, de l’identité du lieu forgée au cours des siècles. Paris bénéficie encore 25


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France aujourd’hui de son image de "Ville lumière". Mais cette identité n’est un atout que si elle est vivante, dynamique, si elle correspond à une atmosphère particulière, à une façon de vivre réellement attractive. La plupart des villes l’ont bien compris. Les Américains en particulier travaillent leur image "pro business" et veillent à entretenir une réputation de villes qui aiment les entreprises, qui les attirent, qui facilitent leur installation et leur développement. Dans cet effort des cités pour soigner leur image, on peut citer Philadelphie et son excellent slogan "The City who loves you in return" (la ville qui vous aime en retour). Car l’enjeu de l’attractivité, à mon sens, est de donner à la ville l’image d’un endroit où l’on peut travailler, certes, mais aussi, plus fondamentalement, où l’on vit bien. De ce point de vue, l’action du maire de Paris, Bertrand Delanoë, pour essayer de donner à la capitale un caractère plus festif peut faire sourire, mais elle a des aspects positifs. Tout ceci pour dire que la compétition s’effectue entre Paris et les très grandes villes mondiales. On a fait une grosse erreur en croyant qu’en affaiblissant Paris et en tentant de renforcer les métropoles régionales, on renforcerait la France. Au contraire, c’est en reliant ces métropoles à Paris, notamment par le TGV, que l’on a pu conforter à la fois ces métropoles et la capitale. C’est tout l’enjeu du Grand Paris, qui atteste d’une prise de conscience : Paris est une chance – et non pas une catastrophe - pour la France ! Encore faut-il qu’il s’agisse d’un Paris vivable et dont les atouts soient valorisés. Peut-on esquisser une "géopolitique de l’Ile-de-France" ? Quelles en seraient les principales caractéristiques ? Il faut distinguer la situation interne de la situation internationale. Pour la première, Paris pèse d’un poids immense dans l’économie française, en concentrant notamment près de la moitié des emplois du tertiaire supérieur et de la R&D. Paris est en quelque sorte "la tête énorme du corps français". Mais s’agissant de l’espace francilien, on constate un double désé26


Paris brille-t-il ? quilibre : entre le centre et la banlieue d’une part, et d’autre part entre l’Est et l’Ouest, ce dernier espace regroupant à la fois les activités de commandement et les populations aisées. Dans le contexte de la compétition mondiale, il ne faut pas s’illusionner sur les atouts de Paris. La ville a certes des points forts. Elle est par exemple la capitale mondiale des congrès et du tourisme. C’est important par les emplois induits, non délocalisables, et par l’image de marque positive que ces activités véhiculent. Regardez la Bavière, qui avait pris il y a quelques années, avec succès, pour slogan : "Venez travailler là où les autres prennent leurs vacances". Mais dans le domaine des congrès, la position de Paris s’effrite dangereusement, du fait d’une double concurrence : celle de destinations exotiques à la réputation plus sulfureuse et plus agréable, comme Rio de Janeiro, et surtout celle de villes européennes qui allient une image forte à un coût moindre, comme Vienne ou Barcelone. Il en est de même pour le tourisme : si Paris reste la première destination au monde, sa position est menacée. S’agissant des centres de commandement, la position parisienne est là encore ambivalente. Si elle compte deux des principales organisations internaPour la localisation tionales (OCDE et UNESCO), elle a laissé la des QG européens des BERD s’installer à Londres et n’a attiré aucune grandes entreprises, agence de l’Union européenne, Interpol a été Paris se fait "tailler délocalisée à Lyon. La situation ne devrait pas des croupières" par s’améliorer, car l’affirmation des émergents enLondres et la mégalotraînera l’installation progressive d’organismes pole Randstad Holland. internationaux dans ces nouvelles puissances. Il en est de même pour les grandes entreprises mondiales. Paris est l’une des villes les plus importantes en termes d’accueil de sièges sociaux, après Tokyo ou New York. Mais attention : cette situation est surtout l’héritage direct du centralisme parisien. Ainsi, 33 des 35 entreprises françaises parmi les 500 premières mondiales ont installé leur siège social en région parisienne les exceptions sont Auchan et Michelin, solidement enracinées dans le Nord et l’Auvergne. Il apparaît donc plus pertinent de s’intéresser à la localisation des QG européens des grandes 27


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France entreprises étrangères. Et là, Paris se fait littéralement "tailler des croupières" par Londres et par la nébuleuse belgo-néerlandaise évoquée précédemment. Non seulement ces deux agglomérations sont d’ores et déjà devant la France, mais elles continuent de progresser – de même que d’autres villes comme Barcelone. Paris n’est donc plus assez attractif pour ce genre d’activités. En revanche, l’Ile-de-France reste bien positionnée pour les activités de R&D, ce qui fait partie des éléments de puissance français. Le Grand Paris repose sur une vision métropolitaine, de densification urbaine. Cette approche s’inscrit dans la dynamique plus vaste d’urbanisation du monde. Est-elle pour autant pertinente ? Comment, selon vous, "habiter" une ville mondiale comme la métropole francilienne ? L’urbanisation progresse incontestablement à l’échelle de la planète. Ce mouvement touche désormais davantage le Sud que les pays développés, et il est le fait, partout dans le monde, des villes de taille moyenne comptant de 50 000 à 200 000 habitants plus que des très grandes métropoles. Car il existe un vrai problème des très grandes métropoles, qui renvoie à la dialectique de l’entassement. L’entassement est à la fois ce à quoi sert la ville (la proximité permettant des économies d’échelle) et ce qui peut rendre la ville invivable. L’entassement peut engendrer un coût du terrain excessif, donc des difficultés de logement, mais aussi des problèmes de sécurité, de transport, d’embouteillages, de pollution, etc. Il y a en fait deux grands modèles de ville. D’un côté, le modèle américain limite l’entassement et s’étend dans l’espace en spécialisant rigoureusement ses quartiers – ce que les spécialistes appellent le zonage. Mais au risque de la ségrégation spatiale, de graves problèmes de transport et de moindres économies d’échelle. De l’autre, le modèle européen, avec Amsterdam pour symbole, joue à fond les économies d’échelle et propose une véritable mixité des activités au sein de l’agglomération. Le risque est alors celui de l’entassement.

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Paris brille-t-il ? Le problème se pose dans toutes les grandes métropoles. L’entassement attire et fait fuir. Les gens acceptent d’y vivre pour y travailler, mais beaucoup les quittent dès qu’ils en ont la possibilité : regardez les retraités d’Ile-de-France ! C’est bien la preuve que les coûts économiques et surtout sociaux de la ville sont ressentis négativement par une partie de la population. Le but d’un projet comme le Grand Paris est justement d’essayer de corriger une partie des problèmes liés à ces économies d’échelle, notamment en termes de transport mais aussi de logement. Il ne faut cependant pas se tromper. Dès que certains efforts auront été faits dans le domaine des transports par exemple, d’autres coûts apparaîtront. Et puis certains projets ont été gelés en octobre 2012 - c’est la contrainte financière que nous évoquions précédemment. L’un des autres problèmes est le syndrome des "lumières de la ville". Comme celle-ci semble offrir toute une série de facilités, s’y agglomèrent des populations qui espèrent mieux vivre à l’ombre de la très grande métropole mais qui en aggravent les coûts économiques et sociaux, sachant que ces populations nouvelles n’ont que peu de possibiFondamentalement, lité de logement, de travail, de vie décente… l'attrait de Paris est Quels sont les traits particuliers du Grand Paris qui pourraient constituer ses atouts décisifs, ses "avantages compétitifs" dans la concurrence acharnée à laquelle se livrent les grandes métropoles mondiales ?

lié à ses paysages : les berges de la Seine, l'île de la Cité, le vieux Montparnasse vécu par les artistes américains, etc. C'est ce côté "carte postale" qui attire.

L’atout décisif de Paris est tout entier dans son image, ses paysages. Gardons-nous du syndrome typiquement français qui voudrait nécessairement s’inspirer d’exemples étrangers - comme Londres par exemple ! Certains voudraient transformer en profondeur Paris pour en faire une ville dite "moderne", hérissée de tours. Jusqu’à présent, les municipalités parisiennes ont plutôt bien résisté à cette tentation. Mais des premières fissures apparaissent, comme la décision de construire de grandes tours aux portes de Paris. Il ne 29


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France faudrait pas que la dérive s’amplifie. Comprenons en effet que, fondamentalement, l’attrait de Paris est lié à ses paysages : les berges de la Seine, l’île de la Cité, le vieux Montparnasse vécu par les artistes américains, etc. C’est ce côté "carte postale" qui attire. Au nom d’une modernité qui sera très vite dépassée, car oubliée aussi vite qu’elle aura été encensée (comme la tour Montparnasse ou Beaubourg en attestent), il ne faut pas abîmer un paysage qui est le fruit d’une harmonie exceptionnelle, en tout cas dans le centre de Paris. Les autorités pourraient même valoriser davantage l’image de Paris dans la culture et la littérature mondiales. Prenez simplement les auteurs anglo-saxons et Paris est une fête d’Hemingway : il n’y a pas de plus bel hommage à la capitale que ce livre ! Pourquoi ne pas imaginer une campagne dans le métro de Londres ou de New York sur le thème : "Faites comme Hemingway, venez vivre à Paris" ? Pourquoi une ville comme Paris ne valorise-t-elle pas tout ce qui a été dit d’elle par des auteurs étrangers ? Bref, faisons-nous assez d’efforts pour utiliser ce levier culturel à l’étranger ? Je suis pour ma part persuadé de l’importance de ce "soft power", dans les pays anglo-saxons en particulier. Pour rester attractif, le Grand Paris devra s’appuyer sur une véritable stratégie d’influence !

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"Les critères extra-financiers seront essentiels à l’avenir" Hervé Juvin

Essayiste et économiste Président d'Eurogroup Institute

entretiens

Paris brille-t-il ?

Selon votre dernier ouvrage, Le renversement du monde (Gallimard 2010), la crise actuelle marque la fin de la domination mondiale du système occidental et le divorce entre société et économie. Quelles évolutions en déduire pour les sociétés et les économies des grandes métropoles mondiales ? Ma première réflexion relève de l’expérience. Lorsque, il y a 10 ou 15 ans, je rentrais de villes comme Pékin, Shanghai ou beaucoup d’autres, j’éprouvais un soulagement de revenir à Paris. Paris était une ville de civilisation, c’est-à-dire de rapports civilisés entre les individus, et une ville d’aisance, comparée aux nombreuses cités ou régions marquées par la pauvreté et la dureté du quotidien. Cette situation s’est profondément modifiée. Ce n’est pas faire insulte à Paris ou à l’Ile-de-France que de constater que, désormais, nombre de villes d’anciens pays en voie de développement sont plus propres que notre capitale, disposent d’infrastructures et d’équipement de qualité égale ou supérieure, abritent une population au comportement plus "urbain"… Enfin, dans combien de villes au monde peut-on se retrouver à une heure tardive, en quête d’un taxi par exemple, sans se poser un seul instant la question de sa sécurité personnelle ? On peut le faire à Shanghai et Pékin, pour retenir ces exemples. Pas à Paris. Il faut ouvrir les yeux et cesser de nous réjouir de fausses certitudes, de nous parer aujourd’hui encore d’une situation historiquement dépassée… 31


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Si cette situation est dépassée, qu’en est-il de l’avenir ? Sur quels critères les villes pourront-elles être attractives ? Si l’on parle en termes prospectifs, on est obligé de penser que les modèles occidentaux ne donnent peut-être pas la clé de la ville future. Il est clair que celle-ci ne pourra pas, par exemple, faire du véhicule individuel le moyen de tous les déplacements. Elle devra s’interroger sur le lien entre domicile, travail, loisirs et achats, donc sur la notion capitale de proximité. Elle devra également réhabiliter bon nombre de critères extra-financiers qui font la qualité de la vie au quotidien. Car il y a toujours davantage d’écart entre les critères strictement économiques (produit par habitant, valeur ajoutée, etc.) et la réalité de la qualité de vie des populations. Ce qui s’est appelé l’Occident, dont je ne suis pas sûr qu’il conserve aujourd’hui une quelconque consistance, n’écrit plus le scénario du futur. Pourquoi ? Parce que nous nous sommes laissés abusivement dominés par ces critères financiers, qui n’épuisent ni la qualité de la vie quotidienne, ni le plaisir de vivre dans une ville ou une région particulière, ni les raisons que l’on a d’y investir, de souhaiter y faire sa vie, d’y élever des enfants, etc. Je suis persuadé que cette question des critères extra-financiers prendra une importance croissante dans les années à venir. Ce n’est pas ce que l’on entend en règle générale lorsqu’il est question d’attractivité… Je m’interroge, aussi, quant au bien-fondé d’un certain discours dominant sur la compétitivité et l’attractivité. Une partie de ce discours voit dans la ville ou la région une page blanche, et ne vise qu’à attirer les meilleurs, les plus compétitifs, ceux qui vont apporter le plus d’avantages comparatifs dans le cadre d’une concurrence mondiale débridée. Or la dignité des politiques est de faire "avec ceux qui sont là". L’ambition et la réussite suprême des politiques sont de réaliser les aspirations d’une population qui est là, en l’aidant à vivre, à exercer ses activités économiques, mais aussi l’ensemble des activités non écono32


Paris brille-t-il ? miques, de la manière qui va lui permettre de mieux exprimer ses singularités, ses choix de culture, de civilisation, etc. Or je vois avec inquiétude une partie du discours sur l’attractivité et la compétitivité être un discours de déracinement, un discours qui réduit l’être humain à sa seule dimension économique, un discours qui fait des populations d’origine des "immigrés de l’intérieur". En gros, si le peuple ne répond pas aux critères économiques mondiaux, il faut changer le peuple ! Il y a dans ce type de posture, non seulement un excès de cynisme, mais aussi une grande illusion. D’abord, parce que cela instaure une concurrence de tous contre tous, qui peut ici ou là dégénérer en guerre de tous contre tous. Ensuite, parce que c’est la voie de la banalisation, de l’anonymisation. Toutes les personnes qui ont à voyager pour des raisons professionnelles connaissent bien ces villes qui ont si peu de personnalité qu’en passant de l’une à l’autre, d’un aéroport à un hôtel tous deux "internationaux", le décalage horaire aidant, on finit par ne plus savoir très bien où l’on est ! Ce modèle de ville mondialisée, sans signe distinctif ni originalité, n’est pas un modèle durable. Les villes qui se mettent en extraterritorialité par rapport à l’histoire et au terLa véritable ritoire dont elles sont issues, ont peu d’avenir. Le compétitivité des villes développement, l’affirmation (régionale ou monet des régions s'inscrit diale) et la véritable compétitivité des villes et dans le temps, dans des régions s’inscrivent davantage, sur la durée, l'approfondissement dans l’approfondissement de leurs particularités de leurs particularités culturelles. culturelles. Sur ces critères plus culturels, Paris devrait être bien positionné à l’échelle mondiale... Certes, mais plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Tout d’abord, par rapport à beaucoup d’autres villes dans le monde, Paris et sa région sont le fruit de politiques nationales, étatiques, qui ont été des politiques de développement de biens publics. Qu’il s’agisse des infrastructures, de la qualité de l’air (où d’incontestables progrès ont été réalisés ces dernières années) ou encore du bien-être de la population, nous sommes plongés 33


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France dans la culture française des biens publics (espaces publics gratuits, accès à un certain nombre de services, etc.). Deuxième élément, vu de l’autre côté du monde : Paris est d’abord une histoire, une population, avec une civilisation et une culture, bref tous les éléments qui correspondraient au "soft power" de l’analyse des champs concurrentiels. Quand vous regardez Paris depuis Pékin, c’est à la fois Victor Hugo et un certain nombre de chansons et de traditions historiques. On peut trouver cette approche réductrice. On ne saurait la nier. Le troisième élément renvoie à la qualité de la vie, c’est-à-dire, fondamentalement, à la volonté de se projeter dans un avenir commun. On sent cette volonté vibrante dans un certain nombre de villes des anciens pays en voie de développement, où les peuples sont très fortement tournés vers l’avenir, avec le sentiment de pouvoir agir sur cet avenir, et la certitude que leur situation sera meilleure dans 5 ou 10 ans. C’est un aspect essentiel des débats qui attendent le Grand Paris : la population francilienne est-elle collectivement tournée vers l’avenir, aspirée vers la confiance en une vie meilleure ? Cette question se pose à la plupart des autres métropoles européennes. Car l’Europe, collectivement, ne semble plus habitée par cette confiance en l’avenir. Le sentiment actuel est plus défensif : essayons déjà de conserver ce que l’on a. Avec quels leviers, selon vous, "essayer déjà de conserver ce que l'on a" ? Dans les 10 ou 20 prochaines années, l’un des éléments déterminants de la localisation des activités et du vouloir-vivre des habitants sera la qualité environnementale. La qualité de l’air, dont on mesure toute l’importance lorsque l’on rentre, par exemple, de Chine. Mais aussi l’aménagement global des espaces, la confiance dans l’eau et plus généralement dans les qualités sanitaires. À cet égard, il y aura forcément des ruptures dans la concurrence entre les villes dans le monde. Car dans un certain nombre d’entre elles, les gens acceptent de passer, généralement pour des raisons professionnelles, mais refusent absolument de s’y installer, notamment pour des raisons liées à 34


Paris brille-t-il ? la qualité sanitaire, de l’air, etc. Ces débats environnementaux sont fondamentaux. Comment le Grand Paris souhaite-t-il et peut-il s’y positionner comme un lieu gagnant ? Un second débat monte de manière accélérée. Il se situe également hors des critères financiers habituels, bien qu’il ait des implications financières considérables. C’est la question de la sécurité des biens et des personnes. Il y a des villes dans le monde où, en raison de multiples facteurs d’insécurité et d’incivilité, peu à peu, les entreprises et les individus, soit refusent d’y vivre, soit considèrent qu’ils y vivent dans des conditions de contrainte et de coût à terme insupportables. C’est un facteur d’autant plus préoccupant qu’il est actuellement très peu pris en compte. Or les seuls coûts financiers de l’insécurité sont déjà devenus invraisemblables dans certains secteurs, ainsi que je l’ai établi il y a quelques années dans un rapport écrit avec le concours de la CCIP et de nombreux spécialistes. Par exemple, sur certains chantiers, il faut suspendre les engins de travaux à des grues, la nuit, pour qu’ils ne soient pas volés. Un certain nombre d’activités, comme celle des entrepôts, ont vu leurs coûts de sécurité passive exploser en quelques années pour contrer d’éventuels délinquants, Il y a un certain voleurs, pillards, etc. Et je ne parle pas du drame aveuglement collectif de quartiers entiers où tous les services, publics face au problème puis privés, se sont retirés. Il y a un certain aveude la sécurité, un glement collectif face à cette situation. Certes, sujet extrêmement elle n’est pas propre à la région parisienne, lapréoccupant pour quelle souffre d’ailleurs plutôt moins de ce fléau l'avenir dont la ville de que d’autres métropoles occidentales - comme Paris doit, comme tant en atteste la véritable "tiers-mondisation" de d'autres, se saisir. nombreuses villes américaines. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un sujet extrêmement inquiétant pour l’avenir, dont la ville de Paris doit, comme tant d’autres, se saisir. Le troisième élément clé de l’attractivité est la singularité d’une culture, d’une population, d’un ensemble de mœurs et de comportements. À cet égard, comme je l’ai évoqué précédemment, un certain éloge de l’attractivité et de la compétitivité qui traiterait les hommes comme des facteurs de production que l’on 35


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France pourrait déplacer partout dans le monde, en négligeant totalement leur histoire et leur enracinement géographique, m’apparaît extrêmement dangereux. Parce qu’il conduit à détruire ce qui est probablement le premier facteur de notre force et de notre rayonnement, à savoir l’originalité de notre culture, terreau de toutes nos activités. Une Ile-de-France où l’on n’aurait plus que des "meeting sessions" en anglais, où le poulet tyka serait devenu - comme en Angleterre - le premier plat consommé, et où plus personne ne saurait très bien d’où l’on vient, à quelle culture on appartient, bref ce qui fait lien entre nous, ne serait certainement pas une région bien armée pour la compétition qui s’annonce. Déjà, nombre de visiteurs chinois ou russes font part de leur étonnement devant certains quartiers qui ne leur semblent pas très conformes à l’idée qu’ils se faisaient de la richesse et de la singularité de Paris. C’est le problème du multiculturalisme : la banalisation accélérée d’un certain nombre d’espaces urbains conduit à la négation de l’histoire et de la géographie. Or nous sommes engagés à l’échelle planétaire dans un sens rigoureusement inverse. Ce sont les villes et les régions qui auront su garder leur identité, leur originalité, qui rayonneront le plus. On le constate dès que l’on voyage, en particulier dans les pays dits "émergents". Pourtant, la mondialisation ne conduit-elle pas à une certaine uniformisation des façons de vivre, tout particulièrement dans les grandes métropoles internationales ? Attention à ne pas confondre la cause et l’effet ! La réalité est que nous sommes immergés dans une société de la technique. Or, où que ce soit dans le monde, la technique est formidablement banalisante : il n’y a pas mille manières de concevoir un aéroport, un échangeur d’autoroute ou même une tour. Nous avons vécu, et vivons encore pour partie, un moment d’uniformisation très violent du fait de la diffusion des mêmes techniques, systèmes et procédés à l’échelle planétaire. Mais ce phénomène d’appropriation des systèmes et techniques, qui avait été un quasi-monopole de l’Occident pendant des siècles, 36


Paris brille-t-il ? est pratiquement en voie d’achèvement du fait de son extension accélérée. Je crois qu’il faut faire très attention à la conclusion banale, mais fausse, selon laquelle, à partir du moment où l’on utilise les mêmes systèmes et techniques, le monde serait en train de s’uniformiser. Les peuples, les cultures, les histoires nationales s’étant appropriés ces techniques vont en faire les vecteurs de leur singularité. Regardez encore une fois les pays émergents, ou les vieux empires russes et chinois. La période qui s’ouvre va être assez rigoureusement contraire à celle d’une uniformisation du monde : on va assister au retour de la notion de territoire, à des phénomènes de séparation, à l’affirmation de la singularité et des particularités des peuples. Vous avez des exemples de ce "retournement du monde" ? Prenons l’Europe. On a cru qu’avec des outils, c’est-à-dire un marché puis une monnaie uniques, les Allemands, les Français et les Italiens allaient devenir des agents économiques semblables. On voit bien que ce n’est pas le cas, que cela ne marche pas. À partir du moment où il n’y a plus de menace de guerre, où tout semble se passer tout seul, sans difficulté majeure, les Bavarois sont encore plus Bavarois qu’avant, les Napolitains de même, etc. Il faut donc faire très attention aux conclusions hâtives sur ce qui se passe en termes de monnaie - c’est-à-dire de technique. Certes l’économie est un facteur de banalisation, mais pour autant, on voit bien L'explosion du système - et la crise va y conduire - que l’explosion du de l'argent conduit système de l’argent conduit chaque peuple et chaque peuple et chaque nation à reprendre en main son destin chaque nation à d’une manière qui lui est propre. reprendre en main son destin d'une manière

Nous voyons bien que la crise, qui est en train qui lui est propre. de s’approfondir en Europe, a séparé violemment les systèmes bancaires, qu’elle est en train de désintégrer la planète financière mondiale et de séparer des régions, des pays dans le monde, qui adoptent des voies et des solutions de survie différentes. Nous avons vécu une période extraordinairement violente et rapide d’unification, d’intégration. Mais nous sommes partis dans un sens tout aussi violemment contraire. 37


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France On le mesure précisément avec le retour de thèmes comme le patriotisme économique, la relocalisation, le "redressement productif". C’est déjà ce que disait Keynes en 1933 : "Essayons de produire chez nous tout ce que nous pouvons, mais surtout que la finance reste nationale." La question de la localisation des activités productives renvoie à la sécurité. Non plus seulement celle des biens et des personnes, mais la sécurité des contrats, donc la fiabilité des règles publiques : est-ce que les engagements pris seront respectés ? Et de façon plus large, c’est la question de la faculté de décider de ses échanges avec l’extérieur qui est posée, dans tous les domaines (échanges de biens, de services, de capitaux et d’hommes). À cet égard, je ne doute pas que l’un des éléments de la puissance et du rayonnement des régions ou des villes, dans les années à venir, résidera dans leur capacité à décider de la nature de leurs échanges avec l’extérieur. C’està-dire dans leurs capacités à les choisir, plutôt qu’à les subir.

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"Le logement est un facteur d’attractivité parce qu’il est inséparable de la notion, fondamentale, de qualité de vie" Julien Damon

Professeur associé à Sciences Po (master d'urbanisme)

entretiens

Paris brille-t-il ?

Comment définir l’attractivité d’une métropole mondiale comme l’Ile-de-France ? L’attractivité se distingue à mon sens de la compétitivité. Cette dernière vise à attirer des flux financiers et économiques, donc des entreprises, quand l’attractivité concerne plutôt les gens. La question centrale, quand on traite d’attractivité, est : qui veut-on attirer ? Est-ce que l’on veut faire venir des gens riches, de la main-d’œuvre bon marché, des jeunes pour compenser le vieillissement de la population, des emplois et/ou des entreprises ? Veut-on juste du passage (et de la consommation) ou des habitants qui vont faire souche ? Enfin, où veut-on précisément les attirer : au centre, dans certains quartiers ou à la périphérie, dans des hôtels ou des logements ? Et surtout : comment fait-on ? Toutes les métropoles ne veulent-elles pas attirer des gens riches - les célèbres "talentueux" décrits par Florida ? Les théories de l’attractivité s’organisent autour de deux pôles. D’un côté, Richard Florida en effet et ses nombreux disciples et thuriféraires estiment que l’attractivité d’une ville est le résultat de la règle des 3 T (tolérance, technologie, transports). De l’autre, Edward Glaeser, économiste à Harvard de sensibilité libérale, explique que la première condition de l’attractivité est la sécurité. À la tolérance de Florida répond ainsi la tolérance zéro de 39


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Glaeser ! Et aux 3 T pourraient correspondre une théorie "en 3 C" de l’attractivité urbaine : compétition (ou concurrence, comme source d’émulation), connexion (et donc espace de réalisation des projets humains – matrimoniaux ou d’affaires), capital humain (à attirer et sécuriser). Une autre idée intéressante de Glaeser, parce que contre-intuitive, est que les villes qui réussissent sont celles qui attirent les pauvres – et non pas les riches ! Les favelas de Rio, les bidonvilles de Lagos et les ghettos de Chicago n’ont certes rien de reluisant. Mais ils le sont, de fait, pour ceux qui veulent y accéder et qui préfèrent y rester afin de progresser, car les villes ont, quelle que soit leur forme, une fonction de portail d’accès aux marchés, aux services et aux réseaux. L’attractivité réelle se mesure par un chiffre très simple : le solde migratoire. Et de ce point de vue, Paris est globalement perdant. Toutes les enquêtes réalisées auprès de la population française placent les métropoles de province (Nantes, Aix-en-Provence, Toulouse, Lyon…) devant la capitale. Deux enquêtes internationales retiennent, parmi les villes où la qualité de vie est la plus élevée au monde, des métropoles comme Vienne, Zurich, Genève, Vancouver, Toronto, Melbourne ou Auckland. La première ville française n’est pas Paris, mais Lyon, au 33e rang, à égalité avec Chicago... Selon l’Observatoire Veolia des modes de vie urbains, si 82 % des Parisiens se déclarent satisfaits de leur ville, 65 % ayant fait le choix d’y vivre (ou d’y rester), seuls 58 % souhaitent voir leurs enfants y grandir. Les habitants de Londres ou de Hambourg se déclarent davantage satisfaits que les Parisiens de leurs conditions de vie. Quels sont dès lors les facteurs clés qui permettent aux métropoles mondiales d’être attractives ? Pour être volontairement un peu brutal, je dirais qu’il y en a deux : la sécurité et le coût du travail. Par "sécurité" il faut entendre qualité de vie, tranquillité, c’est-à-dire ce à quoi aspirent fondamentalement les gens. Et qui permet aussi de se déplacer au sien de l’espace urbain. Le coût du travail comprend à la fois le niveau de rémunération qui peut attirer des gens de profil talentueux et le coût, cette fois modeste, des services auxquels 40


Paris brille-t-il ? ces mêmes personnes ont recours. Ce facteur "coût" peut rejoindre celui de la sécurité lorsqu’il s’agit des investissements : tout territoire attractif à l’international permet d’investir raisonnablement, sans risque de captation de la richesse produite par un système confiscatoire, que celui-ci soit licite (protection sociale, impôts) ou illicite (racket, corruption). Au-delà de ces facteurs, comment une ville peut-elle plus globalement renforcer son attractivité ? Elle doit définir une stratégie, donc des priorités. Souhaite-telle investir plutôt sur des territoires (Place) ou des populations (People) ? Attirer des talents ou des populations pouvant servir la population locale (pratiquer le Brain Drain ou le Care Drain) ? Aménager la ségrégation ou organiser l’acceptation (Nimby ou Wimby) ? La notion d’attractivité souligne les paradoxes de l’échelle urbaine. Comment tout à la fois accroître l’immigration et renforcer la cohésion ? Relever les défis de la compétition et ceux de la coordination supra-urbaine ? Assurer le marketing des projets urbains et la vie des classes moyennes ? Face à ces questions, quelles sont les préconisations classiques de l’économie de l’attractivité ? D’abord, attirer les diplômés, les créateurs et les entrepreneurs. Investir dans les transports. Flexibiliser et accompagner le travail et l’emploi en ville. Insérer la ville dans les classements internationaux qui la concernent. Et enfin, promouvoir l’image d’un cosmopolitisme harmonieux…

La notion d'attractivité souligne les paradoxes de l'échelle urbaine. Comment tout à la fois accroître l'immigration et renforcer la cohésion ? Relever les défis de la compétition et ceux de la coordination supraurbaine ?..

Sachant que tous les économistes et urbanistes sérieux s’accordent à reconnaître que si, pendant longtemps, le travail est allé au capital (vous créez une usine et des gens viennent y travailler), aujourd’hui c’est un peu le contraire : vous développez de la qualité de vie, ce qui attire des gens de qualité, parce qu’ils aiment le site et aiment bien se croiser les uns les autres (par exemple dans la Silicon Valley ou à Paris). La fixation de ces "gens de qualité" permet d’attirer des capitaux (Venture Capital) pour développer 41


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France leurs activités et donc, finalement, assurer le développement de l’ensemble du territoire… Cette approche suppose une véritable politique de "marketing urbain"... Bien sûr. Elle est manifeste pour de nombreuses villes à travers des slogans comme I love New York, I amsterdam, ONLYLYON, etc. Ce type de signature manque incontestablement à l’Ile-deFrance, au Grand Paris, où prédominent les tensions institutionnelles et de leadership ou les problèmes de financement des grands réseaux, plutôt qu’une volonté de s’afficher de façon simple et unie à l’international. Le City Branding est pourtant en règle générale un motif - mieux : un moteur - de fierté et peut être redoutablement efficace. Mais là encore il convient de définir l’objectif prioritaire : soit faire de la cohésion pour des gens qui sont déjà là (habitants, usagers, électeurs, etc.), soit s’adresser à l’externe, pour attirer des gens. Car il y a certes tout ce que la ville peut produire, en matière d’aménité, d’espaces, de services (économiques, touristiques, etc.). Mais il y a aussi la ville comme produit : la ville qui se vend. Pour bien communiquer, il faut trouver une cohérence, une visibilité, une capacité de séduction. Paradoxalement, Paris est une des capitales les plus connues au monde, mais se heurte à la difficulté d’être à la fois la ville d’Amélie Poulain et celle des clusters technologiques ou de la Défense. On peut très bien décider de faire de Paris une ville-musée : c’est un choix, en soi, que de positionner la ville dans les flux mondiaux du tourisme. L’essentiel est de disposer d’une stratégie ! Justement, pensez-vous qu’il faille, par exemple, équilibrer le territoire ou au contraire le spécialiser en renforçant les pôles d’activité existants ? À l’échelle de l’Ile-de-France, la question peut en effet se poser de dé-densifier le cœur économique que constitue la Défense pour redistribuer les richesses au sein de l’espace francilien, par exemple en proche banlieue nord et est de Paris, dans le 42


Paris brille-t-il ? triangle de Gonesse, etc. Mais la vraie question est de savoir avec qui on est en concurrence. Historiquement, Paris est en compétition avec Londres et New York, cités auxquelles se sont ensuite greffées Tokyo (depuis les années 1970) puis la diagonale des ports (Hambourg et Amsterdam). Ces ports soulignent l’importance, en termes d’aménagement et de trafic, de l’axe de la Seine et du débouché maritime que constitue le port du Havre, un des enjeux du Grand Paris. C’est à cette échelle qu’il faut raisonner. Une ville globale est moins en lien, économique et financier, avec son territoire proche qu’avec d’autres villes globales sur la planète. La compétition mondiale nous oppose donc à d’autres grandes villes, mais lesquelles ? Shenzhen ne comptait que 200 000 habitants début 2000 : elle en abrite 10 millions aujourd’hui... On ne sait donc pas quelles seront les villes concurrentes de Paris en 2025, ni même si elles existent aujourd’hui ! Pour le dire simplement : les concurrents d’hier et d’aujourd’hui ne sont pas ceux de demain. Les premiers sont constitués au départ de villes industrielles qui se sont financiarisées, auxquelles s’ajoutent aujourd’hui des pôles plus improbables comme Pékin, Dubaï et Hong Kong. Il ne faut pas se Mais demain, est-ce que ce sera Sydney, pour sa focaliser sur nos qualité de vie, parce qu’on y travaillera mieux ? concurrents actuels, Ou São Paulo, ville émergente qui aurait été pamais travailler à cifiée ? Il ne faut donc pas forcément se focaliser construire ou sur nos concurrents actuels, mais travailler plutôt consolider de à construire ou consolider de véritables atouts. véritables atouts. Existe-t-il selon vous des modèles plus "vertueux" d’urbanisation ? La donne énergétique a un impact évident. Les modèles aujourd’hui valorisés sont des modèles de densité, de cités compactes, de "villes intenses"… Ainsi émerge un retour à la ville piétonne où, sans se débarrasser de l’automobile, on peut se déplacer à pied, au quotidien. Ce ne sera jamais le cas à Los Angeles, mais Paris est en passe de le devenir. Est-ce une ville qui fonctionne mieux ? Il faudrait savoir ce que l’on entend par 43


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France "mieux". L’objectif est-il que les habitants soient contents ou que l’intensité capitalistique de la ville lui permette de rayonner dans le monde ? Le sujet central est celui des tours. On ne peut pas espérer baisser les coûts du logement sans le densifier, donc en gagnant en hauteur. Mais comment, dans le même temps, préserver la singularité parisienne, notamment la beauté de ses bâtiments, qui fait de Paris la première destination touristique mondiale ? On peut toujours se faire vendre les modèles des autres – celui du Grand Londres notamment. Mais il existe une singularité du Grand Paris : chacune des 1 200 communes d’Ile-de-France a le droit d’autoriser ou non à construire. Il n’y a pas une autre métropole concurrente où existe une telle dispersion de la règle d’urbanisme. Contrairement à des villes comme New York, où le maire est le vrai patron, la gouvernance du Grand Paris pèche par sa faiblesse, son illisibilité. Ce "souffle" de la démocratie locale française est un frein par rapport à d’autres grandes villes… C’est pourquoi Paris peut être relativement mal placé dans les classements internationaux ? Le problème est plus profond. Si vous considérez que c’est l’économie, sa puissance et sa dynamique, qui constituent le moteur de l’attractivité, Paris est de toute évidence en retrait. L’attractivité économique se mesurant à l’aune du nombre de grandes entreprises internationales dont vous pouvez soit attirer soit conserver le siège social, le départ de Schneider à Hong-Kong est extrêmement préoccupant pour la place parisienne. D’ailleurs, le McKinsey Global Institute, qui travaille sur le croisement du PIB et de la population des métropoles, estime que Paris ne sera plus qu’à la 26e place en 2025. Parmi les 100 premières villes mondiales, 28 seront chinoises... Si vous considérez que c’est le cadre de vie qui importe en premier lieu, y compris comme vecteur de développement économique, Paris n’est guère plus attractif à mon avis. Tout d’abord, c’est une ville sale, dont les rues sont en voie de tiers-mondisa44


Paris brille-t-il ? tion. Cela ne signifie pas que l’aspect multiculturel d’une ville ne peut pas être un avantage. Mais tout dépend de l’ampleur des divers types de populations et de culture concernées, de leurs apports relatifs, de leur intégration - ou non - dans l’espace urbain… Les décideurs qui arrivent Gare du nord, en provenance d’Amsterdam en Thalys ou de Londres en Eurostar, changent littéralement de monde. Imaginez un investisseur coréen atterrissant à Roissy : il vaut mieux aller le chercher à l’aéroport que de le laisser prendre le RER ! Si Paris reste la première destination touristique mondiale, elle n’est pas si bien placée en termes de qualité de vie. En raison de cette dégradation des espaces publics, qui heurte les visiteurs en provenance de villes "concurrentes" comme Londres ou New York, et plus encore Singapour, Hong Kong ou n’importe quelle ville chinoise. Mais également en raison du coût du logement. L’élite diplômée des plus grandes universités du monde entier et bénéficiant de très hauts revenus peut certes "se payer" Paris. Mais ce n’est plus le cas des autres. Il s’agit certes ici du "petit Paris" de 100 km2 et pas du Grand Paris à l’échelle de l’Ile-de-France, mais c’est tout de même problématique de ne pas pouvoir attirer les gens au centre de son agglomération. Le logement à Paris est-il vraiment plus coûteux que dans des villes comparables ?

La pression immobilière parisienne est une réalité. Seuls 2 % des Parisiens - contre 14 % des Londoniens et 51 % des Berlinois - estiment pouvoir "trouver facilement un logement à prix raisonnable" dans leur ville !

La pression immobilière parisienne est une réalité : à 10 000 € le prix du m2, il faut quasiment un an de SMIC pour acheter un mètre carré ! C’est surtout en termes de comparaison et d’impression - de représentation - que ce chiffre est préoccupant. L’affirmation selon laquelle "on trouve facilement un logement à prix raisonnable dans sa ville" est partagée par 51 % des Berlinois, 29 % des Athéniens, 17 % des Bruxellois ou encore 14 % des Londoniens, mais par seulement 2 % des Parisiens ! Londres mise à part, nous sommes parmi les métropoles mondiales comparables les plus chères. Surtout à l’achat, car les prix à la location ont pour leur part plutôt accompagné l’évolution du niveau de vie et ne constituent donc pas un pro45


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France blème majeur. Quant à la correction par le logement social, elle n’a aucune incidence sur l’attractivité, puisque celle-ci concerne principalement des hauts potentiels et des hauts revenus. Le logement est donc un facteur d’attractivité ? Bien sûr, parce qu’il est inséparable de la notion, fondamentale, de qualité de vie. Regardez encore l’enquête Veolia. Aux questions "Souhaitez-vous quitter la ville dans laquelle vous habitez ?" ou "Souhaitez-vous élever vos enfants dans la ville que vous habitez ?", Paris a une attractivité proche de celle de New York, mais se situe loin derrière les métropoles de province. Globalement, les habitants de Pékin et Shanghai, mais aussi de Bombay, sont davantage satisfaits de leurs conditions de vie que les Parisiens. Même si ceux-ci sont un peu râleurs, et que toute enquête peut être discutée quant à sa méthodologie, ces résultats laissent un peu rêveur… Si le logement social n’est pas un facteur d’attractivité, qu’en est-il de la mixité sociale ? La mixité est une réalité en France : il suffit de se promener dans la rue ! Mais dans le même temps, le logement reste ce qui permet de se distinguer les uns des autres. L’intérêt de la mixité urbaine est surtout celle des usages, c’est-à-dire la capacité à se partager la ville entre populations et activités différentes : les jeunes qui veulent faire du skateboard, les familles qui veulent faire du vélo, les taxis qui veulent travailler, etc. Soulignons au passage que l’option anti-voiture prise à Paris a eu des conséquences négatives dans ce domaine, en particulier en matière de logistique urbaine. S’agissant de la dialectique entre cohésion sociale et équilibre territorial, Paris a un indice d’inégalité bien moindre que la plupart des autres agglomérations. Nous avons certes la SeineSaint-Denis et les problèmes qui s’y étendent, mais nous ne sommes pas à un niveau de ségrégation et de difficultés d’une ville comme New York par exemple. La question se pose différemment, de façon dynamique. Comme le dit Michel Godet : al46


Paris brille-t-il ? lons-nous vers une "Seine-Saint-Denisation" de l’Ile-de-France ou serons-nous au contraire capables de "gentrifier" la SeineSaint-Denis ? D’en faire non pas un sas d’immigration mais un endroit où les gens travaillent et consomment à peu près normalement. L’une des grandes tâches sur l’Ile-de-France, qui est terrible au premier chef pour ses habitants, c’est la Seine-Saint-Denis. Les émeutes de 2005 ont Les émeutes de 2005 fait beaucoup de dégâts. Elles n’illustraient pas en banlieue, relayées le niveau de relégation des populations concerdans le monde entier, nées, mais le niveau de violence qui peut être ont fait beaucoup de atteint dans bon nombre de quartiers français tort à l'attractivité - et de quartiers franciliens en particulier. Ces de Paris. Parce images, relayées dans le monde entier, ont fait qu'une ville n'est pas davantage de tort à l’attractivité de Paris que seulement un lieu, elle toutes les enquêtes proposant des classements. est faite de chair avant Parce qu’une ville n’est pas seulement un lieu, d'être de béton ! un ensemble d’infrastructures. Ce sont des gens, des masses d’habitants interconnectés. La ville réelle est faite de chair avant d’être de béton !

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"Compétitivité et attractivité : même combat !" Pierre Simon

Président de Paris-Ile de France Capitale Economique Ancien président de la CCIP et de la CRCI Ile-de-France

entretiens

Paris brille-t-il ?

Vous présidez l’association de promotion "Paris-Ile de France Capitale Economique", qui anime notamment l’Observatoire des Investissements Internationaux. Quels sont les principaux enseignements de son étude 2 012 ? D’abord une confirmation : les grandes métropoles attirent de plus en plus d’investissements étrangers. Et aujourd’hui, les 20 villes les plus importantes dans le monde captent presque la moitié de ces investissements. Ce mouvement de concentration est particulièrement criant dans notre pays. Il y a vingt ans, Paris attirait 5 % des investissements en direction de la France : c’est aujourd’hui près de 50 %. Soulignons cependant que cette capacité d’attractivité des grandes métropoles ne se réalise pas au détriment du territoire national, car la métropole est souvent le point d’entrée et la locomotive des investissements étrangers qui bénéficient à tous.

Par ailleurs, l’Europe demeure la première destination des investissements étrangers et en capte le tiers tous les ans, ce qui est considérable (même en sachant que les investissements intra-européens, majoritaires, sont considérés comme des investissements internationaux). Mais on assiste à une montée en régime extrêmement forte des nouveaux entrants - et en particulier des BRIC. Parmi les 5 métropoles les plus attractives au monde figurent en effet 2 villes chinoises (Hong-Kong et Shanghai), et parmi les 10 premières s’y ajoutent Mumbai (Bombay) et São Paulo, qui étaient hors classement il y a encore quelques années. Attention à l’interprétation de ces don49


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France nées : le développement rapide de ces villes ne nous est pas défavorable en soi, puisqu’il permet les investissements internationaux de leur État. Nous bénéficions donc, en partie, de leur dynamisme : les investissements d’origine asiatique à Paris sont passés de 5 % à 20 %. Un autre constat de cette étude s’impose : les métropoles qui ont mené des politiques très volontaristes en faveur des nouvelles technologies bénéficient d’un retour sur investissement. C’est vrai surtout des États-Unis : New York et San Francisco, qui semblaient en perte de vitesse, ont regagné des places, donc des parts de marché dans la compétition mondiale, en devenant des "smart cities". Et s’agissant plus spécifiquement de Paris et de la région parisienne ? On y observe la confirmation de l’importance des investissements étrangers dans le taux d’emploi. Les entreprises qui sont créées ou se développent grâce à des investissements étrangers représentent en effet 20 % de l’emploi de l’Ile-de-France. Ce chiffre considérable atteste de l’ouverture à l’international de la Région Capitale. Nous disposons d’ailleurs d’une bonne image globale et restons, ces 5 dernières années, dans le peloton des 5 premières destinations pour les investissements internationaux dits "Greenfield", c’est-à-dire liés à une création d’activité, de filiale (et non à l’extension ou au développement d’une activité existante). En nombre de projets, nous sommes passés de 9 investissements greenfield et 1 700 emplois créés en 1995 à 170 investissements créateurs de 8 200 emplois en 2010. Mais cette moyenne générale est trompeuse. D’une part, nous perdons chaque année une place, pour arriver désormais à la 5e - et même à la 6e selon les premières données 2012 ! D’autre part, les investissements greenfield sont de moins en moins nombreux à Paris depuis maintenant 3 ans, alors qu’ils sont en augmentation partout dans le monde. En un mot, la région francilienne est clairement l’une des grandes métropoles du monde, mais sa position s’effrite. 50


Paris brille-t-il ? Quels sont les critères privilégiés par les entreprises pour choisir la localisation de leurs projets ? Le choix est effectué au regard des fondamentaux de l’entreprise. Le tout premier critère est ainsi la sécurité, entendue au sens large, comprenant ses dimensions politique et juridique (dont la stabilité juridique et fiscale, celle de la réglementation, etc.). Et Paris ne figure pas parmi les cinq premières destinations sur ce critère ! Nous souffrons en fait d’un décalage permanent entre l’image de notre pays et sa réalité. Nous sommes ainsi perçus à l’étranger comme un pays réglementé, donc instable, et pas très ouvert, complexe voire opaque Le notariat dans son fonctionnement. Or lorsque vous expliapparaît coûteux quez à des investisseurs étrangers que certains aux investisseurs aspects de cette réglementation constituent des étrangers, mais éléments de sécurité juridique, ils comprennent il est un élément et apprécient. Ainsi du notariat, que les agents indispensable à la immobiliers connaissent bien : c’est un système sécurité juridique des qui apparaît de prime abord monopolistique et opérations, donc un coûteux, mais qui garantit sans contestation facteur d'attractivité. possible la fiabilité des signatures ! De manière plus générale, les entreprises s’implantent là où il y a de la croissance et un accès à un grand marché. Autant nous sommes peu attractifs sur le premier critère, au moins de façon conjoncturelle, autant nous sommes très bien positionnés sur le second, Paris ouvrant sur le marché européen, qui reste le premier au monde. Pourtant, nous ne sommes pas ici non plus classés parmi les cinq premières métropoles mondiales… Suivent les critères plus classiques, comme la qualité des infrastructures (immobilières, de transport, etc.), celle de l’éducation et de la formation, la qualité de vie (le seul critère pour lequel nous nous classons parmi les cinq premières villes mondiales, mais qui n’est cité qu’en 8e ou 9e position par les chefs d’entreprises étrangers pour leurs choix d’implantation). Conclusion : il nous faut redoubler d’efforts de promotion. La faiblesse actuelle de la zone euro au sein de l’économie mondiale exige de déployer davantage d’énergie pour convaincre nos 51


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France "clients" : nous sommes bien meilleurs que l’image que nous renvoyons ! Quels sont finalement les principaux atouts de Paris et de sa région ? Nous disposons d’énormément d’atouts, dont un de taille : notre puissance économique. Le PIB francilien pèse davantage que celui de la Belgique et se compare à celui de la Suisse. Il est surtout très diversifié. Quand Londres dépend à 35 % des activités financières, celles-ci ne représentent que 8 à 10 % du PIB du Grand Paris. Toutes les activités sont présentes sur le territoire francilien. Savons-nous par exemple que le PIB dégagé par les activités aéronautiques et spatiales en Ile-de-France est supérieur à celui de Toulouse ? C’est un inconvénient du facteur taille et de la densité des activités : même des points forts peuvent passer inaperçus… Regardez le salon "Maison et Objets", le plus important à l’échelle mondiale dans son domaine : qui en entend réellement parler en Ile-de-France ? À ce risque d’anonymat s’ajoute la difficulté à initier une solidarité territoriale à l’échelle de la métropole. Un autre atout important est celui de la recherche. Il y a deux fois plus de chercheurs en Ile-de-France que dans le Grand Londres et il s’y dépose deux fois plus de brevets - même si c’est la capitale britannique qui bénéficie de la meilleure image en termes de création et d’innovation pour les entreprises ! De même, nous n’avons pas de complexes à avoir s’agissant des infrastructures de transport, des équipements et réseaux informatiques, de la qualité du personnel, etc. Enfin, nous sommes la première destination touristique du monde et restons très bien placés pour l’organisation et la gestion d’événements, Paris disputant systématiquement la 1re place mondiale à Singapour pour les congrès et salons. Bref, nous avons énormément d’atouts, même si notre image n’en atteste pas de façon suffisamment manifeste. Dès lors, comment renforcer cette image du Grand Paris à l’international ? 52


Paris brille-t-il ? Quel est l’homme politique qui porte et fait la promotion de Paris à l’international ? Et j’entends ici Paris au sens du Grand Paris, de la région parisienne ou capitale : à l’international, ces réalités sont les mêmes. Le maire du Grand Londres passe une grande partie de son temps à assurer la promotion de sa région et celui de la City est en représentation à l’étranger 100 jours par an ! En France, il est indéniable que Gérard Collomb personnalise Lyon – de même Martine Aubry à Lille et Alain Juppé à Bordeaux. Mais qui personnalise l’ambition de la Région Capitale ? Nous sommes face à un réel problème de gouvernance. Quels sont nos autres handicaps et comment les surmonter ? Notre principal handicap reste celui de l’image, de l’absence de personnalisation de notre région. Nous progressons certes, avec la mise au point d’argumentaires et de référentiels de communication communs à l’ensemble des collectivités franciliennes. Il est en effet essentiel de savoir de quels messages nous sommes porteurs : nous devons impérativement définir notre ambition ! Paris est sans doute

À ce sujet, la marque Grand Paris (Greater Pal'une des marques ris) fonctionne bien à l’étranger. L’Ile-de-France les plus connues au est un nom magnifique, porteur de sens, mais monde, avec les jeans malheureusement incompréhensible hors de Levi's, Coca Cola et la nos frontières : tout le monde se demande où est carte Visa. Il faut donc cette île… Tandis que Paris est sans doute l’une absolument l'utiliser, des marques les plus connues au monde, avec d'autant plus qu'il n'y les jeans Levi’s, Coca Cola et la carte Visa. Il a pas de véritable faut donc absolument l’utiliser, d’autant plus qu’il alternative. n’y a pas de véritable alternative. "Paris Métropole" n’est pas suffisamment clair pour un étranger et la bannière Paris Region promue par le Conseil régional est ambiguë : le terme de "région" recouvre des réalités très diverses selon les pays. En Allemagne par exemple, il correspond à l’agglomération, soit un échelon intermédiaire entre la ville et le Land. En Italie, la région est davantage comparable à notre département… Mais le Grand Francfort ou le Grand Turin sont, à l’instar 53


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France du Grand Paris (et bientôt du Grand Moscou), immédiatement compréhensibles. À défaut d’être original, cela fonctionne ! L’attractivité d’une région se mesure également au dynamisme de son tissu économique, à la capacité de ses entreprises à se projeter et à conquérir des parts de marché à l’international… Compétitivité et attractivité, même combat ! Les échanges internationaux s’organisent dans les deux sens. Plus une région a une position forte à l’étranger, plus elle attire d’étrangers, parce qu’elle donne une image de dynamisme, d’ouverture à l’international, de compétence… Regardez l’Allemagne. Son caractère décentralisé l’empêche de disposer de grandes métropoles de rang mondial comparables à Paris, et donc de figurer dans les classements internationaux de ce type. Mais elle vient de dépasser la France en termes d’investissements internationaux greenfield. La leçon est claire : plus nous développerons notre commerce extérieur, et plus nous serons attractifs ! C’est un cercle vertueux : plus on exporte et plus on dispose de réseaux de relations auprès desquels on diffuse une image de dynamisme qui séduit les investisseurs. D’ailleurs, les critères d’attractivité recoupent très largement les facteurs de compétitivité. Qu’attendre du Grand Paris dans ce domaine ? Derrière la notion de Grand Paris, il y a le hard (les infrastructures de transport et les logements principalement) et le soft. Ce dernier doit être davantage pris en compte. Je pense en particulier à la dynamisation des territoires identifiés comme prioritaires, où il faut s’assurer que la recherche débouche sur de l’innovation et celle-ci sur de la création de valeur. Qu’on le veuille ou non, une métropole mondiale n’est pas le lieu de l’industrie lourde, mais un territoire où l’on développe de l’activité à haute valeur ajoutée (recherche, industries de la création, etc.). On réussira le Grand Paris si, sur chacun des territoires, on réussit ce développement économique. Très concrètement, il faut à la fois renforcer nos atouts, à commencer par le quartier de la Défense, et développer nos potentiels, notamment sur 54


Paris brille-t-il ? Paris Saclay ou Plaine de France. Ce qui repose la question de la gouvernance. Il faut une autorité incontestable et une entité clairement identifiée pour coordonner efficacement ces différents chantiers ! Paris reste très attractif sur le marché de l’immobilier, en particulier de bureau. Comment l’expliquer ? La Région Capitale est en effet le 2e marché d’immobilier de bureau au monde après Tokyo et représente deux fois celui de Londres. Nous disposons d’une infrastructure immobilière de toute première qualité, comptant plus de 50 millions de m2 occupés à plus de 95 %. À la Défense, entre 40 % et 50 % des surfaces sont la propriété d’investisseurs étrangers. Depuis des années, l’investissement immobilier à Paris attire en raison des caractéristiques du marché : sa taille, sa qualité, son taux d’occupation et les rendements qui y sont associés. La France dispose d’un atout de taille : ses grandes entreprises foncières cotées. Ces entreprises sont capables de lancer des programmes ambitieux, à la fois dans l’immobilier résidentiel et de bureau, avec toute une série de projets importants (notamment à la Défense et aux portes de Paris), et dans l’immobilier commercial. La valeur immobilière est pour partie fondée sur la représentation que s’en font les acheteurs, sur l’impression qu’ils ont de la ville, ce qui renvoie à son image, son dynamisme…

Nous disposons d'un atout de taille, nos grandes entreprises foncières cotées, qui sont capables de lancer des programmes ambitieux, à la fois dans l'immobilier résidentiel et de bureau.

Les investisseurs immobiliers sont des gens très avertis, qui connaissent bien les marchés internationaux. Il peut y avoir des "coups de cœur" comme disent les professionnels, pour un appartement de prestige ou un hôtel particulier par exemple. Mais en règle générale, et en particulier pour l’immobilier d’entreprise, les compagnies d’assurance et les grands fonds de pension américains ou canadiens - en réalité plus importants que les fonds du Moyen-Orient dont on 55


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France entend beaucoup parler -, disposent d’équipes extrêmement professionnelles. Ils constatent que Paris demeure un marché immobilier attractif, et ce depuis de nombreuses années. Aucun des grands investisseurs internationaux venus sur le marché immobilier parisien depuis 15 ans n’a eu à le regretter ! La taille du marché y est pour beaucoup, mais également sa résilience face aux soubresauts économiques. Au début des années 1990, nous avons connu une grave crise immobilière, d’ailleurs mondiale. Paris a globalement moins souffert que Londres ou New York par exemple, mais nous avions anticipé de manière excessive sur les besoins. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où les promoteurs font preuve de prudence et d’expertise : il n’y a aucun suréquipement de bureaux à Paris. En dépit d’une conjoncture économique dégradée, la destination parisienne garde de nombreux avantages. Mais aucune position n’est définitivement acquise. La finance islamique notamment est en train de prendre une part significative dans les investissements internationaux, y compris dans l’immobilier. Il est donc important de disposer d’une offre d’investissements qui soient compatibles avec les règles spécifiques de cette finance, d’autant plus qu’elles relèvent davantage, à mon sens, de la responsabilité sociale et éthique des entreprises que de la religion au sens strict. À l’instar de nos concurrents anglo-saxons, il faut savoir faire preuve de pragmatisme !

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"On a besoin d’une ambition collective pour conforter l’attractivité de l’agglomération parisienne !" Maurice Gauchot

Dirigeant d'une société conseil en immobilier d'entreprise

entretiens

Paris brille-t-il ?

Vous présidez CBRE France, un groupe spécialisé dans le conseil en immobilier d’entreprise. Quel regard portezvous sur le marché francilien ? Le marché francilien a pour caractéristique première de constituer l’un des premiers marchés tertiaires mondiaux, en concurrence avec Manhattan et Tokyo. Toutes les autres métropoles sont loin derrière. C’est donc un marché très attractif, très actif, sur lequel beaucoup d’investisseurs se sont positionnés au cours des années passées. L’attractivité francilienne est principalement le fait de deux facteurs. Premièrement, Paris est, selon l’expression consacrée, une "ville monde", de dimension et de réputation internationales. Deuxièmement, l’Ile-de-France concentre la quasi-totalité des grands centres de décision, qu’ils soient publics ou privés, en raison du caractère extrêmement centralisé du pouvoir en France. Les volumes de transactions qui s’y font chaque année, que ce soit en investissement ou en location, font donc de la région capitale un marché hors normes. Un marché qui est également remarquable du fait de sa relative stabilité : les évolutions de valeurs, à la hausse ou à la baisse, y sont moins fortes que dans d’autres marchés plus volatils. En quoi ce marché est-il attractif par rapport à d’autres métropoles mondiales ? 57


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France En Europe, les marchés de Londres et de Paris au sens large (Greater London et région Ile-de-France) sont les deux seuls dans leur catégorie. Les autres grandes villes potentiellement concurrentes ont des parcs tertiaires beaucoup plus modestes, que ce soit en Espagne (avec Madrid et Barcelone), en Italie (Milan, Turin, Rome), en Allemagne (Francfort, Düsseldorf, Munich, etc.). Pour une raison simple : ce sont des pays qui n’ont pas connu de profond mouvement de centralisation politique, contrairement à la France, comme je l’ai souligné, et à l’Angleterre. Toujours est-il que le marché francilien présente un intérêt spécifique pour les investisseurs. Précisément, quels sont les grands facteurs d’attractivité de l’agglomération parisienne et ses principaux handicaps ? La région est une excellente porte d’entrée pour toute l’Europe continentale, à la fois en raison de sa localisation et de son accessibilité, via les plateformes aéroportuaires et les réseaux de TGV. S’y ajoutent d’autres facteurs d’attractivité comme la qualité de sa main-d’œuvre et de son cadre de vie, la variété de l’offre immobilière, etc. Les handicaps de ce marché ne sont pas, de mon point de vue, propres à l’agglomération parisienne. Le premier handicap est celui de la fiscalité, tant du patrimoine que de l’activité, des revenus et des entreprises : sans chercher de vaines polémiques, elle joue clairement en notre défaveur. La décision de créer une nouvelle taxe pour financer les infrastructures du Grand Paris ne fait que renforcer ce climat. On en comprend la motivation, mais cela rend extrêmement difficile le montage d’opérations immobilières dans certains secteurs, parce que la taxation absorbe une partie du coût du terrain et peut dissuader les propriétaires de vendre. Pour quelqu’un qui cherche à faire un choix d’implantation européen, la capitale de la France sera donc défavorisée par sa fiscalité. Mais elle pourra être finalement privilégiée en raison d’autres critères : son cadre de vie et son attractivité culturelle, 58


Paris brille-t-il ? la qualité de ses services de santé (qu’apprécient tout particulièrement les Américains), etc. Quelles évolutions notables peut-on constater ces dernières années ? Quelles évolutions prévoir ? On observe des évolutions liées à la maturité ou à l’émergence de certains sites. Il est ainsi devenu de plus en plus difficile de construire ou de restructurer des immeubles, singulièrement de grande taille, dans Paris. Malgré les projets de Paris Rive Gauche ou du XVe arrondissement, de nombreuses entreprises continuent de devoir quitter Paris parce que l’offre n’y est pas suffisante. Ces entreprises vont en général dans les communes de la première couronne, y compris dans des secteurs jusqu’alors un peu moins attractifs de la banlieue Nord (SaintDenis, Aubervilliers, Montreuil) et Est. Ces zones connaissent un développement particulièrement dynamique. Qu’attendez-vous du Grand Paris en matière de renforcement de l’attractivité de la région ? Je salue dans le Grand

Ce que je salue dans le Grand Paris, c’est le Paris le retour d'une retour d’une ambition. Une ambition en matière ambition en matière d’aménagement, de cadre de développement et, d'aménagement, partant, d’amélioration que l’on espère notable de cadre de des transports en commun. Ils sont aujourd’hui développement et totalement surchargés sur beaucoup d’axes, et d'amélioration que l'on chaque nouvelle grande implantation tertiaire, à espère notable des Saint-Denis ou ailleurs, les sature ou risque de transports en les saturer encore davantage. commun. On voit donc bien que cette difficulté est un frein au développement économique de l’agglomération. L’ambition qu’avait le schéma directeur de 1965, avec la Défense, les villes nouvelles, le RER, l’A86 et la Francilienne, par exemple, a formidablement structuré le développement de l’Ile-de-France. Mais, depuis 40 ans, rien n’avait été vraiment entrepris. Avec ce projet du Grand Paris, on renoue avec une forme d’ambition collective. Et on en a besoin pour restaurer ou conforter l’attractivité d’une ville comme Paris ! 59


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Quel peut être le rôle des professionnels de l’immobilier pour participer à cette ambition ? Notre premier rôle me semble devoir être de la soutenir. En rappelant que les marchés comme les nôtres ont besoin d’ambition, de points de repères, de respiration. Et que cette respiration passe par l’amélioration des infrastructures, je l’ai dit, mais également par des projets d’urbanisme susceptibles de créer de la valeur. Notre soutien, en tant que professionnels de l’immobilier, se traduit par notre participation aux échanges et discussions, notamment lorsqu’il s’agit de définir ce que pourraient être de nouveaux pôles tertiaires, les affectations foncières dans tel ou tel secteur, etc. Car nous avons deux craintes. La première est celle du risque de saupoudrage. Il ne faudrait pas en effet que chacune des stations prévues pour le nouveau réseau de transports en commun autour de Paris soit constituée, pour des raisons par ailleurs compréhensibles d’ambition politique locale, d’un peu de bureaux, de logements, de commerces… À part la gare et son voisinage immédiat, il n’y a plus d’intérêt à une telle approche. Car les marchés, notamment tertiaires, ont besoin d’une masse critique pour se constituer et exister, notamment en termes d’attractivité. Une dispersion des efforts ne répond pas à cette problématique. Une autre crainte tient au risque pratiquement inverse : celui de voir prédéterminer la vocation de tel ou tel site, pour l’accueil de tel ou tel type d’entreprises. Ce type de spécialisation imposée n’est jamais très commode à réaliser et ne débouche que très rarement sur des réussites, car c’est oublier un peu vite que les entreprises peuvent avoir des envies - et des besoins contraires ! Tout particulièrement dans le domaine tertiaire, l’implantation des entreprises se décide aussi beaucoup en fonction de leurs salariés, de leurs lieux d’habitation privilégiés, des moyens de transport accessibles pour rejoindre l’entreprise chaque jour, etc. On a pu se heurter dans le passé à des approches un peu dogmatiques en la matière, qui se sont brisées sur la réalité. Il conviendrait d’éviter de les renouveler. Car on peut certes concevoir une couveuse d’entreprises dédiées à l’Internet… mais pas à 15 kilomètres au nord de Roissy ! Il faut 60


Paris brille-t-il ? être sérieux. De même lorsque l’on décrète que les entreprises de l’industrie pharmaceutique doivent s’implanter autour d’Orly : il n’y en a pas beaucoup… Tout simplement parce que leurs salariés sont ailleurs, de même que leurs centres d’intérêt, qui sont focalisés sur les ministères, les grands hôpitaux de l’APHP, etc. Ce qui nous inquiéterait, ce serait donc la non-prise en compte des réalités dans les choix stratégiques ou de marketing urbain liés aux projets du Grand Paris. Vous avez souligné le lien étroit entre immobilier de bureau et logement… Étant dans le métier de l’immobilier d’entreprise depuis 35 ans, je constate même que ce lien se resserre de plus en plus. Je suis en effet frappé par le fait que les entreprises, dans leur grande majorité, ne se déplacent plus de façon spectaculaire : leurs éventuels déménagements s’effectuent dans la même zone d’emploi. Dans les années 1970, une entreprise quittait facilement Paris pour Cergy-Pontoise, par exemple. Aujourd’hui, la même entreprise choisirait Nanterre ou Bezons. Pourquoi ? En raison d’une double et très forte dépendance. Celle des salariés à leur domicile, Les entreprises ne sans doute en raison des difficultés de logese déplacent plus de ment, et donc leur faible mobilité géographique. façon spectaculaire, Et la dépendance des entreprises à leurs salacar elles sont riés : cela peut paraître paradoxal avec un taux dépendantes de de chômage de plus de 10 %, mais l’entreprise leurs collaborateurs, ne tient pas à perdre ses collaborateurs. Elle fait lesquels sont donc en sorte de leur être accessible. dépendants de leur domicile, et sont donc

Pendant longtemps, les entreprises se déplamoins mobiles. çaient et allaient assez loin car c’était pour elles, aussi, un moyen détourné de redimensionner leurs effectifs… Aujourd’hui, elles utilisent les choix de localisation pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire les moyens d’assurer leur développement. C’est pourquoi l’agglomération parisienne reste si attractive !

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Paris brille-t-il ?

Georges Pahud

Courtier immobilier à Vancouver, Président de l'International Consortium of Real Estate Associations

entretiens

"Le Canada se tourne souvent vers Paris pour développer ses affaires en Europe "

Quelle est la stratégie d’attractivité du Canada et de ses grandes cités ? Le Canada est reconnu pour son coût de la vie avantageux, sa qualité de vie, ses grands espaces, et il offre de surcroît des services sociaux de qualité. C’est aussi un endroit des plus rentables pour les affaires internationales et l'investissement étranger direct. L’économie canadienne affiche continuellement de meilleurs résultats que ceux de la plupart des autres pays industrialisés. Les coûts canadiens d’exploitation et le taux d’imposition des sociétés sont peu élevés, l’accès aux marchés est facile, la main-d’œuvre est hautement qualifiée et instruite, le soutien du public à la R&D est important et, enfin, les institutions financières sont stables et solides, tous facteurs qui contribuent à l’attractivité globale du pays. Le Canada est en outre une rampe de lancement extraordinaire pour conduire des affaires en Amérique. En effet, le pays partage la plus importante frontière au monde avec les États-Unis, son premier partenaire économique, et développe une importante stratégie commerciale à travers tout le continent. D'après la revue Forbes, le Canada est le meilleur pays du monde où les entreprises peuvent prendre de l'expansion et créer des emplois. Pour la quatrième année consécutive, le système bancaire canadien a été jugé le plus solide par le Forum économique mondial. 63


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Pays d’immigration qui a adopté deux langues officielles (le français et l’anglais), le Canada peut compter sur une population active souvent multilingue et éduquée. La stratégie économique du pays est fortement tournée vers l’international, incluant la négociation de multiples accords de libre-échange. Enfin, la diversification de l’économie canadienne contribue à favoriser l’innovation : les partenariats intersectoriels entre les universités et les organismes du secteur privé ont permis de créer des centres d’innovation régionaux dans tout le pays, ce qui contribue à susciter l’intérêt des entreprises et des travailleurs. Quel est le rôle ou l’importance de l’immobilier dans cette stratégie ? Un secteur immobilier qui offre des coûts d’habitation avantageux fait partie des raisons pour lesquelles plusieurs membres de la communauté d’affaires désirent s’établir au Canada. Au cours des dernières années, malgré la crise du crédit hypothécaire qui a frappé l'économie américaine, le secteur immobilier canadien a continué d'afficher une croissance modérée. Tous reconnaissent d’ailleurs les avantages d’un secteur immobilier en croissance - dont la création d’emplois. Cela dit, il est important de demeurer vigilant car la situation économique mondiale, incluant l’économie américaine, est encore fragile. Le secteur de l'immobilier canadien doit aussi composer avec une pénurie de main-d'œuvre spécialisée, une offre restreinte de terrains dans les grands centres et une augmentation des attentes envers les entreprises et leur responsabilité sociale. L’environnement réglementaire et législatif du secteur immobilier relève presque entièrement des gouvernements provinciaux qui ont la mainmise exclusive sur leur territoire. Par ailleurs, la politique fiscale fédérale doit continuer à stimuler l’économie. Les transactions immobilières jouent un rôle important dans l'économie canadienne. Une transaction immobilière résidentielle typique génère plus de 42 000 $ en retombées économiques. Cela représente un total annuel anticipé de 20 milliards 64


Paris brille-t-il ? de $ et la création de plus de 165 000 emplois en 2012. De plus, les transactions de propriétés résidentielles à logements multiples dans trois des grandes villes du Canada ont démontré qu'une vente typique générait 287 850 $ en dépenses accessoires. Ce secteur professionnel est constitué d'environ 105 000 courtiers et agents immobiliers membres de l’Association canadienne de l’immeuble (ACI) et d'une centaine d’associations affiliées. Comme en France avec la FNAIM, les membres ont développé une expertise unique de leur secteur d'activité et connaissent la variété et la qualité des logements disponibles. Précisons que ces courtiers et agents immobiliers membres de l’ACI sont propriétaires et exploitent le site Web immobilier le plus populaire au pays auprès des consommateurs, REALTOR. ca, qui reçoit en moyenne 5,5 millions de visites par mois. Ce site et son site associé, ICX.ca, donnent accès à des terrains, des maisons, des copropriétés, des fermes, des propriétés commerciales et des entreprises partout dans le pays. Le Canada offre d'innombrables attraits, de la magniLe Canada offre fique côte du Pacifique, en passant par les Rod'innombrables cheuses, les vastes terres agricoles des Prairies, attraits, de la les villes cosmopolites de Vancouver, Toronto et côte du Pacifique Montréal, jusqu'au Québec qui compte plus de jusqu'au Québec et six millions de francophones, et à la beauté sauaux provinces de vage des provinces de l'Atlantique - le Canada l'Atlantique : le pays accueille tout le monde avec fierté ! L’agglomération parisienne est-elle toujours attractive pour les Canadiens ?

accueille tout le monde avec fierté !

Tout à fait. Le Canada et la France entretiennent historiquement des rapports profonds, incluant la langue et la culture. Paris est un symbole puissant de réussite architecturale et le peuple canadien y porte une affection particulière. Le Québec est bien sûr la province canadienne qui a les liens les plus étroits avec la Ville Lumière, et naturellement, les relations économiques entre ces deux nations sont productives et fructueuses. 65


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Autant le Canada représente une rampe de lancement naturelle pour les Européens désirant faire des affaires en Amérique, autant le Canada se tourne souvent vers Paris, centre économique mondial important et reconnu comme la plus belle ville du monde, pour conduire ses activités en Europe. L’accueil légendaire des Canadiens à Paris est bien connu. Avec la conclusion prochaine d’un accord économique et commercial global avec l’Union européenne, de plus en plus de Canadiens prendront le chemin de Paris. Cet accord pourrait permettre d’injecter 12 milliards de dollars par année dans le produit intérieur brut du Canada et d’accroître les échanges bilatéraux de 20 %. Ce qui équivaut à la création de près de 80 000 emplois. Il s’agit d’une perspective extraordinaire pour le secteur immobilier, y compris pour les Canadiens qui souhaiteraient avoir pignon sur rue à Paris !

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"Vue d’Asie, l’image de Paris est fabuleuse. Mais ça ne suffit pas." Peer de Jong

Docteur en Sciences politiques, consultant international

entretiens

Paris brille-t-il ?

Vous êtes directeur du Forum Francophone des Affaires, vice-président de la chambre de commerce franco malaisienne, à Kuala Lumpur, et intervenez comme consultant au profit de sociétés européennes souhaitant pénétrer les marchés asiatiques. Quel regard portez-vous sur les grandes métropoles asiatiques de rang mondial ? Quels sont leurs grandes caractéristiques, avantages comparatifs et handicaps ? Les très grandes villes asiatiques sont essentiellement situées dans le nord de la région : Tokyo, Séoul, Pékin, Shanghai, Hong Kong, auxquelles viennent s’ajouter des cités comme Kuala Lumpur, Djakarta, Bangkok et bien sûr Singapour. Il faut cependant souligner qu’en Chine, les villes ne sont pas gigantesques. Bien qu’il y ait 1,3 milliard de Chinois, les agglomérations ne sont pas tentaculaires et dépassent rarement le seuil des 10 millions d’habitants. C’est déjà une taille respectable… Liée au système communiste qui "formate" en limitant, pour des raisons visant à ralentir l’exode rural, les déplacements interurbains. L’Asie est, ne l’oublions pas, une région agricole. Même au Japon, les populations restent majoritairement dans les campagnes, d’autant que tout est régi par un système d’organisation social dit "confucéen", qui prône l’enracinement et régule socialement les gens. On réalise d’ailleurs assez vite que la diaspora chinoise va travailler ailleurs, mais revient toujours à ses racines (Mainland China). 67


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Un autre élément mérite d’être pris en compte. Dans les années soixante, lors de la décolonisation, l’Asie a voulu prendre sa revanche sur la période coloniale qui a été somme toute assez dure et surtout humiliante. Elle l’a fait en partie à travers les villes, symboles et expressions de la puissance, de la capacité d’investissement. La course à la hauteur en matière de construction d’immeubles est pour eux loin d’être anecdotique. Ils se livrent à une concurrence avec les pays du Golfe. Pour un Asiatique - à l’exact rebours de la France - la richesse comme la puissance se montrent ostensiblement, d’autant que le système confucéen est sur ce plan à l’opposé de la morale judéochrétienne. Cette différence d’appréciation du statut des villes engendre parfois des incompréhensions. Prenons Hanoï. C’est une cité que les Français adorent parce qu’ils y retrouvent le cachet des villes coloniales, un peu le charme désuet du passé. La ville est magnifique. Pourtant à Hanoï, deux tendances s’affrontent. L’une moderniste qui veut détruire les vieux quartiers pour effacer toute trace de la colonisation. L’autre qui considère qu’ils font dorénavant partie du patrimoine. Mais Hanoï reste une exception. Pour bien appréhender la logique qui préside au développement des villes en Asie, il faut comprendre que ces tours illuminées la nuit sont supposées prouver la puissance. Gardons à l’esprit que les Asiatiques sont fascinés par les États-Unis, qui s’imposent à eux comme le modèle par excellence. Le dollar reste un symbole de puissance, les buildings aussi. On est là bien loin du modèle urbain européen, en recherche d’équilibre, avec le souci de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine ! Il convient aussi d’intégrer le facteur démographique. Si l’on conserve l’exemple du Vietnam, ce pays comptait 35 millions d’habitants en 1954 (lors du départ des Français), 50 millions en 1975 (au départ des Américains), plus de 100 millions aujourd’hui. La pression foncière est telle que l’on assiste en bien des lieux à une urbanisation tous azimuts et non contrôlée, dans une logique spéculative de survie. Ce qui engendre une spéculation foncière absolument sidérante. Dans certaines métropoles, un taudis se vend bien plus cher qu’un bel appartement dans un quartier chic de Paris ! Ce dynamisme foncier 68


Paris brille-t-il ? et immobilier est le signe des villes qui ont beaucoup d’argent, tendance confortée par le processus de "lessiveuse" : ces systèmes extrêmement libéraux et peu régulés abritent en effet une énorme économie souterraine. Enfin, dernier point à garder à l’esprit en matière d’immobilier, c’est l’importance de la verticalité. Une maison chinoise fait rarement plus de 7 mètres de large, avec une profondeur indéterminée et au moins 5 étages. La maison se calque sur un modèle cosmique. En bas, il y a le magasin, qui reste ouvert. Si l’on n’est pas paysan dans son champ, on fait du business. C’est ainsi. Au-dessus, il y a l’étage des parents, puis les enfants, puis les grands-parents (dans le système confucéen, les personnes âgées ne sont pas abandonnées, elles se rendent utiles dans le cadre familial), et enfin l’autel des ancêtres. Chacun a un rôle social et l’on vit en commun. La maison ne se vide que lors d’un deuil. La capacité des Asiatiques à se concentrer et à vivre en ville dans une telle promiscuité est proprement sidérante pour un Européen. Comment ces villes abordent-elles concrètement la compétition avec les autres grandes métropoles mondiales, notamment celles du Vieux Les villes asiatiques ne Continent comme Paris ? Quelles sont leurs cherchent nullement à stratégies d’attractivité ? être attirantes pour les

Européens. L'accession

La spéculation est telle en interne, les règles à la propriété leur est d’accession à la propriété sont d’une si grande même globalement complexité que le problème ne se pose pas interdite. dans les mêmes termes qu’en Occident. Les villes asiatiques ne cherchent nullement à être attirantes pour les Européens. Même si elles savent que leur dynamisme fait venir à elles les Européens, aucune politique n’existe pour favoriser cette tendance, bien au contraire. L’accession à la propriété pour les Européens est même globalement interdite. En Malaisie, seuls les Malais ont accès à la terre. Les Chinois malaisiens ou les Indiens malaisiens en sont exclus, ils doivent passer par un nominee (représentant, homme de paille) malais. Le rapport à la terre est très ancien, avec de fortes connota69


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France tions religieuses, dans le cadre d’une représentation sacrée du monde. En Asie, le rapport à l’immobilier est d’abord spéculatif. Et on ne veut pas d’Occidentaux dans les systèmes. On veut bien être attractif, mais dans un cadre bien précis. On accepte de louer des bureaux (mais jamais de vendre) dans le cadre de joint-ventures qui fourniront autant de postes de nominee à des locaux, donc généreront du business. C’est tout. Tout est verrouillé. L’immobilier est un marché inaccessible pour l’Occidental. Les villes asiatiques ne cherchent pas à être attirantes, mais à démontrer leur force et leur richesse, sur un mode clanique. Quelle est l’image de Paris vue d’Asie ? Le Grand Paris estil réellement attractif pour des investisseurs asiatiques ? L’image de Paris est fabuleuse aux yeux des Asiatiques. Cette ville de prestige séduit une Asie en pleine croissance, où la Chine mène le bal. Mais la richesse n’y est pas répartie comme chez nous. C’est une pyramide avec des chefs de clans qui contrôlent et irriguent tout le système. De fait, le Grand Paris est attractif pour eux car ils sont des spéculateurs dans l’âme. Avec des réserves financières colossales. La Chine a au moins trois mille milliards de réserves de dollars US ! Dans la stratégie asiatique d’investissement et de diversification, ils peuvent acheter des pans entiers de notre économie. Et l’immobilier fait partie intégrante de la stratégie globale. L’attractivité d’une métropole se mesure pour partie à sa valeur immatérielle, à son image. Pensez-vous que Paris joue pleinement sa carte sur ce créneau ? Paris, c’est la French Touch par excellence, le luxe, le mythe… Paris a donc un pouvoir immatériel fascinant. La ville est abordable, le coût de la vie n’y est pas du tout exorbitant pour un Chinois par exemple. Mais Paris n’est en aucune manière perçue par les Asiatiques comme un pôle économique. C’est d’abord et avant tout une ville de plaisirs, avec tous les aspects, bons ou mauvais, qui s’attachent à cette image. C’est une ville qui ne laisse pas indifférent, qui fait rêver, qui s’inscrit dans l’imaginaire. Cependant, ne nous y trompons pas : leur modèle 70


Paris brille-t-il ? reste envers et contre tout les États-Unis. En mettant un bémol, on pourrait dire qu’Airbus est un des rares atouts de l’Europe. Mais leur paradigme, ce sont les USA. D’autant que leur zone commune d’échanges est centrée autour du Pacifique, en particulier via l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation). En matière d’attractivité, un autre élément mérite d’être pris en ligne de compte. La France et l’Europe sont souvent perdantes en Asie. Or, en Asie, on ne peut perdre la face, surtout de façon récurrente. Perdre des contrats à répétition n’est pas sans conséquence ! Dans la guerre tout court comme dans la guerre économique, il n’y a que mépris pour le vaincu, il n’existe même plus. On tue le prisonnier sans état d’âme. Pour répondre directement à votre question, ce qui nous menace, c’est l’extinction par l’indifférence. Quid du dynamisme de notre tissu économique, de la capacité de nos entreprises à se projeter et conquérir des parts de marché à l’international, tout en étant ambassadrices de nos savoir-faire ? Trouvez-vous les entreprises françaises suffisamment offensives en direction des marchés asiatiques ? Pour l'attractivité du

Un chiffre : 70 milliards d’euros de déficit comGrand Paris, deux mercial français en 2011. Concrètement, excepobstacles se dressent tion faite de quelques sociétés bien ciblées (Aird'emblée : la question bus ou Air liquide par exemple), pour les autres, de l'insécurité et des c’est très difficile. Surtout que nous avons une banlieues, la question concurrence intra-française terriblement desdes infrastructures en tructrice, qui s’ajoute à une concurrence intramatière de transports. européenne et intra-occidentale ! Ensuite, il faut faire face à l’émergence de nouveaux pays capitalistes. L’Asie, le Brésil, le Moyen-Orient s’imposent sur la scène internationale. Soyons lucides : pour un Asiatique, Paris existe mais le Grand Paris n’existe pas. Sur cette question de l’attractivité du Grand Paris, deux obstacles se dressent d’emblée. D’une part, la question de l’insécurité et des banlieues. D’autre part, les infrastructures en matière de transports en Ile-de-France. L’arri71


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France vée à Roissy est ainsi doublement traumatisante. Il est difficile d’accéder aux transports en commun. Il suffit de comparer l’extrême facilité des déplacements à l’aéroport de Hong Kong, de Kuala Lumpur ou de Singapour et le parcours du combattant pour le voyageur chargé débarquant à Roissy ! Les grandes villes asiatiques sont des villes neuves, par définition fonctionnelles, où tout est étudié pour que chaque acte soit réalisé en toute sécurité, de manière optimale. Tout y est prévu pour gérer des masses en déplacement. En regard, Paris est une ville de dilettantes, de plaisir - mais globalement mal organisée. Ensuite, la traversée de la banlieue, de Roissy à Paris, constitue un choc pour les Asiatiques, d’abord par ces floraisons de tags qui heurtent leur sensibilité. Globalement, les Asiatiques estiment que les grandes métropoles européennes, et surtout Paris, ne sont pas sécurisées comparées à leurs cités, où l’on peut se déplacer en toute quiétude. Ce qui choque les Asiatiques, en outre, c’est le non-respect des règles élémentaires de courtoisie et l’absence de confiance. Que ce soit pour régler la course d’un taxi ou un café, les prix sont trop souvent aléatoires, donnant l’impression aux visiteurs d’être "grugés" en permanence, sans vergogne, en toute impunité, au sein d’un système qui leur apparaît relever du "banditisme organisé". Là encore, pour bien appréhender la conception qu’ont les Asiatiques des relations en société, il faut se référer à la doctrine confucéenne. Chacun est à sa place, doit y rester et a son rôle à jouer. À rebours de nos sociétés qui fonctionnent sur des critères égalitaristes, au moins en théorie, en Asie tout est hiérarchisé. Le jeune respecte le vieux, la femme le mari, celui qui est en bas de l’échelle respecte le chef. Ce dispositif est rarement remis en cause. En un mot comme en cent, on ne vole pas la collectivité. De même, on évite les éclats de voix, on parle doucement, bref il existe un code social si dissemblable du nôtre que l’on comprend qu’à bien des égards, des Asiatiques soient choqués des comportements empreints d’incivilité et d’impolitesse que l’on observe chez nous. 72


Paris brille-t-il ? Dès lors, que faire ? Que peut le Grand Paris ? S’il veut attirer les investisseurs asiatiques, le Grand Paris doit d’abord s’attacher à rétablir la sécurité, des biens et des personnes, matérielle et immatérielle, absolument partout sur le territoire. Puis proposer des systèmes de déplacement adaptés, agréables et opérationnels. Et surtout, il faut que les Franciliens ouvrent enfin les yeux sur les réalités du monde, sur les réalités du business et de la Il est grand temps que guerre économique, qu’ils acceptent que leurs les Français fassent interlocuteurs aient d’autres valeurs qu’eux, preuve d'un autre état concevant l’homme et sa place dans le monde d'esprit, plus ouvert, sur un mode hiérarchique et impitoyable, par plus combatif, plus exemple. Enfin, il est grand temps que les Franoffensif ! çais fassent preuve d’un autre état d’esprit, plus ouvert, plus combatif, plus offensif !

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"Une ville doit d’abord être attractive pour ses habitants : la question du logement est essentielle !" Jean-Luc Berho

Ancien vice-président de l’Union d’Économie Sociale pour le Logement (UESL), président de l’Association Pour l’Accès aux Garanties Locatives (APAGL)

entretiens

Paris brille-t-il ?

Vous êtes un spécialiste du logement en Ile-de-France et avez assuré la vice-présidence du "1 % Logement" pendant une dizaine d’années. En quoi la question du logement estelle un facteur d’attractivité pour une grande métropole mondiale ? La question est complexe. Elle oblige à réfléchir aux rapports entre logement et emploi. Or on le voit bien aujourd’hui, il y a une vraie déconnexion entre la structure de l’emploi et les offres de logement disponibles sur le marché, tout particulièrement à Paris et dans la première couronne. Il y a 30 ou 40 ans, la plupart des contrats de travail étaient proposés en CDI. De nos jours, la structure du salariat est dominée par d’autres formes contractuelles (CDD, intérim, contrats de professionnalisation, alternance, etc.). Cette évolution n’est pas neutre sur le montant des salaires versés : beaucoup de gens, en particulier dans les services qui constituent l’essentiel de l’activité d’une métropole comme la nôtre, ne travaillent que 25 heures par semaine et ne gagnent donc que 700 à 900 € par mois. Avec ces salaires, vous comprenez bien que l’on ne peut pas se loger à Paris ou en première couronne ! Et ceux qui sont en première ligne face à ces difficultés, ce sont les jeunes. C’est d’autant plus grave qu’il s’agit des travailleurs les plus dynamiques et potentiellement les plus innovants, c’est-à-dire ceux 75


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France qui sont réellement indispensables à une métropole mondiale. Notons que, de ce point de vue, le mouvement HLM n’est pas exempt de tout reproche : la part des moins de 30 ans détenteurs d'un bail dans le parc social est en forte baisse depuis de nombreuses années, et s’établit aujourd’hui à 11 % seulement. Le jeune salarié n’a dès lors pas d’autre solution que de se loger dans le parc privé, où les petites surfaces sont les plus recherchées - donc proportionnellement les plus chères. Une ville ou une région doit d’abord être attractive pour ses habitants avant de l’être pour les touristes ou les investisseurs étrangers. Or nous sommes confrontés à un vrai problème : "Comment loger la jeunesse à Paris et dans sa proche banlieue ?" On ne pourra pas rendre attractif ce territoire si l'on ne résout pas cette équation. Et pour les investisseurs, l’offre de logement est-elle attractive ? Elle pourrait l’être, dans la mesure où il existe une très forte demande. Mais les investisseurs institutionnels (État, collectivités locales, 1 % Logement…) n’ont pas apporté de solution au problème que je viens de soulever. Évidemment, il y a un intérêt pour l’investisseur, aujourd’hui, à louer un studio au-delà de 25 € le m2. Sauf que c’est un raisonnement à court terme. Car cet investisseur va avoir de plus en plus de mal à trouver des locataires solvables. La crainte a longtemps été du côté du locataire. Elle est désormais clairement chez le bailleur : "Je peux avoir un locataire mais je ne suis pas sûr, au prix où le logement est proposé, que ce locataire puisse payer régulièrement son loyer". Aux difficultés des locataires répond donc la peur des propriétaires, qui s’entretiennent mutuellement. Il y a un trop profond déséquilibre entre la demande, qui est certes forte, et l’offre, qui est pour l’essentiel hors de portée d’une bonne partie de la population. Un tel hiatus ne peut pas être réglé par les seuls dispositifs de type "garantie des risques locatifs". Paris se distingue-t-il des autres métropoles européennes sur ce problème ? 76


Paris brille-t-il ? Non, si l’on observe la situation de villes comme Barcelone. Où il est quasiment impossible de se loger, et où la situation ne concerne pas seulement les jeunes, mais des familles entières qui se retrouvent dans l’impossibilité de payer leurs loyers et s’orientent vers la colocation forcée. Comme à Moscou dans les années 1970 ! Mais le fait que le problème ne touche pas uniquement Paris, ou puisse toucher d’autres villes plus gravement que Paris, ne saurait nous dispenser de nous alerter de la situation à Paris ! Quelles seraient les pistes de solution ? Le Grand Paris peut-il y contribuer ? Le Grand Paris fonctionnera s’il est en capacité de prendre des décisions qui s’imposent aux divers services et organismes qui fonctionnent aujourd’hui sur le territoire, et dont l’empilement est un frein à une vraie cohérence en termes de production de logements. Aujourd’hui, en Ile-de-France, il faut reconnaître qu’il y a une prime à l’égoïsme. On continue de construire des logements sociaux dans les Aujourd'hui, en Ilezones où il y en a déjà beaucoup - de 60 % à de-France, il faut 70 % dans certaines villes de banlieue ! Une aureconnaître qu'il torité régulatrice à l’échelle régionale me paraît y a une prime à une bonne idée. Il conviendra également d’être l'égoïsme. Il faut une attentif aux premiers résultats de la loi Duflot sur autorité régulatrice du le logement social. Mais il faut s’attendre à un logement à l'échelle combat de tranchées ! régionale ! L’objectif à atteindre serait de renforcer la mixité de l’offre locative ? Ce qui est certain, c’est qu’il faut cesser d’opposer le logement social au privé. Il n’est pas anormal que le privé puisse être aidé, pour peu qu’il y ait des contreparties, notamment sur le montant des loyers. Aujourd’hui, nous ne disposons que des conventions signées avec l’Agence nationale de l’habitat, soit 240 000 logements conventionnés sur toute la France métropolitaine, à comparer aux 6,7 millions de logements du parc privé et aux 4,5 millions de logements sociaux gérés par des 77


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France organismes d’HLM ou des SEM ! Comment avancer sur cette question des contreparties, donc d’une meilleure mobilisation du logement privé ? La FNAIM a eu le mérite de proposer le Bail Puissance 3. Je ne suis pas d’accord avec la totalité de ses propositions, mais je salue cette initiative qui a le mérite de lancer le débat. Il appartient maintenant à la puissance publique de s’en saisir. En donnant un vrai point d’appui à ce débat, on peut avancer sur un certain nombre de sujets. Je pense en particulier à la colocation, un outil utilisé efficacement dans un certain nombre de villes européennes – et pas seulement du fait de la crise comme en Espagne ! L’idée n’est pas d’empiler les gens mais de permettre à 3 ou 4 personnes, notamment des jeunes, de partager un grand appartement dans un cadre normatif adapté, supposant des évolutions juridiques et réglementaires de la nature du bail. Plusieurs dizaines de milliers de logements pourraient être traitées de cette manière. Un bon dispositif de colocation serait plus intéressant à la fois pour l’investisseur en termes de rapport et pour le locataire en termes de loyer. Plus globalement, quelle serait la bonne politique du logement pour un Grand Paris attractif, à la fois pour ses habitants et pour les investisseurs ? Quelles que soient les pistes privilégiées, on ne pourra pas se passer du parc privé, surtout dans les circonstances économiques actuelles. Dès lors, la question essentielle est : "Comment on avance pour soutenir l’investissement dans le parc privé, bien évidemment avec des contreparties à caractère social ?" Il ne faut pas raisonner de façon idéologique mais en tenant compte de la réalité du public à loger, qui se retrouve aujourd’hui dans des situations tendues - et qui ne sont pas prêtes de s’améliorer si l’on en croit les dernières études du ministère de l’Emploi ! On ne peut pas reprocher à un investisseur de se poser la question de son retour sur investissement, donc du prix auquel il peut louer son bien. Mais il peut être tout aussi sensible à 78


Paris brille-t-il ? la solvabilité de son marché, c’est-à-dire aux capacités financières réelles des locataires et donc à la sécurité, à terme, de son investissement. C’est un sujet qui n’est pas simple à traiter, et La FNAIM a montré le sera de moins en moins à l’avenir. C’est donc l'exemple avec sa aujourd’hui qu’investisseurs privés, partenaires proposition de Bail sociaux, collectivités locales et État doivent se Puissance 3. Puisse-tretrouver autour de la même table pour partager elle être imitée ! leurs solutions. La FNAIM a montré l’exemple avec son Bail Puissance 3. Puisse-t-elle être imitée !

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"Mobilité et sécurité sont indispensables au rayonnement du Grand Paris de la culture" Daniel Janicot

Haut fonctionnaire, conseiller d'État Président de l'Agence pour la Vallée de la Culture

entretiens

Paris brille-t-il ?

Pourquoi "la dimension culturelle du Grand Paris" est-elle essentielle ? La culture peut-elle être considérée comme un facteur d’attractivité pour une agglomération ? Ce qui donne une identité à un territoire, c’est bien sûr la qualité de ses paysages, l’importance de sa dynamique économique, la richesse de sa population… Mais toutes ces caractéristiques sont transitoires, fluides. La seule chose qui reste, c’est ce qui permet à un territoire de s’inscrire dans la durée, dans l’histoire. Dès lors, qu’est-ce qui façonne l’identité historique, de long terme, d’un territoire, si ce n’est sa dimension culturelle ? Celleci repose en premier lieu sur le patrimoine, c’est-à-dire ce que les siècles nous ont légué, mais également sur un ensemble d’autres facteurs : la dynamique de la scène artistique, les façons de faire la cuisine ou de s’habiller, de vivre ensemble, bref tout un ensemble de facteurs sociologiques qui font l’identité d’une ville. Donc, la culture entendue au sens large constitue un "bouquet" de facteurs identitaires qui sont la marque d’un territoire donné. Ajoutons que la politique culturelle menée en France depuis Malraux et les maisons de la culture, ces trente dernières années, ont initié un mouvement de diffusion - mais aussi de création - culturelle locale qui a contribué à renforcer l’influence du facteur culturel dans la définition d’un territoire. Quels sont les principaux atouts de l’Ile-de-France en la matière ? Ses faiblesses ? 81


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Le Grand Paris est une dynamique de projet. Et c’est un projet culturel avant d’être un projet économique et social. L’inventaire culturel de la région Ile-de-France que nous avons réalisé laisse apparaître une masse extraordinaire d’équipements, d’événements, d’animations, etc. qui font de la capitale de la France la capitale mondiale de la culture. On en a peu conscience parce que l’on croit encore qu’il y a Paris et le désert autour. Or la banlieue est extrêmement riche en équipements culturels, qu’ils soient de prestige ou de proximité, et contribue à cette offre culturelle globale unique au monde. Cet aspect est souvent ignoré. D’ailleurs, il n’a pas fait l’objet d’une véritable politique à l’échelle de l’Ile-de-France. Or il y a un immense besoin de mise en cohérence, de planification, de réhabilitation, de lisibilité et de reconnaissance en matière culturelle. Car autant l’offre culturelle du Grand Paris est la plus importante au monde, autant elle semble peu visible. Ce qui pose la question de l’attractivité de Paris à l’égard du monde, c’est-àdire la capacité qu’a le Grand Paris de s’imposer comme capitale culturelle à l’échelle internationale. Or force est de constater que ce leadership culturel hérité de l’histoire, y compris de l’histoire récente, est de plus en plus concurrencé par des villes qui ont compris l’importance de cette dimension culturelle pour leur image de marque et la perception de leur dynamisme à l’étranger. La principale capitale concurrente du Grand Paris est bien évidemment Londres. Une récente étude y a été menée précisément sur la dimension culturelle des capitales, débouchant sur un classement des capitales culturelles en fonction d’un certain nombre de critères, dont principalement ceux relevant des industries culturelles. Paris, qui n’y était pas recensé dans sa dimension régionale, de Grand Paris, mais uniquement municipale, y apparaît évidemment derrière Londres, classée comme par hasard première ! Derrière l’anecdote se profile une profonde réorganisation de la carte culturelle mondiale, appuyée par de véritables stratégies d’influence à l’échelle des États. On voit ainsi émerger, soit des capitales européennes très ambitieuses, comme Hambourg, Helsinki, Copenhague, Barcelone 82


Paris brille-t-il ? et Madrid, soit des régions entières, comme l’Amérique latine, le Proche et le Moyen-Orient, l’Asie surtout avec des villes comme Shanghai, Hong-Kong ou Pékin, qui toutes souhaitent fonder leur développement économique sur un aménagement et une reconnaissance de leur territoire culturel. Pour l’instant, Paris reste la première capitale culturelle mondiale, qui n’est véritablement menacée que sur des marges. Ainsi par exemple de la vie nocturne. Par respect pour le logement, les habitants, il est en effet pratiquement impossible d’ouvrir et de faire fonctionner une boîte de nuit à Paris intra muros. Très administrée, l’articulation entre activités culturelles et habitation est particulièrement complexe à gérer. C’est donc incontestablement un secteur où nous sommes en perte de vitesse. À l’inverse, nous sommes encore en pointe dans des activités comme les jeux vidéo et plus généralement les industries culturelles. Pour répondre à l’initiative britannique, nous allons d’ailleurs initier notre propre inventaire des capitales culturelles mondiales, en essayant bien sûr d’y affermir la présence de la France ! Sur quels axes prioritaires agir pour que la culture renforce l’attractivité de la métropole francilienne ?

L'arme de l'attractivité est la communication, et en particulier la communication d'influence, qui diffuse auprès des décideurs et des faiseurs d'opinion une image réellement positive du Grand Paris.

L’arme majeure est bien évidemment la communication, le renforcement de la visibilité de l’offre. Pas seulement une communication produit, de type marketing, mais aussi et surtout une communication d’influence, qui diffuse auprès des décideurs et des faiseurs d’opinion une image réellement positive du Grand Paris à l’échelle mondiale. Or il manque au Grand Paris de la culture une telle stratégie de construction d’une image attractive, qui soit à la fois moderne, cohérente et unifiée. Le Grand Londres et Berlin, par exemple, l’ont bien compris. Chez nous, il y a encore plusieurs offices de tourisme et agences de développement qu’il ne serait peut-être pas incongru de rassembler, de rationaliser en ces temps de difficultés budgétaires et économiques… Mais cela 83


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France va bien au-delà des outils. Une stratégie globale passe par un logo, un slogan, une marque commune, ainsi que par la dynamisation des relais de la France à l’étranger et la mobilisation de l’ensemble de nos canaux d’expression (ambassades, centres culturels, médias, etc.). Le deuxième axe vise à remédier aux faiblesses objectives du Grand Paris. Il faut en effet pouvoir "naviguer" dans toute la région, c’est-à-dire bénéficier de transports en commun rapides, efficaces, modernes, bien implantés sur le territoire. La culture passe par un accès facile aux différents sites : c’est tout l’enjeu du grand métro express. Un autre aspect est essentiel : c’est celui de la sécurité. Elle est intimement liée à la fréquentation des établissements culturels, en particulier le soir ou à proximité de quartiers ou de zones difficiles. Il faut à tout prix progresser dans la résolution de ce problème. Rien n’est pire pour l’image de marque du Grand Paris qu’un voyageur étranger qui se fait agresser ou voler son sac dans le RER ! La culture est première, mais elle est aussi seconde. C’est un facteur second qui dépend d’un certain nombre de conditions, parmi lesquelles la mobilité et la sécurité. Quelle est la place de l’immobilier au sein des facteurs d’attractivité du "Grand Paris de la culture" ? Quand on regarde les chiffres, on constate que les touristes sont principalement attirés par l’immobilier monumental, et ne visitent en réalité que quelques grands sites, toujours les mêmes, sans véritablement s’intéresser à la richesse du bâti du Grand Paris. C’est d’autant plus regrettable que ce patrimoine est exceptionnel, et ce à double titre : ce dont on a hérité et ce que l’on va créer. Dans le premier cas, tous les styles architecturaux sont présents dans la région : l’Ile-de-France est en fait un véritable dictionnaire d’architecture ! La préoccupation architecturale a marqué l’histoire du Grand Paris - qu’il s’agisse du baron Haussmann mais aussi des grands ensembles qui ceinturent la capitale et qui méritent d’être davantage reconnus. S’agissant de ce que l’on construit aujourd’hui, nous sommes tous très fiers de voir de très grands architectes internationaux s’intéresser à Paris, comme Jean Nouvel avec la Philarmonie. 84


Paris brille-t-il ? Mais peut-être n’est-ce pas l’essentiel. Au nom de la rigueur budgétaire, la ministre de la Culture a d’ailleurs annulé, suspendu ou repoussé certains des grands équipements culturels attendus. Je soutiens cette position, car il faut savoir ralentir un peu la création de très grands équipements, coûteux en termes d’investissement initial et en termes de fonctionnement, pour redonner une priorité au fonctionnement et à la programmation des structures existantes, et surtout aider davantage la qualité architecturale dans le bâti ordinaire. Dans ce domaine, un immense chantier va s’ouvrir : celui du logement social. L’énorme effort L'immobilier est de construction en vue d’atteindre les objectifs comme la peau d'une fixés par le gouvernement est en effet une occagrande ville. Sous sion unique pour passer commande auprès de l'épiderme se joue la jeunes architectes et réinjecter sur le territoire qualité de vie pour ses francilien de la nouveauté, de la créativité, de la habitants, et en modernité dans le logement. Avec le logement surface son image, social, nous aurions un effet de masse excepce que l'on voit : il est tionnel. Il en est de même avec le grand chanessentiel que cela soit tier architectural du Grand Paris, celui des gares beau ! nouvelles et de leur quartier - qu’il soit résidentiel ou d’affaires. Beaucoup d’efforts ont été entrepris pour faire du logement le terrain d’expression de la jeune architecture, mais ce mouvement doit désormais atteindre le logement social. Les ministères de la Culture et du Logement pourraient se rencontrer utilement à ce sujet. L’immobilier, c’est comme la peau d’une grande ville. Sous l’épiderme se joue la qualité de vie pour ses habitants, et en surface son image, ce que l’on voit : il est essentiel que cela soit beau ! En quoi le Grand Paris culturel peut-il contribuer à redonner un élan à l’agglomération, et donc au pays tout entier ? Vous avez raison de lier la dynamique du Grand Paris à celle de la France. S’agissant du Grand Paris, la réflexion souhaitée par le nouveau gouvernement sur les territoires - sur l’équilibre des territoires - au sein de l’espace francilien est tout à fait lé85


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France gitime. De nouvelles décisions vont en résulter d’ici la fin de l’année 2012.Dans cet esprit et s’agissant plus particulièrement des aspects culturels, nous avons largement dépassé la dichotomie entre "Paris et le désert français" : les villes de province ont connu une dynamique extraordinaire, parfois équivalente à celle de la capitale. Nous avons également dépassé l’esprit de frontière entre Paris et sa banlieue, au sens où celle-ci pouvait être considérée comme un territoire abandonné. Il est donc temps à mon sens de mener une réflexion sur le Grand Paris à l’échelle du territoire national, dans une vision plus globale, plus conforme à notre rang culturel, qui associerait plusieurs villes françaises dans une stratégie commune à l’égard de l’étranger. Je pense par exemple que Bordeaux, Marseille, Lyon, Nantes, Paris, Lille, mais aussi des villes de dimension plus modeste comme Metz devraient fonctionner en réseau et proposer aux visiteurs étrangers une offre commune, plurielle, qui serait à l’échelle des flux touristiques internationaux. D’ici 15 à 20 ans, la France pourrait en effet accueillir de 80 à 100 millions de touristes chinois par an : aussi considérable soit-elle, la seule offre du Grand Paris ne pourra pas suffire à absorber l’intégralité de ces nouveaux flux ! Sachant que les touristes étrangers sont habitués à faire 2 ou 3 heures de train, pourquoi ne pas utiliser davantage le TGV pour proposer de nouveaux bouquets touristiques, des paniers de destinations ? Des étrangers arrivant en masse à Roissy pourraient ainsi suivre un itinéraire culturel à l’échelle de la France plutôt qu’à l’échelle du seul Grand Paris. Regardez simplement Metz, qui est doublement attractive, du fait de l’implantation de l’annexe du Centre George Pompidou mais aussi de son intérêt historique et de la qualité de son bâti architectural. Je plaide pour une vision globale de l’ensemble des territoires : le Grand Paris doit être pensé dans cette dynamique nationale à l’égard de l’international. Si la capitale est à la fois la vitrine et le moteur de l’attractivité du pays tout entier, elle n’est pas une ville "offshore", coupée de son environnement. C’est parce qu’elle est enracinée dans son territoire et dans le même temps tournée vers l’avenir que la ville est un produit de culture, apte à rayonner et à être attractif et vivable pour les hommes. 86


"Il faut savoir densifier, pour retrouver le plaisir de la ville" Daniel Canepa

Préfet de la région Ile-de-France, Préfet de Paris

entretiens

Paris brille-t-il ?

Monsieur le Préfet, quels sont pour vous les principaux atouts de la région en matière d’attractivité internationale ? Les atouts sont nombreux. Il faut en faire de véritables leviers au service du développement de ce grand territoire. L’Ile-deFrance est la première région économique d’Europe, la deuxième destination européenne des investissements étrangers, la première région au monde pour les salons et rencontres professionnels. Elle dispose du premier parc d’immobilier d’entreprise en Europe et constitue le premier centre de recherche européen - et le troisième mondial derrière Shanghai et Pékin. Enfin, malgré la crise qui perdure depuis 2008, l’Ile-de-France reste la première région industrielle française. L’Ile-de-France compte 144  000 personnes travaillant dans la recherche (dont 90 000 chercheurs), 600 000 étudiants et concentre 17 Md d’euros d’investissements annuels. L'importance de la recherche et la jeunesse de la population sont des forces indéniables. Avec plus de 5,3 millions d’emplois, dont près de 84 % dans le tertiaire, l’Ile-de-France tient une place prépondérante dans l’économie nationale caractérisée par l’importance du secteur tertiaire. De nombreux groupes nationaux ou internationaux ont leur siège en Ile-de-France et la région représente 29 % de la valeur ajoutée brute du pays. L’industrie emploie 650 000 personnes en Ile-de-France dont 5 % dans le domaine de la construction. Les services constituent 84 % de l’emploi régional dont 13 % pour le secteur du commerce. 87


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Depuis 2008, la crise financière a conduit à une contraction très forte de la production puis de l’emploi. Depuis plus d’un an, le chômage augmente et les difficultés économiques des entreprises se font plus fortes. Tous les services de l’État sont mobilisés pour accompagner les Franciliens et les entreprises dans cette période. Pourquoi est-il vital aujourd’hui pour un territoire de se montrer attractif sur la scène internationale ? Être attractif, c’est donner envie aux entreprises de s’installer sur le territoire. Or qui dit entreprises dit nouveaux emplois. Paris, et plus généralement la France, semblent en perte de vitesse dans les classements internationaux, où s’affirme au contraire la dynamique des métropoles asiatiques depuis la crise de 2008. Comment l’État peut-il éviter à la région de "décrocher" ? Il est indéniable que depuis la crise de 2008 les métropoles des pays émergents, où la croissance reste très forte, s’affirment de plus en plus dans les classements internationaux. L’innovation et la compétitivité des entreprises françaises sont donc soutenues par l’État, par la mise en place de nombreuses politiques. Le potentiel d’innovation de la région Ile-de-France est certes de tout premier ordre, avec une très forte concentration de moyens : 135 000 personnels de R&D, 44 % des dépenses de la R&D française, première région européenne en termes de recherche technologique… Mais ce potentiel est sous-utilisé. Il est ainsi difficile de transformer nos atouts (nombre et qualité des étudiants et des chercheurs, densité de laboratoires de recherche publics et privés) en véritables résultats : valorisation de la recherche, créations d’entreprises innovantes, dépôt de brevets, etc. Le capital-risque est encore trop faible dans la région, et les liens entre recherche publique et privée restent à renforcer. L’État a agi avec le Conseil régional pour mettre en œuvre une Stratégie régionale d’innovation (SRI) qui s’appuie sur ce diagnostic et comporte 3 axes d’intervention prioritaires : la valorisation de la recherche, 88


Paris brille-t-il ? l’expérimentation dans les territoires et la fertilisation croisée entre les thématiques de recherche. La politique des pôles de compétitivité (7 pôles en Ile-de-France) reste le principal instrument de développement de l’innovation. Les pôles sont accompagnés par les services de l’État, qui mobilise chaque année plus de 60 M€ destinés, via le FUI (Fonds Unique Interministériel), à financer leur fonctionnement et les projets de recherche et de développement collaboratifs. Le soutien aux 6 filières prioritaires (l’automobile, l’aéronautique et le spatial, les sciences de la vie, les industries de la création, les éco-industries, et les logiciels et les systèmes complexes) est renforcé avec la mise en place, en collaboration avec le Conseil régional, de "plans filières" pour améliorer la structuration et la compétitivité des PME. Les Investissements d’Avenir interviennent à hauteur de 35 Md€ en faveur de l’innovation et la recherche. Sur les 27 Md€ déjà attribués, une dotation de 7,7 Md€ a été versée à plus de 250 projets franciliens, notamment dans le secteur de la santé et des biotechnologies (avec 38 projets soutenus pour un montant de 490 M€). Deux Sociétés d’Accélération de Transfert de Technologie sont également financées pour un montant de 146 M€. Il faut identifier et accompagner un plus

Une Convention régionale de l’Export, convengrand nombre de tion pluriannuelle (2012-2014) relative à l’organinouveaux exportateurs, sation du dispositif de soutien au développement créateurs de richesse international des entreprises en Ile-de-France, et d'emplois. a été signée le 22 février 2012 par les acteurs publics de l’export : Préfet de région, Agence régionale de développement (ARD), réseau consulaire, Ubifrance, Coface, Oséo et les Conseillers du Commerce Extérieur de la France. Tous ces acteurs se sont engagés à proposer aux entreprises franciliennes une chaîne d’accompagnement à l’export claire, cohérente et efficace afin d’identifier et d’accompagner un plus grand nombre de nouveaux exportateurs, créateurs de richesse et d’emplois.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Enfin, le Grand Paris est un projet structurant d’envergure mondial très attendu, regardé par des villes comme Dubaï et Moscou. L’une des particularités de l’Ile-de-France, par rapport à bon nombre de métropoles concurrentes, est de disposer d’un tissu économique diversifié, comprenant notamment une forte composante industrielle. Cette dernière est pourtant en déclin relatif ces dernières années. Quelle est votre analyse ? Que peut ou cherche à promouvoir l’État pour maintenir cette nécessaire base industrielle ? Depuis les États Généraux de l’Industrie en avril 2011, deux Comités stratégiques de filières régionaux ont déjà été mis en place (pour l’automobile et l’aéronautique), en collaboration avec les acteurs de la filière, y compris les partenaires sociaux, afin de favoriser les échanges, les réflexions et l’action au sein de la filière. Ce travail se fait en étroite collaboration avec le Conseil régional et a abouti à la mise en place de "plans filières" pour chacune des filières prioritaires. Les sujets de financement ont fait l’objet de nombreuses collaborations d’autres acteurs de l’État (Caisse des Dépôts et Consignations, FSI, Oséo…). Le projet de "Grand Paris" a été conçu comme un outil de renforcement de l’attractivité francilienne. Où en sommesnous aujourd’hui ? Les CDT donnent-ils satisfaction ? Le Grand Paris ne se limite pas à son projet de transport. Le développement économique en est un aspect essentiel et est au cœur du développement des Contrats de Développement Territorial (CDT). La stratégie de l’État pour le développement économique du Grand Paris se décline en 3 points : forger une identité économique pour les territoires de projets, accélérer le développement des territoires à fort potentiel et promouvoir les territoires à l’international. Les Contrats de Développement Territorial s’élaborent sur des territoires disposant d’un investissement majeur, comme une gare du futur réseau Grand Paris Express, et s’appuient sur un 90


Paris brille-t-il ? potentiel économique du territoire qui souvent s’accompagne d’une identité forte : les nouveaux métiers liés au développement durable à la cité Descartes, les systèmes complexes à Saclay, la création à la Plaine Saint-Denis, l’aéronautique au Bourget, l’automobile dans les Yvelines et Seine-Aval, la finance à la Défense et les biotechnologies dans le cône sud-francilien. Les partenaires du monde économique (grandes entreprises, pôles de compétitivité, Agence Régionale de Développement, Chambres de commerce et d’industrie) sont tout naturellement impliqués dans l’élaboration des CDT. Depuis plus de 2 ans, je mène des échanges nourris avec les élus locaux, dans le souci d’élaborer une stratégie de développement partagée avec plus de 150 collectivités territoriales. Pour arriver aujourd’hui à 20 projets de Contrats de développement territorial, j’ai ainsi coordonné avec les collectivités locales plus de 100 comités de pilotage en un an ! Concrètement, les CDT vont traduire, territoire par territoire, les objectifs du Grand Paris en maConcrètement, tière de logement, d’urbanisme, de transport, de territoire par territoire, déplacement, de développement économique, les CDT vont traduire sportif et culturel, de protection des espaces les objectifs du Grand agricoles et forestiers et des paysages. Paris en matière de Aujourd’hui, où en est-on ? logement, d'urbanisme, • Les études ont été lancées (près de 2 millions de transports, de d’euros investis par l’État en 2012) ; déplacements, de • Chaque CDT définit pour son territoire la déclidéveloppement naison de la territorialisation de l’offre de logeéconomique, etc. ment qui doit conduire à la production de 70 000 nouveaux logements par an sur l’ensemble du territoire francilien ; • Les principales zones d’aménagement sont identifiées ; • Toutes les évaluations environnementales sont en cours ; • Des réflexions transverses ont été menées pour apporter des réponses à des questions aussi importantes que la place du numérique dans le Grand Paris, les conséquences sur les besoins en eau, en matériaux, etc. Ce travail conséquent est élaboré par les services de l’État et est de nature à enrichir tous les CDT. L’objectif est de mettre les CDT en enquête publique en 2013. 91


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Le logement figure parmi les priorités du Grand Paris, avec un objectif de 70 000 logements supplémentaires par an. Il s’agit donc également d’un critère d’attractivité. Pourquoi ? À quelles conditions ? Le logement est une problématique fondamentale en Ile-deFrance. La loi Grand Paris impose en effet la production de 70 000 logements par an. C’est un objectif ambitieux qui répond à un besoin urgent. En 2011, en Ile-de-France, 50 000 logements (privés ou sociaux) ont été autorisés et près de 40 000 mis en chantiers. Le parc social francilien représente plus de un million de logements. Aujourd’hui l’objectif de 70 000 logements n’est pas atteint mais nous n’avons jamais autant construit que l’an dernier. Précisément, l’État a financé 37 279 Logements Locatifs Sociaux, soit 20 595 logements locatifs neufs et 16 684 logements locatifs financés pour des cessions, réhabilitations ou agréments. L’un des objectifs des CDT est d’intensifier la production de logements là où elle fait défaut. C’est pour cela que l’État et les collectivités définissent la déclinaison de l’offre de logement pour chaque territoire. En matière d’habitat, qui croise à la fois les questions de logement et d’urbanisme, l’enjeu est de parvenir à "recoudre" des territoires. Il nous faut créer du liant et densifier - c’est-àdire créer des formes urbaines qui économisent l’espace, qui permettent de disposer dans une même zone d’une densité d’atouts (services, commerces, transports). Densifier... Voilà un mot qui n’a pas bonne presse alors même qu’il permet de réconcilier nos aspirations contradictoires. On ne peut pas en effet à la fois vouloir préserver des zones vertes et continuer, dans le même temps, à étaler nos constructions. Densifier, c’est retrouver, en lien avec les architectes, le plaisir de la ville. Par ailleurs, comme vous le savez, l’État est mobilisé particulièrement en Ile-de-France pour identifier des terrains à céder aux collectivités. L’habitat, dans son acceptation la plus large, est un critère d’attractivité tout comme la qualité des réseaux et interconnexions (routes, canaux, voies ferrées, métro, tram, axes piétons, cy92


Paris brille-t-il ? clistes…), l’offre d’emploi, la présence d’une main-d’œuvre qualifiée, la sécurité des biens et des personnes, l’existence et l’accessibilité de nombreux services (sociaux, médicaux, culturels, administratifs…) et enfin la présence d’établissements d’enseignement supérieur. Comment faire mieux participer les entreprises et les professionnels, et en l’espèce les professionnels de l’immobilier, à la dynamique du Grand Paris ? Ne devraient-ils pas être davantage associés notamment au projet d’autorité régulatrice du logement initié par le Conseil régional d’Ile-deFrance ? Quelle est la position de l’État sur ce sujet ? Quel rôle à venir pour le Comité Régional de l’Habitat ? Le Comité Régional de l’Habitat (CRH) est la seule instance d’Ile-de-France réunissant, quatre fois par an, tous les acteurs du logement. Il existe depuis 2005 et a le mérite de regrouper l’ensemble des acteurs du logement - dont désormais Paris Métropole. Avec le délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, j’ai proposé à la ministre de l’égalité des territoires et du logement - qui a accepté d’expérimenter un élargissement du CRH aux L'acte de construire questions d’hébergement et d’accompagnement et loger un ménage social, de sorte qu’il puisse ainsi évoluer vers un est à la fois un acte Comité Régional de l’Hébergement et du Loged'intégration sociale, ment. un acte d'urbanisme et Pourquoi cette transformation ? Deux raisons principales me poussent à la mettre en œuvre, et elles sont tout aussi importantes à mes yeux.

un acte économique qui implique des visions partagées et des solidarités locales et nationales.

D’une part, l’acte de construire et de loger un ménage est à la fois un acte d’intégration sociale, un acte d’urbanisme et un acte économique qui implique nécessairement des visions partagées et des solidarités locales et nationales. Personne, ni l’État, ni les collectivités locales, ni les associations, ni les bailleurs, ni les partenaires économiques, ne peut prétendre décider seul et résoudre l’ensemble des problèmes qui se posent à l’Ile-de-France. 93


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France D’autre part, la difficulté d’accès au logement des ménages les plus démunis est à la fois un problème d’offre quantitative et qualitative, de solvabilisation et d’accompagnement social. Je suis convaincu qu’hébergement, accès au logement et développement de l’offre sont intimement et étroitement liés. Cette conviction est confortée par le retour d’expérience des deux ans de fonctionnement de la Direction régionale et interdépartementale de l’Hébergement et du Logement, seule direction régionale consacrée à l’hébergement et au logement. L’expérience montre en effet la nécessité d’une vision complète des problématiques de construction et de rénovation de l’ensemble des logements d’une part, de solvabilisation et d’accompagnement social des personnes et ménages les plus démunis d’autre part. L’attractivité d’une métropole de rang mondial est également liée à son rayonnement, à sa culture, son influence. Le rôle de l’État est dans ce domaine primordial, et Paris dispose d’atouts significatifs. Comment faire davantage prévaloir ces atouts, et les transformer en véritables avantages comparatifs ? Le Grand Paris, c’est un projet multidimensionnel dans lequel se côtoient le développement économique, l’emploi, le transport, l’aménagement, le logement ou encore la culture et la création. En un mot, c’est le changement d’échelle nécessaire pour préserver le rayonnement de la région capitale dans les prochaines décennies face à l’émergence de nouvelles métropoles de plus en plus concurrentielles en matière de créativité et de tourisme. Tout l’enjeu est justement de mobiliser les ressources culturelles des collectivités territoriales franciliennes, aujourd’hui encore trop souvent insuffisamment mises en valeur, au service d’un projet porté par la volonté du dépassement de l’opposition entre centre et périphérie.

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Les facteurs d’attractivité internationale du Grand Paris

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Paris brille-t-il ?

Quels sont les principaux facteurs d'attractivité dont la région peut objectivement se prévaloir à l'international ? En croisant les données disponibles, dont principalement celles de l'agence de promotion Paris-Ile de France Capitale Economique1, il est possible de retenir 10 atouts principaux. 1. Le Grand Paris, centre stratégique de l'Europe

• La porte d'entrée vers l'Europe continentale, soit l'un des principaux marchés mondiaux, dont environ 450 millions de consommateurs accessibles dans un rayon de 500 km. • Une situation centrale unique, à moins de 3 heures des principales villes européennes. • Le 1er bassin d'emploi européen et le territoire d'activité de plus de la moitié (53 %) des cadres français, 15 % de la population active (dont 6 500 cadres) étant par ailleurs issus d'autres pays du monde. • Une réelle puissance économique, avec un PIB total de 585 milliards d’euros : l’Ile-de-France représente 30 % du PIB français et davantage que celui du Danemark ou de la Belgique. • Le 2e plus grand lieu d’implantation des 500 entreprises du classement Forbes (après Tokyo, mais avant New York). • La 5e région européenne en nombre de projets d'implantations d'entreprises en 2010. • Un tissu économique dense et diversifié de près de 800 000 entreprises, avec des secteurs d'excellence tels que l'aéronautique et le spatial, l'automobile, l’agroalimentaire, les biotechnologies, les nanotechnologies, les technologies de l’information (dont les services "wireless" et l'animation graphique 3D). Éventuellement complétées par les Chiffres-clés de la région Ile-de-France 2012 (CRCI, IAU et INSEE Ile-de-France) et les données de l’Agence régionale de développement (ARD) de Paris-Ile de France. 1

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France • Une stabilité politique et une sécurité juridique maximales en comparaison des autres principales "villes-monde". 2. Des infrastructures de transport exceptionnelles • Le 1er "hub" aérien d'Europe continentale, reliant 530 villes et 135 pays (88 millions de passagers en 2011). • La 2e plateforme fluviale d'Europe : 70 ports répartis sur 500 km de voies navigables. • 12 000 km de routes et 700 km d’autoroutes. • Un réseau de trains à grande vitesse qui relie la plupart des capitales européennes en moins de 4 heures. • Des infrastructures ferroviaires en cours de modernisation dans le cadre d'un plan global de mobilisation en faveur des transports : amélioration continue des réseaux existants (100 millions d'euros de travaux en 2009 et 2010) et projet de Grand Paris Express (175 km desservant 72 gares). 3. Un réseau de télécommunications de premier rang • Le lieu le moins cher d’Europe pour le DSL et la zone la plus importante en Europe couverte par la fibre optique. • Toute la région couverte par la 3G+ et l'ensemble des municipalités connectées au réseau ADSL 2+. • Plus de 5 000 spots Wifi (dont 85 gratuits) plaçant Paris en tête des villes d'Europe pour ce type d'accès, qui sera encore dynamisé par l'exploitation du réseau Wimax. 4. Une main-d’œuvre hautement qualifiée et productive • Le réservoir de main-d’œuvre qualifiée le plus grand d’Europe : l’Ile-de-France rassemble plus de 5 millions d’actifs, dont plus du quart sont des cadres et des professions intellectuelles supérieures. • La main-d’œuvre parisienne disposant du plus fort PIB par tête en Europe (48 000 euros en 2010). • Plus de 600 000 étudiants (dont 16 % d'étrangers). • Trois des écoles de commerce parisiennes se plaçant parmi les meilleures mondiales selon une étude du FT 2010 sur les masters

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Paris brille-t-il ? de management : HEC, ESCP-EAP et l’ESSEC. • Des écoles d’ingénieurs mondialement reconnues : Polytechnique, ENPC, Centrale, ENST… 5. L'excellence en Recherche et Développement • La 5e plus forte concentration de chercheurs dans le monde (près de 100 000 en 2009, l'effectif total de la R&D atteignant 143 000 personnes). • 13,1 chercheurs pour 1 000 actifs, contre 4,7 pour 1 000 dans la Silicon Valley. • Des dépenses en R&D qui représentent 8 % de l’investissement total en R & D en Europe. • La 10e région de l'UE pour l'emploi dans les secteurs de haute technologie. • Le crédit impôt recherche le plus incitatif d’Europe. • 8 pôles de compétitivité stimulant la coopération entre acteurs publics et privés. 6. Un pôle leader du réseau financier mondial • NYSE Euronext : le plus grand et le plus liquide groupe boursier en Europe et le second au monde. • Euronext : la plus grande capitalisation boursière de la zone euro. • La 2e plus importante destination des capitaux-risques, derrière Londres. • Le siège des principales banques françaises, qui font partie des plus importantes d’Europe, et le centre d'une industrie financière représentant 700 000 emplois et 4,5 % du PIB national. • Une place qui se veut plus attractive pour la finance islamique. 7. Un immobilier d'entreprise compétitif et diversifié • Le plus grand marché d’Europe et le second au monde avec 50 millions de m². • 1 300 zones d'activités économiques. • Les coûts d'occupation les plus compétitifs d'Europe : les immeubles de bureaux de haut standing sont deux fois moins chers qu'à Londres.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France • Un plan de renouveau de la Défense prévoyant la construction de 1 million de m2 de bureau d’ici à 5 ans, notamment grâce à la réalisation de plusieurs tours. 8. L'une des principales destinations des congrès et salons • La plus grande surface d’exposition au monde (600 000 m2). • La 1re ville mondiale pour l'organisation de conférences et la 3e en nombre de congrès associatifs en 2010. • Au 1er rang européen pour le nombre d'exposants accueillis et au 2e (derrière Milan) pour le nombre de visiteurs sur les salons. • Un accueil annuel de 2 000 réunions d’affaires et de près de 1 000 congrès, représentant 10 millions de visiteurs (25 % d'étrangers) qui assurent 46 % des nuitées de l'hôtellerie francilienne (en 2010). 9. La capitale mondiale du tourisme • La 1re région touristique mondiale : plus de 68 millions de nuitées en 2011 (dont 42 % d'étrangers, Britanniques et Américains constituant les 1res nationalités représentées). • 2 500 hôtels proposant 153 000 chambres, renforcées par de nombreuses locations saisonnières ou de courte durée. • Une richesse architecturale, patrimoniale et culturelle unique au monde. • 80 % de la superficie de l'Ile-de-France occupée par des espaces naturels, agricoles ou forestiers. 10. Une qualité de vie reconnue • La France classée par l'OMS en deuxième position en ce qui concerne les soins médicaux. • De très faibles risques naturels (tremblements de terre, inondations, raz de marée…). • La 1re ville au monde (devant New York) pour le mode de vie selon PriceWaterhouseCoopers. • 70 000 logements supplémentaires par an inscrits au projet de Grand Paris et près de la moitié (48 %) des ménages franciliens propriétaires de leur résidence principale.

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Le Grand Paris dans les classements internationaux : Quelle position ? Quelle signification ?

annexes

Paris brille-t-il ?

S’agissant des classements, il en sort un toutes les semaines et il y en a des dizaines, aux critères tout à fait différents. À titre d’illustration, une compilation pour 2012 du "ranking" issu de 5 sources différentes fait apparaître que Paris, au sein des 10 premières villes de chacun de ces classements, se classe : • 3e (derrière New York et Londres, mais devant Tokyo et Hong Kong) pour le Global Cities Index d’AT Kearney ; • 4e (Singapour se hissant à la 3e place, Hong Kong et Tokyo restant derrière Paris) pour le Global City Competitiveness Index du journal The Economist ; • 5e (derrière Tokyo, New York, Londres et Chicago mais juste devant Boston et Hong Kong) pour le Global Economic Power Index du Martin Prosperity Institute ; • 6e (derrière New York, Tokyo, Shanghai, Londres, Pékin et Los Angeles) pour le Global City GDP 2025 du McKinsey Global Institute ; • Au-delà du 10e rang pour le Global Financial Centers Index. Mais Paris est 4e (contre 8e l’an dernier), selon l’étude Cities of Opportunity menée par PricewaterhouseCoopers (PwC) pour 2012. Cette étude mondiale est intéressante car elle compare la situation de 27 capitales de la finance, du commerce et de la culture selon dix catégories regroupant des critères aussi bien économiques que sociaux. Il en ressort que Paris est : • La 2e ville mondiale derrière Pékin en termes de puissance économique (notamment pour l'accueil du "top 500" des sièges sociaux), Paris employant ainsi, en volume, plus de personnes en finance et services intellectuels aux entreprises que Londres ou New York ; • La 3e ville mondiale en termes de capital intellectuel et d’innovation, derrière Stockholm et Toronto, mais devant San Francisco

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France et New York, une des grandes forces de Paris provenant de son système éducatif global, et notamment de la présence des grandes écoles ; • La 1re ville en qualité de vie, devant Sydney, Hong Kong et San Francisco : "Grâce à un réseau de transport étendu et accessible, Paris se positionne comme une ville carrefour, attirant des touristes du monde entier", souligne cette étude, qui pointe parmi ses principales faiblesses son 14e rang pour la "facilité pour faire des affaires", 16e rang pour le "coût d’un appartement en centre-ville" et 24e rang pour le "coût de la vie" en général. Elle se conclut cependant par un avis global très positif de Geoffroy Schmitt, associé PwC : "Cette excellente position est confirmée par l’intérêt continu des investisseurs pour Paris. Notre capitale reste très attractive par rapport aux autres grandes villes mondiales." Une analyse qu’il convient cependant de relativiser. Ainsi, The Economist Intelligence Unit ne pointe Paris qu’au 16e rang (sur 140) pour le titre de "Ville la plus agréable à vivre au monde". Certes devant la grande rivale européenne, Londres (51e), mais loin derrière Melbourne, Vienne, Vancouver, Toronto et Calgary. Ce classement d’inspiration explicitement anglo-saxonne ne prend pas en compte le climat ou le coût de la vie. Mais il s’appuie sur l’analyse sérieuse d’une trentaine de critères répartis en cinq catégories (stabilité politique, accès aux soins, accès à la culture, éducation et qualité des infrastructures). Enfin, sans prétendre à l’exhaustivité, un autre classement international révélé par BATIACTU (31/08/2012) est celui du Mercer, dominé cette fois par les cités germaniques. Le "top 10" des villes les plus agréables au monde en 2011 (39 critères étudiés) est constitué, dans l’ordre, de Vienne, Zurich, Auckland, Munich, Düsseldorf et Vancouver (5e ex aequo), Francfort, Genève et Berne. Même s’il est là encore devant Londres (38e), Paris ne pointe qu’à une piteuse 30e place... Preuve qu’au-delà des chiffres, la bataille de la compétitivité se mène surtout au travers de la nationalité et des intérêts des instituts qui les exploitent. Exactement comme le classement de Shanghai pour l'enseignement supérieur. L’attractivité n’est pas la compétitivité : elle est avant tout affaire de représentation, donc de communication et finalement d’influence.

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Paris brille-t-il ? Par nature, ce type de classements tend à formaliser une hiérarchie mondiale afin d'accroître la visibilité des "meilleurs". Leur avantage est d'inciter chaque ville, chaque territoire ou chaque État à être plus dynamique, efficace, potentiellement vertueux. L'inconvénient est de renforcer les phénomènes d'imitation là où, au contraire, s'agissant d'attractivité, la clé réside dans la valorisation de facteurs différenciants considérés comme autant d'avantages comparatifs dans une compétition internationale exacerbée.

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Orientations bibliographiques Principaux ouvrages

bibliographie

Paris brille-t-il ?

Corinne Berneman et Benoît Meyronin (dir.), Culture et attractivité des territoires : Nouveaux enjeux, nouvelles perspectives, L’Harmattan, 2010, 282 p. Alain Chenu et Laurent Lesnard (dir.), La France dans les comparaisons internationales, Presses de Sciences Po, 2011, 221 p. Julien Damon (dir.), Vivre en ville. Observatoire mondial des modes de vie urbains 2008/2009, Puf, avec le soutien de Veolia Environnement, 2008, 251 p. Laurent Davezies, La Crise qui vient. La nouvelle fracture territoriale, Seuil, 2012, 128 p. Richard Florida, The Rise of the Creative Class (Revisited), Basic Books (New York), 2012, 480 p. Richard Florida, The Flight of the Creative Class. The New Global Competition for Talents, HarperBusiness (New York), 2007, 352 p.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Brendan O’Flaherty, City Economics, Harvard University Press (Cambridge), 2005, 608 p. Saskia Sassen, The Global City, Princeton University Press (Princeton), 2001, 412 p. Philippe Subra, Le Grand Paris : Géopolitique d’une ville mondiale, Armand Colin, 2012, 288 p. Rémy et Diane-Gabrielle Tremblay, La classe créative selon Richard Florida. Un paradigme urbain plausible ? Presses Universitaires de Rennes, 2010, 222 p. Pierre Veltz, Mondialisation, villes et territoires. L’économie d’archipel, Puf, 2005, 288 p.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Centre de ressources indépendant : http://brandingplaces.com Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) Ile-de-France : www. iau-idf.fr La Fabrique de la Cité, "think tank" de l’entreprise VINCI dédié à l’innovation urbaine : www.lafabriquedelacite.com La maison de l'immobilier, le site des professionnels de l'immobilier à Paris et en Ile-de-France : www.lamaisondelimmobilier.org Territoires 2040 (DATAR) : http://territoires2040.datar.gouv.fr Un-Habitat, l’agence onusienne en charge du développement urbain : www.unhabitat.org

Autres ressources "L’attractivité des villes : définitions, enjeux et mesures", compte rendu de l’intervention de François Cusin et Julien Damon à la réunion trimestrielle des membres partenaires, Futuribles international, 17/06/2010. "Ces Franciliens qui rêvent de quitter Paris", sondage de l’Institut CSA pour le salon PROVEMPLOI, octobre 2012, www.csa.eu "Comment construire 70 000 logements neufs dans le Grand Paris ?", La Fabrique de la Cité, Actes du petit-déjeuner débat du 30/05/2012, http://news.lafabriquedelacite.com "Le déficit migratoire entre l’Ile-de-France et les autres régions peut-il se réduire ?", IAU Ile-de-France, Débat & enjeux, Migrations et métropoles, atelier n° 3, 02/10/2009. "Investissements directs", Banque de France, www.banque-france.fr. "Les marques de territoire", dossier de Brief, mensuel de la communication publique, n° 1, octobre 2012. "Les meilleures pratiques internationales pour attirer talents, investissements et capitaux. Les clés du succès des grands clusters mondiaux", VIIe Forum de la recherche et de l’innovation, Paris Ilede-France Capitale Economique, 30/10/2012. Tableau de bord 2011 de l’attractivité de la France, 11/07/2011, www.strategie.gouv.fr. Top 25 Most Liveable Cities 2009, www.monocle.com. Urban statistics, www.citymayors.com. 108


Il n’y a pas de fatalité au déclin. Il faut échanger nos points de vue et bâtir des solutions nouvelles. Comme l’indiquait Hannah Arendt : "Le pouvoir jaillit parmi les hommes lorsqu’ils agissent ensemble." C’est maintenant que se décide si le Grand Paris sera un succès dont pourra bénéficier la génération à venir. Gilles Ricour de Bourgies Président de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France

Paris brille-t-il ?

de la FNAIM Paris Ile-de-France

Qui attirer, et retenir ? Comment ? La question de l’attractivité est peut-être plus stratégique encore que celle de la compétitivité. Elle est de nature politique, surtout. C’est-à-dire qu’elle nous concerne tous. Les professionnels de l’immobilier, agents économiques de terrain au cœur des préoccupations des Français, sont donc fondés à s’emparer de ce sujet dans le cadre des débats sur le Grand Paris. D’autant plus que le logement est un facteur clé pour l'attractivité d'un territoire métropolitain comme le nôtre. Il constitue en effet un "hard factor", un actif tangible de la métropole. Mais il participe aussi pleinement du "soft power" de l’agglomération, cette qualité de vie que les habitants recherchent et à laquelle ils sont profondément attachés. Conformément à l’esprit de la collection des Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France, l’ouvrage qui vous est ici présenté accueille des personnalités et des experts reconnus, issus d’horizons divers. Chacun s’efforce de poser le bon diagnostic puis d’esquisser des solutions aux problèmes les plus urgents qui se posent au Grand Paris. Pour que la région capitale continue à être le moteur de la France et à se faire entendre dans le concert des villes mondiales, ces "Global Cities" en pleine expansion partout sur la planète.

Les Cahiers

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France

Depuis 2008, le monde est devenu urbain : plus de la moitié des habitants de la planète vit désormais dans des villes. Et en 2025, si les évolutions se prolongent, ce seront les deux tiers. Il y aura alors 40 agglomérations de 10 à 40 millions d’habitants dans le monde. 35 seront situées dans les pays du Sud et les émergents. Car ce profond mouvement d’urbanisation s’inscrit dans celui, plus large, de "renversement du monde" en faveur des pays du Sud et de l’Est. Comme le relèvent les consultants de McKinsey : "The urban economic center of gravity is shifting"... La compétition entre grandes métropoles mondiales est devenue féroce pour attirer les mouvements internationaux des hommes, des capitaux, des marchandises, des services, des technologies. Au sein de ce monde qui vient, que pèsera Paris, dont la position s’effrite dans les classements internationaux ? Que pèse déjà Paris, à la fois comme capitale d’une nation qui tourne peu à peu le dos à la croissance et comme principale métropole d’une "zone euro" engluée dans une interminable crise financière ? Bref, Paris brille-t-il encore, et suffisamment, pour créer de l'activité ?

Paris brille-t-il ? L’urgence d’une véritable stratégie d’attractivité pour le Grand Paris

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Une publication de la FNAIM Paris Ile-de-France - novembre 2012 - N° 2 - 18 € Directeur de publication : Gilles Ricour de Bourgies N°ISBN 978-2-9521616-2-6

9 782952 161626

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Avec les contributions de : Jean-Luc Berho, Daniel Canepa, Julien Damon, Pascal Gauchon, Maurice Gauchot, Daniel Janicot, Peer de Jong, Hervé Juvin, Georges Pahud et Pierre Simon.

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