Revue Migrations Forcées 28

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Norwegian Refugee Council

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Quand 93.000 personnes connaissent votre nom Par Alfredo Zamudio « Norwejj, norwejj, okay, okay » : tous les matins pendant près de deux ans, j’ai eu droit à cet accueil souriant. Coordinateur au camp du Conseil norvégien des réfugiés (NRC)1 à Kalma dans le Sud Darfour, à l’est de Nyala, j’ai vécu dans ce camp de 93.000 personnes où des gens normaux, animés d’espoirs normaux et dotés de compétences normales, ne vivent pas une vie normale. Déportés par la violence et le conflit, ils ont besoin d’assistance pour survivre. Le camp de Kalma s’étend sur 7 km de long et 1,5 km dans sa partie la plus large. Dressé en février 2004 lorsque les autorités décidèrent de relocaliser certaines populations déplacées à partir du camp de Nyala, il a été pris en charge par mon organisme en juillet 2004, lorsque la Commission soudanaise pour les affaires humanitaires a demandé au NRC de coordonner l’effort humanitaire dans ce camp qui comptait alors déjà 46.000 habitants. Depuis cette date, la population de Kalma a plus que doublé. Le NRC a contracté un engagement tripartite avec OCHA (Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires humanitaires) et HAC (Commission d’aide humanitaire) – HAC devant assurer la gestion du camp et NRC la coordination. Au quotidien, notre travail de coordination impliquait que nous soyons en dialogue permanent, intervenant souvent en tant que médiateurs entre les IDPs, les agences participantes ou partenaires et les agences internationales tel que l’Union de la police civile africaine (AUCivPol), la Mission des Nations Unies au Soudan (UNMIS)2 et OCHA. Le NRC travaille en conformité avec les préceptes du droit international humanitaire (y compris le respect des espaces humanitaires, l’engagement pour la création de tels espaces et l’action pour en garantir l’accès à tous les bénéficiaires), mais aussi en vertu des droits humains internationaux, des normes Sphere3 et des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.4 A Kalma, le NRC a fondé son approche sur son guide de gestion des camps5 qui établit une marche à suivre pour identifier les questions,

les points d’action, les partenaires ou acteurs, les problèmes et les résultats. Identifier et cerner les acteurs est l’élément clé d’une coordination réussie. A Kalma, les acteurs sont de trois types : n 93.000 personnes déplacées représentées formellement par 650 sheiks ; n le gouvernement soudanais (GS) représenté primairement par HAC et par la police ; n les ONG internationales et nationales, ainsi que les agences des Nations Unies. Le NRC n’a pas régulièrement dressé de mémos d’entente avec ses agences partenaires ; ponctuellement, en revanche, des listes ont été dressées pour certains projets précis tels que la distribution d’articles non alimentaires, ou les campagnes d’hygiène. Toutes les activités de coordination du camp tendent à améliorer les conditions de vie, mais le rôle principal du coordinateur est de garantir un espace humanitaire suffisant dans le camp, et de s’assurer la collaboration des IDPs. C’est en établissant une communication multifaces entre les acteurs que nous avons réussi dans ce domaine. Il faut cependant dire que cet équilibre était parfois gravement menacé par l’insécurité qui ravageait le camp. Nous avons formé des travailleurs sociaux aux questions de protection, particulièrement en ce qui concerne les femmes (collecte de bois, harcèlement et abus sexuels, violence domestique, cherté de l’alimentation et problèmes

d’inscription). Ces problèmes ont été signalés à l’équipe de coordination. Le NRC s’est donné pour règle d’engager au moins 50% de femmes parmi ses travailleurs journaliers, pour le même salaire que les hommes. Nous avons été la première ONG à engager des femmes pour assurer la sécurité. Dans un camp comme celui de Kalma, l’action humanitaire est un procédé complexe qui requiert une gestion appropriée, un financement solide, des capacités diplomatiques et une certaine résilience qui permet de rebondir après des difficultés, ainsi qu’une perception claire des questions humanitaires, et bien sûr la connaissance des normes juridiques humanitaires internationales. Alfredo Zamudio (p-director@ easttimor.nrc.no; Alfredo.Zamudio@ netcom.no) a assuré la coordination du camp de personnes déplacées à Kalma jusqu’à la fin de 2006. 1. Dans le guide de gestion des camps publié par NRC, cette fonction est nommée « camp manager » 2. www.unmis.org 3. www.sphereproject.org 4. http://www.reliefweb.int/OCHA_ OL/pub/idp_gp/ idp_fr2.htm 5. NRC’s Camp Management Toolkit (www.nrc.no/camp ) - en cours de révision

Le 3 septembre 2006, le NRC a été informé que son travail au camp de Kalma était suspendu. Le 9 novembre, après 64 jours de suspension, l’organisation a décidé de se retirer du Sud Darfour. Le 21 novembre, accusée de semer la division entre les populations déplacées et le gouvernement en publiant des rapports mensongers sur des viols, l’organisation a été officiellement expulsée.

Le Conseil norvégien pour les réfugiés www.nrc.no/engindex.htm Le Centre de suivi pour les déplacements internes (IDMC) www.internal-displacement.org


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