Aperçus de Cannes #3

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APERÇUS DE CANNES JOURNAL #3 DU 19 AU 21 MAI Notes sur les films et le festival


LES COTES DC

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Baccalauréat **** *** Le Client *** **** Divines Dog Eat Dog ° Elle ** ** Gimme Danger *** Juste la fin du monde The Last FaceParce qu'après le choc°4 mois, La Longue nuit F.Sanctis 2 jours * 3 de semaines, (Palme d'Or Madame B. Mercenaire 2007), le réalisateur roumain nous a La Mort de Louis XIV surpris avec ** Au-delà des**** encore collines The Neon Demon ** * *** (Double prix d'interprétation féminine Pericle il nero ° et prix du scénario 2012). Risk Sac la mort Isabelle Danel Tombé du ciel Tour de France Two Lovers and a Bear


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ELLE de Paul Verhoeven (France) [CompĂŠtition]

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Dans La Chair et le sang, une séquence reste en mémoire : un soudard moyenâgeux tentait de violer une de ses prises de guerre. La jeune femme parvenait a se tirer d' affaire en renversant l'agression : elle prenait les commandes de ce rapport sexuel non consenti, provoquant ainsi la débandade du violeur. ELLE utilise la même parade ; elle agrippe la domination masculine par le col, et, tel un judoka, la fait retomber cul par dessus tête. ELLE, c'est IsabELLE Huppert, moteur puissant de l'implacable maitrise cinématographique du toujours VERThoeven. Grace a une mise en scène précise, sans ostentation, ELLE creuse un réseau de galeries narratives que l'on serait bien en peine d' arpenter en une seule vision. Un diamant noir éblouissant. Jef Costello


À la périphérie du monde de la haute-couture, une jeune femme un peu médium en proie aux tourments du deuil croît si bien aux forces de l'esprit qu'elle cherche à entrer en communication avec celui de son jumeau défunt dont elle attend un signe venu de l'audelà. Taillé sur mesure pour Kristen Stewart, Personal Shopper - qu'elle magnifie avec une rare élégance et un impeccable allant - est un film tout à la fois séduisant et désincarné comme peut l'être semble-t-il le monde de la mode. Ainsi, paradoxalement, n'attend-elle plus que de l'esprit un début de chair, un commencement de réel. Et cela est tout à fait excitant, il faut bien le reconnaître ! Roland Hélié

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ERSONAL SHOPPER

e Olivier Assayas (France)

ompĂŠtition]

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CAPTAIN FANTASTIC de Matt Ross (États-Unis) [Un Certain Regard]


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“Power to the people, stick it to the man !” (“Le pouvoir au peuple, mort aux vaches !”). Ces mots criés par les acteurs avant la projection de Captain Fantastic ont été le fil rouge d’une œuvre qui présente une famille hors du commun vivant depuis des années loin de toute activité humaine. Seulement, un drame les oblige à partir et à apprivoiser un monde qui leur est étranger. Matt Ross confronte avec audace le spectateur à des questions telles que l’éducation ou la trace que l’homme laisse sur cette Terre. Sans verser dans la critique facile de la société capitaliste, le réalisateur met en évidence les limites de deux modes de vie mais ne se fait jamais moralisateur. Même si on peut reprocher au scénario quelques moments de flottement voire de maladresse (avec un enchaînement de situations bien pensantes), Matt Ross mène avec brio sa troupe d’acteurs qui tous contribuent à la réussite de ce Captain Fantastic. Delphine Cazus


BACALAURÉAT de Cristian Mungiu (Roumanie) [Compétition]

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Il y a neuf ans, Cristian Mungiu remportait la Palme d’Or avec son deuxième long métrage, 4 mois, 3 semaines, 2 jours, choc du festival 2007. Le temps a passé, Mungiu a signé le magnifique et destabilisant Au-delà des collines en 2012. Avec Bacalauréat, il assied sa réputation avec un talent inouï. Oui, de l’écriture à la mise en scène, tout dans ce quatrième long métrage qui suit les pas d’un père voulant que sa fille dé-

croche son bacca partir étudier en A parfait. La photog Tudor Vladimir Pa labore pour la pre Mungiu) est supe (Adrian Titieni et M sont époustouflan quête, avec tout de notations juste et ses habitants, la culpabilité, et la est un portrait tro gnifique. Plein de


alauréat afin de Angleterre est graphie signée anduru (qui colemière fois avec erbe, les acteurs Maria Dragus) nts. Cette ce qu’elle inclut es sur le pays sur l’ambition, a corruption, oublant et mae références à la

fois à Kieslowski et Haneke, ainsi qu’une caméra plantée dans la nuque des personnages rappelant la manière des Dardenne, placent le film dans une sorte de territoire auteuriste balisé. Un peu moins de surprise(s), donc, que dans les précédents opus, mais l’intelligence, la maîtrise et la beauté sont telles que Bacalauréat reste l’un des films les plus marquants de ce 69ème festival. Isabelle Danel


TRAMONTANE de De Vatche Boulghourjian (Liban) [Semaine de la Critique]

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Premier long métrage libanais présenté à la Semaine de la Critique, Tramontane raconte une quête personnelle qui sillonne l’histoire récente du pays. Rabih, un jeune chanteur aveugle demande un passeport pour accompagner à l’étranger sa chorale. Au commissariat, il découvre que ses papiers d’identité sont faux, et que l’histoire de ses origines n’est pas celle qu’il pense. Classique, dans le beau sens du terme, ce film joue magnifiquement de tous les contrastes : obscurité (où Rabih est comme un poisson dans l’eau) et lumière, silence et dialogues, musique et bruit... La mise en scène est magnifique avec ces cadres dans le cadre, comme la présence constante et obstruante d’un cache, Parce qued’un Davyparavent, Chou a siparticipant bien de cette recherche la vérité. Peu peu le filmé lade disparition d’unàmonde voile se lève et le champ s’élargit, surqu’il un pan dans Le Sommeil d’or, me de cette histoire tarde ravageuse etcomment ravagée du Liban, de voir il filmera des militaires l’éclosion et des massacres, des horreurs d’un nouveau monde et des secrets. dans Diamond Island. Isabelle Danel Chloé Rolland


LE CLIENT de Asghar Farhadi (Iran) [Compétition]

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On l'avait laissé sur Le Passé, décevant, on retrouve Farhadi au top pour ce drame conjugal au cordeau, dans lequel un prof de lycée, acteur amateur, tente de démasquer l'agresseur de sa compagne. Il y a beaucoup à piocher dans cette intrigue qui raconte les failles du couple à travers une mise en scène

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brillante mais jamais pompeuse où chaque détail à son importance, des dialogues et des situations qui nous amènent à réfléchir sans jamais laisser le spectateur de côté. Marine Quinchon


THE LAST FACE de Sean Penn (États-Unis) [Compétition]

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Dès le carton d’ouverture, qui fait le lien entre les guerres civiles en Afrique et une histoire d’amour impossible, on se dit que quelque chose ne tourne pas rond dans le nouveau film de Sean Penn. Ce drame passionnel sur fond de missions humanitaires donne à voir un cinéaste qui a perdu la main, à grands coups de cadrages improbables, de photo floue, de musique “africaine” (même si composée par Hans Zimmer) et de dialogues sirupeux.


Lorsque, au bout d’une heure et demie, la fibre politique de Penn se réveille, c’est le temps d’un très court échange. Et la conclusion, enfin militante, souligne tout l’échec du projet : si Penn souhaitait sensibiliser le public occidental aux drames qui marquent le continent africain, il fallait le tourner avec des acteurs locaux. Pas avec des stars livrées à elles-mêmes et en adoptant un ton involontairement condescendant. Michael Ghennam


On ne sait toujours pas en quoi consiste précisément le projet de Nicolas Winding Refn – si ce n'est soigner sa colorimétrie, tout en bleus, rouges et verts francs, ou ses textures sonores, par l'entremise du fidèle Cliff Martinez –, et le canevas lynchien présidant à ce Neon Demon (une jeune beauté naïve bascule du rêve éveillé dans le cauchemar en débarquant dans la perfide Los Angeles) a quelque chose de gênant dans sa littéralité. Il n'empêche qu'au-delà de ses fantasmagories clichetonneuses, de son fétichisme gaga et de ses procédés apprétés, ivres de leur propre sophistication, cette façon de rompre, une nouvelle fois après Only God Forgives, avec la veine grand public de Drive – quitte à se claquemurer dans une démarche autistique, voire à flirter avec le néant –, accouche, au détour d'une ou deux séquences, de visions stroboscopiques stupéfiantes. Faire du monde (de la mode) une surface plane et glacée pour mieux en ouvrir in fine les entrailles : c'est à la fois d'une idiotie confondante – tant le film martèle son propos – et, dans les faits, d'une rare mais réelle efficacité.


THE NEON DEMON de Nicolas Winding Refn (États-Unis) [Compétition]**


Construit figures de leader inc son, journ Jacob Ap expert en une narrat (Citizenfou doute ama sur les fait dont ils so


RISK de Laura Poitras (États-Unis) [Quinzaine]

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en dix chapitres, Risk suit trois e WikiLeaks : l’Australien Assange, contesté ; la Britannique Sarah Harrinaliste d’investigation ; et l’Américain ppelbaum, journaliste et “technologue” sécurité informatique. En adoptant tion purement linéaire, Laura Poitras ur) fait un pari : que le spectateur, sans ateur de suspense, reste concentré ts. Et sur l’instoppable mécanique ont les rouages. Michael Ghennam


THE HAPPIEST DAY IN THE LIFE OF OLLI MÄKI de Juho Kuosmanen (Finlande) [Un Certain Regard]

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Tourné exclusivement en noir et blanc et en 16 mm, ce premier long métrage nous immerge dans la vie du boxeur qui avait ému la Finlande dans les années 1960 en accédant au championnat du monde. The Happiest Day in the Life of Olli Mäki tient tout son intérêt du fait que le réalisateur s’éloigne de cette agitation populaire pour se concentrer sur l’histoire personnelle du boxeur et sa relation amoureuse avec la jeune Raiji. Avec une délicatesse et une pudeur bienvenues, Juho Kuosmanen filme ce couple dans ses premiers pas fébriles, captant les regards joyeux de Raiji dévorant Olli ou encore le caractère légèrement brut d’Olli qui, déboussolé, essaye de mettre des mots sur ce qui lui arrive... Delphine Cazus


LA MORT DE LOUIS XIV de Albert Serra (France) [Séance Spéciale]

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" Le Roi se meurt " En ce mois d'août 1715, Versailles devait bruisser de cette rumeur, lors de la lente agonie de Louis XIV. C'est aussi en quatre mots le "pitch" du film d'Albert Serra. Avec une remarquable économie de moyens qui n'exclut pas une certaine luxuriance visuelle, le réalisateur catalan nous invite dans le huis clos de la chambre du roi, gagné par la gangrène qui va l'emporte au terme de plusieurs jours de calvaire. Bluffant e statisme et d'intensité, Jean-Pierre Leaud incarne magistralement Louis agonisant. Le long plan fixe dont le centre est son oeil, aussi noir que la gangrène qui le dévore, aspire notre regard vers cette éternité - ou ce néant, c'est selon - qui nous attend tous jusqu'à preuve du contraire, tandis qu'enfle un majestueux Kyrie. Marguerite Debiesse


JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan (Canada) [CompĂŠtition]

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Depuis son entrée fracassante sur la scène de la Quinzaine avec J’ai tué ma mère, une question fondamentale reste collée au “jeune prodige” (un statut proclamé par la presse entière - et réclamé dès lors par le cinéaste lui-même) : le génie tient-il dans l’objet créé ou dans l’acte de l’avoir créé. Juste la fin du monde nous ferait pencher définitivement pour la seconde solution tant l’objet-film se complait dans une totale esbroufe, en assumant naïvement une esthétique clip kitchissime. Dolan revendique encore sa jeunesse, sa liberté, sa méconnaissance du cinéma, et la presse de continuer d’espérer un Orson Welles tombé du ciel. Alors si le film semble souvent ridicule et complètement daté, demeure encore une certaine fascination pour l’audace dont le Canadien fait preuve (par exemple en filmant quasi entièrement en gros plans). Seulement cette audace ne masque plus ici qu’il va falloir penser cinéma et pas uniquement la place qu’il souhaite occuper ou que la presse veut lui faire occuper. Chloé Rolland


DIVINES de Houda Benyamina (France) [Quinzaine]

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Porté par un tandem d'interprètes épatantes, le premier long métrage de Houda Benyamina jongle allègrement avec les genres (teen-movie, comédie, film de gangsters...) et mène de front, au fil d'un récit d'une énergie folle, la chronique d'un éveil sentimental et d'une ascension criminelle, jusqu'à un bouquet final en forme d'explosion (aux sens propre et figuré). On ne saurait évidemment reprocher à ce cinéma-là,


carburant à l'énergie des corps et au rythme d'une tchatche nourrie de punchlines imparables, sa générosité, voire sa gourmandise ; reste que l'agencement de ses parties témoigne, par endroits, d'une certaine maladresse. Divines n'en reste pas moins l'une des plus belles promesses formulées, cette année, par le festival. Thomas Fouet



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