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N° 7 ⹠Juillet 2020
Jeunes
Enseignement confinĂ©, enseignement malmenĂ© La crise sanitaire que nous vivons depuis la mi-mars a provoquĂ© entre autres choses la fermeture des Ă©tablissements scolaires. Les enseignant·e·s ont tant bien que mal assurĂ© une continuitĂ© pĂ©dagogique via lâinstauration de cours en ligne, de remĂ©diations, de session live ⊠le corps professoral a redoublĂ© dâimagination, souvent en investissant son matĂ©riel personnel, afin que des milliers dâĂ©lĂšves de lâobligatoire ne se retrouvent pas dĂ©scolarisé·e·s.
C
ette expĂ©rience dâenseignement numĂ©rique a une nouvelle fois mis en exergue les inĂ©galitĂ©s que lâĂ©cole peine, dĂ©jĂ en temps normal, Ă combler. Pourtant, la rĂ©ouverture des Ă©coles en juin semblait ĂȘtre Ă nouveau une prioritĂ© Ă©conomique pour le politique au dĂ©triment de la dĂ©marche pĂ©dagogique : aucune rĂ©flexion nâa Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e quant aux criants dĂ©sĂ©quilibres quâentraĂźne notre enseignement. Au contraire et en guise dâexemple : alors que des milliers de jobistes se retrouvaient sans revenus dans certains secteurs condamnĂ©s Ă rester clos, le gouvernement « dâurgence » nâa pas hĂ©sitĂ© Ă autoriser lâengagement massif de jobistes dans les secteurs dits « cruciaux » tels que la grande distribution pour remplacer les travailleur·euse·s en chĂŽmage temporaire. Alors que des milliers de jobistes nâont eu accĂšs Ă aucun revenu de remplacement il a Ă©tĂ© autorisĂ©, par exemple, de dĂ©passer le plafond horaire trimestriel pour exploiter dâautres jobistes au dĂ©triment de leur temps dâĂ©tude. LâĂ©conomie avant tout. Cette crise est pourtant une vĂ©ritable opportunitĂ© pour rĂ©flĂ©chir aux moyens de diminuer les criantes inĂ©galitĂ©s du systĂšme en gĂ©nĂ©ral et du systĂšme scolaire en particulier, or aucune solution efficace nâa Ă©tĂ© apportĂ©e : la fracture numĂ©rique est toujours prĂ©sente ; refus de lâobtention du chĂŽmage temporaire aux jobistes ; informations tardives et contradictoires dans lâenseignement obligatoire comme dans le supĂ©rieur ; maintien des examens dans le supĂ©rieur ouvrant la voie aux abus et Ă lâarbitraire ; aucune prise en compte des nombreuses familles ne pouvant assurer Ă leurs enfants des conditions dâĂ©tudes
adĂ©quates. Le gouvernement fut une fois de plus sourd aux revendications Ă©tudiantes, aux appels des enseignant·e·s et directions. Pire : le retour en classe dans lâenseignement obligatoire ne fut pas obligatoire â le politique est arrivĂ© Ă passer outre lâobligation scolaire sous prĂ©texte de crise sanitaire. Nous voici maintenant en juillet. Presque 4 mois que le monde patronal crie Ă la glorification de lâenseignement Ă distance. La Fondation pour lâenseignement apporte ses solutions : flexibilitĂ©, introduction de la rĂ©alitĂ© des entreprises dans les Ă©coles. Teach For Belgium, via ses enseignant·e·s formé·e·s Ă la McKinsey, fait tourner la machine Ă cartes blanches dans les mĂ©dias pour vanter les merveilles du « new management » pĂ©dagogique. La tribune est donnĂ©e Ă un Ă©tudiant de temps en temps, prenons celle dâun Ă©lĂšve de fin de secondaire dâun Ă©tablissement huppĂ©. Aucune parole donnĂ©e Ă un·e Ă©lĂšve de CEFA exclu·e de son stage, aux enseignant·e·s des Ă©tablissements dits de « discrimination positive »⊠le discours est bien clair et Ă sens unique : « Le monde de lâentreprise, le monde du privĂ© sont les seuls Ă pouvoir apporter les solutions dâavenir. Lâenseignement est dĂ©passĂ©, hors de la rĂ©alitĂ© : il faut le moderniser Ă tout prix ». Le vieux monde est toujours bien prĂ©sent et se sent renforcĂ©, brandit la menace de la crise Ă©conomique Ă nos portes pour justifier que ses vieilles recettes soient intĂ©grĂ©es au monde de lâenseignement ; Ă nous de leur faire comprendre quâelles sont indigestes et ne passeront pas, quâil existe des ingrĂ©dients indispensables tels quâune forte dose de pĂ©dagogie et de social si le souhait rĂ©el est de donner meilleur goĂ»t Ă tout ça.




