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F R A N Ç A I S E

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AÏKIDO magazine

Cornélia DEMMERS aboutir à “ Pour une pratique

comparable à celle des hommes, en terme d’efficacité, la femme doit être très bonne «technicienne».

Mare SEYE Ouvrir les portes du partage

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Daniel BENSIMHON Le BU au cœur de l’Aïkibudo


ÉDITORIAL

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Une règle commune

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L’Aïkido est une activité libre, que chacun peut pratiquer et apprécier à son gré, et qui se passe fort bien des règles et hiérarchies de la compétition dont nous ne voulons pas. Mais si chacun fait et professe ce qu’il veut, il faut quand même, pour qu’il puisse dire que c’est de l’Aïkido, que cela en soit. Or le seul moment de notre vie d’aïkidoka où un regard extérieur peut confirmer que nous sommes bien en train de faire de l’Aïkido, c’est lorsqu’un grade nous est reconnu. Il faut donc que cette délivrance de titres, d’ailleurs protégée par l’État, soit sérieusement faite. C’est-à-dire qu’il faut éviter les complaisances ou la paresse de l’attribution automatique au temps passé. Pour éviter ces écueils, le règlement a plusieurs fois évolué dans les quinze dernières années, pour arriver aujourd’hui à un système où la qualité est assurée par un nombre restreint d’examinateurs qui doivent se former spécialement, et l’équité assurée par le fait qu’il est procédé à un tirage au sort parmi eux. Les examinateurs ne sont plus les représentants d’une Fédération ou d’une tendance, mais les examinateurs de l’Aïkido français ; ils représentent tous la plus importante communauté d’aïkidoka jamais constituée au monde. Les instances représentatives de notre Fédération comme celles de la FFAB ont rédigé et signé ce règlement avant de demander à l’État de l’entériner. C’est donc la loi commune et c’est maintenant à la Commission des Grades, pour nous coprésidée par notre Vice-Président Paul Lagarrigue, de veiller à son respect pour pouvoir entériner au nom de l’État les grades ainsi proposés par les jurys d’examen. Ce point de passage commun à tous les aïkidoka français ne prive personne de son originalité et une Fédération n’est pas par nature la représentante d’une école qu’elle soit de style ou de pensée. Mais prétendre à un grade, c’est savoir parler un langage que les autres comprennent, et peuvent reconnaître. Le public auquel nous nous adressons collectivement au nom de l’aïkido, pour lui dire de venir pratiquer cette discipline, est en droit d’attendre qu’une ceinture noire, et encore plus pour les degrés élevés, corresponde à un niveau réel, et la réalité se trouve aussi à l’extérieur de sa propre maison. Dans l’Aïkido, il y a toujours accessibles plusieurs lignes de réalité, mais jamais pour s’enfermer, toujours pour se libérer, s’ouvrir au monde sans crainte. Un peu de courage, mon fils, et tu seras ceinture noire. Maxime Delhomme Président de la FFAAA

AÏKIDO MAGAZINE juin 2006 est édité par la FFAAA, 11, rue Jules Vallès 75011 Paris - Tél: 01 43 48 22 22 - Fax: 01 43 48 87 91 www.aikido.com.fr - Email : ffaaa@aikido.com.fr Directeur de la publication: Maxime Delhomme. Directeur administratif: Sylvette Douche. Photographe : Jean Paoli. Toutes reproductions interdites sans autorisation préalable. Réalisation: Ciné Horizon

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INFOS - STAGES

Toutes les opportunités de stages sont bonnes à saisir pour celles et ceux qui souhaitent entretenir leur Aïkido. Découvrir de nouvelles approches hors de son dojo habituel, voilà un bon programme pour l’été. Stage national enseignants et futurs enseignants ✦ DINARD stage dirigé par Franck Noel 7e dan et Bernard Palmier 6e dan, du 21 au 25 août 2006. Inscriptions par courrier auprès de la FFAAA uniquement..

Stages techniciens ✦ PRAGUE stage dirigé par Joel Roche, 6e dan, du 26 juin au 2 juillet 2006. Renseignements au 0241487566. ✦ VINCENNES stage dirigé par Pascal Guillemin 5e dan et Bruno Gonzalez 4e dan, du 6 au 9 juillet 2006 . Renseignements au 0603191268 ou 0689129727. ✦ ANDERNOS stage dirigé par Philippe Léon, 6e dan, du 8 au 13 juillet 2006. Renseignements au 0556368641 ou 06111409091. ✦ ISLE-SUR-SORGUE stage dirigé par Roberto Arnulfo, 6e dan, du 8 au 15 juillet 2006. Renseignements au 0615858047. ✦ GUJAN-MESTRAS stage dirigé par J.M. Mérit, 6e dan, du 9 au 14 juillet 2006 (Adultes). Renseignements au 0546963161. ✦ HENDAYE stage Aïkido et arts martiaux internes animé par Philippe Grangé, 5e dan, du 9 au 15 juillet 2005. Rens : au 0686792611-0668444140. s.socirat@wanadoo.fr ✦ LA ROCHELLE stage dirigé par Jean-Luc Subileau, 6e dan, du 10 au 16 juillet 2006 à Lagord près de La Rochelle. Renseignements au 05 49 09 60 74.

✦ ILE-DE-NOIRMOUTIER stage dirigé par Joel Roche, 6e dan, du du 10 au 16 juillet 2006. Renseignements au 0241487566. ✦ BERLIN stage dirigé par Michel Erb, 5e dan, du 14 au 17 juillet 2006. Rens.: 0688679702. ✦ FOUESNANT stage dirigé par Patrick Bénézi 6e dan, du 14 au 20 juillet 2006. Rens. : 0618211003-0611401931. ✦ SOLRE-LE-CHATEAU stage dirigé par Arnaud Waltz 6e dan, du 15 au 21 juillet 2006. Rens. : 0327621495. ✦ PORTO-VECCHIO stage dirigé par Christian Mouza, 5e dan, DTR Corse, du 17 juillet au 22 juillet 2006 Rens.: 0608162488. ✦ ST-PIERRE D’OLÉRON stage dirigé par Franck Noel, 7e dan, du 17 au 29 juillet 2006. Rens.: au 0561261031-0563335170. ✦ MONTRÉAL stage dirigé par Paul Muller, 7e dan, du 20 au 23 juillet 2006. Rens.: 0388840134-0686570166. ✦ AUTRANS stage dirigé par Bernard Palmier, 6e dan, 22 au 29 juillet 2006. Venir avec Ken, Jo et Tanto. Renseignements au 0476953055. ✦ MONTREVELEN-BRESSE stage dirigé par Patrick Bénézi 6e dan, du 23 au 28 juillet 2006. Rens. : 01408086442-0611401931. ✦ BISCAROSSE stage d’été dirigé par Alain Verdier, 6e dan, du 29 juillet au 3 août 2006. Venir avec Ken, Jo et Tanto. Rens.: 0556120794 ou 0556070737. ✦ BERCK stage d’été dirigé par Bruno Zanotti, 5e dan, du 29 juillet au 6 août 2006 . Renseignements au 0608169572 ou 0608215226.

✦ ROQUEBRUNESUR-ARGENS stage dirigé par Christian Tissier shihan, du 30 juillet au 11 août 2006. Rens. au 0143282990 et 0603247649. ✦ SARREBRUCK stage dirigé par Gilles de Chénerilles 5e dan, du 31 juillet au 6 août 2006. Inscriptions au : 0049-(0)681-3908062. ✦ ÉVIAN Stage dirigé par Gilbert Maillot 5e dan, du 5 au 11 août 2006. Renseignements au 0468620620 et 0615200696. ✦ ESTAVAR stage dirigé par Franck Noel, 7e dan, du 5 au 12 août 2006. Rens. : au 0468731334. ✦ LE TEMPLE-SUR-LOT stage adultes et enfants dirigé par J.M. Mérit, 6e dan, du 7 au 12 août 2006 Renseignements au 0553405050. ✦ SÈTE Stage dirigé par Gilbert Maillot 5e dan, du 12 au 18 août 2006. Renseignements au 0468620620 et 0615200696. ✦ WÉGIMONT EN BELGIQUE stage dirigé par Christian Tissier Shihan, du 12 au 19 août 2006. Rens. au 32-2-5374762 afa.secretariat@belgacom.be ✦ SAINT-JEAN DE MONTS stage dirigé par Catherine David, 5e dan, du 14 au 19 août 2006. Venir avec Jo et Bokken. Rens.: 0240356663.

✦ LONS-LE-SAUNIER stage dirigé par Michel Erb, 5e dan, du 19 au 20 août 2006. Rens.: 0688679702. ✦ WATTENS stage dirigé par Paul Muller, 7e dan, du 19 au 25 août 2006. Rens.: 0388840134-0686570166. E-mail : paul.muller@wanadoo.fr ✦ ISLE-SUR-SORGUE stage dirigé par Roberto Arnulfo, 6e dan, du 19 au 26 août 2006. Renseignements au 0615858047. ✦ VINCENNES stage dirigé par Patrick Bénézi 6e dan, du 21 au 26 aout 2006. Rens. : 0611401931. ✦ ST-RAPHAEL stage dirigé par Paul Muller, 7e dan, du 26 au 31 août 2006. Rens.: 0388840134-0686570166. Stage international ✦ LE VIGAN stage dirigé par Saotome Mitsugi shihan, du 19 au 27 août 2006. Rens.: 0299688248. Divers ✦ MARLY-LE-ROI Les aïkidoka se mobilisent pour l’AFHA (Association Française de l’Hémiplégie Alternante), le 25 juin 2006, au Gymnase du Chenil. La rectte est entièrement reversée à l’AFHA. Rens.: 0139587396. www.afha.org

Retrouvez toutes les infos fédérales, les stages,etc.,sur le site web de la FFAAA

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www.aikido.com.fr


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GROS PLAN SUR La LIGUE de la RÉUNION

La Réunion des énergies Sous le volcan de la Fournaise, dans le décor naturel des cirques de Cilaos, Mafate et Salazie, la ligue de La Réunion pratique un Aïkido… intense et coloré, à l’image de cette l’île de l’Océan Indien. Entretien avec Jean-François Barbe, 4e dan, professeur au Club de l’Ouest.

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L’art martial en général est–il bien implanté dans la culture réunionnaise ? Notre île compte environ 700 000 habitants, et, les jeunes réunionnais(es) apprécient les arts martiaux. Vu le nombre de licenciés qui pratiquent dans les différentes disciples (Karaté, Aïkido, Kendo, Tækwondo, Kick-boxing, Moringue) , 10560 licenciés pour un nombre de 171 clubs, l’art martial en général est bien implanté à La Réunion. Nous avons aussi des pôles espoirs en Judo, Karaté, Tækwondo. L’Aïkido est-il bien perçu dans la jeunesse réunionnaise ? Les jeunes Réunionnais viennent à la rencontre et à la découverte de cette pratique. L’originalité de l’Aïkido, c’est le principe de non-violence, ils en retiennent inconsciemment le principe fondamental de non-agression. Je vois l’émergence d’une perception du sens de l’Aïkido dans la jeunesse réunionnaise. Grâce à la technique et aux apports de l’Aïkido, le jeune acquiert progressivement équilibre et coordination. Aujourd’hui, chaque club du département possède une section jeunes qui voit sa population augmenter chaque année. Je souhaiterais pour l’avenir un plus fort engouement de la part de notre jeunesse pour une disci-

pline comme l’Aïkido qui ne propose pas de compétition. Comment êtes-vous venu à la pratique de l’Aïkido ? J’ai un passé sportif varié (Football, Handball), après plusieurs blessures à la cheville —j’en avais marre d’aller chez le kiné— j’ai voulu m’orienter vers une discipline moins violente pour le corps. Le hasard et la curiosité m’ont orienté vers un dojo où deux personnes en « robe noire » s’entraînaient sur un tatami. Je me suis renseigné sur cet art martial et, la semaine suivante, j’étais sur le tatami. Cela fait maintenant une vingtaine d’années que je poursuis cette aventure. Quels ont été vos premiers sensei ? De quels sensei suivezvous l’enseignement ? Suite à ma mutation professionnelle en région parisienne en 89, je me suis inscrit au club de Sainte-Geneviève-des-bois animé par Michel

Hamon qui fut mon premier sensei pendant mon séjour dans la région. J’ai pratiqué dans ce club pendant six ans jusqu’à mon retour sur l’île de La Réunion en 1994. J’ai connu d’autres experts, bien évidemment, Christian Tissier, ainsi que JeanMichel Merit, Philippe Gouttard, Bernard Palmier, entre autres. Tous ces sensei m’ont aidé à construire mon Aïkido et m’ont permis d’avoir une vision élargie de la discipline. Toutefois, mon style personnel est lié au fait d’être moi-même et non de copier tel ou tel autre sensei aussi gradé soit-il ! De retour à La Réunion, j’ai suivi jean-Michel Merit car son Aïkido me convient parfaitement et j’apprécie sa façon de transmettre son savoir. Chaque année en août, quand je suis disponible, je suis en stage à Temple-sur-Lot au domaine de Lumbrun. La pratique d’un art martial at-elle une valeur éducative particulière pour la société réunionnaise ? Le pratiquant d’un art marPratique tial s’initie aux valeurs éducatives et à la culture de ce balnéaire pour sport. Il suit une voie tout Jean-François Barbe et ses élèves.

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La Ligue l’île de La Réunion Paul, enseignants : Bernard Truong : 4e Dan BE ; Michel Desmot : 3e Dan BF. -L’Aïkido Club de Etang Salé Etang Salé ; enseignants : David Geslin, 4e Dan - BE ; Expédit Couturier – 3e Dan BF.

Présentation Générale : Population : 750.000 habitants aujourd’hui, 1 million dans 15 ans. 350 ans d’histoire. L’Ile de La Réunion, département français éloigné de plus de 10500 km de la Métropole, est une petite île presque ronde de 2500 km2 située dans l’Océan Indien en face de la côte Est de Madagascar. Ses Iles voisines sont : Les Seychelles, Maurice et Rodrigue. Elle est née de deux événements volcaniques majeurs dont le premier a débuté il y a environ deux millions et demi d'années. Point culminant : Le Piton des Neiges (3069 m). Volcan: Le Piton de la Fournaise (2 632 m), toujours en activité. Au centre de l'île actuelle, de gigantesques effondrements ont formé trois cirques ouverts sur la mer par d'étroits défilés. Parcourus de sentiers de randonnées, de cascades et de gorges, ils constituent aujourd'hui des attraits majeurs pour les amoureux de la montagne. On y pratique des treks, du canioning et du rafting, du parapente, de l’équitation, du VTT (surtout à la descente). Quant aux amoureux de la mer, surf, plongée, pêche et farniente sur les plages de la côte Ouest les combleront. Une route nationale de 240 kilo-

mètres en fait le tour. Température d’hiver en front de mer : de 21° à 30°. La Ligue de la Réunion a été constituée en 1983. Elle est aujourd’hui composée d’un Comité Directeur de 10 membres et d’un Bureau de 3 personnes : Michel Desmot - Président Isabelle Jurquet - Secrétaire Sylvie Law-Ye - Trésorière La Ligue compte 10 techniciens. - Département Technique : Hubert Fontaine ; -École des Cadres : David Geslin. L’école des Cadres comprend actuellement 16 candidats. 3 Juges titulaires et 1 juge suppléant participent aux Passages de Grades Régionaux : Hubert Fontaine, David Geslin, Jean François Barbe, Georges Cadet. La Ligue compte à ce jour environ 260 Licenciés répartis dans 7 Clubs : -La Cour des Arts - Saint Denis, enseignants : Yves Franchino, 3e Dan - BF. Philippe Guerin, 2e Dan BF. -L’Aïkido Club de l’Ouest - Le Port, enseignant : Jean François Barbe, 4e Dan - BE. -L’Aïkido Club de Saint Paul - Saint

au long de sa vie, en pratiquant cet art il développe des qualités physiques et morales. Le débutant, dès le commencement de sa pratique, s’initie à une culture par un rituel : salut, cérémonial. Il poursuit une voie, même s’il n’en a pas encore réellement conscience, il développe des vertus et des qualités par les efforts qu’il four-

-L’Aïkido Club Shoshin Dojo La Rivière Saint Louis ; enseignant : Geoges Cadet, 3e Dan BE. -L’Aïkido Club de Casabona Saint Pierre ; enseignants : Hubert Fontaine, 5e Dan BE ; Yves Franchino, 3e Dan BF ; L’Aïkido Club ADAS - Saint Pierre ; enseignants : Teddy Fontaine, 2e Dan BF. Le calendrier des rencontres comprend : -1 Stage National ; -3 Stages de Ligue ; -1 Stage de perfectionnement Ecole des Cadres et 2 sessions Ecole des Cadres ; -2 à 3 rencontres de Club ; -1 Passage de Grades -3 réunions du Comité Directeur et l’Assemblée Générale ; -1 séminaire de rentrée (détermination du calendrier). Les pratiquants ont eu le plaisir d’accueillir dans leur île, lors des stages nationaux des dernières années, les experts suivants : Christian Tissier, Franck Noel, Bernard Palmier, Patrick Benezi, Philippe Gouttard, Arnault Waltz. D’autres manifestations extérieures sont aussi organisées à l’initiative de certains enseignants : Hubert Fontaine : Afrique du Sud - Maurice ; Jean François Barbe : Madagascar - Mayotte.

nit et par les situations délicates dans lesquelles il se retrouve, placement vis-à-vis du partenaire, évaluation des distances, précision des coups, économie des énergies. À travers cette pratique, il développe également l’entraide, la solidarité, le courage, la volonté, le respect d’autrui.Dans toute société, pratiquer un art martial doit forcément

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Autour du Président de la Ligue, Michel Desmot, ses plus proches collaboratrices ainsi que les techniciens qui font vivre l’Aïkido à La Réunion.

Ligue de La Réunion de la FFAAA Tel : 0692 67.21.92 Fax : 0262 55 03 49 E-mail : lrffaaa@hotmail.fr

apporter une valeur éducative, cette valeur n’est pas particulière à la société réunionnaise. Quelle importance donnez-vous à la pratique des armes dans votre enseignement ? Les techniques avec armes sont liées aux tech-


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niques à mains nues. Il faut envisager les techniques à mains nues avec une arme afin de mieux voir et comprendre l’attaque, la direction les déplacements et placements dans l’espace. Je travaille les armes pour renforcer la pratique de l’Aïkido, elles clarifient les notions de base comme l’attitude, la distance, le moment juste, la détermination, etc. Le travail des armes est un complément dans la pratique de l’Aïkido, il renforce le comportement du pratiquant. L’étude des armes n’est, à mon sens, pas obligatoirement un facteur de progression dans la pratique de l’Aïkido. Le professeur doit s’intéresser à ses élèves. Dès l’instant où il essaye de comprendre leurs blocages, leurs difficultés —cela vient-il d’eux ou de lui, de la manière dont les choses sont proposées ?— il y a forcément un retour vers luimême, alors la compréhension de l’Aïkido devient claire et précise, d’où une progression chez le pratiquant. Quels types de stages sont organisés sur l’île ? La Ligue organise sur l’année des stages nationaux en invitant des experts de métropole et des stages de ligues animés par différents DTR. Les profes-

Quand la température extérieure est trop élevée, l’aïkidoka réunionais a toujours la solution de pratiquer dans la fraîcheur de l’Océan avec les requins… sabres, bien sûr.

seurs des différents clubs organisent également des stages privés.

Quels sont les principaux axes de votre enseignement ? - Comprendre le sens du travail de uke : une des difficultés principales du travail d’uke est de permettre à tori de travailler et de progresser sans pour autant le corriger ou le bloquer. - Les formes de pratique : suwari-waza, hanmi han tachi wasa, tachi-wasa. - Les axes de déséquilibre : dans la position hanmi, par exemple, le partenaire est fort vers l’avant, et vers l’arrière, mais il est faible sur son côté droit ou gauche. En travaillant la technique dans ce sens, on effectue une spirale dans cet axe de faiblesse et donc de déséquilibre naturel. - L’attitude du partenaire dans l’exécution de sa technique (uke comme tori). Quels sont les défis que vous avez à relever pour développer plus encore la pratique de l’Aïkido à la Réunion ? L’absence de compétition en Aïkido ne favorise pas l’engouement des jeunes pour la pratique de cette discipline. Les difficultés pour être reconnu par les medias ne contribuent

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pas au développement de cet art, connu comme le « petit dernier » de la famille des arts martiaux, ce qui n’arrange pas les choses. Je pense que l’Aïkido a besoin d’être démystifié sur l’île, c’est un sport à la portée de chacun d’entre nous. Une présence plus visible sur les manifestations sportives qu’organisent toutes les instances publiques ou privées serait bienvenue. De plus, il faudrait aider les nouveaux gradés-diplômés dans l’ouverture de leur club. Etes-vous soutenu par les instances pour la promotion de votre discipline ? Nous sommes un club déclaré et agrémenté, les instances locales nous aident dans les projets que l’on présente. Ma ville, Le Port, m’a bien aidée dans l’accomplissement de mon parcours, à travers l’office municipal du sport, elle m’a permis de réussir mes passages de grades et mon Brevet d’État. Parlez-nous de vos projets ? Pour le cours terme, j’ai inscrit deux personnes au Brevet Fédéral session 2006, et j’aimerais les voir réussir, je leur apporte tout mon savoir et ma patience. À moyen terme, nous prévoyons un voyage au Japon pour nos licenciés. À long terme, nous souhaitons la construction d’un dojo pour toute la famille des aïkidoka de l’île afin qu’ils puissent bénéficier d’une structure permanente pour toutes les grandes manifestations. Pour ce qui me concerne, poursuivre le développement de l’Aïkido dans l’Océan indien (Madagascar, Mayotte, Maurice) et continuer à pratiquer et à partager ma passion avec ceux qui le désirent. ●


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INFOS-LIRE-VOIR

LE COLLÈGE TECHNIQUE DE LA FFAAA

BUSHIDO-l’éducation par le geste par Alain Guerrier L’éducation des samouraï à travers le code d’honneur se perpétue aujourd’hui par la pratique des budo. Dans ce DVD, l’auteur montre plusieurs exemples filmés au Japon, du Kempo jusqu’à l’Aïkido. 45mn-35€ à commander au 0494531400.

Le Collège Technique est composé des Délégués Techniques Régionaux, des responsables des écoles de cadres régionales et de techniciens fédéraux. Le Collège Technique, actuellement présidé par Pascal Durchon, est en charge de tous les programmes de formation et d’enseignement fédéraux. Chaque saison au mois de juin, le Collège Technique se réunit en séminaire. 7e dan

AÏKIDO-Progression d’enseignement par Christian Tissier Christian Tissier

Franck Noel

Mariano Aristin

Paul Muller

Alain Guerrier

Bernard Palmier

Gérard Dumont

Patrick Bénézi

Gérard chauvineau

Jean Luc Subileau

Philippe Gouttard

Jean-Michel Mérit

Alain Royer

Philippe Léon

Joel Roche

Référence de l’Aïkido, ce DVD présente, sans être un programme officiel de passage de grades, la progression la plus logique pour gravir tous les échelons, du débutant jusqu’au pratiquant confirmé. 74mn- Budo Éditions Vidéo.

6e dan

REIKI-Les plus belles techniques par Arjava Petter et Walter Lübeck

Dans cet ouvrage, le pratiquant trouvera des outils merveilleux de guérison aux trois degrés du Reiki. L’intérêt de ces techniques, dont certaines n’ont jamais été décrites, est de bien cibler et de bien guider la circulation de l’énergie. 226 pages, très illustré - 20€ - Guy Trédaniel Éditeur. PENSÉES EN MOUVEMENT par Alain Floquet

Pierre Roussel Galle

Alain Verdier

Pascal Norbelly

Maître Alain Floquet nous livre par formules condensées, des textes courts, le fruit d’une longue méditation sur la pratique de l’art martial. 14,50€ - Budo Éditions.

Arnaud Waltz

5e dan

TRADITIONS MARTIALES par Ellis Amdur Gilles de Chenerilles

Pascal Durchon

Catherine David

Irène Lecoq

Philippe Grangé

Gilbert Maillot

Micheline Tissier

Bruno Zanotti

Luc Mathevet

Gilles Rettel

Ce livre est un voyage parmi les traditions martiales japonaises au travers de trois écoles d’escrime ainsi que de trois thèmes traditionnels, les femmes guerrières, le serment par le sang et l’Araki ryu. 32€ - Budo Éditions. TECHNIQUES DE BUDO EN AÏKIDO par Morihei Ueshiba

Le livre culte, la bible des techniques de référence par le fondateur de l’Aïkido, illustré par une de ses disciples. Guy Trédaniel Éditeur. Philippe Tramon

Raymond Dufrenot

5e dan

4e dan

Michel Erb

Bruno Lemaître

Karl Elhar

Christian Clément

Christian Mouza

Bruno Gonzalez

Hubert Henri Fontaine

DANS LES KIOSQUES AIKIDO, le nouvel opus Hors-Série du magazine ÉNERGIES. Des articles techniques, des rencontres avec des sensei et de la tradition. En exclusivité, une croisée de chemins entre Morihei Ueshiba, le fondateur de l’Aïkido et, l’Académicien René Girard, par Daniel Lance.

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RENCONTRE Cornelia DEMMERS

un chemin en commun pour Cornelia Demmers, 4e dan, l’Aïkido, en constante évolution, porte en lui les moyens de rassembler toutes les énergies vers une relation harmonieuse, au delà des différences de chacun.

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Quels senseï qui vous ont le plus influencée ? Tout d’abord il y a eu Wolfgang Sambrowski, aujourd’hui 5e dan, que j’ai suivi fidèlement pendant neuf ans. C’étaient des conditions d’entraînement particulières, un dojo exclusivement « Aïkido » dans une cour d’une ville moyenne d’Allemagne (Oldenburg). Il y avait des cours tous les jours de la semaine, une heure le matin et deux heures le soir. Avant l’entraînement du matin, on pouvait pratiquer Za Zen. Mon professeur favorisait l’aspect spirituel, on faisait toujours des exercices de respiration et purification en début de cours, parfois pendant vingt minutes. Souvent, on faisait un travail sur le ki. Il introduisait aussi le Shiatsu et le Kinomichi dans des séquences du cours. Pour terminer l’heure, le salut pouvait durer cinq minutes et plus. La prise de conscience de son corps et de sa respiration était un outil de travail de base, on pourrait dire le kihon waza par excellence. Par ailleurs, il n’expliquait jamais une technique, il fallait regarder et pratiquer, voilà la pédagogie. Seul Katsuaki Asaï, aujourd’hui 8e dan avait le droit de donner des kyu et dan à l’époque. Je l’ai suivi régulièrement en stage les week-end. Mais je ne peux pas dire qu’il m’a beaucoup influen-

cé dans ma pratique. J’ai été plus impressionnée par son meilleur ami, maître Noro qui venait régulièrement en Allemagne pour co-animer des stages avec lui. Il y avait d’abord la transformation de l’Aïkido dans un art qu’il appelle le Kinomichi et où il avait enlevé tous les aspects martiaux proprement dits. Il est vrai, que le pratiquant en ressent immédiatement les bienfaits car la mécanique des mouvements et techniques de l’Aïkido respectent totalement, à mon avis, les principes morphologiques du corps humain. Maître Noro a utilisé notamment le principe de l’extension en mettant en avant les spirales qui se travaillent naturellement dans le corps, par ailleurs on sait

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que chaque os et muscles sont constitués sur ce même principe. Cette pratique irrégulière m’a donc enrichie de manière générale. D’autre part maître Noro partageait avec nous ces expériences auprès d’O sensei, il avait été uchi dechi de Morihei Ueshiba. Disciple qui vit avec son maître, l’uchi dechi est un serviteur du maître et reçoit en même temps son enseignement. On connaît tous les légendes qui sont aujourd’hui racontées, il est décrit comme un sage. Et bien, Noro sensei nous racontait d’autres aspects du personnage, et j’ai fini par penser qu’O sensei avait aussi un caractère particulier, bien trempé… J’ai bien aimé cette démystification tout en gardant un respect total


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pour le fondateur. Comme je me déplaçais souvent les week-end pour pratiquer avec d’autres professeurs j’ai fait connaissance de Christian Tissier et Franck Noël. Mais leur enseignement était encore trop abstrait pour moi. C’est en rencontrant Patrick Bénézi que tout a changé. Pour la première fois quelqu’un expliquait le rôle d’uke et de tori de manière abordable et nous proposait des exercices pour travailler certaines qualités sur le comportement des deux partenaires. À partir de cette découverte ma pratique a pris un autre chemin, j’ai éliminé le côté spirituel et l’ai remplacé par le côté martial, j’avoue un peu trop radical… L’enseignement de Patrick m’a aidé à aborder l’enseignement de Christian Tissier et Franck Noël, je venais alors régulièrement en France pour m’entraîner. La pratique allemande devenait de plus en plus fade à mes yeux et je n’avais plus envie d’aller m’entraîner. J’ai pris alors une décision : j’ai démissionné de mon travail, entreposé les meubles de mon appartement dans le garage de mon père et hop… installation à Paris. Cela date d’il À l’arme y a onze ans. blanche ou à Je me suis inscrite au Cercle mains nues, Tissier, je venais de passer l’efficacité de mon 2e dan en Allemagne. l’Aïkido passe Christian m’a fait progressé par une grande maîtrise de la technique.

régulièrement et m’a préparé aux passages des 3e et 4e dan. C’est un excellent professeur, son Aïkido est en évolution permanente et l’effet d’accoutumance n’existe pas. Il sait trouver à chaque cours des points qui mettent nos récepteurs en éveil, il surprend. Il joue sur la vitesse des déplacements et les accélérations, la précision du geste. C’est beau et efficace. L’aspect martial est prépondérant. Pendant toutes ces années au « Cercle », j’ai aussi suivi Franck Noël régulièrement. Franck a fait un travail de recherche exceptionnel sur la compréhension des principes qui régissent la pratique. Linguiste de formation, il sait expliquer avec un langage précis et facile d’accès sa pratique étonnamment pure, sans parasite. Esthétiquement c’est la plus belle pratique pour moi. Bien sûr je dois aussi évoquer Bernard Palmier que je suis régulièrement et qui lui aussi est un très bon pédagogue. Sa pratique est dynamique et ample. C’est également un ami. Comment êtes vous venue à l’Aïkido ? J’avais fait connaissance d’un pratiquant d’Aïkido lors de mes études. À ce moment je pratiquais le Tai Chi quan et nous avons

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échangé sur divers aspects au sujet des pratiques « parallèles ». Il voulait à tout prix me faire connaître l’Aïkido et par politesse je n’ai pas pu refuser de l’accompagner pour assister un cours. J’ai été très impressionnée par le cadre et l’ambiance du dojo. Venant d’un milieu catholique pratiquant et ayant renoncé à suivre cette éducation depuis quelques années seulement, l’ambiance de cet endroit « sacré » -le dojo- me faisait en quelque sorte faire un retour à ces origines : personne ne parlait, tous vêtus de ces habits blancs si purs, on s’inclinait en entrant au « dojo » devant la photo d’un personnage accrochée à un de ses murs, une atmosphère de respect de l’autre et du lieu dominait. Ici on voulait du « bien ». Je caricature, bien évidemment, et ce que je viens de décrire m’était totalement inconscient à l’époque. C’est avec vingt ans de recul que j’ai ce regard sur mes origines dans la pratique. L’Aïkido est un art martial, une femme s’en accommode-t-elle facilement ? Dans la pratique de l’Aïkido les différences physiques entre hommes et femmes restent un fait et il est clair que le plus fort physiquement a un avantage important dans une pratique martiale. Il me semble aberrant de croire qu’une femme puisse être aussi puissante qu’un homme si on appliquait seulement les principes d’Aïkido. Si on regarde les autres arts martiaux, on voit bien que lors de compétions il y a une classification en


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▼…C’est comme partout dans le monde,peu de femmes sont cadres alors que ce sont elles qui ont les meilleurs résultats scolaires. Les fédérations devront commencer à se poser des questions sur le traitement de cette question…▲

fonction du poids et du sexe. Pour aboutir à une pratique comparable à celle des hommes en termes d’efficacité, la femme doit être très bonne « technicienne ». Ses potentialités liées à certaines qualités physiques sont limitées, mais le spectre des principes qui régissent notre pratique est large et elle peut tout à fait s’expertiser dans l’un ou l’autre et ainsi bâtir son capital —son efficacité— autrement dit. Il reste cependant un problème de valorisation de la pratique féminine, peu de femmes sont gradées et encore moins enseignent. C’est comme partout dans le monde, peu de femmes sont cadres alors que ce sont elles qui ont les meilleurs résultats universitaires. Les fédérations devront commencer à se poser des questions sur le traitement de cette question.

que je connaisse. La vie n’est qu’une succession de conflits à différents degrés : par moments on trouve la bonne solution, à d’autres on est en échec et on se décide soit à continuer la recherche d’une réponse adaptée ou à fuir le conflit, à d’autres encore on répète une solution qui « passe » mais qui n’est pas satisfaisante. Sur le tatami, nous manifestons ces mêmes comportements. Même si on n’en parle jamais, les émotions et sentiments nous accompagnent en permanence dans la pratique. Comment tori réagit-il quand une technique ne marche pas ? Quels sont nos mécanismes d’analyse de la situation ? Bien sûr on recherche un autre chemin pour aboutir à

notre technique mais entre temps, n’a t-on pas d’abord cherché de manière un peu agacée (sans le montrer, car on contrôle ses émotions vers l’extérieur) la faute chez uke, ou est-ce qu’on s’est dit qu’on n’est pas assez bon, etc. ? Ces comportements sont « naturels », mais parasitent notre pratique, comme ils peuvent être gênant dans la vie de tous les jours. Ce sont des comportements que j’appelle gratuits, il nous faut passer Sur le tatami, par eux pour arriver à une comme en solution, mais cela retarde. dehors, l’esprit Je pense que l’Aïkido est en de l’Aïki doit effet un excellent laboratoiguider la pratique et le comportement de l’aïkidoka.

Quelle est votre recherche personnele dans l’Aïkido ? Mes recherches étaient multiples et ont changés au fil du temps et je suis certaine qu’elles évolueront encore à l’avenir. Il est vrai qu’au bout de vingt ans de pratique et des années d’enseignement, la technique proprement dit est acquise. Mais la technique n’a jamais été mon objectif, c’est un moyen ou un support qui est primordial à acquérir mais qui en soi reste creux si on y trouve pas d’autres intérêts. Franck Noël disait dans un de ses articles que l’Aïkido, enfin le dojo avec ses pratiquants, est un laboratoire. Il me semble que la gestion du conflit au sens le plus large est la base permanente de notre pratique. Les relations humaines sont la chose la plus complexe

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RENCONTRE Cornelia DEMMERS

re pour ce travail personnel, il n’y a pas les enjeux de la vie professionnelle, ni les attachements affectifs comme avec nos plus proches qui peuvent aveugler et qui sont trop forts pour analyser de façon neutre leurs données. La pratique me permet la prise de conscience de la mécanique de mes comportements. À moi de décider s’ils sont gênants, si je peux les changer à court, moyen ou long terme. Nos comportements internes se traduisent par une attitude extérieurement visible : de demander à quelqu’un de se redresser lors d’un mouvement est bon, le pratiquant peut mécaniquement se redresser et même conditionner ce changement, donc rester droit au bout de la millième fois. Cependant, à chacun de se demander pourquoi son attitude est renfermée, et si cela se voit à ce moment là, il y a probablement de multiples autres situations où ce même schéma influence nos réponses d’une manière ou d’une autre. Dans ma vie professionnelle, la résolution des conflits est continuellement à l’ordre du jour. Je gère une équipe d’environ 30 éducateurs spécialisés et paramédicaux, je suis responsable de la prise en charge de 45 jeunes handicapés mentaux. Il s’agit d’anticiper les conflits, mais souvent je ne peux pas prendre le conflit à la naissance et les réunions sont parfois houleuses. Le personnel a du mal à évoluer et à s’adapter aux nouvelles demandes réglementées par la loi. Des analyses et l’apport de solutions mutualisées sont nécessaires. Avec de l’expérience et de la pra-

tique, chaque cadre sait que l’épreuve de force a peu de succès, un chemin doit être trouvé en commun . Sur quels points le pratiquant doitil se concentrer en montant sur les tatamis ? Je pense que la qualité la plus importante à développer est la présence. On pourrait la décliner en différents aspects comme la concentration, comment diriger son attention, la qualité d’écoute et d’observation, etc. Tout ceci dépend du capital que chacun apporte, tout être humain à une perception sélective qui est construite à partir de son expérience et en fonction de son évolution psychique. Au fur et à mesure que l’aïkidoka avance dans la pratique, il enrichit son capital, ses qualités se peaufinent. Je suis souvent étonnée de constater combien les pratiquants sont peu « présents », cela s’observe notamment quand ils pratiquent avec des professeurs dont ils n’ont pas l’habitude. Pour la plupart, et je ne pense pas exagérer, nous reproduisons ce que nous connaissons, l’exécution des techniques connues et non la manière que le professeur « inhabitué » vient de montrer et expliquer. À mon avis, c’est une carence dans la présence. L’être humain aime tout ce qu’il connaît car il peut s’identifier avec ses expériences. Tout changement bute forcément sur des résistances qui sont pour la plupart non-conscientes. Quand on ne voit pas ce que le professeur montre, et cela n’est

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qu’un exemple, on est forcément « ailleurs », même si on n’a pas pensé à autre chose qu’à l’Aïkido. Il s’agit de sortir de notre propre petit cocon, nos mécanismes de protection, pour s’ouvrir au monde, à l’instant présent. Ressentez-vous une évolution de l’Aïkido, dans le fond comme dans la forme ? La pratique de l’Aïkido a beaucoup changé, et dans le fond et dans la forme. Pour la forme nous avons par ailleurs un garde-fou à l’Aïkikaï, Moriteru Ueshiba, petit-fils du fondateur, garant de la technique enseignée par O senseï, bonne initiative pour ne pas perdre les repères. Je pense que l’Aïkido devient de plus en plus scientifique, mesurable. La composante « spiritualité » trouve ses explications concrètes, pratiques. L’Aïkido s’adapte au fur et à mesure que les sociétés, donc les individus, évoluent et cela me semble une bonne garantie pour que cet art ne reste pas qu’une vieille tradition transmise de père en fils. Christian Tissier est le professeur qui rassemble le plus de pratiquants, c’est avant tout grâce à sa capacité d’évolution permanente. Bien sûr, on pourrait se demander si on n’oublie pas de plus en plus les racines spirituelles. Mais rien n’empêche à chacun de faire cette recherche de manière personnelle, les opportunités sont nombreuses. ●


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ART TRADITIONEL IKEBANA

de l’Aïki dans un vase « Harmonie, respect, vide, espace, beauté, distance », tiens ? Mais ce n’est pas ce qu’on entend tous les jours sur les tatami ? Ainsi en est-il de l’Ikebana.

L

L’art floral traditionnel japonais ou Ikebana n’est pas qu’une « école à faire des bouquets », tout comme l’Aïkido n’est pas qu’une « méthode de défense ». L’Ikebana, contraction de Ikeru (dresser) et Hana (fleur), est l’art de faire vivre les fleurs. On l’appelle aussi le Kado ou l’art des fleurs. L’origine de cet art remonte au VIIe siècle et prend ses sources, comme pour les arts martiaux, en Chine. L’art des fleurs a suivi le même chemin que celui des moines japonais ayant rapporté (XVe siècle), sur la péninsule nippone, les pratiques et techniques observées. La particularité des Japonais étant le désir de modéliser, d’améliorer, de simplifier en épurant, de codifier, en

fuyant ce qu’ils appellent l’urusaï, (le criard, vulgaire, bruyant, superflu), l’Ikebana n’y a pas échappé. Cet art était, à son origine, réservé à la noblesse masculine, des samouraï le pratiquaient à titre culturel. Plusieurs écoles (3000 recensées), comme autant de styles différents, ont vu le jour au Japon.

Inscrits dans un triangle Trois écoles se distinguent en France : les écoles O’Hara (tournée plus vers des représentations de paysages), Sogetsu (style moderne) et Ikenobo (école de référence car la plus ancienne et la plus stricte). Pour pratiquer, le seul matériel nécessaire se résume à un vase, un Kensan (pique-fleurs) et un sécateur. Lorsque l’élève aura acquis une certaine aisance, le professeur lui apprendra la confection de compositions sur vase haut, à 6 puis plus tard, 9 éléments et enfin le style libre Jyukka. - Les bouquets doivent en général être inscrits dans un triangle quelconque dont les pointes représentent symboliquement l'homme, la terre et le ciel (Shin, Taï, Soe) et qui formeront la structure, la colonne vertébrale de la composition. -Les vases utilisés sont spécifiques à la pratique (formes, fonds spéciaux). Ils seront sélectionnés dans des cou-

leurs neutres afin que l’œil n’en soit pas distrait, détourné de l’observation, de l’admiration du bouquet. Un parallèle peut être fait avec le port du kimono (kitsuke). Les vêtements portés en dessous servent à plaquer les formes féminines afin que l’œil de l’observateur reste sur l’admiration du Obi, de l’harmonie des couleurs, les motifs du tissu et la qualité de la soie du kimono. Les critères recherchés d’un bouquet ne peuvent être comparés avec ceux des compositions occidentales. Mais on peut observer que nos fleuristes locaux s’inspirent désormais de plus en plus de l’Ikebana. Ce qui motive l’ikebaniste est l’es-

prit minimaliste, épuré. Très peu d’éléments sont nécessaires et qu’importe la noblesse et la valeur de la fleur ou de la brindille. Parfois trois fleurs, deux feuilles suffisent. Ce qui est caractéristique : le vide. L’espace entre les éléments est aussi important et a autant de valeur que la fleur elle-même, voire plus parfois. Le vide met en valeur la fleur, mais c’est en fait, la fleur qui met en valeur l’espace au final. Des règles de base doivent être suivies : pas d’escalier, la proportionnalité, l’asymétrie, toujours cette asymétrie ! Une fois ces grands principes intégrés, le senseï offrira à l’élève une multitude d’astuces et de

HISTORIQUE DE L'ASSOCIATION MIZUKI L'idée est venue, en 2003, entre deux amis aïkidoka de l'Aïkido-Nogent a.k.d.n. (Pierre Jamet et Patrick Belvaux), de créer et de dynamiser une activité traditionnelle japonaise peu répandue en France. L’Ikebana est arrivé au moment où le Parisien se découvre une attirance pour les arts asiatiques et recherche une activité lui faisant oublier le stress des tensions urbaines en lui offrant un retour, un contact avec la nature. Sur plusieurs sites de Paris et du Val-de-Marne, Akiko Gishi, professeur "waki-ni" (professeur 2e niveau), diplômée de l'école Ikenobo de Tokyo, en France depuis 9 ans, assure les leçons en français, s'aidant d'une pédagogie adaptée aux Occidentaux. L'association Atelier Mizuki de Paris propose, en outre, des expositions, conférences, soirées évènementielles et décorations adaptées sur demandes.

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techniques pour l’aider à exprimer ses inspirations et sa créativité. Nous savons qu’en Aïkido chaque geste est tiré de l’observation de la nature : spirales, ellipses, arabesques, flexibilité, flux et reflux… En Ikebana un bouquet doit reproduire les phénomènes et tout ce qu’on peut observer dans un paysage en bannissant la symétrie, le travail « au

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Très vite après quelques leçons, tout pratiquant peut réaliser une composition florale traditionnelle.

cordeau », la rigidité… Tout comme après avoir observé une démonstration d’Irimi-nage, cette technique si dépouillée, si fluide qu’on a tendance à penser qu’elle est criante de simplicité et qu’on va pouvoir aisément la reproduire, à la vue d’une composition, par exemple de style Shokka de qualité (une des plus épurée), on se sent légitimement capable de faire autant, voire mieux que son senseï… En Ikebana des grades, jalonnant la progression de l’élève, sont délivrés par le professeur. Grades qui, un jour, peuvent permettre de devenir soimême enseignant, lorsqu’on en arrive au niveau de la transmission. Ce qui est facilement observable lors d’un cours collectif (qui dure environ une heure), c’est la transformation dans l’attitude des élèves débutants qui arrivent avec leurs soucis du jour, leur stress, discutant fort et qui, après leur séance, ont acquis un calme, une certaine sérénité tant ils ont dû faire preuve de concentration et d’humilité. La fierté de l’artiste qu’ils sont devenus se lit souvent dans leurs yeux et ils se mettent à comparer leurs œuvres personnalisées, uniques et éphé-

mères. Ce bouquet qui viendra orner la plus belle pièce de leur habitat, ou bien placé sur leur bureau sera « bichonné » comme un bonsaï, le temps que dureront les fleurs. Il attirera alors les regards et les félicitations des observateurs/admirateurs.

L’observation d’un paysage Une fois réalisée, la composition était traditionnellement placée à côté du tokonoma (alcôve), près d’une calligraphie ou aquarelle du côté du mur d’honneur de la pièce principale de la maison. Au Japon, l’Ikebana est présent pendant les cérémonies, les banquets ou tout autre évènement. On le place également près de la photo d’O senseï lors des stages d’Aïkido. L’observateur, passant devant une composition, ne peut rester indifférent face à l’évidente recherche du beau, à l’effort de simplicité et à l’harmonie des éléments et de leurs couleurs que l’ikébaniste aura produit. Un sentiment de respect ainsi que de sérénité va l’envahir. L’inspiration de l’ikébaniste s’initie parfois de l’observation d’un paysage, de son émotion ou du sentiment du moment. La découverte d’une simple brindille de forme singulière peut devenir le « thème » de son prochain bouquet…

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L’ikebana va permettre à son pratiquant de le relier intimement à la nature mais aussi, comme dans toute pratique zen, de le réconcilier avec le temps et l’espace. La composition florale sera aussi le moyen, à l’image des Haïku (poèmes courts japonais), pour son créateur, de figer son sentiment du moment, son état d’esprit ou son imaginaire. On associe très souvent l’art de la cérémonie du thé (Sha-do) à l’Ikebana. Dans cet art également, l’espace et le temps sont les ingrédients de base ajoutés au respect de délicats gestes séculaires. On « lit » le niveau du pratiquant dans la simplicité, l’harmonie, le respect de l’équilibre qu’inspire l’observation de sa composition florale. Le pratiquant va progresser par étapes tout comme en Aïkido, où le débutant va sans cesse affiner son geste, régler son timing, corriger ses distances pour qu’enfin ses actions et ses réactions deviennent naturelles et spontanées, inconscientes... C’est après plusieurs années de travail, comme en Aïkido, que le pratiquant d’Ikebana va pouvoir créer, personnaliser son propre style. Après avoir intégré toutes les techniques de l’école dans laquelle il aura étudié, le senseï lui apprendra alors le Jyukka ou style libre. Il n’existe pas en France de fédération d’Ikebana, mais quelques associations œuvrant dans leur propre style conforme aux écoles japonaises d’Ikenobo, O’Hara ou Sogetsu. ●

Patrick Belvaux Professeur d’Aïkido à Nogent-sur-Marne. Président de l’Atelier Mizuki de Paris. www.atelier.mizuki.freesurf.fr


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RENCONTRE Sylvain PARÉ Montolieu, charmant petit village sur son rocher, somnolant sur le versant sud de la montagne noire.

à Montolieu

l’Aïkido se livre

Quitter la grande ville pour s’installer loin du tumulte, certains en parlent, d’autres le font… C’est le cas de Sylvain Paré. Enseignant à Bordeaux, il abandonne la sécurité de l’Éducation Nationale pour se lancer dans une aventure remarquable, le livre et l’Aïkido aussi.

V

VOUS AVEZ ÉLU DOMICILE DANS UN ENDROIT EXTRA-ORDINAIRE, PARLEZ-NOUS EN. 1 village, 800 habitants, 1 épicerie, 1 boulangerie, somme toute c'est assez banal. 3 médecins, 1 pharmacie, 1 notaire, et 1 curé, c'est déjà plus inquiétant. 2 restaurants, 1 petit hôtel, 1 tabac presse, 1 café, ça devient plus rassurant. 21 libraires d'ancien et d'occasion, 500 000 livres, 1 relieur, 1 graveur, 1 musée,

alors là on se sent mieux ! 1 club de pétanque, 1 de danse, 1 de yoga, 1 club d'Aïkido, qui dit mieux ? J'arrête là cet inventaire à la Prévert et ce brin de chauvinisme, même si j'ai des circonstances atténuantes : je ne suis pas d'ici. Ce village m'a accueilli voilà 10 ans. Montolieu, qu'un doux rêveur, 5 ans auparavant, a choisi pour en faire ce qu'il est maintenant, Montolieu Village du livre et des Arts Graphiques, connu et reconnu partout en France et par-delà les frontières. Il l'a sorti de sa torpeur, paisible sur son rocher entre les gorges de l'Alzeau et de la Dure, somnolant sur le versant sud de la Montagne Noire, face aux Pyrénées et à l'ombre des Remparts de Carcassonne. On y cultivait la vigne et l'olivier, on y fabriquait du drap, on y tannait la peau... maintenant, entre autres, on y vend des livres, on y fait de l'Aïkido. Cela m'a séduit. Après avoir enseigné pendant plus de vingt

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ans les Mathématiques et l'Algorithmique dans la région bordelaise, j'ai renoncé à l'Éducation Nationale pour venir vendre des livres à Montolieu. Ce n'était pas mon premier tai sabaki, puisque je pratique l'Aïkido depuis 1972, mais celui-ci n'est pas le moindre. N'EST-CE PAS DIFFICILE DE MONTER UN CLUB D'AÏKIDO EN MILIEU RURAL ? Il faut tout simplement être patient. Quand j’ai


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créé, avec quelques amis, l’association Budobi afin de faire de l’Aïkido à Montolieu nous étions 4 ou 5 personnes. Certaines sont encore là, il y eut évidemment des défaillances, mais avec le temps le groupe s’est étoffé. Un noyau conséquent d'inconditionnels s'est formé, il est le levain d'un groupe grandissant. Le grand-père, le père et la petite-fille d'une même famille sur le tapis donnent le signe fort de cette évolution. Je suis évidemment satisfait d'avoir 14 inscrits — dont 7 féminines — dans ce village de 800 habitants, mais, pour moi, le plaisir d'évoluer sur un tapis d'Aïkido n'est pas proportionnel à la taille du groupe. 50 % DES PRATIQUANTS DE VOTRE CLUB SONT DES PRATIQUANTES, BELLE PARITÉ ! Oui, et il n’y a là rien que de très normal. L’Aïkido permet aux hommes, femmes, jeunes et moins jeunes de pouvoir pratiquer ensemble. La seule réserve que je ferais concerne les enfants de moins de 12 ou 13 ans. Le fait que leur appareil tendino-ligamentaire ne soit pas arrivé à maturité implique, à mon sens, un enseignement spécifique. Quant aux femmes, si elles n’ont pas, a priori, de penchant naturel pour la martialité, il n’en demeure pas moins qu’elles ont des prédispositions certaines à une pratique efficace et juste. Elles privilégient plus facilement la sage attitude de recherche d’économie de gestes à celle de la débauche d’énergie souvent inutile et génératrice d’erreurs ; et généralement les débutantes ont moins tendance que les garçons à vouloir forcer, à se crisper sur une saisie. J’ai aussi constaté que les femmes arrêteront plus facilement un mouvement qu’elles sentent faux, alors que les hommes chercheront à aller au bout coûte que coûte. COMMENT ÊTES-VOUS VENU À L'AÏKIDO ? Étudiant à l'Université de Bordeaux, j'apprenais qu'une japonaise enseignait cet art au Science Université Club. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'était l'Aïkido. Mais, avec quelques copains la curiosité nous conduisit à assister à un cours.

Nous fûmes subjugués par la rapidité, la précision et la beauté des mouvements d'Émiko Inoué. Il n'en fallut pas plus pour que nous nous inscrivions, et beaucoup d'entre nous continuons encore. Je voudrais, ici, rendre hommage à René Le Menn qui était le professeur en titre de ce dojo et qui confia, avec la modestie et le désintéressement qui le caractérise, son cours à Émiko, venu à Bordeaux étudier le français à l'initiative de maître Kobayashi qui voulait une interprète. Il resta cependant l'animateur d'un groupe, où convivialité, bonne humeur et sérieux régnaient en maître. À QUELS MAÎTRES VOUS À l’instar de ses sensei, RÉFÉREZ-VOUS ? Sylvain Paré Bien sûr à maître Kobayashi enseigne un que j'ai suivi dans un très Aïkido clair, grand nombre de stages. Je rigoureux et lui servis d'uke de nomprécis. breuses fois en France et à l’étranger et une complicité réelle s'était tissée. Mais il n'était là que pendant les vacances de Noël et d'été. Je n'ai jamais gâché mon plaisir à aller sur les tapis de tous les maîtres qui venaient dans ma région. Au début maître Nocquet, puis maître Yamagushi, maître Ikesuchi, maître Endo, maître Saotome, et bien sûr Christian Tissier, Franck Noël et bien d'autres. Inconsciemment je me suis ainsi créé un capital, certes de références intellectuelles qui me sont utiles dans mes explications sur le tapis, mais surtout d'automatismes à géométrie variable qui s'adaptent aux situations que je rencontre, c'est ce que j'appelle la mémoire du corps. Cependant je n'oublie pas mes professeurs, René et Émiko, qui étaient toujours présents, semaine après semai-

▼j'ai renoncé à l'Éducation Nationale pour venir vendre des livres à Montolieu.Ce n'était pas mon premier tai sabaki,puisque je pratique l'Aïkido depuis 1972,mais celui-ci n'est pas le moindre… ▲ 15


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RENCONTRE Sylvain PARÉ

ne, bénévoles et toujours disponibles, car il faut bien le dire, comme en mathématiques, ce ne sont pas toujours les plus gradés qui sont les meilleurs pédagogues.

Parmi l’effectif quasi au complet, trois générations d’une même famille témoignent de l’universalité de l’Aïkido.

COMMENT ÊTES-VOUS VENU À L'ENSEIGNEMENT DE L'AÏKIDO ? Un jour, autour d'un verre, maître Kobayashi m'a fait dire par son interprète « Maintenant il te faut enseigner ». Il ne s'agissait pas d'un ordre et j'ai été plus que surpris, mais j'ai suivi cette consigne à la lettre et en 1981, j'ouvrais un dojo à Floirac, dans la banlieue bordelaise. J'ai laissé ce dojo à Philippe Grangé à son retour du Japon en 1995 pour venir m'installer à Montolieu. Il n'y avait évidemment pas de club d'Aïkido dans ce petit village. Ne pouvant pas me libérer facilement avec mon nouveau métier pour suivre des cours dans un dojo éloigné, et arrêter l'Aïkido étant exclu, j'ouvrais un club dans ce village du livre. Je sais gré à maître Kobayashi de m'avoir incité à l'enseignement, car, avec le recul, je suis convaincu que c'est une étape importante dans l'apprentissage de l'Aïkido, pour une progression solide et pour un épanouissement modeste et réaliste dans la connaissance de l'autre et donc de soi. OSERIEZ-VOUS UN RAPPROCHEMENT ENTRE LE LIVRE ET L'AÏKIDO ? Il y a de très bons livres sur l’Aïkido. Ils donnent à voir et à comprendre aux pratiquants déjà expérimentés, mais je tiens à dire que l'on n'apprend pas l'Aïkido dans les livres. Il faut avant tout transpirer sur le tapis. La pratique doit être régulière et généreuse : c'est la seule façon d'entretenir la mémoire du corps que je mentionnais plus haut. À mon sens, si une nomenclature de techniques semble nécessaire pour les passages de grades,

l'Aïkido ne peut se réduire à un catalogue de techniques, pas plus qu'une technique à un stéréotype. Chaque technique est une construction intuitive, déduite des règles de base intangibles : véritable axiomatique de la discipline. Et puis il ne faut pas trop intellectualiser. Même si, avec une longue pratique, on ne peut s’empêcher de prendre du recul comme je le fais ici, je n’oublie jamais l’aphorisme du naturaliste Pierre-Paul Grassé « La liberté de la main donne la liberté de l’esprit ». Le rapprochement qui me paraît plus pertinent est celui de la pratique du Ken avec la calligraphie. Dans les deux cas, le mouvement doit être assuré, pur, plein et délié. Le signe comme la coupe nécessitent un seul geste pour exister. À CE PROPOS, ENSEIGNEZ-VOUS LE MANIEMENT DES ARMES ? Oui, et dès le début, quelques séances par trimestre et de temps en temps à la fin du cours mais je démontre assez souvent une technique par un mouvement de ken ou de jo, d’autant plus volontiers qu’il en est historiquement issu. Cet apprentissage représente de nombreux avantages. Moi, qui ai horreur de l’à peu près dans les placements des pieds par rapport au centre et aux mains, le ken ou le jo amplifient les écarts et permettent ainsi une prise de conscience plus rapide de ce type d’erreur. La pratique juste des armes est aussi un excellent moyen pour libérer les épaules et pour développer la prise de conscience du hara, pour travailler la concentration, la coïncidence (le timming), l’action de voir sans regarder, la gestion de l’espace et la notion de ma-ai (distance). Au sabre, c’est la forme Aïkiken qui a mes faveurs. C’est le partenaire et non son arme qui nous occupe selon la formule Itsumo man naka (toujours au centre), si souvent répétée par maître Kobayashi. De ce fait, les armes ne se choquent pas et le

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mouvement est entièrement libre (comme en calligraphie !) DIRIEZ-VOUS QUE L’AÏKIDO S’ARRÊTE À LA SORTIE DU TAPIS ? Je resterais très prudent sur ce sujet car entre nos fantasmes et notre réalité d’Occidentaux il y a une marge, mais je ne peux pas nier qu’une pratique assidue de l’Aïkido pendant une longue période a des effets de bord sur notre comportement dans la vie quotidienne. La capacité à gérer l’agressivité, à discerner si notre comportement doit être ura ou omoté face à une situation donnée, à gommer l’affect quand c’est nécessaire, à donner plus d’assurance sont des atouts non négligeables dans notre société. AVEC LE TEMPS, QU'EST-CE QUI FAIT QUE VOUS PRENEZ TOUJOURS AUTANT DE PLAISIR DANS L'AÏKIDO ? Ce qui me plaît par-dessus tout dans cet art martial, c'est qu'il s'agit d'une discipline ouverte, c'est un domaine de recherche insondable et passionnant. La grande variété des approches à partir des mêmes principes de base en est la preuve. Nous trouvons la même construction intellectuelle en mathématiques, mais en Aïkido, la démarche n'est pas rationnelle, elle est au diapason de nos sens et de notre réalité physique. Il y a le plaisir, mais aussi la nécessité. Ma tête n’a pas besoin d’habitude, de routine, mais mon corps a besoin de rythme, et l’Aïkido satisfait parfaitement ces demandes contradictoires : la découverte permanente pour l’esprit et la régularité des cours pour le corps. Et puis, avoir besoin de l’autre pour apprendre à se connaître, pour se construire, développer et canaliser l’énergie n’est-ce pas la même démarche que pour apprendre à vivre ? N’est-ce pas une voie immense et noble ? ETRE MODESTE POUR GRANDIR ! Quel programme ! ●


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KYUDO

la tradition ou la saveur du passé Thème récurent, chez tous les pratiquants qui développent un intérêt pour la pratique d’un art martial, l’origine de l’art, la tradition japonaise, reste enigmatique et d’une saveur toute spécifique.

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Que ce soit dans le Kyudo, le Ken, le Naginata ou le Budo en général, on n’échappe pas à une certaine nostalgie du passé. Qu’il soit proche ou qu’il nous sépare de lui par les siècles ! Confucius n’en est il pas la preuve, vingt cinq siècles nous sépare d’un mode de pensée qui paraît nous manquer aujourd’hui. Plus prés de nous, il y a bientôt six siècles, depuis que le samouraï Héki Danjo a créé le premier gestuel de l’arc, il n’a, si l’on en croit les documents de l’époque, pratiquement pas varié depuis ; sauf dans certaines fédérations japonaises qui ont simplifié et modernisé ce gestuel après la dernière guerre mondiale. Nous n’avons rien inventé et les anciens avaient vu loin. À la fin de l’ère Meiji (1867-1912), on assiste à une renaissance qui est en tous points, le résultat d’un compromis entre la législation moderne et les restes de la féodalité. En 1882, une transcription impériale revitalise le Bushido, ce nouveau code n’étant réservé qu’à une élite. Les militaires, tenus à une discipline très stricte, s’étaient vus interdire les basses manœuvres politiques ; mais ce champ clos ne devait pas demeurer longtemps à l’abri des incursions et le Japon allait basculer dans le désastre de la guerre. Les peuples gardent en héritage les hauts faits d’armes qui ont tissé leur histoire : c’est la part la plus secrète de leur patrimoine. Soumis aux féodalités, secoué par des guerres civiles spasmodiques, le Japon conserve toujours l’image du samouraï auquel il continue de s’identifier et, par delà la légende qui l’a idéalisé, le samouraï lui a

légué un sixième sens « l’esprit de sacrifice ». De nos jours, cela paraît impensable de dire, au risque de devenir ringard ou bizarre, qu’il faille protéger la force qui animait cette élite du temps passé, sur laquelle le Japon moderne après le renouveau de Meiji, allait longtemps continuer de s’appuyer et, où se cachent les valeurs que le passé a légué aux Japonais. Valeurs qui échappent à l’Occidental qui n’a pas l’expérience profonde de ce pays et qui souvent singe avec peu de bonheur les manières, le style des Japonais, pire, dit entrer dans leur mode de pensée, plus particulièrement quand il s’agit du Zen, mis ou non à toutes les sauces ! Parler de la tradition japonaise ne signifie en fin de compte, rien, si cela n’est que pour étaler quelques dates, Nakano sensei quelques noms 10e dan et quelques hanshi, au faits. Sans cours d’une compter parmi cérémonie ceux qui se Hikimé.

disent traditionnels, et qui de la tradition japonaise n’ont pas la moindre expression.

Laisser à César ce qui lui appartient ! Sans nul doute pour celui qui s’intéresse à une culture, il est bon d’essayer d’appréhender le fond de celleci mais en y mettant une nuance. Dans le cas présent ne pas vouloir être plus Japonais que les Japonais et surtout ne pas se prendre pour un samouraï. À l’heure actuelle, la singerie est tellement énorme par instant qu’on se pose la question de savoir quelle force se dégage de cette civilisation pour attirer à ce point certains européens. Car le japonais qui s’intéresse à une des cultures occidentales, n’en perd pas pour cela son identité et reste profondément japonais. Le Japon a toujours été protectionniste et, aussi désireux que l’on soit de mieux comprendre cette civilisation, même si après de très nombreuses années de contact permanent, d’efforts de compréhension, d’abstraction de votre individualisme, vous n’êtes pas entré totalement dans le moule mystérieux des habitudes ; vous resterez toujours celui pour qui la définition à comprendre ce qu’il en est d’être japonais reste inaccessible, et le temple de la tradition restera alors, pour vous,

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fermé. Beaucoup d’Occidentaux résidant depuis fort longtemps au japon en on fait l’expérience. La spécificité de leur tradition est considérée, par les Japonais, comme unique. De nombreuses théories ont été élaborées concernant cette nature unique à tout point de vue, par des articles qui visaient à renforcer cette croyance. Si l’on arrive à s’approcher de cette tradition, on s’aperçoit au fil du temps que c’est une valeur rare et profonde mais qu’elle est à la fois inviolable et même inaccessible, simplement par le fait d’une culture qui se trouve aux antipodes de la pensée occidentale. Il n’en reste pas moins qu’à l’heure actuelle, la jeunesse japonaise tourne de plus en plus le dos à cette tradition. La vénération de l’empereur, entre autres, l’influence gouvernementale à décider d’un mode de vie des Japonais, sont révolues. On voit de plus en plus, des ingénieurs, des scientifiques japonais rompus à la logique occidentale, recevoir des prix Nobel. Conclusion : les anciens laissent en héritage un monument de tradition qui risque de disparaître sous le lierre et les mousses, et si les anciens pensaient et pressentaient la difficulté à percevoir ce qui se trouve sous la surface de la pensée japonaise, il faut leur rendre hommage. Ils étaient les dépositaires du témoignage d’une philosophie de la vérité, d’un engagement de soi-même, ● peu commun.

Jacques Normand SOSM : 0169409141


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AÏKIBUDO l’idéogramme BU

martiale attitude Il n’est pas rare que certains aïkidoka aillent voir les pratiquants d’Aïkibudô, et leur demandent ce qui caractérise leur art. Rapidement, les explications portent sur l’existence de l’idéogramme « Bu » dans le nom Aïkibudô… Aï

O

KI

BU

Opérons tout d’abord un petit cours de sémantique et énumérons rapidement les quatre composantes de notre art. Tout d’abord, le symbole Aï signifie s’accorder, s’unir. Cette approche est assez intéressante pour un art martial qui donne une première conception du rapport à l’autre. Vient ensuite le symbole KI. Ce dernier représente l’énergie mais aussi la force, l’âme, la vie. Ce concept donne tout autant du corps à l’art martial. En réunissant ces deux premiers points, on arrive à l’union des énergies. Cette union dépasse très largement le simple cadre de la pratique martiale car elle peut se traduire par un état d’être universel, un état tellement absent dans nos sociétés modernes Le dernier symbole de notre Terminer nom est le DÔ qui signifie l’immobilisation la voie, la direction à suivre. par un atemi Cette voie doit conduire, d’expression après de nombreuses martiale.

DO

années de pratique, sur le chemin de la Grande voie, celle de la grande harmonie. Reste alors le symbole BU qui donne certainement toute la spécificité de l’Aikibudô. Ce symbole signifie le courage, la vaillance, tout ce qui est martial. C’est en quelque sorte la force au service de la paix, la force qui procure la paix. Cette force est issue du courage qui lui même naît de la sublimation de l’idée de la mort. En associant l’idéogramme BU à ceux d’Aiki, on montre que la recherche de cet état d’Aiki s’effectue à travers la pratique des arts guerriers. Le pratiquant doit pouvoir se libérer de l’agressivité que ces arts peuvent contenir afin que ces derniers soient disponibles pour servir le Bien et la Paix. Mais comment ceci se matérialise dans la pratique de l’Aïkibudô ? Comment l’idéogramme BU trouve-t-il son expression ? S’appuyer sur les arts guerriers suppose la recherche d’une certaine attitude dans la pratique. Peut-être pouvons-nous nous arrêter quelque peu sur une réflexion de maître Floquet sur ce point : « En Aïkibudô, l'attitude doit demeurer verticale et tout contrôle au sol doit s'effectuer les mains libres en conservant cette disponibilité verticale. Dans l'attitude debout, le corps est droit, les épaules basses, la force dans les hanches et l'abdomen, jamais la force ne doit résider dans les épaules »1 Cette position verticale est fondamentale. En japonais, cela s’appelle le shisei et l’ensemble de la pratique repose sur ce principe.

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L’attitude doit demeurer verticale, les mains doivent rester libres.

À ce premier principe qu’est le shisei s’ajoute une autre dimension tout aussi essentielle dans notre pratique. Il s’agit du zanshin que maître Floquet définit très simplement à travers cette autre réflexion : « Le zanshin est l'attention, la vigilance, associée à une posture physique qui assurera la sécurité du corps tout en laissant l'ouverture nécessaire à l'action adverse... » Toutes les techniques doivent intégrer ces deux dimensions quel que soit leur niveau de complexité. C’est un principe constitutif de la pratique. Des exemples tirés de la pratique de l’Aïkibudô peuvent être utilisés pour expliciter ces notions et voir comment le BU s’exprime.

Premier exemple : Osae wasa et les immobilisations au sol Prenons dans un premier temps les immobilisations au sol. Comme dans de nombreux arts


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martiaux, la technique effectuée peut se terminer par un contrôle au sol. L’attaque est canalisée, le partenaire est amené par contrainte à s’allonger au sol. Mais dans l’Aïkibudo, le contrôle doit s’effectuer en ayant les mains libres tout simplement pour pouvoir rester disponible face à d’autres attaques éventuelles. C’est une idée intéressante qui montre déjà comment l’art de la guerre est pris en compte dans la pratique. De plus, l’immobilisation du partenaire au sol se termine par un atémi « d’expression martiale ». Ceci symbolise une frappe au sabre supposée anéantir l’adversaire. L’aspect évolutif de l’Aïkibudô a fait disparaître (fort heureusement) ce coup de sabre pour le remplacer par une frappe du tranchant de la main. Mais le geste reste le même car l’origine de l’atémi vient du desContrôle au sol sus de la tête du pratiquant, avec défense comme s’il armait son sur attaque au sabre, pour s’abattre sur le bâton court.

partenaire et s’arrêter jusque avant Sur attaque à l’arme blanche, le contact. La dimension guerrière est bien pré- la défense sente dans cet exemple des immo- consiste à se bilisations au sol et le pratiquant placer d’abord doit en saisir le sens dès les pre- en situation de sécurité. miers apprentissages. À cet atémi s’ajoute le Kiaï, qui est l’évacuation de l’énergie contenue par le pratiquant. Ce dernier se matérialise par une sorte de cri dont l’origine n’est absolument pas vocal mais qui provient du ventre où l’énergie a été en quelque sorte « stockée » durant le mouvement.

Second exemple : les randori Un autre exemple concerne les randoris. Ce sont des situations dans lesquelles le pratiquant se retrouve seul face à plusieurs attaquants. La situation de combat peut s’avérer délicate aussi le shisei et le zanshin sont-ils essentiels. Le rapprochement avec les arts guerriers se manifeste tout naturellement et le pratiquant doit montrer beaucoup de détermination, de lucidité voire d’inventivité pour parvenir à se défendre. Plus les attaques seront réalistes et plus le pratiquant sera à même de se dépasser, de vaincre sa peur. Ces situations sont très pragmatiques et donnent beaucoup de sens à la pratique de l’Aikibudô. Le regard, la perception des autres, le déplacement opportun sont autant d’éléments faisant partie intégrante de la stratégie utilisée.

Dernier exemple : les défenses contre armes Un troisième exemple peut concerner les défenses contre armes blanches. Là encore, la dimension guerrière peut transparaître. La défense va consister à se placer immédiatement en situation de sécurité au moment où l’attaque au couteau est portée. La technique de défense ne pourra avoir lieu qu’à cette condition. Ce type de pratique concerne l’aïkibudoka confirmé qui sait vite se protéger d’une telle attaque. Les notions constitutives du BU comme le shisei et le zanshin sont ici particulièrement essentielles. Voici rapidement esquissé ce qui est l’essence même de la pratique de l’Aïkibudô. L’intégration forte de l’aspect martial, le rapprochement immédiat avec les techniques guerrières ancestrales offre au pratiquant un champ d’étude

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très vaste susceptible d’occuper toute une vie. Mais rappelons-le, tout cela est au service du ● Bien, de l’Harmonie et de la Paix.

Daniel Bensimhon 5e dan Aïkibudo DE. DTR Nord et Ile de France Délégué Technique pour la République Tchèque 1- D’après le livre « Pensées en mouvement » Éditions Budostore, Paris, 2006.


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PORTRAIT Mare SEYE

Une recherche sans cesse renouvelée, une transmission toujours plus sincère de son acquis. Voilà le fond de la pratique de Mare Seye, 5e dan, aïkidoka passionné de communication, de rencontres et de partage.

ouvrir les portes du partage

L

« L’Aïkido, c’est magique ! C’était ma première exclamation… Et puis, progressivement, j’ai réalisé qu’il n’y a pas vraiment de magie, que l’Aïkido c’était surtout du travail, beaucoup de travail», nous dit Mare Seye, avec dans le cœur le même enthousiasme aujourd’hui, semble-t-il, qu’il y a 20 ans, lors de sa découverte, un peu par hasard, de cet art martial. Un grand nombre de rencontres jalonne et étaye

le chemin de l’aïkidoka : des enseignants, des partenaires, d’un jour ou de plusieurs années. C’est à travers un maillage de relations de cet ordre que s’est tissée, comme pour bien d’autres, la pratique de Mare Seye. Bien sûr, tout a un commencement et celui de Mare, en Aïkido, s’est produit dans les années 80 par une simple rencontre, lors d’une randonnée, un échange qui allait avoir des conséquences alors insoupçonnées pour lui, « Un refuge de montagne au début des années 80 ; une rencontre comme on peut en vivre après une journée de marche. Une discussion avec mon voisin s’engage autour des arts martiaux. C’était un passionné d’Aïkido. Il m’en parle avec une telle conviction, que dès la rentrée de septembre, je me décide à franchir les portes d’un dojo. Louis Clériot donnait le cours. Tout de suite je me suis dit « Ça a l’air magique cette chose-là ! ». Immédiatement séduit, je m’inscris, mais à l’époque, je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à cette nouvelle activité. Au bout de quelques mois, j’arrête, me promettant d’y revenir lorsque je pourrai m’y employer plus sérieusement. » Mare Seye a Le temps passe, mais Mare enrichi son n’a pas oublié cette première potentiel expérience avec la Voie de technique à l’Harmonie. Après cinq l’école de années, tout de même, passensei divers sées loin des dojos, Mare et multiples. était encore sous l’effet de cette « chose magique » et décide de s’inscrire à nouveau à Fontenay-aux-Roses, le lieu de ses premiers contacts avec l’Aïkido. Un nouveau professeur y enseigne depuis un an. C’est Christian Mouza, actuellement DTR de la Corse, « Il

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était 1er dan à l’époque et nous faisait partager ses connaissances avec une énergie et un enthousiasme contagieux. Il n’a cessé durant des années de se former pour améliorer sa pratique et son enseignement, parce que, derrière, nous étions quelques « fous furieux » à progresser relativement vite. » Dans ce même club, Philippe Bersani, accompagné de Francine Rambaud, assure un cours hebdomadaire de Ken-jutsu, « Ils m’ont transmis leur passion pour le travail du ken » précise-t-il. Cette rencontre avec ce couple de budoka, travaillant avec un grand sens des traditions, a été, encore une fois, déterminante pour Mare. Audelà des apports techniques, ils ont été et restent pour le débutant qu’il était « un exemple par leur goût d’apprendre, de découvrir, de pratiquer encore et encore avec cette humilité et cette fraîcheur que j’aimerais savoir garder. »

Une rencontre décisive Ces premiers professeurs, depuis ses tous premiers pas sur les tatamis, ont guidé Mare, l’ont soutenu et encouragé à aller plus loin dans la pratique de ce qui devient pour lui une passion, un art de vivre. Tout naturellement se met en place une quête de progression et la demande de rencontres et de partage devient de plus en plus forte chez ce néo-débutant. Les stages se succèdent, toujours plus enrichissants. Puis vint l’inscription à celui de Pâques —aujourd’hui traditionnel— que Christian Tissier dirige à Vincennes. Nous sommes cinq mois seulement après les seconds débuts et cette nouvelle rencontre va sceller définitivement les liens entre Mare, le néophyte, et l’expert reconnu par tous les aïkidoka. Pour Mare, ces moments exceptionnels de pratique intense marquent inconsciemment un tournant dans sa vie d’aïkidoka, « Ce que je voyais me dépassait complètement, mais quel bonheur ! J’ai été ébloui.


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qui m’a semblé différent. Pas ou peu d’explications, une pratique entièrement basée sur l’expérimentation personnelle, très loin de notre volonté d’accumulation de connaissances. »

Tori et uke

On peut dire que, depuis, Christian Tissier éclaire ma pratique. Beaucoup de choses ont été écrites et dites sur lui. Au-delà de ses fulgurantes techniques, de sa capacité à penser l’Aïkido, à évoluer en permanence, je souhaiterais insister sur deux aspects qui en font, à mes yeux, un maître d’une valeur rare : d’abord sa science de l’enseignement, sa capacité à alimenter chaque pratiquant, débutant ou expert, qui ont permis, au fil des années, de former un nombre impressionnant d’aikidoka du 6e kyu au 6e dan, dans une pyramide des niveaux —comme on parle d’une pyramide des âges— dans laquelle il n’y aurait pas de trous à l’un ou l’autre des étages. Et puis sa grande cohérence, sur le plan technique et pédagogique bien sûr, mais peut-être surtout sur le plan moral, intellectuel et humain, la relation harmonieuse entre ce qu’il est sur le tatami et ce qu’il est en dehors. » Tout est dit et vécu intensément, au point de décider que l’Aïkido sera un jour au centre de sa vie, comme il se doit pour tout budoka qui respecte son engagement dans la voie. À la fin des années 90, par un étonnant concours de circonstances, Mare a la possibilité, inespérée, d’effectuer un voyage au Japon accompagné de Christian Mouza, son premier professeur. Une expérience qui tient du pèlerinage, « L’Aïkikai était pour moi un lieu mythique. Cela a été une belle expérience. On a participé à quasiment tous les cours. Plus que la technique, c’est le rapport à la pratique

La décision est prise, assez rapidement après son retour, le quotidien de Mare devra s’articuler entre sa pratique personnelle et le partage par l’enseignement. Personnalité aux polarités multiples, qu’elles soient sociales, culturelles ou ethniques et linguistiques, Mare va se donner avec bonheur, après avoir mûri son art et quelques passages de grades réussis, dans une transmission où sa générosité s’exprimera pleinement, « C’est tout naturellement et avec plaisir que je me retrouve alternativement sur les tatami tori ou uke, enseignant ou élève, parfois maître du jeu, parfois le subissant. Chacune de ces situations est nécessaire pour enrichir et alimenter mon travail. Elles forment un tout. » nous dit-il, en précisant sa vision très personnelle de l’art de Morihei Ueshiba où, à ses yeux, chaque être peut et doit trouver à s’exprimer le plus librement, en tout cas bien plus que dans le contexte du quotidien. « L’Aïkido tient du jeu de rôles, mais un jeu dans lequel les cartes seraient distribuées selon un mode différent de celui que nous connaissons dans la vie courante. Sur le tatami, nous dévoilons des aspects de notre personnalité que nous avons parfois pris l’habitude de dissimuler. Inversement, des éléments qui, à l’extérieur, pourraient influencer notre vision d’autrui, n’entrent pas en ligne de compte. La relation se construit sur un mode de communication, sur des codes différents. Ce qui se met en place, en termes d’adaptation à l’autre, de respect, de confiance, permet parfois d’enjamber des fossés que l’on aurait, en dehors du tatami, difficilement pu franchir. J’ai pu rencontrer, découvrir et apprécier au cours de ces presque vingt ans de pratique, des gens extrêmement divers, d’une grande richesse.» Dans ce « microcosme, ce monde d’artistes », où les querelles d’écoles « fondées ou non » précise-t-il, entre anciens et modernes, prisonniers d’un cadre rigide ou bien vrais créateurs, Mare voit une similitude dans les bons et les mauvais aspects avec

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certains univers artistiques, « La discipline, la recherche de perfection dans le geste, l’attitude, l’utilisation de la technique comme moyen et support pour essayer d’atteindre quelque chose d’autre, de plus fort. Les groupes de population aussi : on y trouve des génies —fort rares—, des artistes de talent, des amateurs dans les différentes acceptions du terme, quelquefois aussi, malheureusement, des faussaires ou des escrocs. » Cependant, Mare note quelques différences notables, avec d’autres arts plus visibles qui font la spécificité de l’Aïkido, « D’abord, nous travaillons exclusivement sur l’humain. Pas de médiation par la toile, le livre ou l’image. Ensuite, notre travail ne vise pas à être exposé au public, même si nous sommes amenés à montrer ce que nous faisons. La relation avec les autres, à l’autre, est le cœur de notre pratique. La notion d’échange est donc prépondérante. Mais à travers cet échange, on effectue aussi un véritable travail sur soi. C’est comme un va-et-vient. Par cette confrontation à l’autre, par ce travail sur soi, on modifie son rapport à autrui. »

Une certaine vérité Sur cette base Mare travaille sans ménager son énergie, avec une grande sincérité dans ses rapports. Sincérité essentielle, surtout dans une discipline qui ne connaît pas de compétition donc d’évaluation tranchée et directe. Travailler encore et toujours, sérieusement, mais sans se prendre au sérieux pour autant ; être conscient de ses acquis, mais être tout aussi conscient de ses manques ; en fait chercher une certaine vérité à travers une situation que nous créons de toutes pièces, « La pratique de l’Aïkido n’a d’intérêt à mes yeux que dans la mesure où je ne mens pas. Aux autres, bien sûr, mais surtout à moi-même ; il faut sans cesse répéter, peaufiner, polir, même si parfois j’ai l’impression d’être plutôt au stade


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du ciseau à bois qu’à celui du papier de verre le plus fin, trouver la réponse adéquate dans une situation donnée. »

Transmettre son acquis L’Aïkido est un ensemble cohérent, dans lequel le travail des armes apporte une dimension martiale qui se réfère au Japon médiéval et guerrier. Mais cet aspect de l’art est-il essentiel dans la pratique et la compréhension de l’Aïkido ? Mare ne saurait l’affirmer avec certitude. Beaucoup d’aïkidoka s’en passent sans problèmes. Mais dans son parcours, notamment depuis sa rencontre avec Philippe Bersani, cette pratique est devenue un élément incontournable, indissociable de sa progression, le ken particulièrement, « Parce que depuis mes débuts, le travail avec et sans armes ont été associés, le ken me permet de mieux appréhender certains aspects de la pratique à mains nues. Le Ken-jutsu est une discipline à part entière, qui mériterait de longs développements bien sûr. D’ailleurs, peut-être plus encore qu’en

Aïkido, il est difficile d’aller au-delà de la simple forme. École de la rigueur, j’en garde, après des années d’études, le goût de la recherche de pureté dans les coupes, l’expérience des kata, l’engagement de tout son être, en une fraction de seconde, dans ce jeu symbolique de la vie et de la mort. » Depuis quelques années déjà Mare Seye enseigne. À son tour il prend la responsabilité de transmettre son acquis, de guider ses élèves en restant le plus fidèle possible à ses professeurs, « La notion d’« honnêteté » dans la pratique, je cherche à la retrouver lorsque j’assure mes cours » dit-il, « Chaque aïkidoka amène avec lui et livre sur le tapis une partie de ce qu’il est, de son histoire. Ce sont les pratiquants qui confèrent à l’enseignant une certaine autorité, un certain pouvoir. À leurs yeux, notamment pour les plus jeunes, nous sommes souvent LA référence en matière d’Aïkido (et parfois même au-delà). La tentation existe alors d’une recherche de pouvoir pour soi-même. Pouvoir insignifiant, mais il est possible de se laisser griser par la sensation, même ténue, de puissance, de supériorité, d’emprise sur l’autre. Se sentir reconnu, paré quelquefois de mille vertus réelles ou imaginaires, ça peut faire du bien, mais il y aurait un réel danger à faire de ce besoin de reconnaissance le moteur de son enseignement. » Dans un cours d’Aïkido, le professeur occupe une fonction importante, centrale — dans tous les sens du Pratiquer les armes, ici le terme—. S’il se doit d’être ken, pour un guide, un passeur, un travailler le repère par rapport à la pracentrage, la tique, il ne doit être, aux distance et la précision.

▼…Parce que, depuis mes débuts, le travail avec et sans armes ont été associés, le ken me permet de mieux appréhender certains aspects de la pratique à mains nues…▲ yeux de Mare, « Ni une idole que l’on adore aveuglément, ni un gourou. » C’est, en partie au moins, pour démythifier son propre rôle d’enseignant que Mare fait en sorte que ses élèves participent à des stages animés par d’autres techniciens, pour qu’ils se rendent compte que les approches sont multiples, qu’ils le voient à son tour en situation d’élève, « Où, dit-il, devant mon propre professeur, je ne suis pas toujours plus brillant qu’eux », et afin qu’ils réalisent que, quel que soit le niveau de chacun, ce que l’on sait est toujours infiniment moins important que ce que l’on a à découvrir. « L’Aïkido, c’est magique ! » s’était dit Mare, enthousiasmé, mais pas au point d’en perdre sa lucidité, de se faire des illusions tout en restant optimiste, « J’ai cessé de croire aux miracles », conclut-il, « L’Aïkido n’empêche pas les pratiquants de tomber dans certains travers bien humains. Dans le même temps, on ne sait pas ce qu’il en serait sans la pratique. L’Aïkido nous transforme. Sans doute par ce qu’il nous révèle à nous-mêmes. Plus j’avance, plus je vois de portes s’ou● vrir devant moi. »

Albert Wrac’h

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HUMOUR Par Guillaume Guérillot

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