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Chapitre 1 : Au cœur du conflit

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Préface

Préface

CHAPITRE 1

Au cœur du conflit

1. Mais d’où vient le conflit ?

« Le plaisir des disputes, c’est de faire la paix », écrit Alfred de Musset dans On ne badine pas avec l’amour. Un charmant oxymore qui laisse entrevoir le beau temps après l’orage. Une formule qui invite à prendre du recul sur ses propres conflits conjugaux : arrivons-nous à faire la paix après une dispute ? Si oui, au bout de combien de temps ? Par quels moyens avonsnous réussi à résoudre le conflit ? Y a-t-il des moments de paix ou bien la relation s’est-elle transformée en une suite ininterrompue de crises ? Décortiquer les situations conflictuelles permet de mieux connaître le fonctionnement de son couple et d’identifier les engrenages de la discorde. Mais décrypter un conflit n’est pas évident, car l’essence même d’une dispute réside dans sa partialité : c’est souvent tout noir ou tout blanc, ou l’autre qui a tort et moi qui ai raison. C’est donc une démarche qui demande de l’honnêteté, car cela suppose d’assumer sa part de responsabilité dans la dispute, mais aussi de reconnaître comme conflictuelles des situations qui n’en ont pas l’air. En effet, le conflit ne provoque pas nécessairement des hurlements et des bris d’assiettes. Le couple peut aussi être prisonnier d’un conflit larvé, fait de silences et d’indifférence, tout aussi dévastateur. Néanmoins, le conflit a un avantage. Celui de révéler les différences au sein du couple. Des différences que l’état amoureux des premières années avait peut-être édulcorées. Des différences légitimes dans la mesure où un couple est nécessairement composé de deux êtres dissemblables. En

effet, un couple n’existe, et ne vit, que dans l’altérité. Dans la fusion, il se meurt. Ce sont les différences qui font un couple. C’est la différence qui rend amoureux parce qu’« il a ce que je n’ai pas, elle est ce que je ne suis pas ». Si l’altérité est une grande richesse, un principe vital, elle peut aussi générer de la souffrance lorsque les différences se transforment en différends. Il est bon de discerner ces différences propres à chaque couple et qui peuvent être source de conflits. Elles prennent généralement naissance dans des attentes, des valeurs ou des besoins différents. Quelques exemples : « À chaque période de vacances, c’est la même chose. On ne passe pas une journée sans se disputer. Caroline tient absolument à bouger, à visiter toute la région (besoin d’entreprendre), alors que je n’aspire qu’à une chose : me reposer et décompresser (besoin de souffler). » « Marc tient absolument à ce que notre fils de huit ans apprenne à devenir autonome et il me met la pression pour le laisser aller seul à l’école (besoin de faire grandir). C’est tout simplement impensable pour moi ! (besoin de sécurité) » « Paul m’avait promis de rentrer du travail suffisamment tôt pour fêter notre anniversaire de mariage (besoin de marque d’affection), mais son chef l’a retenu au dernier moment, et tout est tombé à l’eau ! (besoin de reconnaissance) » Autant de différences et d’incompréhensions qui laissent place à de multiples sentiments : souffrance, frustration, colère, peur, tristesse, rancune, parfois même violence et agressivité. Le couple finit par ne plus voir le lien qui unit les conjoints. Seule apparaît cette sensation de profonde incompatibilité. Un terrain d’entente est-il encore possible ?

2. Mon sentiment amoureux fluctue, est-ce grave ?

Le sentiment amoureux évolue. Il n’est pas le même au bout de trois, dix ou quarante ans de relation. Il se colore au gré des événements extérieurs ou internes au couple. Être nostalgique des premières années ne sert à rien. Ce qui importe est la manière dont le couple continue à se construire ici et maintenant, au-delà du sentiment amoureux. À chaque période de son existence, le couple est amené à vivre l’amour différemment. Plus il avance dans le temps, plus il acquiert de la maturité. Il se nourrit différemment. Ce qui, hier, entretenait le désir sera autre, demain. Nous sommes des êtres vivants et complexes, qui évoluons au fil du temps et de nos expériences, appelés sans cesse à se réadapter l’un à l’autre. Le sentiment amoureux s’enracine dans quelque chose de plus profond, dans cet espace que le couple construit petit à petit. Faire dépendre sa vie affective uniquement du sentiment amoureux, c’est prendre le risque d’aller d’aventure en aventure. L’amour conjugal, l’amour qui construit un couple, puise plutôt sa force du côté de la volonté.

L Le sentiment amoureux, ça se cultive

Aujourd’hui, il est tentant et facile de fuir la relation. L’extérieur fait intrusion dans le couple, par le biais des téléphones portables notamment. Certains couples n’arrivent pas à se protéger de ces intrusions permanentes et délaissent progressivement le soin à apporter à leur relation. L’extérieur, c’est aussi la pression sociale pour « réussir » son couple, être épanoui sexuellement, nager dans le bonheur… et si cela ne se passe pas comme prévu, il suffit de partir ou de changer de partenaire. La persévérance, la réparation ne sont pas vraiment mises en valeur de nos jours. Or la relation conjugale s’appuie sur la volonté de faire durer son couple. La société a tendance à faire primer le sentiment amoureux sur la volonté de durer, sous prétexte de « ne pas passer à côté de sa vie ». Mais la vie, le bonheur ne résident-ils pas dans l’effort et le soin que l’on met à faire grandir, voire à

réparer, son couple ? Comment ? En se posant les bonnes questions : « Qu’est-ce qui ne va pas dans la relation ? Qu’est-ce que je donne ? Qu’est-ce que je reçois de cette relation ? Suis-je dans la demande, la revendication par rapport à l’autre ou est-ce que je me pose la question de ce que je peux lui offrir ? Est-ce que j’aime l’autre pour moi ou est-ce que je l’aime pour lui aussi, pour ce qu’il est ? » Nous aimerions avoir la certitude d’aimer toujours. Certains attendent d’une consultation auprès d’une conseillère conjugale qu’elle confirme ou non cet amour. Mais cela n’est pas possible… Désir impossible de maîtriser quelque chose d’imprévisible. Nul ne sait à quoi ressemblera une relation dans vingt ans, c’est même vertigineux de s’y projeter. En revanche, la certitude que l’on peut avoir, c’est le désir de faire durer la relation : ai-je la volonté d’investir cette relation ? De me donner les moyens d’entretenir cette relation ? Bâtir une relation sur le seul sentiment amoureux est risqué. Pour durer, le couple a besoin d’autres éléments. La volonté de durer, la recherche du bien de l’autre, la confiance, mais aussi la tendresse, la complicité, des projets, l’humour, l’admiration, le respect… Travail de toute une vie ! Cette nouvelle relation, fondée sur des éléments moins fluctuants que le sentiment amoureux, crée des liens forts d’appartenance, de sécurité affective, de communion. Une maturité affective qui, loin d’être ennuyeuse, fait de nous des êtres heureux, en paix et vivants. Pour autant, nul n’aura jamais la certitude qu’amour rime avec toujours. Et c’est justement cet inconfort qui oblige à ne pas se reposer sur ses lauriers. La longévité d’un couple n’est pas gagnée d’avance. Cet état de fait invite à rester en alerte, à prendre soin de ce lien fragile, appelé à être solidifié, et à faire éventuellement le deuil de certaines attentes.

DÉFINIR MON BAROMÈTRE AMOUREUX

Quelle est ma part de responsabilité dans le fonctionnement de notre relation ? Quelles sont mes attentes déçues par rapport à notre relation ? Comment surmonter la déception que je ressens parfois vis-à-vis de l’autre ?

3. Deux manières différentes de vivre le conflit :

le lion et le serpent

Une relation conjugale dépourvue de conflit n’existe pas. C’est une illusion. Communiquer, vivre ensemble n’est pas facile. En revanche, les conflits ne signifient pas la mort du couple ; c’est la violence qui est mortelle. Bien au contraire, accueillir et surmonter les crises de couple maintiennent la relation vivante et la fortifient. Les crises sont normales. Elles ne sont pas le signe d’une mauvaise relation, mais de désaccords tout à fait légitimes. Ce qui importe pour la vie du couple, c’est la manière dont les conjoints vont les gérer. Avant de s’attaquer à la résolution de conflit, il est important de repérer comment chacun vit le désaccord, comment chacun se comporte dans le conflit. Notre manière de gérer le conflit est souvent empreinte de la façon dont il était vécu dans nos familles et nos cultures respectives. Cela peut être très démonstratif et explosif : des cris, des hurlements, des portes qui claquent, des insultes qui fusent ou, au contraire, très silencieux, voire caché : pas d’éclat, ni de reproche, ni de revendication, tout semble lisse. Deux tendances opposées et réactives l’une par rapport à l’autre. Illustrons-les avec l’image du lion et celle du serpent.

L Le lion, bruyant et désireux d’en découdre

Le lion est un animal dont la communication est plus développée que chez les autres (langage corporel et vocal, grognement, grondement, rugissement). En cas de contact, il est recommandé de lui faire face et surtout de ne pas fuir, car se retourner risque de provoquer son agressivité. Certes, il attaque pour se nourrir, mais aussi pour se défendre, en réponse à une agression. Comme le lion, un conjoint peut se sentir en danger, éprouver le besoin de se protéger. Il va sortir les griffes, donner de la voix, faire de grands gestes, casser des objets. C’est l’attaque. L’autre a le sentiment de n’avoir aucun espace pour riposter, on lui coupe la parole, on hausse le ton pour occuper le terrain. Beaucoup de « lions » témoignent : « Je ne veux pas lui faire du mal, mais la tension est telle qu’il faut qu’elle sorte, il faut que l’autre comprenne que la situation est insupportable. »

L Le serpent, silencieux et désireux de fuir au plus vite

Le serpent, quant à lui, se déplace par ondulation. Les vibrations dans le sol ont plutôt tendance à le faire fuir. Et s’il ne peut pas fuir, il vaut mieux quitter les lieux, car il y a de fortes chances pour qu’il se défende en attaquant. Il va essayer de mordre pour faire reculer sa proie. Son but n’est pas de la saisir, mais simplement de lui faire peur, car lui-même a peur. Son désir premier est de se soustraire au conflit à travers une attitude de fuite, d’effacement, voire de déni. La réaction excessive de l’autre le paralyse et le terrifie. Il peut avoir peur de ne pas arriver à se défendre et de perdre la face, mais aussi d’être dépassé par sa propre violence. « Je préfère me taire, car je ne veux pas ressentir la douleur qui pourrait être provoquée par ce conflit », disent les « serpents ». Alors, ils ne manifestent rien, ne formulent aucun reproche, se disent parfois que c’est leur faute. Ils minimisent le conflit. Mais si l’autre les pousse dans leurs retranchements, ils se sentent acculés et attaquent alors violemment. C’est pour cette raison que certains serpents

témoignent : « Je préfère me taire… parce que si je parle, je peux lui faire très mal et envenimer la situation. » Lorsque le serpent et le lion se retrouvent dans une situation conflictuelle, le langage corporel et vocal du lion entraîne généralement la fuite du serpent. Plus ce dernier fuit, plus le premier est agressif, et inversement. Le serpent se dit : « Il me cherche. » Dans un couple, on observe souvent que l’un a les traits du serpent et l’autre ceux du lion. Chacun se protège spontanément à sa manière. Un premier pas consiste à me connaître, à savoir comment je réagis naturellement dans une situation conflictuelle. Ce n’est qu’après cet effort que je pourrai m’entraîner à réagir avec calme, intelligence et bienveillance.

DÉCOUVRONS NOTRE FAÇON DE VIVRE LE CONFLIT

Suis-je plutôt lion ou plutôt serpent ? Quelle est ma façon de vivre le conflit ? Quelle est la tienne ?

4. Quand parle-t-on de crise ?

La crise résulte bien souvent de conflits que l’on n’a pas cherché à résoudre. Lorsque le conflit n’est pas géré, il dégénère en dispute, avec généralement la recherche d’un coupable et d’une victime. Quand les disputes se multiplient, le lien se dégrade. Le couple peut développer un mode de fonctionnement fondé sur la compétition, la rivalité, une lutte de pouvoir… Autant d’attitudes qui empêchent l’échange

et bloquent la relation. Bien souvent, chacun durcit son cœur pour ne pas avoir mal. Il est de plus en plus difficile d’être en lien. On s’enferme dans un silence douloureux, on s’abîme dans la colère, estimant, à tort, que le temps fera sans doute son œuvre. La rancœur tue le désir et la joie d’être ensemble. Peut-être commence-t-on à se demander intérieurement si on ne serait pas plus heureux sans l’autre. Et si on essayait d’abord de savoir comment l’autre vit cette situation ? En ayant à l’esprit que les moments de crises sont inévitables et qu’ils peuvent être une opportunité de changement pour un meilleur équilibre. Outre les conflits larvés, certains événements dans la vie du couple agissent comme des éléments déclencheurs de conflits. La naissance d’un enfant, le chômage, un décès, la maladie, un déménagement… bousculent le fonctionnement et la vie du couple, et font émerger de nouveaux besoins chez l’un ou chez l’autre. Ces bouleversements nécessitent de remettre les choses à plat, de parler, ou bien de se faire aider par des professionnels lorsque la communication est impossible. « Louise et Paul vivent une période difficile depuis le licenciement de Paul. Ils se disputent presque tous les soirs. Louise reproche à Paul de ne pas chercher d’emploi et, en plus, de ne rien faire à la maison. Paul se sent incompris, il vient d’être licencié et aurait besoin de bienveillance. Il avait passé quinze ans dans son entreprise et il a été traité comme un malpropre. Il s’interroge beaucoup sur ce qu’il vaut. La journée, il traîne, car il n’a plus d’énergie. Il appréhende le retour de sa femme le soir. Que vat-elle penser ? Il fait des efforts, il essaie de préparer le dîner, mais côté rangement, ça laisse à désirer ! Il se sent bon à rien… Quelquefois, il se rebelle mais alors Louise hausse le ton, et la dispute explose. Ils décident de se faire aider, car ils s’aiment, ils aimeraient bien retrouver la paix. » Lors des entretiens de conseil conjugal, chacun a un espace pour s’exprimer, les conjoints s’efforcent de s’écouter. C’est pour eux l’occasion de comprendre leur fonctionnement, leurs

besoins respectifs. Louise prend conscience de l’épreuve douloureuse que traverse Paul, elle s’adoucira et sera moins exigeante. Paul, entendu dans son épreuve, reconnaîtra que cela fait beaucoup pour sa femme. Ils ont désormais conscience qu’ils ont des besoins différents qu’ils n’avaient pas repérés. Paul a besoin d’être valorisé, de se sentir compétent. Louise, par ses critiques, appuie là où ça fait mal et l’enfonce. Quant à Louise, elle a besoin de soutien et d’échanges. Alors, quand Paul rentre dans sa coquille, elle angoisse et elle extériorise en criant.

PARLONS DE NOS CRISES

Est-ce que je te reconnais le droit de penser différemment ? Si ton avis est différent du mien, cela provoque-t-il de la tension ? Ai-je peur des désaccords ? À quels sujets ? Quand il y a désaccord, que se passe-t-il entre nous ? Acceptons-nous qu’il y ait des conflits entre nous ?

5. Le conflit violent

La violence n’est pas une sous-catégorie du conflit. La violence est interdite par la loi. Dès lors qu’il y a paroles menaçantes, bousculades, menaces, coups physiques, le couple bascule dans le conflit violent. Tout ce qui porte atteinte au corps et au psychisme du conjoint relève de la violence et ne doit pas être pris à la légère. Lorsqu’elle met une personne en danger, il est parfois nécessaire de se séparer. (cf. chapitre « La violence conjugale » p. 76)

Le préalable à la résolution de tout conflit violent est de dire « stop ». Il n’y a pas de dialogue possible avec la violence. L’émotion de la colère n’est ni bonne ni mauvaise en soi, mais lorsqu’elle s’exprime par la violence, elle doit être canalisée. Cela peut nécessiter une thérapie individuelle. La réaction violente est souvent révélatrice d’une blessure ou d’un dysfonctionnement du couple. Afin de résorber la violence, chaque conjoint est amené à se demander ce qui la déclenche dans la boucle relationnelle. Un travail avec une conseillère conjugale permet de mettre le doigt sur certaines blessures. « Kevin raconte, lors d’un entretien, que sa femme Noémie est violente, qu’elle s’emporte très rapidement et l’insulte. Il cherche à mettre en évidence que les réactions de sa femme sont exagérées et disproportionnées. Le comportement de Noémie n’est pas acceptable, mais elle le justifie par celui de Kevin. Celui-ci n’ayant pas très envie de faire des concessions, il fuit la discussion. Une attitude qui vient alimenter la colère de Noémie. Comme il joue l’indifférence, elle cherche à l’atteindre en utilisant des insultes de plus en plus violentes. Il nie ce qu’elle ressent, lui dit ne pas comprendre pourquoi elle se met dans tous ses états et qu’elle est vraiment ridicule. Noémie se sent humiliée et a un sentiment d’injustice, car c’est lui qui la met dans cet état-là. S’il avait accepté de discuter, elle ne serait pas “ montée dans ses tours. ” » Dans cette situation, le comportement de l’un déclenche celui de l’autre, et il est difficile d’identifier qui, de la poule ou de l’œuf, a préexisté. Chacun se dédouane de son comportement inacceptable et le légitime par celui de l’autre. À ce stade, il est bon dans un premier temps de calmer le jeu, pour pouvoir ensuite se remettre en question : qu’est-ce qui, dans mon comportement, participe à l’escalade de la violence ?

ÉTUDIONS NOS COMPORTEMENTS

Ai-je repéré des dysfonctionnements dans notre façon de communiquer : un ton agressif, dominateur, l’envie d’avoir raison sur tout, un refus de parler, de dire le fond de sa pensée ? Je te confie mes émotions, comment je vis ces comportements.

6. Les conflits collatéraux

Le conflit de couple peut générer d’autres conflits ou en être la conséquence. Si le conflit est enfoui, voire nié au sein du couple, il peut se reporter sur des personnes extérieures : on va alors entrer en conflit avec des proches, selon un processus de transfert. Sophie : Je tiens pour responsable de notre crise de couple cette amie qui nous a présenté Eva, cette « allumeuse ». C’est à cause d’elle que mon couple est en danger. Elle devait bien savoir que c’était une séductrice. Mon mari s’est fait piéger. Dans cet exemple, Sophie cherche un coupable. Accuser son conjoint fragiliserait trop son couple. Alors elle choisit un bouc émissaire. Mais le nœud du problème n’est pas là. Pourquoi ne fait-elle pas confiance à son mari ? Pourquoi son mari s’est-il laissé séduire ? Une remise en question du couple, de l’attitude et de la place de chacun serait plus constructive que la recherche d’un coupable extérieur. Dans le sens inverse, un conflit non résolu avec des personnes extérieures (responsable hiérarchique, voisin, parent…) peut également se répercuter sur le couple lorsqu’on accuse le conjoint d’y avoir une part de responsabilité.

Marc : Je n’arrive pas à dire à mes parents que j’en ai marre qu’ils régentent ma vie. Ça m’étouffe, mais c’est trop difficile à dire, ils m’ont tout donné, ils se sont sacrifiés pour moi. Quand ma femme essaie de mettre un peu de distance avec eux, je me mets en colère contre elle, je l’insulte. Elle ne comprend pas que c’est trop douloureux pour moi. Cet entremêlement de crises exige de discerner le malaise ou conflit premier afin ensuite de désamorcer les crises adjacentes. Ce type de conflit est très fréquent dans le contexte intrafamilial : « Il a tellement d’admiration pour sa mère que c’est avec elle qu’il fait couple. » Ou au contraire : « Je paie pour sa mère, il lui en veut pour beaucoup de choses et cela se retourne contre moi. »

7. Conflits de couple générés par des conflits

psychiques

En psychanalyse, on parle de conflit psychique, ou intérieur, lorsqu’un individu mène un véritable combat à l’intérieur de lui-même, lorsqu’il est habité par des pensées contradictoires, ressent une ambivalence de ses sentiments, ou encore souffre de la perte d’un être cher. Lorsqu’on est en couple, il peut arriver que l’un des conjoints, consciemment ou non, réveille une blessure chez l’autre, comme un bleu sur lequel on appuie. Cela peut générer une véritable crise dans la mesure où, généralement, nous recherchons inconsciemment des partenaires capables de panser des blessures passées. Lorsque la guérison tant attendue ne se fait pas, nous avons tendance à reporter ce manque sur notre conjoint, à le rendre responsable de nos propres blessures. « Lors d’une précédente relation amoureuse, mon conjoint est parti avec une collègue de bureau. J’ai été dévastée, je me suis sentie trahie et, depuis, j’ai du mal à me faire confiance. Est-ce que je suis vraiment aimable ? Aujourd’hui, mon nouveau conjoint est très gentil et fiable, il prend soin de moi, je peux lui faire confiance, mais

je lui empoisonne la vie, j’ai besoin qu’il me rassure, qu’il me dise qu’il m’aime, et ce n’est jamais assez. Cette peur m’habite encore. Il ne réalise pas que, quand il est au téléphone avec un collègue, j’aurais besoin qu’il m’en parle pour éviter mes suspicions. » Il arrive que des blessures du passé ne soient pas totalement cicatrisées. Or une blessure vient nous fragiliser dans notre façon d’être en lien avec l’autre. Dans cet exemple, sans volonté de nuire, le nouveau conjoint appuie sur cette fragilité. Il appartient à la personne blessée de travailler sur ses blessures. Si la blessure s’infecte, une quête de vengeance subsiste et ronge de l’intérieur. Certains, pour se protéger, choisissent d’enfouir cette blessure, mais elle reste active à leur insu et brouille le comportement. Guérir ses blessures passe, à un moment donné, par une décision. Chacun est appelé à faire quelque chose de cette blessure dont il n’est pas responsable mais qui lui empoisonne la vie. Accueillir cette blessure est une manière de la porter et d’assumer sa réalité. Il n’est pas évident de parler de ses blessures. Prendre conscience de ce mal, faire face à cette blessure, se connecter aux émotions qu’elle génère permettent de décider de la mettre à distance et de s’ouvrir à la vie. Il ne s’agit pas de se résigner, passivement, mais de renoncer, activement, à une revendication. C’est un travail nécessaire de guérison. À terme, c’est se libérer de la rancœur, de l’envie de se venger.

REPÉRER MES CONFLITS PSYCHIQUES

Est-ce que je repère un conflit que je n’arrive pas à régler et que je déplace sur mon conjoint ? Est-ce que je repère des bleus du passé qui sont réactivés par mon conjoint ? Puis-je lui en parler ?

« L’AmOuR SaNs CoNfLiT EsT UnE DoUcE IlLuSiOn. »

À travers des exemples du quotidien et des témoignages, Bérengère de Charentenay et Mathilde de Robien traitent avec délicatesse le douloureux sujet du confl it dans le couple. Elles apportent au lecteur des pistes concrètes pour comprendre les racines de ces crises et permettre aux conjoints de se retrouver et de se réconcilier. Pauses personnelles, soirées couple, réfl exion... un livre pour dépasser les obstacles et reconstruire un amour blessé.

Conseillère conjugale et familiale dans le Morbihan, Bérengère de Charentenay, membre du cabinet Raphaël, accompagne des personnes seules, en couple et en famille. Mère de quatre enfants, elle donne de nombreuses conférences.

Journaliste à Aleteia, Mathilde de Robien s’est spécialisée dans les sujets en rapport avec le couple, la famille et l’éducation. Mère de trois enfants, elle est également l’auteur de deux livres de prière, édités chez Mame. Se pardonner est le deuxième livre qu’elles écrivent ensemble, après Couple – Se comprendre pour mieux s’aimer (Mame, 2021).

15,90 € TTC France www.mameeditions.com

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