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La toute-puissance du père
Quand ces traits de caractère ne conviennent plus, on peut les changer et les transformer. Pour cela, il est nécessaire de les identifier, les accepter et les envisager autrement. Alors, dans un élan collectif, on peut changer l’inconscient collectif. Le processus passe de l’inconscience individuelle à la conscience individuelle (« J’ai compris ! Je veux changer ! »), puis de l’inconscience collective à la conscience collective (« On a tous compris ! Et on est tous d’accord pour changer ! »).
1I L’IDENTITÉ MASCULINE
« Sois un homme, mon fils. »
Toute entité qui s’incarne en tant qu’homme sur notre planète enregistre l’histoire de l’homme à travers le temps. Le corps de souffrance collectif masculin se rencontre dès ce moment-là. Il se construit aussi dès la vie embryonnaire et fœtale par la rencontre des mémoires des hommes de la famille. Si cette identité masculine est contrariée, refusée ou blessée, si elle n’est pas acceptée, naît alors un conflit existentiel. Les idées reçues sur l’archétype masculin sont qu’il devrait être fort, responsable, capable. Elles verrouillent le masculin dans une projection réductrice.
CE QUI SE JOUE
J’ose penser que l’incarnation résulte d’un choix de notre âme de prendre corps sur terre et de choisir ce corps dans sa prédominance sexuelle. Au départ, ce choix est heureux, joyeux, responsable et capable. Il se met en scène dans un contexte humain où se jouent
des scénarios, des schémas familiaux et collectifs auxquels chacun d’entre nous se donne. Ainsi, le choix de l’identité masculine est marqué par deux problématiques fondamentales.
| LE BESOIN INNÉ DU PÈRE
Il est capital dans notre humanité. Il fait référence au père biologique qui nous a conçus, mais aussi à l’archétype du père Dieu. Ainsi, en voulant rencontrer les images mythiques de Superman, Rambo ou Hulk, par exemple, l’homme oublie son essence originelle.
L’archétype non satisfait le condamne à demeurer dans une position de « fils éternel » ou de « soushomme » jusqu’à ce qu’il prenne conscience de ce qu’il est par essence. Il est créé homme et non pas fils. L’homme a un désir profond d’une reconnaissance par le père. Cette attente peut être une projection du père idéalisé, divin, ou de l’archétype du père. Ce besoin de reconnaissance éveille son indépendance spirituelle.
L’homme ne doit pas chercher à correspondre à l’archétype du père, ni à se placer dans la position passive du fils, car son essence est homme et ni père ni fils.
Ce besoin de reconnaissance du père est viscéral et existentiel. Viscéral d’abord, parce que le père donne la vie pour que l’enfant crée à son tour. C’est inscrit dans ses cellules et l’homme cherche à ce que le père le reconnaisse comme son semblable. Existentiel ensuite, car c’est le but même de la vie : le vivant est
par essence et sans détour intellectuel générateur de vie. Ces constituants de l’homme ont été « quelque peu » détournés par des idéologies patriarcales et une religiosité culturelle qui a placé l’autorité du père (céleste ou biologique) au-dessus de l’essence de l’homme (et de la femme). Cette autorité culturelle et ce lien spirituel ont masqué le pouvoir sacré du masculin.
Le nouvel homme est libre de cet envahissement.
| LE LIEN CONSTITUANT À LA MÈRE
Tout homme a été porté par une femme, et quelle femme ! Sa mère. Ce passage incontestable souligne notre lien au féminin et à l’archétype de la mère. Plus évident, plus charnel, plus consistant, ce lien à la mère est constituant.
Cette connexion charnelle explique par exemple le traumatisme de la perte de la mère. C’est une perte physique tout autant que psychique, car c’est la perte d’une partie de soi, charnellement, qui induit un profond sentiment de vide existentiel. Si ce vide est compris et accepté (d’où l’expression « faire son deuil »), il peut devenir une délivrance (de la forte présence de l’autre) et l’opportunité d’un épanouissement individuel.
Aussi, le fils aura besoin de comprendre ce lien physique, constituant, tout autant que de saisir le besoin d’établir le lien spirituel avec le père. Cette polarité est étonnante. Le lien à la mère est concret, physique, au
point d’être envahissant. Le lien au père est subtil, tellement subtil qu’il peut passer inaperçu.
| L’HOMME PORTE LA MÉMOIRE DE TOUS LES HOMMES
Par ailleurs, l’homme porte en lui l’histoire de tous les hommes : il porte l’histoire de sa lignée ainsi que celle de l’homme depuis le début de l’existence humaine. Chaque homme engrange en lui toute l’évolution des hommes et en conserve toutes les mémoires, les bonnes comme les mauvaises. S’incarner dans l’identité masculine, c’est donc prendre en compte, et parfois à son compte, l’histoire des hommes de la famille, l’histoire des lignées maternelles et paternelles. C’est aussi adopter l’histoire culturelle de sa famille et les loyautés entretenues par les hommes de ses lignées qui peuvent s’avérer désuètes. Ainsi, pour l’homme d’aujourd’hui, l’audace de la rupture et celle du changement d’idée demandent du courage, mais aussi de la finesse pour être source d’évolution et non de conflit.
S’incarner dans un corps d’homme, c’est donc transformer l’histoire des hommes de la famille, mais aussi oser être l’homme « nouveau ». Ce nouvel arrivé établit son évolution sur les acquis parentaux (positifs et négatifs) et sur ses propres qualités. En s’extirpant de la prédominance du père ou de la mère, il poursuit l’évolution de « l’espèce », son avancement, en mettant en place un changement de personnalité et de conscience. Cet homme « nouveau » est celui qui s’accorde à l’évolution de l’humanité et plus particulièrement à l’évolution du
féminin. En effet, l’identité féminine a profondément changé et il est légitime qu’elle favorise le changement du masculin.
| Exemple d’homme blessé |
J’ai reçu un homme de 55 ans envoyé par son médecin qui le soignait d’une dépression et soupçonnait un traumatisme caché. Le consultant se retrouvait entouré dans son travail de gens plus jeunes qui lui donnaient le sentiment de l’exclure. La différence de générations le mettait mal à l’aise et il s’est senti mis de côté. Puis mû par un sentiment d’injustice, il ne s’est plus senti heureux dans sa vie quotidienne. En fait, ce monsieur avait appris de sa mère quelques mois auparavant qu’il avait un père biologique caché (un homme de passage) et que ce père, désormais âgé de 89 ans, projetait de le rencontrer avant de mourir. À cette nouvelle, la vie de cet homme s’est effondrée : son père (adoptant, qu’il aimait profondément) n’était pas son père, son père « concepteur » qui l’avait abandonné revenait briser sa vie et sa mère (dans son amertume) devenait une « traînée ». Toute son identité se fracturait devant une vérité insupportable. En prenant le temps de mieux comprendre l’histoire et en la regardant avec bienveillance, nous avons renversé son regard en rejouant le scénario : sa mère l’avait eu lors d’une rencontre amoureuse avec un homme « libre », incapable alors de s’engager. Puis elle a rencontré un homme aimant, qui s’est avéré stérile. Celui-ci a reconnu et aimé l’enfant de sa femme comme un don du ciel. Dans sa maturité, le consultant découvre son père biologique repentant qui lui offre un héritage de vérité sans rien revendiquer d’autre
Tu seras un nouvel homme mon fils !
L’auteur
Thérapeute humaniste,
Bernard Chaumeil
accompagne et enseigne depuis 30 ans en France et à l’étranger. Il a une vision globale de la personne (corps, émotions et mental) et la ressent dans une triple histoire : individuelle, familiale et collective. Il a conçu et enseigne un concept analytique humaniste, la Thérapie archétypale, basé sur 22 problématiques assorties à 22 ressources humaines. Dans la continuité de son travail sur l’identité féminine et les blessures archétypales, sociétales et individuelles, Bernard Chaumeil s’intéresse, dans cet ouvrage, à l’identité masculine pour déconstruire l’image de l’homme fort et redonner toute sa place à la dimension sensible de l’homme.
À travers un décryptage des blessures liées à l’identité masculine, il invite le lecteur à comprendre l’héritage imposant du passé, les loyautés inconscientes entretenues par les lignées, les malentendus façonnés par l’inconscient collectif et propose des clés de compréhension qui ouvrent la voie à «l’homme libre ».
En se libérant d’un héritage basé sur un mode de fonctionnement patriarcal, l’homme peut se détacher des liens du passé qui le limitent, accéder à la libération d’un être beaucoup plus authentique qui mérite d’exprimer ses failles et ses faiblesses et ainsi laisser place, enfin (!), au nouvel homme.
14,95 € TTC
MDS : SR00845