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Introduction

Qui n’a pas entendu certains potes se plaindre de ne plus pouvoir séduire ou se demander si la fille en face d’eux n’appellera pas la police en cas d’approche un peu cash? Ou des amies dire qu’elles n’osent pas aborder un garçon, tout simplement parce qu’on nous dicte que les filles n’ont pas à le faire? Alors quoi, on ne s’approche plus? Oh que si!

Depuis les vagues de dénonciations dans les médias et sur Twitter avec les hashtags #metoo ou #balancetonporc, des hommes, accoudés au comptoir de leur bar préféré, paniquent, bégayent ou renoncent à l’idée d’aborder une femme. Pourtant, dénonciation ne signifie pas délation ni manipulation. Et il n’a jamais été question dans toutes ces révoltes de mettre les hommes de côté ; au contraire, les femmes ont besoin d’eux plus que jamais. La preuve en est qu’il est difficile d’en vouloir aux hommes, pour la simple et bonne raison que nous avons toutes et tous, femmes et hommes, été formatés depuis des centaines d’années selon un même modèle : le patriarcat. Ce concept social, dans lequel l’homme exerce un pouvoir, une autorité dans tous les domaines, ne signifie rien d’autre que la désignation du père, et de l’homme en général, comme dominant suprême. Tout un mécanisme qui emprisonne les femmes dans la case de la docilité… et les hommes, dans celle du pouvoir.

SPOILER ALERT

Personne n’est vraiment heureux dans cette histoire.

Alors, n’est-il pas temps de casser les codes, de s’unir, de remettre en question collectivement les techniques de communication, afin de placer celles-ci sur le même pied d’égalité? Le tout en découvrant ainsi que le vaste terrain de la séduction est constructible de mille manières possibles, aussi respectueuses qu’amusantes et jouissives.

Demander la permission avant de toucher est un acte aussi gratifiant pour soi que pour l’autre. Un acte qui peut être terriblement excitant dans la relation entre deux personnes. Au même titre que la manière dont on questionne l’autre, dont on prend des nouvelles de l’autre, dont on accepte les envies et décisions de l’autre. Parce que les rapports de séduction n’ont pas été meurtris par les féministes. Ils le sont du fait des agissements de certains prédateurs, dénoncés par les victimes et relayés par les soutiens du féminisme. Ce sont des actes qui devaient être entendus, des hommes qui devaient être punis et des femmes qui devaient être défendues. Et qu’importe si certains et certaines estiment que cela a « cassé un truc » ou que le droit d’importuner est une chose tolérable. Nous pensons ici qu’il est temps de réapprendre à se côtoyer et d’y prendre un véritable plaisir.

Pourquoi le fait de dénoncer les actes sexistes et les agressions sexuelles que les femmes subissent serait une raison pour cesser de les approcher, pour arrêter de chercher à se séduire? N’est-ce pas plutôt l’élément déclencheur d’un renouveau, l’alerte qui vient signaler à la société qu’il y a « un truc qui cloche » ? N’est-il donc pas possible d’envisager un traité de paix et de respect, un espace serein où les armes sont posées et où le débat est ouvert? Rassurez-vous, l’amour et le sexe vaincront; ce cahier vous le prouvera et vous guidera pour que nos planètes s’alignent enfin.

DÉFINITIONS

Hétéronormativité il s’agit de la norme sociale qui prévaut dans notre société depuis des centaines d’années, consistant à faire de l’hétérosexualité le schéma représentatif par défaut des rapports humains.

Cisgenre se dit d'une personne dont le genre ressenti correspond au genre assigné à sa naissance. On oppose ce terme à celui de transgenre.

Ce cahier est écrit pour les hommes, pour les femmes, pour les jeunes filles et les jeunes garçons, pour la communauté LGBTQIA+, pour les travailleurs et travailleuses du sexe et pour quiconque souhaite jouir de sa liberté sociale et sexuelle. Les chapitres qui suivent sont destinés à nous aider à comprendre nos erreurs et à reconsidérer les points essentiels de la séduction. Or, le patriarcat a instauré une hétéronormativité dans nos rapports humains et dans le paysage culturel depuis notre naissance. Et même si l’on se réjouit follement de la diversité sexuelle et de l’ouverture d’esprit générale survenue depuis quelques années, il est indéniable que la majeure partie des constats, conseils et références mentionnés dans cet ouvrage sont susceptibles de toucher davantage les personnes hétérosexuelles et cisgenres, dont les relations cristallisent l'essence même du patriarcat.

Il s’agit là d’inscrire la séduction dans un cadre égalitaire qui n’enferme personne dans un rôle en particulier. Déceler la frontière à ne pas franchir pour éviter les rapports de domination, que ce soit dans la sphère privée, professionnelle ou dans l’espace public. Accepter le «non» ou se réjouir du «oui». Comprendre qu’une remarque puisse être graveleuse, lourde et tout simplement irrespectueuse. Des femmes sont blessées, jugées et agressées au quotidien. Nous devons réinterpréter les codes collectivement et pacifiquement afin de redorer l’image délicieuse que la séduction possède lorsqu’elle opère de manière consentie. Tout le monde est capable de séduire, mais tout le monde ne s’y prend pas comme il ou elle le devrait ! La séduction, c’est quand Mathieu s’approche de Vic dans La Boum pour lui poser son casque sur les oreilles avant de l’inviter à danser un slow des plus doux et émouvants. La séduction, c’est lorsque deux personnes se tournent autour dans une pièce bondée, que leurs mains sont moites, que leur vue est brouillée, que leurs regards se croisent sans cesse, qu’elles ne savent comment se parler et que se dire. La séduction est une émotion qui se vit à deux, un sentiment de peur mêlé à celui d’excitation, un moment d’incertitude où l’on tente sa chance, et si celle-ci nous échappe… c'est la vie !

Oui, séduire revient à tenter de plaire, mettre en avant sa personnalité, à jouer le jeu du flirt, et si ce jeu ne mène nulle part, tant pis.

Dans le contexte actuel qui nous pousse à nous confiner, à nous éviter, à craindre l’avenir et à nous parler par écrans interposés, les relations humaines et les rencontres sont plus que jamais essentielles à notre bien-être. Alors, tentons l’effort de nous adapter pour améliorer ces échanges à long terme. Appuyons-nous sur les faits, les écrits et la pop culture afin de faire évoluer notre mode de pensée vers quelque chose de plus respectueux envers nous-même et envers les autres, de présenter un autre modèle d’approche séductrice. Faisons germer ensemble la graine de l’égalité et du consentement en toute situation, afin de nous guider sur l’autoroute du kif, tout simplement.

LES TRAVAUX PRATIQUES

Parce que la musique est un lubrifiant social autant qu'un remède à la mélancolie, vous trouverez en page 59 une liste non-exhaustive de chansons nécessaires, bienfaitrices et qualitatives pour chaque situation liée à la séduction et la liberté ! À écouter très fort solo chez soi, ou très fort, mais bien accompagné·e.

Avant de commencer la lecture de cet ouvrage, je vous laisse parcourir ces quelques jalons de notre histoire nationale afin de mieux comprendre le «léger» décalage entre la condition des femmes et celle des hommes.

ENJOY !

1793

La constitution de la Ire République proclame un suffrage universel strictement masculin.

1810

Le devoir conjugal est une obligation, il n’existe donc pas de viol entre époux. L’adultère est un délit, mais seules les femmes sont passibles de prison, tandis que l’homme adultère écope d’une simple amende. Sans oublier que le Code pénal, instauré la même année par Napoléon, prévoit de lourdes peines contre les avortements.

1942

L’avortement, de délit, devient «crime contre la sûreté de l’État»; il est passible de la peine de mort.

1965

Les femmes peuvent exercer une profession et ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur mari.

1978

Le Sénat vote la loi qui élargit la notion de viol à l’attentat à la pudeur, mais avec des peines encourues diminuées de moitié. Un violeur est donc moins lourdement puni qu’un voleur.

1983

Vote de la loi Yvette Roudy visant à favoriser l’égalité entre les genres dans le milieu du travail. Quelques propositions d’interdiction n’ont toutefois pas été retenues, comme celle de refuser aux femmes l’accès à un bien ou à des services et celle de proférer des injures à caractère sexiste.

2007 à 2012

Nicolas Sarkozy oublie le ministère chargé des droits des femmes, créé par Valéry Giscard d’Estaing en 1974 et utilisé de manière intermittente depuis, selon les présidences.

2010

La lutte contre les violences faites aux femmes est déclarée «grande cause nationale».

2014

Ratification de la convention du Conseil de l’Europe, appelée Convention d’Istanbul, sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique. La France est le treizième État à ratifier cette convention…

2017

Les femmes menacées de mariage forcé sont (enfin) reconnues par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté comme public prioritaire pour l’accès à un logement social.

2020

Nette hausse des violences conjugales observée pendant les périodes de confinement liées à la crise sanitaire du covid-19. Un décret met en place un dispositif électronique mobile « anti-rapprochement» destiné à assurer le contrôle à distance des conjoints ou ex-conjoints violents.

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