Kaiju-San tome 2 - Moustik

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Direction : Guillaume Pô Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Elsa Tirel Conception graphique : Elena Baudier-Melon Composition : Virginie Langlais Correction : Catherine Rigal Direction de fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Julia Mirenda © Fleurus, Paris, 2024, pour l’ensemble de l’ouvrage. www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-8804-9 MDS : FS88049 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. »


par



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Je dessine pendant le cours de maths. Avant, je n’aurais jamais fait ça. J’ai toujours été une élève assidue. Mais ça, c’était avant. Avant le kaijū. Avant Gilliatt. Avant que mon immeuble soit éventré par un monstre géant, et qu’avec ma famille on soit forcés de vivre à l’hôtel en attendant les réparations. Enfin, ce sont mes parents qui vivent à l’hôtel. Moi, j’ai été accueillie par Karim, ses parents et sa petite sœur qui me regarde bizarrement. C’est peutêtre parce que je lui ai pris sa chambre. Je ne voulais pas ! Je me serais contentée du canapé dans le salon. 7


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Mais la mère de Karim a dit : « Yun, on ne laisse pas une jeune fille dans une pièce sans intimité. » Du coup, j’ai un espace pour moi toute seule et Naïma (cinq ans) dort dans la chambre de ses parents. Il y a de grandes chances pour qu’elle me déteste à cause de ça : à chaque fois que je la croise, elle murmure des malédictions à l’oreille de son doudou. Mais pourquoi suis-je chez Karim, me demandezvous, et pas chez une de mes amies ? Eh bien, parce que Karim était là aussi dans cette histoire de kaijū. Comme son immeuble a été épargné, il a gentiment proposé de m’héberger pour que je ne m’éloigne pas trop du collège. On est devenus amis. On s’est rendu compte qu’on était des geeks tous les deux et qu’on aimait les mêmes choses. On a passé beaucoup de temps à lire les mêmes livres, à regarder les mêmes séries. C’était chouette. Mais, en ce moment, je ne me sens pas très sociable. Alors, je préfère rester seule. Et Karim a tendance à passer plus de temps avec d’autres gens. Il a l’air de vivre tout ça mieux que moi. Je le vois lever la main pour participer au cours de maths. 8


Unité force K

Si ça continue, il va vraiment finir premier de la classe. D’habitude, on est ex aequo. Mais je ne m’investis plus autant, comme diraient mes profs. Heureusement, lui aussi se laisse distraire. Il est assis à côté de Romain, qui est avec nous en cours d’anglais. Ils n’arrêtent pas de discuter d’arts martiaux et j’ai du mal à les suivre. Bref, ce n’est pas la grande forme. Même l’installation de ruches sur le toit de Gustave-Caillebotte ne m’a pas fait aussi plaisir que j’aurais voulu. D’ailleurs, une abeille m’a piquée la semaine dernière. Je suis dans une mauvaise période. Depuis qu’on a vaincu Gilliatt, je ne me sens plus moi-même.

Et puis je fais des cauchemars. D’horribles cauchemars…

Houhou ? Yun ?


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Je me redresse. C’est la voix de Karim. — Eh bien, tu rêves ? Il a l’air sincèrement inquiet pour moi. Je hausse les épaules. Il m’adresse un sourire encourageant. Je me détourne. Je n’ai pas envie de parler. Alors Romain le pousse du coude et reprend leur conversation sur la comparaison entre les films d’action hongkongais et sud-coréens. Dommage que je ne sois plus chez moi, j’avais une belle collection de films d’arts martiaux chinois. De toute façon, je n’apprécie pas particulièrement Romain. Soudain, le sol se met à vibrer. Quelques élèves poussent des cris de surprise. Puis, ça se calme. — C’est fini, fait Romain. Comme pour le contredire, une nouvelle secousse, beaucoup plus violente, fait trembler la classe. J’en tombe de ma chaise, pile sur le coccyx. Je grimace de douleur. Pendant ce temps, mes camarades se sont rués vers les fenêtres. — Regardez, il y a quelque chose dans la cour ! Je soupire : — Qu’est-ce que c’est encore ?


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Je me relève avec un mauvais pressentiment. Toute la classe est collée aux vitres, malgré les appels de la prof. — Regardez, on dirait que le sol s’effondre ! dit un élève. Je ne vois rien. Je suis trop petite. Et je ne suis pas assez mince pour me faufiler entre deux camarades. — Ça ne m’étonne pas, lance un autre. Il paraît que l’établissement est construit au-dessus des catacombes… 11



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Dans la classe, c’est la panique ! Les élèves se bousculent pour s’éloigner des vitres. Trois personnes m’écrasent les pieds mais je ne bouge pas. C’est comme si mon pire cauchemar était devenu réalité. — Évacuation Kaijū ! s’écrie la prof. Depuis la dernière fois, il y a eu pas mal d’exercices de prévention en cas d’alerte kaijū. Dans les écoles, on a ajouté un troisième type de PPMS (« Plan particulier de mise en sûreté ») consacré aux « attaques de créatures majeures » (c’est le terme officiel). On a instruction de courir vers le gymnase qui se situe en sous-sol de l’établissement. Oui, le plan a été imaginé dans l’hypothèse que l’attaque serait aérienne. Pas dans le cas d’un assaut souterrain. Toute la classe se rue hors de la salle. Il ne reste plus que Karim et moi. Je constate, non sans un certain plaisir, que Romain s’est transformé en courant d’air. En même temps, le kung-fu est moyennement efficace face à un kaijū… J’ai bien envie de déguerpir aussi. Mais Karim ne paraît pas disposé à s’en aller et à se mettre à l’abri. — Tu as vu ? s’exclame-t-il. Il y en a un autre ! 13


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— Ben, il est difficile à rater… — C’est génial ! Les bras m’en tombent. — C’est quoi, ton problème ? — Hein ? — C’est pas « génial » qu’un kaijū revienne ! C’est même super dangereux ! On a failli y passer la dernière fois ! — Oui, oui, mais on s’en est sortis, non ? Comment je vais l’appeler, celui-là ? Il commence à réfléchir comme s’il n’y avait pas un ver monstrueux de vingt mètres de long dans la cour du collège ! — Tu te pencheras sur la question plus tard ! Je lui attrape la manche. — Allez, viens ! On s’en va ! Mais impossible de le faire bouger. — Je sais ! fait-il avec un grand sourire. Je vais l’appeler Guanhumara ! C’est le nom d’une sorcière dans une pièce de Hugo et… Il ne termine pas sa phrase. Un nouveau tremblement nous envoie tous les deux à terre.


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— C’est pas vrai ! Je me redresse. Mon cœur bat à cent à l’heure. Cette fois, je prends la main de Karim. — Viens avec moi si tu veux vivre ! Heureusement, la citation de Terminator fait réagir son cerveau de geek. Je pensais que j’étais un cas désespéré mais lui est encore pire : sa chambre est tapissée de posters de mangas, de films Marvel, de Star Wars, Dr Who, Harry

Potter et du Seigneur des anneaux. Sa collection de comics Buffy est encore plus complète que la mienne. Bref, il finit par me suivre. Je ne lui lâche pas la main de peur qu’il ne fasse demi-tour. Est-ce qu’il 15


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est encore hypnotisé par le kaijū ? Non, ça a l’air différent cette fois. On descend les escaliers quatre à quatre. Je déteste courir. Mes poumons me brûlent après une volée de marches et mes cuisses se transforment en fromage blanc. Ce n’est pas parce que j’ai peur d’un monstre que je vais me mettre au sport comme Sarah Connor (l’héroïne de Terminator, au cas où vous n’auriez pas suivi). Bien sûr, il fallait qu’on ait cours au troisième étage… Allez, plus que deux ! Je serre les dents et nous parvenons au rez-de-chaussée, sans croiser personne. Karim me serre la main. – Respire, Yun ! C’est comme la dernière fois. Tu te rends compte ? Il délire. J’essaie de me consoler en me disant que, malgré tout, descendre ces quelques étages est beaucoup moins épuisant que de descendre sans ascenseur de mon appartement, dans la tour Tokyo, où j’habitais avant. Il nous reste encore à atteindre le deuxième sous-sol pour arriver dans la salle de gym. J’ai l’impression de 16


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frôler la crise cardiaque. Soudain, on rentre presque dans une élève. Je la reconnais aussitôt. — Lana ! Elle, c’était le troisième membre de notre trio lorsque nous avons affronté Gilliatt. Comme elle est au lycée, on ne s’est pas beaucoup croisés depuis. Elle tient un smartphone dernier cri devant elle. — Vous avez vu ? Ça recommence ! Je dois absolument filmer ça ! Il faudra qu’on discute après tout ça ! Et elle poursuit sa route en agitant ses longs cheveux bruns. — Elle est toujours aussi belle, remarque Karim. J’avoue que je me suis fait la même réflexion.


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— C’était quoi ? demande Karim en époussetant son t-shirt. Tout en me relevant, je rechigne un peu à prononcer le mot. — C’était Guanhumara… — Ah, se réjouit-il, je savais que le nom te plairait ! Je n’ai même pas la possibilité de protester. Je sens une étrange odeur de fleurs et de miel. Puis tout devient noir. On dirait que quelqu’un m’a jeté une cagoule noire sur la tête et me ceinture. On m’enlève ! Il ne manquait plus que ça.


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Là, j’en ai vraiment assez. Non seulement un kaijū vient détruire mon école après qu’un autre a détruit mon immeuble, mais voilà qu’en plus, je suis victime d’un kidnapping ! Je sens que des bras me soulèvent et m’emportent. On me dépose quelque part. Dans un véhicule qui roule. Je ne peux ni crier ni bouger. Pour l’instant, on ne m’a pas fait de mal, ça m’évite de mourir de peur. Des tas de questions tournent dans ma tête. Pourquoi est-ce qu’on s’en prend à moi ? Est-ce que quelqu’un se sert de l’attaque du kaijū pour commettre des crimes ? Je n’ai pas le temps d’y réfléchir qu’on m’éjecte de la voiture et qu’on me force à avancer. 19


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J’ai l’impression d’être un paquet de linge sale. Mais où est Karim ? La dernière fois que je l’ai vu, il était tout proche de Guanhumara. J’espère qu’il s’en est sorti. L’angoisse me tord le cœur. Et soudain, on m’enlève ma cagoule. Ouf ! Je respire à nouveau. Par contre, la lumière est si forte que je suis complètement éblouie. — Yun ? J’entends mon nom. Je me tourne sur le côté et je distingue une silhouette dans un halo. C’est lui ! — Tu vas bien ? demande-t-il. — Et toi ? Impossible de lui répondre. Des gens me soulèvent par les aisselles et me conduisent dans un long couloir avec des rubans colorés sur les côtés et sur le sol. J’observe les deux ravisseurs. Ils sont vêtus de combinaisons Hazmat qui les protègent contre les attaques chimiques et biologiques. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? On me pousse dans un sas dont les portes se referment aussitôt. Nous sommes dans des boxes en verre dépoli. 20


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— Enlevez tous vos vêtements ! ordonne une voix dans un interphone. — Karim, si c’est une blague… ! — Dépêchez-vous, c’est une question de vie ou

de mort ! Elle n’a vraiment pas l’air de plaisanter. Je me déshabille rapidement. Mes vêtements sont à peine tombés par terre que je reçois une douche sur la tête. Puis on me crache du savon liquide dessus. — Frottez vigoureusement ! reprend la voix. — Eh bien, les services d’hygiène ne font pas les choses à moitié ! s’exclame Karim de l’autre côté de la paroi. Je me dépêche de me récurer. Dès que j’ai fini, une nouvelle trombe d’eau me tombe dessus. Les gouttes sont comme des aiguilles sur mes épaules et mon cuir chevelu tant la pression est forte. Et puis, tout s’arrête. Une ventilation puissante se met en route. En quelques secondes, je suis sèche. — Avancez, ordonne encore la voix. J’obéis. Il y a un tas de vêtements et un brassard rouge sur le sol. Je me rhabille rapidement. 21


Ça va ?

Comme on se retrouve !

Je vous ai bien eus !

Lana ?

Son but ? Nous défendre – ! contre les kaijus Bienvenue dans la Force K !

Une unité spéciale mise en place par le gouvernement..

Là, nous sommes dans le centre opérationnel


Unité force K !

Nous arrivons devant un petit monsieur avec une grande barbe blanche et de longs cheveux de la même couleur. — Et voici le professeur Sansenoï ! le présente Lana. Vous vous souvenez de lui ? Il nous a aidés avec Gilliatt. C’est lui qui dirige le centre. Le professeur se tourne vers nous. — Désolé pour la douche un peu brutale mais il s’agissait d’une crème lavante qui empêche l’uranium de passer la barrière de la peau à plus de 95 %. Si elle est appliquée immédiatement. — L’u.. l’uranium ? bégaie Karim, toujours inquiet pour sa santé. — En effet, répond le professeur. Le kaijū qui vient d’attaquer votre école est peut-être radioactif.


– Tu sais, dans les mangas, il y a parfois un monstre géant, type Godzilla qui détruit Tokyo ? – Un kaijū ? – Oui, c’est ça. On dirait un kaijū. Yun, quatorze ans, aime dessiner en toute tranquillité. Le sport ou l’aventure, ça n’est pas pour elle. Autant dire qu’elle est loin d’avoir le profil idéal en cas d’apocalypse ! Mais quand une gigantesque créature se jette sur sa fenêtre, alors qu’elle prépare un exposé avec Karim, Yun n’a pas le choix. Il faut réagir, et vite ! Comment arrêter ce monstre qui semble tout droit sorti d’un manga ?


TOME 1

Dépôt légal : février 2024 Achevé d’imprimer en 2024 par Dimograf en Pologne. N° d’édition : 24L0265 Produit composé de matériaux certifiés FSC® et de matériaux contrôlés.



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