Titre original : Crater Lake Texte : © Jennifer Killick, 2020 Publié pour la première fois en 2020 par Firefly Press, 25 Gabalfa Road, Llandaff North, Cardiff, CF14 2JJ www.fireflypress.co.uk Version française publiée avec l’aide de Margot Edwards Rights Consultancy, U.K., au nom de Firefly Press. Tous droits réservés.
Design de couverture : Germain Barthélémy Direction : Guillaume Pô Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Estelle Mialon, assistée de Vanessa Canavesi Composition : SKGD-Création Correction : Catherine Rigal Direction de fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Sonia Romeo © Fleurus, Paris, 2022, pour l’ensemble de l’ouvrage. www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-7544-5 MDS : FS75445 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. »
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Camille Cosson
À mes meilleures amies, Nic, Laura et Emma. Si je me retrouvais un jour à Crater Lake, c’est vous que j’aimerais avoir dans ma bande.
CHAPITRE 1 GEEK, ROBOT, BIG BOSS
— On joue le dernier cookie à Geek, Robot, Big Boss ? je suggère, au moment où le bus prend un virage à droite pour s’engager sur une route de campagne. Assis sur la banquette de devant, Big Mak se retourne. — D’accord, mais c’est couru d’avance. Si tu gagnes, tu vas l’offrir à Katia, si c’est elle, elle te rendra la pareille et, si c’est moi qui l’emporte, Chet va pleurnicher jusqu’à ce que je le lui donne… — Ne vous fatiguez pas, il l’a déjà dévoré, affirme Kat, qui nous jette un coup d’œil par-dessus son dossier. Pas vrai, Chetan ? — Qu’est-ce qui te fait dire ça ? demande l’intéressé. Après un bref regard dans sa direction, j’éclate de rire. — Tu as des miettes de la honte plein la figure, mon pote. 9
La monstrueuse invasion de Crater Lake
Il fait mine de les épousseter, mais, en réalité, il les fourre dans sa bouche. Je détourne la tête, comme si je n’avais rien vu. — Chet le goinfre qui mange le dernier cookie ? Quelle surprise ! braille Trent depuis l’arrière du bus – il faut toujours qu’il gâche tout, celui-là. Alors, qui veut jouer à Geek, Robot, Big Boss ? Le perdant devra partager sa chambre avec Dracula et risque de ne pas passer la nuit. La rangée du fond explose de rire, comme si Trent était le plus grand comique au monde. Moi qui le connais depuis la maternelle, je peux vous jurer que ce n’est pas le cas. Pas seulement parce que la plupart de ses blagues débiles sont faites à mes dépens, mais aussi parce que c’est juste un gros naze. — Si Lance devait dormir avec quelqu’un, ce serait moi ! intervient Chet, qui n’a rien compris à la plaisanterie. Je suis son meilleur ami, quand même. — Drac et le goinfre partent en colo. Gare à vous, ils ont les crocs ! Plié en deux, Trent manque de tomber dans le couloir. Je lève les yeux au ciel. — Waouh ! Tu sais faire des rimes ? Impressionnant. Moque-toi de moi autant que tu veux, mais laisse Chetan tranquille. 10
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— T’inquiète, Lance, je ne le prends pas mal. Chet est à genoux sur son siège, tourné vers le fond du bus. Il est l’incarnation du sérieux, et ses yeux, pleins de sincérité, me font penser à du chocolat fondu. — C’est ça, relax ! réplique Trent. Sur ce, lui et sa bande retournent à leur jeu – la version made in CM2 de Pierre, Feuille, Ciseaux. Trent prétend l’avoir inventée en octobre dernier, pendant une récré, un jour où il pleuvait trop pour jouer dans la cour. En réalité, c’est nous qui l’avons imaginée, Chet, Big Mak, Katia et moi. Depuis, mes potes et moi y avons recours dès qu’une décision majeure s’impose. — Le Big Boss domine le Geek. J’ai encore gagné ! beugle Trent. Il est facile à battre – il choisit presque toujours le Big Boss. Mais soit ses potes sont trop bêtes pour s’en rendre compte, soit ils ont peur de se le mettre à dos. En tout cas, ils prennent le Geek à chaque fois. Plus prévisible que ces gars-là, tu meurs. — Bien joué, Trent ! le félicite Chet avant de se rasseoir sur son siège. — Pourquoi tu t’obstines à faire ça ? je demande. — Faire quoi ? 11
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— Lui lécher les bottes. Ce n’est pas ton ami, et il ne le sera jamais. Je ne comprends même pas pourquoi tu te donnes autant de peine pour qu’il t’apprécie. — Ma mère dit que c’est quelqu’un de bien. Et puis, comme on entre tous les deux à l’académie Bing en septembre, c’est logique qu’on se serre les coudes. — Il y aura des centaines d’élèves, là-bas. Tu n’as pas besoin de lui. — Avec un peu de chance, tu vas très vite remonter dans la liste d’attente. Comme ça, on ira ensemble ! poursuit Chetan avec un large sourire. — La liste est longue, tu sais. Ça pourrait prendre des mois. Au fond, je sais que je n’irai jamais. Je n’ai pas passé l’examen d’admission et je ne suis sur aucune liste d’attente. Malheureusement, je ne peux pas le lui dire – ça lui ferait trop de peine. — Quand tu arriveras, tu pourras compter sur Trent et moi pour te faire visiter. Le monde de Chet est tout beau tout rose. — Silence, les CM2 ! Asseyez-vous correctement. À l’avant du car qui cahote sur la piste accidentée, Mlle Hoche, la directrice adjointe, se lève en s’efforçant de ne pas tomber. Si on change une lettre à son nom, ça donne « Moche », et c’est tout ce qu’elle m’inspire. 12
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— J’ai des informations de la plus haute importance à vous communiquer, annonce-t-elle en articulant avec exagération les termes les plus longs, pour les idiots dans mon genre qui risqueraient de ne pas comprendre (selon elle). Des informations indispensables pour vous garantir un séjour productif et sans danger. Certains d’entre vous, ajoute-t-elle en me regardant droit dans les yeux, feraient bien d’écouter attentivement les informations en question. Si elle répète une fois de plus le mot « informations », je saute du bus en route ! — Ceux qui feront preuve d’un comportement exemplaire seront récompensés par des stickers, reprend-elle avec un sourire radieux à l’intention de Trent, Adrianne et Chet. Et les perturbateurs seront punis. Cette fois, inutile de préciser vers qui elle se tourne. Elle ouvre une brochure et lit à voix haute : — « Crater Lake est une nouvelle base de loisirs à la pointe de l’innovation. Sans perdre de vue les besoins et la sécurité de vos enfants, elle est conçue pour leur offrir une expérience aussi enrichissante qu’inoubliable », récite-t-elle avant de lever les yeux. Nous avons d’ailleurs la chance d’être la toute première école à visiter ce centre ! — Il paraît que, si on se retrouve coincés à Crater Lake, c’est parce que certains parents radins ont refusé de payer 13
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pour une colo plus chère, rapporte Trent, suffisamment fort pour que je l’entende. C’est ma mère qui me l’a dit. Elle l’a appris à la dernière réunion de parents d’élèves. Les rires de ses abrutis d’amis fusent à nouveau. — « Le camp a été bâti dans la campagne du Sussex, au sud-est de l’Angleterre, au cœur d’un cratère qui se serait formé il y a plusieurs siècles, lorsqu’une météorite a percuté la surface de la Terre », poursuit Hoche. — Une météorite venue de l’espace ? demande quelqu’un. — Évidemment. D’où voudrais-tu qu’elle vienne ? — De Météoritalie, chuchote Big Mak. On se met tous à glousser, ce qui nous vaut un regard noir de la part de la prof. — « C’est dans la partie la plus profonde du cratère qu’est niché le lac. Il est alimenté par le Whist, une rivière qui s’écoulait à proximité et dont le cours a dévié il y a très longtemps. Son étendue constitue l’emplacement idéal pour toutes sortes d’activités à sensations comme la natation, le canoë ou encore “Le dernier survivant”, notre jeu trépidant. » — Pourquoi « survivant » au masculin ? C’est carrément sexiste, soupire Adrianne. C’est notre déléguée de classe, un génie, une vraie dure à cuire que personne n’ose contrarier. Si l’un de nous doit 14
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remporter un jeu nommé « Le dernier survivant », ce sera forcément elle. — « Parmi nos autres activités en plein air, nous proposons l’escalade, le parcours du combattant et le grand saut. » — Ça… ça ne me dit rien qui vaille, bredouille Chet. Pour le rassurer, je pose une main sur son bras. — Ne t’en fais pas, ils ne nous laisseront pas nous mettre en danger. — C’est vrai, confirme Katia. Il y a des lois, tu sais. — Moi, j’ai entendu dire que ça consiste à sauter pardessus un ravin rempli de crocodiles affamés, intervient Big Mak. Là, Chet devient livide. — « Les dortoirs, espace détente, réfectoire et toilettes sont situés dans le bâtiment principal, construit sur les hauteurs du cratère. » À partir de là, je commence à décrocher. Comme d’habitude, les explications de Mlle Hoche n’en finissent pas. — Tu m’écoutes, Lance Sparshott ? demande-t-elle, tout à coup matérialisée devant moi. — Oui, mademoiselle. La directrice adjointe se penche tout près de mon visage. Je suis côté fenêtre, ce qui veut dire que le pauvre Chet doit s’aplatir contre le dossier de son siège pour éviter tout 15
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contact gênant. L’haleine de Mlle Hoche sent à la fois le café et le chien mouillé. — Estime-toi heureux de participer à cette sortie. Si je disposais d’un quelconque moyen de prouver ce que tu as fait en début d’année, tu aurais déjà été renvoyé. Attention, au moindre faux pas, c’en est fini de toi. Avant même d’entrer au collège Latham, tu auras une appréciation négative dans ton dossier scolaire. Tel un monstre puant se repliant dans ses marais, elle s’écarte pour regagner l’avant du bus. Tétanisé, Chet est tellement enfoncé dans le rembourrage de son siège qu’il ne lui manque plus qu’un imprimé de triangles bleus et violets sur la peau pour disparaître complètement. — Trop proche pour toi ? — No comment, marmonne-t-il, sans cligner des yeux. Un gloussement échappe à Katia, et Big Mak tousse pour masquer un éclat de rire. Mlle Hoche fait volte-face. — Je peux savoir ce qui vous amuse ? On braque tous le regard sur le sol. — Afin de vous récompenser d’être aussi attentifs, stickers pour tout le monde ! déclare-t-elle. Sauf pour Lance, Maksym et Katia. Privés d’autocollants ? On a vu pire, comme punition. 16
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En retournant chercher la brochure sur son siège, Hoche manque de perdre l’équilibre. Katia et Big Mak ont le plus grand mal à se retenir de pouffer. Chet, lui, reste pétrifié – encore sous le choc, sans doute. — Les règles de Crater Lake sont simples : six enfants par chambrée, garçons ou filles – pas les deux. (Pitié, arrête-toi là, Hoche ! Je sais ce que tu vas ajouter…) — Sauf Lance, qui doit dormir dans une chambre à part pour raisons personnelles. Messes basses et ricanements s’élèvent autour de moi. Je la déteste. — Interdiction d’entrer dans un dortoir qui n’est pas le sien, ou de quitter sa chambre pendant la nuit. M. Tomkins, Mlle Rani et moi-même veillerons à tout moment. Elle marque une pause, le temps de nous scruter un par un, histoire de nous rappeler ses talents de sentinelle. — Ne vous promenez jamais sur le site sans être accompagné d’un membre du personnel, reprend-elle. Comme d’habitude, les adultes savent nous gâcher le plaisir, avec leurs règlements à la noix. — Pour votre sécurité, appliquez sans discuter les consignes qui vous seront données. Chet hoche vigoureusement le menton. 17
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— Et, bien évidemment : amusez-vous ! À Crater Lake, vous allez vivre une expérience dont vous vous souviendrez toute votre vie. Elle nous gratifie d’un large sourire – je crois qu’elle espère des applaudissements. Un silence pesant s’installe… puis, d’un coup, tout part en vrille. Le bus fait une embardée et le chauffeur pousse un cri en écrasant la pédale de frein dans un crissement sonore. On se retrouve tous propulsés en avant, la tête aplatie contre le siège d’en face. Mlle Hoche voltige dans l’allée ; sacs à dos, livres et sandwiches sont projetés dans les airs avant d’atterrir au sol en monticules poisseux. Le coussin-licorne d’Atul est maculé de mayonnaise. Une des cartes de foot à collectionner de Jordan s’échappe par une fenêtre ouverte pour virevolter vers le ciel. — Que la force soit avec toi, Ronaldo ! je lance au moment où elle disparaît parmi les arbres. Une tranche de jambon se coince dans les cheveux de Chet – une abomination pour lui qui est végétarien. C’est le chaos total. Le car s’arrête en dérapant. — Que s’est-il passé ? halète Hoche à l’intention du chauffeur. — Il y a quelqu’un sur la route. 18
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Sans surprise, tout le monde se rue vers le pare-brise afin de profiter du spectacle. — Retournez à vos places ! hurle la prof, d’une voix assez forte pour percer le brouhaha. Les autres accompagnateurs l’aident à former une barricade humaine à l’avant du bus. — J’appelle une ambulance, annonce le chauffeur tout en composant un numéro sur son portable – un modèle préhistorique, sans écran tactile, comme on n’en voit presque plus de nos jours. Quelqu’un a du réseau ? Je ne capte rien ! Leurs téléphones respectifs consultés, les profs font non de la tête. — Pourquoi faut-il une ambulance ? questionne Chet. Personne n’a l’air blessé. — Je ne crois pas que ce soit pour nous, je réponds, en me contorsionnant dans l’espoir d’apercevoir quelque chose par la fenêtre entrouverte. Plutôt pour celui ou celle qui se trouve dehors. À part la route déserte et la forêt qui s’étend à perte de vue, je ne vois rien. Mais, au moment même où je me plaque de nouveau contre le carreau brûlant, une main ensanglantée s’écrase sur la vitre.
TABLE DES MATIERES Chapitre 1 : Geek, Robot, Big Boss ��������������������������������� 9 Chapitre 2 : Le zombie ������������������������������������������������� 21 Chapitre 3 : À l’intérieur du cratère ������������������������������ 29 Chapitre 4 : Le mystère du dortoir �������������������������������� 43 Chapitre 5 : Le plan ������������������������������������������������������ 69 Chapitre 6 : Au plus profond des bois ��������������������������� 83 Chapitre 7 : Spider-Girl ������������������������������������������������ 97 Chapitre 8 : Le nouveau règlement ����������������������������� 107 Chapitre 9 : La réserve de Dale ����������������������������������� 113 Chapitre 10 : L’as de l’informatique ���������������������������� 121 Chapitre 11 : La course-poursuite ������������������������������� 141 Chapitre 12 : Seul dans le cratère �������������������������������� 149 Chapitre 13 : Le chasseur �������������������������������������������� 157 Chapitre 14 : Un allié inattendu �������������������������������� 165 Chapitre 15 : L’heure des confidences ������������������������ 175 Chapitre 16 : Retour à la ruche ����������������������������������� 189 Chapitre 17 : Ça tourne mal ���������������������������������������� 197 269
Chapitre 18 : Pêche à la mousse ���������������������������������� 203 Chapitre 19 : Une chance de s’échapper ���������������������� 221 Chapitre 20 : Chet 2.0 ������������������������������������������������ 233 Chapitre 21 : L’heure tourne ��������������������������������������� 243 Chapitre 22 : L’après-Crater Lake ������������������������������� 261 Remerciements ���������������������������������������������������������� 265
Achevé d’imprimer en décembre 2021 par Rotolito en Italie Numéro d’édition : J22015 Dépôt légal : janvier 2022
Un conseil... NE VOUS ENDORMEZ PAS ! Un séjour scolaire dans un camp au bord d’un lac… sympa, non ? Tout commence plutôt bien pour Lance et ses amis, jusqu’à ce qu’un homme ensanglanté se jette devant leur bus ! Impossible de comprendre quoi que ce soit à ses propos fiévreux, mais son insistance à les faire partir est inquiétante... Pas assez pour qu’ils fassent demi-tour, malheureusement ! Car, la nuit venue, tous ceux qui se sont endormis se relèvent, comme zombifiés, obéissant à une volonté venue d’ailleurs... Et si l’humanité tout entière était menacée par une invasion alien ? Est-ce qu’une poignée d’ados suffirait à l’empêcher ?
14,90 € TTC France
Couverture: Germain Barthélémy
Cette année, la guerre des mondes aura lieu à Crater Lake !