l’état du mal-logement en France

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France de propriétaires : à tout prix ? taires de leur logement, ce taux croît ensuite régulièrement avec l’âge. À partir de 45 ans, le taux de propriétaires occupants dépasse en effet les 60 %. Il croît pour atteindre 75 % pour la tranche d’âge 65-69 ans avant de diminuer régulièrement à partir de 70 ans. Si l’on est toujours d’autant plus propriétaire que l’on est âgé, il apparaît plus difficile d’y accéder pour les jeunes générations aujourd’hui qu’hier. L’examen des Comptes du Logement montre que les générations nées à partir des années 1960 doivent supporter des coûts associés au logement plus importants que les générations précédentes, qui réduisent d’autant leurs perspectives d’accès à la propriété. Telle n’était pas la situation des générations de ménages nées dans les années 1940 qui ont massivement accédé à la propriété au tournant des années 1980, soit à un moment favorable marqué par des taux d’intérêt réels négatifs16, des gains de pouvoir d’achat importants, et une forte inflation érodant rapidement la charge de remboursement des emprunts. Le développement de l’accession à la propriété supposait donc une inversion de cette tendance et l’adoption de mesures adéquates. Notamment en direction des jeunes ménages, qui sont incités à accéder tôt pour tenir compte de l’allongement de la durée de l’endettement, mais sont en difficulté pour le faire, tant du fait de loyers de marché élevés peu favorables à la constitution d’une épargne préalable, que de la précarité et de la faiblesse de leurs ressources. L’accès à la propriété n’est donc pas seulement une question de choix (effectué notamment par les familles avec enfants de la tranche d’âge 30-45 ans) mais aussi une affaire d’offre qui suppose l’existence de produits abordables et de conditions de financement adaptées aux ménages à revenus modestes. Reste que l’on peut se demander si l’encouragement fait aux jeunes ménages d’accéder à la propriété est une bonne chose. Si un objectif élevé de diffusion de la propriété peut revêtir un sens pour les personnes qui parviennent à l’âge de la retraite (mais elles le sont déjà massivement), il en présente moins, comme le souligne le Conseil d’État17, pour des jeunes ménages qui démarrent dans la vie. La propriété les rend en effet immobiles au regard du marché de l’emploi et elle apparaît peu cohérente avec les évolutions sociétales. Le soutien au développement de la propriété dans les classes d’âge les plus jeunes sous-estime en effet « l’impact croissant des séparations dans la vie du couple et des ruptures qui en découlent dans les trajectoires résidentielles, spécialement pour les accédants. Promouvoir l’accession dans une société où près d’un couple nouvellement formé sur deux se sépare après quelques années de vie commune ne peut qu’aggraver les problèmes de

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Les taux d’inflation élevés jusqu’au début des années 1980 étaient supérieurs aux taux d’intérêt des prêts (c’est en ce sens que l’on parle de taux négatifs) et contribuaient à alléger la charge de remboursement des prêts contractés pour l’acquisition d’un logement. La situation est aujourd’hui inverse, les taux d’intérêt sont supérieurs au taux d’inflation. 17 Conseil d’État, « Droit au logement, droit du logement », la Documentation française, 2009, p.210 et suivantes.


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