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Tournebroche, horlogers et cuisiniers

Le nouveau régulateur de la Defy Lab fait sortir l'horlogerie de la «planète» Huygens. Une révolution en cours. .....................................................p.12

Que cache la Swissmatic, dérivée de la Swatch Sistem51? Analyse et démontage. ......................................................p.16

Horlogerie et cuisine, deux univers qui partagent plusieurs points communs surprenants. ......................................................p.24

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Tissot, l'automatique à l'ère industrielle DR

Zenith, au-delà de Huygens

EUROPA STAR PREMIERE LE JOURNAL DE L’ÉCOSYSTÈME HORLOGER SUISSE

NO 4/17 (Vol.19) SEPTEMBRE 2017 | 7.00 CHF € | EUROPASTAR.COM

ISSN 2297-4008

ÉDITORIAL

A propos de briques, de papier, de clicks et de vent par

Pierre Maillard

Comme le démontre la lecture de notre épais dossier «Brick & Click» (à découvrir dans ce numéro), le retail horloger est en plein marasme. Ou plus exactement en pleine confusion car il n'est pas à un tournant mais à un croisement d'où partent mille chemins différents. Faut-il poursuivre sur la route traditionnelle au bord de laquelle sont érigés de solides bâtiments de briques, dont certains pourtant flambant neufs sont en train de tomber en ruines comme d'antiques tombeaux? Ou faut-il se dématérialiser, se transformer en ondes et se propager de click en click dans l'immense filet (net) dont on ne voit pas l'horizon, avec l'espoir de tomber sur un banc de poissons? Ou encore faut-il emprunter un de ces petits sentiers qui file en serpentant entre les hautes herbes, suivre les vents, devenir nomade, ouvrir d'éphémères boutiques, inventer de nouvelles façons de faire…?

Les marques qui s'en tirent le mieux sont celles qui ont compris qu'elles ne peuvent pas se passer de briques tout en étant fort actives dans le click. A ce carrefour des indécis, il y a foule qui s'interroge et se tâte: ici ou là? Mais la bonne réponse à cette question lancinante n'est pas binaire. Elle est sans aucun doute plus à chercher du côté du «et» qu'à celui du «ou»! Il faut prendre ce chemin matériel et cheminer en même temps en pensée dans ces ondes immatérielles. Dit plus directement, il faut de la brique et du click. La montre est un objet matériel – et objet de désir – qu'il faut toucher, sentir, essayer à son poignet. Il faut donc des lieux en brique pour pouvoir le faire. Et pour pouvoir comparer entre celleci et celle-la. Quitte ensuite à passer par des clicks pour l'obtenir. L'un ne va plus sans l'autre. Le détaillant qui se refuserait à offrir ce choix se verra condamné. Et l'opérateur confiné à son seul espace virtuel verra quant

à lui bien des clients potentiels s'évaporer. Toujours est-il que, pour l'instant, l'ensemble click-and-brick ressemble encore à une jungle. Nous sommes bel et bien à ce carrefour des indécis. De nouvelles règles sont à inventer et les marques qui s'en tirent le mieux sont celles qui ont compris qu'elles ne peuvent pas se passer de briques tout en étant fort actives dans le click. Le détaillant physique, qui dans son lieu de briques offre l'expérience matérielle, joue un rôle essentiel de prescripteur, de conseiller, de guide… et de service après-vente! (Nous consacrerons prochainement un dossier à ce «point aveugle» de l'horlogerie). Y renoncer c'est se tirer une balle dans le pied. Nous pourrions dire la même chose de notre propre activité d'éditeurs. En lieu et place de briques, nous avons du papier. Mais nous avons aussi du «click». Nous avons la ferme conviction que sans présence virtuelle, le papier – qui assure le temps long – ne saurait survivre. Mais que sans papier, le virtuel – ce robinet qui ne cesse de couler et de s'écouler dans les siphons de l'oubli – est immanquablement condamné à la volatilité de l'instantanéité. Nous avons besoin de «breaking news», elles sont utiles à notre réactivité, mais nous avons tout aussi besoin – si nous voulons durer – de la réflexion, de l'analyse, de la mise en perspective. Et pour ces tâches, le papier – la brique – demeure imbattable pour affronter tous les vents. NOTA BENE Paper-and-Click, même défi que le Brick-and-Click Depuis le début de cette année, nous avons révolutionné nos éditions papier pour leur donner un écho encore plus large et pour promouvoir notre mission de lieu «intemporel» de réflexion et d'analyse au service de l'industrie horlogère internationale. Présents par ailleurs sur le web depuis plus de 20 ans (avec près d'un million de visiteurs uniques par mois) nous lançons cet automne des sites en français (www.europastar.ch), anglais, chinois et espagnol totalement renouvelés et consolidons fortement notre présence sur les divers réseaux sociaux.

Brick-and-click Un dossier spécial constitué par Pierre et Serge Maillard

Once upon a time… les choses étaient «simples». Le fabricant de montres trouvait un agent par pays, et celui-ci avait des représentants qui, collections en mains, parcouraient physiquement villes et campagnes et visitaient les détaillants. Ceux-ci étaient pour la très grande majorité des entreprises familiales, multimarques, ancrées dans un territoire bien délimité, avec une clientèle parfaitement identifiée et fidélisée. En

ces temps, on pouvait dire «mon horloger», comme on dit «mon boulanger» ou «mon fleuriste». Ce modèle qui a perduré pendant une bonne partie du XXème siècle a graduellement été mis à mal jusqu'à devenir totalement dépassé. Nombre de facteurs différents ont joué dans cette profonde transformation, certains externes à l'horlogerie – évolutions sociétales et technologiques – d'autres lui appartenant en propre. Parmi ces derniers, la montée en puissance des groupes et la reprise en mains pro-

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EMBRACE TIME

Our story, our brand, our passion. Carole & Pierre Dubois

gressive de la distribution directement par les marques elles-mêmes, d'abord sous la forme de filiales puis par l'entremise de boutiques en nom propre qui se sont mises à proliférer, a frappé le premier coup de gong. Le second a été bien évidemment l'irruption d'internet, permettant de créer un lien direct du producteur au consommateur, sans plus passer par les nombreux – et coûteux – intermédiaires. L'ensemble de l'édifice s'est lézardé. (Lire le dossier en page 3)


LE TE MPS , UN OB JET HE RMÈS .

Slim d’Hermès, L’heure impatiente Se réjouir du temps à venir.

LMH_HQ • Visual: Slim Hermes HI • Newspaper: 01748 30Sep17 Slim Hermes HI (CH) • Language: French Issue: 30/09/2017 • Doc size: 251 x 353 mm • Calitho #: 09-17-124262 • AOS #: HER_01748 • FP 06/09/2017


DOSSIER BRICK-AND-CLICK (suite) Les horlogers ont été notoirement lents à se saisir de toutes les opportunités offertes par l'internet. Après avoir investi lourdement dans le brick and mortar (les briques dépensées à verticaliser leur production et le mortier utilisé pour construire leurs luxueuses boutiques physiques) et tenté d'empêcher ou, au minimum, de freiner le e-commerce, elles se retrouvent aujourd'hui largement désorientées. Le vieux modèle a été placé aux soins palliatifs mais le paysage ne s'en trouve pas pour autant clarifié. La verticalisation de la «manufacture» a trouvé ses effets pervers dans la surproduction qu'elle a favorisée, venant ainsi alimenter un marché gris en pleine expansion.

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Le modèle de la boutique monomarque a montré ses limites. Non seulement elle ne s'adresse qu'à un – rare – public déjà conquis mais le gain de marges que la boutique permet est entièrement absorbé par ses coûts de fonctionnement et les loyers exorbitants des centre villes. Somme nulle – voire pire. Les clients, qui désormais en savent souvent plus sur les montres que les vendeurs à qui ils s'adressent, ont été refroidis par la folle montée en gamme des prix. Les «millenials» se détournent du «luxe de papa» et se tournent vers le vintage, bouleversant du coup la hiérarchie des marques et les obligeant à des virages stylistiques. La montre connectée, dont l'arrivée

a été regardée de haut par la plupart des horlogers conventionnels, n'a pas dit son dernier mot, loin de là. Pour l'instant, elle a ajouté à la confusion ambiante et au mélange des genres. Quand elle n'a pas commencé à ronger les territoires du bas et du moyen de gamme! Et par-dessus tout ça, l'internet fourmille littéralement de propositions, de prix cassés, d'offres mirobolantes ou suspectes, d'opportunités, d'échanges entre consommateurs, de commentaires, d'actions spéciales… Celui ou celle qui veut aujourd'hui s'acheter une montre a plus que l'embarras du choix. Ou plus justement, il ou elle est embarrassé et rendu confus par la multitude des choix qui lui sont proposés. De quoi se gratter la tête…

Boutique monomarque,

détaillant multimarque, shop-in-shop, supermarché, magasin d'électronique,

magasin de souvenirs,

plateforme e-commerce généraliste, PLATEFORME E-COMMERCE DÉDIÉE, site de marque,

réseaux sociaux,

magasin vintage, e-commerce vintage généraliste,

e-commerce spécialisé,

ventes aux enchères en salle, VENTES AUX ENCHÈRES EN LIGNE, , agents spécialisés, médias faisant de la vente,

groupon

eBay, concept store, etc.

Ci-dessous une sélection de détaillants qui ont répondu à nos questions. Vous trouverez l'intégralité des témoignages internationaux dans notre édition Europa Star Time.Business (en anglais).

Témoignages de détaillants ITALIE

«Nous sommes multi-marques et nous croyons toujours fermement à ce modèle» «Nous avons une boutique principale à Milan, toujours gérée par la famille du fondateur. Nous y opérons également les boutiques de Rolex et Patek Philippe. Nous employons environ 70 personnes au total, dont plusieurs horlogers. Nous venons d'ouvrir la première boutique Hublot de Milan, à l'intérieur de notre magasin principal mais dans un espace distinct. Pour nous, l’année 2015 a été exceptionnelle avec la tenue de l’Exposition universelle à Milan, qui a attiré plus de trois millions de visiteurs. C’était une année à part. Forcément, 2016 n’a pas pu l’égaler, mais nous avons tout de même enregistré +14% par rapport à 2014. Depuis deux ans – cela peut vous surprendre – Milan est devenue la ville la plus visitée d’Italie. C’est une ville très facile d’accès, bien plus que Rome ou Venise, et elle attire des visiteurs plus diversifiés, non seulement touristiques mais aussi professionnels, entre l’industrie, la mode, la culture, et les nombreux salons commerciaux en tous genres organisés chaque année. Nous comptons ainsi une clientèle à 30% italienne et à 70% étrangère. L’Italie a toujours été un marché avant-gardiste et très mature pour l’industrie horlogère. Il y a une «relation spéciale» entre les Italiens et les montres. Nous sommes multi-marques et nous croyons toujours fermement à ce modèle. Patek Philippe et Rolex sont en quelque sorte des «excep-

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Chiara Pisa, Pisa Orologeria / Milan

tions»: dû à leur notoriété, elles peuvent vivre «pour elles-mêmes», ce qui explique que nous ayons lancé des boutiques en propre avec elles. Mais nous croyons au pouvoir de la concurrence entre les marques et d’un choix maximal pour le client. Les clients nous demandent toujours notre opinion et ils aiment comparer les marques et leurs modèles. Nous tenons aussi fermement à notre identité propre et nous tentons toujours d'adapter le matériel marketing des marques. Les marques n’interviennent pas dans nos displays. Nous avons un large portfolio de marques et les montres doivent avoir suffisamment d’arguments en elles-mêmes! Nous avons établi des relations de longue durée avec nos clients, qui estiment notre opinion, tout comme les marques partenaires. Beaucoup de produits peuvent sembler relativement similaires aujourd’hui dans l’industrie, mais nos vendeurs savent bien expliquer les différences d’une marque à l’autre, les caractéristiques propres à chaque marque et chaque modèle. C’est notre rôle. C’est pourquoi nous ne souffrons pas tant de la concurrence des boutiques en propre de marques, dont certaines se trouvent à 200 mètres de nous... Je crois que les clients des boutiques mono-marques ne sont pas les mêmes que ceux des multimarques. Quand les clients des premières sont 100% sûrs qu'ils veulent s’adresser à telle ou telle marque, ceux des secondes ont l’esprit ouvert à différentes marques. Le

concept de boutique mono-marque n’est d’ailleurs pas particulièrement développé en Italie. Bien entendu, notre mission devient de plus en plus difficile face à des clients toujours mieux informés. Cela n’est d’ailleurs pas toujours à 100% positif. Quand un client s’informe et se fait une idée de son côté, il est assez «rigide» dans ses présupposés, alors que les informations ne sont pas toujours fiables en ligne, et moins attentif à nos conseils. Cela déprécie quelque peu notre travail. Mais nous demeurons des «consultants horlogers». Nous ne nous sommes pas étendus au-delà de Milan, car l’Italie est un marché très fragmenté en régions. Et nous bénéficions d’une visibilité internationale depuis Milan. On nous compare même parfois à des géants comme Wempe ou Bucherer, or nous sommes bien plus petits. Mais il est certain que nous avons une présence historique sur le marché, depuis 1940. Nous avons ainsi été les premiers à introduire A. Lange & Söhne en Italie en 1992, ainsi que Greubel Forsey. Nous avions aussi été un des précurseurs sur Rolex en Italie. Nous prenons des risques et notre staff n’est pas «mainstream», mais toujours à l’affût de nouveaux visages. Et en général, les partenariats se prolongent dans le temps... Dans ce sens, notre proximité à la Suisse est un avantage. Sans oublier les éditions spéciales, par exemple celle d’IWC pour les 75 ans de Pisa. La rotation des stocks est un thème crucial. Lorsque nous achetons pour la saison suivante, nous avons toujours à l’esprit quelques clients dont nous sommes sûrs qu’ils apprécieront les modèles en question. L’univers des montres vintage a quant à lui connu un véritable boom ces dernières années, mais c’est un monde différent, qui exige une autre approche, par exemples sur les garanties, l’état et la conservation des montres. Nous ne sommes pas présents sur ce créneau. Quant aux montres connectées, nous voyons

Pour tenter d'y voir plus clair, Europa Star a interrogé de nombreux acteurs, experts, analystes et, surtout, détaillants à travers le monde entier. Nous les remercions tous pour leurs réponses franches et ouvertes. De ces témoignages et de ces analyses qui proposent et exposent mille et une façons de «tirer son épingle» d'un jeu dont on peut dire qu'il est pour le moins confus – une «jungle», en fait – une leçon essentielle est à déduire pour l'industrie horlogère: le brick and mortar et l'internet sont condamnés à coexister dans le futur. Ce que Steven Kaiser, consultant aux USA, résume d'un très parlant néologisme: Brick-andClick Watch Retailing.

aujourd’hui certaines nouvelles habitudes, par exemple porter une smartwatch sur un poignet et une montre mécanique sur l’autre. Je pense néanmoins que les montres connectées auront plus de chances de réussir si elles ressemblent à de «vraies» montres. Les ventes en ligne font partie du futur, on ne peut le nier. Les réseaux sociaux ont déjà transformé le comportement des clients. Déjà, nous pouvons retracer certaines ventes grâce à des posts sur Instagram. Mais la montre demeure l’un des objets les plus compliqués à vendre en ligne. C’est un objet que vous avez besoin de voir, de toucher, d’essayer... J’observe que peu de retailers ont pour le moment leur propre e-boutique. Ce n’est pas une tâche facile. Vous ne pouvez pas vous contenter de reproduire une plateforme de e-commerce... Vous devez créer votre propre identité en ligne, une expérience d’achat. Nous pen-

sons que le e-commerce ne se substituera jamais complètement aux ventes en boutique. Mais la boutique pourrait devenir aussi de plus en plus un showroom. Nous réfléchissons à un certain nombre de projets digitaux... La grande question, c’est celle de notre savoir-faire: comment le reproduire sur internet? Et nous travaillons avec 45 marques, nous devons donc défendre notre identité. Une stratégie digitale décidée dans une salle de réunion d’une marque ou d’un groupe à Genève ne peut s’appliquer de manière uniforme sur tous les marchés... Milan et Hong Kong restent des endroits bien différents!» A PROPOS Nom: Pisa Orologeria Boutiques: Milan Date de création: 1940 Catégorie: Haut et moyen de gamme Marques représentées: Plus de 45 Site: www.pisaorologeria.com


DOSSIER BRICK-AND-CLICK

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Tirath Kamdar, Andrew Block and Sophy Rindler, TrueFacet / Online store USA

«Les ventes en ligne de montres prennent des proportions toujours plus importantes et ce n’est pas près de s’arrêter. Mais on trouve de tout sur internet et il nous paraît important de proposer une approche sérieuse, avec des garanties de qualité, sur le segment premium. Il y a par ailleurs un manque de transparence dans le marché, en particulier sur la question des prix, et de qualité sur les montres pre-owned et vintage, notre créneau. Nous avons fondé TrueFacet il y a trois ans, sur un marché de la vente online en croissance, avec une technologie de pointe sur le pricing des montres proposées. Nous analysons une grande quantités de data pour fixer le prix juste, nous proposons

ment des data sur les personnes qui s’intéressent à vos montres, alors que le modèle de distribution traditionnel est cassé. Soutenir les petites marques

leur capacité à communiquer ce qui les rendait si particulières, avec leur production dans la Vallée de Joux... Parallèlement, les montres ellesmêmes sont devenues de plus en plus compliquées, accélérant la déconnexion avec la clientèle de base et notamment avec les plus jeunes. Ces derniers sont très attirés par l’acquisition de montres pre-owned en ligne et à un bon prix. Le défi qui se pose aux marques est le suivant: comment peuvent-elles agir sur ce marché «secondaire», afin de préserver leur marché propre? Leur valeur perçue est en effet en jeu via internet. Aujourd’hui, nous proposons un catalogue de 8'000 montres et nous envoyons le message suivant aux marques: nous pouvons vous aider, nous avons recueilli massive-

ALLEMAGNE

ALLEMAGNE

«L’ennemi à abattre, c’est le marché gris en ligne»

«Nous aménageons un jardin de quiétude face à la jungle digitale»

«Le digital est un impératif et les marques horlogères doivent commencer à s’y engager dès à présent, sinon cela va devenir très compliqué. La présence en ligne doit contribuer à protéger les marques: les plateformes servent à la fois à faire leur promotion et à vendre leurs montres. A terme, j’estime que la moitié de notre chiffre d’affaires se fera en ligne et la moitié en boutique. Notre rôle, en tant que revendeurs, est d’aider les marques à bien effectuer leur passage en ligne et à s’y sentir bien. Mais il y a un ennemi en particulier auquel les marques comme leurs partenaires doivent s’attaquer: le marché gris en ligne, où des montres sont écoulées à moindre prix et avec une marge minimale. Il ne faut pas laisser à ces acteurs le pouvoir sur internet. Nous allons donc ouvrir dans quelques mois notre propre plateforme de vente de montres en ligne, en accord avec les marques que nous

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Imran Imranov, Zewi / Berlin et Baden-Baden

représentons. Nous en discutons individuellement avec chacune d’entre elles. Combiné à notre présence physique à Berlin et à BadenBaden, cela nous donnera un fort élan: nous comptons sur une croissance de l’ordre de 200 à 300% durant les prochaines années et nous souhaitons ouvrir cinq nouvelles boutiques, en Allemagne et en Europe.» A PROPOS Nom: Zewi Boutiques: Berlin et Baden-Baden Date de création: 2008 Catégorie: Haut et moyen de gamme Marques représentées: Ulysse Nardin, Parmigiani Fleurier, Frédérique Constant, Louis Erard, Raymond Weil, Maurice Lacroix, Perrelet, Century, Arnold & Son, Franck Muller, Visconti, Pop-Pilot Site: www.zewi-luxury.de

fessionnels de l’industrie, dans 65% des cas, mais aussi des particuliers, dans 35% des cas. Nous ne montrons pas qui vend la montre, mais nous authentifions tout. Nous ne sommes pas comme Amazon, nous essayons de créer une communauté à l’esprit plus «familial»: souvent, un acheteur devient ensuite un vendeur. Notre commission sur la vente s’élève de 8% à 20%. En moyenne, les livraisons prennent 3 à 4 jours. Le marché américain est en train de se digitaliser rapidement. Nous remarquons que nous attirons bien plus l’attention des marques et membres de l’industrie qu’à nos débuts. Il faut dire que les marques suisses se sont efforcées depuis des années de contrôler leur réseau de distribution et qu’aujourd’hui elles ont l’impression de ne plus rien maîtriser, du fait d’internet... Mais le web a aussi des avantages, notamment vis-à-vis de la multiplication des références et de la gestion stocks, qui ont fait tant de mal aux détaillants multi-marques. Nous sommes un meilleur choix qu’un «liquidateur», car nous préservons une certaine image de marque et garantissons un prix équitable. Nous croyons à terme qu’il y aura de la place à la fois pour des détaillants multi-marques et pour des plateformes digitales de qualité.»

Aujourd’hui, les plus petites marques, les indépendants, sont forcés de travailler avec des agents, qui leur rapportent peu de visibilité et de marge. Nous souhaitons soutenir en priorité ces petites marques à l’avenir, en introduisant, au-delà du modèle preowned existant déjà, une plateforme de e-commerce de montres neuves à leur intention. Ce qui leur servira en même temps d’outil marketing et d’outil de mesure, recueillant des données très utiles. Et pourquoi pas à la fin, leur servir à s’installer chez des détaillants traditionnels de qualité! Il faut repenser les ponts entre le digital et le physique. Aujourd’hui, 90% de notre clientèle est américaine mais nous souhaitons nous étendre au-delà des EtatsUnis. Notre principale concurrence provient de plateformes de ventes de particulier à particulier comme eBay ou Chrono 24. Nous proposons à l’inverse des sélections de montres, avec du service, des garanties et de l’expérience. Nos sources d’approvisionnement de montres sont diverses; cela peut notamment être des détaillants avec qui nous coopérons ou des pro-

Jens Lorenz, Juwelier Lorenz / Berlin

«Face aux chaînes, aux supermarchés et aux boutiques mono-marques, bon nombre d’enseignes traditionnelles familiales ont fermé. Cette concentration du marché met d’ailleurs les marques elles-mêmes en danger car elles dépendent d’un plus petit nombre de revendeurs. Notre enseigne date de 142 ans. Nous l’avons récemment rénovée et nous aurions pu concevoir quelque chose de très moderne, à l’image d’un Apple Store ou d’un magasin d’aéroport! Mais l’on trouve cela partout. Nous avons préféré nous inspirer du magasin d’origine, d’il y a un siècle et demi. Toute notre inspiration vient du temps qui passe. En tant que détaillant, nous devons jouer nous-même avec le temps. La manière dont vous aménagez votre espace est essentielle: nous sommes au centre de Berlin et pourtant en entrant, vous pouvez réduire la vitesse que vous aviez, nous avons de l’espace, un jardin... Cela donne une impression de quiétude et d’isolement, alors que tout bouge autour. C’est une forme de stabilité et de permanence, à l’image de la montre mécanique, un instrument qui n’a pas vraiment changé depuis des siècles,

Site: www.truefacet.com

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«Comment les marques peuventelles agir sur le marché 'secondaire' tout en préservant leur marché propre?»

des certificats de garantie, acceptés par les assurances, et assurons le service des montres. L’industrie horlogère ne s’est pas encore adaptée à la nouvelle réalité digitale et la diffusion traditionnelle est en train de s’éteindre. Les marques ont en outre court-circuité les réseaux traditionnels de retailers familiaux, qui avaient des liens personnels avec leurs clients et une identité propre, en lançant leurs propres boutiques, accélérant leur disparition. Le résultat, c’est une standardisation et une homogénéisation de la distribution horlogère. Inconsciemment, les marques ont défait le lien fort et important qui existait depuis des générations entre les retailers traditionnels et leurs clients, retirant à ce business une grande partie de sa passion mais aussi beaucoup de savoir-faire. Aujourd’hui, les boutiques reçoivent des ordres, ce ne sont plus de vrais vendeurs. Quelques marques comme Rolex ou Patek Philippe ont été plus malignes en conservant et même étendant leurs connexions avec les détaillants locaux de qualité. Elles ne se sont pas non plus ruées sur la Chine et ont conservé une forte clientèle américaine. Elles bénéficient aujourd’hui de cette stratégie de long-terme. En grandissant, beaucoup de marques ont néanmoins perdu le pouvoir de transmettre leurs particularités,

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USA / Online store

mis à part la qualité et la précision. Moi-même, je porte un modèle avec un morceau de météorite, qui rappelle à quel point nous sommes enracinés dans un temps long. Des milliards d’années! Nous avons aussi en sous-sol un musée dédié aux objets qui indiquent le temps depuis l’Antiquité. Je sais que je ne vais pas attirer les hipsters de Berlin. Mais il faut savoir ce que l’on veut. Mon cœur de cible a entre 40 et 60 ans. Aujourd’hui, ce n’est plus nécessaire de porter une montre. Mais rappelez-vous, déjà quand le quartz est arrivé, la montre mécanique semblait obsolète. Nous sommes dans le monde du luxe, donc nous nous adressons à une clientèle exclusive, qui apprécie l’art et l’histoire et ont des moyens financiers à disposition. Je vois notre rôle comme celui de conseillers sur mesure. Car nous nous adressons à peut-être 3% de la population. La crise? Give me a break. L’exercice 2016 a été meilleur que l’an précédent, lui-même meilleur que l’année d’avant. Bien sûr, ce ne sont pas des chiffres stratosphériques, car la compétition se nourrit d’offensives

sur les prix. L’époque est désormais plutôt à affiner tous les paramètres: elle devrait servir à promouvoir une culture horlogère commune. Si vous ne cherchez que du retour sur investissement, vous n’avez rien compris à l’horlogerie. La question du prix est d’ailleurs beaucoup plus centrale sur internet que lorsque l’on se rend dans une boutique. Quel est le pourcentage de notre clientèle cible qui préférera se faire livrer ou décidera plutôt de se rendre dans la boutique? Que choisir entre notre jardin physique ou la jungle digitale? Je ne vais pas leur courir après. C’est comme le vintage: déjà, si cela attire des gens vers les montres, tant mieux.» A PROPOS Nom: Juwelier Lorenz Boutique: Berlin Date de création: 1875 Catégorie: Haut et moyen de gamme Marques représentées: Cartier, Jaeger-LeCoultre, Omega, Rolex, Baume & Mercier, Breitling, Ebel, Frédérique Constant, Longines, Maurice Lacroix, Oris, Parmigiani Fleurier, Rado, TAG Heuer, Tudor, Askania, Junghans, Meistersinger, Mühle Glashütte, Nomos Glashütte, Tutima Glashütte, Union Glashütte, Casio, Grand Seiko, Seiko, Bomberg, Certina, Michel Herbelin, Raymond Weil, Tissot, Erwin Sattler Site: www.juwelier-lorenz.de


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DOSSIER BRICK-AND-CLICK

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PAYS-BAS

«Nous avons toujours cru dans la force du retail horloger omni-channel» DR

Alon Ben Joseph, Ace Jewelers / Amsterdam

«Nous venons du monde du diamant, dans lequel notre père était déjà actif. Et aujourd’hui encore, notre chiffre d’affaires se répartit de manière assez équilibrée entre joaillerie et horlogerie. Nous concevons et produisons en effet nos propres bijoux et en 1998, nous avons aussi repris le plus ancien horloger-bijoutier d’Amsterdam, nommé Spyre. En 2000, nous avions encore ouvert un magasin fashion avec des marques comme Guess. Mais nous l’avons fermé entre-temps parce que nous ne voulions pas devenir une chaîne de magasins, et que le fashion est par définition un monde «éphémère» Nous avons donc préféré nous concentrer sur le haut de gamme, en formant notamment au mieux nos équipes sur ce créneau En 1998, nous avons aussi ouvert notre premier site internet et dès 2007 lancé notre e-commerce. A l’époque, aucune marque ne voulait nous suivre! Alors, nous y sommes

allés seuls. IWC a été la première marque à nous donner un mandat officiel de e-commerce en 2008, sous George Kern. Aujourd’hui, nous avons des divisions et des équipes séparées entre boutiques physiques et boutique en ligne. J’ai toujours cru dans la force du retail horloger omni-channel. Les deux doivent se nourrir l'un l'autre. Mais je suis convaincu qu’on ne peut plus survivre en tant que boutique horlogère sans une plateforme internet de vente de qualité en corollaire. Et c’est même plus facile de le faire en Europe qu’aux Etats-Unis, car les régulations de l’Union européenne interdisent aux marques d’empêcher la création de plateformes de e-commerce lancées sans leur accord officiel. C’est en plus une mine d’or de données sur la clientèle actuelle et potentielle. Mais nous avons vraiment dû nous battre pour lancer notre plateforme de e-commerce! Aujourd’hui, nous réalisons déjà le

BELGIQUE

leurs tout de suite voulu un look très moderne du magasin, c’est peut-être aussi l’avantage de ne pas avoir hérité du même magasin depuis des générations. En tant que détaillants horlogers, comme nous ne fabriquons rien nous-mêmes mais vendons des produits que l’on trouve dans le monde entier, nous ne pouvons nous différencier que par le service. C’est ce que l’on appelle l’«expérience» d’achat, quelque chose d’agréable. Nous recevons souvent des gens qui souhaitent fêter un événement. Mieux vaut créer l’atmosphère appropriée! Nous avons voulu travailler sur un «écrin», reconnu pour sa qualité d’accueil et de service: c’est d’autant plus importent que notre magasin est en retrait de l’avenue Louise, derrière un grand hôtel. Il ne donne pas sur la rue, il faut donc vraiment le connaître et l’apprécier pour venir. La boutique Rolex est en revanche sur un grand boulevard, entourée d’autres grandes enseignes. Comment cela s’est passé avec Rolex? Ils nous ont contactés pour lancer le projet de boutique. Nous les représentions depuis 2015. C’est une grande preuve de confiance et une forme d’approbation de notre approche du commerce de détail horloger. Cela faisait un certain temps qu’ils souhaitaient ouvrir une boutique à Bruxelles, mais ils n’avaient pas encore trouvé le bon partenaire. Nous faisons face à tous types de clients. Certains voient d’abord le prix, d’autres sont axés sur le service. Surtout, il s’agit de les rassu-

«C’est en temps de crise qu’il faut savoir saisir les opportunités!» Françoise Lanoizelet, Hall of Time / Bruxelles

«Nous sommes deux associés ayant lancé notre boutique multi-marques assez récemment, en 2009. Et depuis l’été 2017, nous avons aussi ouvert la boutique Rolex de Bruxelles. Nous ne venons nous-mêmes pas du monde de l’horlogerie à la base, mais d’une activité de marketing direct. L’idée d’ouvrir notre boutique nous est tout simplement venue de nos expériences décevantes lors de l’achat de montres en Belgique... Cela a fait germer l’idée que l’on aurait pu mieux nous recevoir. Nous voulions traiter nos futurs clients comme nous aurions aimé être traités! 2009 était bien sûr l’année où il n’aurait surtout pas fallu ouvrir de boutique, vu que c’était en pleine crise du secteur. Mais comme le dit l’adage, c’est en temps de crise qu’il faut savoir saisir les opportunités! Notre projet a en réalité directement été très bien accueilli: nous avons rapidement reçu le soutien de JeanClaude Biver et d’Hublot. Il y avait un manque de connaissances horlogères à Bruxelles; nous avons par ail-

cinquième de nos ventes purement en ligne. Le e-commerce offre plusieurs avantages, notamment d’être ouvert sept jours sur sept et disponible en tout lieu via le mobile. Nous mettons à jour notre plateforme de e-commerce tous les deux à trois ans. Le futur du retail, même si c’est aujourd’hui un poncif, c’est l’expérience. C’est pourquoi nous rénovons entièrement nos boutiques tous les sept ans environ. On doit pouvoir retrouver la convivialité d’un salon, comme si j’accueillais mes clients chez moi. Mais cela exige de la grande diplomatie car les marques veulent imposer toujours plus leur design et leur shop-in-shop. Nous avons donc séparé nos magasins en deux espaces: un espace mixte et un espace de shop-in-shop. Le plus grand défi est de maintenir notre identité, de ne pas se standardiser en déployant simplement le design des marques. Nous sommes nous-même une marque! Il est aussi sain – et cela maximise le chiffre d’affaires – de trouver un bon équilibre entre marques indépendantes et groupes, ainsi qu’entre l’horlogerie suisse, allemande, japonaise ou encore française. Nous n’avons pas une mais cinq «top brands», Nomos a réalisé une édition limitée pour nous... Nous voulons éviter d’être le même magasin que l’on retrouvera dans chaque grande rue commerciale de chaque grande ville. Un point important à

rer quant aux informations qu’ils cumulent à droite ou à gauche. Le défi est de créer une clientèle fidèle, dans notre cas essentiellement belge et française. Nous ne sommes plus dans un monde où l’on est assis derrière un comptoir. Les clients potentiels sont sollicités de toutes parts. Il faut disposer de stocks suffisants, d’un personnel de qualité, d’un site internet bien fait qui renvoie sur les plateformes des marques. Nous avons aussi lancé notre propre magazine et nous essayons de personnaliser la relation avec les clients. Tout en essayant aussi d’attirer des clients plus jeunes, pour des anniversaires ou des diplômes par exemple: il faut déjà penser à demain! Nous n’avons pas l’image d’une maison ancienne, où le grand-père était déjà client, nous essayons d’en profiter pour nous profiler sur une image très contemporaine, avec notre propre espace à l’identité forte.» A PROPOS Nom: Hall of Time Boutiques: Bruxelles Date de création: 2009 Catégorie: Haut et moyen de gamme Marques représentées: Baume & Mercier, Bell & Ross, Blancpain, Breguet, BRM, Cartier, Chanel, Hermès, Hublot, IWC, Jaeger-LeCoultre, Jaquet Droz, Parmigiani, Piaget, QlockTwo, Rolex, Swiss Kubik, Tudor Site: www.halloftime.be

souligner: toutes les marques que nous proposons sont disponibles à la fois dans notre boutique physique et dans notre boutique virtuelle. La plus grosse incertitude quant au futur, c’est: que vont donc vouloir faire les marques vis-à-vis des retailers? Lorsque j’entends que le nouveau CEO de Zenith, Julien Tornare, annonce qu’il n’entend pas ouvrir de boutique en propre, c’est une douce musique à mes oreilles! Je pense que Jean-Claude Biver sait qu’une boutique mono-marque ne pourra jamais surpasser les retailers multi-marques. Les clients ne veulent pas avoir à faire à des gens à la vision unique... Ils aiment comparer et être accompagnés à long terme. Aujourd’hui, nous sommes un peu «au milieu du gué»: nous voulons et pouvons grandir, d’autant plus que beaucoup de petits retailers ont dû fermer leurs portes à Amsterdam, mais en même temps nous n’avons jamais voulu devenir une chaîne. Les marques elles-mêmes nous demandent d’ouvrir de nouveaux points de vente... Nous avons failli en ouvrir un à Londres. Nous regardons maintenant vers la Belgique et la Scandinavie. Quel est le juste équilibre, la bonne taille? Nous manquons de place et nous sommes en pleine réflexion. Heureusement, en tout cas, que nous ne dépendons pas d’une clientèle touristique, par exemple des Chinois qui sont volatiles, mais nous avons une forte den-

sité de clients européens, des PaysBas et des pays environnants. La disparition de marques indépendantes est mauvaise pour tout l’écosystème horloger. Les monopoles ne sont jamais bons pour le consommateur. L’environnement global reste compliqué, entre les boutiques mono-marque, le marché gris et les stocks trop élevés... Je salue les actions de marques comme Cartier qui annoncent reprendre les stocks d’invendus, pour éviter d’alimenter le marché gris. Au fond, nous voulons surtout travailler avec des marques avec lesquelles nous pouvons construire de bonnes relations, sans arrogance mais avec du respect et de bonnes valeurs. Nous venons d’introduire Ulysse Nardin et nous en sommes très contents. Nous n’obligeons personne à travailler avec nous et nous avons la chance de ne pas dépendre d’une marque en particulier.» A PROPOS Nom: Ace Jewelers Boutiques: Amsterdam Date de création: 1975 Catégorie: Haut et moyen de gamme Marques représentées: Baume & Mercier, Bell & Ross, Breitling, Breitling for Bentley, Bremont, Bulgari, Franck Muller, Frédérique Constant, IWC, Longines, Montblanc, Omega, Oris, Parmigiani Fleurier, Rado, TAG Heuer, Ulysse Nardin Site: www.acejewelers.com


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EUROPA STAR PREMIÈRE | 7

ESPAGNE

paux font confiance à des détaillants comme nous. Nous fournissons une expérience de retail et un service à la manière de consultants. Nous proposons plus de 30 marques. Il est difficile de tout savoir constamment sur chacune d’entre elles, d’autant plus avec l’augmentation du nombre de références et face à des clients de mieux en mieux informés. Les comportements changent: de plus en plus de clients viennent avec la photo de la montre qu’ils souhaitent sur leur smartphone. Mais nous nous considérons d’abord comme une société de services, pas un supermarché... Nous essayons d’être le plus proche possible de nos clients. Cette expérience du luxe passe notamment par l’architecture très originale et futuriste de nos enseignes ou par des événements privés.»

«Nous nous considérons d’abord comme une société de services, pas un supermarché»

tique est naturellement majoritaire. Nous grandissons sans cesse, car nous ne dépendons pas de la clientèle chinoise, nous avons un territoire bien défini, un bon mix de nationalités parmi nos clients (de plus en plus de Scandinaves ces dernières années) et Majorque accueille de plus en plus de touristes qui se détournent de pays comme l’Egypte ou la Tunisie pour des raisons de sécurité. Nous avons mis en place un système interne de gestion en ligne de nos stocks. Pour l’instant, c’est limité à notre propre usage, mais nous

allons utiliser ce savoir-faire d’ici une année pour lancer notre plateforme de e-commerce. Le système interne nous sert en quelque sorte de «test». Nous devons encore définir si les montes pourront être vendues directement en ligne et délivrées à domicile ou en magasin.

Cela dépendra de nos discussions avec nos partenaires. Les marques ont une certaine tendance à vouloir prendre toujours davantage de tâches à leur compte: c’est pourquoi certaines ont ouvert leurs boutiques en propre. Mais nos cinq partenaires princi-

SUISSE

Se réinventer en concept store horloger Alain Guttly, La Maison de l’Horlogerie / Genève

«Nous sommes une entreprise familiale depuis cinquante ans. Outre la boutique, nous avons repris il y a 35 ans déjà une enseigne de montres vintage, nommée Au Vieil Horloger. A l’époque, les gens achetaient une montre vintage car ils n’avaient pas assez d’argent pour se payer une neuve. Il était rare d’avoir plus d’une ou deux montres. Aujourd’hui, on vend facilement sa montre pour en acheter une nouvelle. Les comportements ont complètement changé et le marché du vintage a connu une forte croissance. Auparavant, ce terme était plutôt péjoratif! Nous proposons aujourd’hui un vrai concept store horloger réunissant une boutique multimarques de modèles neufs de 15 marques, un espace vintage, un atelier de services, une galerie, une librairie horlogère et même un bar-restaurant «Swiss made»! On a bien vu que les marques ellesmêmes cherchaient à se concentrer sur les points de vente les plus qualitatifs et ont complètement revu leur réseau de distribution, coupant au fur et à mesure de plus en plus de points de vente multi-marques. Trois de nos confrères ont déjà disparu dans notre quartier. Si nous ne

DR

«Notre enseigne a été fondée dès 1879 par un entrepreneur allemand, M. Krug. Mon arrière-grand-père a commencé à travailler avec lui puis notre famille a pris les rênes de l’entreprise, dont je représente aujourd’hui la quatrième génération, avec mes deux sœurs. A l’époque, Majorque n’était pas si touristique, il s’agissait d’abord d’un commerce pour les locaux. Nous représentons Rolex sans interruption depuis 75 ans. Aujourd’hui, nous nous sommes bien développés et disposons de quatre boutiques sur l’île, avec plus de cinquante employés dont six horlogers. Nous opérons aussi la boutique Cartier sur l’île. La nature de la clientèle dépend de la localisation de nos magasins. Au centreville de Palma, c’est 50% de locaux et 50% de touristes, dans les stations balnéaires la clientèle touris-

DR

Pablo Fuster, Relojería Alemana / Mallorca

bougeons pas, nous sommes morts! Et il ne sert à rien de ne miser que sur le prix et les rabais. Nous voulons d’ailleurs encore nous étendre. Mais la transformation de nos espaces exige des investissements de l’ordre de millions de francs. Nous avons souffert de la multiplicité de l’offre horlogère sur internet, notamment sur le créneau vintage. Mais c’est une jungle et les gens ont eu tellement de mauvaises surprises en ligne, avec des montres fausses ou de mauvaises qualité, que la tendance s’inverse un peu et qu’ils veulent savoir à qui ils ont affaire. Aujourd’hui, nous donnons une valeur nouvelle à la notion de service. Si la montre n’a pas été achetée chez nous, le service est payant. Sinon il est inclus dans le prix. Nous diminuons notre marge mais allons dans le sens des clients qui nous font confiance. Les détaillants doivent arrêter de pleurnicher! Evidemment, le iPhone a changé nos vies de A à Z. Mais nous devons nous adapter si nous ne voulons pas finir comme les fabricants de bougie ou les agents de voyage... L’information s’est décuplée: cela donne aussi davantage envie d’ache-

A PROPOS Nom: Relojería Alemana Boutiques: Mallorca Date de création: 1879 Catégorie: Haut et moyen de gamme Marques représentées: Audemars Piguet, Baume & Mercier, Bulgari, Cartier, Chanel, Chopard, Corum, Hublot, IWC, Jaeger-LeCoultre, Longines, Omega, Panerai, Patek Philippe, Rolex, Sevenfriday, TAG Heuer, Tudor, Ulysse Nardin, Zenith Site: www.relojeriaalemana.com

ter des montres. Et le digital n’est pas tout: pourquoi à votre avis Zalando (ndlr: Zalando est une entreprise de commerce électronique allemande, spécialisée dans la vente de chaussures et de vêtements, basée à Berlin. Créée en 2008 elle est présente dans quatorze pays européens) commence à présent à ouvrir des boutiques physiques? De notre côté nous n'envisageons pas du tout d’ouvrir une boutique en ligne. Le problème du vintage, c’est que les gens regardent le haut de la fourchette lorsqu’ils veulent vendre et le bas de la fourchette lorsqu’ils veulent acheter. Nous préférons nous diversifier, par exemple en mettant notre espace à disposition d’entreprises pour des événements ou des expositions. Nous essayons d’élargir notre clientèle. Bref, nous devons donner le maximum pour avoir le minimum! De leur côté, les marques se sont piégées avec la verticalisation et l’augmentation des prix: en conséquence, la marge n’a pas forcément augmenté... Les marques se sont ainsi fragilisées. Nous sommes les soldats des marques mais elles ont un peu malmené les revendeurs multi-marques. Mais notre concept store commence à leur plaire: il y a cinq ans, on nous prenait un peu pour des fous.» A PROPOS Nom: La Maison de l’Horlogerie Boutique: Genève Date de création: 1967 Catégorie: Moyen de gamme, vintage Marques représentées: Voir le site internet Site: www.lmdh.ch


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8 | EUROPA STAR PREMIÈRE

L'activité digitale des points de vente horlogers en Suisse en 2017 Les médias numériques jouent un rôle de plus en plus important dans le processus d'achat des produits de luxe en général et de l'horlogerie-bijouterie en particulier. Que ce soit à travers la prise d'informations dans les medias sociaux ou bien sur les sites officiels des marques ou des détaillants, comme dans l'acte d'achat en tant que tel, le recours au digital progresse fortement chez les acheteurs de produits horloger et bijoutiers. Face à cette modification rapide et profonde des modes de prises de décision et d'achat dans l'univers du luxe, comment les détaillants horlogers se sont-ils organisés pour répondre aux attentes actuelles de leurs acheteurs? Notamment à celles de la génération milléniale, davantage investie dans le monde digital? Comment s'inscrivent-ils dans les stratégies omnicanal développées par les marques horlogères? Et comment abordent-ils la vente en ligne? Basé sur un recensement de la distribution des points de vente horlogers en Suisse mis à jour en juin 2017, ce nouveau chapitre du «Mercury Project» dévoile un état des lieux de la digitalisation de ces acteurs incontournables de l'industrie horlogère. Il définit ainsi une segmentation des différents niveaux d'expérience acquis en ce domaine par les détaillants indépendants, tout comme pour les chaînes de distribution, et ceci en fonction de leur positionnement en matière d'offre produit. La comparaison avec les activités digitales des sociétés horlogères suisses, dont la priorité dans leur réflexion stratégique s'affirme d'année en année, permet également de mesurer les enjeux pour les points de vente horlogers, tant en en terme d'opportunités que de menaces.

Par Thierry Huron, mercury project

Les sites corporate Elément incontournable de la communication dans l'industrie horlogère, l'utilisation d'un site corporate institutionnel n'est pas devenue une priorité pour tous les détaillants horlogers suisses. Deux tiers des sites corporate horlogers sont adaptés aux usages numériques actuels. Parmi les 976 points de vente horlogers actifs en Suisse au 31.07.2017, plus des deux-tiers (68% – graphique 1) proposent des sites corporate dits responsifs. Cette technologie configure automatiquement la taille des pages des sites et leur orientation à tout type de lecteur digital (smartphone, tablette). Elle facilite ainsi la recherche d'information (avis, caractéristiques techniques, prix, disponibilité) sur internet, de même que le processus de paiement pour les sites qui proposent une section de vente en ligne. Comme présenté dans le graphique 2, la totalité des points de vente des chaînes de distribution et celle des boutiques mono-marques horlogères* sont liés à des sites corporate responsifs. Ceux-ci peuvent ainsi relayer de façon optimale leur contenu en les intégrant dans une stratégie digitale soutenue, notamment par un recours aux médias sociaux. Enfin, il faut souligner qu'une partie non négligeable des sites corporate des points de vente horlogers (17%,

chiffre qui devient 30% dans le segment des détaillants indépendants – graphique 2) n'est aujourd'hui pas adaptée aux appareils numériques actuels (dont les smartphones). Ceux-ci restent configurés pour des lectures sur PC, ce qui freine leur utilisation par les populations milléniales (nées entre les années 1980 et 2000, celles-ci ont 17 à 37 ans aujourd'hui), fortement investies dans le monde digital. 15% des points de vente horloger ne disposent pas de site corporate Le graphique 1 montre que 15% des points de vente ne possèdent pas de site corporate officiel. Ce chiffre se transforme en plus d'un quart des points de vente (26% - graphique 2) lorsque l'on considère le segment des détaillants indépendants.

Une partie non négligeable des sites corporate des points de vente horlogers n'est aujourd'hui pas adaptée aux appareils numériques actuels. Bien qu'une petite part (4%) de ces derniers privilégie le recours aux médias sociaux (dont notamment Facebook) à la place d'un site institutionnel plus complexe à gérer, il semble que ces magasins – vrai-

semblablement dotés d'un coeur de clientèle très fidèle mais vieillissant – soient en décalage face aux nouveaux comportements d'acheteurs fortement enclins à consulter les sites internet à la recherche d'informations préalables à leurs futurs achats horlogers et bijoutiers.

La vente en ligne* Les acteurs de l'univers des produits de luxe focalisent leur attention sur la vente en ligne comme nouveau canal de commercialisation. Dans l'horlogerie, l'utilisation de la vente en ligne reste très segmentée par le positionnement prix des points de vente.. 30% des points de vente horlogers proposent un site de vente en ligne. Les sections de ventes en ligne présentant une offre marchande horlogère complètent dans certains cas les sites corporate officiels. Près d'un tiers des points de vente horlogers (30% - graphique 3) sont liés à une activité de vente en ligne, celle-ci s'étendant dans la plupart des cas à la commercialisation d'articles de bijouterie. Plus des deux-tiers des magasins affiliés à des chaines de détaillants horlogers (68%- graphique 4), très actives dans ce domaine, sont concernés, alors que cette activité reste mineure parmi les points de vente indépendants (13%), de même qu'auprès des boutiques mono-marques des sociétés horlogères* (23%), à l'exception de celles présentes dans le segment Economy, segment qui propose une

offre de marques horlogères aux prix médians inférieurs à 800 francs. Le segment Economy est leader dans l'activité de vente en ligne des détaillants horlogers. D'une manière plus globale, ce sont majoritairement les points de vente du segment Economy (70% - graphique 5), qui ont développé une activité de vente en ligne. Ils sont suivis de très loin par les points de vente du segment Value avec 23% (prix médian de l'offre en marques horlogères allant jusqu'à 5000 francs).

A ce jour, les magasins référencés dans le segment Premium (prix médian au-delà de 5000 francs) semblent réticents à recourir au canal de la vente en ligne. Ils ne représentent que 6% des points de vente actifs dans cette activité, par rapport aux 26% de magasins qu'ils sont en Suisse Ceux-ci développent une approche différente qui vise à informer en ligne leurs clients potentiels par les réseaux sociaux ou les blogs, pour ensuite les inciter à acheter dans leur propre magasin ou leur boutique mono-marque et leur assurer un service clientèle exemplaire.

B

no website

non responsive website

responsive website

C

no website non responsive website responsive website

Independent retailers

Chain retailers

Mono-brand boutique


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EUROPA STAR PREMIÈRE | 9

D

F

H

POS

No social media One social media 2+ social media

POS with onlines sales activity

POS without onlines sales activity

POS with onlines sales activity

Economy

Value

Independent retailers

Premium

E

Chain retailers

Mono-brand boutique

G

I

POS without onlines sales activity POS with onlines sales activity

Independent retailers

Chain retailers

Mono-brand boutique

Les médias sociaux L'utilisation croissante des appareils numériques favorise l'expansion de l'influence des médias sociaux. Ces nouveaux canaux de communication jouent un rôle de plus en plus important pour la recherche d'information, notamment auprès des populations milléniales et des plus jeunes. L'approche des points de vente de détail suisse reste à ce jour très balancée entre les détaillants indépendants d'une part et les chaînes de distribution et les marques horlogères** d'autre part.

No social media One social media 2+ social media

No social media

51% des points de vente horlogers sont présents sur plusieurs médias sociaux. Le recensement des points de vente horlogers présents sur les médias sociaux montre que 51% d'entre eux sont actifs sur plusieurs médias (graphique 6), avec en priorité Facebook, suivi par Instagram. Lorsque l'on considère le graphique 7 qui détaille ces informations par réseaux de distribution, on constate que ce sont les chaines de distribution (95%), ainsi que les marques horlogères** (98%), qui sont les plus

One social media

2+ social media

avancées dans la pénétration des médias sociaux. Travaillant avec des experts, avec des procédures bien arbitrées, elles savent de plus en plus tirer profit de leur présence sur les réseaux de communication numériques pour dialoguer avec leurs clients potentiels et les placer au centre de leur dispositif commercial et marketing. Pour de nombreux d'entre eux, ce recours aux médias sociaux est devenu une composante essentielle de leur stratégie marketing. Les détaillants indépendants en retrait. Plus d'un quart des points de vente horlogers (28% - graphique 6) ne dispose pas de relais sur les medias sociaux et 21% ont une présence réduite sur un seul media (principalement Facebook, qui dans 2% des cas est utilisé en substitut au site corporate officiel). Ces chiffres sont directement imputables à la moindre activité des détaillants indépendants, comme présenté dans

Economy

le graphique 7: 48% de ceux-ci ne sont pas présents sur les réseaux sociaux, et 36% ne disposent que d'une présence sur un seul media (principalement Facebook). Absence de priorité pour les détaillants indépendants. Même si cette absence d'activité sur les médias sociaux se réduit en fonction du positionnement prix croissant de l'offre des magasins, elle reste néanmoins élevée quel que soit le segment, comme le démontre le graphique 8: 57% pour le segment Economy (prix médian de l'offre allant jusqu'à 800 francs), 47% pour le segment Value (prix médian de l'offre allant jusqu'à 5000 francs) et 31% pour le segment Premium (prix médian au-delà de 5000 francs) . A ce jour, et contrairement aux marques** et chaînes de distribution horlogères, l'utilisation des médias sociaux ne semble donc pas être devenue une priorité pour ce segment qui représente 52% de l'offre

Value

Premium

des marques en Suisse (Chiffres Brand Density Score – source 2017 Watch Retail Market), notamment dans les points de vente des segments Economy et Value. Concernant les détaillants indépendants les plus avancés dans cette communication, principalement ceux du segment Premium (69 % sont présents sur les medias sociaux et 27% d'entre eux sur plus de deux réseaux), une analyse détaillée du contenu mis en ligne permet cependant de démontrer leurs rôles de relais dans la stratégie omnicanal des marques horlogères qu'ils référencent, ainsi que dans la promotion de leur propre offre, notamment en matière de bijouterie. * les sites et sections de vente en ligne recensés dans le cadre du Mercury Project sont liés aux sites corporate des points de vente de détaillants ** les marques horlogères représentées dans cette étude de distribution sont uniquement celles qui disposent de boutiques mono-marques

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INDUSTRIE

Zenith Defy Lab / DR

10 | EUROPA STAR PREMIÈRE

L'automatisation et l'équation Par Serge Maillard

Masqués par la fureur marketing qui semble occuper plus que jamais le landerneau horloger, deux bouleversements de fond transforment l’horlogerie mécanique en 2017: sa fusion toujours plus poussée avec la machine d’une part, avec la science d’autre part. L’automatisation et l’équation, pour faire court. Laissons ici de côté la révolution annoncée de la montre connectée, qui est vue par certains comme la nouvelle grande révolution horlogère, quarante ans après celle du quartz, Non, parlons plutôt de la révolution de la montre mécanique ellemême. Loin de se figer dans ses derniers retranchements en cette année de difficultés économiques, elle mute elle aussi en profondeur. La Vieille Dame n’est de loin pas imperméable aux innovations.

Des révolutions qui sont parfaitement incarnées par deux montres de rupture lancées cet automne par le Swatch Group d’une part, par LVMH d’autre part: la Swissmatic de Tissot et la Defy Lab de Zenith. Très loin du feu sacré de la Silicon Valley, la désuète bourgade du Locle n’a pas à rougir, ses géants horlogers ne lésinent pas! L’automatisation ou «intelligence industrielle», d’abord: alors que les fondamentaux marketing (et encore réels en partie, gardons nous de trop de cynisme!) de l’horlogerie reposent sur l’artisanat, verra-ton encore dans dix ou vingt ans des humains derrière la production des montres mécaniques de moins de 3'000 francs? La question, provocatrice, mérite d’être posée. Le Swatch Group, aux racines industrielles et démocratiques, pousse l’automatisation toujours plus loin.

Cela concerne au premier chef ses deux marques produisant les plus forts volumes, Swatch et Tissot (environ 15 millions de montres par an à elles deux, soit la moitié de toute la production Swiss made)! Les innovations de la Sistem 51 de la première ont été adaptées à la nouvelle Swissmatic de la seconde, sur une ligne de production entièrement automatisée, que nous présentons et décortiquons dans ce numéro (lire en p. 16). Résultat: un prix très attractif, une seule vis et un organe réglant ajusté à coups de laser. L’échappement, justement... L’autre rupture high-tech nous vient de LVMH, un groupe qui entend désormais réconcilier horlogerie et science, via son très ambitieux projet de pôle R&D confié au talentueux Guy Sémon, que nous avons rencontré (lire en p. 12). Le cœur de la montre, le «vieil échappement» de Huygens,

fonctionnant sur des bases reposant plus largement sur... l’intuition que la science, est entièrement revu à travers la théorie des mécanismes. Nous présentons dans les moindres détails cet «oscillateur Sémon» formé d'une seule pièce monolithique en silicium monocristallin dans ce numéro, qui équipe la Zenith Defy Lab. Celui-ci devrait aussi permettre à terme au pôle horloger de devenir plus autonome vis-à-vis du Swatch Group et des oscillateurs Nivarox. Avec le laboratoire LVMH qui est en train d’être mis en place et qui regardera bien au-delà de l’horlogerie, on en revient à une forme d’humanisme mêlant différentes disciplines, mais avec une rigueur et une méthodologie scientifique au goût du jour. Esprit des Lumières, outils du nouveau millénaire, donc. Au 18ème siècle, le génie de l’automate Pierre Jaquet-Droz ne s’était-

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il déjà pas fortement intéressé aux... prothèses pour mutilés de guerre? Fort de ces deux exemples, au-delà du seul artisanat qui verra toujours la main sublime d’imperfections de l’homme à l’œuvre en horlogerie, la montre mécanique du 21ème siècle, «simplifiée dans sa complexité comme dans son assemblage», sera robotisée et high-tech... ou ne sera pas! P.S: Et pendant ce temps que fait Richemont, est-on en droit de se demander? Plus ancré dans le luxe horloger, le géant a opté pour la stratégie de réunir plusieurs compétences – on pense notamment aux métiers d’art – sous un même toit, à travers son nouveau Campus genevois. Le groupe mène aussi sa mue digitale à marche forcée, contestée par beaucoup à l’interne, et que le départ précipité de George Kern ne contribue guère à rendre plus fluide. Mais espérons que derrière cette concentration sur l’«habillage» (sous toutes ses formes), il ne laisse pas champ libre à ses très actifs rivaux sur l’innovation mécanique pure!


28e SALON I N T E R N AT I O N A L DE LA HAUTE HORLOGERIE

OUVERT AU PUBLIC VENDREDI 19 JANVIER Inscription sur sihh.org

GENÈVE, DU 15 AU 19 JANVIER 2018 A. LANGE & SÖHNE | AUDEMARS PIGUET | BAUME & MERCIER | CARTIER GIRARD-PERREGAUX | GREUBEL FORSEY | HERMÈS | IWC | JAEGER-LECOULTRE MONTBLANC | PANERAI | PARMIGIANI FLEURIER | PIAGET | RICHARD MILLE ROGER DUBUIS | ULYSSE NARDIN | VACHERON CONSTANTIN | VAN CLEEF & ARPELS CARRÉ DES HORLOGERS ARMIN STROM | CHRISTOPHE CLARET | DEWITT FERDINAND BERTHOUD | F.P. JOURNE | GRÖNEFELD | H. MOSER & CIE HAUTLENCE | HYT | KARI VOUTILAINEN | LAURENT FERRIER | MB&F | RESSENCE ROMAIN GAUTHIER | RJ-ROMAIN JEROME | SPEAKE-MARIN | URWERK


ZENITH

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L'horlogerie mécanique quitte Huygens Mis au point par Guy Sémon – directeur général de TAG Heuer et responsable de la R&D du pôle horloger de LVMH – et ses équipes de scientifiques, le régulateur qui équipe la nouvelle Zenith Defy Lab représente une avancée considérable. Elle résulte de la mise en oeuvre d'une approche globale non intuitive, scientifique, théorique, utilisant la mathématique, la physique, la science des matériaux et la théorie mécanique le plus avancée. Le résultat, aux performances spectaculaires, fait sortir l'horlogerie de la «planète» Huygens. Une révolution. Par Pierre Maillard, en entretien avec Guy Sémon

Quand le 25 février 1675, Christiaan Huygens présente à Paris son régulateur révolutionnaire basé sur le principe d'un ressort-spiral couplé à un balancier, il ne sait pas encore que son invention va dominer l'horlogerie pendant les plus de trois siècles à venir. Lui-même, en tant que scientifique, a posé les bases de ce régulateur plus précis que tous les autres ayant existé avant lui, mais c'est avec l'horloger du Roi qu'il est parvenu à le concrétiser. Le XVIIème, siècle terrible s'il en est, marqué par des guerres incessantes, des famines et des épidémies, est paradoxalement un âge d'or scientifique. On lui doit nombre d'avancées techniques et théoriques, parmi lesquelles, par exemple, «l'horloge calculante», premier essai «d'ordinateur», conçu et dessiné en 1623 par le pasteur et universitaire allemand Wilhelm Schickard. C'est également au cours de ce siècle que sont posés les premiers postulats de la mathématique moderne. Mais pour autant, en 1675, Huygens ne peut que constater par l'observation l'isochronisme de son ressort spiral mais est bien en peine de l'expliquer théoriquement. Pour y parvenir, il aurait dû connaître le calcul des équations différentielles qui ne seront mises au point qu'au XVIIIème siècle.

Un développement essentiellement intuitif Le paradoxe de l'horlogerie de précision, née grâce aux observations de Huygens, est qu'elle s'est développée largement de façon intuitive. Au cours des siècles qui ont suivi, le principe de Huygens a progressivement été amélioré et optimisé, grâce notamment aux progrès de la métallurgie, mais sans jamais être vraiment remis en cause dans ses fondements théoriques… qui n'existaient pas. C'est que l'horlogerie est long-

temps restée à l'écart de la théorie scientifique et mathématique. Leurs calculs, les horlogers les réservaient en grande partie aux mouvements du cosmos, à la base de la détermination du temps, mais bien moins à la mécanique elle-même. Or la mécanique fait intégralement partie de la mathématique et de la physique théorique et il faudra attendre la fin du XIXème siècle pour en poser toutes les bases théoriques. Mais les horlogers, perdus dans leurs alpages, le nez dans les étoiles ou dans leurs minuscules rouages, ne discutent guère avec les théoriciens de la mécanique, par ailleurs fort occupés par les machines extraordinaires qui naissent lors de la révolution industrielle, à l'image des fabuleuses locomotives mécaniques. Constamment amélioré et perfectionné par des générations d'horlogers, le principe moteur de Huygens fonctionnait toujours à merveille. Aucune raison de le remettre en cause. Par ailleurs, les secrets du savoir horloger restaient essentiellement transmis de maître à disciple, dans l'intimité des ateliers. Dès lors, la finition, la décoration sont passées au premier rang de l'art horloger. Il faudra attendre les années 1970 – 1980 pour que les ingénieurs arrivent enfin dans la «fabrique» horlogère. Mais ils sont là essentiellement pour mettre au point et installer les lignes de production de plus en plus sophistiquées, les alignements de CNC et la CAO qui fait son apparition dans les «bureaux techniques». Mais les ingénieurs ne mettent pas les pieds dans les ateliers où se concoctent confidentiellement les complications «huygensiennes». Et de fait, jusqu'à nos jours, la montre mécanique n'a jamais été vraiment théorisée de A à Z.

Onze types de liaisons mécaniques La théorie des mécanismes, qui est une branche de la physique, a répertorié onze types de liaisons qui, combinées entre elles, permettent de tout faire. Pour parvenir à ce

Photographie: Fabien Scotti | Arcade Europa Star

constat, il a fallu notamment comprendre et domestiquer les complexes interactions entre serrages, poids, dimensions et matériaux. A son arrivée dans le monde de l'horlogerie chez TAG Heuer, Guy Sémon, consultant en aéronautique et qui a notamment enseigné la physique théorique en université, a donc commencé par examiner la montre d'un point de vue purement mathématique. Il a d'abord cherché à pousser le régulateur de Huygens dans ses derniers retranchements, et proposé en 2011 le Heuer Carrera Mikrograph, affichant le 100ème de seconde grâce à deux assortiments distincts, oscillant respectivement à 28 800 alt/heure, pour les indications heures, minutes, secondes, et à 360 000 alt/heure, soit 50 Hz, pour l’affichage chronographique du 1/100ème de seconde. Il poursuit cette option de chaîne duale en présentant la même année le Mikrotimer Flying 1000 oscillant quant à lui à 500 Hz, soit le chiffre faramineux de 3,6 millions d’alternance/heure. A cette fréquence, la montre parvient à calculer et à afficher le 1/1000ème de seconde! Mais, à la fréquence désormais atteinte de 500 Hz, à laquelle l’aiguille des secondes fait 10 tours complets par seconde, on commence à sortir de l’horlogerie huygensiennne: l’échappement n’a plus besoin de balancier car, à cette allure si élevée, le ressort-spiral doit être tellement raide (en l’occurrence 4 spires seulement, soit environ 10 fois plus raide qu’un ressort normal) que le balancier n’est plus nécessaire pour le retour. Mais avec ce mouvement sans balancier, on touche à des limites physiques:

l’ancre commence à avoir de la peine à suivre la cadence, le régulateur s’asphyxie, la transmission barillet/ roue d’échappement se dérythme, la quantité d’énergie requise par impulsion n’est plus suffisante. Un déséquilibre dynamique et énergétique intervient. Pour Guy Sémon, cette belle impasse marque le point de départ de la recherche de nouvelles technologies mécaniques de régulation.

En passant par le magnétisme et la «poutre vibrante» Fort de sa maîtrise des arcanes de la théorie, il cherche dès lors à créer de nouvelles «liaisons» non orthodoxes en horlogerie entre l'énergie et sa régulation. Première escapade hors de la galaxie de Huygens, la Concept Watch Pendulum. Roue d’échappement et ancre restent encore en place, mais le coeur du système, le balancier-spiral, est remplacé par un stator et un rotor magnétiques. Le dispositif est constitué de quatre aimants. Deux de ces aimants, un positif et un négatif, magnétisés dans une seule direction, sont disposés face à face sur le pourtour, maintenus par un support fixe en fer doux formant comme une cage de Faraday. Au centre, dans l’axe de la roue de balancier maintenue par un pont traditionnel, deux aimants disposés sur un mobile rotatif, alternent les pôles positif et négatif, créant ainsi un champ magnétique de part et d’autre du dispositif. Le système atteint des niveaux de performance COSC qua-

siment comparables à celles d’un spiral, que seule sa sensibilité à la température ne permet pas d'atteindre. La démonstration est très intéressante, mais son industrialisation s'avère délicate. Guy Sémon et les équipes scientifiques pluri-disciplinaires dont il s'est entouré passent à une autre voie mécanique, encore jamais explorée en horlogerie. Le principe dont ils s'inspirent, la théorie des «poutres oscillantes», a été découvert par le Français d'Alembert quelques années avant Huygens. Essentiellement, il s'agit ici de faire osciller non plus un spiral classique de forme concentrique, mais de faire vibrer à très haute fréquence une mince lame. Théoriquement, la «poutre vibrante parfaite» mise en équation par d’Alembert, à la souplesse infinie, à la tension constante, à l’élasticité parfaite et insensible à la gravitation, est parcourue d’une onde qui se transmet uniformément sur toute la longueur. Une onde aux oscillations isochrones. Pratiquement, encore fallait-il réussir à s’approcher au plus près de cette onde parfaite mise en équation. Le principe retenu apparaît simple et combine trois «poutres vibrantes»: un excitateur solidaire de l’ancre et un oscillateur constitué d’une mince «poutre» sont unis par un «coupleur» qui est lui aussi une «poutre». En excitant l’oscillateur de façon à se rapprocher le plus possible de «l’onde parfaite» de la théorie, celui-ci se met à vibrer suivant des fréquences parfaitement définies. Le réglage s’opère par excentrique qui permet d’allonger ou de raccourcir la poutre vibratoire, un peu comme on accorde une guitare. Cet oscillateur d’un nouveau type, «non-huygensien», est donc linéaire – comme une corde! Peu d’inertie et pratiquement pas d’amplitude (on vibre très vite mais les oscillations sont très basses): le système consomme une énergie moindre que celle d’un régulateur à spiral et balancier. D’où, également, un intérêt certain dans les hautes fréquences car la réserve de marche pourra dès lors être bien supérieure. Ainsi régulée, la montre-concept TAG Heuer Mikrogirder «vibre» donc à la fréquence ahurissante de 7 200 000 alternances/heure, soit du 1 000 Hz, de quoi mesurer le 1/2000e de seconde (TAG Heuer préfère dire le 5/10 000e) et grâce au système d’échappement dual, la chaîne huygensienne «normale» des indications horaires et la chaîne «vibratoire» du chronographe au 1/2000e n’interfèrent aucunement. La démonstration est impressionnante, mais cette «poutre» ne peut osciller qu'à des très hautes fréquences, ce qui limite évidemment son utilisation industrielle et commerciale. (Pour en savoir plus, lire notre article de 2013, «TAG Heuer - Ondes et magnétisme au service de la régulation», dans europastar.com)


ZENITH

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Fourchette de réglage fin (équivalent «raquetterie») amplitude d'oscillation +/- 6 degrés

1ère masse mobile en rotation (équivalent Trou oblong balancier) anti-chocs (x6) 2ème masse mobile en rotation (équivalent balancier)

Transmission à la roue d'échappement (équivalent palettes d'ancre)

Partie centrale fixe

Ancre

3ème masse mobile en rotation (équivalent balancier)

Emplacement roue d'échappement

DR

Lames 20 microns (x3) (équivalent spiral)

A la recherche d'un nouveau régulateur «universel» Nommé fin 2014 Directeur général de TAG Heuer, Guy Sémon est décidé de s'attaquer encore une fois à un nouveau type de régulateur qui soit «universel» comme l'est le principe de Huygens, mais d'une précision bien supérieure. Il y pense depuis longtemps mais pour y parvenir il lui faut réunir différentes «planètes»: s'appuyer sur la nouvelle théorie des mécanismes apparue dès les années 1990; sur la physique théorique et sur la science des matériaux. La nouvelle théorie des mécanismes, nommée plus précisément «mechanics compliance» pose de nouveaux postulats et crée de nouvelles liaisons basées non plus sur la seule interaction de pièces diverses mais sur la déformation de morceaux de matières. Cette notion de compliance est particulièrement utilisée en robotique afin de réaliser des tâches qui nécessitent de subtils dosages de la force et donc d'agir sur la «raideur», la transformant en «flexibilité». A titre d'exemple, on peut citer les tâches de préhension d'objets fragiles ou fortement déformables, l'assemblage de pièces ajustées ou encore l'ébavurage. Dans le cas qui nous occupe, cette nouvelle théorie permet de remplacer un ensemble composé de plusieurs parties fixes ou mobiles – par exemple

un oscillateur - par une structure «compliante» monolithique. La physique théorique est appelée à la rescousse pour parvenir à formaliser ces oscillateurs d'un nouveau type, qu'on appelle «oscillateurs paramétriques» et qui sont utilisés notamment dans l'optique physique ou comme résonateurs dans les outils lasers. De l'aveu même de Guy Sémon, ce champ théorique est «très moderne et très compliqué». Troisième champ d'exploration, le domaine des matériaux. Pour ce projet d'oscillateur de nouveau type, il faut un matériau qui soit à la fois insensible au magnétisme et à la température tout en étant d'une grande flexibilité. Un ensemble de qualités qui exclut le recours à tout métal connu. Après avoir collaboré avec l'Université de Delft, aux Pays-Bas, qui est à la pointe de la nouvelle théorie mécanique, Guy Sémon, à la quête de son nouveau matériau, va chercher du côté de l'Université d'Arizona, à Albuquerque. Chou blanc. Il passe alors à l'Université de l'Utah qui s'intéresse de près aux nano-technologies. Et là, «coup de bol», dit-il, il trouve un matériau nano-structuré mais très flexible. Ce matériau va lui permettre de créer de nouveaux spiraux en nanotubes de carbone, qui seront utilisés dans le El Primero 21 présenté par Zenith cette année à Bâle (lire à ce sujet Europa Star Chapter 3/17, ndlr) mais in fine ne seront pas employés dans la création de la Defy Lab.

Cette expérience dans les nanotubes de carbone va être indirectement utile à la mise au point du nouvel oscillateur que poursuit Guy Sémon. En mélangeant les deux premiers «ingrédients», soit la physique théorique et ses oscillateurs «paramétriques» et la théorie mécanique compliante, pour optimiser la forme que devra prendre l'oscillateur, et en employant le silicium, qu'on sait parfaitement graver chimiquement

(notamment dans les microprocesseurs), Guy Sémon et ses équipes ont pu passer à la définition et à la fabrication de leur oscillateur. En physique de base, un oscillateur est une poutre qui doit comporter un «bout» de matière qui puisse se déformer (qui ait une «raideur» dit-on en physique). Agir sur cette «poutre» déformable nécessite une «masse». Pour parvenir jusqu'à l'oscillateur linéaire, il convient ensuite de «filtrer» les différents paramètres en jeu. Au final, ce nouvel oscillateur est formé d'une seule pièce monolithique en silicium monocristallin, d'une épaisseur de 0.5 mm (contre environ 5 mm pour un régulateur standard) qui remplace les quelque 31 pièces du régulateur de Huygens, comme le montre le schéma ci-contre. L'approvisionnement énergétique de cet oscillateur est d'ordre classique: un barillet et un train de rouages. Mais à partir de la roue d'échappement qui apporte cette énergie à l'oscillateur, on sort complètement de la chaîne horlogère traditionnelle. La roue d'échappement rentre en contact avec deux petites dents (voir schéma) qui mettent en mouvement l'oscillateur monolithique et ses différents composants. Celui-ce se met à battre – ou à haleter, dirait-on – avec une amplitude minimale de +/- 6 degrés (contre environ 300 degrés) à une fréquence hors-norme de 15Hz, soit trois fois plus que celle du El Primero. Mais même avec cette fréquence élevée, la réserve de marche est d'environ 60 heures, soit 10% de plus que El Primero. (Guy Sémon n'entend pas en rester là et envisage d'ores et déjà des réserves de marche pouvant atteindre les 100 heures voire les 150 heures.)

De très nombreux avantages Les avantages de cet oscillateur révolutionnaire sont nombreux. Ni assemblage ni réglage ne sont plus né-

cessaires. En absence de frottements et de contacts, nul besoin de lubrification. Non seulement la consommation d'énergie est-elle réduite, mais l'ensemble est très peu sensible aux variations d'énergie incidentes et aux positions. Sa précision est non seulement assez incroyable, d'environ 0.3 seconde par jour (pour rappel la norme COSC s'établit à – 4 sec. à + 6 sec. par jour, soit un maximum de 10 secondes par jour), mais elle se conserve parfaitement pendant les 95% de sa réserve de marche. Insensible à la gravité, au magnétisme et à la température (grâce à une couche d'oxyde de silicium), cet oscillateur intégralement breveté est triplement certifié: chronomètre par l'Observatoire de Besançon, thermiquement par la norme ISO-3159 qu'il excède largement et magnétiquement par la norme ISO-764 qu'il excède 18 fois, résistant à 1'100 Gauss. Zenith a été élue pour la première apparition publique de cet «oscillateur Sémon», dans une montre qui porte le nom de Zenith Defy Lab, «Defy» étant le nom – bienvenu – d'un boîtier des années 60 entièrement revu. Mais au-delà de cette première sortie, cet oscillateur a pour vocation de venir équiper la majorité des montres produites par LVMH ou, option minimale, les marques les plus «horlogères» du groupe, soit Hublot, TAG Heuer et Zenith. Une opération qui ressemble à celle entreprise par Omega avec le co-axial développé par George Daniels. Mais stratégiquement, cette opération est encore plus importante pour LVMH car elle lui permettra d'atteindre une autonomie encore plus grande qui, couplée avec celle acquise dans le domaine des spiraux grâce aux nanotubes de carbone désarrimera le groupe de toute dépendance stratégique. Quant à Guy Sémon et ses équipes scientifiques, elles sont promues à pendre la tête d'un très important pôle de recherches. Mais c'est encore une histoire à écrire (ceci dit, dans un délai assez bref…).

LA ZENITH DEFY LAB ET SON TRÈS LÉGER HABILLAGE Comme si cette innovation technique majeure ne suffisait pas, Zenith, sous l'impulsion directe de Jean-Claude Biver, a décidé de sortir l'oscillateur dans un habit lui aussi révolutionnaire: un boîtier de 44 mm de diamètre réalisé en Aeronith, soit le composite d'aluminium le plus léger au monde – une «mousse de métal à pores ouverts, rigidifiée grâce à un polymère très léger, résistant aux rayons UV», 1,7x plus légère que l'aluminium et 10% plus légère que la fibre de carbone. Une innovation originellement développée par la R&D de Hublot. A priori (et à notre humble avis), ce choix de doubler une innovation par une autre n'est pas forcément le meilleur car il ne met pas suffisamment en valeur la portée sans doute historique de cet oscillateur qui ouvre une nouvelle ère à l'horlogerie mécanique.


ZENITH

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Julien Tornare, les douze travaux de Zenith La marque locloise n’a pas pris le train chinois en route durant la dernière décennie dorée et n’a pas connu la croissance de ses pairs. Aujourd’hui, le nouveau directeur veut profiter de cette «mesure» qui a caractérisé la manufacture quand d’autres cédaient à la folie des grandeurs pour repartir sur des bases saines. Un vœu pieu? Entretien à l’Arcade Europa Star. Par Serge Maillard

Le Genevois Julien Tornare a réalisé toute sa carrière dans le développement des ventes et de marchés pour des marques horlogères. D’abord chez Raymond Weil, puis durant dix-sept ans au sein de Vacheron Constantin, dans un premier temps aux Etats-Unis où la marque était alors au bord de la disparition, puis à Hong Kong où il s’agissait à l’inverse d’amener une maison déjà forte vers de nouveaux sommets. Autant dire que le nouveau directeur de Zenith a vécu de l’intérieur l’essor puis la chute rapide de la demande chinoise. Un atout certain à l’heure où le quadragénaire, nouveau protégé de Jean-Claude Biver, accède pour la première fois à la direction générale d’une maison horlogère et au défi le plus important de sa carrière: redresser Zenith. Pour les insiders, l’affaire est claire: la marque est une pépite horlogère mais le grand public lui, a bien davantage lorgné vers les mastodontes Omega ou Rolex ces dernières années, qui naviguent dans des tarifs similaires. Comment rivaliser? Sur un chiffre d’affaires de 80 millions de francs, la marque en aurait perdu 30 l’an passé, selon Le Temps. Tout est à (re)faire, donc. En même temps, la marque est sans doute l’une de celles dont on parle le plus cette année dans l’écosystème horloger, après être pleinement entrée dans le viseur de Jean-Claude Biver – qui veut y voir le dernier volet de sa trilogie chez LVMH, après avoir veillé sans relâche aux destinées de Hublot et TAG Heuer – et depuis le lancement de la Defy 21 à Baselworld et de la Defy Lab cet automne, censées réinventer la «légende» El Primero. Entretien avec Julien Tornare en deux temps, sur le business puis les nouveautés horlogères.

L’OBJET: Longue-vue

Photographie: Fabien Scotti | Arcade Europa Star

«Cette longue-vue est un porte-bonheur – et une piqûre de rappel, qu’il faut essayer de voir les choses sur le long terme. Ma femme me dit toujours «prends du recul», surtout dans les moments les plus difficiles! C’est elle qui m’a offert cet objet ancien. Lorsque je suis parti de Hong Kong pour revenir en Europe cette année et prendre la tête de Zenith, je l’ai classée parmi les objets nécessaires à ramener en Suisse pour ma nouvelle orientation!»

Business Quel diagnostic posez-vous sur Zenith, quelques mois après votre prise de fonction? J’ai présenté un état des lieux au groupe LVMH: c’est pour moi une magnifique marque du paysage horloger depuis 152 ans, une marque pour laquelle j’ai – comme beaucoup d’insiders de l’industrie – une forte affection; mais derrière tout cela demeure l’impression qu’il n’y a jamais eu de vrai décollage en termes de vente, de marketing et de désirabilité auprès du client final... Il faut absolument trouver la recette pour y remédier. On a un peu l’impression d’entendre ce discours depuis toujours chez Zenith. Or, c’est une marque qui a des atouts, en termes d’histoire et de produits, que d’autres maisons auraient rêvé d’avoir, qui a tout de même eu des dirigeants de qualité – mais ce décollage annoncé depuis longtemps ne s’est jamais produit, durant une décennie pourtant dorée pour l’industrie! Pourquoi? C’est difficile à dire. Il y a un élément qui n’a pas joué en faveur de la marque: beaucoup d’instabilité et de changements à sa tête. Cela n’était rassurant ni pour les détaillants ni pour les clients finaux. Il est essentiel aujourd’hui de rationnaliser la structure de la marque: beaucoup trop de modèles, de références et de calibres ont été lancés. Trop de dispersion, donc. Aujourd’hui, le motclé est la concentration, sur quatre lignes de produits. Nous avons une vision à cinq ans. Et on va s’y tenir, je m’y engage! Tout le monde veut de la stabilité chez Zenith. Un deuxième élément compte. Il y a eu une période durant laquelle les marques horlogères à l’histoire la plus longue sont devenues un peu prisonnières de cet héritage. Cet héritage était peut-être rassurant, mais un peu ennuyeux et poussiéreux... Peu de marques ont en réalité réussi à éviter que leur histoire ne devienne un boulet ou une prison dorée. Mais la décennie «chinoise» dorée a caché la poussière sous le tapis, car les clients chinois découvraient l’horlogerie et ont acheté un peu de tout à


ZENITH toutes sortes de prix, sans poser trop de questions. Un grand nombre de marques très classiques, appartenant au Swatch Group comme à Richemont, ont tellement tiré sur cette corde, celle de leur «héritage» auprès des nouveaux clients chinois, qu’elles en ont oublié leurs clients locaux. Des clients dont les goûts ont entre-temps évolué, qui sont devenus plus contemporains, et qui en même temps exigent des prix en lien avec la valeur réelle du produit. Les clients chinois étaient un mauvais benchmark, car ils pouvaient acheter à des prix délirants. Ces marques-là ont perdu pied avec la clientèle locale. La baisse drastique chinoise a mis un terme à ce système. A l’inverse, d’autres marques qui étaient moins axées sur la Chine ont dû rester fortes avec leur clientèle locale. Elles sont devenues plus contemporaines, plus punchy, plus compétitives, et sont aujourd’hui les grandes gagnantes de cet exercice. Je pense notamment à Audemars Piguet. En même temps, Zenith ne figure dans aucun de vos case studies: elle n’est ni parmi les marques qui ont pris le train chinois en marche, ni parmi celles qui ont développé une image beaucoup plus contemporaine. Nous n’avons pas profité de cela, en effet. Si Zenith avait pris le train chinois, elle ferait sans doute cinq ou six fois le chiffre d’affaires qu’elle fait en Chine aujourd’hui. Mais l’avantage, c’est que nous avons conservé du même coup des prix raisonnables et que nous ne subissons pas comme d’autres des baisses de l’ordre de -40% en Chine. Nous avons raté la première vague de clients chinois mais nous n’en sommes pas prisonniers. Nous allons du coup nous concentrer sur les nouvelles générations d’acheteurs. Nos priorités pour les années à venir seront la Chine, les Etats-Unis et le Japon. En Europe, la plupart des marques vendent énormément aux touristes asiatiques. Donc si vous êtes fort en Asie, vous vendez par définition bien aussi en Europe... La Chine, tout de même, donc vous insistez! Là où d’autres se sont justement cassé les dents, comme vous l’expliquiez... On ne peut pas se permettre d’ignorer le client chinois. Il restera un moteur pour l’industrie horlogère suisse! Vous avez ouvert quelques boutiques en propre – certes beaucoup moins que vos confrères. Aujourd’hui, les détaillants multi-marques sont très affectés, pris en étau entre la concurrence des mono-marques et les ventes en ligne. Quelle est votre stratégie de distribution et votre message à leur intention? Très clairement, nous avons eu un développement bien modéré du modèle de la boutique en propre: nous sommes monté à une douzaine d’ouvertures dans le monde. Aujourd’hui,

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nous en gardons sept, celles qui tournent bien. Beaucoup de marques se sont engouffrées très fortement dans la boutique en propre, portées par la vague chinoise, en souhaitant faire le double de la marge. Ce n’est pas du tout ma stratégie. Car elles ont oublié les détaillants mutli-marques, qui restent très importants, face à des clients qui veulent du choix, un panel et un conseil de la part de personnes plus neutres. Donc je pense que ces détaillants, snobés par des marques qui avaient bien travaillé avec eux auparavant mais qui les ont ensuite court-circuités, doivent revenir au centre de l’arène. Comme je l’avais déjà fait avec Vacheron Constantin aux Etats-Unis, je vais réorienter Zenith sur les meilleurs détaillants multi-marques, qui seront notre priorité pour la distribution. Je vais leur présenter notre stratégie à cinq ans et avancer avec ceux qui le voudront, en leur remettant des marges correctes et en leur permettant de gagner des parts de marché avec nous. Je pense que ces détaillants sont très demandeurs de cela – les meilleurs ont cherché ces dernières années à approfondir leurs liens avec des marques de très haute qualité, face à des stratégies de groupes dont ils n’étaient plus partie prenante. Vous avez aujourd’hui plus de 800 points de vente dans le monde. Concrètement, comment votre approche va-t-elle se mettre en place? Nous allons nous concentrer sur les meilleurs, donc il y aura une réduction globale du nombre de points de vente dans chaque pays. Je pense que nous arriverons rapidement à 600 points de vente. Le lancement de la Defy 21 est un moment-clé pour opérer ce changement. Nous n’aurons de toute façon pas la capacité de livrer ce modèle à tout le monde. Ensuite, nous voulons vraiment donner la priorité à ceux qui ont continué à nous soutenir ces dernières années et qui croient en la marque. Les points de vente «semi-dormants», qui n’ont gardé Zenith que parce que c’était un nom ou une manufacture de plus dans leur catalogue, sans soutien fort à la vente, seront progressivement écartés. C’est de bonne guerre. A un moment, il faut faire un minimum de chiffre pour pouvoir travailler ensemble. Quelle va être votre approche du web et du e-commerce, un thème qui fait «bouillonner» le groupe LVMH comme Jean-Claude Biver – et toute l’industrie horlogère? C’est un incontournable: nous devons évoluer vers le e-commerce. La question, c’est comment et à quel rythme. Longtemps, l’industrie horlogère ne croyait pas possible de vendre des produits de luxe en ligne. Aujourd’hui, les chiffres nous prouvent le contraire. Nous en sommes encore aux balbutiements. Tout est à faire. Nous travaillons déjà avec des pure players, comme Mr. Porter ou Hodinkee pour la vente en ligne.

Le second volet concerne les détaillants. Certains sont plus dynamiques que d’autres en ligne. Aujourd’hui, nous sommes à l’étape où il faut officialiser la vente de montres sur internet avec ceux qui disposent de leur plateforme de e-commerce. Le troisième volet est le lancement de notre propre plateforme de e-commerce. Nous sommes en train de plancher sur ce projet. Il existe au fond deux manières d’opérer. Soit de manière très conventionnelle en mettant toute sa collection horlogère en ligne; mais avec cette approche, une marque ne vendra pas grandchose, sans rabais ni le service qu’on trouve en boutique. Nous devons travailler sur une autre approche, avec des éditions limitées et une expérience spéciale en ligne. Mais c’est vraiment le début. A terme, cela va-t-il transformer en profondeur votre marque? On met beaucoup de poids et de connotation dans le mot de «e-commerce», mais ce sont parfois des pratiques que l’on fait déjà sans le savoir. Au fond, quelle différence aujourd’hui entre le fait de vendre directement en ligne, pour un détaillant, ou ce qui existe déjà, avec des clients qui téléphonent au magasin pour commander une montre et se la faire livrer à domicile? Un autre élément fondamental pour l’industrie est le «pricing». Internet entraîne beaucoup plus de transparence sur les prix, et d’exigences et contestations de la part du consommateur. Nous avons l’avantage de

ne pas avoir exagéré sur ce point du fait du marché chinois. Notre prix moyen se situe autour de 7'000 francs. Nos concurrents directs dans notre catégorie de prix sont des marques de masse, alors que nous produisons 22'000 montres par an, avec une notion d’exclusivité. On doit travailler sur la reconnaissance de cette qualité. Mon problème ne concerne pas les connaisseurs mais ceux qui n’ont pas conscience du potentiel de Zenith, car elle n’est pas encore assez «glamour».

Produits Quel bilan intermédiaire tirezvous de la Defy 21 présentée à Baselworld? Je vais vous donner une information assez confidentielle: presque la moitié de ce qu’on a vendu aux détaillants à Bâle était déjà pré-vendue à des clients finaux, alors que la montre n’était pas encore arrivée sur les comptoirs. Chez Zenith, ce n’était plus arrivé depuis longtemps! Votre icône est la El Primero, qui peut aussi être considérée comme une «prison dorée». Quelle va être sa place dans vos futures collections? Au niveau global, nous avons réduit notre offre à quatre collections très claires. Deux s’inscrivent dans le côté plus classique et patrimonial de la marque: l’Elite et la Chronomaster. Mais comme nous voulons être innovants et ne pas que répéter le passé,

nous nous inspirons de ce que l’on a fait pour aller dans le contemporain. Avec d’une part la Pilot, que nous ne produisons pas beaucoup mais avec laquelle nous avons enregistré les meilleurs résultats, bien que ce soit du vintage... car paradoxalement le vintage est à la mode et contemporain! Et l’autre volet contemporain, c’est la Defy, avec la réinvention systématique de l’El Primero pour passer au 21ème siècle. Après la Defy 21 au 1/100ème de seconde, la Defy Lab est le deuxième chapitre de cette refonte de l’icône... Un oscillateur complètement nouveau: nous révolutionnons le système de l’échappement et du pendule de Christiaan Huygens de 1675 pour créer la montre mécanique la plus précise du monde, avec une seconde de variation par 24 heures, une réserve de marche de 60 heures et surtout il n’y a pas de perte d’amplitude. Nous garantissons la constance de cette seconde par 24 heures. Grâce à un nouveau disque en silicium, il n’y a plus de friction, plus d’huile, plus de frottement: nous éradiquons les pires ennemis de l’horloger en restant dans le domaine mécanique! Pas moins de 31 pièces sont remplacées par une pièce. Par ailleurs, nous avons développé avec le nouveau pôle R&D horloger du groupe LVMH un nouvel aluminium ultra-léger qui est un composite d’aluminium et de polymère, comme le principe d’une éponge mais avec des trous remplis de polymère...

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TISSOT

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Tissot, l'automatique du peuple ce n'est pas notre ADN», explique François Thiébaud. Son aspect est tel qu'il sera impossible de confondre le dos d'une Tissot et d'une Sistem51.

DR

Puissance industrielle

Le calibre Swissmatic fourni par ETA à Tissot lui permet de franchir de nouveaux seuils de prix dans l’horlogerie mécanique. Sans sacrifier la qualité. Portrait d'un mouvement stratégique. Par David Chokron

Les chiffres sont confirmés verbalement. Tissot fabrique plus de quatre millions de montres par an, toutes Swiss made, et parmi elles, la moitié au moins est équipée de mouvements mécaniques. Au vu des tarifs que pratique la marque locloise depuis toujours, cela confirme sa vocation de démocratisation de l’horlogerie suisse. Elle s’apprête à se renforcer avec l'introduction d'un mouvement déjà utilisé par Swatch, fabriqué en Suisse, très économique et automatique, le Swissmatic. Il permet à la marque d'offrir une sacrément bonne affaire. En effet, une montre de la gamme EveryTime équipée d'un calibre Swissmatic, d'un boîtier acier 316L, glace et fond saphir et bracelet en cuir, sera facturée juste sous les 400 francs. Dans un second temps, ce mouvement sera inclus dans d’autres gammes, certainement sportives.

Intelligence industrielle Malgré ces ambitions, le Swissmatic ne lésine pas sur la prestation. Automatique, avec date, affichant une précision comprise entre -7 et +7 secondes par jour et jusqu'à 3 jours de marche, il fait bien mieux que ses concurrents directs produits par les japonais Miyota (filiale de Citizen) et Seiko. On retrouve là une habitude de Tissot, qui propose déjà à petit prix le mouvement Powermatic 80, un automatique à 80 heures de marche.

Ces propositions reposent sur l'appartenance de Tissot au puissant système de fabrication industrielle qu'est le Swatch Group. «C'est une chance pour Tissot d'appartenir au Swatch Group. Cela nous donne un accès spécial à ETA et à l'outil de modernisation industrielle qui a été mis en place pour la Swatch», déclare François Thiébaud, directeur général des montres Tissot. En effet, le Swissmatic est une légère évolution du mouvement qui a tant fait parler de lui quand a été présentée la Swatch Sistem51, l'ETA C10.111.

Mais le Swissmatic diffère de son homologue. Sa masse oscillante est en métal, soleillée et gravée. Plus lourde, elle peut se permettre d’être plus petite. Le disque de date n'est pas en plastique et son barillet est semi-ouvert. Enfin, ses surfaces planes seront sobrement noires, à l'inverse des jeux de couleur typiques de Swatch. «L'apparence du mouvement sera traditionnelle. Y mettre de la couleur,

Cette adoption est d’importance, pour Tissot et pour l'industrie horlogère. Pour la marque locloise, elle permet d’ouvrir un nouveau front sur le marché de la montre mécanique à bas prix, sans rogner sur les prestations, tout en affichant une origine Swiss made. Le prix élevé de ce label est largement lié au coût de la main d’œuvre, facteur amorti ici par l'automatisation. Pour l'industrie horlogère en général, l'arrivée de ce mouvement dans une marque qui n'est pas connotée jetable comme Swatch prouve que les méthodes d’industrialisation nouvelles du Swatch Group sont un succès. Et qu'elles montent en puissance. Car la ligne d'assemblage mise en place à Boncourt est désormais capable de satisfaire deux acteurs gourmands, dont les besoins se chiffrent en centaines de milliers d'unités par an. Avec ces volumes et à ces prix, le produit fini ne peut souffrir de défaut. C'est une chose que d’équiper

Volumes industriels D'autre part, la preuve est faite, s'il en était encore besoin, que l’horlogerie suisse n'est pas que traditionnelle. Que les méthodes de fabrication de calibres à quartz sont transposables au mouvement mécanique. Qu'il existe une alternative au réglage à la main. Bref, que la vision que la montre suisse a d'elle-même, ancrée dans la perpétuation, le paysage de montagne et l'emploi qualifié relève de la carte postale. Même le bastion de qualité et d'image qu'est le mouvement mécanique est entré dans ce que le Swatch Group qualifie d' «industrie 4.0».

Une montre de la gamme EveryTime équipée d'un calibre Swissmatic, d'un boîtier acier 316L, glace et fond saphir et bracelet en cuir, sera facturée juste sous les 400 francs.

Conception industrielle Comme lui, il est assemblé dans une usine ETA de Boncourt, dans le Jura, en salle demi-blanche, sur une ligne de production entièrement automatisée. Comme lui, il est soudé et riveté, et ne comporte qu'une seule vis. Comme lui, son organe réglant ne comporte pas de régulateur mais est ajusté à coups de laser, qui modifient le comportement du balancier pour atteindre des résultats chronométriques standards. Comme lui, il est principalement fait d'ARCAP, un laiton hautement usinable, et de plastique. Ancre et roue d'ancre, ponts, Tissot utilise déjà plusieurs calibres ETA dotés de pièces mobiles critiques en matières synthétiques. Cette quête, l'institution locloise l'avait initiée dès les années 1970 avec le lancement de montres tout en plastique, alors matériau du futur, nommées Idea 2001 et Astrolon.

des Swatch avec un calibre mécanique, aussi malin et avancé soit-il: une Swatch Sistem51 ne s'ouvre pas et donc, ne se répare pas, comme l'a prouvé Europa Star dans son article, «Désosser la Sistem51». Elle s'échange. C'en est une autre de le loger dans une marque qui revendique la longévité. Une Tissot est construite de manière classique. Elle doit donner accès à ses organes internes sans difficulté, ni cicatrice. «Les montres avec un Swissmatic reflètent le savoir-faire suisse. Elles seront toujours réparables», confirme François Thiébaud.

Tissot Everytime Swissmatic PVD or rose, la plus habillée.

A la clé, une perspective nouvelle pour la montre, mais déjà omniprésente dans d’autres industries, comme l’automobile. «La voiture que j'ai achetée l'année dernière était 30% moins chère que celle, équivalente, que j'ai achetée il y a 10 ans. Elle est plus performante et mieux équipée. L'industrie automobile utilise des plate-formes communes, modulaires. Cela augmente la qualité, la performance, l'autonomie et cela baisse les prix, comme chez Tissot», conclut François Thiébaud. En parallèle, la marque prévoit une campagne de lancement internationale d'envergure, à la hauteur de ses ambitions pour ce mouvement. Car la clé de voûte de l'édifice Tissot reste le volume, le volume, et toujours le volume.


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TISSOT

18 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Désosser la «génialement rudimentaire» Swissmatic Comme nous l'avions fait en 2014 avec son ancêtre la Swatch Sistem51, nous avons désossé la Swissmatic de Tissot pour mieux comprendre ce qui se cachait dans son «coffre» et quelles évolutions techniques ont été apportées par rapport à la Sistem51. Denis Asch a sorti sa science, ses instruments de mesure et ses outils d'horloger. Par Pierre Maillard et Denis Asch, horloger

Première étape, tester la marche de la Swissmatic. La montre a belle allure classique, un cadran sobre et légèrement vintage, des aiguilles fines. Elle est légère et agréable à porter même si le fermoir du bracelet métallique est basique et assez difficile à manipuler d'une seule main. Par ailleurs, l'épaisseur de son boîtier (12 mm) semble bien épaisse par rapport à la simplicité annoncée du mouvement. Mais à ce prix-là, on ne peut sans doute guère demander plus.

Le mouvement n'offre pas de stop-seconde, et donc l'aiguille des secondes joue à saute-mouton quand on règle l'heure. Nous sommes impatients de l'ouvrir. Mais nous auscultons d'abord avec un appareil de mesure Lepsi la marche de la montre, remontée à fond, à zéro heure. L'amplitude est assez instable selon les différentes positions, mais surtout anormalement basse dans les positions verticales, variant de 210° à 240° (à la limite de la tolérance minimum, après 24h). Quant à la marche, elle aussi est tout à fait correcte, voire bonne, variant selon les positions entre – 4 sec./jour et + 2.5 sec./jour, pour une moyenne de – 2 sec./jour. Soit un delta de 6,5 sec, ce qui n'est pas loin du COSC. Denis se montre assez impressionné. «Ça fait peur… lâche-t-il même, car si l'on parvient à ce résultat avec une montre intégralement produite et montée par des robots, que va devenir l'horlogerie traditionnelle?»

Le pont intégré unissant pont de barillet et pont de rouages

Nous la posons sur la table d'opération et nous ouvrons le fond. La tâche n'est pas si aisée car il manque une encoche, mais nous y parvenons. A l'ouverture, on découvre un cercle d'emboîtage particulier, en plastique «high tech synthetic», la masse oscillante métallique et, au centre l'unique vis promise. On la dévisse, on ôte la masse qui est sur roulements à billes et on découvre un seul pont qui réunit sur un seul plan pont de barillet et pont de rouages, visiblement en laiton traité noir. Après avoir facilement ôté la couronne, on retourne la montre pour ôter les aiguilles – «elles sont très droites, polies, nettes, bien finies, même vues à la loupe», remarque Denis. On passe au cadran. Il s'enlève très facilement, simplement soutenu par deux pieds posés directement dans le cercle d'emboîtage. Ce cadran est fermement maintenu quand la pièce est intégralement emboîtée. Puis on cherche à enlever le cercle d'emboîtage en plastique. La tâche n'est pas aisée et Denis éprouve quelques difficultés. Il n'y a pas de vis, mais y a-t-il un «truc»? Une astuce quelconque? On finit par y parvenir en forçant le cercle et en le chassant. «Tout sauf de l'académique», remarque Denis qui y a passé presque un ¼ d'heure.

Le mouvement est enfin tout nu et on remarque tout de suite que le pont de minuterie est exactement pareil à celui du Sistem51. C'est bel et bien un descendant direct. Côté rouages, on constate immédiatement qu'il n'y a effectivement aucune vis. Les ponts, dont l'épaisseur est minimale, sont apparemment soudés sur 3 petits pieds. Face à un mouvement «normal», Denis devrait désarmer le barillet via un cliquet pour pouvoir accéder aux rouages. Mais dans le cas qui nous occupe, rien ne permet de le faire. On procède donc autrement et on parvient à enlever sans causer trop de dégâts ce qui ressemble au coq. Mais ici, coq et pont d'ancre sont intégrés, ainsi qu'ancre, roue d'ancre et balancier. Tout comme le pont de rouages et le pont de balancier. Et tout comme dans la Sistem51, le piton est soudé côté platine et le balancier est disposé à l'envers, solidaire de celle-ci.

Le cercle d'emboîtage

Glace saphir

Verre minéral La masse oscillante métallique

L'unique vis


TISSOT

EUROPA STAR PREMIÈRE | 19

On observe que l’échappement et la roue d’échappement sont en matière synthétique, sans palettes traditionnelles en rubis. Cela confirme l’impossibilité d’un réglage fin et traditionnel de l’échappement.

En ôtant le pont central en forme de fer à cheval, on découvre le rouage du centre et la roue moyenne. Puis, on ôte assez facilement le pont de rouages, un peu plus épais que les autres mais qui est simplement tenu par des petits pieds.

Coq

Rouages de l'automatisme

Echappement en «high-tech synthetic»

Pont central en forme de fer à cheval

On découvre alors le barillet qui lui aussi est assez rudimentaire. Le couvercle qui le ferme fait office de roue qui le relie au système d'automatisme et qui permet de le remonter. «C'est techniquement très malin, observe Denis, c'est d'une grande logique qui va dans le sens de la réduction maximale du nombre de rouages.» On ôte ensuite la partie minuterie qui se démonte côté rouages, alors que normalement le mobile de minuterie se démonte côté cadran. Mais ici, et c'est ce qui frappe le plus, tout est inversé et regroupé de façon à ne nécessiter que le minimum d'interventions. Au passage, nous notons aussi que l'axe de barillet est un simple pivot chassé dans la platine. Quant au balancier, comme il est lui aussi inversé, le côté coq – avec un Incabloc ou son équivalent – fait partie intégrante d'un pont riveté sur la platine.

Barillet ouvert et son axe

On retourne la montre côté cadran et on ôte le disque de date. Comme ailleurs, tout ici est soudé ou riveté. Une fois ce disque ôté, on constate effectivement que l'axe du barillet, qui doit tourner librement, peut facilement être démonté.

Pinion roue des heures

Elément du train de rouages

Roue d'échappement en «high-tech synthetic» Pont de rouages

Roue de seconde et troisième roue Date rapide Roue de centre

Pont du train de rouages

Au bout du compte... Voilà, toutes les pièces qui constituent le mouvement de la Swissmatic sont séparées et disposées devant nous. «Quand Tissot annonce que cette montre est«réparable», c'est façon de dire. Car oui, contrairement à la Sistem51 on peut l'ouvrir par le fond. Et c'est pratiquement la seule évolution technique par rapport à la Sistem51. Mais aller réparer le mouvement est une autre chose car obligatoirement, comme nous venons de le voir, il faut plier des pièces, les endommager quelque peu, les dessertir… «Réparable» doit s'entendre dans le sens «d'interchangeable»: on peut ôter le mouvement «à réparer» et le remplacer tout simplement par un autre! Car le prix de la montre ne dépend sans doute pas tant de celui du mouvement que de son habillage.

Denis Asch est assez impressionné: «C'est génialement rudimentaire!, s'exclame-til. Beaucoup de pièces sont montées à l'inverse de l'horlogerie traditionnelle, c'est très malin, très ergonomique. Et ça fonctionne. Des 'mains' auraient pu y penser, avant la robotisation. Ils ont trouvé la meilleure façon d'intégrer au maximum le mouvement. Vu de l'extérieur, ça semble pareil mais grâce à cette inversion des systèmes on parvient à une grande simplification du montage. Et le réglage est relativement bon pour une telle intégration. Il n'y a que le Swatch Group avec sa puissance industrielle qui pouvait parvenir à faire fonctionner un système aussi rudimentaire – dans le bon sens du terme. Et on imagine très bien que ce système pourrait s'appliquer à des mouvements plus fins, ou inclure d'autres complications que la date. C'est une simple question de rouages mais

théoriquement on pourrait très bien développer sur cette base un Quantième Perpétuel, un Calendrier Annuel pourquoi pas? Ou un chronographe, ou tout autre complication. Ce Swissmatic ouvre des perspectives intéressantes et pose des questions fondamentales. Ça fait un peu peur pour l'horlogerie traditionnelle… répète-t-il. Ça peut en déstabiliser certains. Car le client final s'en fiche de l'amplitude. Il veut simplement que ça donne l'heure exacte. Mais ceci dit, il faudrait voir comment ça fonctionne à long terme…» Et ça, peut-être seuls les robots qui la fabriquent savent combien de temps la Swissmatic fera tic et tac.

Disque d'ajustement de la date

Balancier et son «support»: le balancier étant monté à l'envers, il n'a pas de pont.


LES 72 MONTRES NOMINÉES

20 | EUROPA STAR PREMIÈRE

DAME

HAUTE MÉCANIQUE POUR DAME

Royal Oak Frosted Gold

Première Squelette Camélia

CHANEL

CHOPARD Imperiale Moonphase

Petite Lange 1 Phases de Lune

Complication Créative Colombes

CHAUMET

Girard-Perregaux Cat's Eye Celestial

PARMIGIANI FLEURIER Tonda Métropolitaine Sélène Galaxy

URWERK UR-106 Flower Power

FIONA KRÜGER TIMEPIECES Petit Skull (Celebration) "Eternity"

GRAFF Mastergraff Floral Tourbillon

CLAUDE MEYLAN Tortue "Petite Fleur"

VAN CLEEF & ARPELS Lady Arpels Papillon Automate

AUDEMARS PIGUET

A. LANGE & SÖHNE

CHRONOGRAPHE

HOMME

VOUTILAINEN 28ISO Email

Lange 1 Phases de Lune

A. LANGE & SÖHNE

GRAND SEIKO Réédition de la première Grand Seiko

BVLGARI Octo Finissimo Automatique

GREUBEL FORSEY Signature 1

HERMÈS Slim d'Hermès L'heure impatiente

TOURBILLON ET ECHAPPEMENT

TAG HEUER Autavia

SINGER REIMAGINED

Singer Track 1

FABERGÉ

LONGINES The Longines Avigation BigEye

MONTBLANC 1858 Chronograph Tachymeter Limited Edition 100

PARMIGIANI FLEURIER Tonda Chronor Anniversaire

Fabergé Visionnaire Chronograph Ceramic

CALENDRIER

BVLGARI

HALDIMANN Central Balance Pure H12

D. CANDAUX 1740 -The First 8

ZENITH Chronomaster El Primero Grande Date Full Open

A. LANGE & SÖHNE 1815 Quantième Annuel

DELMA Klondike Moonphase

ULYSSE NARDIN Marine Tourbillon

LOUIS MOINET Mobilis

AUDEMARS PIGUET Royal Oak Offshore Tourbillon Chronographe

KRAYON Everywhere - Universal Sunrise & Sunset

GREUBEL FORSEY QP à Équation

AUDEMARS PIGUET Royal Oak Quantième Perpétuel

Octo Finissimo Tourbillon Squelette


GRAND PRIX DE L'HORLOGERIE DE GENÈVE 2017 FUSEAUX HORAIRES

EUROPA STAR PREMIÈRE | 21

EXCEPTION MÉCANIQUE

FRÉDÉRIQUE CONSTANT LOUIS VUITTON Classic Worldtimer Manufacture Escale Time Zone Blue

CZAPEK GENÈVE Tourbillon Suspendu "Ici et Ailleurs"

Planetarium Tri-Axial

Tourbograph Perpétuel "Pour le Mérite"

A. LANGE & SÖHNE

AUDEMARS PIGUET Jules Audemars Répétiton Minutes Supersonnerie

HUBLOT Big Bang Unico GMT

PARMIGIANI FLEURIER Toric Hémisphères Rétrograde

CHOPARD L.U.C Full Strike

ARMIN STROM Mirrored Force Resonance

VACHERON CONSTANTIN Les Cabinotiers Celestia Astronomical Grand Complication 3600

GRAND SEIKO

ULYSSE NARDIN Marine Regatta

MB&F Horological Machine n°7 Aquapod

TUDOR Pelagos LHD

HUBLOT Techframe Ferrari Tourbillon Chronograph

MONTBLANC – TimeWalker Chronograph Rally Timer Counter Limited Edition 100

MANUFACTURE ROYALE ADN disque sautant

PETITE AIGUILLE

SPORT

Arceau TGM Manufacture

Black Bay Chrono

TUDOR

HABRING² Erwin

BVLGARI Octo Roma

SEIKO Réédition de la première montre de plongée - Édition limitée

LOUIS VUITTON Tambour Moon GMT Noire

HERMÈS

GIRARD-PERREGAUX

Montre de plongée Hi-Beat 36000 Professional 600 m

MÉTIERS D’ARTS

JOAILLERIE

CHAUMET Frise Divine

PIAGET Manchette Hide & Seek

AUDEMARS PIGUET Diamond Outrage

VOUTILAINEN Aki-No-Kur

CHOPARD L.U.C XP Esprit de Fleurier Peony

PIAGET Altiplano Art & Excellence Marqueterie de Plumes

CHANEL Montre à Secret Les Éternelles de Chanel Camélia

BULGARI Serpenti Misteriosi Haute Horlogerie

CHOPARD Montre Lotus Blanc

KONSTANTIN CHAYKIN Joker

HERMÈS Slim d'Hermès Promenade de Longchamp

VACHERON CONSTANTIN Métiers d'Art Copernic sphères célestes 2460RT


SUIVI

22 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Maurice lacroix, la fin du grand écart C’est un cas d’école de la révolution de l’industrie horlogère qui a commencé dans les années 2000. Maurice Lacroix, l’exemple même de la marque indépendante à succès, de celles auprès desquelles on s’achète sa première «belle montre», est fortement montée en gamme durant ces années dorées, lançant sa propre verticalisation. Une stratégie d’abord couronnée de réussite mais qui s’est ensuite retournée contre elle. Aujourd’hui, Maurice Lacroix «revient à ses fondamentaux», en jouant sur le rapport qualité-prix, afin de séduire notamment les classes moyennes, des thèmes que nous avons longuement abordés dans nos deux premiers dossiers de cette année. Et pour une fois, l’expression n’est pas usurpée. Car si l’on se coupe de ses racines, on risque de perdre son âme – voire ses clients... Le temps est venu de réagir!

Par Serge Maillard

«Voilà notre plan: rester exactement là où nous sommes! Objectif consistance et continuité!» David Sanchez, le responsable produits de Maurice Lacroix, a désormais une feuille de route bien précise, à laquelle il entend se tenir: être le champion de la «valeur perçue» sur le segment 1’000-3'000 francs. Positionnée à ses origines dans l’entrée de gamme, la marque a voulu se profiler plus haut de gamme, et revient maintenant à des produits aux tarifs beaucoup plus abordables. Le responsable fait contre mauvaise fortune bon cœur: «Nous avons beaucoup appris avec notre passage dans le haut de gamme et nous l’appliquons à notre production actuelle. Nous nous concentrons sur nos modèles-phares Aikon et Pontos. Nous réduisons aussi le nombre de références: nous sommes déjà passés de 380 à 250 références et notre objec-

Cet article fait suite aux récents dossiers sur LE PRIX (Europa Star Time.Business 1/17) et la CLASSE MOYENNE (Europa Star Time.Business 2/17)

tif à long terme est de parvenir à une collection d’environ 180 montres.» Un grand exercice de repositionnement stratégique, pour retrouver un élan commercial. Les leçons ont été tirées: Maurice Lacroix est une marque de volume, qui doit se battre essentiellement sur le rapport qualité-prix. Alors, surprendre oui, mais autrement: «Nous voulons que les clients prennent l’Aikon en mains et se disent «quoi, seulement!» lorsque le détaillant leur annonce qu’elle coûte 850 francs.»

Success story originelle Née en 1975 à Saignelégier dans le canton du Jura, en pleine révolution du quartz, Maurice Lacroix a été créée par Desco von Schulthess, une société zurichoise qui produisait des

montres en private label pour l’industrie horlogère. Depuis 1989 et le rachat de Queloz, la marque devient autonome dans la fabrication de boîtiers. Maurice Lacroix s’affirme progressivement comme une marque indépendante réputée, maîtrisant une grande partie de la production à l’interne, en pleine dynamique de croissance et de conquête de marchés internationaux. Son bastion historique est l’Allemagne. «Ce qui a fait le succès de Maurice Lacroix dans les années 1990 et au début des années 2000, c’était le bon produit pour le prix, souligne le directeur général Stéphane Waser. Nous devions nous battre car nous n’étions pas une puissance marketing, mais nous représentions souvent le insider tip des détaillants auprès des clients.» Entre 1990 et 2003, la Calypso (dont s’inspire le modèle Aikon) se révèle être la collection à plus gros succès de l’histoire de la marque, en termes de volumes écoulés. Au début des années 2000, changement de cap: décision est prise, sur un marché porteur, d’ancrer Maurice Lacroix également dans un créneau plus haut de gamme. Cela passe par de gros investissements qui aboutissent à un premier mouvement manufacture, lancé en 2006. La marque ne cesse d’innover et sort des propo-


SUIVI

DR

EUROPA STAR PREMIÈRE | 23

sitions très marquantes tant sur le plan esthétique que technique, qui atteindront des sommets avec le lancement de l’engrenage à roue carrée, de l’alliage Powerlite ou d’un échappement en silicium. La collection Masterpiece est alors la pierre angulaire de Maurice Lacroix. Toutes les planètes semblent alignées.

DKSH et l’ambition asiatique En 2008, Maurice Lacroix cède ses droits de distribution en Asie au géant du négoce international zurichois DKSH (plus de 10 milliards de francs de chiffre d’affaires). Celuici rachètera la marque trois ans plus tard, en plein boom du commerce

horloger vers la Chine. «C’était un mariage de raison, rappelle Stéphane Waser. DKSH est le grand spécialiste de la distribution en Asie et Maurice Lacroix avait vocation à se développer en Extrême-Orient.» En 2014, de sombres nuages assombrissent néanmoins le ciel asiatique, pour les marques de luxe. C’est le début de la fin des «années folles» pour l’industrie horlogère en Chine et ce n’est d’ailleurs que depuis ce début d’année que les exportations suisses semblent retrouver le chemin d’une croissance beaucoup plus modérée. DKSH, dont l’horlogerie n’est pas le cœur de métier, se décide assez rapidement à vendre la marque, ce qu’elle annonce dès l’été 2015, mais qui n’a pas encore été concrétisé. «Maurice Lacroix

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est une entreprise de grande valeur et – surtout – une marque précieuse. DKSH ne vendra pas sous sa valeur», pointe Stéphane Waser. Le scénario idéal pour la marque serait la reprise par un investisseur dont le métier premier est l’horlogerie. Entre-temps, DKSH a vendu Glycine, son autre marque horlogère, à Invicta Watch Group. Il a aussi mis un terme à son engagement dans une coentreprise avec Zino Davidoff. Le fabricant de boîtiers Queloz est lui aussi à remettre. La Manufacture des Franches-Montagnes, qui faisait également partie du petit pôle horloger mis en place par DKSH, cesse elle son activité cette année.

Revenir à la gloire d’antan? Comme un arbre après la tempête, Maurice Lacroix compte à présent sur les racines qui lui restent pour renaître. Plus modeste, l’entreprise fait aujourd’hui face à un défi de taille: peut-elle revenir à sa gloire d’antan? Car d’autres ont, entretemps, profité du «vide» laissé dans son créneau traditionnel par ce champion historique de la montre accessible.

«L’Aikon doit être 15% à 20% moins cher que les modèles auxquels on la compare. Comme nous n’avons pas les budgets marketing de nos concurrents, nous nous devons d’être ultra-compétitifs pour sortir du lot.» Longines, TAG Heuer, Frédérique Constant, Raymond Weil ont pris racine, en partie, sur le terrain déserté par la marque de Saignelégier. Maurice Lacroix revient néanmoins en ordre de bataille, souligne Stéphane Waser: «Avec les multiples changements stratégiques, nous avons gagné énormément d’expérience concernant les dynamiques des différents segments de prix dans l’horlogerie» Une compétence-clé en particulier est développée depuis deux ans: l’habillage, dans le but d’augmenter la valeur perçue. «Nos atouts demeurent: nous avons dé-

veloppé 14 mouvements maison, nous sommes la marque Swiss made la plus primée par les prix de design Red Dot Awards et nous sommes représentés dans 2'200 points de vente dans 65 pays.» Déjà, la marque reconsidère ses collections quartz, qui avaient été délaissées: si elles ne représentaient encore que 40% des ventes il y a trois ans, l’objectif est de croître à 50% dès cette année. «Même en Asie, nous imposons à nos détaillants de proposer l'Aikon et le quartz s’y vend bien, alors qu’on pensait que c’était surtout un marché pour l’horlogerie mécanique. Nos clients cherchent des montres classiques, passe-partout, polyvalentes. Bref, la casual watch.» L’accent est mis sur le réseau retail. Le sponsoring du FC Barcelone n’a quant à lui pas été reconduit. «Notre ambition maintenant, que ce soit dans le quartz ou le mécanique, c’est d’être toujours parmi les premiers choix au niveau du prix. L’Aikon doit être 15% à 20% moins cher que les modèles auxquels on les compare. Comme nous n’avons pas les budgets marketing de nos concurrents, nous nous devons d’être ultra-compétitifs pour sortir du lot.»


CULTURE HORLOGÈRE

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Des liens inattendus entre la montre et... …le tournebroche Aujourd’hui, les horlogers essaient à tout prix de s’attacher les services, la clientèle et l’image des plus grands chefs du monde. Mais quel est donc le premier appareil mécanique ayant fait son entrée dans une cuisine? Le tournebroche – bien avant l’horloge de cuisson... Les deux univers partagent de surprenants points communs. Explications détaillées. Par Dominique Fléchon, expert auprès de la Fondation de la haute horlogerie, genève

Depuis toujours de nombreuses similitudes confèrent aux horloges et aux tournebroches mécaniques un air de parenté évident. Techniquement, chacun se compose d’un rouage à régulateur entrainé par un poids moteur dont ni les inventeurs ni les lieux d’origine ne sont connus. Quant au secret de leur longévité respective, il réside dans les nombreuses améliorations apportées à chacun.

La cuisson à la broche Par définition, le tournebroche est un appareil destiné à la cuisson d’un animal entier ou partiellement découpé (volaille, mouton, porc, bœuf, gibier) en le faisant tourner sur une broche à rôtir. Celle-ci est actionnée manuellement par l’intermédiaire d’une manivelle ou par un animal enfermé dans une cage dite d’écureuil, un mécanisme d’horlogerie à poids, à ressort ou à air chaud, une roue à godets hydraulique ou, de nos jours, un moteur électrique. Dans tous les cas, la rotation ni trop lente ni trop rapide de la broche doit être aussi régulière que possible afin d’obtenir une cuisson homogène. Les plus anciennes citations du tournebroche apparaissent dans Le Viandier, l’un des premiers livres de cuisine rédigé dans le courant du 14ème siècle par Guillaume Tirel, chef cuisinier des rois de France Charles V et Charles VI plus connu sous le nom de Taillevent. La page de couverture de l’une des éditions originales est ornée d’un appareil composé d’une broche horizontale munie à l’une de ses extrémités d’une manivelle, à l’autre d’une roue dentée reliée à une tige verticale. Cette dernière se termine par des sphères semblant constituer un régulateur à boules dont le principe figure déjà dans un codex de Francesco di Giorgio Martini.

Vivre une vie de chien... A la fin du Moyen âge, l’usage du tournebroche se développe. D’un coût élevé, il restera toutefois aux 16ème et 17ème siècles un instru-

ment de prestige que la noblesse montrera à ses invités au même titre que sa galerie de portraits. Pour cette raison, les systèmes non horlogers perdureront jusque dans le courant du 19ème siècle. Parmi eux, le tournebroche dit à ficelle rappelle le balancier à torsion des pendules «400 jours». Il se compose d’une corde ou d’une chaine sur laquelle la viande est embrochée. Suspendue au manteau de la cheminée, elle est lestée d’une pierre faisant office de volant d’inertie. Une torsion de l’ensemble provoque un mouvement alternatif vite amorti ce qui conduit à des relances fréquentes préjudiciables à la qualité de la cuisson. Le système est remplacé par des enfants et des chiens. Les premiers, surnommés au Moyen âge «happelopins» puis «galopins», tournent la broche à la main. Les seconds assurent leur mission harassante en courant inlassablement dans un tambour dit cage d’écureuil construit à l’image des premières grues de levage. Ainsi nait l’expression «vivre une vie de chien».

Automatisation proche des mécanismes horlogers C’est au cours de la Renaissance, période férue de mécanique, que l’on songe à automatiser le tournebroche. Dans son Journal du voyage de Michel de Montaigne en Italie par la Suisse et l’Allemagne, l’écrivain de passage en 1580 dans le village tyrolien de Brixen décrit deux types de rôtissoires, l’un dérivé de l’horloge à poids moteur et régulé par un volant, l’autre à air chaud. Ces deux principes correspondent aux schémas du Codex Atlanticus (folio 21) composé par Léonard de Vinci un siècle auparavant. Proche des mécanismes de sonnerie des horloges de clocher, le tournebroche à mouvement d’horlogerie se compose d’une corde à l’extrémité de laquelle est accroché le poids moteur. Elle s’enroule sur un tambour terminé par une roue dentée engrenant un volant régulateur au moyen de pignons, de roues et d’une vis sans fin. Par un jeu de poulies et de chaines de transmission, l’appareil entraîne une ou plusieurs broches à rôtir selon les modèles. Souvent,

un système sonore automatique indique le moment propice au remontage du poids. Improprement appelé «à fumée», le tournebroche à air chaud est constitué d’une roue à palettes qui fait tourner une broche à rôtir par l’intermédiaire de divers organes de transmission et de démultiplication. Cette roue installée dans la cheminée est mise en rotation d’une manière assez régulière par la force ascensionnelle de l’air chauffé par le foyer. Toutefois, l’encrassement du mécanisme dû aux fumées et la faiblesse du courant d’air ne permettent pas de rôtir des pièces de viandes importantes.

Les horlogers s’attaquent au tournebroche Dès le 16ème siècle la fabrication des tournebroches est le domaine des horlogers. Ceux de Nuremberg, bien que spécialisés dans la réalisation d’horloges de clochers, le font figurer dans leurs armoiries, preuve qu’il constitue l’essentiel de leurs revenus. Les rôtissoires à poids et à air chaud sont complétées par celles à ressort et fusée utilisées à partir de la seconde moitié du 15ème siècle. Cette prouesse horlogère, compte tenu de l’époque, sera ultérieurement représentée avec précision dans l’ouvrage du cuisinier Bartolomeo Scappi intitulé Opera et paru à Venise en 1570. A partir du 16ème siècle et bien que le tournebroche n’évolue guère, ses transmissions et démultiplications sont améliorées afin de parfaire sa régularité et accroître ses capacités de cuisson, tant en nombre qu’en poids des pièces. Enfin, il est doté de systèmes d’arrosage automatiques des rôtis. En 1792, l’américain John Baley obtient un brevet pour un tournebroche à vapeur semblable à celui décrit en 1551 par le scientifique turc Taqi al-Din. La même année, le comte de Rumford, physicien américain, développe une rôtissoire adaptée aux grandes cuisines de collectivités et qui permet d’économiser plus des trois quarts du bois nécessaire à la cuisson. Un dénommé Couteau dépose en 1803 un brevet pour un tournebroche mû par une petite machine à vapeur et rapidement utilisé dans de nombreuses

cuisines européennes. En 1867, un Parisien du nom de Benard réalise un tournebroche hydraulique dont le principe a déjà été décrit en 1705. Quant à la baratte utilisée pour la fabrication du beurre à des fins familiales, elle se voit entraînée par un mécanisme de tournebroche dès 1837.

L’âge d’or du tournebroche et des maîtres-horlogers A la fin du 18ème siècle, les tournebroches rentrent peu à peu dans les cuisines de la petite bourgeoisie et dans les fumoirs à viandes des paysans aisés. En fer, ils sont forgés par les plus habiles forgerons des villages, en bois, ils sont l’œuvre d’horlogers spécialisés dans le tournage de ce matériau. Le Journal de Paris du 24 décembre 1790 relate que Jean Bernard-Henri Wagner est l’un de ceux qui ont amené les tournebroches à leur perfection et ont généralisé l’emploi de ceux en fer ou en cuivre. Cet horloger parisien n’est autre que le fondateur de la Maison Wagner, au sujet de laquelle le rapporteur de l’Exposition des produits de l’industrie de 1884 à Paris écrit: «Le nom de Wagner est à la grosse horlogerie ce que les noms de Berthoud et de Breguet sont à l’horlogerie de précision.» L’entreprise est reprise en 1852 par Armand-François Collin, qui en poursuit le développement. Afin de bénéficier du savoir-faire horloger de la main d’œuvre locale,

moins onéreuse que celle de Paris, il ouvre un centre de production situé dans le Jura français. Là sont fabriqués de manière industrielle tout ce qui a trait à la mesure du temps mais aussi tournebroches à poids et à ressorts, monte-plats et autres miroirs aux alouettes mécaniques. Datant des années 1870, l’un des catalogues de la Maison présente, gravures à l’appui, toute une gamme de tournebroches à air chaud, à poids ou à ressort, accompagnés de leurs accessoires.

Du minuteur mécanique à la minuterie électronique Au début du 20ème siècle, la rôtissoire perd sa place dans les offices suite à l’abandon des cheminées à feu ouvert au profit des cuisinières à bois ou à charbon. Le minuteur à mécanisme d’horlogerie, dérivé du réveil matin décompteur qui en 1847 valut un brevet d’invention à l’horloger Antoine Redier, contrôle durablement les temps de préparations culinaires aux côtés des réveils dits de cuisine. Peu à peu, plaques de cuisson, rôtissoires et fours sont équipés de leur propre minuterie qui, d’électrique, devient électronique. Des anciens garde-temps horlogers, il ne reste plus guère aujourd’hui que le sablier apparu semble-t-il dans les cuisines au cours du 19ème siècle et qui est parfois encore utilisé de manière anecdotique pour maîtriser la difficile cuisson des œufs à la coque.


CULTURE HORLOGÈRE

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... le détonateur Presque toutes les grandes entreprises horlogères ont collaboré avec l’industrie militaire. Détonateurs, munitions ou encore tableaux de bord: la complémentarité entre les deux secteurs d’activité aura duré pas moins de huit siècles, durant lesquels les horlogers se sont progressivement transformés en acteurs économiques essentiels en temps de conflits. L’histoire partagée entre armuriers et horlogers commence avec l’apparition du régulateur. Connu sous le nom d’échappement à Strob, il est issu de la noix, une pièce mécanique chargée le moment venu de libérer l’énergie emmagasinée dans une arbalète. Alors qu’il n’existe pas encore d’horloger à proprement parler, la période comprise entre le 12ème et le 15ème siècle voit se constituer progressivement un métier réunissant les compétences du fondeur, du forgeron, du ferronnier, du serrurier et de l’orfèvre. Tous ont en commun le travail du métal. La production d’armes, de serrures puis d’horloges par les mêmes spécialistes génère des similitudes. Le vocabulaire en révèle quelques-unes: axe, coussinet, barillet, fusée, gâchette, détente, levier d’armage, bascule, platine, pont, plaque, ressort, ressort fouet ou de rappel, roue canon, vis. Un ressort de montre est armé au même titre qu’un fusil.

La polyvalence, force de l’horloger Au 16ème siècle, un artiste peut être à la fois horloger et fondeur de canons tel Kaspar Brunner, célèbre constructeur de l’horloge de la tour de Berne. Rapidement, spécialisation entre corps de métiers puis division du travail s’instaurent, sans pour autant rompre les liens entre armuriers et horlogers. Vers 1510, Giovanni Giorgio Capobianco fournit au cardinal Matteo Schiner un réveil capable d’allumer une bougie. Fabriqué jusque dans le courant du 18ème siècle, ce genre d’horloge dite à pistolet concrétise l’union entre armes à feu et garde-temps. Son mécanisme d’alarme est complété d’un chien de pistolet, d’un bassinet à

poudre et d’une bougie. Après avoir sonné à l’heure désirée, il désarme le chien provoquant la mise à feu de la poudre qui allume la chandelle. Au 17ème siècle, Marin Bourgeoys, considéré comme l’un des inventeurs de la platine à silex, fournit des armes aux rois de France Henri IV et Louis XIII, tout en construisant des sphères astronomiques mécaniques. Vers 1640, Pierre Bergier, armurier et horloger du roi à Grenoble, crée montres et armes de luxe. Dès le début du 19ème siècle, le canon-méridienne à déclenchement autonome connaît une grande vogue autant en ville que dans les campagnes. Inventé en 1785 par Rousseau, ingénieur en instruments de mathématiques et horloger parisien, l’appareil permet la mise à l’heure des montres, pendules et horloges d’édifices à midi vrai. Il se compose d’un canon miniature en bronze et d’une lentille montée sur un support réglable en fonction des variations de la hauteur du Soleil au cours de l’année. Au moment du passage de l’astre au méridien local, les rayons solaires concentrés par la lentille enflamment la poudre. En octobre 1804 les Anglais tentent de contrer une invasion de leur territoire par les vaisseaux de la flotte française mouillée dans le port de Boulogne et lancent des sortes de torpilles chargées de poudre dont l’explosion est déclenchée par des détonateurs à mouvements d’horlogerie.

«Une façon d’être neutre» Succédant aux armées professionnelles de l’Ancien régime, le service militaire obligatoire remonte à la Révolution. Pour faire face à l’accroissement des besoins qui en résultent, un décret de 1792 prévoit

de nouvelles manufactures nationales d’armes. En attendant leur ouverture, la nation réquisitionne horlogers, bijoutiers et serruriers. Peu après, conséquence des guerres napoléoniennes, l’industrie de l’armement se développera dans l’ensemble de l’Europe. Au cours de la seconde moitié du 19ème siècle, la production, toutes activités confondues, se mécanise. Chemins de fer, paquebots, automobiles et avions apparaissent avec leurs instruments de contrôle pour corollaire. Des industriels tels Junghans ou Kienzle en Allemagne, Smith and Sons en Angleterre, Borletti en Italie conquièrent ces nouveaux marchés. Tous sont issus du monde horloger. Suite au déclenchement du premier conflit mondial, les fabriques de la Vallée de Joux cherchent en 1915 un moyen de pallier l’effondrement des commandes d’horlogerie fine. Certains, disposant de l’outillage nécessaire, se lancent dans les composants d’armes. Jacques David LeCoultre pour sa part se tourne vers la fabrication conjointe de munitions, de compte-tours selon des brevets d’Edmond Jaeger, et de tubes pour injections hypodermiques. Collaborant avec Edmond Jaeger, l’aviateur suisse Edmond Audemars est le premier à installer sur son propre aéronef un compte-tours né de la complémentarité entre les établissements de LeCoultre et ceux de Jaeger. Boites de réduction pour moteurs, flexibles, indicateurs de vitesse, compte-tours, compteurs pour avions, tableaux de bord de voitures munis d’un indicateur de vitesse et d’une montre 8 jours sont autant de diversifications dont les potentiels sont amplifiés par les conflits. A leur tour, LeCoultre et Compagnie d’une part et Jaeger d’autre part investissent dans ces nouveaux marchés. L’ensemble du monde horloger

sera amené au cours des deux conflits mondiaux à fabriquer pièces de munitions, instruments de contrôle et montres militaires. Les usines tentent dès lors de répondre à la demande. Entre autres exemples, Zenith fournit le Signal Corps, corps d’armée américain chargé de la gestion des communications interarmées, en même temps qu’Omega et Longines. Avec Ulysse Nardin et Vacheron Constantin, la marque locloise honore les commandes en chronographes, chronomètres et montres d’observation du Corps of Engineers (Génie civil américain). Enfin, Zenith approvisionne les armées de l’air anglaise et française, les services hydrographiques de la Royal Navy, l’armée allemande puis polonaise. Ainsi Fritz Huguenin, alors président de la Chambre suisse d’horlogerie, peut-il écrire dès le 2 novembre 1915 que «l’industrie suisse fournit indistinctement aux Alliés et aux Empires du centre, ce qui est pour la Suisse une façon d’être neutre».

La montre militaire moderne, née de la production industrielle Au cours des années 1930, le marché s’est structuré. De grands groupes industriels se sont dotés de filiales spécialisées dans les composants destinés à l’armement, les appareils para-horlogers de contrôle, ainsi que les montres militaires et grand public. La montre de précision est perçue comme un instrument à même de pallier les défaillances des appareils de bord. Certains horlogers, tel Officine Panerai, se sont dès leur création spécialisés dans les marchés militaires aux cahiers de charges particulièrement contraignants.

Quatre catégories de montres occupent alors une position dominante: • Les chronomètres de marine, indispensables pour calculer position et direction des navires. L’US Navy les préférait aux signaux interceptables et falsifiables de la radio. • Les montres d’observation connues sous l’appellation Beobachtungsuhr. D’un diamètre standard de 55 millimètres car munies d’un calibre de montres de poche, elles sont portées par les navigateurs d’avions. • Les chronographes de pilote (Fliegerchronograph). Dotés de la fonction flyback, ils permettent d’effectuer les points de virage, à savoir un changement de cap suite à la présence inopinée d’un obstacle: orage, zone de combat ou autres. • Les montres destinées aux soldats lorsqu’elles sont fournies par l’armée. Afin de répondre aux besoins de l’armée américaine, Hamilton arrête ses productions grand public. Ceux de l’Allemagne sont couverts à partir de 1936 par des productions allemandes et suisses. Mais compte tenu de la demande considérable des belligérants, l’ensemble des marques horlogères de l’époque, de prestige ou grand public, spécialisées ou non, historiques ou méconnues, disparues depuis ou toujours en activité, livrent parfois simultanément des armées adverses. L’histoire est donc un éternel recommencement! La complémentarité entre horlogers et fabricants d’armement s’est achevée avec l’abandon du travail du métal au profit de l’électronique. Elle aura duré huit siècles, durant lesquels les artisans se sont progressivement transformés en industriels, acteurs économiques essentiels en temps de conflits. Restent au seul profit du monde horloger les rééditions constantes de modèles de montres militaires devenues autant intemporelles qu’emblématiques.

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VINTAGE

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codes esthétiques fondamentalement inchangés sont discrètement actualisés. Ainsi, la Submariner, comme d’autres montres emblématiques, renvoie à des œuvres horlogères intemporelles pour lesquelles la frontière entre vintage et néo-rétro ne peut être délimitée.

DR

Un mouvement de protestation... et de nostalgie

Vous avez dit vintage? Ce terme qui semble envahir tout le paysage horloger recouvre des réalités bien différentes, entre la montre de deuxième main authentiquement vintage et la montre moderne s’inspirant du passé, dite néo-vintage. Sans oublier des modèles intemporels, qui, eux, auront toujours un goût de vintage. Mais la terminologie a un sens! Par Dominique Fléchon, expert auprès de la Fondation de la haute horlogerie, genève

En se référant à l’actualité horlogère, 2017 est souvent qualifiée d’«année du vintage». Aujourd’hui, on retrouve ce vocable utilisé notamment dans la mode vestimentaire et ses accessoires, la bijouterie, le mobilier, l’automobile. Selon le contexte, il désigne en horlogerie non seulement des montres intemporelles telles la Tank de Cartier, la Reverso de Jaeger-LeCoultre, la Royal Oak d’Audemars Piguet entre autres, des montres anciennes neuves ou de deuxième main de plus de 30, 50, voire 100 ans d’âge, mais aussi des rééditions plus ou moins fidèles et des créations contemporaines. Celles-ci, dites rétro ou néo-rétro, ont été conçues pour évoquer ou ressembler à des objets anciens grâce à un vieillissement artificiel. En conclusion, ce mot serait donc un terme générique si notre enquête n’avait prouvé le contraire et fait apparaître d’autres aspects dépassant largement le domaine de la sémantique. Faisant partie du vocabulaire des œnologues, le vintage fait à l’origine référence à l’âge d’un vin de qualité ou à son millésime. Progressivement il s’est étendu à la mode pour désigner tout vêtement ou accessoire fa-

briqué il y a au moins trente ans et datant de l’époque où il a été réalisé. Cette définition s’est progressivement enrichie par l’évocation d’un moment singulier de l’histoire de l’habillement puis du mobilier, de l’automobile et d’autres domaines.

La montre vintage, néo-vintage et les autres La véritable montre vintage est un objet de deuxième main généralement fabriqué entre 1945 et 1980, période couvrant plusieurs courants créatifs du vingtième siècle, donc des styles différents. Classique, chaque modèle a résisté à l’épreuve du temps sans se démoder. Son vécu s’observe par un certain degré d’usure. Une telle montre est authentique à la fois par sa marque, les techniques et les matériaux utilisés. Elle rappelle un moment particulier de la mesure du temps, des exploits sportifs ou autres épopées scientifiques. Facile à porter, elle fait partie du patrimoine culturel et dénote un certain niveau de connaissances de son propriétaire. Sa commercialisation est du ressort de spécialistes et des maisons de vente aux enchères. Alors que la mode rétro consiste à porter des objets du passé, le néo-ré-

tro qualifie des réalisations contemporaines conçues pour évoquer ou ressembler à d’autres, plus anciennes. Cette notion se retrouve dans le mobilier. A titre d’exemple, un fauteuil d’époque Louis XVI a obligatoirement été réalisé entre 1774 et 1792 alors que son homologue de style Louis XVI a lui, pu voir le jour entre la fin du 18è siècle et aujourd’hui. Dans le domaine de la montre, il s’agit principalement de rééditions de modèles à succès dont les codes de la période d’origine sont réutilisés tout en étant réinterprétés. Ces reprises sont rendues nécessaires par la rareté relative d’originaux en bon état. Cependant, nombreux sont ceux qui ont été repolis, atténuant quelque peu leur relief initial, ce qui peut déplaire à certains puristes. Par ailleurs, si une large clientèle est attirée par un design du passé, elle est aussi séduite par les performances et les dimensions des gardetemps contemporains. La «mise au goût du jour» qui en découle se fait par l’intégration de caractéristiques modernes: boitiers étanches aux dimensions affirmées et dotés de verres saphir, mécanismes actuels à remontage automatique et munis de dispositif antichocs. La montre néo-rétro est donc le fruit d’un délicat dosage entre esthétique d’hier perçue comme une signature et technologie d’au-

jourd’hui. S’inspirer sans dénaturer est la clef du succès d’une réédition, laquelle n’est pas incompatible avec création. En effet, les montres néo-rétro ont pour ADN des valeurs emblématiques qui racontent des anecdotes crédibles renvoyant à l’histoire et qui peuvent être traduites différemment. Les montres rétro-futuristes, pour leur part, répondent aux aspirations d’amateurs soucieux de relier directement le passé au futur. Leurs caractéristiques issues de périodes révolues sont adoucies par l’emploi d’éléments purement avant-gardistes.

Le vintage, un phénomène récent? L’attrait pour les garde-temps aujourd’hui surnommés vintage pour certains, ou néo-rétro pour d’autres, n’est pas un phénomène nouveau. Au 19ème siècle déjà, la montre dite de fantaisie s’est réappropriée les boitiers en forme d’animaux et d’insectes, de poissons et de coquillages, de fleurs et de fruits si prisés deux cents ans auparavant. Dotées de mécanismes du 19ème siècle, elles auraient pu être qualifiées de vintage si le terme avait été en usage. Il en est de même pour le mobilier Napoléon III, qui a repris, à l’identique ou repensés, bon nombre de styles antérieurs. Plus proche de nous, la montre mécanique, bien que dépassée par la technologie, a été de nouveau produite à partir des années 1980 en suivant une esthétique nouvelle issue du talent de designers spécialisés dans l’horlogerie, Gérald Genta en tête, ou en restant dans la continuité. La Submariner de Rolex répond à cette seconde approche. Habillée d’un boitier inspiré de celui de l’Oyster de 1926, elle apparaît en 1959 avant de devenir la montre de James Bond. En 1981, une version, ancêtre du modèle actuel et techniquement plus performante, la remplace. Ses

Le succès réitéré depuis le début des années 2000 des montres néo-rétro est le fruit d’une rébellion envers tout ce qui, dans la vie, va trop vite. Il manifeste une nostalgie certaine pour des périodes moins oppressantes, perçues à tort ou à raison comme ayant été plus faciles à vivre. L’enthousiasme en faveur des modèles vintage traduit à la fois une quête de sécurité grâce à des montres contemporaines qui renvoient à une histoire facile à comprendre et une désaffection pour l’extravagance horlogère du début des années 2000. Cette dernière s’est manifestée par une surenchère de nouveautés, par des complications horlogères souvent difficiles à comprendre par les non initiés, par une quête de la précision au centième puis au millième de seconde, performances qui ne sont pas du ressort de la mécanique. Cette course à l’innovation s’est répercutée sur les prix dont beaucoup ont paru injustifiés et la plupart inaccessibles à la majorité des amateurs. Vintage et néo-rétro expriment par ailleurs un désir de retour à l’humain, un besoin d’être conseillé par un horloger et une soif d’échanges entre amateurs. Ces modèles à la fois plus aisés à porter et plus accessibles permettent de se soustraire aux dictats de la mode. Ils symbolisent le «luxe pour soi». Leur beauté apaisée remplace l’ostentatoire. La sobriété de leurs designs et la diminution de la dimension des boitiers entamée à partir de 2012 traduit le retour vers les fondamentaux de l’horlogerie, véhicule de valeurs pérennes.

De quoi aura l’air le vintage de 2050? A une époque politiquement et commercialement troublée, les montres vintage et néo-rétro représentent le meilleur du présent et le plus beau du passé. Elles permettent aux marques horlogères de limiter les risques commerciaux tout en leur apportant les volumes de fabrication indispensables. Dépourvues de grande complication, sans coûteuses études de recherches et développements techniques, elles consolident l’entrée de gamme des collections. Cependant, tous les modèles ne méritent pas d’être remis au goût du jour et seules des nouveautés à forte créativité, en particulier sur l’esthétique et l’affichage, seront les bases du vintage des années 2050.


COLLECTION

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«Il n’y a pas de bulle du vintage»

Par Serge Maillard

Les ventes aux enchères horlogères ont le vent en poupe, sous la domination notamment d’Aurel Bacs chez Phillips. Quel regard portezvous sur les maisons actives sur ce créneau? Je participe à des ventes enchères depuis 2004, mais je collectionnais des montres bien avant cela, via des fournisseurs privés et des détaillants. A l’époque, Christie’s dominait le marché et le précurseur des ventes horlogères Antiquorum commençait à décliner. Aujourd’hui, nous sommes clairement dans l’ère de la suprématie d’Aurel Bacs chez Phillips. Mais je ne suis pas convaincu que cela durera. C’est un milieu qui est devenu très concurrentiel; Antiquorum essaie d’ailleurs de faire son retour. La question critique pour Phillips sera de pouvoir se renouveler, tant sur les pièces que sur les acheteurs, après avoir pu obtenir et proposer sur le marché des collections exceptionnelles de certains clients privés. Est-ce qu’ils pourront tenir ce niveau sur la durée? Christie’s ou Sotheby’s ont un avantage auprès de nouveaux clients qui s’initient à l’horlogerie: ce sont des noms très connus de la vente aux enchères, dont ces nouveaux venus sont peut-être déjà des adeptes sur d’autres produits. Il ne faut pas négliger le pouvoir de marque de ces maisons, face à la domination actuelle de Phillips. Cette dernière doit encore bâtir sa notoriété en tant que «marque». Vous gérez Elite Advisers, un fonds d’investissement consacré exclusivement à l’horlogerie, ce qui est assez peu commun. Votre collection a été estimée il y a quelque temps à environ 25 millions de dollars. Quelle est votre approche dans l’acquisition de montres? Je n’ai en vérité jamais acheté une montre spécifiquement pour un client. Je les achète d’abord pour moi-même: j’en garderai certaines et j’en vendrai d’autres. C’est ainsi que je gère le portfolio auquel ont accès mes clients. Aujourd’hui, la collection compte 150 montres: je ne garde que les montres les plus rares et j’évite les modèles de condition «moyenne». L’avantage aujourd’hui, c’est que les canaux d’acquisition de montres se sont multipliés. Même sur eBay,

j’ai pu faire de très beaux achats de modèles de Longines, Mido ou LeCoultre! A contrario, je souhaiterais être en mesure d’acheter davantage directement auprès de privés et de nouer relation avec eux, mais c’est devenu moins facile, car aujourd’hui, ils ont tout de suite le réflexe de s’adresser à une maison de ventes aux enchères. On assiste actuellement à une vraie frénésie autour des montres vintage, et les vendeurs demandent toujours davantage. Je garde un profit, mais il s’est amoindri. En réalité, mon idéal lorsque je vends une montre est de pouvoir la racheter quelques années plus tard. C’est mon benchmark pour établir le prix de vente. Si je passe à des tarifs trop hauts, j’en souffrirai moi-même. C’est mon auto-régulation! Justement, les prix grimpent, les records tombent les uns après les autres... N’est-on pas dans une forme de «bulle» de la montre vintage? Pourrez-vous vraiment racheter ces montres dans quelques années, à moins que les prix ne s’effondrent? On entend toujours parler du mot de «bulle» dès qu’un marché est en croissance rapide. Je connais bien ce terme, ayant travaillé précédemment dans le milieu de la banque d’affaires à la City... Or, il faut y regarder de plus près: les gens pensent que le marché de la montre vintage dans son ensemble a connu une croissance permanente ces dernières années. Mais l’augmentation rapide des prix n’a en réalité concerné qu’une petite portion du marché, celle des montres vraiment rares, qui ont rendu les gens vraiment «fous». Les montres plus standard, elles, restent difficiles à vendre. N’espérez pas en faire un profit immédiat. On voit les mêmes mécanismes à l’œuvre sur le marché de la voiture d’occasion. On a l’impression que sur la montre de collection, il y a d’un côté Rolex et Patek Philippe qui trustent toutes les premières places... et le reste suit loin derrière. Je ne serais pas aussi catégorique. J’opposerais plutôt les montres les plus rares et prestigieuses aux montres les plus standard au sein même de chaque marque. C’est cette distinction qui compte vraiment, au-delà de la marque elle-

Vous avez été vous-même propriétaire de la Patek Philippe 1518 en acier devenue aujourd’hui la montre-bracelet la plus chère de l’histoire, vendue pour 11 millions de francs chez Phillips l’an passé. Pour combien l’aviez-vous vendue à celui qui a ensuite touché le «jackpot»? Je ne peux pas vous révéler le chiffre exact, mais je peux vous confirmer que le montant était bien moins élevé... A mon sens, le prix de vente a été exagéré sur ce modèle et n’est plus en phase avec sa valeur réelle. Je me bats toujours pour que les prix restent «équitables». Mais vous savez, le monde des ventes aux enchères reste assez étrange... DR

Alfredo Paramico est un collectionneur de classe mondiale, notamment de Patek Philippe et de Longines. Cet ancien banquier d’affaires italien, installé à Miami, dirige aujourd’hui un fonds d’investissement peu commun, consacré exclusivement à l’horlogerie. Rencontre.

même. Personnellement, je préfère parfois un chronographe de Longines à un chronographe de Patek Philippe, selon l’état et l’histoire du modèle. On trouve des montres rares de très bonne facture, et amenées à gagner encore en valeur, chez Mido, Omega ou encore Audemars Piguet. Mais c’est très difficile aujourd’hui d’acquérir ce type de montres, car soit elles restent dans des collections privées soit elles sont justement déjà proposées à des prix très élevés du fait de leur rareté et de leur qualité.

Est-ce que de nouveaux acteurs sont entrés sur le marché pour pousser à ce point les prix de certains modèles exceptionnels? Ce que j’observe, c’est que des acheteurs asiatiques de montres contemporaines de Patek Philippe ou d’Audemars Piguet se sont réorientés vers le monde de la montre de collection. Pourtant, certains modèles vintage de Patek Philippe restent à mon avis paradoxalement sous-évalués, par exemple les références 1379, 5004, 3970 ou 5020. C’est un peu étrange... Leurs modèles des années 1990 sont de haute valeur. Leur dernier modèle entrant véritablement dans mes goûts était la référence 5970. A partir des années 2000, ils ont eu tendance à augmenter le diamètre de leurs nouveaux modèles. Pour moi, une maison aussi prestigieuse que Patek Philippe ne devrait pas se laisser influencer par la «mode» des montres de taille disproportionnée, que l’on a vu à l’œuvre depuis quinze ans. Ce sont eux qui devraient donner le ton! Quelle cote donnez-vous aux nombreuses marques indépendantes que l’on a vu apparaître durant les années 2000, grosso modo celles que l’on retrouve au Carré de Horlogers du SIHH? Est-ce que les collectionneurs «s’arracheront» leurs modèles devenus vintage dans une ou deux décennies? Je ne le crois pas. Ces marques sont apparues alors que le marché était

très porteur, plein de liquidités. Et au fond, les marques qui rencontrent le plus de succès aujourd’hui sont celles qui se relient à un héritage et à une inspiration vintage. On voit que le vintage suscite aujourd’hui un grand intérêt dans la production de montres contemporaines. Je crois plutôt que ces montres de rupture resteront liées à une époque précise et confinée. Ce qui ne veut pas dire que je ne m’intéresse pas à certaines marques plus contemporaines, mais elles sont plutôt à chercher du côté de F.P. Journe ou Hublot... On voit aujourd’hui certains paradoxes: je pense à une marque comme Universal, dont la production contemporaine est «dormante» mais dont les montres vintage ont une cote impressionnante... Je n’y vois pas de paradoxe. Au contraire: je dirais même que le fait que la marque soit sortie du radar contemporain renforce sa cote en tant que marque de collection. Regardez, je suis moi-même un grand amateur de chronographes historiques de Longines, alors que la cote «contemporaine» de la marque n’est pas très élevée. L’état ou la production actuelle d’une marque n’influe pas sur la cote de ses productions anciennes. Les mouvements des années 1940 ou 1950 étaient à mon avis meilleurs que ceux produits aujourd’hui!

Qu’en est-il de la cote des montres de poche? Vacheron Constantin a sorti un modèle à 58 complications pour son 260ème anniversaire; n’oublions pas non plus le fameux Calibre 89 de Patek Philippe – célébrant également l’anniversaire de la marque. Pourtant, ce dernier n’a pas trouvé preneur lors des dernières ventes chez Sotheby’s. C’est un résultat absolument honteux pour la maison Sotheby’s que de ne pas avoir su trouver de client pour ce modèle. Aurel Bacs l’aurait vendu à 1000% chez Phillips! Je n’ai cependant jamais collectionné moi-même les montres de poche. C’est un peu trop «traditionnel» à mon goût, bien que je reconnaisse que certains modèles soient tout à fait extraordinaires. Ce que l’on peut observer, c’est que le marché du vintage dans sa totalité est devenu plus global, grâce à la fois à internet et aux maisons de ventes aux enchères, alors qu’il était beaucoup plus fragmenté et régional lorsque j’ai commencé ma collection. Cela devrait en principe continuer à le porter vers de nouveaux succès. Si vous pouviez acquérir encore une seule montre... Ce serait la Patek Philippe 1518 en or rose et acier, qui aurait – suppose-t-on – été vendue au roi de Roumanie. Existe-t-elle réellement? Je l’espère...


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CARTE BLANCHE

PARLER

Can’t talk, 2016-2017 François Ruegg, (CH, 1954) Porcelaine - 81x40x23 cm Collection de l’artiste Photo: Zhang Lei

PARLER / ÉCOUTER Ou plus exactement, Ne pas pouvoir parler, Ne pas pouvoir écouter. I Can't talk / I Can't hear murmurent les bustes de porcelaines figées sur leurs socles. Emprisonnées sous des voiles tendus, asphyxiants. Des pièces mutiques et sourdes sur le grand échiquier. Prises dans le tissu de tous ceux qui tentent de parler et de tous ceux qui tentent d'écouter. Nous tous, dans la nasse électrique aux mille mailles qui grésille autour de la planète. Perdus parmi tous ces émetteurs et tous ces récepteurs. Un net semblable à celui de l'araignée, où ne plus parvenir ni à parler ni à écouter revient à mourir. Et à finir en bustes funèbres, figés dans de la porcelaine de Chine. I Can't talk / I Can't hear. (PM)


CARTE BLANCHE

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ÉCOUTER

Can’t hear, 2016-2017 François Ruegg, (CH, 1954) Porcelaine - 81x40x20 cm Collection de l’artiste Photo: Zhang Lei

François Ruegg Statuts | Statues Une exposition de pièces de céramique monumentales, réalisées en Chine par l'artiste suisse François Ruegg Musée Ariana, Genève | 15 septembre 2017 - 4 mars 2018 www.ariana-ge.ch


L'OBJET

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Sobre coucou Le designer dano-suisse Søren Henrichsen revisite le mythique objet en l’épurant jusque dans ses derniers retranchements. Ce nouveau venu sur la scène horlogère travaille avec les membres d’un atelier protégé, du bois suisse et un mécanisme de la Forêt-Noire, lieu de naissance de l’étrange animal. Rencontre. Par Serge Maillard

Hans Ruedi, un nom étonnamment désuet pour un objet aussi contemporain. C’est justement l’effet recherché par Søren Henrichsen, qui a souhaité dépoussiérer le vieux coucou si kitsch de nos grands-parents. Lignes droites du caisson en bois brut ou coloré de rouge, noir ou blanc; deux aiguilles sans fioritures; un pendule amenant une touche de rondeur à la rigueur scandinave de l’objet; et bien sûr, le petit coucou dans sa niche, qui ne se déploie avec ses sonorités que lorsque la pièce dans laquelle il loge est allumée, grâce à un petit capteur de luminosité fort discret, histoire de ne pas déranger le sommeil de son propriétaire... Pas besoin de remonter l’objet: la bête carbure à la pile, simplicité d’usage oblige. «J’ai aussi beaucoup travaillé sur le son de l’oiseau, souligne le designer. Actuellement, on entend un bruit d’eau en arrière-plan lorsqu’il chante, mais la prochaine étape est de pouvoir personnaliser son chant.» Drôle d’objet donc que celui conçu par cet autodidacte genevois d’origine danoise, qui a démissionné de son poste dans le trading pour se consacrer à sa passion du design en bois à plein temps depuis cette année. Une startup qu’il a initiée... réellement dans son garage, ce n’est

donc pas juste une image d’Epinal! Sa première création, la Freedom Clock, était une ingénieuse horloge en bois de forme conique, jouant sur le pouvoir d’«arrêter le temps à n’importe quel moment en retournant le cône pour figer le moment». Mais revenons à Hans Ruedi. Dessiné par Søren Henrichsen, celui-ci est assemblé par les membres d’un atelier protégé genevois, la Fondation Sgipa au Lignon, qui emploie des personnes handicapées. «Cela a nécessité une phase d’adaptation, car je suis moi-même autodidacte et j’ai dû les former à ces tâches : aujourd’hui une dizaine d’entre eux travaillent sur mes coucous et chacun a sa spécialité dans la procédure d’assemblage.»

Des coucous sous le sapin Le défi, surtout, est maintenant pour lui de se faire connaître et d’être en mesure de commander de plus grandes quantités de mouvements à son fournisseur, en Allemagne dans la Forêt-Noire, le lieu de naissance du coucou (lire à ce propos l’article historique de Dominique Fléchon dans notre édition de juin 2015). Pour cela, une campagne Kickstarter est en phase de lancement, afin d’arriver à la période de Noël – propice à

l’acquisition de ce type de produit – avec un carnet de commandes bien rempli. La première série, d’une centaine de pièces, a déjà été entièrement vendue grâce au seul bouche-à-oreille. Le designer a désormais pignon sur rue, présent à la boutique La Troisième Main en Vieille-Ville de Genève. «Pour la distribution, je regarde aussi du côté de pop-up stores ou de ventes éphémères, souligne le

«J’ai toujours aimé les coucous en tant qu’objets... mais je les ai toujours trouvés très kitsch.» créateur. Et bien sûr également de la vente directe sur internet.» L’objet, proposé à 389 francs, est Swiss made malgré son mécanisme allemand – la valeur principale résidant dans la conception et l’assemblage – et est réalisé en bois de chêne ou de frêne bien helvétique. «Avec le coucou, je peux combiner mes origines, la précision suisse et la simplicité danoise, résume Søren Henrichsen. J’ai toujours aimé les coucous en tant qu’objets... mais je les ai toujours trouvés très kitsch, et je ne suis sans doute pas le seul!» Europa Star Première s’était d’ailleurs déjà intéressé il y a deux ans à une autre startup suisse réalisant des coucous contemporains, Swiss Koo (lire notre numéro de juin 2015 également). L’animal, qui semblait en voie d’extinction – du moins auprès des personnes de bon goût –, est-il en train de migrer vers des cieux plus cléments et distingués? Il semble en tout cas de plus en plus prisé des designers branchés!

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The Watch Book Rolex Par Gisbert L. Brunner Enfin un livre sur Rolex qui aborde l'histoire de cette marque et nous permet ainsi de découvrir les fondements de son succès. Hans Wilsdorf est un génie du marketing bavarois qui s'est concentré sur l'innovation, il fonde la société en 1905. Les amateurs de Rolex peuvent le remercier d'avoir contribué à la création de nombreux modèles exceptionnels et permis des avancées techniques, tel que le fameux boîtier Oyster imperméable à l'eau. Expert et historien respecté de la montre-bracelet, Gisbert L. Brunner partage une fois de plus ses connaissances approfondies. Un must pour les collectionneurs, les passionnés et ceux qui souhaitent le devenir. Texte en Allemand, Français, Anglais, 220 pages, CHF 66.-

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EUROPA STAR PREMIÈRE 25 route des Acacias, P.O. Box 1355, CH-1211 Genève 26 / Suisse Tel: +41 22 307 78 37 / Fax: +41 22 300 37 48 contact@europastar.com Rédaction: Pierre Maillard: pmaillard@europastar.com, Serge Maillard: smaillard@europastar.com, Contributeurs dans ce numéro: David Chokron, Dominique Fléchon, Thierry Huron, Denis Asch Publicité, Marketing & Communication: Marianne Bechtel Croze (Bab-Consulting): mac@bab-consulting.com tél. +41 79 379 82 71 Nathalie Glattfelder: nglattfelder@europastar.com Véronique Zorzi: vzorzi@eurotec-bi.com Catherine Giloux: cgiloux@europastar.com Jocelyne Bailly: jbailly@europastar.com Graphisme: Alexis Sgouridis: asgouridis@europastar.com

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Direction du groupe Europa Star HBM: Philippe Maillard Éditeur: Serge Maillard Les publications du groupe Europa Star HBM: Europa Star Global Time.Business & Time.Keeper Watch-Aficionado, Watches for China, Horalatina, ES Première, Europa Star Jewels, Eurotec & Bulletin d’informations Sites web & iPad du groupe Europa Star HBM: www.europastar.ch, www.europastar.com, www.watches-for-china.com, www.watches-for-china.cn, www.watch-aficionado.com, www.horalatina.com, www.europastar.es, www.europastarwatch.ru, www.cijintl.com, www.worldwatchweb.com, www.eurotec-online.com Les propos exprimés par les auteurs n’engagent que ces derniers. UNE PUBLICATION D'EUROPA STAR HBM SA. Abonnements: CHF 50, www.europastar.com/subscribe EUROPA STAR, MANUFACTURE ÉDITORIALE HORLOGÈRE DEPUIS 1927

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