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Technologies: la révolution 3D

Tout sur l'affaire Ballouard-Winston

Entretiens exclusifs à l'Arcade Europa Star

Après l'aéronautique et le secteur médical, l'impression 3D fait une timide arrivée en horlogerie.... p.10

Le lancement de l'Opus 13 se fait toujours attendre. Comment en eston arrivé là? Explications......... p.16

Les CEO de Rudis Sylva, DeWitt et Baume & Mercier se confient. Sans langue de bois!.......................... p.20

EUROPA STAR PREMIERE LE JOURNAL DE L’ÉCOSYSTÈME HORLOGER SUISSE

NO 4 (Vol.17) | 4.50 CHF / € | GENÈVE, LE 15 JUILLET 2015 | EUROPASTAR.COM

ISSN 297-4008

ÉDITORIAL

DOSSIER

Cambriolages et braquages: la série noire

PAR

SERGE MAILLARD

10 jours. C'est le temps qu'il m'a fallu pour remiser mon Apple Watch. Pourtant, l’histoire avait bien commencé: une belle boîte blanche, volumineuse et pure, récupérée en France voisine. Un bracelet en cuir bleu qui s’ajuste parfaitement au poignet. Certes, la durée de mise en route était un peu plus longue que ce que je n’avais imaginé. Bien sûr, une recharge était nécessaire tous les soirs. Mais pour un inconditionnel d’Apple, c’était chose vue et connue. Nous sommes en effet en monde connu, avec la reproduction fidèle des applications qui ont fait le succès d’Apple (lire à ce sujet l’analyse de Jules Boudrand de Deloitte en p. 18). Et vu le téléchargement obligatoire de l’onglet Apple Watch avec la réinitialisation d’iOS sur l’iPhone, la synchronisation se fait en un tour de mains – ou plutôt de doigts

Personnellement, je crois toujours en la connexion, mais pas à cinquante centimètres de distance… – entre les deux appareils. Je suis «accro» à beaucoup de substances plus ou moins nocives, dont l’iPhone et le MacBook Air pour celles qui concernent Apple. Mais pas encore à l’Apple Watch. Même la Slow Watch, une montre à la philosophie inverse de celle de la Watch de Cupertino, prônant la déconnexion avec son unique aiguille indiquant les heures et brouillant les sens, avait tenu plus longtemps à mon poignet (et même beaucoup plus longtemps qu’à celui de mon respecté collègue et néanmoins oncle Pierre M. Maillard, chez qui le niveau de stress s’est passablement accéléré sous l’effet de la Slow – mais passons!). Avec l’Apple Watch, une forme de «lassitude» est apparue dès le second jour de porter, passée l’excitation initiale. Pourquoi? L’impression d’avoir une extension de mon iPhone au

poignet. Je le savais avant de l’acquérir, bien sûr. Aussi devrais-je ajouter: une extension pas très utile, présentant une faible dose de valeur ajoutée. Les notifications me font vibrer le poignet, je peux sélectionner ma musique, mesurer mon pouls (mauvais pour les hypocondriaques de mon espèce), suivre mon chemin sur une carte. Mais la ferme impression d’avoir un «doublon» sans légitimité forte ni réel caractère, contrairement à l’iPhone, ne m’a pas quitté. Alors, de guerre lasse, je l’ai ôtée. En me demandant: Steve Jobs aurait-il adoubé la Watch? Personnellement, je crois toujours en la connexion, mais pas à cinquante centimètres de distance… C’est en remettant mon ancienne montre automatique, ultra-traditionnelle, avec pour seule extravagance une phase de lune, que s’est néanmoins produit le moment le plus intéressant de cette expérience de courte durée. Le sentiment fugace, peut-être une dizaine de minutes, d’avoir une «antiquité» au poignet. Je ne pouvais m’empêcher de reproduire le mouvement caractéristique des porteurs de l’Apple Watch, un mouvement ample du poignet pour ramener la montre à l’horizontale et faire apparaître, dans mon cas, le papillon affichant l’heure (dès que la montre est en position verticale, le cadran se met en mode veille pour économiser de l’énergie). Comme si Apple m’avait inoculé, tout à fait inconsciemment, le virus de la connexion, et le sens d’un design particulier au poignet! Un mouvement caractéristique peut faire le succès d’un produit. Ce sentiment a aujourd’hui disparu. Il n’empêche: à mon sens, l’un des effets insoupçonnés de l’apparition de l’Apple Watch – gageons que des «killer apps» sortiront dans les générations futures – sera d’encourager un design plus «contemporain» de toutes les montres, pour favoriser ce délicat moment de transmission entre un objet pensé au 21ème sièce et un objet pensé au 17ème siècle. Pour l’instant, à défaut de killer app, un argument killer: ma compagne la trouvait affreuse… Bigre.

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Dix jours avec

Extrait de caméra de surveillance lors d'un casse chez Antoine Preziuso PAR

SERGE MAILLARD

Ce sont un peu comme des touristes qui écumeraient, à l’approche de l’été, les boutiques horlogères et musées de la région. Mais qui, à la fin de la visite, emporteraient des pièces rares en laissant une carte de visite plus ou moins sanglante et traumatisante… La Suisse horlogère vit une rengaine malheureusement déjà bien connue: une série de cambriolages et de braquages.

Retour sur les faits, de manière antéchronologique. 20 mai: le Musée international d'horlogerie à La Chaux-de-Fonds est attaqué à la voiture-bélier et dévalisé. 12 avril: l’Espace Horloger au Sentier est victime d’un cambrioleur, qui emporte des pièces de l’exposition «Design-moi une montre» (le musée avait déjà subi une prise d’otage en 2006). 22 mars: durant Baselworld, le musée privé de DeWitt à Meyrin est «visité»

par des cambrioleurs qui repartent avec 26 montres d’une valeur totale de plus d’un million de francs. 14 mars: en plein jour cette fois, des braqueurs s’en prennent de manière très violente à la boutique Lionel Meylan de Vevey, qui subit la troisième mésaventure du genre. Espérons que cette série noire prenne fin et que la «trêve» soit signée… On en semble loin. Suite en page 4

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(Suite)

En 2002, le casse du Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie de Genève (174 pièces volées!) a donné une ampleur nouvelle au mouvement. Devant les mesures de sécurité renforcées durant la nuit, les malfrats n’hésitent plus à agir en pleine journée, en utilisant l’«élément humain».

Depuis lors, le fameux gang des Pink Panthers a écumé les boutiques de luxe européennes, ces reconvertis des guerres balkaniques faisant preuve d’un professionnalisme, d’une détermination et d’un sang-froid à toute épreuve. Depuis lors, les gardes armés se sont multipliés dans les boutiques horlogères et joallières, créant

un sentiment désagréable pour le visiteur. Bref, la méfiance règne. Afin de mieux comprendre les mécanismes de cette spirale des cambriolages et braquages, Europa Star Première a souhaité donner la parole à celles et ceux qui en ont été victimes. Certains, comme Yannick Meylan, soulignent l’insuffisance des

moyens mis en œuvre, qu’ils soient judiciaires ou policiers, pour lutter contre le phénomène. Presque tous s’accordent à dire que le sentiment de tension s’est accru depuis l’ouverture des frontières. Nous avons aussi souhaité donner la parole aux professionnels du domaine, qui sont eux aussi en première ligne: les services de sé-

curité privée et la police. Ensemble, par exemple via des initiatives public-privé comme celle de Yannick Meylan qui vise à identifier les suspects, ils forment le noyau dur de la résistance aux malfaiteurs. Par des actes de prévention, essentiellement. Une fois le Beretta sur la tempe, c’est un peu tard…

TÉMOIGNAGES

«La Suisse est un pays de bisounours» Après s'être à nouveau fait braquer cette année, Yannick Meylan, co-directeur de la boutique Lionel Meylan à Vevey, tire la sonnette d’alarme: trop, c’est trop! Le jeune horloger a lancé un système de prévention en ligne réunissant plusieurs boutiques et des gendarmes. Explications. SERGE MAILLARD

Yannick Meylan est très remonté: pour la troisième fois en quelques années, la boutique d’horlogerie-bijouterie fondée à Vevey par son père, Lionel Meylan, a été la cible de malfaiteurs. C’était le 14 mars dernier, un samedi après-midi. «Ma collègue a ouvert à un «client»; dès qu’elle a vu une deuxième personne s’infiltrer, elle a compris que c’était trop tard», relate l’horloger. A ce moment, Yannick Meylan se trouve au soussol avec son père. Armés, les deux braqueurs, originaires de Lituanie, se masquent le visage, jettent violemment à terre l’employée avant de s’employer à ligoter tout le monde, en hurlant «I kill you, I kill you!» avec le doigt sur la détente. La scène n’a pas échappé aux employés de la deuxième boutique de l’horloger, située à proximité, qui la suivent sur leurs écrans de vidéosurveillance, interconnectés. Ils donnent l’alerte. Les voleurs veulent s’enfuir en emportant 52 montres, pour la plupart des Rolex, dont Lionel Meylan est distributeur depuis le début de cette année seulement. L’un d’eux est arrêté. «Nous avons osé les poursuivre sous l’effet de l’adrénaline du vol. Mon cousin a failli attraper l’autre voleur, mais il s’est retrouvé avec une arme braquée sur lui.» Plusieurs montres seront retrouvées, abîmées, dans un autre quartier.

«Un braquage change la vie pour toujours, souligne Yannick Meylan. C’est un sentiment désagréable, on ressent de la honte; cela s’approche d’une forme de «viol». Et puis on se méfie dès que l’on voit un client à la porte. Le plus dur, c’est l’hyper-vigilance. Mais on ne peut jamais savoir: peut-être qu’il s’agit d’un client slave venu effectivement acheter une montre!»

Contrôlés trois semaines plus tôt L’horloger pointe du doigt les moyens insuffisants attribués à la police et le «laxisme» de la législation suisse: «En tant que commerçants, nous sommes des cibles pour les criminels qui viennent de pays limitrophes ou de plus loin. Ils viennent, car c’est peu dangereux pour eux! Non seulement les policiers ne sont pas assez nombreux, mais il existe des procédures qui les empêchent d’agir librement: s’ils blessent quelqu’un, ils pourront être mis en cause… Nous sommes un pays de bisounours. Il faudrait plus de sévérité de la part des juges.» Les braqueurs qui leur ont rendu «visite» avaient été contrôlés trois semaines auparavant en Suisse alémanique. «Ils avaient tout le matériel du parfait cambrioleur et une arme dans leur voiture. Les poli-

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ciers ont confisqué l’arme et relâché les prévenus…» L’autre voleur sera finalement arrêté un mois plus tard, après un autre braquage. «L’application des lois est beaucoup trop légère. Il faudrait un signal clair. Mais les technocrates fédéraux de Berne s’en fichent: ils sont à l’abri de tout, dans leurs bureaux. Personne n’ose dire: ça suffit, on contrôle mieux les frontières et on élève les peines pour les braqueurs.» Alors, élever le niveau de sécurité dans la boutique? «Nous l’avons fait, mais c’est un cercle vicieux. Aujourd’hui, on demande effectivement aux victimes de se protéger davantage, ce qui révèle l’impuissance des autorités. Mais plus on élève le niveau de sécurité dans la boutique, plus on élève le niveau de risques pris par les criminels, le problème n’est donc que déplacé!»

Système de prévention

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Pour Yannick Meylan, l’une des clés au problème réside aussi dans la prévention, c’est-à-dire l’identification des suspects. Dès 2008, l’horloger a décidé de lancer un système en ce sens, qui a aujourd’hui pour nom «Athéna Protect». «Je me rappelle que quand j’étais gamin, l’ancienne association des bi-

«Personne n’ose dire: ça suffit, on contrôle mieux les frontières et on élève les peines pour les braqueurs.» joutiers vaudois avait mis en place une «chaîne-fax» de prévention. J’ai décidé de recréer ce système il y a sept ans, suite à un braquage, sous forme d’une «chaîne-mail». J’ai réuni 300 adresses, à qui j’envoyais gratuitement les photos de personnes suspectes.» D’un procédé de partage par e-mail, le système est aujourd’hui devenu une plateforme web payante sur abonnement, réservée aux professionnels. Plusieurs gendarmes de différents cantons reçoivent eux aussi les informations – à titre gratuit. «Plutôt que de passer par «en-haut», nous avons décidé d’agir sur le terrain, à travers ceux qui s’occupent directement de notre sécurité.» Les photos des caméras de vidéosurveillance sont archivées et classées par date. «Nous respectons la vie privée: les archives sont effacées après cent jours et nos membres ne peuvent pas publier les photos hors de cette plateforme», souligne Yannick Meylan. Chaque fois qu’une

alerte est lancée, les membres du réseau accroissent leur niveau de vigilance. Avec succès? «Oui, en particulier contre les vols à l’astuce. Par exemple, notre système a permis d’arrêter un voleur deux semaines après un cambriolage au Tessin. Des policiers ont aussi mis à jour une filière entre Lausanne et Genève.»

Frontières étanches «Si l’on faisait un parallèle avec l’horlogerie, je dirais que nous mettons du sable dans l’engrenage des braquages!», poursuit l’horloger. Pour lui, l’ouverture des frontières, ou plutôt leur étanchéité, est en cause dans la série noire en cours. «Il ne faut pas se leurrer! Mais le problème est que nous ne sommes pas encore assez sur la plateforme de partage d’informations. Certains horlogers-bijoutiers ne sont pas encore assez vigilants. Nous devons grandir pour être plus efficaces, y compris en Suisse alémanique. Depuis une année, nous avons aussi lancé un système d’alerte instantanée par SMS. Nous ne voulons pas nous substituer aux policiers ou aux politiciens, mais offrir un moyen d’action à notre niveau…»


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La prise d'otage capturée par les caméras de surveillance de Denis Asch, en six séquences, de l'intrusion des malfrats à leur fuite.

Douze minutes de prise d’otage, deux ans de thérapie L’horloger genevois Denis Asch a subi un braquage violent en 2009. Il lui a fallu du temps pour s’en remettre et des séquelles restent présentes. Il a choisi de témoigner à cœur ouvert pour montrer le traumatisme que peut engendrer un tel événement. «Pendant des années, il ne m’a tout simplement pas été possible de parler de mon braquage sans m’effondrer. J’ai mis deux ans de thérapie pour me remettre de douze minutes de prise d’otage. Je ne pouvais plus entendre des gens qui parlaient fort, j’avais peur des gens qui se présentaient au magasin. Je suis devenu paranoïaque.» Après un premier «avertissement» en 2004 sous forme d’un cambriolage nocturne à la voiture-bélier de sa boutique en Vieille Ville de Genève, l’horloger Denis Asch subit les pire quart d'heure de sa vie en 2009. Car cette fois, les voleurs ne viennent pas de nuit: ils se présentent en plein jour, armés.

Pendant que l’un sort son pistolet, l’autre lui ligote poignets et chevilles.

«Cela aurait pu très mal finir si je n’avais pas accédé à toutes leurs demandes.»

Le film des événements Ce jour-là, Denis Asch ouvre sa boutique à deux personnes «de type slave, habillées sport – mais j’ai de vrais clients slaves qui sont moins bien habillés!». Ils demandent à voir une montre. L’un des deux hommes agrippe alors le bras de l’horloger et le contraint à aller aux toilettes, au fond du magasin: pendant que l’un sort son pistolet, l’autre ligote les poignets et les chevilles de l’horloger avec du scotch à colis. Denis Asch est enfermé aux toilettes. Le saccage de la boutique peut commencer… «Par hasard, un ami arrivait au moment où les malfrats m’emmenaient au fond de la boutique. Il a vu qu’il se passait quelque chose, s’est ca-

ché et a appelé la police. Pendant ce temps, dans les toilettes, j’ai réussi à défaire mes liens en me déchirant la peau. C’est l’instinct de survie… J’ai pu actionner l’alarme (insonore dans la boutique) sur ma télécommande de sécurité. Je savais alors qu’ils étaient enfermés dans la boutique, car il n’était possible de sortir qu’en actionnant la télécommande.» Les deux voleurs, qui ont fini d’amasser leur butin, tentent de briser la porte en balançant des pendules Erwin Sattler contre celle-ci, en vain puisqu’elle est blindée. Ils extraient alors violemment Denis Asch de sa «prison» pour le contraindre à rouvrir la porte avec sa télécommande. Dans la confusion, pétrifié de peur, l’horloger s’exécute. Les malfrats s’enfuient avec 25 montres. Une minute plus tard, la police et le service de sécurité privée de Denis Asch arrivaient. «Au début, les policiers ont même cru que le garde en civil était le braqueur et ont pointé leur arme sur lui! Mais je suis intervenu pour clarifier les choses…» La police scientifique arrive ensuite sur les lieux pour relever les traces d’ADN. Six mois plus tard, les braqueurs sont retrouvés, interpellés à Bâle pour une voiture volée: il s’agit de deux Serbes membres du fameux gang des Pink Panthers. Denis Asch les confond derrière un miroir sans teint. «A leur procès à Genève, ils

L’horloger a pu soigner peu à peu son traumatisme grâce à une thérapie qui lui a été conseillée par un ancien otage au Liban. étaient deux rangées devant moi. J’ai témoigné. La cause aggravante était la présence d’une arme. Ils ont été condamnés à trois ans de prison puis expulsés de Suisse. J’ai été étonné de l’efficacité de la police. Je ne pensais pas qu’ils allaient les retrouver. Quant aux montres volées, j’étais bien assuré. Elles ont été localisées et retrouvées dans une filière entre l’Italie et la Serbie. Mais je ne voulais plus les récupérer, vu les circonstances…»

«Fuir le plus loin possible» Après son premier cambriolage en 2004, Denis Asch avait eu pour réflexe de «fuir» Genève pour passer deux semaines «le plus loin possible», à Bora Bora. Encore plus choqué cette fois, il ne peut plus rentrer chez lui. «J’avais peur de retourner à la maison. Je suis resté chez un ami. Pendant dix jours, je n’ai

presque pas dormi: j’ai refait le film des événements.» Puis il s’envole à l’autre bout du monde, cette fois aux Maldives. «On se sent plus en sécurité sur une île. Je ne voulais pas «partir en vacances» mais me couper de ces événements.» Déjà claustrophobe et agoraphobe, Denis Asch vit un véritable enfer; il lui est difficile de reprendre ses activités. «Je fais moins confiance, je vois en chaque personne un potentiel profiteur ou voleur. Je ne peux pas être dans une foule. Et je me sens enfermé dans un avion, cela me rappelle l’épisode des toilettes. Quelques semaines après le braquage, dans un vol pour Marrakech, j’ai paniqué et les stewards m’ont placé sous bonbonne à oxygène. J’ai dû passer un IRM pour des acouphènes il y a quelques années. Malgré les calmants, je tremblais et pleurais; cela n’a pas été possible. Lorsque je suis à l’intérieur, j’essaie toujours d’être près d’une sortie.» Même s’il reste «trop paranoïaque», l’horloger a pu panser peu à peu ses blessures et son traumatisme grâce à une thérapie qui lui a été conseillée par un ancien otage au Liban. Denis Asch imagine d’autres systèmes de sécurité, comme un sas ou un gardien. «Mais je crois que les malfaiteurs s’adapteront de toute façon. Il n’existe pas de parade. Et l’aéroport est une passoire. Je pense que je me suis plus fait contrôler à la douane qu’eux!» Aujourd’hui, l’horloger conserve toujours son échoppe en Vieille Ville: d’une boutique, il a transformé son espace en lieu d’exposition. Il reste vigilant et estime que personne n’est à l’abri: «Dès que j’apprends qu’un braquage a eu lieu chez un autre horloger ou bijoutier, j’appelle le magasin pour lui exprimer ma solidarité. Un braquage, cela crée une forme de lien.»


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Trois casses et un triple tourbillon Un vol à main armée, une voiture-bélier, des Black Blocs déchaînés… Difficile dès lors que de ne pas devenir paranoïaque. Mais pour Antoine Preziuso, le salut est tout naturellement venu de l’horlogerie… Pierre Maillard

Pour rencontrer Antoine Preziuso, il faut désormais s’éloigner de la ville de Genève, s’enfoncer dans la campagne, prendre de petits chemins vicinaux, longer vignes et champs de blé, pour enfin arriver devant un portail qui s’ouvre sur la demeure de rêve où il a installé ses ateliers. Nous ne vous donnerons pas l’adresse, seul Antoine Preziuso est habilité à l’indiquer, au compte-gouttes à des gens choisis qui ont pour consigne de ne la révéler à personne. Après avoir subi deux hold-ups violents et l’agression de membres du black-block en queue d’une manifestation anti-OMC se voulant pacifique, il a définitivement fermé sa boutique des bords du Rhône et a fait sien l’adage «pour vivre heureux, vivons cachés».

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de main qui, lui, est bel et bien venu. L'homme a été arrêté huit ans plus tard, en 2014 à Zurich. Il a confirmé qu'il s'agissait bel et bien d'une commande. Huit ans après, Antoine Preziuso, qui est le plus doux et pacifique de tous les horlogers, voulait encore lui «casser la figure». L'homme s'est excusé. Antoine s'est dit «touché». Il n'empêche…

Episode 2: Episode 1: une fin de après-midi du 28 journée de novembre novembre 2009 2006, 18h30 C’est l’heure de la fermeture à la boutique Preziuso de Genève. Un homme sonne à la porte: costume de belle facture, Rolex en or au poignet. Comme il pleut, il a un petit bonnet sur la tête. Le vendeur ouvre la porte avec sa télécommande. L’homme entre, rabat aussitôt son bonnet pour masquer son visage, enfonce un pistolet dans les côtes du vendeur qu’il entraîne directement vers le fond du magasin, droit sur une vitrine qui renferme les montres tourbillons. «Don’t move», dit-il au vendeur avec un accent russe. Il sort un petit pied de biche de sous sa veste, force la vitrine, s’empare des montres et file aussitôt. Le tout a duré moins de deux minutes. Une semaine auparavant, des clients installés à l’hôtel des Bergues tout proche avaient demandé à ce qu’on vienne leur présenter des tourbillons dans leur chambre. Ce qui fut fait. Puis, ils étaient passés au magasin, avaient à nouveau regardé les tourbillons dans leur belle vitrine et donné leurs cartes de visite (fausses) en disant qu’ils reviendraient. Ils sont revenus, ou plus exactement, ils ont passé commande à un homme

Une grande manifestation pacifique contre l’OMC est annoncée. La police a prévenu les commerçants: aucun souci à se faire, inutile de fermer boutique ou de se barricader, tout est sous contrôle. Quand la manifestation arrive, Antoine Preziuso est dans sa boutique avec un important client genevois. La manifestation passe, bon enfant. Mais aussitôt derrière déboulent les activistes violents du Black Bloc. Sous le regard de policiers qui ne bougent pas, ils s’attaquent à la vitrine. Ils sont cinq ou six, armés de pics, de masses et tentent de fracasser le verre. Antoine et son client doivent se réfugier au fond de la petite boutique et s’allonger au sol pour éviter les éclats qui volent en tous sens. Mais

«Tu ne sais plus à qui faire confiance. Les riches s’habillent comme des loubards et les loubards se déguisent en CEO.»

la vitrine résiste, les Blacks Blocs renoncent et s’éloignent. Aussitôt après passent les balayeuses municipales qui suivent le cortège. Comme si de rien n’était. Plus de trois mois seront nécessaires pour remplacer la vitrine, les Fêtes de Noël sont amères.

Episode 3: une nuit de novembre 2011, 3h du matin Le téléphone sonne, c’est la police: «Vous êtes braqués, il faut venir…» Quand Antoine et sa femme arrivent sur place, tout semble normal mais des policiers sont dans la boutique. Ils vont se garer à l’arrière et là découvrent que la vitrine a été «explosée» par une voiture-bélier. En 1 minute et 20 secondes, comme en témoigne la bande vidéo qui a capté l’agression, trois hommes cagoulés ont tout brisé et tout emporté: 11 vitrines sont fracassées, tout est détruit. Toutes les plus belles pièces de l'horloger ont disparu. Pendant 10 heures, la police scientifique est à l’œuvre et empêche Antoine et son épouse de rentrer dans la boutique. «Là, c’est le gros coup de blues, témoigne Antoine Preziuso. Tu pleures: tout ton travail et celui de tes enfants, mon fils horloger et ma fille bijoutière, envolé, disparu, volatilisé. Des années et des années de labeur, des pièces uniques que je ne voulais pas même vendre, des pièces intimes… tout disparu et le pire, que j’ai su après quand ils ont fini par les coincer, est que tout avait ensuite été fondu pour être réinvesti dans le trafic de coke! Un collectionneur pourri qui passe «commande», au moins il apprécie tes montres… Tandis que ces voyous camés et ignorants venus de Lyon!»

Episode 4: l’assurance donne le coup de grâce Mais le pire est peut-être à venir car son assurance lui annonce alors que si les dégâts matériels seront bel et bien couverts, il n’en sera rien des montres! C’est stipulé quelque part dans les conditions complémentaires, en petits caractères, comme il se doit : les montres ne sont assurées que durant les heures d’ouverture de la boutique! Antoine Preziuso tombe de haut. Mais il ne perd pas tout de suite courage, remonte la boutique et, six mois après, veut l’ouvrir à nouveau. Mais l’assurance dénonce le contrat et aucune autre ne veut signer avec lui. Que faire, sinon renoncer. Forcé par les circonstances, il doit définitivement fermer boutique. Ecoeuré, presque ruiné, lui et sa femme décident de prendre une année sabbatique et s’envolent vers l’Australie. «Le plus terrible, explique Antoine Preziuso, est que tu deviens complètement paranoïaque. Encore aujourd’hui, j’ai tous les sens en alerte. Je vis entouré de caméras et d’alarmes, je ne divulgue plus mon adresse, je me méfie de tout. Je n’ai pas pu m’empêcher de voir et de revoir la bande vidéo du dernier casse. C’est inutile, je le sais, mais c’est ainsi.» Sa femme, May, renchérit: «Tu ne sais plus à qui faire confiance. Les riches s’habillent comme des loubards et les loubards se déguisent en CEO. J’ai raté une belle vente ainsi: un Russe arrive en fin de journée dans la boutique, accompagné de sa spectaculaire jeune épouse. Il est ivre, grossier, veut voir les plus

belles montres. Je prends peur, prétexte que je dois impérativement fermer boutique et le pousse vers la sortie. En fait, il s’agissait vraiment d’un client, richissime, prêt à acheter une montre…». Antoine a une autre anecdote: «Un homme barbu et à l'air sombre sonne à la porte. Je me méfie un peu mais j’ouvre. Aussitôt surgit un second homme que je n’avais pas vu et tous deux viennent droit sur moi. A ce moment, tu te fais ‘tout le film’, comme on dit et tu t’attends au pire. Mais l’homme s’adresse à moi et me dit tout simplement: ‘Le Prince adore vos montres.’»

«A quelque chose, malheur est bon», comme dit le proverbe Antoine et May sont en Australie. Ils ne savent pas encore très bien comment ils vont décider de rebondir. Le téléphone sonne. C'est leur fils Florian, horloger, développeur, concepteur, professeur aux Arts Déco de Genève. Il annonce à son père qu'il s'est penché à nouveau sur le concept du triple tourbillon qu'Antoine avait élaboré dix ans auparavant, en 2004. «Il faut relancer ton idée, c'est génial, travaillons-y ensemble.» L'impulsion est donnée. Les Preziuso reviennent à Genève. Le Tourbillon des Tourbillons va naître, avec le succès que l'on a pu constater cette année à Baselworld. Il aura fallu trois casses et trois membres de la famille Preziuso pour faire naître enfin ce triple tourbillon révolutionnaire. «A quelque chose, malheur est bon.» Certes, mais plus jamais, sans doute, Antoine Preziuso n’aura de boutique.


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«Ils étaient impressionnants de sang-froid» des professionnels: ils n’ont rien cassé d’autre que les vitrines auxquelles ils s’intéressaient. Et ils savaient parfaitement ce qu’ils venaient récupérer. Ils étaient impressionnants de sang-froid. Ils avaient fait des repérages; par ailleurs, il fallait savoir que les montres ne seraient pas retirées des vitrines ce soir-là… Les cambrioleurs sont repartis comme des ouvriers ayant mené à bien leur

La marque genevoise DeWitt a eu une très mauvaise surprise durant Baselworld: le cambriolage de son musée privé. La directrice de la manufacture, Viviane de Witt, témoigne. «Les cambrioleurs ont été filmés par nos caméras de vidéosurveillance. L’intrusion a eu lieu à 23h. Les mal-

faiteurs sont entrés dans le musée et sont allés tout droit vers les vitrines présentant les montres. C’étaient

«La tension augmente» rapidement. Il faut dire que l’alarme se déclenche automatiquement. Mais la police met quelques minutes à venir. Cela a laissé aux voleurs le temps de partir. Nous avons tout pu revoir par la suite sur notre système de vidéosurveillance. Les cambrioleurs avaient sans doute fait des repérages, car le musée n’est pas facile d’accès et ils sont tout de suite allés vers ce qui les intéressait: les

En mai dernier, de nuit, le Musée international d’horlogerie à La Chaux-de-Fonds était attaqué à la voiture-bélier et cambriolé. Régis Huguenin, son conservateur, témoigne. «C’est la première fois de notre histoire que nous nous faisons cambrioler. Les malfaiteurs sont arrivés

en voiture-bélier et repartis à pied. Ce n’étaient pas des amateurs: il fallait oser le faire! Tout s’est passé très

mission. Ils avaient parsemé toute la route de clous. Lorsque les agents de notre compagnie de sécurité privée sont arrivés sur place, les pneus de leurs voitures se sont dégonflés! Par la suite, nous avons vu quelquesunes des montres volées sur un site internet. La police pense qu’il s’agissait d’une commande. En tout, quelque 26 modèles ont été dérobés. C’est peut-être la «rançon de

pièces de présentation des marques, c’est-à-dire des modèles actuels. Ils ont emporté des montres de quatre marques, au total une vingtaine de pièces pour quelques centaines de milliers de francs. Les voleurs sont bien organisés et connaissent le fonctionnement des systèmes de sécurité. Il y a toujours des éléments auxquels on ne pense pas. Et le risque, lorsque tout est très bien sécurisé, reste les prises d’otage… Bien sûr, on peut toujours s’attendre à un cambriolage; nul besoin d’être devin. Mais cela fait un choc, en particulier au moment de la découverte

la gloire»… Heureusement, l'assurance à laquelle nous avons souscrit couvre les dommages. Un veilleur de nuit? Cela ne servirait à rien: il se ferait braquer. Je m’étais déjà faite braquer lorsque j’étais commissaire-priseur à Paris. A la fin d’une vente, dans les années 1970, un malfaiteur a pointé son arme sur moi. J’ai gardé mon sang-froid, heureusement.» (SM)

«Les voleurs connaissent le fonctionnement des systèmes de sécurité.» des lieux. Depuis une dizaine d’années, le phénomène a pris de l’ampleur. La tension augmente à nouveau: quelques semaines avant notre cambriolage, le musée du Sentier avait subi la même mésaventure, peu de temps après c'était une entreprise qui était visée…» (SM)

QUE FAIT LA POLICE?

«Des vols peu nombreux mais Les chiffres des des préjudices majeurs» méfaits horlogers «task force» policière spécifique pour discuter, tous les deux mois environ, des différents problèmes rencontrés. Un groupe de travail sur la sécurité des entreprises horlogères regroupant les membres de la task force de la police mais également des représentants de la sûreté des grands groupes horlogers. Enfin, un forum annuel où tous les partenaires horlogers sont conviés et où une thématique est spécialement débattue.

Trois questions à Pierre-Louis Rochaix, porte-parole de la police de Neuchâtel. Propos recueillis par Serge Maillard

Peut-on parler d'une augmentation de l'insécurité dans les boutiques et entreprises horlogères?

Quels thèmes y abordez-vous?

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Dans les faits, les vols dans les entreprises horlogères sont minimes par rapport à la totalité des crimes et délits en matière de vols et brigandages. Quant aux hold-up, ils sont vraiment très rares à Neuchâtel: en moyenne un par année. Avec de si petits chiffres, il n’est pas possible de tirer une statistique significative. Mais si le phénomène reste rare, le préjudice est souvent élevé et a des répercussions sur l'image ainsi que sur la production, qui doit parfois être arrêtée, ce qui affecte la clientèle.
Il faut par ailleurs souligner que le sentiment d'insécurité n'est pas corrélé directement à l’activité criminelle réelle. Il suffit qu'il y ait quelques vols dans des entreprises horlogères pour que celles-ci pensent soudainement à nouveau à leur sécurité. Cela agit comme une piqûre de rappel, tant il est difficile de vérifier l'efficacité des mesures

prises. Celles-ci sont optimales lorsqu'il ne se passe rien… Or, comment investir dans quelque chose si, en général, rien ne se passe? C'est tout le débat!

 Concrètement, quelles actions avezvous initiées pour lutter contre le phénomène? Indépendamment des enquêtes, nous avons mis en place une vaste structure avec le monde horloger, qui se décline en trois phases. Une

Nous avons par exemple évoqué les vols internes, les vols par effraction et cette année, nous analyserons les brigandages sur site. En outre, le canton a détaché un délégué à la sécurité des entreprises horlogères qui va à la rencontre des entrepreneurs et bijoutiers pour les conseiller, analyser chaque délit et mettre en place des mesures concrètes. Chaque site sensible a été répertorié avec des schémas d'intervention connus des intervenants. Nous avons créé un partenariat avec les entreprises horlogères et les bijouteries et les informons d'alertes particulières. Nous avons aussi mis en place une procédure d'annonce des faits suspects et repérages.

Selon les statistiques fournies par la police vaudoise, 2013 a été l'«annus horribilis» en termes de braquages et cambriolages. Depuis lors, la tendance des infractions contres des boutiques d'horlogerie et de bijouterie

Braquages

semble à la baisse. Comme le souligne son porte-parole Jean-Christophe Sauterel, à l'échelle romande, les chiffres vaudois sont susceptibles d'êtres plus élevés en termes absolus en raison de la taille du canton.

Cambriolages Vols à l'astuce

2010

5

18

7

2011

4

20

15

2012

1

22

13

2013

6

34

6

2014

1

21

6


DOSSIER SÉCURITÉ

8 | EUROPA STAR PREMIÈRE

L’AVIS DE L’EXPERT

Des simulations pour préparer le personnel pas hésiter à mettre en éveil la sécurité: il pourra en même temps envoyer des messages discrets d’alerte au garde par le regard seulement, par exemple. Aujourd’hui, il faut penser à la sécurité dès qu’on arrive au travail le matin jusqu’à la sortie de la boutique le soir. Notre but est de pousser les voleurs à aller à la porte d’à côté! C’est triste, mais c’est aussi simple que cela.» Pour vérifier l’efficacité de ces formations, la société mène également des audits de sécurité, «à l’aveugle». «Nous essayons de faire des repérages anonymement pour tester la vigilance du personnel.»

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Ne pas provoquer

Comment lutter contre des braqueurs qui ne reculent plus devant des attaques armées en plein jour? Les conseils de Gustave Jourdan, fondateur de Sentinel Protection à Genève, une société de sécurité privée spécialisée dans les boutiques de luxe. par

Serge Maillard

Depuis 2001, année de création de la société de sécurité privée Sentinel Protection, Gustave Jourdan note un net accroissement du «sentiment d’insécurité» dans les boutiques de luxe. La méfiance est tangible. «La plupart des commerçants retirent leurs pièces les plus précieuses des vitrines la nuit pour éviter les attaques à la voi-

ture-bélier, ce qu’elles ne faisaient pas forcément il y a quinze ans. Mais cela a un effet pervers: dès lors, les attaques se font de plus en plus en plein jour, par des bandes organisées armées qui mènent des repérages au préalable.» Beaucoup de cambrioleurs sont originaires de pays slaves: «L’ouverture des frontières a beaucoup accru les problèmes. Les attaques résultent souvent de «commandes» effectuées à l’avance. Les commanditaires choisissent les marques à cibler et organisent des filières. Il y a beaucoup plus de tentatives d’attaques, particulièrement à Genève. La proximité avec la frontière permet aux cambrioleurs de disparaître facilement. Et les lois suisses sont très bienveillantes…» Presque toutes les boutiques de luxe disposent aujourd’hui de gardes, armés ou non, pour réagir? «Oui, mais le problème est que les braqueurs ont toujours un pas d’avance, car ils savent quand et comment ils vont frapper. Nous essayons donc surtout de diminuer les risques en amont. Le mot-clé, c’est l’anticipation des repérages.»

Impliquer le personnel Les formations que Sentinel Protection dispense à ses gardes sont avant tout centrées sur la dissuasion. «Nous sommes conscients que la réponse doit être proportionnée: nous ne pouvons pas mettre en danger la vie des clients. C’est pourquoi nous faisons un gros travail d’anticipation, afin de ne pas arriver à l’affrontement. Notre rôle est d’attirer l’attention sur les menaces. Aujourd’hui toutes les situations sont imaginables: par exemple, un couple qui fait semblant d’acheter une montre et qui sort un pistolet… Dans ce cas là, les moyens de défense sont réduits.» Confier la sécurité des magasins à de seules agences ne suffit plus: un travail d’équipe avec le personnel de la boutique doit être mis en place. «Le vendeur doit pouvoir être en contact visuel et communiquer avec le garde. En cas de mauvais pressentiment avec la personne en face, il ne devrait

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Dès 2004, Sentinel Protection fait face à des clients «désespérés» par l’aggravation de la situation sécuritaire. «Ils ne savaient plus quoi faire. Ils nous ont alors demandé de créer des programmes de formation de leur personnel et des simulations d’attaques. La première simulation a été organisée à la boutique Les Ambassadeurs à Genève et à Lugano, puis nous avons été mandatés par un grand assureur en Espagne et dans plusieurs autres villes. Nous proposons à nos clients de refaire une simulation tous les deux ans, ainsi qu'une mise à niveau chaque année, consistant en la prévention des repérages, des cas de figure et la conduite à tenir par le personnel.» Le but des simulations est de créer une situation réelle, afin que les employés soient préparés à réagir le jour où ils font face à une vraie attaque. «Par ailleurs, cela limite le traumatisme. Surtout, il ne faut pas mettre en danger la vie des autres en voulant par exemple résister, en répondant, en s’affolant ou simplement en regardant le voleur dans les yeux. On risque de se faire passer à tabac!»


PORTRAIT DE MARQUE

EUROPA STAR PREMIÈRE | 9

Louis Moinet: de la cuisine aux étoiles

par

Pierre Maillard

«Mon histoire est tout à fait atypique, affirme tout de go Jean-Marie Schaller, et vous me croirez ou pas, si j’ai créé la marque Louis Moinet, c’est que j’avais l’impression très nette que là était mon destin. En fait, je n’avais pas le choix… Et comme je n’avais pas d’argent non plus, je l’ai fait avant tout avec le cœur.» Est-ce là l’habituel storytelling dont l’horlogerie est friande, tant elle est toujours à la recherche d’un «supplément d’âme» à apporter à cet objet somme toute «inutile» désormais qu’est un garde-temps? Et bien non, pour connaître l’homme depuis déjà deux décennies et avoir suivi son parcours, sa sincérité ne fait aucun doute. Jean-Marie Schaller va même plus loin quand il nous dit que «faire connaître Louis Moinet s’apparente pour moi à une mission, celle de rendre honneur à cet horloger si talentueux mais si humble qu’il a frôlé l’oubli définitif. C’est une véritable histoire d’amour, voire plus, une expérience presque métaphysique. Croyez-moi ou pas, mais j’ai parfois l’impression que Louis Moinet me souffle des idées, qu’il est à la source de mes intuitions. D’ailleurs, c’est bien simple, je ne pourrais pas vendre cette marque, ce serait la trahir, l’étouffer…»

Les débuts de l’aventure Quand, après moultes hésitations, Jean-Marie Schaller se lance dans l'aventure Louis Moinet, il n'a alors pour tout viatique, outre une forte expérience horlogère (et notamment le lancement en 1993, de la marque Perrelet) qu’une notice biographique de Louis Moinet d’une petite dizaine de pages. Avec sa compagne Micaela, il rachète le nom pour une somme en soi dérisoire mais qui représente à peu près tout ce qu’il possède alors. En 2005 commencent ce qu’il appelle ses «années de laboratoire» – laboratoire qui n'est autre que sa propre cuisine. «Dès le départ, nous explique-t-il, nous avons posé un certain nombre de principes: Louis Moinet se dédiera exclusivement à l’art mécanique le plus élevé et ne produira que des éditions limitées et des pièces uniques.» Mais avant d’entamer ce parcours, encore convenait-il de mieux connaître ce Louis Moinet pour l’heure si mystérieux. «Je ne disposais alors que de cette courte biographie et de son fameux Traité d’Horlogerie paru en

1848. Il fallait recréer tout son chemin, retrouver des pièces dont ses fameuses pendules.» Une aventure exaltante qui le mènera jusqu’à SaintPétersbourg ou Washington, lui fera comprendre petit à petit l’importance historique fondamentale de cet horloger et qui culminera par la découverte en 2014 du premier chronographe jamais réalisé au monde, terminé par Louis Moinet en 1816! «Mais en parallèle à ces recherches, il fallait créer une nouvelle réalité, lui donner chair et consistance dans des produits, poursuit Schaller. On n’est jamais seul dans la vie et nous avons commencé en constituant une vraie famille composée de bons partenaires, en amont comme en aval. Ça a pris pas mal de temps car nous ne cherchions pas de simples ‘sous-traitants’ mais de véritables collaborateurs, engagés, passionnés, tendant tous vers le même but. Un actionnaire local est venu à bord et nous avons pu lancer notre première production en or. Nous sommes montés en puissance très graduellement car, ne voulant recourir à aucun emprunt bancaire, nous sommes dans l’obligation d’être chaque année rentables. Nous travaillons donc à la fois avec art et avec un bon sens presque paysan.» Directeur de la création en même temps que CEO, Jean-Marie Schaller définit alors une esthétique «néoclassique», inspirée directement de l’époque historique de Louis Moinet mais adaptée de façon à résonner et faire sens dans notre époque. Il trace aussi un fil rouge: «La précision chronométrique, les observations astronomiques, l’art et l’artisanat d’art sont à la source de sa pensée et sont les valeurs qui modèlent notre action.»

Fil rouge Ce fil rouge à la fois historique, technique et esthétique a permis à la marque Louis Moinet d’élaborer des propositions horlogères cohérentes, fortes et inédites sous bien des aspects. Un style s’est ainsi imposé graduellement de pièce en pièce, proposant une horlogerie riche d’aspect mais sans décorum inutile, néo-classique tout en étant très contemporaine, complexe mais toujours lisible. Une horlogerie qui se veut chronométrique, certes, mais aussi «rêveuse et philosophique» quand elle cherche à «tutoyer les étoiles». Car ne l’oublions pas, Louis Moinet, homme de l’art et distingué horloger, était aussi un astronome renommé qui, dans l’exploration cosmologique, recherchait aus-

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En à peine dix ans, Jean-Marie Schaller est parvenu à ressusciter le nom oublié de Louis Moinet et à le replacer au centre de la scène horlogère. Un très beau parcours d’indépendant commencé dans une cuisine et qui frôle désormais les étoiles.

Memoris

si bien les mécanismes du temps qu’il en admirait le beauté insondable. Aujourd’hui, trois grandes familles se partagent l’essentiel de l’offre Louis Moinet: la famille Essence de Louis Moinet, la famille Classique et la famille Art Mécanique, qui désigne les animations mécaniques avec lesquelles la marque aime à jouer. Dans cette catégorie, on trouve les montres Derrick Tourbillon et Derrick Gaz, présentées à Baselworld cette année. De très riches modèles qui, comme leur nom l’indique, simulent sur leur cadran les mouvements pendulaires d’un derrick en action. La famille Classique regroupe les montres dont la chronométrie est l’horizon ultime, à commencer par toute une série de très belles montres à tourbillon, mais dont fait partie aussi une montre emblématique de cette recherche: la Mecanograph. Seule montre d’indépendant à avoir remporté un prix au Concours de Chronométrie en 2013, c’est un chronomètre dévoilant partiellement ses organes réglants et doté du système de remontage dans les deux sens breveté Energie plus, d’une efficacité remarquable. La famille Essence de Louis Moinet regroupe des montres aux per-

formances particulières. Outre la Tempograph 20 secondes qui fait démonstration de créativité et d’originalité mécanique, on y retrouve l’Astro Moon et son étonnante phase de lune décorée de météorite, ainsi que la grande nouveauté de l’année, la Memoris.

Memoris, premier chronographe-montre «C’est probablement le lancement le plus important que nous ayons fait», tient à préciser Jean-Marie Schaller, qui explique: «La pièce se trouve à l’exacte jonction des 10 ans des Ateliers Louis Moinet et des 200 ans du chronographe inventé par Louis Moinet. La création conçue en hommage à cet héritage se devait donc d’apporter quelque chose de nouveau par rapport à son aînée. Car si tout ou presque a déjà été inventé dans le domaine du «chronographe», il restait un terrain vierge: celui faisant précisément du chronographe non plus une complication mais la fonction première du garde-temps. Ainsi est née Memoris, premier chronographe-montre de l’horlogerie. Mais nous ne pouvions pas nous

aider des travaux existants: tous partaient du postulat que le chronographe était une complication additionnelle à la fonction horaire. Notre point de départ était à l’opposé: faire table rase du passé et faire du chronographe le point de départ de notre création, son élément central, auquel l’on ajoute accessoirement une fonction horaire, et non l’inverse.» Il en résulte une magnifique montre, la première qui mette en avant le mécanisme d’un chronographe classique à roue à colonnes mais dont tous les composants ont été montés sur le haut du mouvement qui occupe ainsi tout l’espace central, l’indication de l’heure et des minutes étant «reléguée», si l’on peut dire, sur un très délicat petit cadran laqué blanc positionné à 6h. Un renversement total des rôles, en quelque sorte. Le premier chronographe-montre, contrairement aux habituelles montres-chronographes, qui non seulement valide toute la démarche de Jean-Marie Schaller mais place aussi sa marque au pinacle de l’horlogerie mécanique. Lisez l'article complet (en anglais) dans Europa Star 3/15 et retrouvez l'ensemble de la collection Louis Moinet 2015 sur europastar.com


BUSINESS & TENDANCES

10 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Quand l’horlogerie utilise l’impression 3D

Serge Maillard

On a beaucoup parlé, ces dernières années, de «révolution de l’impression 3D». Certains oracles prédisent déjà depuis leurs «fablabs» un futur où tout un chacun imprimera à domicile les objets de son choix ou des créations. Ce qui, évidemment, ne va pas sans poser quelques questions de propriété intellectuelle… L’industrie, elle, n’a pas attendu la démocratisation des imprimantes 3D pour utiliser le prototypage rapide – en très résumé, accumuler de la matière plutôt qu’en extraire comme dans l’usinage traditionnel. Il existe trois grandes catégories de procédés additifs: la photo-polymérisation, l’extrusion et la basepoudre. En aéronautique, certains composants d’avion sont déjà fabriqués de la sorte: plus légers, ils sont aussi plus économiques. L’industrie horlogère, quant à elle, est restée relativement frileuse sur l’utiPUBLICITÉ

lisation de cette nouvelle technologie qui pose, il est vrai, un certain nombre de problèmes, notamment sur les finitions. Seules certaines startups, comme A.L.B. qui produit des montres au moyen de cette technique (lire l’encadré), s’y sont déjà frottées. La question de l’impression 3D n’en était pas moins à l’honneur lors d’une table ronde du dernier salon EPHJ.

«Cet outil est surtout utilisé aujourd’hui en horlogerie pour réaliser des prototypes et non dans la production elle-même.»

Un problème de finitions Comme l’explique Marco Borraccino, professeur à la HEAD, cet outil est surtout utilisé aujourd’hui en horlogerie pour réaliser des prototypes et non dans la production elle-même. «Du point de vue du designer, ce processus présente plusieurs avantages, notamment celui de pouvoir présenter des maquettes aux clients et donc de visualiser l’objet dessiné. Par contre, il reste confiné aux tests. Nous sommes encore loin d’un outil de production. Les problèmes concernent principalement les coûts et les finitions.» Concernant ce dernier point, le professeur précise que «la matière n’a pas la solidité attendue dans une manufacture. La «densité» du métal n'est pas la même que pour une pièce usinée. Il se forme parfois des boules d'air qui à la finition peuvent éclater et créer des micro-trous sur la surface des pièces.» Il faudra encore attendre pour atteindre l’excellence horlogère… En revanche, il est possible d’utiliser l’imprimante 3D pour des personnalisations ou des finitions particulières demandées par les clients. «A la HEAD, nous avons introduit le prototypage rapide dans les cursus il y a huit ans. Aujourd’hui, nous en voyons les résultats: les nouveaux étudiants exploitent cette nouvelle technologie de manière intelligente. Ils présentent par exemple des collections d’accessoires réalisées en impression 3D.» Pour toutes les applications dans lesquelles la question des finitions est moins im-

De son côté, Jérôme Mizeret, de la Haute Ecole Arc, a ouvert un «fablab» qui permet à tous d’utiliser l’imprimante 3D à Neuchâtel. «Dans ce cadre, les attentes sont bien différentes de celles de l’industrie: il s’agit d’imprimer rapidement et à moindre coût des pièces. Pour l’industrie, outre les finitions, le défi reste la répétabilité de la production, qui n’est pas encore bien maîtrisée.» L’impression 3D ne va pas remplacer les machines existantes, estime le spécialiste: «Il s’agit d’un complément, qui permet de nouvelles réalisations. Cet outil ouvre des espaces de création pour fabriquer des pièces qu’il n’était pas possible de produire jusqu’à présent. Il change ainsi la façon même de concevoir les pièces.» Une production qui devrait en principe être plus écologique, puisqu’il s’agit d’ajouter plutôt que d’enlever de la matière. Eric Boillat, de l’EPFL, nuance: «La réalité n’est pas aussi claire. Il vrai qu’on produit ainsi moins de «copeaux». Mais la production de la poudre utilisée dans les imprimantes 3D consomme en soi beaucoup d’énergie.»

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Nouveaux espaces de création

A.L.B., des montres réalisées en 3D Personne ne connaissait vraiment la startup horlogère française A.L.B. (pour «Atelier le Brézéguet») avant que le New York Times ne décide de lui donner un fameux coup de projecteur, dans un article de novembre dernier. Cette société créée par Vincent Candellé-Tuheille et Simon-Pierre Delord figure en effet parmi les premières à concevoir des composants «imprimés en 3D» pour produire ses montres Swiss made, qui tournent grâce à un calibre ETA 2671. Le mouvement est intégré dans une structure de plusieurs niveaux et colorée, formant au final un cadran imprimé en 3D. Les modèles, produits en série limitée, coûtent 1'500 euros. Le plus grand point d’interrogation, avec la démocratisation de l’impression 3D, reste la propriété intellectuelle, avec des risques élevés de contrefaçons d’objets sous droits d’auteur. «La législation reste assez floue : théoriquement, en Suisse, on pourrait reproduire pour son propre usage des bijoux qui existent sur le marché, souligne Olivier Sacroug, spécialiste en brevets au sein du cabinet d’avocats genevois Katzarov. Mais la personne qui a mis à dis-

position les plans pour l’impression 3D serait quant à elle attaquable. C’est un peu comme ce qui s’est passé dans l’industrie de la musique ou cinématographique… Une des solutions pourrait être de créer un pool de fabricants des imprimantes 3D qui redistribueraient des fonds aux détenteurs des droits d’auteur. Mais c’est plus compliqué que pour la musique, car il existe beaucoup plus d’acteurs dont les produits sont reproductibles!»

Can Stock Photo Inc. / tomasmikula

Alors qu’elle est déjà utilisée à échelle industrielle dans des secteurs comme l’aréonautique ou les medtech, cette technologie en est encore à ses balbutiements en horlogerie. Quelques startups, comme les Français de A.L.B., sont précurseurs. Explications.

portante, ce produit est intéressant, estime Marco Borraccino: «Ford a remporté la course automabile de Daytona en alignant un véhicule comportant des pièces réalisées en 3D! Les avantages ne sont pas tant esthétiques que fonctionnels.»


BUSINESS & TENDANCES

EUROPA STAR PREMIÈRE | 11

Business angels et crowdfunding: le Graal pour financer sa marque? Sur la plateforme de financement participatif Kickstarter, la marque américaine de montres connectées Pebble a réussi à lever plus de 20 millions de dollars. Des nouveaux leviers qui font rêver, mais restent complexes d’accès pour les PME suisses. Le point sur la question lors d’un récent débat au salon EPHJ. Serge Maillard

Le recours aux crédits financiers traditionnels est de plus en plus difficile pour les PME suisses. Les horlogers sont bien entendu concernés. Face à la frilosité des banques, faut-il se tourner vers de nouveaux modèles venus d’outre-Atlantique comme le financement participatif («crowdfunding») ou les business angels, quant à eux déjà plus anciens mais qui montent en puissance (il s’agit de particuliers qui investissent dans une entreprise innovante à potentiel et mettent à disposition de l’entrepreneur leurs compétences, leur expérience mais aussi leurs réseaux). Alors, quand on voit qu’une startup horlogère comme Pebble réussit à lever plus de 20 millions de dollars sur la plateforme de financement participatif Kickstarter, cela fait forcément rêver certains… Une table ronde organisée lors du récent salon EPHJ empoignait cette question pour évoquer la situation en Suisse. Dans un pays qui compte plus de 500’000 PME, le financement participatif est-il une alternative crédible aux banques? Eléments de réponse.

Le crowdfunding fait des vagues! Jacques Billy (Business Angels Switzerland): Je me rappelle qu’il y avait une certaine réticence lorsque le crowdfunding est apparu sur la scène économique. D’autant que les plateformes prennent des frais élevés. Néanmoins, le crowdfunding a de plus en plus de force… Hervé Lebret (EPFL): Personnellement, je reste sceptique sur le crowdfunding. Quand un projet est très risqué, on peut faire appel aux investisseurs en capital-risque. Il faut faire attention à ce que chacun garde son métier. A mon sens, des initiatives comme le crowdfunding viennent compléter mais pas remplacer les banques. Le financement participatif est surtout utilisé pour des projets artistiques, par exemple dans le cinéma. Pour un montant d’un million de francs, cela peut encore valoir la peine. Mais pour les startups, c’est plus difficile de lever

dix millions de francs sur une plateforme de financement participatif. David Narr (Genilem): Il est effectivement difficile de lancer une société via le crowdfunding. C’est plutôt un complément aux fameux «family & friends». On s’imagine qu’on peut lever facilement un million de francs sur une plateforme comme Kickstarter. Mais cela demande beaucoup de travail en amont. Et de plus en plus, il faut arriver déjà avec un prototype. Ce mode de financement n’est donc pas applicable au tout début de la société. Vincent Pignon (Haute ecole de gestion de Genève): Je crois qu’une précision est importante. Il existe trois catégories de financement participatif. La première est la précommande: la possibilité de mettre un prototype sur une plateforme et de tester ses ventes. C’est une forme d’étude de marché. La deuxième est l’ouverture de capital: dans ce cas, le crowdfunding remplace les business angels. La troisième, plus récente, est le prêt participatif, qui remplace le prêt bancaire, mais reste anecdotique, confiné surtout à des projets artistiques. En 2014, le crowdfunding a permis de lever 16 millions de francs pour plus de 1'000 projets en Suisse… Une goutte d’eau par rapport aux financements bancaires! Patrick Schefer (Fondation Financer autrement les entreprises – FAE): Et il y a une forme de «frilosité» sur le sujet en Suisse. Même pour lever cinq francs, ce n’est pas facile…

Business angels ou financement participatif? Jacques Billy: Cela dépend du projet et du cycle de vie de l’entreprise. Les business angels s’adressent davantage aux start-ups qu’aux PME. Celles-ci devraient plutôt travailler sur la dette. Le financement peut venir des business angels si un nouveau projet est lancé. Que ce soit dans les business angels ou le crowdfunding, il faut que le CEO soit sur le devant de la scène. On ne peut déléguer ce genre d’opérations.

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Hervé Lebret: Les business angels ont été créés en même temps que les fonds de capital-risque et d’investissement, dans les années 1960. Et ils sont devenus aussi exigeants.

Vincent Pignon: Si une entreprise a 20 prêteurs en Suisse, elle devrait normalement disposer d’une licence bancaire! Mais la Finma étudie au cas par cas.

David Narr: Les fonds les plus faciles à trouver restent ceux dont on n’a pas besoin: l’épargne! L’autofinancement est très important. On doit souvent économiser sur son propre salaire pour pouvoir réinvestir.

Comment procéder?

Vincent Pignon: En ce qui concerne le crowdfunding, pour les précommandes, on peut espérer des montants allant jusqu’à 500'000 francs; pour les prêts participatifs jusqu’à un million; et pour les ouvertures de capital jusqu’à deux millions…

Et les banques? Christian Kramer (UBS): Du côté des banques, la réglementation des octrois de prêts est devenue de plus en plus contraignante. Cela est lié aux niveaux de fonds propres qui doivent être plus importants, à hauteur de 19%. Il est donc devenu plus coûteux pour la banque de prêter des fonds. Mais nous offrons aujourd’hui la possibilité de demander un crédit en ligne. C’est un outil de «fast credit», avec des taux indicatifs. Jacques Billy: La Suisse est un pays de PME. Celles-ci sont de bons candidats pour de la dette. Il y a aussi une fenêtre pour du financement participatif, mais la réglementation le concernant n’est pas très claire…

Vincent Pignon: Pour réussir une campagne de crowdfunding, il faut d’abord au moins disposer d’un budget de base pour bien communiquer. La principale valeur des plateformes comme Kickstarter reste l’accès à leur communauté. Hervé Lebret: Lever de l’argent pour des fonds institutionnels prend en général environ neuf mois. Vincent Pignon: En crowdfunding, le record est d’un million en deux heures! Jacques Billy: Mais c’est la fin du processus… Il peut y avoir la «magie» des 72 premières heures en ligne, mais il faut que le projet soit déjà bien ficelé. Le stade de préparation peut aussi prendre neuf mois. Et cette magie reste rare. Vincent Pignon: Sur la plateforme Kickstarter, un algorithme permet aujourd’hui de déterminer après quatre heures de mise en ligne si le projet proposé sera un succès ou non. Globalement, les campagnes de financement participatif rencontrent de plus en plus de succès, car la sélection est beaucoup plus drastique en amont.

Les contraintes Jacques Billy: Il ne faut pas oublier que si 10'000 personnes financent à hauteur de 50 francs, le système devient vite ingérable en cas de problème ou de modifications des contrats. David Narr: C’est pourtant la raison d’être de ces campagnes! Beaucoup de prêteurs veulent participer à une aventure entrepreneuriale par «procuration». C’est souvent leur principale motivation. Jacques Billy: Les projets qui marchent le mieux font appel à l’émotionnel, via un objet symbolique. Financer des forêts de machine-outil ne sera pas forcément auréolé de succès… Vincent Pignon: Parmi les projets qui ont le mieux marché sur Kickstarter, on trouve un manga gothique et la montre connectée Pebble! Hervé Lebret: De manière générale, on sait qu’à l’EPFL, sur dix start-ups qui se lancent, une seule pourra se financer. Il est difficile de trouver un investisseur. D’une manière, les business angels ont structuré ce lien entre entrepreneurs et investisseurs. David Narr: Il est important de répéter que le crowdfunding n’est pas un produit miraculeux mais un complément aux sources de financement existantes. Vincent Pignon: Et qu’en Suisse, ce marché reste particulièrement petit!


BUSINESS & TENDANCES

12 | EUROPA STAR PREMIÈRE

PORTRAIT

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LE DÉSTOCKEUR

Personne n'aime voir débarquer chez soi le «nettoyeur» qui va vous débarrasser de vos vieilleries. Et pourtant, ce déstockeur joue un rôle fondamental dans l'équilibre «écologique» de la branche horlogère. PAR

PIERRE MAILLARD

Le «déstockage» est un des paradoxes engendré, ou tout du moins rendu désormais plus nécessaire que jamais, à la fois par la «fashionisation» de l'horlogerie, qui se sent désormais obligée de sortir des nouvelles collections à un rythme qui se rapproche de plus en plus de celui de la mode, et des exigences de plus en plus élevées des marques et des groupes de marques envers leurs détaillants. Ceux-ci, souvent sommés de prendre en stock toute une collection ou rien, voient leurs tiroirs se remplir d'une marchandise qui ne s'écoule pas touPUBLICITÉ

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jours à la vitesse à laquelle elle s'accumule. Et quand des soubresauts géopolitiques ou des ralentissements économiques s'en mêlent, «déstocker», «purger», «liquider», «nettoyer» devient impératif. C'est là que quelqu'un comme Maurice Goldberger, le patron canadien de Chiron, prend tout son poids. Tout a commencé pour lui alors qu'il était à la tête d'une entreprise de transport canadienne. Régulièrement, quelques-uns de ses 400 containers remplis de marchandises lui restaient entre les bras. Que faire de ces tonnes de nounours, de matériel hi-fi ou de pâtes? Que faire d'autre qu'essayer de les écouler… C'est ainsi que Maurice Goldberger se lance dans les marchés alternatifs. Une activité qu'il développe au point d'en faire son métier. Dès 1995, il a l'idée de s'attaquer à l'horlogerie. Mais attention: contrairement à bien d'autres «déstockeurs» qui oeuvrent dans l’ombre, lui pratique ouvertement ce qu'il appelle le collaborative destocking. En fait, nous explique-t-il, il s'agit de deux business parallèles: il y a le destocking, qui consiste à racheter toutes les références qui soit se vendent mal soit

sont sorties des catalogues, et il y a ensuite le restocking, qui consiste à revendre ces références «sur des marchés spécifiques et des canaux définis et acceptés préalablement par les marques». Un bon «déstockeur» se doit donc d'être aussi un bon «restockeur».

Le «déstockage collaboratif» ne doit pas affaiblir la marque mais la renforcer Vif, sympathique, malin en diable, Maurice Goldberger a en effet compris qu'il a tout intérêt à se montrer en public s'il veut convaincre de sa transparence ses partenaires dans les marques, chez les distributeurs, auprès des détaillants. Mais n'attendez pas de lui à ce qu'il vous livre un seul nom. «Dans ce domaine, la discrétion est la clé. Un seul faux pas et ma réputation est morte.» Nous voici prévenus. «Ma relation avec les marques est la clé. Je dois comprendre leurs intentions marketing, leurs forces et leurs faiblesses. Reprendre des stocks et les mettre sur le marché doit se faire sur des bases communément établies. Idéalement, le déstockage doit renforcer le marketing des marques.» En accord donc avec les marques concernées, Maurice Goldberger a mis au point un «algorithme» imparable. Un exemple: en 2012, un dé-

taillant a acheté à une marque pour CHF 100'000.- de marchandises. En 2015, il lui reste pour CHF 50'000.de stock qui ne se vend plus. Chiron lui rachète ce stock CHF 15'000.cash. La différence de CHF 35'000.-? Elle est «comblée» par une note de crédit d'autant émise par la marque concernée et valable sur le prochain réapprovisionnement. Mais attention: ce réapprovisionnement devra se monter au minimum à trois fois la somme totale de la note de crédit, soit en l'occurrence CHF 105'000.-. La marque voit sa marge rabotée, certes, mais dans le même temps, elle est assurée de faire du sell-in. Et aucune perte n'apparaîtra dans ses livres de comptes.

Et du côté du restocking? La majorité de ce que Maurice Goldberger rachète – en 2014, pour 150 millions de dollars de montres à travers le monde – s'écoule aux EtatsUnis. Des produits vendus sans packaging, sans garantie de la marque (mais avec une garantie Chiron valable une année), à travers divers canaux: outlets, internet, ventes directes, marché des antiques, ventes privées... Pourquoi essentiellement les Etats-Unis? «C'est culturel, nous explique-t-il. En Europe, acheter un objet de seconde main est mal vu. Aux Etats-Unis, obtenir un gros voire un très gros rabais (entre 30% et 40%) sur une pièce certes sans écrin mais somme toute neuve, est considéré

«En Europe, acheter un objet de seconde main est mal vu. Aux Etats-Unis, obtenir un gros voire un très gros rabais est considéré comme smart.» comme smart. Un peu comme acheter une de ces 'voitures de direction' quasiment neuves, qui n'ont roulé que 500 kilomètres mais dont le prix est drastiquement baissé.»

2015 pire que 2008 Alors que de partout proviennent des signaux qui disent les détaillants croulant littéralement sous les stocks, on demande à Maurice Goldberger comment se portent ses affaires en 2015. «On est revenu à la situation qui prévalait en 2008-2009, répondt-il. C'est même pire sans doute (ou mieux, c'est selon votre point de vue), mais la grosse différence est qu'aujourd'hui, toute la charge des invendus est passée du côté des détaillants. On m'appelle pour une montre de très haut de gamme, pour vingt montres de prestige, pour 500 montres courantes… A chaque fois, je dois pouvoir répondre de façon conséquente, coordonnée avec la marque. C'est du hard business, certes, mais au fond c'est comme une division spécialisée de la marque.»


BUSINESS & TENDANCES

EUROPA STAR PREMIÈRE | 13

La Chine, championne des brevets horlogers L’Empire du Milieu domine les dépôts de brevets horlogers, en particulier en ce qui concerne les montres connectées. Les Suisses, eux, se concentrent d’abord sur la montre mécanique, les fonctions d’affichage et l’habillage. Décryptage. BEGONIA TORA, DAVID BOREL HARALD JENNY, CENTREDOC

PAR ET

Lorsqu’il s’agit de collecter des informations sur l’innovation à l’œuvre dans un domaine technologique donné, les brevets sont une source incontournable. En effet, il est communément admis qu’environ 95% des efforts de R&D mondiaux sont accessibles au travers de ce type de documents et que plus de 80% de cette information n’est disponible nulle part ailleurs puisque,

Pendant que la Suisse concentre ses efforts sur la montre mécanique et ses composants, la Chine se focalise sur les montres connectées et ses fonctions dérivées. pour ne pas risquer d’invalider son propre dépôt de brevet, un inventeur aura tendance à privilégier le brevet à toute autre forme de communication. Le domaine horloger ne fait pas exception.

Si les brevets sont avant tout une source d’information technique, leur utilisation à des fins d’analyse statistique, visant à obtenir une vision d’ensemble de la situation de marché, est de plus en plus usuelle. Ce type d’analyse permet d’observer le passé de l’industrie horlogère et d’en tirer des pistes pour son futur immédiat.

La Chine domine le classement, toutes catégories confondues Au cours de l’année 2013, dernière année pour laquelle l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) dispose de statistiques complètes, 2,6 millions de brevets ont été publiés, soit une augmentation de 9% par rapport à 2012. Ramené à une moyenne quotidienne, cela représente plus de 7'100 inventions tous domaines techniques confondus! Dans cet énorme volume, trois pays dominent par la quantité de brevets déposés: la Chine, les Etats-Unis et le Japon. La Chine est l’incontestable championne du dépôt de brevets avec

2008-2012: LES BREVETS HORLOGERS PAR PAYS CHINE FONCTIONS ADDITIONNELLES

5000

37%

AFFICHAGES

HABILLAGE

Montres mécaniques

0%

plus de 750'000 inventions protégées par an et une croissance de 26,4% en 2013. Elle a détrôné les Etats-Unis de leur première place en 2009.

Un pic des brevets horlogers en 1976 En traçant l’évolution des familles de brevets (brevets apparentés, partageant les mêmes priorités, ndlr) horlogers depuis le début du 20ème siècle, il est intéressant de noter que le lancement du premier proto-

APOGÉE DU QUARTZ

3000

2000

AUTRES

4

19%

20%

11%

5 40%

12% 60%

29%

9% 80%

23% 100%

L’affichage et l’habillage sont plutôt l’apanage des sociétés suisses et japonaises, tandis que les entreprises chinoises se concentrent sur les fonctionnalités additionnelles.

Montres électromécaniques 4000

SUISSE

6% 2 2 9%

51%

CRISE HORLOGÈRE SUISSE

Total

JAPON

81%

NOMBRE DE FAMILLES DE BREVETS DÉPOSÉS 6000

ETATS-UNIS

1er prototype d'une montre à quartz Bêta 1 / Juillet 1967 / CEH (NE)

1000

1900 1902 1904 1906 1908 1910 1912 1914 1916 1918 1920 1922 1924 1926 1928 1930 1932 1934 1936 1938 1940 1942 1944 1946 1948 1950 1952 1954 1956 1958 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

0

Mise en perspective de l’évolution du nombre de familles de brevets (années 1900–2002) et de la période de crise horlogère dans l’industrie suisse.

type d’horloge à quartz en 1967 en Suisse a été suivi par une explosion du nombre de dépôts de brevets, notamment au Japon. Un sommet a été atteint en 1976 avec l’apogée du quartz, qui fut immédiatement suivi par une crise horlogère sans précédent dans l’industrie suisse.

Les différences entres brevets chinois et suisses Une rapide comparaison des situations de 1974 et 2014 pourrait donner l’impression que l’histoire se répète 40 ans plus tard, avec toutefois un nouvel intervenant: la Chine à la place du Japon. Cette fois encore, une nation bat tous les records de dépôts de brevets et de modèles d’utilité. Une différence notable, toutefois: comparés aux moyens disponibles il y a 40 ans, les procédés d’analyse de données sont beaucoup plus avancés aujourd’hui. La possibilité de cartographier le contenu et l’orientation technologique des brevets à l’aide de logiciels spécialisés permet de décortiquer beaucoup plus précisément la situation. La cartographie des publications en horlogerie pour l’année 2014 met immédiatement en évidence une différence marquée entre les sujets brevetés par la Suisse et la Chine. Pendant que la Suisse concentre ses efforts sur la montre mécanique et ses composants, la Chine se focalise sur les montres connectées et ses fonctions dérivées. Une zone de friction se situe dans les domaines de l’étanchéité, des boîtiers et de l’échappement. Cette différence devient encore plus flagrante si l’on compare les brevets horlogers de la période 2008–2012 provenant de Chine, des Etats-Unis, du Japon et de Suisse.

Sur cette période, les trois classes de dépôts de brevets en horlogerie comptabilisant la plus grande activité sont les fonctions additionnelles (qui recouvrent tous les développements techniques consacrés aux montres connectées), l’affichage et l’habillage. Tandis que le Japon et la Suisse sont très actifs dans le domaine des brevets concernant l’affichage ainsi que, dans une moindre mesure, l’habillage, il en va bien autrement des fonctionnalités additionnelles. En effet, jusqu’à fin 2012, ni la Suisse ni le Japon ne déposaient de brevets dans ce domaine. Pour la Chine, la situation est plutôt inverse: 81% des

Jusqu’à fin 2012, ni la Suisse ni le Japon ne déposaient de brevets dans les fonctions additionnelles. brevets mondiaux dans le domaine des fonctionnalités additionnelles étaient déposés par des entreprises chinoises, suivies par les Etats-Unis avec 6% seulement. Il est donc très intéressant de noter que l’Apple Watch, qui fait le buzz en ce moment, est issue de ces 6 petits pourcents de brevets déposés par les Etats-Unis. Qu’en est-il donc des 81% déposés par la Chine? Ne devrions-nous pas nous attendre à une déferlante venue d’Asie dans le domaine des montres connectées? Il est évident que le sujet demande une attention toute particulière. Observer les dépôts de brevets permet de préparer le futur. Comme le disait déjà Napoléon: «Se faire battre est excusable, se faire surprendre est impardonnable.»


AILLEURS DANS LE MONDE

14 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Luxe: la lente émergence des marques horlogères chinoises

L’industrie horlogère chinoise, souvent assimilée à des coûts de production bon marché, offre une qualité et un savoir-faire encore bien inférieurs à ses concurrents étrangers. Mais pour combien de temps encore? Cette industrie a adopté depuis quelques années une stratégie de «remontée» de la filière et de revalorisation technologique de ses produits jusqu’au niveau de la Haute Horlogerie. Un segment que d’autres nations, comme le Japon ou les EtatsUnis, n’ont pas réussi à rejoindre. Deux exemples pour l’illustrer. A l’occasion de la dernière édition de Baselworld, on a dénombré pas moins d’une quinzaine d’exposants chinois, sans compter les exposants bijoutiers et joailliers, alors que plus de dix d’entre eux participaient déjà en 2014 à la foire. Le pavillon chinois a aussi permis de présenter les dernières innovations de l’Empire du Milieu dans le secteur des montres digitales. Les producteurs chinois de smartwatches

cherchent à profiter de l’engouement actuel autour de ces montres pour augmenter la visibilité de certaines firmes horlogères du pays.

Stratégie de conquête D’après Zhu Shunhua, responsable du pavillon chinois à Baselworld, quelque 90% des montres digitales produites dans le monde proviennent de Chine. Elles sont vendues sur le marché intérieur, potentiellement gigantesque. La présence des principales marques chinoises à Bâle

Quelque 90% des montres digitales produites dans le monde proviennent de Chine. Elles sont vendues sur le marché intérieur, potentiellement gigantesque.

Soutien massif du gouvernement Depuis le tournant du siècle, la main visible du gouvernement chinois a permis d’investir massivement dans des compagnies horlogères d’Etat comme Tianjin Sea-Gull (fondée en 1955), Beijing Factory (1958), Liaoning Peacock Watch Company (1958) et Fiyta (1987), qui ont de réelles ambitions dans le moyen et même le haut de gamme. En 2015, elles ont démontré à Bâle leurs capacités de produire des mouvements manuels ou automatiques et

L’écart se réduit petit à petit

Fiyta Mastercraft Collection, Fiyta tourbillon en or rose 18K

des complications allant de la phase de lune au tourbillon, tout en restant certes encore en deçà de la qualité suisse. Exposant pour la cinquième année consécutive dans la Hall 1 de Baselworld, Fiyta a présenté ses nouvelles collections dont un tourbillon édition limitée, un mouvement automatique à fuseau horaire avec lecture sur disque en relief et un mouvement automatique avec 12 signes du zodiaque en rotation. Les autres marques chinoises ne sont pas restées inactives. Liaoning Peacock Watch Co. a révélé son savoir-faire en mettant sur le mar-

Les montres chinoises ont encore du chemin à parcourir pour prétendre rivaliser avec les marques suisses et elles ne disposent pas encore du prestige et des circuits de distribution de maisons de luxe fortement implantées en Asie et à l’échelle mondiale. Mais l’écart commence à s’amenuiser, même dans le haut de gamme. Les compétences chinoises ont été acquises graduellement grâce à l’investissement étranger et à des transferts de technologies réalisés par des entreprises horlogères japonaises, suisses et quelques autres dans la région de Canton et de Hong Kong depuis plusieurs décennies. Les sociétés chinoises doivent encore apprendre à gravir la dernière marche, c’est-à-dire savoir communiquer et vanter leurs meilleurs produits, y compris le haut de gamme, comme les marques suisses savent très bien le faire… En attendant, elles continueront tantôt à racheter des sociétés horlogères suisses, tantôt à produire pour de grandes marques suisses, afin de bénéficier des ressources intangibles qui en font des maisons de prestige et qui, aux yeux des «nouveaux riches» et des classes moyennes chinoises, incarnent l’image de la Suisse et le label de la qualité helvétique. Quelques enjeux de forte concurrence mais aussi de possible coopération sino-suisse à l’horizon!

DR

PAR VALENTIN GUIDI ET PHILIPPE RÉGNIER, HAUTE ÉCOLE DE GESTION DE GENÈVE

n’est pas anodine: elle laisse entrevoir une stratégie de conquête prochaine des marchés européen et nord-américain. Certes, la Suisse continue à dominer le marché horloger mondial du milieu au haut de gamme. En 2014, la vente des montres suisses pesait encore 57,5% du marché mondial, alors que le nombre de montres produites en Suisse ne représentait en volume plus que 1,7% des modèles fabriqués dans le monde. Depuis Bâle ou Genève, on a tendance à oublier le passé glorieux de la civilisation chinoise dans l’industrie du luxe, qu’il s’agisse de céramiques, porcelaines ou soieries. En 1987, dans son ouvrage Suisse/Hong Kong: Le Défi Horloger, Jean-François Blanc avertissait déjà du défi horloger en provenance d’une Chine alors en pleine réforme et transition vers l’économie de marché.

DR

Des sociétés comme Fiyta sortent des complications de plus en plus prestigieuses et visent à termes à bousculer les marques suisses de luxe. Leur offensive reste cependant très graduelle. En attendant, elles rachètent patiemment savoir-faire et marques suisses… Analyse.

ché des montres avec mouvement à date rétrograde, phase de lune et tourbillon co-axial, le tout dans une boîte squelette de 40 mm de diamètre. Beijing Factory a quant à elle exposé son tourbillon 3D sur deux axes avec une phase de lune en émail sur l’arrière de la platine visible depuis le fond.


AILLEURS DANS LE MONDE

Can Stock Photo Inc. / dariolopresti

EUROPA STAR PREMIÈRE | 15

«En Russie, le choc de la dévaluation a été très brutal» chères qu’en Europe! Cette tendance n’est probablement pas durable et les Russes prendront sans doute à nouveau le chemin des capitales européennes, mais cela va dépendre du contexte politique et monétaire. Cependant, la clientèle russe est segmentée et les réactions sont variées. Il existe des grands connaisseurs très aisés qui achètent régulièrement des montres de haute qualité: cette consommation-là demeure. Une autre grande partie des consommateurs est occasionnelle.

Quelles conséquences la morosité ambiante de l’économie russe a-t-elle sur les importations de montres suisses et le marché horloger domestique? Les réponses de Florence Pinot, Managing Partner de Mazars Russie. Propos recueillis par Serge Maillard

Bien que les sanctions réciproques soient de nature discriminatoire et puissent avoir un côté vexatoire, les consommateurs russes restent, de façon générale, très attachés aux savoir-faire européens et étrangers et leur estime de ce savoir-faire n’est pas remise en question. La réputation de l’horlogerie suisse a encore de beaux jours devant elle. Par contre, au-delà des sanctions, la crise économique, due à de multiples facteurs, a engendré une très forte dévaluation du rouble et une forte inflation. Les salaires n’ont majoritairement pas été réévalués ou bien en deçà de l’inflation, ce qui a entraîné une vraie baisse du pouvoir d’achat et de la consommation. Le choc de la dévaluation a été extrêmement brutal et non anticipé par l’ensemble des acteurs du marché. Les conséquences ont été non maîtrisées durant les premières semaines de décembre 2014, semaines au cours desquelles les prix en roubles n’ont pas été ajustés. On a pu assister à une frénésie opportuniste de la part de certains consommateurs russes,

DR

Quel a été l'impact des sanctions occidentales et de la forte dévaluation du rouble sur le marché horloger russe?

ou même de spéculateurs asiatiques venus pour l’occasion. Les horlogers ont réagi rapidement, mais ce de façon assez variable en fonction des maisons. Certaines ont pour un temps fermé leur boutiques, d’autres ont ajusté drastiquement leur prix, d’autres encore ont opté pour un ajustement tarifaire plus progressif. Les conséquences sur les ventes ont donc été également très variables. Est-ce que les consommateurs russes achètent aujourd'hui davantage en Russie? Certainement! Le tourisme européen, y compris le tourisme d’achat, a fortement reculé. Les Russes ayant renoncé à voyager vont avoir tendance à dépenser davantage sur le marché domestique. D’autant plus que les montres sur leur marché sont maintenant souvent moins

«Ce qui semble commun à toutes les maisons est une gestion «serrée» des dépenses et des budgets de communication.» Cette tranche de consommateurs qui puise dans une population plus large va être très sensible aux efforts faits par les maisons pour ne pas répercuter totalement la baisse du rouble sur les prix. On observe donc des modifications dans le mix des produits achetés. Les très belles pièces continuent à trouver preneur. Mais les achats se font plus rares. Quelles sont les stratégies des marques horlogères face à ce retournement de situation? Toutes les périodes de crises peuvent être porteuses de nouvelles opportunités. En fonction des business modèles, les opportunités se situeront à différents niveaux: renégociation

des baux (prix et devises), identification de nouveaux emplacements à des prix attractifs, protection des distributeurs, ajustement ciblé des prix en fonction des modèles, modification des assortiments… Ce qui semble commun à toutes les maisons est une gestion «serrée» des dépenses et des budgets de communication. Mais la stratégie en elle-même dépend fortement de la volonté des marques et de leurs intentions vis-àvis de la Russie: investir à contre-cycle, ou sécuriser les chiffres de l’année en cours, reste une décision très individuelle des maisons. Aujourd'hui, quelle est la situation des détaillants et distributeurs horlogers russes? De janvier à fin mai 2015, les statistiques montrent un recul des exportations de la Suisse vers la Russie de 30% par rapport à la même période en 2014. En Russie, cette tendance se traduit par une baisse très nette de la fréquentation des magasins, en région particulièrement, mais également à Moscou. Même si le chiffre d’affaires global

«Il existe des grands connaisseurs très aisés qui achètent régulièrement des montres de haute qualité: cette consommation-là demeure.»

du marché affiche une croissance en roubles, il subit une baisse en nombre de pièces et en devises étrangères. Quelle perspective générale pour le marché horloger russe en 2015? Après la stupeur de la dévaluation en décembre et un retour relatif à une situation stabilisée sur le premier semestre 2015, le ton est encore à la morosité. Ce facteur psychologique ne pousse pas les consommateurs à effectuer des achats émotionnels, comme le peuvent l’être les achats de montres. La tendance est encore attentiste et risque de le rester en 2015.

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DÉBATS & OPINIONS

16 | EUROPA STAR PREMIÈRE

Mais où est passée l'Opus 13? Un différend oppose l’horloger indépendant Ludovic Ballouard et la marque Harry Winston autour de la création du treizième modèle de la fameuse lignée des Opus. Comment en est-on arrivé là? Explications. Pierre Maillard

Baselworld 2013. Comme chaque année, la présentation de la nouvelle Opus, en l'occurrence l'Opus 13, est un des rendez-vous obligés des collectionneurs et des journalistes. Pour la treizième fois, Harry Winston va dévoiler dieu sait quelle machine mécanique concoctée en secret avec un maître-horloger de renom, chaque fois différent. Tous ou presque y sont déjà passés et sont venus agrandir cette étonnante famille, unique en son genre. Une saga initiée en 2001 par Max Büsser, alors CEO de la branche horlogère du grand diamantaire new-yorkais (voir encadré). Oh, ça n'a pas toujours été un long chemin parsemé de roses; des épines, retards au démarrage et autres ajustements, il y en a eus mais, que voulez-vous, chacune de ces machines Opus est de l'ordre de l'horlogerie expérimentale. C'est ce qui fait leur force et l'intérêt des collectionneurs du monde entier, prêts à s'arracher les quelques dizaines de pièces à tirage limité. Mais revenons à 2013. Le 12 janvier 2013, soit trois petits mois avant Baselworld, le Swatch Group acquiert la marque Harry Winston et toutes ses activités liées à la joaillerie et à l’horlogerie, y compris ses 535 employés à travers le monde, pour la somme de 750 millions de dollars plus la reprise de la dette maximale à hauteur de 250 millions de dollars. Bien entendu, l'Opus de l'année fait partie de la transaction. Et cette année-la, sa conception et sa réalisation ont été confiées à un certain Ludovic Ballouard. Il y travaille depuis à peine une année, une vériLA SAGA DES OPUS 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Opus 1 Opus 2 Opus 3 Opus 4 Opus 5 Opus 6 Opus 7 Opus 8 Opus 9 Opus X Opus 11 Opus 12 Opus 13

DR

par

table gageure, et au vu du temps extrêmement court qui lui été alloué pour cette réalisation, il a du cesser toute activité propre pour ne se consacrer qu’à ce projet pour lequel il a engagé deux horlogers supplémentaires (en tout quatre personnes ainsi que lui-même travaillaient exclusivement sur ce dossier).

Un horloger atypique et original Ludovic Ballouard est un des horlogers les plus attachants et originaux de sa génération. Né en Bretagne en 1971, ce colosse aux allures d'aventurier des mers a grandi au bord de l'océan, dans «la nature sauvage et splendide» de cette côte. Passionné de modélisme, son «goût pour l'assemblage de l'infiniment petit» va le mener à l'horlogerie. Après des études à l'école d'horRésultats de la vente aux enchères Christie’s Hong Kong 3/6/2015

François-Paul Journe 176'147 US$ Antoine Preziuso 378'199 US$ Vianney Halter (mis en vente en 2011) 238'317 US$ Christophe Claret --Félix Baumgartner – Urwerk 259'859 US$ Greubel Forsey --Andreas Strehler 176'147 US$ Frédéric Garinaud --Jean-Marc Wiederrecht et Eric Giroud 145'063 US$ Jean-François Mojon 160'605 US$ Denis Giguet --Emmanuel Bouchet --Ludovic Ballouard (en suspens) ---

logerie de Rennes, il peine à trouver du travail dans cette région dépourvue d'industrie horlogère et oeuvre pendant six ans comme technicien pour tableaux de bord d'avions de ligne et de plaisance. Mais l'appel de l'horlogerie est le plus fort et il vient en Suisse. Il va travailler pendant trois ans dans les ateliers de Franck Muller puis sept ans auprès de François-Paul Journe, se consacrant pendant les trois dernières années au réglage et à l'assemblage de la fameuse «Sonnerie Souveraine». Mais en 2009, il décide de voler de ses propres ailes et fonde une marque à son nom. Une année plus tard, avec son premier modèle, l'Upside Down, il reçoit déjà le Prix Spécial du Jury à l'occasion du concours «La Montre de l'Année 2010» organisé par le magazine Montres Passion. En 2012, il présente une nouvelle complication en platine, la Half Time. Les deux pièces sont emblématiques de son approche décalée et ludique de la mécanique horlogère: l'Upside Down présente tous ses chiffres à l'envers, sauf l'heure en cours, qui, elle, se présente bel et bien à l'endroit; quant à la Half Time, inédite complication dépourvue d'aiguille des heures, elle présente des index romains tous coupés en deux et illisibles, sauf celui de l'heure en cours! Pour l'Opus 13, Ludovic Ballouard s'est surpassé. Ce n'est plus une aiguille mais bel et bien 59 aiguilles pivotantes qui apparaissent et disparaissent pour scander les minutes, tandis que les heures sont figurées par 11 triangles rotatifs et 1 volet coulissant central! Il arrive à Bâle avec cinq prototypes.

Une occasion volontairement manquée? La montre est une véritable gageure technique, et un exploit visuel auquel, très curieusement, peu de publicité sera faite à Baselworld par un Harry Winston désormais partie du Swatch Group: journalistes méticuleusement filtrés, interviews assistées, interdiction faite à Ludovic Ballouard de distribuer ses propres cartes de visite, séjour à Bâle écourté puis suppression de la tournée mondiale de présentation habituelle... Une occasion manquée? Ludovic Ballouard est perplexe mais dans l’année et demie qui suit, le travail se déroule normalement, selon les dispositions contractuelles. Avec son équipe, il s'est attelé à la mise au point et à la fabrication du mouvement (l'habillage étant du ressort d'Harry Winston) et, pour ce faire, a passé commande des composants, régulièrement payés par Harry Winston. Mais en dehors de ces commandes, M. Ballouard et son équipe ne reçoivent aucune rétribution, étant entendu contractuellement que la marge serait réalisée sur la production elle-même. Certes, quelques signes avant-coureurs l'inquiètent un peu, comme cette ultime facture non payée, mais toujours est-il qu'en octobre 2014, sous pression, Ludovic Ballouard livre les deux premières montres en vue de leur validation. Celle-ci, contractuellement, devait être ré-

alisée par un laboratoire indépendant (Dubois) mais à la surprise de Ludovic Ballouard, cette expertise est finalement réalisée par le laboratoire de Breguet, qui fait partie du même Swatch Group qu’Harry Winston. De plus, selon l’horloger, la préparation de ces deux montres s’est effectuée dans l’urgence, sous ultimatum de la part d’Harry Winston, et n’a pu être achevée que la veille de l’expédition. Résultat, les deux montres sont rejetées: problèmes d'équilibrage du balancier (balancier qui, soit-dit en passant, provient du Swatch Group, souligne l’horloger) et défauts de finition du mouvement. Ludovic Ballouard en est persuadé: si on lui avait donné l'occasion de contrôler à son tour ces deux montres, il aurait pu facilement en améliorer la marche, d'une part, et d'autre part, questions finitions, il est persuadé qu'on lui «cherche des poux dans la tête», que ce n'est là qu'un prétexte, à l'image de cette «abrasure de l’ordre du micron sur une tête de vis ou cette bavure de graisse» qu'on lui reproche.

Qui dit le vrai? Contactée par Europa Star Première, la porte-parole d'Harry Winston ne veut pas commenter l'affaire sur le fond: «Notre société n’a pas pour habitude d’instruire par voie de presse ses différents commerciaux. Si Montres Ludovic Ballouard Sàrl s’estime injustement lésée par la décision prise par notre société de mettre un terme à notre collaboration sur le projet de l’Opus 13, il lui est loisible >


DÉBATS & OPINIONS de porter ce débat devant une instance judiciaire dont le rôle est d’en connaître. Au lieu de cela, il a fait le choix de porter son litige sur la place publique dans l’espoir vain d’exercer des pressions sur le groupe Swatch. Notre société ne cède toutefois pas à ce type d’agissements», précise-t-elle.
 Quant au reste, elle estime sans préciser concrètement ses objections que la narration de l'affaire par Ludovic Ballouard est «évidemment très orientée et comporte de nombreuses inexactitudes volontaires ou qui sont le résultat manifeste de sa mauvaise interprétation des faits ou des termes du contrat qui liait sa société à Harry Winston (…) contrat impliquant pour chacune d’elle des devoirs et obligations précis. Montres Ludovic Ballouard Sàrl n’ayant pas réussi à exécuter correctement toutes les obligations contractuellement convenues avec notre société, celle-ci a fait usage, une fois cette incapacité avérée, de son droit d’y mettre un terme.» Aux yeux du Swatch Group, le litige «provient en définitive du refus de Montres Ludovic Ballouard Sàrl d'admettre la réalité de ses manquements», au titre desquels sont cités «presque deux ans de retard pour livrer deux des trois prototypes» et le fait que ceux-ci «ne rencontraient pas les standards de l'horlogerie haut de gamme».

Le futur de l’horlogerie en mots-clés Montre connectée, Swiss made, luxe, franc fort, marketing: une table ronde au salon EPHJ a permis à des intervenants aux profils très différents, voire opposés, de s’exprimer sur les sujets les plus bouillants de l’industrie horlogère. Débat. par

Serge Maillard

Ils ont des caractères très différents, emportés ou mesurés, et s’assoient autour d’une même table pour débattre. Cela promet… Le volcanique Xavier Comtesse, ancien directeur romand d’Avenir suisse et créateur du groupe de réflexion Watch Thinking, le «terrien» Philippe Dufour, artisan horloger et maître de la montre compliquée, le modéré et diplomate Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse, et le journaliste Vincent Daveau, de L’Express (le magazine français, à ne pas confondre avec le journal neuchâtelois). Ils sont là pour débattre des «grands défis de l’horlogerie». Ceux-ci sont nombreux. Nous en avons retenus cinq. Morceaux choisis.

«Pas la même interprétation du terme haut de gamme» «Le retard, parlons-en: deux ans à peine pour mettre au point une telle montre? Mais c'est du grand équilibrisme et peut-être mon erreur a-telle été d’accepter un tel délai, admet Ludovic Ballouard. Et pour ce qui est des standards de l’horlogerie haut de gamme, poursuit-il, en effet, j’utilise des petits tournevis en laiton quand d’autres utilisent des Super CNC Haute Technologie. Nous n’avons donc sans doute pas la même interprétation du terme ‘haut de gamme’.» Et de s'interroger ouvertement: «Quel est le but d'Harry Winston? Reprendre en mains la fabrication, là où je devais enfin gagner quelque chose avec ce prestigieux projet, moi qui ai tout laissé tomber pour le faire?» Quoi qu'il en soit, c'est désormais parole contre parole. Mais quel dommage, car tous y perdent! A commencer par Ludovic Ballouard qui voit un rêve s'évaporer, constate avoir «perdu» trois précieuses années et se retrouve en dangereuse posture financièrement parlant. Mais aussi Harry Winston dont la légendaire série des Opus se voit interrompue. Ou encore les collectionneurs, qui ne rentreront peut-être jamais en possession de l'objet convoité, ainsi que, tout simplement, la petite histoire de l'horlogerie qui se voit privée d'une pièce authentiquement novatrice, dernière-née d’une série qui a marqué fortement l’horlogerie de ce début de 21ème siècle. Au bout du compte, ce combat entre David et Goliath se termine par un résultat nul, dans tous les sens du terme.

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Biver est d’ailleurs en train de couler une marque avec sa stratégie. Jean-Daniel Pasche: Est-ce que les smartwatches sont seulement des montres? C’est en effet une bonne question! Je rappellerai seulement que l’Organisation mondiale des douanes ne les catégorise pas dans l’horlogerie mais dans les produits électronique. L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ne fait pas autrement. Après, il est vrai qu’il existe une très vaste palette de produits, de l’Apple Watch à la mécanique hybride avec des fonctions de connexion.

SWISS MADE

MONTRE CONNECTÉE Philippe Dufour: Je pense que la montre connectée va occuper des poignets qui sont aujourd’hui nus. Je l’observe déjà au Japon, où je me rends régulièrement. Mais à un certain moment, ces nouveaux possesseurs d’une «montre» en auront assez d’avoir une télévision au poignet et passeront à autre chose. C’est ce que l’on appelle tout simplement l’évolution sociale. Xavier Comtesse: Les smartwatches ne sont pas des montres; ce sont des écosystèmes. Chez moi, tous les objets, du frigo au réveil, donnent déjà l’heure. Ce que Apple, LG ou Samsung visent, c’est l’internet des objets et le «remote control». Ce n’est pas «notre» monde. Mais on peut déjà mettre des fonctions très utiles dans nos montres, comme les senseurs du pouls et capteurs médicaux. Cela fait depuis 2000 ans qu’on compte le temps. Et il y a encore beaucoup d’innovations possibles en mécanique (lire à ce sujet notre prochain dossier sur les limites – ou non – de la mécanique, dans l’édition internationale d’Europa Star de septembre 2015). Il faut un discours «hard» sur l’amour de l’objet. Nous ne sommes pas dans la Silicon Valley… A mes yeux, Jean-Claude

se replace dans l’histoire, le Swiss made est passé d’une «punition» à un argument de vente très puissant. Mais aujourd’hui, on ne peut pas dépasser les 60% de valeur.

Jean-Daniel Pasche: Il faut se rappeler qu’à l’époque, le Swiss made a été imposé par l’étranger. Aujourd’hui, la législation est dépassée. Les conditions auraient dû être plus contraignantes dès le début: nous payons le prix des erreurs commises il y a des décennies. Le paradoxe, c’est que plus on mondialise, plus on s’intéresse aux origines. Or, aujourd’hui, il n’existe pas de minimum de valeur: certaines montres «suisses» n’ont que 20% de valeur suisse. Le renforcement du Swiss made va favoriser la sous-traitance en Suisse. Et des sous-traitants étrangers sont aussi intéressés à s’établir en Suisse. Philippe Dufour: Pour moi, passer à 60% de valeur ne va rien changer du tout. Les marques horlogères ont des filiales à l’étranger mais peuvent facturer où elles veulent. Pourquoi donc parler de «valeur»? A mes yeux, il faudrait faire au moins 80% de la montre en Suisse. Point barre! Jean-Daniel Pasche: Nous voulions fixer un taux à 80%. Mais cela serait contraire au droit international, car c’est considéré comme du protectionnisme. Nous avons donc dû renoncer, en raison des traités de commerce international. Pourquoi la valeur? Il faut choisir un dénominateur commun. Et on utilise déjà très largement la notion de «valeur» dans les accords de libre-échange. Bien sûr, il y aura toujours des abus. Mais il n’y a pas que le critère des 60% de valeur dans la nouvelle législation: le développement technique et le mouvement doivent être réalisés en Suisse. Si l’on

FRANC FORT Jean-Daniel Pasche: Le franc fort entraîne des décisions très difficiles pour un entrepreneur. Est-ce qu’on augmente ou on baisse les prix? Les différences de taux de change ont toujours un impact important. On le voit aujourd’hui aussi avec l’appréciation du dollar de Hong Kong: cela pousse les consommateurs chinois à acheter leurs montres en Corée du Sud ou au Japon. Cet effet perturbateur favorise le marché «gris» qui se développe avec des différences de prix importantes d’un pays à l’autre. Vincent Daveau: Pour le consommateur, il est incompréhensible qu’une montre coûte du jour au lendemain 17% de plus sans changement qualitatif ni innovation. Et nous n’avons pas encore inventé les Vénusiens pour prendre le relais des consommateurs chinois… Philippe Dufour: Si l’on veut être cynique, il y a tout de même un avantage avec le franc fort: vu que le Swiss made est une coquille vide, on peut s’approvisionner en produits moins chers à l’étranger! Xavier Comtesse: Le vrai problème, c’est que pendant quinze ans, on a fait grossir de manière très importante non seulement les dimensions mais aussi les prix des montres. Or, le consommateur change. Et les stocks sont «bourrés» chez les détaillants. Cette surcharge chez les revendeurs est une très mauvaise nouvelle et une très mauvaise idée. Par ailleurs, notre réseau et notre mode de distribution est très «vieillot». Il y a encore beaucoup de nettoyage à faire. Apple est précurseur d’une distribution plus moderne.

LUXE Xavier Comtesse: Il est intéressant de noter qu’il existe une grande admiration au Japon pour la Haute Horlogerie suisse. Les horlogers japonais n’ont pas réussi à gagner de l’argent avec le quartz. C’est le luxe

qui a sauvé l’horlogerie suisse, pas le quartz. Entre 2000 et 2015, nous avons produit moins de montres en Suisse et notre industrie horlogère a doublé son chiffre d’affaires. Dans un premier temps seulement, Apple va s’attaquer à la montre entre 200 et 500 francs, la catégorie des Tissot. Nous devons maintenant gagner la partie à la fois sur le luxe et sur le Swiss made… Jean-Daniel Pasche: Ce qui va marcher, c’est la crédibilité et l’authenticité. Et l’horlogerie suisse ne doit pas se concentrer uniquement sur le segment haut de gamme. On voit bien que des expériences de l’industrie dans le créneau entrée de gamme sont utiles dans des créneaux plus élevés. Mais il faut renforcer le Swiss made. Vincent Daveau: L’horlogerie suisse a su rebondir sur l’artisanal, mais elle ne doit pas s’arrêter aux montres à 25'000 francs. Elle doit construire une deuxième et une troisième voie. Nous nous sommes trop regardés le nombril et habitués à la niche du très haut de gamme. Demain, l’horlogerie n’aura plus forcément pour centre la Suisse. L’industrie helvétique est déjà une goutte d’eau dans un énorme océan, en termes de quantités. Xavier Comtesse: Nous assistons à des changements dans tous les domaines. Et ces transitions sont violentes. Apple va réussir à vendre des montres chères et moins chères. Là où ils sont forts – et où on pourra peut-être parler de «luxe» – c’est qu’ils créent de la demande pour des produits inutiles.

MARKETING Xavier Comtesse: Il y a le produit et il y a le discours autour du produit. Aujourd’hui, l’industrie horlogère suisse fait du «marketing savonnette». Les campagnes de publicité sont désolantes. Mettre une starlette avec une montre au poignet, c’est dépassé. Notre discours a vieilli. Les critères du luxe changent. Le bling bling perd de sa force. Apple et Samsung ne sont pas du tout dans ce registre et mettent en avant le produit et sa fabrication. Nous ne devrions plus montrer des starlettes à moitié nues, mais Philippe Dufour! Les stars de demain, ce ne sont plus des «stars». Jean-Daniel Pasche: Je ne suis pas d’accord. Personnellement, je ne vois pas beaucoup de femmes à moitié nues sur les publicités horlogères, mais justement beaucoup de produits!


SMARTWATCHES

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L’Apple Watch arrive en Suisse La smartwatch d’Apple, sans conteste la montre connectée la plus désirée de ces dernières années, est enfin commercialisée en Suisse. L’industrie horlogère traditionnelle devrait-elle pour autant se mettre à trembler? Boudrand, senior

manager financial advisory, deloitte en suisse

Le 24 avril 2015 a marqué la fin d’une longue attente pour de nombreux fans d’Apple et certainement le début d’une ère nouvelle pour l’industrie des montres connectées. Car même si l’Apple Watch possède quelques défauts de jeunesse et ne révolutionne pas le genre, elle se positionne comme un accessoire de mode, contrairement à ses semblables – un aspect qui manquait cruellement aux montres connectées. L’Apple Watch incarne non seulement une montée en gamme mais elle offre également plus d’options de personnalisation. Plusieurs versions sont ainsi disponibles: une version Sport et colorée dès 389 francs, une version Watch entre 629 et 1’229 francs avec un verre saphir (contrairement à la version Sport qui utilise un verre renforcé) et la version Edition qui est vendue entre 10'500 et 17'500 francs. Chaque version dispose d’options de taille, de matériaux et de bracelets. Les avis semblent unanimes sur le fait que l’Apple Watch présente une qualité de fabrication et des finitions sans équivalent sur le marché actuel des montres connectées. En termes de ventes, les différentes sources disponibles (à la date d’écriture de cet article, Apple n’a encore communiqué aucun chiffre officiel) font état du meilleur lancement pour un produit Apple, devançant les premières versions de l’iPad et de l’iPhone à leur époque. Mais ce lancement est à relativiser car c’est le premier en simultané sur plusieurs pays à la fois (neuf en tout). Lors d’une récente interview accordée au site Wearable, Jeff Williams, Senior Vice President of Operations chez Apple, mentionnait que «la réponse à l’Apple Watch a dépassé toutes nos

CHIFFRE

1'249 En francs suisses, c’est le prix d’une Apple Watch «Watch» de 42 mm disposant d’un verre saphir et d’un bracelet en acier, marquant clairement les ambitions haut de gamme d’Apple.

attentes et nous sommes très heureux de pouvoir l’apporter à de nouveaux clients à travers le monde». La montre à la pomme a en effet été lancée fin juin dans sept nouveaux pays, et notamment le 26 juin en Suisse, alors qu’Apple peine à suivre les cadences de production...

Un marché en plein boom

Baselworld a été cette année l’occasion pour de nombreuses marques suisses traditionnelles d’annoncer leurs projets de montres connectées. Un signe que certaines des marques les plus directement visées par ces produits (principalement celles disposant d’une offre en dessous de 1'500 francs) commencent enfin à réagir. Frédérique Constant avec sa Horological Smartwatch est un bon exemple: une montre en tout point classique, disposant d’un affichage à aiguilles – sans écran digital, donc – et de certaines «complications» apportées par des technologies de fitness trackers dissimulées dans le mouvement de la montre. Des technologies que le PDG lui-même, Peter Stas, est allé chercher en Californie chez Fullpower Technologies, une société spécialisée dans les technologies embarquées sur l’homme et qui fournit déjà Apple, Nike, Pioneer ou encore Jawbone. La Horological Smartwatch devrait de plus pouvoir

évoluer dans le futur via des mises à jour des composants. Les autres annonces récentes sont également prometteuses. Swatch, tout d’abord, a récemment confirmé sortir sa première vraie smartwatch en août avec la volonté de se servir de tout le savoir-faire et des technologies dont le groupe dispose en interne. Ce nouveau modèle sera doté de la technologie NFC de paiement sans contact et devrait être très économe en énergie. Enfin, si on a appris à Baselword que TAG Heuer était désormais en partenariat avec Google et Intel, JeanClaude Biver, son directeur général, a récemment levé le voile sur quelques détails de sa Carrera Wearable 01. Cette montre connectée devrait être très proche de la Carrera Heuer 01, récemment dévoilée, et conserver tout l’ADN de la marque. Contrairement aux options choisies par Frédérique Constant ou Swatch, cette Carrera tournera sous Android Wear et sera donc plus directement en concurrence avec Apple, Samsung ou encore LG. Autre information très intéressante, la Carrera Wearable 01 devrait être évolutive et permettre des mises

La Carrera Wearable 01 deTAG Heuer devrait être évolutive. à jour de la partie technique pour assurer une certaine pérennité, comme la Horological Smartwatch. Avec un prix estimé autour de 1'300 francs, la Carrera se positionnerait dans le haut de gamme de l’offre de montres connectées et viendrait directement concurrencer la version «Watch» de la montre à la pomme. L’impact de l’Apple Watch sur le marché des montres connectées, et indirectement l’influence qu’elle pourra avoir sur l’industrie horlogère suisse, reste encore incertain. La volonté des marques suisses de proposer des montres connectées aux standards de qualité suisses et capables, dans une certaine mesure, de traverser les ans au même titre que leur offre classique pourrait s’avérer une stratégie payante face à des produits rapidement obsolètes.

Entre-temps, le marché des montres connectées a vu l’arrivée de plusieurs concurrents sérieux tournant sous Android Wear, le système d'exploitation de Google dédié aux «wearables». La Moto 360 mais aussi la Sony Smartwatch 3 ou encore la LG G Watch R offrent également des

En termes de ventes, les différentes sources disponibles font état du meilleur lancement pour un produit Apple, devançant les premières versions de l’iPad et de l’iPhone à leur époque. matériaux de qualité et même jusqu’à deux jours de batterie chez Sony et LG. On ne compte plus, par ailleurs, le nombre de smartwatches sportives et autres «fitness trackers» permettant de mesurer l’activité physique de la personne l’ayant au poignet. Selon les derniers chiffres du Smartwatch Group (un organisme de recherche indépendant sur le secteur), le marché mondial des montres connectées à connu une croissance de 82% en 2014, passant de 711 millions à 1,3 milliard de dollars, et pourrait grimper à 8,9 milliards en 2015 sous l’impulsion de l’Apple Watch. Cependant, si l’arrivée d’Apple marque un tournant et que ses concurrents ont également fait de nombreux progrès, deux constats s’imposent: les personnes équipées de montres connectées ne sont pas légion et ces montres restent des objets à l’obsolescence très rapide. Dans ce contexte, on pourrait penser que la Suisse possède encore une fenêtre d’opportunité pour proposer des alternatives.

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par Jules

Pendant ce temps-là dans la Watch Valley…


SMARTWATCHES

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C’est la «nouvelle smartwatch tentant de défier l’Apple Watch», selon le magazine américain Forbes. Au milieu du vacarme engendré par les nombreux acteurs désirant se profiler dans cet écosystème, la marque Olio, une start-up fondée en 2013 à San Francisco, «a réellement quelque chose d’intéressant à montrer», poursuit la publication. En effet, la compagnie produit l’intégralité de son hardware et de son software… Pas d’Android Wear, donc!

A 48mm, son boîtier est plus épais que ceux de l’Apple Watch, mais la montre navigue dans des prix comparables, entre 595 et 745 dollars. Elle contient «tout ce que l’on peut attendre d’une smartwatch actuelle»: synchronisation Bluetooth, accéléromètre, microphone… Le magazine est surtout admiratif de l’effort d’Olio quant à la création de son propre software, qui fonctionne sur un mode très particulier. «Il n’y a pas d’app store pour notre

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Olio, la smartwatch californienne qui s’attaque à Apple montre, déclare le fondateur Steve Jacobs. Les applications ont du sens pour les téléphones mais pas pour les produits connectés, d’autant plus s’ils sont si petits qu’ils peuvent être portés au poignet.» Pour lui, il s’agit d’abord de connecter la montre aux applications déjà présentes sur le téléphone, par exemple via la commande vocale, plutôt que de vouloir reproduire à l’identique les applications sur la montre. «C’est la grosse erreur qu’a commise Apple.»

GALERIE

15 des 1'500 visages d’Android Wear

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Google a récemment ajouté une quinzaine de nouveaux designs aux quelque 1'500 configurations de cadrans déjà disponibles sur son système Android Wear. Parmi ceux-ci: Angry Birds ou Hello Kitty, mais aussi Bang & Olufsen et Geox. Les voici en images.


LES ENTRETIENS DE L’ARCADE

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Confidences chez Europa Star Depuis début mai, les éditions Europa Star ont ouvert une «vitrine» au centre de la Vieille Ville de Genève – c’est-à-dire au cœur du cœur battant de l’horlogerie mondiale; le saint des saints pour les fidèles du Grand Horloger! C’est dans ce cadre unique, l’arcade Europa Star, que nous recevons régulièrement des invités pour des entretiens qui prennent ce luxe d’un autre temps: le temps, tout simplement. Le temps de discuter en profondeur de l’ADN d’une marque, des raisons qui la poussent à continuer l’aventure en ces temps géopolitiques délicats et de tous les humains qui la constitue.

Chaque invité peut amener un objet de son choix pour l’accompagner durant l’entretien: un objet cher à ses yeux (et pas forcément en valeur absolue!), qui dit quelque chose d’important sur son parcours et ses motivations. Un «croc à gentiane» pour Jacky Epitaux de Rudis Sylva, par exemple; un modèle miniature de la fameuse voiture de course «Cobra» pour Alain Zimmermann de Baume & Mercier. Les invités sont pris en photo avec leur objet, en partenariat avec le studio Diode de Denis Hayoun. Voici les premiers portraits.

DeWitt en quête des VVIP La manufacture indépendante genevoise vise aujourd’hui à toucher directement les clients au sommet de la pyramide financière. Et puisqu’elle trouve porte close chez la plupart des grands distributeurs et détaillants, elle doit s’organiser autrement… Rencontre avec sa directrice, Viviane de Witt. Serge Maillard

C’est en 2012 que Viviane de Witt reprend en main la marque horlogère lancée une décennie plus tôt par son mari, le comte Jérôme de Witt. «Mon époux entendait se consacrer exclusivement à la création de montres. C’est un créateur né: nous avons aujourd’hui 140 modèles en catalogue! Mais en affaires, c’est un peu un agneau au milieu des loups, dans ce milieu très compétitif qu’est l’industrie horlogère! J’avais une expérience de manager; j’ai donc accepté de prendre la direction de la marque DeWitt.» Depuis lors, la société, qui avait connu des difficultés lors de sa première décennie, semble avoir retrouvé une stratégie plus claire. Le point avec Viviane de Witt, qui portait pour l'occasion le modèle Academia Mathematical, sans langue de bois! Quelle a été votre première décision en tant que CEO? Elle a constitué à lancer le chantier du développement de notre propre calibre de base, qui a abouti cette année. Swatch Group pouvait à tout moment décider d’interrompre les livraisons de mouvements, ce qu’ils ont fini par faire, et je ne voulais pas dépendre de leur décision. Après trois ans de développement, nous allons adapter notre nouveau mouvement à toutes nos collections. Dans un monde de plus en plus éduqué à la mécanique et à la Haute Horlogerie, nous avons par ailleurs fait le pari de ne jamais produire de montres à quartz. L’autre point crucial a été d’élargir la gamme de prix pour permettre à ceux qui ne sont pas des «super-riches» de s’offrir aussi une DeWitt. L’accès au

beau doit être universel. Nos prix commencent aujourd’hui à moins de 10'000 CHF pour la New Academia en acier. Cela a permis de remettre la production en marche. Mon prédécesseur avait malheureusement commis certaines erreurs: il avait baissé la production et nous ne pouvions plus livrer certaines pièces, ce qui avait coupé le lien avec les distributeurs. Combien de montres produisezvous par an? Environ 1'500. En même temps, il ne faut pas se leurrer: ce ne sont pas les montres les plus abordables qui font vivre la maison. Nous avons de plus en plus de commandes spéciales, de la part de clients qui disposent d'un budget illimité et veulent ce que personne d’autre ne possède. Au sommet de la pyramide du pouvoir d’achat, les clients se ressemblent: ils cherchent l’exclusivité. En ce sens, nous sommes une marque réellement globale. Ou plutôt: nous avons une mosaïque de mini-marchés. Quel est l’ADN de votre entreprise? Contrairement à beaucoup de maisons qui prétendent l’être, nous sommes une vraie manufacture. Tout est fait à la main et nous avons tous les métiers d’arts in-house, y compris le guillocheur. Certaines marques refusent l’accès à leurs usines pour des «raisons de sécurité», alors qu’elles ne veulent en réalité pas qu’on voie à quel point elles sont robotisées. Nous sommes fiers d’ouvrir les portes de notre fabrique de 60 personnes, de notre showroom et de notre musée. Les clients veulent visiter la manufacture.

Viviane de Witt avec son modèle Academia Mathematical

Comment qualifieriez-vous votre style de gestion? J’ai un management de «petite épicière»! En tant que CEO, on est sans cesse sollicité, mais l’on doit veiller au grain. Chaque dépense compte. Aujourd’hui, nous sommes revenus à l’équilibre, même légèrement bé-

néficiaires. Nous avons eu une histoire tourmentée depuis notre création en 2003 mais nous visons un vrai succès global. Comment comptez-vous y parvenir? Pour nous, la bataille est surtout celle de la notoriété. De nos jours,

Diode

par

l’«argent» est dans des mains très jeunes, des gens du showbiz, du sport, du monde numérique, qui ne poussent que rarement la porte d’un détaillant horloger. Comment les toucher? C’est notre défi. Il nous faut être au bon moment et au bon endroit sur leur parcours, dès leur descente d’avion, pour capter >


LES ENTRETIENS DE l’ARCADE le «buying mood» de ces VIP cosmopolites, que je nommerais même des VVIP (very very important person)! Concrètement, nous organisons par exemple des événements privés à leur intention et nous utilisons nos réseaux internationaux. Par exemple ceux que j’ai hérités de ma carrière précédente de commissaire-priseur dans le marché de l’art.

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Rudis Sylva: «Nous ne sommes pas réticents à l’idée d’ouvrir notre capital-actions»

L’année passée, on a beaucoup parlé de vos montres contenant de l’ADN de Napoléon, dont votre mari est descendant direct… L’opération «Napoléon» a été un vrai succès. Je suis partie du constat que nos modèles en acier ne se vendaient pas assez. Il fallait faire un coup de buzz. Il a dépassé nos espérances: aujourd’hui, des clients nous demandent des tourbillons avec de l’ADN de Napoléon! Je crois que cela touche une corde sensible et globale: en Chine ou en Russie, on sait ce qu’est un empereur. Et mon mari a le physique de l’emploi (rires). Nous avons une légitimité à tirer parti de notre histoire, contrairement à d’autres marques. Mais au début, mon mari était horrifié: il ne voulait pas «vendre les ancêtres».

Aujourd’hui, le monde horloger est divisé entre quatre groupes. Cela bride la créativité. Enormément de talents horlogers ne croiseront pas les bonnes personnes au cours de leur carrière et ne pourront déployer leurs compétences… Lorsque j’ai commencé, j’ai téléphoné à Jean-Claude Biver pour lui demander un conseil. Il m’a dit: «Commence par apprendre la logistique.» L’horlogerie est difficile pour les indépendants. Notre salut, ce sont les super-riches, qui sautent d’un fuseau horaire à l’autre. Et il nous faut les atteindre directement. Nous n’arrivons plus à entrer chez les détaillants, qui sont totalement soumis aux groupes. En Suisse, nous n’avons pu trouver aucun détaillant!

Diode

En tant que marque indépendante, quel regard portez vous sur l’état actuel de l’industrie?

Jacky Epitaux avec son croc à gentiane

Plus qu’une société, Rudis Sylva est un projet: celui de rassembler tous les savoir-faire des Franches-Montagnes pour produire des montres vraiment artisanales. Il a déjà abouti à une petite révolution dans la lutte qui oppose depuis longtemps horlogers et gravité. Entretien franc et droit avec l’âme de ce projet, Jacky Epitaux.

Le franc fort a-t-il eu un impact sur vos ventes?

par

Pas un seul acheteur ne m’a posé la question. Nous pouvons répercuter l’augmentation sur nos prix. Plus ou moins 20%, cela ne change pas grand-chose à nos niveaux de prix. Le problème essentiel, c’est de percer le plafond de verre de la notoriété, par rapport aux groupes qui dominent tout. Mais nous sommes très fiables et je suis convaincue que nous l’emporterons sur la distance. Chaque porteur d’une DeWitt est un ambassadeur. Le service après-vente est réduit au minimum chez nous car nous faisons des produits de grande qualité. Mais c’est une bombe à retardement, car l’industrie horlogère écoule à prix fort de grandes quantités de pièces qui ne sont pas de parfaite qualité.

Jacky Epitaux est sans doute le meilleur ambassadeur horloger des Franches-Montagnes. Franc du collier, avec l’accent du terroir et sans langue de bois, mais fait de chêne massif, il transpire une sincérité devenue trop rare dans un univers horloger de plus en plus aseptisé et bien éloigné de ses racines paysannes. Heureusement, le patron de Rudis Sylva est là pour incarner les origines terriennes d’un monde qui n’a plus toujours les pieds sur terre. Un vrai bol de fraîcheur et de liberté… En ayant fondé un musée dédié aux liens entre les agriculteurs-défricheurs du Jura et l’horlogerie, il émet une piqûre de rappel salutaire. Outre son ADN, sa légitimité lui vient surtout de produits de très haute facture dont le noyau est l’«os-

Serge Maillard

cillateur harmonieux», ce tourbillon amélioré (pour résumer de manière très vulgaire un immense travail). Des montres élaborées en bonne harmonie, entre une bande de copains amoureux de leur terre et de leur atelier d’horlogerie, qu’ils soient fabricants de boîtes, de cadrans ou d’aiguilles. Des amis qui se retrouvent souvent autour d’un verre de gentiane faite maison (lire l'encadré «Objet» à ce sujet). En venant dans l’Arcade Europa Star Première, au cœur de la Vieille Ville de Genève, muni de son lourd «croc à gentiane», qui sert à déterrer les tubercules de la plante pour en faire de l’eau-de-vie, Jacky Epitaux a pu interloquer les passants… Ils auront peut-être cru à la réalisation d’un nouvel épisode de la série «Game of Thrones» – mais en mode jurassien et horloger! Rencontre. >

L’objet: Croc à gentiane «Un croc à gentiane sert à récolter les tubercules de cette plante pour fabriquer un alcool de fermentation. Cette plante est typique des Franches-Montagnes, du Jura Neuchâtelois et de la Vallée de Joux, c’est-à-dire de tout l’Arc horloger! Là où on trouve de la gentiane, on trouve aussi des horlogers… Il y a quelques années, j’ai ouvert l’Espace Paysan Horloger dans mon village jurassien des Bois. Regroupant un hôtel, un restaurant et un musée, il retrace les fondements de l’horlogerie dans la région jurassienne. Pourquoi l’horlogerie est-elle née chez nous, et pas à Zoug par exemple? C’est entre autres une question d’altitude. Au quatorzième siècle, dans notre région, les personnes qui s’installaient en altitude, à 1'000 mètres, étaient «soulagés» d’impôts. Dans ce climat rigoureux, il leur a fallu défricher la forêt par le feu. C’est l’origine du nom Les Breuleux, qui vient de «brûlé». Un certain Rudin était l’un de ces défricheurs. Originaire du Landeron, il a appelé son hameau «Rudis Sylva» en latin, c’est-à-dire «Les Bois de Rudin», qui a fini par se raccourcir en «Les Bois». A 1'000 mètres d’altitude, ces agriculteurs ne savaient pas quoi faire l’hiver. Les femmes ont commencé à faire de la dentelle, les hommes de l’outillage. C’est ainsi qu’a été développé, entre autres, le croc à gentiane. Les agriculteurs ont ainsi acquis des compétences pour travailler le métal. Naturellement, on a fini par leur confier des travaux horlogers… En ce qui me concerne, je récolte la gentiane au moyen de mon croc fin septembre. Historiquement, après la récolte à l’automne, on se mettait à l’horlogerie. Nous avons une expression chez nous: «On sort le quinquet (lampe à huile, ndlr) à la foire d’automne et on le range à la foire de printemps.» C’est-à-dire à l’occasion des premiers travaux aux champs.»


LES ENTRETIENS DE L’ARCADE

22 | EUROPA STAR PREMIÈRE (Suite)

Comment a été accueillie votre innovation? Au début, il y avait un peu de méfiance: certains horlogers n’y croyaient pas. Mais le temps nous a donné raison et une certaine légitimité. Nous n’avons quasiment eu aucun retour sur nos modèles.

DR

Vous vous êtes lancés en pleine crise horlogère…

Avant Rudis Sylva, quel a été votre parcours? Je suis de formation commerciale et j’ai d’abord travaillé pour la marque Zenith. J’ai quitté la société en 1999 lorsqu’elle a été vendue à LVMH. Je suis devenu vice-président du groupe horloger hongkongais Chung Nam, qui détenait entre autres Roamer et Isa. Puis, j’ai dirigé durant sept ans la marque Rodolphe, avant qu’elle ne soit reprise par Frank Muller. J’ai vendu mes parts pour investir dans le développement d’un nouveau mouvement... L’«oscillateur harmonieux»? Ce n’était pas l’idée de départ, mais c’est ce sur quoi l’aventure finira par aboutir! Je voulais lancer un produit qui corresponde à notre région des FranchesMontagnes, en associant tous les artisans du coin, du guillocheur à l’angleur. Tous sont des amis et tous ont voix au chapitre. Ainsi est né le projet puis la société «Rudis Sylva». L’idée était de lancer une marque portant le nom d’une région avec un très fort patrimoine horloger. Je me suis plongé dans les archives… Au Noirmont, on était très versé dans la fabrication de boîtes de montres, tandis qu’aux Bois, c’était plutôt le mouvement qui dominait. Nous avons assemblé ces différentes forces pour créer la montre. C’est par leur concours qu’est née l’idée de l’oscillateur harmonieux? Non… via un Finlandais! A la base, j’ai engagé Mika Rissanen pour mettre au point un tourbillon plus précis, comprenant deux balanciers en résonnance pour compenser l’effet de gravité, mais cela n’a pas marché. Il a alors trouvé le moyen de denter les balanciers, de les connecter et d’inverser les spiraux, ce qui a donné l’oscillateur harmonieux, présenté à Baselworld en 2009. Qu’a-t-il de particulier? C’est l’unique dispositif au monde qui supprime instantanément l’effet de la gravité en position verticale. Les deux balanciers dentés sont reliés l’un à l’autre. Cette liaison leur garantit une même amplitude. La symétrie et l’énergie des spiraux sont opposées en permanence, permettant une correction moyenne instantanée en position verticale. Ce qu’un tourbillon parvient à faire en une minute, nous le faisons de manière instantanée!

Effectivement, 2009 n’était pas la période idéale. Mais depuis lors, nous avons fiabilisé les premiers modèles. Nous avons vendu une cinquantaine de montres, à environ 250'000 francs pièce. Comment êtes-vous distribués? Nous sommes présents chez les meilleurs détaillants du monde, de Chronopassion à Westime. Nos acheteurs viennent des Etats-Unis, de Suisse, de Hong Kong, du MoyenOrient ou encore de Russie. Ce ne sont pas des gens attirés par le «showoff». Ils achètent nos montres pour leur grande valeur intrinsèque: nous sommes de vrais artisans et essayons de mettre en avant nos sous-traitants, ce qui n’est pas forcément le cas dans toutes les marques! Est-ce que d’autres marques ou des groupes vous ont approché pour vous racheter votre brevet? Non. Mais nous ne sommes pas réticents à l’idée d’ouvrir notre capital-actions. Notre ambition est d’abord de légitimer notre innovation et de pérenniser les savoir-faire de notre région. Justement, quels sont vos objectifs de long terme? Un de nos objectifs est l’intégration de complications à sonneries. A plus long terme, il s’agit aussi, simplement, de laisser une trace des savoir-faire horlogers. Dans quarante ans, quand le dernier guillocheur artisanal aura disparu, des montres Rudis Sylva seront vendues à prix d’or aux enchères en hommage à ces métiers disparus!

Baume & Mercier: «Notre fil rouge est la célébration: un mariage ou une naissance, c’est universel» Avec des combinaisons de montres et des prix abordables, Baume & Mercier axe sa stratégie sur les moments les plus essentiels de la vie. Retour à des valeurs sûres dans un contexte économique troublé. Entretien avec son CEO Alain Zimmermann. par

Serge Maillard

Dans l’industrie horlogère, pas un mois ne se passe sans que l’on ne reçoive une invitation à une commémoration ou un anniversaire en tout genre. La maison Baume & Mercier (groupe Richemont), elle, prend la démarche à rebours, de manière plutôt maline: elle a décidé de mettre l’accent sur les célébrations qui marquent la vie de ses clients. Les explications d’Alain Zimmermann, son CEO. Pourquoi ce choix de faire campagne sur les célébrations de vos clients? La «célébration» a toujours été un thème existant chez Baume & Mercier. Ce n’est pas une décision marketing soudaine. Mais nous avons décidé de formaliser ce thème de manière plus forte. Je n’aime pas parler d’«ADN», mais je dirais que cela fait partie de la marque et nous voulons en faire un fil rouge, une signature. Cela a commencé dès le départ, puisque le fondateur de notre marque a offert une montre à sa fille, chose plutôt rare au début du 19ème siècle…

Avec une gamme de prix comprise entre 2'000 et 3'000 francs, nous donnons la possibilité aux clients de faire plaisir mais aussi de se faire plaisir! Est-ce que vous offrez des packaging spéciaux pour ces occasions spéciales? Oui. Par exemple, pour les mariages, nous proposons des «pair watches». Leur symbolique est équivalente à celle des anneaux. Cette nouvelle tendance vient d’Asie. Nous jouons par exemple sur la proximité du design, du cadran ou des matériaux entre deux modèles, pour trouver les bonnes combinaisons. On peut proposer une Classima pour homme combinée à la version féminine. Dans le même esprit, nous proposons aussi des Clifton de plus petit diamètre. Nous renforçons par ailleurs les mouvements automatiques pour les femmes. Il ne suffit pas que le design soit proche, le cœur doit également battre au même rythme, surtout pour un mariage! Cette tendance commence à gagner l’Occident.

«Nous sommes aujourd’hui sur des marchés «multitendances»: il n’y a plus Malgré l’engouement actuel autour Il y a plusieurs manières de le faire. une tendance majeure qui des «métiers d’art», vous êtes plutôt Nous visons à être présents lors domine.» pessimiste sur leur survie…

Je suis réaliste: je crois que des métiers qui ne sont aujourd’hui plus enseignés vont disparaître. Aujourd’hui, on travaille surtout sur machine CNC dans l’horlogerie. On parle beaucoup de métiers d’art. Mais en période de crise, le guillocheur ne reçoit presque plus de commande, le métier étant essentiellement décoratif… Dans les FranchesMontagnes, on considère notre activité horlogère comme «banale». On ne se rend pas vraiment compte de la richesse de notre patrimoine et de la fascination qu’elle suscite à travers le monde. Lorsque des clients viennent nous rendre visite, ils ont l’impression de voir l’horlogerie «à l’état pur», dans des fermes du 18ème siècle. Je suis le metteur en scène d’un réseau d’amis. C’est la substance de Rudis Sylva.

Concrètement, comment «formalisez»-vous ce thème?

des moments solennels, rituels, les grands moments d’une vie, que ce soit un mariage ou une naissance. Mais aussi lors de la première étape de sa carrière, c’est-à-dire à l’obtention de son diplôme (lire l’encadré à ce sujet). A un moment où l’horlogerie ne sert définitivement plus à donner l’heure, je croix que c’est un choix judicieux. Car même lorsque les conditions économiques sont difficiles, on met de l’argent de côté pour célébrer ces événements importants. Et c’est universel. Vous êtes la marque «accessible» du groupe Richemont: en la matière, c’est un atout… Effectivement, lorsqu’on est jeune et que l’on obtient son premier diplôme, l’achat d’une montre est un acte fort.

Justement, comment se répartissent vos montres entre automatiques et quartz? Et quelles sont les tendances? Nos modèles masculins sont dans leur grande majorité automatiques. Mais je note une belle résistance du quartz, par exemple pour les Classima et les nouvelles Hampton. Je crois qu’après une période clairement dominée par les montres de grande dimension, on revient à des tailles plus raisonnables, du 38 au 40 mm. L’extra-plat est à la mode. Mais si les tendances étaient plus claires auparavant, je dirais que nous sommes aujourd’hui sur des marchés «multi-tendances»: il n’y a

plus une tendance majeure qui domine. Mais le contexte économique actuel peut favoriser les modèles plus discrets – on voit aussi le retour en vogue des montres vintage. Et chez les femmes? C’est l’inverse: le quartz domine toujours, mais les modèles automatiques gagnent du terrain, y compris hors d’Asie. Nous donnons de plus en plus de choix. Je ne sais pas si c’est l’influence des hommes… Toujours est-il que la finesse du design reste importante: nous essayons >


LES ENTRETIENS DE l’ARCADE de nous rapprocher le plus possible des dimensions des montres quartz avec nos modèles automatiques pour femmes. L’autre tendance du moment est la nacre, une matière organique extraordinaire, car on ne trouvera pas deux cadrans identiques. Cela rejoint une volonté d’«exclusivité». En ce moment, la combinaison gagnante est vraiment: nacre et diamants, telle que nous la proposons sur notre nouvelle collection féminine Promesse.

grédients pour réussir: un style classique et intemporel avec des montres trois aiguilles de qualité, une crédibilité et une valeur perçues par rapport à un prix accessible. Nous avons un vrai potentiel auprès des femmes chinoises. Il y a encore peu de temps, la montre féminine était un cadeau; de plus en plus, les Chinoises achètent leurs propres montres.

Quels sont vos marchés principaux?

De manière classique, via un réseau multimarques. Pour accroître notre visibilité, la taille de l’espace dédié à notre maison est fondamentale, d’où des shop-in-shops au cœur de ce réseau. Nous avons aussi commencé à ouvrir des boutiques en propre, par exemple à Chengdu. Depuis deux ans, nous avons parallèlement fermé des points de vente afin de gagner en exclusivité et être en ligne avec l’image de notre maison. Par ailleurs, une joint-venture a été mise en place avec un acteur majeur en Chine, Chow Tai Fook, pour faciliter notre développement sur ce marché.

Quels autres marchés vous intéressent particulièrement en Asie?

Partenariats avec de grandes écoles internationales Toujours dans sa stratégie de «célébration» des diplômes, Baume & Mercier a initié un rapprochement avec quelques-unes des plus grandes écoles et universités du monde. Cela a été le cas l’an passé en Suisse avec, entre autres, la Haute École de Gestion de Zurich (HWZ) et l’École hôtelière de Lausanne (EHL), où une «watchmaking class» a été organisée. En 2015, des événements, comprenant entre autres des conférences données par Alain Zimmermann, ont déjà eu lieu à la London Business School, à la Hong Kong UST, à l’American University of Dubai, ainsi qu’à l’école de commerce italienne Bocconi. Enfin, un concours de design horloger sera lancé en partenariat avec l’Université de Bologne.

Nous sommes au milieu d’une démarche d’identification des «flux d’achats» les plus intéressants en Asie. L’Indonésie, la Thaïlande, la Corée du Sud et même le Vietnam sont attractifs. Mais nous privilégions une approche de «maison de proximité», ce qui suppose de bien identifier les besoins locaux, par exemple les célébrations principales en Inde ou en Indonésie, pour suivre notre fil rouge. Comment faites-vous parvenir ce message jusqu’aux vendeurs locaux, sur des marchés aussi différents?

au SIHH. Ensuite, nous avons un rôle d’accompagnateur. Le partenaire doit être en confiance et bien véhiculer notre message. Nous faisons régulièrement du «mystery shopping», des visites inopinées et camouflées, pour vérifier la maîtrise qu’ont nos différents points de vente de nos produits et de notre stratégie à travers le monde.

C’est un processus «en cascade». Nous organisons des trainings au niveau global, puis national, puis régional, pour bien faire comprendre notre stratégie. Les représentants de la marque, c’est-à-dire nos attachés commerciaux, sont nos ambassadeurs: ils ont un rôle de formation et font du training. Le temps de la vente pure est révolu. La plupart des commandes se font

L’automne dernier, à l’occasion du lancement de la nouvelle collection féminine Promesse, vous nous an-

nonciez un objectif «parité» entre clients masculins et féminins. Avezvous atteint ce but aujourd’hui? La nouvelle collection Promesse a fait bouger le curseur mais cette parité ne sera jamais effective. Le masculin gardera toujours une petite longueur d’avance. Baume & Mercier possède cependant un long héritage dans la montre féminine, avec de nombreux temps forts. Il y a encore du potentiel, notamment avec le développement des modèles automatiques.

L’objet: Cobra

Alain Zimmermann avec le modèle réduit de la fameuse voiture de course Cobra

«En 2015, à l’occasion de notre 185ème anniversaire, nous avons voulu innover mais aussi surprendre. L’innovation, cela a été le lancement ce début d’année de notre modèle Clifton avec réserve de marche de huit jours. Cela afin de démontrer que même si nous sommes abordables, nous faisons bien partie du cercle de la Haute Horlogerie. Nous avons aussi relancé la collection Classima pour séduire les nouvelles générations. Et la surprise, cela a été le lancement d’une série limitée de modèles Capeland dédiés à Carroll Shelby et à sa fameuse marque automobile Cobra. L’univers automobile n’est pas celui où nous étions attendus, une nouvelle facette que nous avons préparée en catimini. Ces créations au style sport-chic, que nous affectionnons depuis quelques années avec la collection Capeland, nous replongent dans le monde très excitant des années 1950 et 1960 avec la montée en puissance des chronographes dans l’industrie horlogère. La série en or est limitée à 98 modèles, en mémoire du numéro de course porté par Carroll Shelby, pour un coût de 18’500 francs pièce, avec un chronographe flyback signé La Joux-Perret. Tout a été vendu en cinq jours. Les modèles en acier sont quant à eux limités à 1965 exemplaires, en référence à l’année durant laquelle Carroll Shelby a remporté le Championnat du monde FIA des constructeurs de voitures GT. Il a attiré à cette occasion l’attention de tous sur sa plus belle création automobile: la Cobra! Cela a constitué un exercice stimulant, car nous ne voulions pas nous contenter du premier degré, par exemple en intégrant simplement les coloris bleu et blanc de la voiture. Nous avons voulu faire une vraie Baume & Mercier inspirée par la Cobra. Nous injectons plusieurs «touches» subtiles: par exemple, le contrepoids de l’aiguille des secondes du chronographe est ajouré avec le motif du cobra et les compteurs du chronographe sont inspirés de ceux du tableau
de bord. Il existe des communautés de fans de Cobra dans le monde entier: aux Etats-Unis, bien sûr, mais aussi en France, au Japon et même en Italie, pourtant patrie du grand rival de Carroll Shelby, Enzo Ferrari! Ces deux frères ennemis ont écrit de grandes pages de l’histoire de la course automobile. Après avoir été champion du monde au volant d’une Aston Martin et d’une Ferrari, Carroll Shelby, qui souffrait de problèmes de cœur – et courait avec des pilules de nitroglycérine – a dû raccrocher. Ce Texan s’est alors réorienté vers l’élevage de poulets, mais cela n’a pas vraiment marché! Il a alors décidé de créer sa propre voiture, plus rapide, plus légère et plus maniable que ses rivales européennes. Pour construire la Cobra, il a commencé par importer une AC britannique qu’il a équipée d’un moteur Ford V8 amélioré. Au final, Carroll Shelby aura été champion du monde en tant que pilote, en tant que directeur d’écurie et en tant que constructeur!» Diode

Nous sommes une marque globale. Nos marchés historiques forts restent les Etats-Unis et l’Europe. L’Asie revêt une importance considérable, et particulièrement la Chine, une priorité pour le développement de notre maison. Ce marché garde un énorme potentiel, avec sa centaine de villes de plus d’un million d’habitants et ses cultures différentes. C’est un continent. Contrairement à d’autres zones géographiques, nous devons encore travailler notre notoriété dans cette partie du monde mais nous disposons de tous les in-

Comment y êtes-vous distribués?

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LE REGARD DE...

DR

…Daniel Schweizer

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Une guerre est en cours. Une vraie guerre, avec son cortège de morts et de dévastations. Une guerre qui fait rage un peu partout: en Amérique du Sud, en Afrique, en Nouvelle-Guinée, en Mongolie… C'est la guerre de l'or. Une guerre qui affecte directement au moins 90 millions de personnes à travers le monde. Une guerre pour une pure valeur d'échange, pour un produit sans vrai enjeu stratégique (14% seulement de l’or produit est destiné à la dentisterie et à l’électronique), dont la majeure partie va prendre de la valeur en dormant dans des coffres et dont le superflu s'affiche à nos poignets, à nos doigts, à nos oreilles et à nos cous. Un film saisissant, «Dirty Gold War», de Daniel Schweizer, révèle les dessous de cette sale guerre et nous emmène à la rencontre de ses victimes présentes ou à venir. De quoi regarder l'or d'une toute autre façon. par

Pierre Maillard

«A l'origine, l'or est venu des astres, des boules de feu ont explosé dans le ciel, puis une pluie de météorites s'est abattue sur terre, et l'or s'est enfoncé dans notre sous-sol, restant caché pendant des millénaires.» Pour les Yanomami d'Amazonie, la vie tient et se maintient grâce aux profondes racines qui la lie aux tréfonds du soussol. Venir troubler ces racines en allant y fouiller, c'est les anéantir et, du coup, déséquilibrer le monde entier. Une mythologie venue du fond des âges, certes, mais aussi une vérité, une réalité dont prend lentement conscience notre planète en plein déséquilibre, précisément.

Genèse «Tout est lié à une lecture d'enfance, Parana, petit indien d'Amazonie, qui m'avait enivré, raconte Daniel Schweizer, le réalisateur du film: un peuple autochtone, vivant en pleine harmonie sur ses terres, à la frontière de la Guyane française et du Surinam. J'y suis allé et j'ai découvert la réalité du terrain, aujourd'hui: un peuple gravement menacé dans sa santé par l'orpaillage illégal, des tonnes de mercure déversés dans les rivières, toute la chaîne alimentaire contaminée. Une histoire d'une tristesse effroyable. Quand je montrais le film que j'en avais tiré (Dirty Paradise, 2010, Grand Prix du Festival du Film sur les Droits Humains de Genève), on me demandait: que peut-on faire? Rien. Il est quasiment impossible de contrôler l'orpaillage.» Partant de cette expérience fondatrice, Daniel Schweizer se dit qu'une des réponses pourrait être de consacrer un film à l'or, à la folie de l'or qui s'est emparée de toute la planète (la demande restant systématiquement plus grande que l'offre). A titre d'exemple emblématique, il choisit d'une part de retourner avec sa caméra au Brésil, qu'il connaît bien pour être notamment bienvenu chez

les menacés Yanomami, qui refusent par ailleurs tout contact avec l'extérieur, et d'aller aussi dans l'Altiplano péruvien où se trouve la mine de Yanacocha, plus grande mine à ciel ouvert d'Amérique du Sud. Propriété de la Newmont Mining Corporation (NYSE: NEM), cette mine dans laquelle sont triées 600'000 tonnes de minerai par an, fait raffiner tout son or chez Valcambi, au Tessin. Or si ces opérations sont légales, au contraire des orpailleurs clandestins, le résultat n'en n'est pas moins catastrophique pour les populations locales qui se voient privées d'eau, les ressources hydriques locales étant totalement accaparées par la mine, et empêchés d'accéder à leurs routes ancestrales. Sans parler d'accidents, à l'exemple du déversement par un camion de 150 kilos de mercure dans les ruelles d'un village dont toute la population, abandonnée à son sort, est désormais atteinte de très graves troubles et malformations. Une «guerre», disions-nous. Trois ans d'enquête, d'écriture, de rencontres et de tournage ont permis à Daniel Schweizer d'identifier les communautés les plus touchées, de rencontrer les personnes les plus impliquées dans ce combat – comme au Pérou l'exceptionnel Père Marco Arana, défenseur des communautés locales, menacé et contraint de circuler sous surveillance policière, ou, en Amazonie, le cacique yanomami Davi Kopenawa, menacé lui aussi de mort pour avoir réussi, en observant les numéros des avions et des hélicoptères venus ravitailler les orpailleurs, à faire saisir pour plusieurs millions de dollars d'or illégal prêt à être expédié. Mais expédié où?

Le rôle de la Suisse La récente affaire de blanchiment d'or congolais pillé impliquant la raffinerie tessinoise Argor [lire encadré ci-contre] a mis en lumière le rôle central de la Suisse: près de 70% de tout l'or du monde passe par ses

DIRTY GOLD WAR, LE FILM C’est un film fort, très fort, qui expose crûment les terribles conséquences de notre soif d’or. Tout commence en Amazonie, notamment dans la région de Belmonte où se construit un des plus grands barrages au monde. Cette digue va assécher de vastes terres qui seront dès lors ouvertes à l’exploitation aurifère à très grande échelle. De là, sans solution de continuité, on passe à Baselworld où tout l’or du monde étincelle dans les vitrines. Construit ainsi en aller-retour entre les terres d’extraction – l’Amazonie et les hauts-plateaux péruviens – et Londres et la Suisse où se raffine la plus grande part de l’or extrait dans le monde, le film donne la parole à ceux pour qui l’or ne brille pas mais est à l’origine de catastrophes, de pauvreté, de misère sociale. Et il en appelle à la responsabilité de chacun car, que nous le voulions ou non, nous sommes tous acteurs de cette histoire.

La réponse des horlogers, des bijoutiers, des consommateurs «Quand vous faites un achat important comme une belle montre en or, il faut se réjouir de ce moment, avoir pleine confiance et il ne faut pas avoir de doutes quant à l'origine des matériaux qui constituent cette montre», déclare dans le film KarlFriedrich Scheufele, co-président de Chopard, un des rares horlogers à être conscient de cette grave problématique et à être membre de l'Alliance for Responsable Mining (ARM) qui défend «l'équité et le bien-être des petites communautés minières artisanales dans le monde entier». Mais que représentent ces coopératives minières? «500 kg par an, une offre très faible», précise Alan Frampton, patron de CRED, société anglaise active dans la bijouterie qui est à l'origine de la création de l'ARM. «Nous représentons une toute petite minorité mais nous grandissons. En fait, je pense qu'il y a toujours eu une sorte de structure de cartel au sein des gouvernements, des banques, chez les plus importants acteurs de l'industrie pour nous faire taire, ajoute cet homme qui, loin d'être un activiste, a dirigé pendant 23 ans le plus important grossiste en fleurs du Royaume Uni et qui s'y connaît en traçabilité. Ça ne les affecte pas, mais ça affecte des millions de personnes qui vivent dans la pauvreté à cause d'un métal précieux qui de fait leur appartient, qui vient de leurs terres. On ne peut pas continuer à exploiter ces gens. On doit leur donner une part équitable de leurs propres ressources. Il faut que l'industrie se réveille et devienne plus responsable.» On le pressent, la route sera longue, très longue. Mais l'impulsion décisive pourrait effectivement provenir des consommateurs, peu à peu écoeurés d'apprendre que l'or de leur précieuse alliance ou de leur montre est «dirty», très «dirty».

Dirty Gold War (72 min., 2015), produit par Rita Productions (Genève), réalisateur Daniel Schweizer, narrateur Peter Coyotte, image Patrick Tresch, musique originale Ovidio Zimecea, montage Sebastian Sepulveda.

Alliance for Responsible Mining (ARM) L'Alliance for Responsible Mining, dont fait partie Chopard, est une ONG indépendante mondiale qui défend l'équité et le bien-être des petites communautés minières artisanales dans le monde entier. Ces communautés représentent 80 % de la main d'œuvre minière et produisent 20 % de l'or mondial. L'Alliance for Responsible Mining travaille «en étroite collaboration avec les organisations, les entreprises et les institutions des petites communautés minières sur la chaîne d'approvisionnement en or dans une optique d'amélioration positive du secteur minier aurifère artisanal à petite échelle par la mise en place de normes, le soutien aux producteurs et la communication». «Chopard a uni ses forces à celles de l’ARM afin de soutenir les communautés minières d'Amérique latine et de leur permettre d'obtenir la certification «Fair Mined», qui assurera un accès stable au marché ainsi qu'un contrat équitable aux mineurs et à leurs communautés lors de la vente de l'or. Dans le cadre de ce partenariat, Chopard sensibilisera les consommateurs à la réalité souvent triste des mineurs d'or dans les pays en voie de développement et montrera comment leur situation peut être améliorée », déclare l’horloger et bijoutier genevois.

L’affaire ArgorHeraeus SA DR

«Dirty Gold War»

raffineries, «où il est purifié aux plus hauts niveaux de pureté (.9999 ou même .99999) avant d'être exporté dans le monde entier aux bijoutiers, investisseurs ou banques centrales», déclare le site gold-swiss-service.ch. Et contrairement à d'autres filières, il n'existe aucune véritable traçabilité dans le domaine de l'or. L'or sale pillé, volé, extorqué ou issu de l'orpaillage illégal, souvent mêlé au narcotrafic, ou l'or officieux et pas très propre, extrait dans des conditions sociales et environnementales désastreuses, se fondent parfaitement avec l'or répondant à de plus strictes exigences. Après les banques et tout récemment les ports-francs, ce commerce de l'or sera-t-il le prochain scandale qui viendra éclabousser la réputation de la Suisse, «ce pays de la convertibilité totale», comme l'explique Jean Ziegler dans le film?

Daniel Schweizer travaille à Genève et Sion, comme réalisateur et producteur indépendant. Il collabore depuis de nombreuses années avec différentes maisons de production suisses romandes et allemandes. Il est notamment l’auteur d’une trilogie documentaire sur l’extrême droite radicale, les skinheads et les néo-nazis («Skin or die», «Skinhead Attitude» et «White Terror»), coproduite avec la Télévision Suisse et Arte. Ses films sont régulièrement sélectionnés dans les grands festivals tels que Locarno, Nyon, Montréal, Rio de Janeiro, Londres, Vancouver. Son précédent film documentaire de long métrage «Dirty Paradise» a reçu le Grand Prix 2010 du FIFDH (Festival des Films sur les Droits Humains de Genève) et le Prix de la meilleure image 2010 du C&Ciiff (Festival International du Film Interculturel). En 2011, il a reçu le prix allemand «Film für Eine Welt» du Rhénanie-du-NordWestphalie. Depuis plus de dix ans, il se rend régulièrement en Amazonie et collabore avec les tribus Yanomami et Xikrin pour des projets cinématographiques. Son dernier long métrage «Dirty Gold War» est sorti en salle en 2015.

Accusée par l’ONG Trial d’avoir raffiné de l’or sale en provenance de la République démocratique du Congo (RDC) entre 2004 et 2005 et de s’être ainsi rendue coupable de complicité de pillage et de blanchiment, la société tessinoise Argor a été tout récemment relaxée et l’affaire classée. Une décision très contestée car le Ministère Public de la Confédération (MPC), qui avait ouvert une procédure et perquisitionné les bureaux de la société, conclut bel et bien qu’Argor a raffiné trois tonnes d’or pillé par des rebelles congolais et violé son règlement interne. Mais le MPC estime toutefois qu’Argor n’a pas commis de faute «au sens de la loi sur le blanchiment d’argent puisqu’elle n’a pas nourri de doutes sur l’origine délictueuse de cet or» qui avait transité par l’Ouganda voisin. Mais l’Ouganda ne produisant quasiment pas d’or et étant réputé pour servir de lieu de transit de l’or pillé au Congo, cette décision a été interprétée par de nombreuses ONG comme «une invitation officielle aux raffineurs à ignorer les informations qui pourraient les amener à découvrir des affaires problématiques», comme l’expliquent Olivier Longchamp et Géraldine Viret, de la Déclaration de Berne, au journal Le Temps.


CULTURE HORLOGÈRE

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Exclusif: la mystérieuse «montre la plus compliquée au monde» Vacheron Constantin dévoilera le 17 septembre cette oeuvre annoncée comme historique et exceptionnelle. En exclusivité, nous en avons déjà reçu quelques éléments.

par

Pierre Maillard

Le 17 septembre 2015, 260ème jour de l'année, Vacheron Constantin fêtera ses 260 ans d'activité ininterrompue – ce qui en fait la plus ancienne manufacture horlogère au monde. Pour marquer avec éclat cette date exceptionnelle, Vacheron Constantin présentera une montre de poche à double face, annoncée comme étant «la montre la plus compliquée au monde». Réalisée sur mesure à la demande d'un collectionneur, elle a nécessité huit ans de développement et ce sont trois horlogers de la maison qui se sont entièrement consacrés à ce projet, avec l'aide de l'équipe des commandes spéciales Atelier Cabinotiers. Combien de complications renfermera-t-elle? Quelles complications au juste? Battra-t-elle vraiment le record précédent accompli par Patek Philippe avec son Calibre 89 et ses 33 complications, présenté en 1989 à l'occasion des 150 ans de la manufacture genevoise? Ce que nous savons déjà est que, parmi toutes les complications qu'elle renferme, certaines sont tout à fait inédites et ont dû «être calculées et conçues ex nihilo», réclamant «un PUBLICITÉ

niveau de maîtrise des mathématiques et de l'artisanat encore jamais atteint», selon Vacheron Constantin.

Notre pièce du puzzle Europa Star a pour sa part reçu de Vacheron Constantin une image (a), très parcellaire mais qu’il est possible de décrypter. Dans un guichet, on découvre sur un disque mobile la carte précise des constellations visibles depuis la ville du propriétaire de la montre. La rotation de cette carte est pilotée par l’heure sidérale (un jour sidéral compte 23 heures, 56 minutes et 41 secondes) lisible sur l’échelle extérieure des 24 heures, qui court, nuit oblige, de 20h à 4h. La lecture du temps sidéral se fait en pointant une étoile à une heure donnée. En la suivant au cours de sa rotation, on peut découvrir et lire l’heure sidérale sur l’échelle donnée. Au-dessus, on découvre une date perpétuelle indiquée par aiguille rétrograde à saut instantané à la fin de chaque mois.

b

Autres pièces du puzzle découvertes ici et là… Sur le blog Hodinkee, nous avons découvert un autre élément tout à fait inédit (c). Il s’agit d’un système de réveil avec son indication de réserve de marche et un double mode permettant de choisir le son voulu: soit un carillon Westminster ou autrement dit une Grande Sonnerie/Petite Sonnerie, soit un timbre simple d’une tonalité différente pour le réveil traditionnel. Comme l’explique Hodinkee, cela signifie que la montre

c grégorien et le calendrier «business» ISO 8601 basé sur la semaine. En mode ISO, ce sont le numéro de la semaine, indiqué par grande aiguille, et le numéro du jour (1 pour lundi, 7 pour dimanche) indiqué dans le guichet supérieur, qui prédominent. En mode grégorien, la date est donnée via une indication à aiguille rétrograde (visible plus haut sur la première image présentant la carte des constellations), le mois par la petite aiguille et dans le guichet s’affiche l’année bissextile (de 1 à 4). Ces deux calendriers ont donc deux fonctionnements totalement différents mais sont mécaniquement intégrés.

Jeu de pistes Les informations sur cet objet d’exception sont distillées par Vacheron Constantin à toutes petites doses homéopathiques, de façon à susciter la curiosité et alimenter le buzz. Il semble ainsi qu'une douzaine d'interlocuteurs choisis à travers le monde ont chacun reçu une information particulière différente, un élément très parcellaire, une complication parmi toutes celles que renfermera l'objet promis. Europa Star ayant le privilège de faire partie de cette liste, nous sommes en mesure de vous donner une information exclusive au sujet de cette pièce. Mais en fouillant dans quelques blogs et sites de confrères, nous en avons repêchées deux autres que nous vous livrons également. Mais pour commencer, sachez que cette pièce est animée par un magnifique échappement multi-axes doté d'un spiral sphérique, une indication fournie à tous sur le site de Vacheron Constantin.

a Nous savons aussi que cette montre affichera une autre indication (b), qui sera lisible par une aiguille centrale dédiée (sur un des deux cadrans). Il s’agit de l’indication concentrique des mois et des signes du zodiaque ainsi que des quatre saisons, des solstices et des équinoxes (qui peuvent varier très légèrement d’une année à l’autre, comme l’indiquent les petites marques rouges sur l’échelle).

d est dotée au minimum de six timbres différents, soit cinq pour la Grande Sonnerie/Petite Sonnerie et un pour le réveil. Un autre de nos confrères, WatchTime, sous la plume de Joe Thompson (ex-Europa Star), nous révèle l’existence d’une autre complication qui est une première mondiale (d): un mécanisme de calendrier perpétuel dual, qui indique donc deux systèmes calendaires différents, la calendrier

Une performance à la hauteur de l’ambition de Vacheron Constantin qui n’hésite pas à annoncer que cette montre «peut être considérée comme la plus grande avancée en horlogerie mécanique depuis les années 1920 et qu’elle prend place parmi les plus étonnants objets créés par l’homme»! La suite du puzzle nous dira si cette très haute ambition est atteinte.


CULTURE HORLOGÈRE

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[ LES EXPOSITIONS DE L’ÉTÉ ]

Heures vagabondes, mystérieuses, révolutionnaires, chantantes, brasen-l'air, du voyageur... Le vocabulaire horloger exprime de manière évocatrice et poétique la diversité de l'affichage de l'heure au fil des siècles. De l'ingéniosité sans fin des maîtres horlogers aux expérimentations contemporaines des artistes et designers, L'Eloge de l'heure fait dialoguer le passé et le présent. Toutes ces créations partagent le désir de donner l'heure, de dire l'inexorable temps qui passe. Tour à tour curieuse et surprenante, drôle ou cruelle, subtile ou extravagante, l'exposition dresse ainsi un panorama de notre lien à l'heure et à sa lecture. Un must pour toutes celles et tous ceux qui s’intéressent aux mille et une façons de dire le temps qui passe. Mudac (Musée de Design et d’Arts Appliqués Contemporains) Place de la Cathédrale 1005 Lausanne +41 21 315 25 30 Jusqu’au 27 septembre 2015 ----------------------------------------

L’HEURE QU’IL EST

L’Heure qu’il est est une exposition collective présentant des pièces contemporaines d’une poésie visuelle, métaphorique ou philosophique dont la fonction est parfois remise en question au profit d’une réflexion sur le sujet. L’Heure qu’il est prolonge l’exposition L’Eloge de l’heure au Mudac de Lausanne. Centre d’Art Contemporain d’Yverdon-les-Bains Place Pestalozzi 1400 Yverdon-les-Bains +41 24 423 63 80 Du 29 août au 1er novembre 2015

Créée par Svend Andersen et Vincent Calabrese, l’Académie Horlogère des Créateurs Indépendants (AHCI) est depuis 30 ans le vivier le plus fécond de l’horlogerie mécanique indépendante. Quelque 25 horlogers parmi les plus créatifs et les plus novateurs au monde, tous membres de l’Académie, sont réunis à l’occasion de cette exposition, parmi lesquels on peut citer entre autres Antoine Preziuso, Kari Voutilainen, Félix Baumgartner (Urwerk),Vianney Halter, Thomas Prescher… Une occasion unique de découvrir des pièces étonnantes qui ont d’ores et déjà marqué l’histoire de l’horlogerie. Musée International d’Horlogerie de La Chaux-de-Fonds Rue des Musées 29 2300 La Chaux-de-Fonds +41 32 967 68 61 Jusqu’au 27 septembre 2015 ---------------------------------------

LES CARAN D’ACHE DE PICASSO Cette exposition tout à fait inédite réunit une soixantaine d’œuvres originales de Pablo Picasso exécutées ou rehaussées aux célèbres crayons de couleur et pastels suisses. Les Caran d’Ache de Picasso présente des dessins, des lithographies, des gravures et des découpages de l’artiste dont une grande partie, issue de collections privées, est exposée pour la première fois publiquement. «L’idée des Caran d’Ache de Picasso a germé il y a deux ans lorsque l’on a découvert sur les photographies de David Douglas Duncan que Picasso utilisait

des Neocolor Caran d’Ache pour exécuter certains dessins et dédicaces», a expliqué Stéphanie Ansari, co-commissaire de l’exposition, au magazine Market. Grâce aux instruments de dessin Caran d’Ache, Picasso continue alors d’expérimenter de nouvelles techniques. Il étudie l’effet du mélange du crayon de couleur, graphite et pastel à la cire sur différents supports en humidifiant le tout pour fondre les couleurs et les matières. D’autre part, il rehausse certaines lithographies, gravures ou photographies de la même manière. Kunsthaus Interlaken Jungfraustrasse 55 3800 Interlaken + 41 33 822 16 61 Jusqu’au 30 août 2015

AUTOMATES & MERVEILLES Les automates sont souvent conçus comme objets de présentation et de démonstration dans le but d’étonner, d’émerveiller et de surprendre. Des horloges mystérieuses, des mécanismes à mouvement perpétuel, des automates «célestes» tels que des planétaires et des horloges à indications astronomiques complexes sont d’un attrait semblable. Ils forment un ensemble d’objets destiné à démontrer que la capacité des mécaniciens et horlogers du 18e siècle à inventer et construire de tels instruments persiste aujourd’hui. Ce coffret est constitué de trois catalogues. Réf. Watchprint No. 1484 / 208 pages / ill. couleur / format: 22 x 24 cm / prix: CHF 48.00 / € 42.00 L'HORLOGERIE À GENÈVE, MAGIE DES MÉTIERS, TRÉSORS D'OR ET D'EMAIL par Estelle Fallet

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Les collections d’horlogerie, d’émaillerie, de bijouterie et de miniatures conservées au Musée d’art et d’histoire de Genève forment un corpus de 18'000 objets, dont quelque 1'500 pièces ont été mises en valeur à la faveur de l’exposition L’Horlogerie à Genève, Magie des métiers, trésors d’or et d’émail du 15 décembre 2011 au 29 avril 2012. Ces objets d’art et d’histoire, garde-temps, bijoux, bibelots, objets de vertu et miniatures, sont les témoins privilégiés des métiers exercés dans la Fabrique genevoise.

STAR WATCH: L’UNIVERS DES COMPLICATIONS HORLOGÈRES

Réf. Watchprint No 1475 / 120 Pages / ill. couleur / format: 22 x 24 cm / prix: CHF 49.00 / € 40.80

Berceau des complications horlogères, la Vallée de Joux et ses artisans du temps ont vu naître les plus grands chefs d’oeuvre de la discipline. Véritables stars de la «galaxie horologium», ces montres compliquées suscitaient l’envie des puissants et font encore le bonheur des collectionneurs et des passionnés aux quatre coins du globe. Tentez l’expérience de vous laisser bercer un instant par le mouvement des astres, tout en découvrant l’histoire mécanique et complexe du rêve ingénieux des paysans-horlogers, dont la seule volonté était de se rapprocher un peu plus des étoiles. Exposition en français, allemand et anglais. Espace Horloger – Vallée de Joux Grand-Rue 2 1347 Le Sentier +41 21 845 75 45 Jusqu’au 24 avril 2016

L'HORLOGERIE, FILLE DE L'ASTRONOMIE par Dominique Fléchon et Grégory Gardinetti Très tôt, l’Homme primitif prend conscience de la notion du temps. Mais certainement pas comme on la comprend aujourd’hui, basée sur l’écoulement des heures. Non, ce sont les alternances du jour et de la nuit et les cycles des saisons qui éveillent d’abord sa curiosité, tout comme la course du Soleil et la Lune. Pour être en mesure de fixer des repères temporels et historiques comme de prévoir les périodes de récolte et de chasse, l’Homme a élaboré des calendriers qui se référaient aux cycles lunaires ou solaires. La suite est fascinante… Réf. Watchprint No 11053 / 86 Pages / color ill. / format: 29.7 x 21 cm / prix: CHF 39.00 / € 33.00 MONTRES & AUTOMATES, LA COLLECTION MAURICE SANDOZ par Bernard Pin La collection de montres et automates de Maurice Sandoz n’avait été décrite jusqu’ici que dans deux ouvrages publiés par le Musée d’Horlogerie du Château des Monts. Le premier, daté de 1959 répertoriait les objets que le mécène lui avait offerts de son vivant, ainsi que d’autres donnés juste après par son frère Édouard-Marcel Sandoz, peintre et sculpteur animalier bien connu. Le second, paru en 1976, recensait l’ensemble des pièces conservées tant par la famille que par le Musée d’Horlogerie du Château des Monts. Depuis, aucune étude exhaustive de cette collection n’avait été menée selon les normes universitaires contemporaines. L’édition d’un nouveau catalogue, aussi raisonné que possible, s’imposait donc! Le coffret contient trois volumes et deux DVD montrant toutes les pièces en mouvement.

DR

L’ÉLOGE DE L’HEURE

LES 30 ANS DE L’ACADÉMIE HORLOGÈRE DES CRÉATEURS INDÉPENDANTS

Réf. Watchprint No 11053 / 1180 pages / ill. couleur / format : 25.5 x 30.5 cm / prix: CHF 1180.00 / € 980.00


DANS NOS ARCHIVES

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Eté 1975: Sous les pavés, la plage…

Eté 1975. Les garçons ont les cheveux longs et portent des pantalons à pattes d’éléphant qui tombent sur des chaussures à plateforme. Quant aux filles, elles ont très envie de se déshabiller, semble-t-il. L’époque est à la «liberté» comme le clame la publicité de Mortima, une marque française qui a alors le vent en poupe et qui produit deux millions de montres par an. par

Pierre Maillard

Eté 1975. En couverture du numéro Europa Star Juillet-Août 1975, trône la Rado DiaStar Elegance, un modèle audacieux, au boîtier de céramique extra-plat. Dans le même numéro, Raymond Weil, qui vient de créer son entreprise, lance un appel aux importateurs et distributeurs du monde entier: «We shall enjoy doing business with you. Please write us», annonce la publicité au-dessus d’un numéro de télex, «le 27 638 à Genève». Plus loin, une double page de Seiko avertit solennellement que «The Seiko Quartz

is changing the world’s standard of accuracy» et prédit, presque menaçant: «Someday all watches will be made this way»! Un avertissement que le rédacteur en chef d’alors, Valentin Philibert, semble corroborer dans une longue enquête titrée «L’avenir est-il à la montre électronique?» qui se termine par un vibrant appel aux designers: «Les fabricants de montres électroniques à affichage digital se sont bornés dans l’immense majorité des cas à placer des modules dans des boîtiers horlogers traditionnels, et pas toujours de la meilleure qualité. Il en est résulté des montres rela-

tivement peu attrayantes sur le plan esthétique nous rappelant par certains côtés les premières voitures qui n’étaient que des carrosses sans chevaux. (…) Allons, Messieurs les artistes, prouvez-nous donc que vous avez encore des idées. Nous avons besoin d’un vrai style «électronique».» Question «style», en effet, l’heure semble être au grand n’importe quoi: les montres ont des formes étranges, ressemblent souvent à des patates, mélangent sans goût les matières et les couleurs. Sans doute est-ce un effet du vent de «libération» qui souffle encore sept ans après Mai 68. Dans cette ambiance de liberté, le directeur artistique d’Europa Star, Jacques Schmitz, se lâche. La marque Mortima, qui se veut «dashing, hot, free and trendy» lui a demandé de concevoir ses publicités. Equipé de son appareilphoto, Jacques file se rincer l’oeil à Saint-Tropez. A la clé, un procès intenté par une jeune femme dénudée qui s’est reconnue dans les pages d’Europa Star. Qui, aujourd’hui, oserait encore faire une telle publicité?


REVUE DE PRESSE

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France, le 13 mars 2015

Etats-Unis, le 17 juin 2015

Etats-Unis, le 14 juin 2015

Etats-Unis, le 15 juin 2015

Etats-Unis, le 23 février 2015

Racisme ordinaire chez le bijoutier

Le rappeur Nas à propos de Rolex, des diamants et de l’Apple Watch

Le temps s’est arrêté dans une fabrique de montres indienne

Le futur d’Apple dépend-t-il de l’inégalité des revenus ?

Le rappeur Nas vient de lancer Ownly One avec le marchand de montres Steven Brown, un site qui propose chaque jour une montre en édition limitée, neuve ou usagée. Extraits de son interview. «Je me sens comme une publicité vivante et quand je porte une montre, le monde entier la voit. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de gens qui m’ont dit ‘Yo, je porte ça parce que je t’ai vu avec.’ Alors automatiquement, je me suis intéressé à ce business. «J’ai d’abord aimé les montres avant d’aimer les montres pleines de diamants. C’est venu naturellement: après ma chaîne et ma bague pleines de diamants, j’ai pensé qu’il était normal que ma montre soit aussi pleine de diamants. «Au début, on avait besoin d’être pris au sérieux dans le business du rap. Alors, j’ai dit à mon manager qu’il devrait porter une montre d’adulte, une Rolex pour qu’on nous respecte. Je me souviens de la première personne que j’ai vue porter une Rolex en or, sans diamants. Il s’appelait Black Jay. Je lui ai demandé comment il l’avait eue. Il m’a dit qu’elle lui avait coûté 17'500 dollars. Je me souviens que j’étais fier de marcher à côté de quelqu’un qui avait une telle montre. «Si j’achèterai une Apple Watch ? Oh sûrement, je crois que je prendrai celle en or. Mais aucune montre ne dépasse Rolex en prestige. Du moins pas pour l’instant. Peut-être dans un lointain futur…»

«Dans le hall de réception fantomatique de la fabrique HMT Watches Ltd, à Rabinagh, il est midi mais l’horloge indique 8h15. Narayan Singh Khanayak est assis à sa place de travail et regarde une autre horloge morte. Quand on lui demande pourquoi il la regarde, il nous répond: «Vous devez bien regarder quelque part!» Il était un temps où les montres à remontage manuel de HMT étaient à la pointe de la mode en Inde. C’était il y a quelques dizaines d’années, quand le japonais Citizen était venu donner un coup de main à HMT Ltd, une entreprise gouvernementale. Puis Citizen est reparti. Aujourd’hui, HMT fabrique encore des montres qui sont au top de la mode des années 60. Mais sans doute plus pour très longtemps. Aujourd’hui, les gens n’achètent plus de montres à remontage manuel. Un cadre nous explique qu’autrefois l’usine en produisait plusieurs centaines par jour, jusqu’à deux millions par an. Aujourd’hui, elle n’en produit plus que quatre ou cinq par jour. Dans le petit showroom, un vieux ventilateur est à l’arrêt. Il ne bouge plus car il n’y a plus d’électricité dans cette pièce depuis deux ans. Pendant des décennies, les montres HMT ont été le cadeau idéal pour les mariages, les départs à la retraite ou pour célébrer un diplôme. Et puis le quartz est arrivé, et l’Inde a peu à peu ouvert son marché aux marques étrangères. HMT avait construit un empire pour fournir la nation, mais la nation a déménagé.»

Craigslist (site de vente en ligne) est déjà plein d’Apple Watch à revendre

«L’attaquant camerounais Samuel Eto'o, qui fut pendant un temps le joueur le mieux payé de la planète, a évoqué dans une interview à CNN le racisme dont il a été victime au Royaume-Uni, lorsqu'il jouait dans le championnat anglais pour Chelsea. «Je suis allé chez un bijoutier avec mon frère et la montre que je voulais voir était chère (10'000 £). J’ai demandé à la vendeuse – qui était aussi noire –: «Pourriez-vous me montrer cette montre s’il vous plaît?», raconte le Camerounais sur CNN, avant de poursuivre: «Elle s’est tournée vers ses collègues en se demandant ce qu’il fallait faire puis elle m’a finalement laissé la voir. Je lui ai dit que j’allais l’acheter et j’ai sorti ma carte de crédit, mais quand elle l’a insérée dans la machine, elle m’a dit qu’elle était refusée.» Eto’o lui demande alors: «Est-elle refusée ou avez-vous voulu qu’elle ne soit pas acceptée?». Et le frère du joueur d’ajouter: «Quand nous sommes entrés, j’ai vu comment vous nous regardiez… Il peut se payer cette montre mais vous le traitez comme si vous pensiez que ce n’était pas le cas.» «La femme a alors répondu: ‘Non, c’est juste que nous avons eu quelques Nigérians dans le magasin l’autre jour qui sont venus avec des fausses cartes de crédit», raconte encore l’attaquant. Qui commente ainsi l’incident: «Je ne sais pas si vous pouvez imaginer le poids de ce qu’elle a dit. Je ne pense pas qu’elle soit une personne raciste, mais cette personne, qui était également noire, avait intégré les stéréotypes comme les autres.»

«Comme beaucoup de geeks, Andrew a commandé son Apple Watch dès que possible. Il a passé des semaines d’attente à imaginer tout ce qu’il allait pouvoir faire avec son nouveau joujou. Mais il ne l’a portée que deux semaines avant de la mettre sur Craigslist. Il a trouvé sa montre problématique, lente et, surtout, totalement inutile. Sûr que c’était un objet de discussion auprès des autres technophiles. Mais même ça allait rapidement se banaliser. Une rapide recherche sur eBay ou Craigslist montre qu’il y a déjà plusieurs centaines de montres en vente. La plupart sont vendue à prix coûtant. Celles dont le prix a été augmenté ne se vendent pas. La semaine dernière, la journaliste de mode Vanessa Friedman, du New York Times, a écrit une «lettre de rupture» à son Apple Watch. Elle dit qu’elle avait l’impression durable de ne porter qu’un gadget à son poignet. «Cette montre n’est pas un accessoire de mode pour technophile, explique-t-elle, c’est un accessoire technique qui prétend être un accessoire de mode. Je ne pouvais pas en tomber amoureuse.»

«Construire des produits pour tout le monde» était au cœur de la stratégie d’Apple. La sortie de l’Apple Watch renverse ce dogme: «Construire des produits pour tout le monde, plus quelques produits que seuls les très riches pourront s’offrir.» Cela démontre qu’Apple se positionne pour un monde dans lequel les inégalités salariales se renforcent jour après jour. C’est ce qu’on appelle «l’effet haltères»: dans un monde d’inégalités, les compagnies réussissent soit dans le très haut de gamme, soit dans le bas de gamme. Entre les deux, le business est difficile. Cet effet peut se constater aujourd’hui dans nombre de domaines, mais jusqu’à présent il a été moins prononcé dans, par exemple, le marché des smartphones. En fait, il n’existe pas de véritable smartphone de luxe, à 10'000 dollars. Même le plus cher des smartphones Apple coûtera au maximum trois à quatre fois le modèle le meilleur marché d’un de ses compétiteurs. Mais avec sa nouvelle stratégie de haut de gamme horloger, dans un monde aux inégalités croissantes, Apple pense pouvoir soutirer de ses clients les plus riches beaucoup plus qu’elle ne le faisait auparavant. Les montres les plus chères auront le même contenu électronique que les meilleur marché. Mais elles sont en or et seront finies avec un soin réservé aux produits de luxe. Si vous en voyez une, vous saurez que vous êtes en présence de quelqu’un de riche. Et si vous êtes capable de maintenir votre prédominance dans le moyen de gamme tout en vendant du très haut de gamme, c'est que vous venez de créer une toute nouvelle catégorie de produits très hautement profitables.»

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IMPRESSUM EUROPA STAR PREMIÈRE, 25 route des Acacias, P.O. Box 1355, CH-1211 Geneva 26, Switzerland, Tel: 00 41 22 307 78 37, Fax: 00 41 22 300 37 48, contact@europastar.com Rédaction: Pierre Maillard: pmaillard@europastar.com, Serge Maillard: smaillard@europastar.com, Jean-Luc Adam: watches-for-china@europastar.com Contributeurs dans ce numéro: Begonia Tora, David Borel, Harald Jenny, Valentin Guidi, Philippe Régnier, Jules Boudrand. Publicité, Marketing & Communication: Carlo Fachini: cfachini@europastar.com Nathalie Glattfelder: nglattfelder@europastar.com Véronique Zorzi: vzorzi@eurotec-bi.com Alexandra Montandon: amontandon@europastar.com Catherine Giloux: cgiloux@europastar.com, Jocelyne Bailly: jbailly@europastar.com Graphisme: Alexis Sgouridis, asgouridis@europastar.com Production: Laure-Emmanuelle Dubouchet, prod@europastar.com Impression: SRO-Kundig

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Direction du groupe Europa Star HBM: Philippe Maillard Éditeur - CEO: Serge Maillard Les publications du groupe Europa Star HBM: Europa Star - Europe International - USA & Canada - Watches for China - Horalatina CIJ Trends & Colours - Europa Star Première - Europa Star Ukraine Eurotec - Bulletin d’informations. Les sites web & iPad du groupe Europa Star HBM: www.worldwatchweb.com, www.europastar.com, www.watches-for-china.com, www.watches-for-china.cn, www.horalatina.com, www.europastar.es, www.europastarwatch.ru, www.watch-aficionado.com, www.cijintl.com, www.eurotec.ch.

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ANNUAIRE DES HORLOGERS

ARGOVIE AIGNER / Wallbach / www.aignerworld.com CONTINENTAL / Möhlin / www.continental-watches.ch CRUISER / Möhlin / www.cruiser-watches.ch EVERSWISS / Möhlin / www.everswiss.ch HANOWA / Wallbach / www.hanowa.ch MONTEGA / Remetschwil / www.montegauhren.ch POLICE / Wallbach / www.policelifestyle.com ROAMER / Möhlin / www.roamer.ch BÂLE ALEXORA / Bâle / www.alexora.com CHARMEX / Bubendorf / www.charmex.ch CHRISTIAN JACQUES / Bâle / www.christian-jacques.com CX SWISS MILITARY WATCH / Liestal / www.swiss-military.com EMKA / Binningen / www.emka-watches.com EMPORIO ARMANI (Fossil) / Bâle / www.armani.com FOSSIL (Fossil) / Bâle / www.fossil.com GROVANA / Tenniken / www.grovana.ch JAQUET&GIRARD / Binningen / www.jaquet-girard.com ORIS / Hölstein / www.oris.ch REVUE THOMMEN / Tenniken / www.revue-thommen.ch SWISS ALPINE MILITARY / Tenniken / www.swissalpinemilitary.com SWISS MILITARY WATCH / Liestal / www.swiss-military.com SWISSPACE / Tenniken / www.swisspace.it ZEITCENTRALE TIMM DELFS / Bâle / www.zeitzentrale.ch ZENO WATCH / Bâle / www.zeno-watch.ch BERNE A.B.ART / Bienne / www.abartwatches.com ANGULAR MOMENTUM / Ittigen / www.angularmomentum.com ARMAND NICOLET / Tramelan / www.armandnicolet.com ARMIN STROM / Bienne / www.arminstrom.com ATLANTIC / Lengnau / www.atlantic-watches.ch AUGUSTE REYMOND / Tramelan / www.augustereymond.ch AZIMUTH / Bienne / www.azimuthwatch.com AZZARO / La Neuveville / www.azzaro-watch.com BALMAIN (Swatch Group) / St-Imier / www.balmainwatches.com BISSET / Lengnau / www.bisset.ch BOEGLI / Moutier / www.boegliwatch.ch BREMONT / Bienne / www.bremont.com CALVIN KLEIN (Swatch Group) / Bienne / www.calvinklein.com CANDINO (Festina Group) / Bienne / www.candino.com CATENA / Corcelles / www.montres-catena.com CENTURY / Nidau / www.century.ch CLARO WATCH / Bienne / www.clarowatch.com CODEX / Bienne / www.codexwatches.com CONCORD (Movado Group) / Bienne / www.concord.ch DAVIDOFF / Bienne / www.zinodavidoff.com DAVOSA / Tramelan / www.davosa.com DE BORTOLI / Bienne / www.debortoliwatches.com DELANCE / Macolin / www.delance.ch DELBANA / Lengnau / www.delbana-watches.ch DELMA / Lengnau / www.delma.ch DOXA / Bienne / www.doxa.ch EBEL (Movado Group) / Bienne / www.ebel.com EBERHARD & Co / Bienne / www.eberhard-co-watches.ch EPOS / Lengnau / www.epos.ch FORMEX / Lengnau / www.formexwatch.com FRANK JUTZI / Wichtrach / www.frankjutzi.com GEORGE J VON BURG / Bienne / www.gjvb.com GEVRIL / Tramelan / www.gevrilgroup.com GLASHUTTE ORIGINAL (Swatch Group) / Bienne / www.glashuette-original.com GLYCINE / Bienne / www.glycine-watch.ch HALDIMANN / Thun / www.haldimann-horology.ch HAMILTON (Swatch Group) / Bienne / www.hamiltonwatch.com HERMES / Bienne / www.hermes.com HORAGE / Bienne / www.horage.com HUGO BOSS / Bienne / www.hugoboss.com HUGUENOT / Bienne / www.huguenot.com INDUCTA / Gwatt / www.inducta.ch JAGUAR (Festina Group) / Bienne / www.jaguarwatches.ch JOVIAL / Bienne / www.jovial.ch L.LEROY / Bienne / www.montres-leroy.com LEON HATOT (Swatch Group) / Corcelles / www.leonhatot.com LONGINES (Swatch Group) / St-Imier / www.longines.com MARANELLO / Bienne / www.rotapmaranello.com MAURICE LACROIX / Bienne / www.mauricelacroix.com MILLERET / Bienne / www.milleret.ch MILUS / Bienne / www.milus.com MOVADO (Movado Group) / Bienne / www.movado.com OGIVAL / Bienne / www.ogival-watch.com OMEGA (Swatch Group) / Bienne / www.omegawatches.com PERRELET (Festina Group) / Bienne / www.perrelet.com PIERCE / Bienne / www.pierce1883.com PIERRE JUNOD / Bienne / www.pierrejunod.com RADO (Swatch Group) / Lengnau / www.rado.com RESSENCE / Bienne / www.ressence.eu RODANIA / Koeniz / www.rodania.com RSW / La Neuveville / www.rsw-swiss.com SCUDERIA FERRARI OROLOGI (Movado Group) / Bienne / www.store.ferrari.com

SECULUS / Bienne / www.seculus.ch STROM / Nidau / www.stromwatch.ch STUHRLING ORIGINAL / Bienne / www.stuhrling.com SWATCH (Swatch Group) / Bienne / www.swatch.com SWISS MILITARY / Moutier / www.genuineswissmilitary.ch SWISS TIME / Bienne / www.swisstimeintl.com TALLER / Bienne / www.tallerwatch.ch THOMAS PRESCHER / Twann / www.prescher.ch TIFFANY & CO / Bienne / www.tiffany.com TRASER H3 / Niederwangen / www.traser.com UNION GLASHUTTE (Swatch Group) / Bienne / www.union-glashuette.com URBAN JÜRGENSEN / Bienne / www.ujs-chronometry.ch VASTO / Tramelan / www.vasto.ch VICTORINOX SWISS ARMY / Bienne / www.victorinox.com VOGARD / Nidau / www.vogard.com W. GABUS / Bienne / www.wgabus.com ZEITWINKEL / St-Imier / www.zeitwinkel.ch FRIBOURG BULOVA / Fribourg / www.bulova.com CARBON 14 / Granges-Paccot / www.carbon14.ch CARTIER (Richemont) / Villars-sur-Glâne / www.cartier.com CECIL PURNELL / Belfaux / www.cecilpurnell.com GUEPARD / Fribourg / www.guepard.ch JO SIFFERT / Fribourg / www.josiffert.com LINDE WERDELIN / Fribourg / www.lindewerdelin.com MAURON & MUSY / Saint-Aubin / www.mauronmusy.com SAINT HONORE / Fribourg / www.sainthonore.com VAN CLEEF & ARPELS (Richemont) / Villars-surGlâne / www.vancleefarpels.com GENÈVE ALAIN PHILIPPE / Genève / www.alainphilippe.com ALFRED DUNHILL (Richemont) / Genève / www.dunhill.com ALPINA / Plan-les-Ouates / www.alpina-watches.com ALTANUS / Genève / www.altanus.com ANDERSEN GENEVE / Genève / www.andersen-geneve.ch ANTOINE PREZIUSO / Arare / www.antoine-preziuso.com APPELLA / Carouge / www.appella.com AQUANAUTIC / Genève / www.aquanautic.com ARTYA / Vésenaz / www.artya.com ATELIERS DE MONACO / Plan-Les-Ouates / www.ateliers-demonaco.com BADOLLET / Genève / www.badollet.com BAUME & MERCIER (Richemont) / Bellevue / www.baume-et-mercier.com BEDAT & Co. / Genève / www.bedat.com BERTOLUCCI / Genève / www.bertolucci-watches.com BLACK BELT / Vésenaz / www.blackbeltwatch.com BLACKSAND / Genève / www.blacksandgeneve.com BOGH-ART / Genève / www.bogh-art.com BOVET / Plan-les-Ouates / www.bovet.com BREVA / Genève / www.breva-watch.com BURBERRY (Fossil) / Genève / www.burberry.com CHANEL / Genève / www.chanel.com CHARRIOL / Genève / www.charriol.com CHOPARD / Meyrin / www.chopard.com CLERC / Genève / www.clercwatches.com CVSTOS / Genève / www.cvstos.com CYRUS / Versoix / www.cyrus-watches.ch DA VINDICE / Genève / www.davindice.com DANIEL ROTH (Bulgari) / Meyrin / www.danielroth.com DAVID VAN HEIM / Carouge / www.david-van-heim.com DE BETHUNE / Genève / www.debethune.ch DE BOUGAINVILLE / Plan-les-Ouates / www.debougainville.com DE GRISOGONO / Plan-les-Ouates / www.degrisogono.com DELACOUR / Genève / www.delacour.ch DELALOYE / Carouge / www.garde-temps.ch DELANEAU / Genève / www.delaneau.com DEWITT / Meyrin / www.dewitt.ch EMILE CHOURIET / Meyrin / www.emile-chouriet.ch ENIGMA / Genève / www.gbenigma.com F.P. JOURNE / Genève / www.fpjourne.com FABERGE / Genève / www.faberge.com FRANC VILA / Genève / www.francvila.com FRANCK MULLER / Genthod / www.franckmuller.com FRED (LVMH) / Genève / www.fred.com FREDERIQUE CONSTANT / Plan-les-Ouates / www.frederique-constant.com GERALD GENTA (BULGARI) / Meyrin / www.geraldgenta.com GIO MONACO / Genève / www.giomonaco.com GRAFF / Genève / www.graffdiamonds.com GRECO GENEVE / Plan-les-Ouates / www.greco-watches.com HARRY WINSTON (Swatch Group) / Plan-les-Ouates / www.harrywinston.com ICELINK / Genève / www.icelinkwatch.com JACOB & CO. / Genève / www.jacobandco.com JEAN DUNAND / Plan-les-Ouates / www.jeandunand.com JORDI / Nyon / www.jordiwatches.com LACOSTE / Genève / www.lacoste.com LADOIRE / Genève / www.ladoire.ch LAURENT FERRIER / Plan-les-Ouates / www.laurentferrier.ch LE RHONE / Satigny / www.lerhone.com LEBEAUCOURALLY / Genève / www.lebeaucourally.com LEONARD / Genève / www.leonardwatches.com LOUIS VUITTON / Genève / www.louisvuitton.com LUDOVIC BALLOUARD / Meyrin / www.ballouard.com M. STEPHANE / Vésenaz / www.m-stephane.com MAGELLAN / Genève / www.magellanwatch.com MAREMONTI / Genève / www.maremontiwatch.ru MATHEY-TISSOT / Genève / www.mathey-tissot.net MB&F / Genève / www.mbandf.com

EUROPA STAR PREMIÈRE | 31

MOYA / Genève / www.moyawatch.com MYKRONOZ / Genthod / www.mykronoz.com PATEK PHILIPPE / Plan-les-Ouates / www.patek.com PETER TANISMAN / Meyrin / www.peter-tanisman.com PIAGET (Richemont) / Plan-les-Ouates / www.piaget.com PICARD CADET / Genève / www.picardcadet.ch PIERRE KUNZ / Genthod / www.pierrekunzgeneve.com PILO & CO / Carouge / www.pilo-watches.com QUINTING / Genève / www.quinting-watches.com RALPH LAUREN / Plan-les-Ouates / www.ralphlauren.com RATEL / Genève / www.cyrilratel.com RAYMOND WEIL / Genève / www.raymond-weil.com RJ - ROMAIN JEROME / Genève / www.romainjerome.ch ROBERT ET FILS 1630 / Genève / www.robertfils1630.com ROGER DUBUIS (Richemont) / Meyrin / www.rogerdubuis.com ROLEX / Genève / www.rolex.com SARCAR / Vésenaz / www.sarcar.com SNYPER / Genève / www.snyperwatches.com SPERO LUCEM / Genève / www.spero-lucem.com STEELCRAFT / Carouge / www.steelcraft.ch TECHNOMARINE / Genève / www.technomarine.com TF EST 1968 / Carouge / www.tfco.ch TUDOR / Genève / www.tudorwatch.com UNIVERSAL GENEVE / Meyrin / www.universal.ch URWERK / Genève / www.urwerk.com VACHERON CONSTANTIN (Richemont) / Plan-les-Ouates / www.vacheron-constantin.com VAN DER BAUWEDE / Genève / www.vdb.ch VENUS / Genève / www.montresvenus.com VOLNA / Genève / www.volna.ch YESLAM / Genève / www.yeslam.ch ZANDIDOUST / Genève / www.zandidoust.com JURA AEROWATCH / Saignelégier / www.aerowatch.com ANDRE MOUCHE / Fahy / www.andremouche.ch AVIATOR / Porrentruy / www.aviatorwatch.ch CATOREX / Les Breuleux / www.catorex.ch CLAUDE BERNARD / Les Genevez / www.claudebernard.ch EDOX / Les Genevez / www.edox.ch ERNEST BOREL / Le Noirmont / www.ernestborel.ch HEBE / Alle / www.hebewatch.com IKEPOD / Bassecourt / www.ikepod.com L'DUCHEN / Saignelegier / www.lduchen.com L'EPEE / Delémont / www.lepee-clock.ch LOUIS CHEVROLET / Porrentruy / www.louischevrolet.ch LOUIS ERARD / Le Noirmont / www.louiserard.ch MATTHEW NORMAN / Delémont / www.matthew-norman.ch PAUL PICOT / Le Noirmont / www.paulpicot.ch RICHARD MILLE (Horométrie) / Les Breuleux / www.richardmille.com RUDIS SYLVA / Les Bois / www.rudissylva.com SWIZA / Delémont / www.swiza.ch VALGINE / Les Breuleux / www.jic.ch/valgine VICENTERRA / Boncourt / www.vicenterra.ch WENGER / Delémont / www.wenger.ch LUCERNE CARL F. BUCHERER / Lucerne / www.carl-f-bucherer.com CHRONOSWISS / Lucerne / www.chronoswiss.com OCHS UND JUNIOR / Lucerne / www.ochsundjunior.ch NEUCHÂTEL 88 RUE DU RHONE / La Chaux-de-Fonds / www.88rdr.com AFFLUENCE / Neuchâtel / www.affluencewatches.com ALEXIS GARIN / Les Verrières / www.alexisgarin.ch ARNOLD & SON / La Chaux-de-Fonds / www.arnoldandson.com BALL WATCH / La Chaux-de-Fonds / www.ballwatch.com BLAULING / Chézard-Saint-Martin / www.blauling.com BLU / Colombier / www.blu.ch BOMBERG / Neuchâtel / www.bomberg.ch BOUCHERON (Kering) / Cortaillod / www.boucheron.com BULER / La Chaux-de-Fonds / www.buler.ch BULGARI (LVMH) / Neuchâtel / www.bulgari.com CATENA / Corcelles / www.montres-catena.com CERTINA (Swatch Group) / Le Locle / www.certina.com CHATELAIN / La Chaux-de-Fonds / www.chatelain.ch CHRISTOPHE CLARET / Le Locle / www.christopheclaret.com CHRISTOPHE SCHAFFO / La Brévine CHRONOGRAPHE SUISSE CIE / La Chaux-de-Fonds / www.chronographesuisse.ch CORONA WATCH / Neuchâtel CORUM (Haidian) / La Chaux-de-Fonds / www.corum.ch DIOR HORLOGERIE (LVMH) / La Chaux-de-Fonds / www.dior.com DREYFUSS & CO / La Chaux-de-Fonds / www.dreyfussandco.com DUBEY & SCHALDENBRAND / La Chaux-de-Fonds / www.dubeywatch.com ELLICOTT 1738 / La Chaux-de-Fonds / www.ellicott.ch ENICAR / La Chaux-de-Fonds / www.enicar.com ETOILE / Le Locle / www.montres-etoile.ch FENDI / Marin-Epagnier / www.fendi.com FESTINA / Bienne / www.festina.com FLIK FLAK (Swatch Group) / Cormondrèche / www.flikflak.com FREDERIC JOUVENOT / La Chaux-de-Fonds / www.fjouvenot.com GAMIL WATCH / La Chaux-de-Fonds GEBSON / Neuchâtel / www.gebson.com GERGE / Neuchâtel / www.gergeswiss.com GIRARD-PERREGAUX (Kering) / La Chaux-de-Fonds / www.girard-perregaux.com GRAHAM / La Chaux-de-Fonds / www.graham-london.com

GREUBEL FORSEY / La Chaux-de-Fonds / www.greubelforsey.com GUCCI (Kering) / Cortaillod / www.gucciwatches.com HAUTLENCE (Melb Holding) / La Chaux-de-Fonds / www.hautlence.com HERITAGE / Neuchâtel / www.hwm-watch.com HOROSWISS / La Chaux-de-Fonds / www.horoswiss.com HYT / Neuchâtel / www.hytwatches.com JAERMANN & STUBI / Le Locle / www.jaermann-stuebi.com JAMES C. PELLATON / Le Locle / www.jamespellaton.com JAQUET DROZ (Swatch Group) / La Chaux-de-Fonds / www.jaquet-droz.com JEAN D'EVE / La Chaux-de-Fonds / www.jeandeve.ch JEANRICHARD (Kering) / La Chaux-de-Fonds / www.jeanrichard.com JULIEN COUDRAY 1518 / Le Locle / www.juliencoudray1518.ch LOUIS MOINET / Saint-Blaise / www.louismoinet.com MAITRES DU TEMPS / La Chaux-de-Fonds / www.maitresdutemps.com MARATHON / La Chaux-de-Fonds / www.marathonwatch.com MARVIN / Vaumarcus / www.marvinwatches.com MCGONIGLE STEPHEN / Neuchâtel / www.mcgonigle.ie MCT / Neuchâtel / www.mctwatches.com METAL.CH / Neuchâtel / www.metalch.com MIDO (Swatch Group) / Le Locle / www.mido.ch MONTBLANC (Richemont) / Le Locle / www.montblanc.com MUREX / Le Locle / www.murexwatch.com NOBEL / Neuchâtel / www.nobelwatch.ch OPTIMA / Le Locle / www.optimawatch.com PIERRE THOMAS / La Chaux-de-Fonds / www.pierrethomas.ch RAIDOX / Le Locle / www.raidox.ch RIBA MUREX / Le Locle / www.murexwatch.com ROD / Neuchâtel / www.rodwatches.ch ROTARY / La Chaux-de-Fonds / www.rotarywatches.com SCHWARZ-ETIENNE / La Chaux-de-Fonds / www.schwarz-etienne.ch SULTANA / La Chaux-de-Fonds / www.sultana.ch TAG HEUER (LVMH) / La Chaux-de-Fonds / www.tagheuer.com TAUCHMEISTER / La Chaux-de-Fonds / www.michel-perrenoud.ch TEMPVS COMPVTARE / Neuchâtel / www.tempvscompvtare.ch TISSOT (Swatch Group) / Le Locle / www.tissot.ch ULYSSE NARDIN (Kering) / Le Locle / www.ulysse-nardin.com VOUTILAINEN / Môtiers / www.voutilainen.ch VULCAIN / Le Locle / www.vulcain-watches.ch WALTHAM / Marin-Epagnier / www.waltham.ch ZENITH (LVMH) / Le Locle / www.zenith-watches.com

SALVATORE FERRAGAMO (Timex Group) / Manno / www.ferragamotimepieces.com SEA-GOD / Chiasso / www.sea-god.ch TENDENCE / Lugano / www.tendencewatches.com TIMEX (Timex Group) / Manno / www.timexgroup.com TONINO LAMBORGHINI / Chiasso / www.lamborghini.it VERSACE (Timex Group) / Manno / www.versace.com ZITURA WATCH / Magliaso / www.zitura.com THURGOVIE ANDREAS STREHLER / Sirnach / www.astrehler.ch HANHART / Diessenhofen / www.hanhart.com VAUD

ADRIANO VALENTE / Lausanne / www.adrianovalente.com ALAIN SAUSER CRÉATION / Chamby / www.alainsauser.ch ALFRED ROCHAT - AROLA / Les Bioux / www.arola-alfred-rochat.ch ANONIMO / Chavannes-de-Bogis / www.anonimo.com AUDEMARS PIGUET / Le Brassus / www.audemarspiguet.com BLANCPAIN (Swatch Group) / Paudex / www.blancpain.com BREGUET (Swatch Group) / L'Abbaye / www.breguet.com C3H5N3O9 / Gand / www.c3h5n3o9.com CABESTAN / L'Orient / www.cabestan.ch CHAUMET (LVMH) / Nyon / www.chaumet.com CLAUDE MEYLAN / L'Abbaye du Lac de Joux / www.claudemeylan.ch DE HAVILLAND / Yverdon-les-bains / www.dehavilland-watches.com DODICI / Montreux / www.dodici.ch FRERES ROCHAT (Automates) / Le Brassus / www.freres-rochat.com HD3 COMPLICATION / Luins / www.hd3complication.com HUBLOT (LVMH) / Nyon / www.hublot.com HYSEK / Lussy-sur-Morges / www.hysek.com JAEGER-LECOULTRE (Richemont) / Le Sentier / www.jaeger-lecoultre.com JANVIER / Ste-Croix / www.vianney-halter.com LOISEAU / St-Prex / www.atelier-loiseau.ch LOUIS GOLAY / Lonay / www.louisgolay.com MANUFACTURE ROYALE / Vallorbe / www.manufacture-royale.com PARMIGIANI FLEURIER / Gland / www.parmigiani.ch PHILIPPE DUFOUR / Le Sentier / www.philippedufour.com PIERRE DEROCHE / Le Lieu / www.pierrederoche.com REBELLION / Lonay / www.rebellion-timepieces.com OBWALD REUGE (automates) / Sainte Croix / www.reuge.com ANTOINE MARTIN / Alpnach / www.antoinemartin.ch REVELATION / Lully / www.revelation-watches.ch ROMAIN GAUTHIER / Le Sentier / SCHAFFHOUSE www.romaingauthier.com SLYDE / Luins / www.slyde.ch SPEAKE-MARIN / Bursins / www.speake-marin.com A. LANGE & SOEHNE (Richemont) / Schaffhouse / www.lange-soehne.com VALBRAY / Lausanne / www.valbray.ch H. MOSER & CIE (Melb Holding) / Neuhausen am VINCENT CALABRESE / Morges / Rheinfall / www.h-moser.com www.vincent-calabrese.ch IWC (Richemont) / Schaffhouse / www.iwc.ch ZOUG SCHWYTZ CIMIER / Baar / www.cimier.com COINWATCH / Pfäffikon / www.coinwatch.ch DIETRICH / Zoug / www.dietrich-watches.com FAVRE LEUBA / Zoug LES MILLIONNAIRES / Pfäffikon / www.millionnaires.ch GC WATCHES (Timex Group) / Zoug / LUMINOX / Pfäffikon / www.luminox.com www.gcwatches.com MIRA / Pfäffikon / www.mirawatch.ch PANERAI (Richemont) / Steinhausen / PHILIP ZEPTER / Wollerau / www.zepter.com www.panerai.com RAM / Cham / www.ram-watches.ch SOLEURE RECONVILIER / Zoug / www.reconvilier.com ARLEA / Wolfwil AUREMA / Grenchen ZURICH BIJOUMONTRE / Grenchen / www.bijoumontre.com BREITLING / Grenchen / www.breitling.com ZASPERO / Regensdorf / www.zaspero.com CAT / Solothurn / www.catwatches.com CAMEL ACTIVE / Zurich / www.mondaine.com COACH / Grenchen / www.coach.com CORNAVIN / Zurich / www.cornavin-watches.ch COVER WATCHES / Solothurn / HELVETICA / Zurich / www.mondaine.com www.coverwatches.com JUSTEX / Zurich / www.justex.ch CYCLOS / Dornach / www.cyclos-watch.ch LALIQUE / Zollikerberg / www.lalique.com ETERNA (Haidian) / Grenchen / www.eterna.ch M-WATCH / Zurich / www.mondaine.com FORTIS / Grenchen / www.fortis-watches.com MARC JENNI / Zurich / www.marcjenni.com GENIE / Grenchen / www.genieswiss.ch MAURICE DE MAURIAC / Zurich / HARWOOD WATCH CO. / Grenchen / www.mauricedemauriac.ch www.harwood-watches.com MIKI ELETA (Pendules) / Zurich / www.eleta.ch JOWISSA UHRE / Bettlach / www.jowissa-watches.com MONDAINE / Zurich / www.mondaine.com KIENZLE / Egerkingen / www.kienzleuhren.de MONTILIER / Zurich / www.montilier.com MANJAZ / Welschenrohr / www.manjaz.ch O&W / Zurich / www.chronotime.ch NORD ZEITMASCHINE / Büsserach / PAUL GERBER / Zurich / www.gerber-uhren.ch PHILIP STEIN / Kilchberg / www.philipstein.com www.nord-zeitmaschine.ch SEVENFRIDAY / Zurich / www.sevenfriday.com PORSCHE DESIGN / Grenchen / SWAROVSKI / Männedorf / www.swarovski.com www.porsche-design.com TORSO / Zurich / www.torsoswiss.ch ROAMER / Soleure / www.roamer.ch SWISS MILITARY-HANOWA / Solothurn / URBACH / Zurich / www.urbach.ch www.swissmilitary.ch XEMEX / Zurich / www.xemex.ch TITONI / Grenchen / www.titoni.ch Liste non contractuelle ST. GALL LUNESA / Sevelen / www.lunesa.com TESSIN ADRIATICA / Camorino / www.adriaticawatches.ch ALFEX / Manno / www.alfex.com ARMAAN / Agno BUCCELLATI / Chiasso / www.buccellati.com CANOPUS / Magliaso / www.amanzoni.com CUERVO Y SOBRINOS / Capolago / www.cuervoysobrinos.com DAMIANI / Manno / www.damiani.com DWISS / Lugano / www.dwiss.com GLAM ROCK / Lugano / www.glamrockwatches.com GUESS / Bioggio / www.guesswatches.com Pour des informations complètes sur N.O.A / Balerna / www.noawatch.com toutes les marques suisses et internationales, ORA / Locarno / www.oraswisswatch.com consultez www.europastar.com/brand-index


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