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PORTRAIT DE DÉTAILLANT

EUROPA STAR PREMIÈRE | 25

«En Suisse, les marques horlogères vont revenir vers les détaillants»

par

Serge Maillard

A Vevey, ils règnent en maîtres de l’horlogerie, avec leurs deux boutiques situées sur la place la plus centrale de la ville, face au lac. Aujourd’hui, il est pratiquement impossible d’acheter une montre dans la commune de la Riviera vaudoise sans passer par leurs échoppes! Bienvenue chez les Meylan, horlogers depuis six générations, originaires de la Vallée de Joux, descendus en plaine, d’abord à Lausanne, avant de se faire détaillants horlogers à Vevey en 1990. Europa Star Première a déjeuné avec Julien Meylan, 32 ans, qui dirige aujourd’hui l’entreprise familiale avec son frère Yannick et leur père Lionel, qui a ouvert la première boutique à Vevey et dont la société porte le nom. «A l’époque, il a commencé par faire le tour de la ville, il a noté toutes les marques qui n’étaient pas en vitrine et est allé les commander à Baselworld!», rappelle le jeune directeur. Installés à Vevey depuis 25 ans, les détaillants se sont permis l’an passé une escapade hors des murs en ouvrant une troisième boutique au Glacier 3000 des Diablerets. Leurs efforts ont aussi récemment livré un beau fruit: depuis décembre dernier, Rolex et sa petite sœur Tudor sont présentes en vitrine. «Nous gérons tout en famille. C’est une force d’être trois, car chacun amène une vision un peu différente. Nous nous faisons avancer mutuellement.» Rencontre autour d’une paella. Etes-vous allés à Rolex? Ou Rolex est venu à vous? Il est vrai que certaines marques nous contactent spontanément (rires). Dans le cas de Rolex, cela faisait depuis nos débuts comme détaillants à Vevey, en 1990, que nous souhaitions accueillir leurs montres.. Ils ont choisi de venir chez nous l’année dernière car ils apprécient la région que nous couvrons, la

Vous devez tout de même subir certaines pressions sur la présence en vitrine. Comment arbitrez-vous les emplacements? Les marques ont souvent les mêmes désirs: il faudrait avoir un seul espace en vitrine et qu’elles soient toutes au même endroit! Dans nos choix en vitrine, nous veillons à assurer un tournus régulier, afin de contenter tout le monde. Par le dialogue, on arrive toujours à trouver une solution.

dynamique et le savoir-faire de notre point de vente. C’est une belle reconnaissance de notre travail! Qui sont vos clients?

Sur la décennie écoulée, quelle a été la principale évolution dans le comportement des clients? Ils sont beaucoup mieux informés et déterminés sur ce qu’ils veulent, grâce à internet. Auparavant, ils désiraient acheter «une montre». Aujourd’hui, en entrant dans la boutique, ils ont déjà une idée très précise du modèle qu’ils veulent, voire même la référence exacte. Au point qu’il peut même arriver qu’un client en sache un peu plus que nous sur tel ou tel modèle! Ces cas sont rares, je vous rassure (rires). Nos vendeurs peuvent présenter une Victorinox comme une Breguet. Justement, comment formez-vous vos vendeurs, avec un catalogue qui s’étend d’année en année? En revenant de Baselworld, je leur fais une présentation des nouveautés des salons. L’idéal serait bien sûr de les y emmener, mais la boutique doit rester ouverte… Par ailleurs, les marques horlogères organisent des formations à notre intention, d’une durée moyenne d’une journée. Pour Rolex, c’était davantage: deux jours complets à Genève. Et pour notre horloger, trois semaines!

Quel bilan tirez-vous de 2014?

DR

Nous avons toujours travaillé en priorité avec une clientèle locale. Nous avons la chance d’avoir des clients fidèles, qui sont dotés d’une vraie culture horlogère. Aujourd’hui, nous attirons également des touristes chinois, indiens, russes ou britanniques, principalement dans notre boutique du Glacier 3000 aux Diablerets. Notre cœur de cible est vraiment local.

Julien Meylan

sommes actifs sur le marché suisse, nous sommes proches des manufactures et nous avons la possibilité de communiquer aisément avec elles. Nous sommes connus pour notre sérieux, mais aussi pour notre franchise. Nous faisons savoir quand une pratique ne nous plaît pas. Par exemple? Certaines marques font des séries limitées destinées uniquement à leurs propres boutiques, afin d’y attirer la clientèle. Nous acceptons parfois mal d’être des «demi-agents»: lorsque nous sommes agents d’une marque, nous devrions avoir accès à tous ses produits. Dès lors, certains de nos clients se retrouvent pénalisés, car ils ne vont pas dans la boutique de la marque. Ce «désintérêt» de l’industrie pour les détaillants est-il, selon vous, cyclique ou durable? Je pense que les marques vont revenir vers les détaillants, à condition que la chaîne de valeurs soit préservée jusqu’au client final, Quand le représentant d’une marque doit venir annoncer à un détaillant suisse qu’il ne pourra plus la vendre dans son échoppe, je vous garantis que c’est un vrai crève-cœur. Mais les profession-

Elles entendent clairement avoir plus de contrôle sur la vente de leurs produits. Les marques ont beaucoup réduit leurs points de vente ces dernières années, elles ont quitté un certain nombre de détaillants tout en ouvrant leurs propres boutiques à travers le monde. Il y a eu un «nettoyage» qui était peut-être nécessaire dans certains cas. Mais ce désir de contrôle va parfois un peu loin. Heureusement, vu que nous

Nous acceptons parfois mal d’être des «demiagents»: lorsque nous sommes agents d’une marque, nous devrions avoir accès à tous ses produits. nels doivent avoir une vraie connaissance horlogère, un savoir-faire et du réseau. Il ne faut pas oublier que les boutiques monomarques ne s’adressent généralement pas à la même clientèle que les détaillants. Un client qui vient chez nous, même s’il a un modèle spécifique en tête, apprécie d’avoir le choix. Parfois, au sein de l’assortiment de la marque privilégiée, parfois dans le cadre d’une même famille de complications. En tant que détaillants, nous sommes complémentaires aux boutiques monomarques. A l’étranger, en revanche, les choses sont différentes: un détaillant est peut-être plus difficile à gérer qu’une boutique en nom propre. Vous avez aujourd’hui une trentaine de marques dans votre catalogue. Une manière d’assurer votre indépendance?

Cela a été une excellente année. Nous sommes en progression. L’année a été couronnée par l’arrivée de Rolex et Tudor. Et nous avons toujours réinvesti les bénéfices. Les marques apprécient notre dynamique. Nous ne nous contentons pas de vendre des montres, ce qui serait insuffisant aujourd’hui. Nous organisons des événements et des expériences spéciales autour des ventes. Par exemple? Chaque fois qu’un client achète une montre Breitling, mon père, qui est pilote, l’emmène faire un tour en avion. Les clients veulent moins venir avec moi, qui suis parachutiste (rires). Par ailleurs, une grande valeur ajoutée réside dans les visites de manufactures que nous organisons régulièrement pour nos clients. La manufacture de Jaeger-LeCoultre, par exemple, est très intéressante, car nous ne sommes pas derrière des vitres et pouvons observer de très près un travail artisanal. Chez Omega, c’est tout aussi intéressant, tout en étant très différent: on voit tout le côté industriel et ultra-moderne de la production horlogère. Enfin, nos boutiques étant équipées d’établis où nos horlogers travaillent toujours, nous proposons des cours d’initiation à l’horlogerie ou la gemmologie. C’est utile, car les clients comprennent non seulement comment fonctionne leurs montres, mais aussi pourquoi cela prend parfois du temps de les réviser… Le catalogue de Lionel Meylan SA Omega, Hublot, Breitling, Jaeger-LeCoultre, Piaget, Longines, Chopard, Tudor, Girard-Perregaux, Dinh Van, Piero Milano, Michel H, Oris, Victorinox, Rolex, Breguet, Zenith, IWC, Bulgari, Corum, Ulysse Nardin, Pomellato, Serafino Consoli, Morganne Bello, Sevenfriday, Tissot, Frédérique Constant, Alpina, Cartier, Hermès, IsabelleFa

Parallèlement, quelles évolutions dans le comportement des marques?

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Franc fort, relations avec les marques, comportement des clients: le détaillant veveysan Julien Meylan dévoile le quotidien d’un magasin horloger multimarques.

Oui, notre assortiment est bien réparti entre Swatch Group, LVMH, Richemont et les marques indépendantes. Pour nous, il s’agit principalement de pouvoir offrir à notre clientèle une offre intéressante et variée.

Lionel Meylan SA Place du Marché 4 / 1800 Vevey Tél.: +41 21 925 50 50 www.lionel-meylan.ch


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