La bataille des labels horlogers
Dans le cerveau des «millenials»
Rencontre avec Eric Cantona
Le Swiss made est considéré comme une «passoire» par beaucoup de professionnels. Dans ce contexte, les labels alternatifs se multiplient ..... p.6
A quoi ressembleront les clients horlogers de demain? Ils seront curieux, hyper-connectés, mais aussi en quête de simplicité ............................... p.11
Nouvel ambassadeur de la marque Hautlence, le King du football n’a rien perdu de sa superbe. Confessions sur le temps, la famille et les fleurs .... p.29
EUROPA STAR PREMIERE LE JOURNAL DE L’ÉCOSYSTÈME HORLOGER SUISSE
NO 1 (Vol.17) | 4.50 CHF / 3.70€ | GENÈVE, LE 19 JANVIER 2015 | EUROPASTAR.COM
ÉDITORIAL
SERGE, PHILIPPE & PIERRE MAILLARD
«Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante.» George Orwell Depuis 1927, soit presque aussi longtemps que certaines des maisons horlogères les plus réputées, la «manufacture éditoriale» Europa Star est la plus fidèle alliée de l’industrie horlogère suisse. Au début, nos publications trouvaient place dans les malles des valeureux hommes d’affaires qui s’en allaient ouvrir de nouveaux marchés d’exportation. Avec une valeur d’usage indispensable, préservée aujourd’hui: relier et faire communiquer de manière permanente fabricants, distributeurs et détaillants à travers le monde. De la grande crise du quartz des années 1970 au «grand bond en avant» du haut de gamme Swiss made en ce début de millénaire, Europa Star a traversé tous les soubresauts de l’industrie horlogère, à travers quatre générations d’éditeurs. Aujourd’hui, nous vous proposons un concept original: un «pure paper player». C’est-à-dire… un journal! Plutôt culotté, alors que les médias connaissent la crise la plus grave de leur histoire. A l’instar de ses glorieux aïeux, Europa Star Première détient néanmoins une valeur d’usage qui entend dépasser l’éphémère du web, ce qui passe par le papier, plus approfondi, direct et ciblé. Avec ce premier numéro, nous lançons un business journal pertinent – et aussi impertinent – diffusé dans
un rayon très étroit d’une centaine de kilomètres, où l’on parle principalement français. Bref, le cœur de la «Watch Valley» suisse, de Genève à Bâle. Là où se prennent les décisions qui changeront demain le visage de l’horlogerie. Près de 60'000 emplois, dont 10'000 créés la dernière décennie, et une grande variété de professions qui gravitent autour de cet univers: avocats, banquiers, ingénieurs, designers, architectes, informaticiens, hôteliers, philosophes, artistes, chercheurs. Nous souhaitons incarner l’«écosystème horloger» suisse et francophone. Europa Star Première, ce sont 5'000 exemplaires diffusés par courrier individuel à toutes les parties prenantes de cet écosystème: les «décideurs», à fort pouvoir d’influence mais aussi d’achat. Vous pouvez y participer: écrivez-nous, réagissez, si quelque chose vous fait bondir. Ou sourire. Ou encore, annoncez vos services et produits, pour toucher ces lecteurs. Cette nouvelle publication est le fruit de deux générations d’éditeurs: l’une qui a l’odeur du papier ancrée au nez, l’autre qui est née souris en main – les fameux digital natives. Le monde de la presse comme celui de l’horlogerie traversent un moment-clé: l’hybridation avec les nouvelles technologies. Mais, pour prolonger le parallèle, la montre connectée ne privera sans doute pas la montre mécanique de ses potentialités, de son âme, de son futur! A deux générations, nous nous sentons à la fois plus intelligents et plus sages. Et puis, nous posterons tout de même un mot ou deux sur Facebook…
Can Stock Photo
Naissance d'un «pure paper player»!
Horlogerie: les métiers de demain PAR
SERGE MAILLARD
C’est un exercice de prospective, qui avance donc en terrain mouvant: identifier les métiers qui «feront» le paysage horloger de demain. Avec la rencontre entre horlogerie traditionnelle et nouvelles technologies, on peut s’attendre en effet à des bouleversements du métier même d’horloger, qui sera entre autres appelé à renforcer ses interactions avec les ingénieurs et spécialistes de la «connexion», dont la Suisse romande ne semble pas manquer. Avant d’envisager quelques-uns de ces «métiers de demain», envisageons d’abord le paysage horloger actuel. La relève horlogère est-elle assurée? «Oui, on n’a jamais autant formé qu’actuellement!, répond sans hé-
sitation François Matile, secrétaire général de la Convention patronale de l’industrie horlogère suisse (CPIH). En cinq ans, l’industrie horlogère suisse a créé 10'000 emplois de plus. Mais la formation est en phase avec les besoins du marché.» Le nombre d’apprentis diplômés a triplé en vingt ans, atteignant 385 en 2013. La formation duale est appelée à se renforcer: l’Ecole technique de la Vallée de Joux au Sentier a créé 100 places supplémentaires en apprentissage plein temps sur la décennie écoulée. Une tendance claire à l'augmentation du dual a été initiée par les manufactures de la région. Le recours à la main d’œuvre frontalière reste cependant essentiel pour répondre aux besoins de l’industrie. La Convention patronale a d’ailleurs
noué un partenariat avec l’école de Morteau, qui applique un système de formation suisse en plein territoire français. Alors que plusieurs industries peinent à recruter des apprentis en Suisse, l’horlogerie suisse n’a pas ce problème. Une attractivité sans doute liée au prestige de la montre Swiss made, mais aussi aux chiffres d’exportations records affichés par l’industrie ces dernières années, qui n’ont pas dû laisser insensibles les parents… Les reconversions de personnes venues d’industries moins «porteuses» sont par ailleurs nombreuses: «Si vous voyiez le nombre d’ex-coiffeuses qui travaillent aujourd’hui dans l’industrie horlogère!», s'exclame François Matile. (Suite en page 3)
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DOSSIER FORMATION & EMPLOI
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Emploi: les doutes de l’industrie après le 9 février Quelles seront les répercussions sur l’emploi dans l’industrie horlogère suite à la votation contre l’immigration de masse du 9 février 2014? Analyse. Reto Schneider, fondateur
et ceo de rs partner, cabinet de conseil en ressources humaines spécialisé en horlogerie
Le 9 février 2014, le peuple suisse a accepté de justesse (50,34%) l’initiative populaire «contre l’immigration de masse» lancée par l’UDC. Comment l’industrie horlogère suisse réagit-elle? Cette votation a provoqué de vives réactions chez nos voisins et la remise en question des relations bilatérales entre la Suisse et l’Union européenne. Le Conseil fédéral aura la difficile tâche d’appliquer, dans un délai de trois ans, les mesures préconisées avec la réintroduction de contingents pour les étrangers qui résident plus de quatre mois en Suisse. Les modalités d’application restent encore floues. Si l’immigration devrait être limitée, aucun plafond n’a été fixé et le gouvernement suisse entend notamment promouvoir la main-d’œuvre indigène, comme l’a précisé la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga sur les ondes de l’émission Forum de la RTS. Le texte concerne également les frontaliers qui viennent travailler dans les entreprises horlogères de l’Arc jurassien. Des quotas devront être instaurés, mais on ne connaît pas encore l’impact que cela pourrait avoir sur l’emploi. Selon les chiffres que nous avons pu compiler, 36% des personnes avec expérience dans l’horlogerie et qui souhaitent travailler dans l’industrie en Suisse vivent en France voisine, 61% résident en Suisse et 3% proviennent d’autres pays. Ces chiffres ressortent de la base de données que nous avons pu constituer en quatorze ans d’expérience chez RS Partner.
Davantage de formations à l’interne Une majorité des grands patrons helvétiques a vu d'un mauvais oeil le résultat de cette votation. A terme, cela risque de compliquer, voire de limiter leurs possibilités d’engager des personnes sans passeport à croix blanche ou sans permis de travail suisse, alors que le recrutement de personnel qualifié et souvent experimenté constitue déjà un casse-tête pour nombre d’entreprises horlogères.
Interrogé par les quotidiens régionaux neuchâtelois «L’Express» et «L’Impartial» sur les éventuelles conséquences du vote du 9 février, le CEO du Swatch Group Nick Hayek a réagi sereinement: «Nous allons trouver une solution, nous ne devons pas nous laisser mettre sous pression par l'Europe. Le
DR
par
Le texte concerne également les frontaliers qui viennent travailler dans les entreprises horlogères de l’Arc jurassien. Des quotas devront être instaurés, mais on ne connaît pas encore l’impact que cela pourrait avoir sur l’emploi. Swatch Group devra de toute façon former davantage de personnel. Mais pour moi la situation n'est pas catastrophique.» D’après nos observations, le Swatch Group et d’autres acteurs horlogers majeurs sont effectivement très dynamiques dans cette direction. Les entreprises étudient la question de manière pragmatique et intelligente. Plusieurs sociétés horlogères mettent en place de nouvelles formations à l’interne. Cela prouve qu’il s’agit d’un enjeu majeur. Il n’y a pas assez de profils disponibles lorsqu’il y a une reprise rapide. Les personnes qui résident en Suisse vont avoir la primeur. Mais l’industrie horlogère recherche avant tout des collaborateurs de qualité et des profils pointus. Après des années records, l’industrie horlogère connaît aujourd’hui un ralentissement. A nos yeux, il s’agit en réalité surtout d’un «retour à la normale». Lorsque l’économie repartira vers des chiffres records, le personnel de production représentera une proportion importante des besoins. Or, plus d’un tiers des collaborateurs viennent de France. En Suisse, nous n’avons pas assez de personnel qualifié ou spécialisé dans certaines filières de métiers pointues ou exigeantes. C’est à ce moment-là que les répercussions de l’initiative pourraient se faire ressentir de manière plus conséquente, même si les inconnues restent nombreuses. Selon nos chiffres précis, les catégories de métiers les plus demandées dans l’horlogerie helvétique
sont les professions de la mécanique, la micromécanique et le décolletage (15%), devant la construction horlogère, le R&D, les projets techniques et l’industrialisation (11%). En troisième position ex æquo, on retrouve les horlogers à proprement parler (10%) et la logistique, les achats et l’ordonnancement (10%). Autres domaines très recherchés, les ventes, le service clients, le marketing et la communication (9%), à égalité avec les opérateurs/trices et métiers spécialisés de l’horlogerie (9%).
Leader mondial de la compétitivité La branche horlogère a toutefois plusieurs raisons de garder le sourire: en effet, la Suisse affiche une compétitivité exceptionnelle. Selon le Forum économique mondial (WEF), elle reste leader mondial en la matière, grâce à la transparence de ses institutions, à sa capacité d’innovation et à la collaboration efficace entre public et privé. Le WEF souligne néanmoins que les difficultés à trouver du personnel qualifié menacent sa compétitivité future. L’institut de management IMD, à Lausanne, classe lui aussi la Suisse première en termes de compétitivité dans son classement 2014 (sur 60 pays étudiés). Elle est ainsi championne du monde de la main d’œuvre qualifiée grâce à la qualité de son enseignement, à l’excellente collaboration entre le mon-
de académique et économique et à sa qualité de vie. L’IMD précise que la Suisse développe ses propres talents tout en attirant les étrangers hautement qualifiés. L’ étude salue également la capacité du système éducatif à répondre aux besoins de l’économie. Comme sur le front de l’emploi, les conséquences du vote du 9 février au niveau de l’image de la Suisse à l’étranger restent délicates à évaluer. Les garde-temps helvétiques dépendent en effet fortement de la demande internationale. Toutefois, ces questions politiques ne devraient pas influencer outre mesure les acheteurs étrangers et le niveau des exportations, bien plus tributaire de la conjoncture économique mondiale. L’ aura du Swiss made et du savoirfaire horloger semble intacte et la branche horlogère a déjà fait preuve par le passé d’une importante capacité d’adaptation. Elle risque d’en avoir encore besoin.
Il y a 20 ans…
Le groupe SMH va délocaliser La force du franc suisse est à l'origine de cette décision. Europa Star, mars 1995
La force du franc suisse attire les foudres de Nicolas Hayek, patron de la Société Suisse de Microélectronique et d'Horlogerie (SMH – ndlr, ancêtre du Swatch Group). Il accuse la politique monétaire de la Banque nationale suisse d'être responsable de ses reculs et de ses pertes. Début mars, Nicolas Hayek a ainsi annoncé son intention de transférer une partie des activités de son groupe en France, en Thaïlande et en Chine. C'est à ses yeux la seule manière de pouvoir conserver sa compétitivité. Nicolas Hayek estime que le ren-
chérissement du franc suisse face aux monnaies européennes – soit environ 15% pour la SMH – lui a coûté 350 millions de francs suisses au cours de l'année fiscale 1994. (…) Face à la passivité des autorités monétaires suisses, la décision a été prise de transférer certaines activités de production à l'étranger. Réitérant son intention de sauvegarder des emplois en Suisse, la SMH se dit néanmoins contrainte de prendre une telle décision. Concrètement ETA va investir 12 millions de francs en machines et 3,5 millions en construction pour l'agrandissement de son site thaïlandais. Certains sous-traitants de Neuchâtel, du Jura, du Valais et du Tessin verront leurs commandes
baisser. On estime le nombre de pertes d'emploi à environ 200 personnes, à moins que des solutions de substitution ne soient trouvées. 60 autres emplois seront perdus suite à au transfert dans les ateliers SMH de Malaisie d'opérations de pré-assemblage de systèmes de télécommunication mobile. La direction du groupe a par ailleurs décidé que les activités liées à la manufacture de nouveaux produits et de composants pour les marchés chinois et indien allaient être réparties entre la nouvelle implantation de production en Chine et les usines de France et d'Italie.
DOSSIER FORMATION & EMPLOI
Les signes de ralentissement ne font pas peur à Fabien Graber, directeur de l’Ecole technique de la Vallée de Joux, qui préfère parler de son côté de «stabilisation»: «En 2009, notre école s’est agrandie au milieu de la crise. C’est à ce moment-là que nous devons former le plus, pour répondre aux besoins accrus lors de la reprise du cycle.» Les exigences posées par les entreprises du secteur se sont néanmoins élevées, prévient Antonio Ciancio, cofondateur du Centre de formation dans le domaine de l’horlogerie, à Genève et Neuchâtel: «Il y a une grande réflexion autour du «métier» d’horloger. Le temps est révolu où l’opérateur faisait une seule opération... Il faut à la fois être plus spécialisé et présenter davantage de compétences, ce qui passe par la formation continue. On voit des mécaniciens se former à l’emboîtage. Le taylorisme est fini, et un métier ne suffit plus aujourd’hui.»
Y Les métiers d’arts
Cela peut sembler paradoxal: des métiers en voie de disparition, mais aujourd’hui si recherchés qu’ils constituent sans conteste un débouché prometteur… à condition de trouver un formateur! Une «course aux métiers d’arts» semble s’être engagée dans l’industrie horlogère. S’il est possible de se former assez facilement à la gravure et au sertissage, des métiers comme l’émaillage, le guillochage ou la broderie sont plus difficiles d’accès. «Le problème, c’est que nous nous heurtons à chaque fois aux détenteurs peu nombreux du savoir en question et à leur volonté ou non de le transmettre. Nous avons par le passé proposé des formations en
l’interne, ce qui passe notamment par le développement des métiers de formateurs en entreprise.»
Y Les spécialistes du service après-vente Le succès de la montre mécanique suisse implique des retours accrus dans les services après-vente des marques et de leurs détaillants (lire en p. 8). Pour faire face à ce qui constitue aujourd’hui un goulet d’étranglement de l’industrie, Antonio Ciancio préconise le développement des formations au SAV: «Cela demande non seulement des compétences techniques, mais aussi pédagogiques, car il faut réussir à former des détaillants ve-
microtechnique (CSEM) à Neuchâtel. Aujourd’hui, on voit que la télécommunication, la microtechnique, la microélectronique et même le medtech, un domaine dans lequel la Suisse est à la pointe, sont entrés dans le champ d’action de l’horlogerie, via les montres connectées et la mesure des paramètres corporels.» Le spécialiste se souvient qu’il y a quinze ans, lorsqu’il a commencé à étudier les «wearables», les horlogers n’avaient pas encore réalisé leur vrai potentiel. Les choses ont changé. Pour Jens Krauss, entre le CSEM, l’EPFL, le Swatch Group avec ses filiales telle EM Marin, et plus d’une centaine d'entreprises actives dans la microélectronique comme
Eugène Vinitski
Y Les micromécaniciens
CPIH
Marco Borraccino, responsable de la nouvelle formation en design horloger à la HEAD-Genève
«Beaucoup de dessinateurs, peu de designers»
Pourquoi avoir décidé de lancer un cursus spécifique en design horloger? Jusqu’à présent, les designers horlogers passaient par une formation en design industriel. On y apprend les bases, la méthode pour affronter la création d’un objet. Mais avec cette formation, nous voulons former des gens aptes à entrer tout de suite dans un bureau de création horlogère. Cela répond à un besoin: beaucoup, dans l’industrie horlogère, ont été surpris de découvrir que nous n’avions pas mis en place une formation spécifique auparavant!
(D.R.)
Quelques métiers de demain: Tous les cinq ans, la Convention patronale mène une vaste étude sur les besoins de l’industrie, en sondant directement les entreprises. La dernière enquête a eu lieu en 2012. En tête de ce «baromètre des métiers», on trouve les micromécaniciens. A l’Ecole de la Vallée de Joux, Fabien Graber constate en particulier une forte augmentation des besoins des industriels en micromécaniciens qualifiés. Les apprentis dans ce domaine ne représentent actuellement que 15% des effectifs de l’établissement, mais le nombre de places de formation va augmenter: la classe va être doublée pour accueillir les nouveaux apprentis. «Un bel avenir professionnel leur est assuré. Ils sont polyvalents et peuvent trouver des débouchés dans l’horlogerie, mais aussi le médical, l’automobile ou l’aviation. Cette formation constitue aussi un tremplin vers les écoles d’ingénieurs.»
Trois questions à…
DR
Horlogerie: les métiers de demain (suite)
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guillochage, car nous avions un maître guillocheur à la retraite qui avait le goût de transmettre son savoir. Mais d’autres, des émailleurs ou des décorateurs, ne le souhaitent pas», explique François Matile. De son côté, le Centre de formation dans le domaine de l’horlogerie propose un nombre limité de cursus en métiers d’arts, pour un nombre restreint de personnes, précise Antonio Ciancio: «Comme l’illustre la pénurie de métiers d’arts, l’un des gros problèmes des entreprises horlogère est la perte de savoir-faire au fil du temps. Elles devraient miser davantage sur la transmission à
nus d’horizons très divers. C’est un point très critique, car les sociétés ont des organisations très variables en la matière.»
Dans la lignée des montres connectées, un nouveau métier est en train Y Les ingénieurs et d’apparaître: celui de «programmateurs» horlogers «programmateur horloger». L’impact commercial des montres connectées constitue l’une des grandes inconnues du secteur. Un élément est néanmoins assez clair: dans ce nouveau contexte, les liens entre horlogers et ingénieurs vont se renforcer. «Le domaine de l’horloger va s’étendre, explique Jens Krauss, responsable de la division Systèmes du Centre suisse d'électronique et de
Semtech, ON Semiconducteur ou encore Sensirion, la Suisse maîtrise déjà les technologies à la base des smartwatches: la communication de données sans fil à basse consommation; la génération et l’optimisation de la consommation d’énergie; les capteurs et le traitement de données («Big Data»); les technologies d’affichage; enfin, l’esthétique, l’«atout numéro un de l’industrie, qui fait défaut à Samsung et Apple, dont les produits ressemblent à des smartphones et non à des montres». Dans la lignée des montres connectées, un nouveau métier est en train d’apparaître: celui de «programmateur horloger». «Le domaine du Big Data est en train d’exploser. On peut imaginer des apps, des services, par exemple dans le domaine de la mesure de données corporelles et du quantified self», souligne Jens Krauss. Déjà, des designers imaginent des cadrans pour smartwatches, qui, lorsqu’ils ressemblent trop à un modèle existant, ne vont pas sans poser problème…
Justement, les débouchés sont-ils nombreux pour vos étudiants? Oui. Nous voulons être en adéquation avec le marché du travail. Mais il n’y aura que cinq étudiants Bachelor et deux ou trois Master sélectionnés par an, car nous misons sur la qualité. Avant de lancer la formation, j’ai contacté plusieurs marques horlogères pour avoir confirmation: aujourd’hui, il y a beaucoup de dessinateurs qui proposent des choses belles mais irréalisables aux techniciens. Nos designers connaîtront les contraintes techniques du métier, la culture et l'histoire horlogère, et ils rencontreront des marques afin de se familiariser à cet univers. Comment le métier a-t-il évolué ces dernières années? La tendance est à l’internalisation du métier dans les marques. Je le remarque personnellement: en 2009, j’étais très sollicité en tant que designer indépendant, depuis le rythme est descendu. Mais les marques feront toujours appel à des designers externes pour sortir des sentiers battus.
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4,6 milliards de francs Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
SIHH 2015
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Cartier, offensive en Haute Mécanique La grande maison parisienne entend s'affirmer dans le petit monde des grandes complications. par
Pierre Maillard
Depuis 2009, date à laquelle Carole Forestier est entrée chez Cartier, au Département développement et création de mouvements dont elle est aujourd'hui la responsable, «le roi des joailliers» a acquis de nouvelles lettres de noblesse en Haute Horlogerie mécanique. En quelques années, ce ne sont pas moins de 30 mouvements qui ont été développés par une équipe qui compte aujourd'hui 70 horlogers et 35 ingénieurs et techniciens en R&D. Une montée en puissance et à marche forcée qui a pour ambition d'installer fermement la marque dans le cercle relativement fermé des «véritables» horlogers. Certes, Cartier propose de l'horlogerie depuis fort longtemps – la Santos date de 1911 et la Tank de 1917 – mais la grande maison parisienne était dans ce domaine plus un créateur de formes, voire même d'icônes, et un «assembleur» qu'un horloger complet maîtrisant toute la chaîne créative et productive. A la tête de ses équipes, Carole Forestier, qui a reçu en 2012 déjà le prix «du meilleur horloger-cons-
tructeur» au Grand Prix d'Horlogerie de Genève, a donc pu partir d'une feuille blanche. Une opportunité extraordinaire, selon elle, pour développer en grande liberté une Haute Horlogerie très originale, dégagée du poids d'une tradition à respecter ou d'un héritage à poursuivre. Une horlogerie qui va chercher son inspiration dans le monde des arts, dans la recherche formelle – à l'image de la Crash (1967) – ou dans la «magie», à l'image des complications mystérieuses proposées ces dernières années. Quantième Perpétuel, Tourbillons, Mystérieuses, Astro-Calendrier, AstroTourbillon se sont ainsi succédés. Stylistiquement très reconnaissable,
Une montée en puissance et à marche forcée qui a pour ambition d'installer fermement la marque dans le cercle relativement fermé des «véritables» horlogers.
la haute horlogerie Cartier est en rupture assez nette avec l'esthétique traditionnelle helvétique. Les lignes sont fortes, affirmées, les mouvement souvent squelettés, les cadrans renforcés de puissants chiffres romains, les tons sont au gris, à l'argenté, au noir, produisant une image vigoureuse. Est-ce ainsi un paradoxe, que ce soit précisément une femme qui, avec ses équipes, développe la Haute Horlogerie la plus tranchée du moment?
«Passer au niveau supérieur» «Démontrer que Cartier est un horloger au plein sens du terme, capable de faire de grandes complications dans la tradition absolue. Passer au niveau supérieur!», clame avec force Carole Forestier en présentant une pièce qui devrait marquer les esprits au cours du SIHH 2015. Et d'égrener des chiffres: «La Rotonde de Cartier Grande Complication est la montre la plus complexe jamais réalisée par Cartier. Il a fallu cinq années de développement pour créer ce mouvement qui compte 578 composants pour une épaisseur de 5,49 mm, nécessite cinq semaines d'assemblage, dix semaines de décoration – Poinçon de Genève
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oblige – quinze semaines de fabrication des composants. Un mouvement automatique squelette qui combine répétition minutes, quantième perpétuel et tourbillon volant. Nous démontrons avec cette montre notre pleine capacité de création en Haute Horlogerie complexe et l'étendue de nos savoir-faire en ingénierie, analyse, fabrication et finition des composants, assemblage et ajustement. Mais ceci dit, ajoute-t-elle, nous n'avons rien réinventé. Ce n'était pas là notre but.» Et en effet, tout dans cette montre est «classique» à sa façon, que ce soit la construction du mouvement de base animé par un tourbillon volant dont la cage en titane est dotée d'un contrepoids en or; qu'il s'agisse du système automatique unidirectionnel doté d'un micro rotor double en platine sur roulements à bille; ou encore de la sonnerie dotée d'un volant d'inertie avec patins en titane, d'un système «tout ou rien» qui oblige d'armer à fond le barillet dédié et d'un système «surprise» qui assure la parfaite coordination sonore des heures et minutes. Aux yeux de Carole Forestier, «l'exploit est d'être parvenu à loger cet ensemble dans une hauteur de 5,49 mm pour un diamètre final de 45 mm». Cette grande complication est la pièce maîtresse d'une véritable offensi-
De nouveaux squelettes sortent de terre
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ve en Haute Horlogerie si l'on compte que Cartier introduit cette année au SIHH pas moins de trois nouveaux mouvements et sept nouveaux modèles dont la Rotonde Cartier Quantième annuel dotée du calibre 9908 MC, d'une lisibilité assez exceptionnelle; la Rotonde de Cartier Tourbillon Lové Calibre 9458 MC au graphisme épuré et rayonnant; la Crash Squelette (voir ci-dessous); l'Astrotourbillon Squelette; la Rotonde de Cartier Tourbillon Inversé; un Double tourbillon Mystérieux en or rose ou encore Rêves de Panthères, avec son ciel changeant derrière les emblématiques trois panthères gravées en bas-relief. Un thème riche en développements, donc, sur lequel nous reviendrons dans notre magazine en anglais Europa Star 2/15.
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2,33 milliards de francs Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
Le SIWP, nouveau salon des indépendants Du 18 au 23 janvier, un petit groupe d’horlogers suisses créatifs de la trempe de Kari Voutilainen, Vianney Halter, Vincent Calabrese ou encore Antoine Preziuso présenteront leurs nouveautés au Casino du Lac, à 200 mètres de Palexpo. Une douzaine d’exposants ont répondu présent à l’invitation de ce nouveau salon, baptisé «Swiss Independent Watchmaking Pavilion» et organisé sous l’impulsion d’Amarildo Pilo.
«Excalibur» de Roger Dubuis
«Crash» de Cartier
Richard Mille, Parmigiani, Roger Dubuis ou encore Cartier: les squelettes new look font un retour en force au SIHH 2015. Leur particularité commune: une approche fortement architecturée, des lignes souvent sculpturales, des jeux de matériaux et de transparences ou encore des typographies originales. Pour Roger Dubuis, 2015 est tout simplement «l'Année du Squelette». Deux Excalibur en témoignent. «A l'opposé du simple squelettage de mouvements existants, ils se caractérisent par une conception squelettée de A à Z», explique la maison genevoise. L'Excalibur Spider Tourbillon Volant Squelette cherche à évoquer une toile d'araignée dans le filet de laquelle serait capturé un tourbillon volant battant de façon excentrée aux côtés d'une étoile prise dans les mêmes rets. Plus classiquement ordonnée et d'une architecture très pure, l'Excalibur Automatique Squelette dispose en pleine transparence le premier mouvement squelette automatique micro-rotor présenté par la marque. Chez Cartier, l'exercice du squelettage a été appliqué à la plus improbable des montres de forme, la Crash. Conceptuellement, cette montre sur laquel-
«RM 33-01» de Richard Mille
«Tonda 1950» de Parmigiani Fleurier
le semble avoir roulé un Tank est un écrin parfait pour recueillir l'ossature mise à nu de son mouvement. Il faut jeter un coup d'œil au calibre 918C qui l'équipe, un mouvement aux formes improbables, conçu dès le départ pour être ajouré et maintenu par les chiffres romains démesurés qui dessinent, côté cadran, comme une cage thoracique aux côtes déformées. En comparaison, la RM 33-01 de Richard Mille paraît bien sage (ou bien «classique» pour une Richard Mille). Bien ordonné en couronne, son squelettage est discret, semblable à un disque arachnéen faisant tout le pourtour du cadran. Mais, grâce à la force typographique de ses chiffres surdimensionnés, la RM 33-01 offre une parfaite lisibilité – ce qui est souvent le talon d'Achille des squelettes. Extra-plate, la Tonda 1950 de Parmigiani est un squelette d'une très grande et belle rigueur graphique qui se cache sous un cadran. Mais celui-ci étant de saphir, il est soit totalement transparent, donc invisible, soit – et c'est très beau – comme recouvert d'une fine couche de givre qui le rend magnifiquement mystérieux. Un jeu subtil de voile et de dévoilement réservé à la version féminine de cette pièce. (PM)
A cette occasion, Europa Star Première organisera le jeudi 22 janvier à 17h une table ronde sur la situation et l’avenir des horlogers indépendants, dans un univers qui connaît des changements importants: ralentissements en Chine et en Russie, arrivée des montres connectées, croissance du secteur fashion ou encore verticalisations et rachats de sous-traitants et fabricants. Les dés sont jetés, faites vos jeux! Informations pratiques: Dates & horaires: Du 18 au 23 janvier 2015, de 11h à 23 h. Entrée libre et gratuite. Lieu: Casino du Lac, Hôtel Mövenpick, Route de Pré-Bois 20, 1215 Genève Pour plus d’informations: www.swiss-pavilion.com
SIHH 2015
Spécialisé en études digitales de l’industrie du luxe, le cabinet Digital Luxury Group (DLG) a calculé l’évolution annuelle de la «désirabilité» globale de plusieurs marques marques de Haute Horlogerie sur une année (troisième trimestre 2014 vs. troisième trimestre 2013). Les chiffres représentent cette évolution, tandis que les cercles illustrent la désirabilité sur internet de chaque marque en termes absolus.
Montblanc intelligent On l'attendait partout mais certainement pas au SIHH, temple de la Haute Horlogerie non connectée. Eh bien, on se trompait: c'est Montblanc qui surprend tout le monde en lançant la première smartwatch de l'année. Ou plus exactement, le premier smartstrap, ou e-bracelet horloger! Adaptable sur toute montre dont l'entrecornes est de 20 à 22 mm, taillé dans un cuir ultra-résistant créé pour l'occasion (le cuir Extreme de Montblanc), ce bracelet est équipé d'une boucle-écran qui renferme
un module électronique en liaison bluetooth avec votre smartphone (compatible Android ou Apple). De quoi consulter d'un petit tour de poignet vos appels, notifications et autres alertes. De plus, ce module intelligent fonctionne comme un traceur d'activité qui transmet les données recueillies sur l'écran du smartphone qui est resté dans votre poche. Pour sa première sortie en ville, ce bracelet nouvelle génération équipe la Montblanc Timewalker Urban Speed avant de pouvoir être acquis indépendamment de la montre pour la somme relativement modeste de 250 euros. (PM)
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Quelle popularité digitale pour la Haute Horlogerie?
EUROPA STAR PREMIère | NO 1 | 5
Evolution des marques de Haute Horlogerie Parmigiani +75% Blancpain +61%
Vacheron Constantin +29%
Audemars Piguet +27%
Roger Dubuis +26% A. Lange & Söhne +26%
Patek Philippe +24%
Richard Mille +22% Ulysse Nardin +16% Breguet +11%
Jaeger-LeCoultre +10% Jaquet Droz +6% Franck Muller +5%
Couronne Symbole royal ou remontoir de montre ? Découvrez l’univers de l’horlogerie d’exception, sur www.hautehorlogerie.org
Couronne | La couronne de remontoir est un bouton de formes variées, moletée ou cannelée que l’on saisit entre le pouce et l’index pour remonter la montre. Certaines couronnes incluent un poussoir mobile pour déclencher le mécanisme du chronographe, ou le couvercle d’une boîte savonnette.
PARTENAIRES DE LA FONDATION | A. LANGE & SÖHNE | AUDEMARS PIGUET | BAUME & MERCIER | BOVET 1822 | CARTIER | CHANEL | CHOPARD | CHRISTOPHE CLARET DE BETHUNE | GIRARD-PERREGAUX | GREUBEL FORSEY | HARRY WINSTON | HERMÈS | IWC | JAEGER-LECOULTRE | LOUIS VUITTON | MONTBLANC | OFFICINE PANERAI
Glashütte Original +3% Girard-Perregaux +1%
PARMIGIANI FLEURIER | PIAGET | RALPH LAUREN | RICHARD MILLE | ROGER DUBUIS | TAG HEUER | VACHERON CONSTANTIN | VAN CLEEF & ARPELS
BUSINESS & TENDANCES
6 | EUROPA STAR PREMIère | NO 1
CERTIFICATION
Opération de charme à la Fondation Qualité Fleurier A côté de la certification, la fondation proposera désormais des tests en laboratoire à toute l’industrie horlogère. Serge Maillard
La fin de l’année 2014 aura été riche en évolutions dans le domaine de la certification horlogère. Deux jours après l’annonce d’un nouveau label par le Swatch Group (lire ci-dessous), c’était au tour de l’organisme «Fondation Qualité Fleurier» d’annoncer sa nouveauté, avec l’ouverture de ses laboratoires de contrôle qualité à l’ensemble de l’industrie horlogère suisse. A l’heure actuelle, seules trois sociétés horlogères arborent le précieux sésame: Chopard, Bovet et Parmigiani Fleurier. La nouvelle structure, baptisée «FQF Lab», ne permettra certes pas l’obtention de la certification Fondation Qualité Fleurier et les marques qui feront appel à ses services ne seront pas autorisées à l’utiliser à des fins de marketing. «Mais elles profiteront de prestations uniques, comme la simulation au porter, pré-
cise Vincent Aubert, vice-président du comité technique de la fondation. Cela leur permettra par exemple de mesurer la réserve de marche ou la précision en conditions réelles.»
Nouvelles adhésions en vue
Risques de confusions Il faut dire que les critères, au nombre de cinq, sont particulièrement exigeants: examen au microscope de tous les composants; tests complets (y compris la résistance au magnétisme) chez Chronofiable, qui voient 5% des montres «sacrifiées»; certification COSC du chronomètre; simulation du porter en conditions réelles; enfin, Swiss made à 100%. En écho à l’annonce du Swatch Group, Olivier Wieers confirme au passage que la norme ISO actuelle sur
Le laboratoire comprend en effet trois simulateurs de porter particulièrement efficaces. Un équipement qui pourrait séduire les marques tierces, pour des tests internes. De manière officieuse, certaines sociétés de l’Arc lémanique et de la Vallée de Joux venaient déjà depuis plusieurs années «prendre la température» quant à la qualité de leurs gardetemps dans les locaux de la fondation à Fleurier – que ce soit en vue du dépôt d’un dossier de certification ou non. Cette pratique est donc
Certification: le «smart move» de Nick Hayek • Le Swatch Group s’est allié à la Confédération pour créer un nouveau label de qualité, particulièrement exigeant sur la résistance au magnétisme. • Seule la marque Omega répond à ses critères. • La concurrence suivra-t-elle? par
Pierre Maillard
La conférence de presse n'a été annoncée que quelques jours auparavant et au jour dit, d'emblée Stephen Urquhart, le patron d'Omega, nous prévient: «Nous sommes ici pour vous faire une annonce importante.» Diable! De quoi s'agit-il? Rapidement, c'est Nick Hayek qui prend la parole: «Le Swatch Group s'est beaucoup battu pour le renforcement du Swiss made. Mais à celui-ci nous devons donner plus de substance si nous autres Suisses voulons rester en tête car, prévient-il, nos amis japonais sont très forts et les Chinois montent sans perdre de temps.» Y a-t-il le feu dans la maison? S'agitil d'une annonce destinée à dresser un contre-feu face à l'arrivée programmée des smartwatches? «Non, ce n'est pas une smartwatch mais un smart move», corrige le toutpuissant patron du Swatch Group en s'allumant un cigare. Et de nous expliquer que nous sommes littéralement envahis d'objets émettant du magnétisme, que nos poches ou les sacs de nos compagnes, avec leurs fermetures à aimant, sont remplis
d'appareils connectés qui émettent du magnétisme comme des diables, sans parler des plaques à induction, des fours à micro-ondes et autres appareils ménagers. «C'en est arrivé au point que le magnétisme environnant représente un vrai péril pour nos garde-temps mécaniques et que les services après-vente de nos horlogers sont désormais remplis de montres qui en ont subi les outrages.»
«Nous poussons nos concurrents à innover» «Si nous voulons maintenir la précision de nos montres, nous devons les protéger du magnétisme. Et pour ce faire, nous lançons une nouvelle certification, à 15'000 gauss [le gauss est l'unité «électromagnétique» à trois dimensions d'induction magnétique].» 15'000 gauss, c'est à peu près ce que dégage une IRM ou un électro-aimant. Nul hasard, cependant, car c'est aussi très précisément le seuil de protection magnétique
Avec la multiplication des labels de qualité, qui en outre se superposent, le client final risque d’avoir du mal à s’y retrouver.
DR
par
officialisée aujourd’hui, via les deux pôles de la fondation: certification complète d’une part, prestations de laboratoire d’autre part. Justement, des marques tierces vontelles rejoindre les trois fondatrices pour une certification totale? «Il y aura de nouvelles marques adhérentes, répond Olivier Wieers, responsable technique du laboratoire de la fondation. Mais n’oubliez pas que nous n’avons que dix ans!» La fondation a une capacité de traitement qui peut aller jusqu’à 2’025 montres par an. Dans les faits, elle en certifie moins.
auquel est parvenu Omega avec son nouveau mouvement co-axial présenté l'année dernière. Mais Nick Hayek prévient tout de suite: «Cette nouvelle certification est ouverte à tous. Nous travaillons dans l'intérêt de toute l'industrie suisse, même si nous sommes pionniers dans ce domaine. Nous poussons nos concurrents à innover.» La mise en place de cette «nouvelle norme de qualité» a été confiée à l'Institut fédéral de métrologie, le METAS, un organisme public. «C'est le lieu où la Suisse est la plus exacte, confie son directeur, le Dr Christian Bock. Le centre de compétences du gouvernement suisse pour toutes les questions impliquant les mesures et les procédures de mesure.» Jouissant d'une grande réputation scientifique internationale, le METAS se veut un organisme officiel, indépendant, neutre, sans aucune affiliation et ouvert à tous les partenaires extérieurs, sans exclusivité. La nouvelle certification qui sera mise en place par le METAS va bien plus loin que celle du fameux COSC. En effet, cette certification portera non seulement sur le fonctionnement de chaque mouvement exposé à des champs magnétiques supérieurs à 15'000 gauss, puis le fonctionnement de chaque montre emboîtée exposée à des champs magnétiques supérieurs à 15'000 gauss, mais aussi la précision quotidienne moyenne (dans diverses positions et à différentes températures) entre
0 et +5 sec./jour avant et après l’exposition à des champs magnétiques supérieurs à 15'000 gauss, ainsi que l’autonomie (réserve de marche) définie en heures selon le modèle de montre et l’étanchéité (testée dans l’eau) en bars, définie selon le modèle de montre.
Dans le bâtiment d’Omega De plus, METAS surveillera également in situ le calibrage et l'étalonnage des appareils de production ainsi que les processus de contrôle. Pour ce faire, METAS installera un bureau au coeur même du nouveau bâtiment de production d'Omega à Bienne. «Mais nous signerons un bail, nous aurons les clés et personne d'autre que nous n'aura accès à notre matériel», précise immédiatement le Dr Bock qui souligne à nouveau que cette certification sera ouverte à tous ceux qui le désirent. Pour l'instant, outre Omega, on ne se bousculera pas au portillon, faute de maîtriser la protection à 15'000 gauss. «L'argent ne manque pas dans l'industrie horlogère suisse, expose Nick Hayek, mais il est trop investi dans le marketing et les boutiques. Il devrait être investi plus massivement dans la recherche. Avec la certification METAS, nous travaillons aussi pour l'ensemble de l'industrie horlogère helvétique!»
le magnétisme est obsolète: «Nous sommes en train de nous adapter. En général, nous sommes déjà trois fois au-dessus de la norme, même si ce n’est pas 15'000 gauss.» «Qualitativement, notre certification est la plus reconnue au monde. Le taux de retour est le plus bas sur le marché», souligne le responsable. Pourtant, il concède que le label souffre d’un «déficit de communication» et espère que le nouveau laboratoire, tout comme la certification de nouvelles marques, permettront d’y pallier. Reste qu’avec la multiplication des labels de qualité, qui se superposent en outre, le client final risque d’avoir du mal à s’y retrouver – et ne comprendra pas forcément qu’une marque genevoise ou combière puisse être certifiée «Fleurier»…
éCLAIRAGE En quoi constituera le nouveau label Swiss made (en vigueur dès 2017)? • Minimum 60% de valeur suisse pour le mouvement • Assemblage et contrôle final du mouvement effectués en Suisse • Minimum 60% de valeur suisse pour la montre, qui doit également incorporer un mouvement suisse • Assemblage et contrôle final de la montre effectués en Suisse • Développement technique du mouvement et de la montre effectué en Suisse Source: FH
L'incitation sera-t-elle relevée par la concurrence? Imagine-t-on un Rolex, le plus gros utilisateur du COSC, se rallier à la proposition? On peut en douter mais c'est certainement à ce prix que la certification METAS pourra un jour s'imposer comme une norme universelle. Et le COSC, qu'en adviendra-t-il à moyen terme? Questionné sur ce point, Nick Hayek fait une autre annonce: «Tissot et Mido, avec leurs nouveaux mouvements ETA, ont déjà certifié COSC environ 100'000 montres cette année. Il n'y a aucun problème pour qu'au fur et à mesure qu'Omega se retire du COSC, ces deux marques, ainsi qu'Hamilton et Rado, remplissent le vide laissé et fassent certifier plusieurs centaines de milliers de mouvements.» Après la guerre des mouvements, verra-t-on poindre la guerre des certifications?
BUSINESS & TENDANCES
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Sponsoring: Rolex et Omega au coude-à-coude • Le secteur horloger suisse engage chaque année des centaines de millions de francs en ambassadeurs et parrainages. • Trois marques se distinguent en particulier: Rolex, Omega et Hublot. • Analyse de leurs choix stratégiques. par
Rolex, le «Pape» du sponsoring horloger Le numéro un de notre classement a fait du sponsoring son outil majeur pour déployer sa stratégie marketing, localement et mondialement. Le recette de Rolex semble très simple à première vue: occuper les territoires et les univers de ses clients actuels et futurs. Ceci afin d’interagir avec eux à différents niveaux. De l’univers du hippisme à celui de l’exploration, Rolex mise sur des ambassadeurs d’envergure mondiale, qui constituent l’un des ingrédients principaux du «Monde Rolex». La principale force de Rolex consiste à être resté fidèle, depuis plus de cinquante ans, aux domaines que la marque sponsorise, du tennis à la voile en passant par le golf. La régularité est une des bases pour un sponsoring réussi. Et la marque «active» parti-
TOP 3 DU SPONSORING HORLOGER
Le classement 2014 (investissements annuels estimés en sponsoring, en francs) 1. Rolex: 130 à 150 millions 2. Omega: 110 à 130 millions 3. Hublot: 50 à 70 millions
Sebastian Chiappero,
fondateur du cabinet sponsorize, spécialisé dans le pilotage et la mesure sponsoring
Calculer l’impact du sponsoring On notera plusieurs tendances de fond dans ce créneau en plein boom. D’abord, le domaine du sponsoring connaît une professionnalisation croissante. Bien qu’il représente aujourd’hui un des outils principaux du «mix marketing» de la plupart des marques horlogères de luxe suisses, le sponsoring reste en effet encore très souvent exploité de manière empirique. Il s’agit notamment, pour les horlogers suisses, d’intégrer cet outil à leurs actions commerciales non seulement pour bénéficier de retombées en termes d’images, mais aussi – et même surtout! – de ventes. Le retour sur investissement des millions de francs consentis à ce poste doit pouvoir être mesuré, ce qui constitue un exercice tout sauf évident. Par exemple, en termes de ventes pures, quel serait l’impact sur Omega d’un retrait du sponsoring des Jeux olympiques? Comment Hublot calcule-t-elle son retour sur investissement du parrainage de Usain Bolt?
Omega, l’outsider qui monte
DR
La marque du Swatch Group investit depuis longtemps dans le sponsoring. Ses plus grands succès: les Jeux olympiques, James Bond, George Clooney ou Cindy Crawford.
DR
Les trois marques horlogères suisses qui investissent le plus dans le sponsoring, au niveau mondial, sont Rolex (130 à 150 millions de francs d’investissements annuels estimés), Omega (110 à 130 millions estimés) et Hublot (50 à 70 millions estimés). Plusieurs questions viennent naturellement à l’esprit devant des sommes aussi colossales: pour quelles raisons ces entreprises investissentelles autant en sponsoring? Dans quels univers le font-elles? Et quels défis doivent-elles relever via ces investissements massifs? C’est un fait: dans un monde hyperconcurrentiel, l’association d’images véhiculant les valeurs des marques est nécessaire. Mais d’autres raisons stratégiques, propres à chaque entreprise, expliquent cet engouement. Les trois marques qui occupent le trio de tête des investissements l’illustrent bien, elles qui déploient des manières bien différentes de «faire» du sponsoring (lire les encadrés).
culièrement bien ces parrainages en les faisant connaître à ses clients et ses cibles marketing. Lorsque Roger Federer gagne, Rolex déploie un plan de communication utilisant plusieurs canaux et médias à travers la planète pour le faire savoir. Souvent considéré comme précurseur en matière de sponsoring, Rolex peine cependant quelque peu à innover dans ce domaine. Sa force est aussi sa faiblesse: ses sponsorings dénotent plutôt d’un ancrage sur des bases conventionnelles et bien établies. Or, les trentenaires d’aujourd’hui, potentiels acheteurs d’une Rolex, évoluent dans un monde qui change rapidement. Sur ce segment, plusieurs marques sont en rivalité directe avec le «Pape» du sponsoring, qui risquerait de perdre sa place s’il peine à innover à l’avenir. (SC)
Nouveaux champs d’action Autre tendance importante: l’élargissement du sponsoring, trop souvent confiné au seul monde sportif (70% des dépenses mondiales), à de nouveaux champs d’application. Les marques de luxe investissent par exemple de plus en plus dans des univers comme le sponsoring social ou le sponsoring environnemental. Enfin, un élément frappant, qui concerne particulièrement le marketing horloger, doit être souligné. Dans la plupart des autres industries, les consommateurs jouent un rôle croissant dans le choix et le mode de consommation proposés par les marques. Or, dans le monde
Les marques de luxe investissent de plus en plus dans le sponsoring social ou environnemental. du luxe horloger suisse, un phénomène inverse opère: la marque crée l’univers auquel le consommateur souhaite adhérer. Un jour, des dirigeants de grandes marques horlogères m’ont confié: «Nous ne savons pas réellement ce que pensent nos clients de nos modèles. Nous ne savons pas précisément les raisons de leurs choix d’achat. Tout ce que nous savons, c’est que nos modèles se vendent bien!» A l’ère
du numérique et de l’interactivité à outrance, il conviendrait de trouver la réponse. L’ énorme défi actuel et futur qui attend des marques comme Rolex, Omega et Hublot consiste à bien identifier leurs communautés de clients. A l’instar des marques de luxe automobiles (comme BMW ou Bentley), elles ont tout intérêt à continuer à travailler sur les avantages procurés par l’appartenance à un «club» Rolex ou Omega. Des structures qui permettent de rassembler une communauté, et de réunir les données nécessaires à cet effort d’identification. LE MARCHé GLOBAL DU SPONSORING EN CHIFFRES
900
En millions de francs, les investissements annuels en sponsoring sur le marché suisse.
46
En milliards de francs, le marché mondial du sponsoring, dont plus de 70% sont investis dans le sport.
5%
La croissance des investissements en sponsoring dans les entreprises depuis dix ans.
1
Le sponsoring devrait devenir la première source de revenus de l’industrie du sport en 2015.
Particulièrement active en sponsoring, Omega a une structure différente de celle de Rolex. Son management et ses objectifs sponsoring sont influencés par son appartenance au Swatch Group, qui est coté en Bourse, ce qui place la barre encore plus haute en termes de retours attendus par rapports aux investissements consentis. Omega est impliquée dans une large palette de domaines: que l’on pense seulement à son partenariat avec Yann Arthus-Bertrand et sa fondation «GoodPlanet», qui s’engage pour la sauvegarde des océans. Grâce notamment à ses sponsorings, la marque se profile très bien en Asie. En Chine, elle serait ainsi en passe de supplanter sa grande rivale Rolex en termes de notoriété, notamment liée
à ses parrainages judicieux, comme les Jeux olympiques et James Bond. Mais Omega devra aussi se révéler en mesure de gérer de manière efficace la multitude d’actions de communication qu’elle planifie chaque année. En effet, à l’image de la plupart des marques horlogères suisses, elle navigue entre une stratégie centrée sur des ambassadeurs tels George Clooney et sur des «univers» comme les Jeux olympiques. Est-ce que le glamour véhiculé par des stars de la trempe de George Clooney ou Cindy Crawford est en phase avec les valeurs prônées par les JO? La grande difficulté est que chaque modèle de la marque s’adresse à un public cible bien défini, mais que le sponsoring doit parallèlement véhiculer des valeurs plus générales. Maintenir l’équilibre entre tous ces éléments représente un défi. A vouloir communiquer sur des territoires trop différents et très peu liés, de James Bond à la natation, la marque risque de diluer son impact. (SC)
Hublot, le précurseur Sous la tutelle de Jean-Claude Biver, la marque de LVMH est celle qui a su le plus rapidement tirer profit du sponsoring pour bénéficier d’une notoriété internationale. Innovante de par ses choix de sponsoring précurseurs, Hublot a su se développer sur des territoires jusque-là jamais exploités par les marques de luxe suisses, et donc à des coûts généralement réduits. Son engagement dans le football et le basketball – et même, tout récemment, dans le cricket! – ainsi que son partenariat avec Ferrari l’attestent. En réalité, la filiale de LVMH souhaiterait elle-même devenir la «Ferrari» des montres. Comment donc, en peu de temps, acquérir une notoriété équivalente
à celle de son modèle dans le monde automobile? En se liant directement avec la «scuderia»! Hublot semble avoir trouvé un partenariat durable avec la marque transalpine, dont elle compte bien profiter, en particulier sur le marché chinois, qui ne pèse pour l’heure qu’entre 1% et 3% du chiffre d’affaires de la marque. Le contrat a été signé pour cinq années. Hublot a par exemple lancé 20 tourbillons carbone avec un discret cheval cabré sur un des compteurs. Parallèlement, elle doit maintenant réussir la délicate mission de préserver son univers original et sa forte personnalité, notamment après le départ de Jean-Claude Biver – certes toujours très présent dans le groupe. (SC)
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Le service après-vente: une bombe à retardement? • Comme les exportations de montres mécaniques suisses augmentent chaque année, le service après-vente est devenu un enjeu très critique pour l’industrie. • Un grand chantier doit être lancé rapidement pour répondre à la demande, sous peine de débordement. PAR
FRANÇOIS H. COURVOISIER,
DOYEN DE L’INSTITUT DU MARKETING HORLOGER À LA HAUTE ÉCOLE DE GESTION ARC, NEUCHÂTEL
Le thème du service après-vente (SAV) est plus actuel que jamais: chaque année, ce sont près de 30 millions de montres suisses - dont environ 6 millions de montres mécaniques - qui sont mises sur le marché et qui viennent s’ajouter aux dizaines de millions de montres mécaniques déjà produites depuis des décennies.
François-Paul Journe pour lequel «le SAV, c’est le cancer de toutes les marques»; ce dernier estimait alors à environ 10% par an «les montres qui tombent en panne parce qu'elles sont anciennes, doivent être révisées, ont un défaut ou sont maltraitées».
ou de son éventuel échange, mais aussi et surtout sous l’angle de la gestion de la relation avec le client dans une optique de fidélisation à la marque. En effet, le SAV n’est qu’une des composantes du processus de relation entre la marque et le client qui commence avec un autre «SAV»: le service avant-vente, lorsque le client se renseigne sur sa prochaine montre, suivi par un service ad hoc lors de la vente en boutique. Catherine Bourdin Mougel et Laurent Sage, de la Chambre de commerce et d’industrie du Doubs, constatent une implication continue des marques dans la vente en propre de leurs montres neuves et leur quasiabsence dans la vente de montres
pour l’entretien et les réparations des millions de montres mécaniques mises sur le marché.
d’occasion. Ils observent que le marché de l’horlogerie de luxe évolue de plus en plus vers un marché de services, impliquant un volume croissant d’interventions en SAV proportionnellement aux actes de vente de montres neuves. Ces interventions en SAV, sous garantie et hors garantie, devraient induire une implication accrue des marques sur le marché de l’occasion. Catherine Bourdin Mougel et Laurent Sage estiment que cette évolution du SAV devrait générer la création de 50'000 emplois dans le monde entier, d’ici 2025,
mécanique et en horlogerie haut de gamme, il a calculé que si l’on exporte chaque année 3 millions de pièces pendant 10 ans, le SAV reçoit environ 3 millions de pièces la onzième année! En réalité, pour l’industrie horlogère en général, il estime que le facteur de retour des montres en SAV s’établit à un coefficient se situant entre 0.7 et 0.9. Cela signifie que, selon la fourchette d’estimation de la production de montres neuves, le SAV mondial va concerner un nombre de pièces se situant entre 4.9 et 6.3 millions par année. O
L’Asie, maillon faible du dispositif Maarten Pieters, directeur du centre de formation horlogère WOSTEP, relève la difficulté d’avoir en quantité suffisante de bons horlogers pour le SAV mondial. Il a réalisé une analyse des montres suisses exportées par année depuis une décennie: le nombre des montres mécaniques a doublé (de 3 à 6 millions de pièces, environ). Selon son expérience antérieure en micro-
«Le taux de retour juste après garantie s’apparente à un des secrets les mieux gardés de l’horlogerie.» Lors de la 16ème Journée internationale du marketing horloger, Philippe Boutié, du cabinet LAMTAR à Paris, a parlé de risque «de bombe à retardement du SAV»: pour étayer ses propos, il s’est basé sur une étude qu’il a menée sur l’horlogerie et ses sous-traitants, dans laquelle il explique que «le taux de retour juste après [expiration de la] garantie s’apparente à un des secrets les mieux gardés de l’horlogerie». Les marques, en effet, ne communiquent pas de chiffres relatifs aux retours sous garantie ni une fois la garantie échue. Ce n’est pourtant pas à Philippe Boutié qu’il faut accorder la paternité de cette expression de «bombe à retardement du SAV». En 2007 déjà, à l’aube de la crise financière mondiale, Jean-Philippe Arm lui consacrait déjà tout un article dans sa revue WatchAround en interrogeant les CEO de quelques marques phares; il citait notamment
50'000 nouveaux emplois face à la demande C’est pour en savoir un peu plus sur la stratégie des marques en la matière et percer la «vitre opaque» du SAV pour le client final que les Journées internationales du marketing horloger ont traité ce thème en 2013: le SAV y a été abordé au sens large, non seulement sous l’angle technique de l’entretien de la montre, de la réparation
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Si l’on exporte chaque année 3 millions de pièces pendant 10 ans, le SAV reçoit environ 3 millions de pièces la onzième année! Pour cela, il faut prévoir toute une «entreprise du SAV»: des collaborateurs administratifs, du service clientèle, des opérateurs, des polisseurs, etc.; c’est une véritable organisation qui concerne 40% de personnes dans l’administration et 60% dans les opérations techniques, selon Maarten Pieters. Et cela signifie qu’environ 45'000 collaborateurs seront nécessaires pour gérer le SAV Swiss made dans le monde entier. Pour absorber le tout, l’industrie horlogère devra former quelques 800 nouvelles personnes par année afin de maintenir le niveau de personnel actuel. Le défi, pour Maarten Pieters, est surtout de renforcer le SAV Swiss made en Asie et plus particulièrement en Chine, vu qu’une montre sur deux est vendue dans ce pays, et une sur quatre à des Asiatiques hors de leur pays. Or, actuellement, il y a encore très peu d’horlogers formés au SAV en Chine et en Asie, pour absorber une grande quantité de montres en entretien et réparation. Il faut donc alimenter ces régions avec des gens qualifiés, soit environ 10'000 personnes de bon niveau technique, encadrées dans une structure adéquate par rapport aux besoins de demain. Le SAV ne doit plus être «le dernier wagon du train»; il fait partie de la vente et prépare la vente suivante. Si cette organisation n’est pas réalisée, en Asie et dans le reste du monde, c’est tout le Swiss made (pour les grands groupes comme les marques indépendantes) qui va en souffrir et la «bombe à retardement» pourrait bien exploser...
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2,3 milliards de francs Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
Pour aller plus loin: Zorik K. et Courvoisier F.H. (2014), Services après-vente horlogers: nouvelles exigences, Editions LEP, Le Mont-sur-Lausanne
BUSINESS & TENDANCES
EUROPA STAR PREMIÈRE | NO 1 | 9
Derrière la carte postale, les robots s’imposent
PAR FRANÇOIS-XAVIER MOUSIN & CAROLINE BUECHLER, FONDATEURS D’OPUS MAGNUM
L’image d’Epinal de l’horlogerie n’a jamais été si loin de sa réalité. Entre la carte postale de l’horloger barbu accoudé sur son établi et la photo des machines à commandes numériques alignées dans les halles des fabricants, il y a toute la distance qui symbolise le grand écart d’une industrie qui s’évertue à communiquer sur une image qui ne correspond majoritairement plus à sa réalité. Au 19ème siècle, l’horlogerie suisse avait failli rater la révolution industrielle. Il avait fallu que le patron de Longines, revenant d’une bouleversante visite aux Etats-Unis, crie à ses homologues: «Messieurs les horlogers, réveillez-vous!». La révolution industrielle avait passé par le Massachussetts, mais avait oublié les vallées du Jura. Les horlogers suisses se voyaient recalés par les machines de Waltham, en quantité et en qualité. La main de l’artisan était supplantée par le couple homme-machine et le taylorisme. Heureusement, les Suisses s’étaient finalement réveillés et n’avaient pas tardé à rattraper le train de l’industrialisation.
Robotisation et précision croissantes Face à la révolution du numérique, les CNC et leurs successeurs, les imprimantes 3D, les Suisses n’ont pris aucun retard. Poussés par leur succès et la demande frénétique des nouveaux marchés, ils accueillent avec enthousiasme ces machines entièrement robotisées qui, non seulement façonnent les composants, mais aussi, de plus en plus, les assemblent. Elles ne nécessitent presque plus d’intervention humaine et réalisent les opérations les plus complexes, y compris les fameux angles rentrants, qu’on croyait l’apanage et la preuve de la supériorité inaliénable de l’artisan. Sous les plafonds des fabriques les plus prestigieuses, des chaînes de robots pilotés à distance ont pris partiellement la place des chaînes
d’artisans rivés à leurs machines. Quelques opérateurs assurent la maintenance de base, tandis que les ingénieurs envoient leurs données par le réseau. Sages et dociles, les machines sont tellement fiables qu’elles continuent leur patient ouvrage de nuit comme de jour, même en l’absence de tout humain. Jamais la précision d’exécution n’a atteint de
L’image d’Epinal de l’horlogerie n’a jamais été si loin de sa réalité. tels sommets, au plus grand profit de la fiabilité des garde-temps et de la finesse des détails, ainsi que de la productivité. Plus besoin de recruter et de former patiemment des cohortes de mains habiles dont seules des années d’expérience assuraient la sûreté du geste: quelques lignes de code suffisent.
Un léger malaise On devrait se féliciter de voir la haute industrie horlogère embrasser les technologies robotiques les plus en pointe. Pourtant, le spectacle de ces machines laisse comme un léger malaise. Autant le saut de la révolution industrielle était logique en 1880, lorsque le métier premier de l’horlogerie était de conquérir la chronométrie la plus parfaite, autant celui de la révolution robotique paraît incongru dans le territoire de communication qu’occupe actuellement la majeure partie de l’horlogerie suisse, celui du luxe et de la rareté. N’oublions pas qu’en 2013, le chiffre d’affaires à l’export des montres de plus de CHF 10'000.- (soit environ CHF 25'000.- prix public) représentait plus de 40% de la valeur totale des exportations! Ce malaise peut se résumer à la juxtaposition de deux mots: manufacture d’un côté, automatisation de l’autre. Plus que jamais, la valeur perçue des montres suisses réside, pour le consommateur, dans les notions d’artisanat, de «hand made». Grâce
Can Stock Photo
• Swissness ou pas, on trouve toujours moins d’horlogers dans les manufactures et toujours plus de machines. • Une réalité que les marques n’aiment guère mettre en avant dans leur communication. • Faut-il s’en offusquer?
à une communication partagée et matraquée par de très nombreuses marques, cette valeur est souvent devenue indissociable de l’image d’Epinal de l’horloger barbu. Nul hasard si de nombreuses fabriques se sont autoproclamées manufactures (du latin «fait à la main»). Alors, bien sûr, la réalité est toujours un peu ailleurs et, comme en œnologie il est de bon ton de cacher les cuves en inox derrière les barriques de chêne, il est logique de dissimuler les chaînes automatisées derrière des établis en bois dans les manufactures, histoire de perpétuer le mythe. Mais l’œnologie a de solides arguments pour défendre l’inox, des arguments qui parlent directement au palais du consommateur. L’horlogerie est plus empruntée pour défendre ses robots alors qu’elle axe son discours sur la perpétuation de valeurs traditionnelles et artisanales et sur la main insurpassable de l’horloger.
Y a-t-il un horloger à bord? Seulement, depuis quelques années, à chaque inauguration d’une nouvelle unité de production, ce sont de très nombreux journalistes et photographes qui sont invités à répandre
à travers le monde les photos de ces halles automatisées rutilantes, présentées avec fierté par les marques elles-mêmes et leurs ingénieurs. Du coup, certains amateurs et collectionneurs avertis s’interrogent sur la distance entre le message d’artisanat qu’ils reçoivent d’un côté, et celui d’automatisation industrielle qu’ils reçoivent de l’autre. Au point qu’ils finissent par se demander, à juste titre, s’il existe encore des horlogers dans certaines grandes manufactures. La tentation est ainsi d’autant plus grande pour eux de se tourner vers de petites marques indépendantes ou de taille moyenne, là où les horlogers, pas toujours barbus, sont toujours bien visibles aux côtés des CNC. La question n’est pas celle des anciens et des modernes, des artisans contre les machines. Elle tient à la cohérence du «storytelling» qui doit être maintenue par les manufactures tout au long de la chaîne de communication. Les grandes marques de maroquinerie ne le savent que trop bien, elles qui produisent des centaines de milliers de sacs dans des usines délocalisées aux quatre coins du monde, mais arrivent à persuader leurs clientes que chacun d’eux est cousu à la main dans des ateliers cossus du Faubourg SaintHonoré.
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Vers un discours plus cohérent Dans le cas de l’horlogerie, la situation est beaucoup plus simple, car les manufactures, aussi automatisées soient-elles, restent des lieux d’excellence et de respect des valeurs de perfection technique. Le sens de l’histoire fait qu’il y aura toujours moins d’horlogers et toujours plus d’ingénieurs, et que même les plus grandes complications finiront par pouvoir être assemblées à la perfection par des robots. Les marques ont donc deux choix: celui d'assumer cette robotisation en en faisant un atout de communication supplémentaire. Certaines le font avec succès. Ou celui de renoncer volontairement à ces mêmes chaînes pour tout ou partie de leur production, et revenir ainsi à du véritable artisanat. Mais une manufacture ne peut pas être tout à la fois une chaîne de montage automatisée et un atelier d'horlogers barbus. A l’heure où l’industrie horlogère commence à être menacée sur son monopole d’occupation du poignet, elle devrait, plus que jamais, adopter un langage cohérent et convaincant, sans craindre, s’il le faut, de redéfinir son territoire de valeur. O
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1,4 milliard de francs
BUREAU DE CREATION
HORLOGERIE JOAILLERIE INTRUMENTS D’ECRITURE
ZZZ PDUæOandco.com ZZZ PDUæO ZZZ PDUæOa d dco.com co.com
Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
BUSINESS & TENDANCES
10 | EUROPA STAR PREMIÈRE | NO 1
Mouvements: qui pour remplacer ETA? • Dès 2020, Swatch Group sera autorisé à ne plus livrer ses clients tiers en mouvements ETA. • Pour Sellita et Soprod, les deux plus importants fabricants alternatifs de calibres Swiss made d’entrée et de milieu de gamme, les enjeux sont importants. PAR
SERGE MAILLARD
Au dernier salon EPHJ, plusieurs spécialistes du calibre ont répondu présent: Technotime, Vaucher Manufacture ou encore Dubois Dépraz. Mais deux absences de marque étaient à signaler: Sellita et Soprod, les alternatives Swiss made les plus importantes, en termes de volumes, aux «tracteurs» d’ETA. Historiquement, la filiale de Swatch Group représente, selon différentes estimations, près des trois quarts des mouvements mécaniques standards produits en Suisse (soit 5 à 6 millions d’unités). Très peu d’alternatives existent pour l’entrée et le milieu de gamme, surtout à moins de 200 francs l’unité. «Soprod était là l’année passée. Quant à Sellita, ils ne ressentent pour l’heure pas de besoin particulier de s’afficher», explique André Colard, le co-fondateur de cette «Mecque» suisse de la microtechnique, qui rassemblait quelque 825 exposants actifs dans l’horlogerie, la machine ou le medtech lors de cette édition. Les deux fabricants avaient peutêtre la tête ailleurs. Et le regard fixé sur une date en particulier: 2020. La pression a été importante ces dernières années. Après de multiples rebondissements, retours en arrière et remises au point, la Commission de la concurrence (Comco) et le Swatch Group sont finalement parvenus à un accord en octobre 2013, qui engage en réalité toute l’industrie horlogère. Selon les termes exacts de l’accord, «l'obligation de livrer des mouvements mécaniques restera valable jusqu'au 31 décembre 2019». Sur la base de la moyenne des années 2009-2011, ETA doit livrer en 2014/2015 75%, en 2016/2017 65% et en 2018/2019 55% des quantités vendues. Dans ce cadre, l’entreprise s'engage à traiter chacun de ses clients «de manière égale».
Course contre-la-montre Chez Sellita, le directeur Miguel Garcia exprime son soulagement. «La décision de la Comco nous a donné de l’oxygène. Tous les clients seront traités à la même enseigne. Nous en faisons partie.» En 2013, la firme de La Chaux-de-Fonds, qui emploie 500 personnes en Suisse et en Allemagne (contre 300 un an plus tôt – cela donne une idée de
l’expansion en cours), a livré 1,4 million de mouvements: 800'000 calibres Sellita, et 600'000 calibres ETA assemblés et revendus. Mais en deux ans, Swatch Group a déjà commencé à réduire ses livraisons à Sellita, puisque l’entreprise neuchâteloise affichait en 2011 une production to-
production d’assortiments destinés aux horlogers suisses. Les efforts de Sellita, qui livre quelque 250 marques, vont se concentrer sur ces pièces stratégiques, pour les calibres maison. «La production interne d’assortiments se met en place. Mais c’est un processus très long...»
Bulle ou pénurie? Loin derrière Sellita en termes de volumes, avec plus de 100'000 mouvements produits en 2013, Soprod présente en revanche la particularité de ne pas dépendre du Swatch Group pour les assortiments: «La production de mouvements n’est pas un métier facile, surtout quand
dra s’y faire: «Beaucoup de clients veulent visiter nos ateliers pour s’assurer que tout est bien fabriqué sur place et à l’interne!» Entreprenant une phase de rationalisation – notamment via un regroupement de certaines activités à Bienne – et non dépendant du Swatch Group, le patron de Festina Suisse a une lecture logiquement différente de l’accord avec la Comco: «Cette décision favorise les marques qui bénéficiaient déjà d’un quota auprès de Swatch Group. D’une certaine manière, la Comco «sponsorise» donc Sellita, qui obtient ses échappements car elle est déjà sous contrat avec ETA. En fabricant tout nous-mêmes, nous avons des coûts plus élevés.»
alternative au 7750 d’ETA. Une activité, regroupée au sein de la filiale «Eterna Movement», que la firme de Granges prend très au sérieux. «Pour nous, c’est une forme de renaissance: nous avons une longue histoire dans la conception de mouvements, puisqu’à ses débuts, en 1932, ETA était une division d’Eterna,
Et si le salut, en termes d’alternatives à ETA, venait au final des marques horlogères elles-mêmes?
Mouvements Sellita
«Notre objectif est de remplacer les mouvements achetés chez ETA par des calibres Sellita à l’horizon 2019. Nous devons donc développer notre production «maison» d’au moins 600'000 mouvements d’ici là.» tale de 1,6 million de mouvements. La course contre-la-montre est engagée: «Notre objectif est de remplacer les mouvements achetés chez ETA par des calibres Sellita à l’horizon 2019. Nous devons donc développer notre production «maison» d’au moins 600'000 mouvements d’ici là.» Mais l’entreprise reste dépendante du Swatch Group pour ses assortiments – les organes réglants de la montre, soit l’échappement, le balancier et le spiral. Là aussi motif de soulagement pour Miguel Garcia, la Comco a contraint la filiale du groupe biennois Nivarox à poursuivre ses livraisons. La commission estime ne pas avoir la «visibilité» nécessaire pour établir un calendrier de réduction. Nivarox détient un monopole encore plus conséquent qu’ETA, puisque la société couvre peu ou prou 90% de la
on décide de ne pas copier ETA! Nous fabriquons tout à l’interne, sauf les pierres, le ressort de barillet et l’amortisseur de choc», précise Gérald Roden, directeur général de Swiss Festina Group. Etablie aux Reussilles (JU), Soprod peut se fournir dans les autres filiales du groupe Festina Suisse (lire en p.12), dont MHVJ, dans la Vallée de Joux, pour l’échappement, et MSE, à Muriaux (JU), pour les spiraux. «Nous enregistrons une demande croissante, de nouveaux clients arrivent presque chaque semaine», assure le responsable. La méfiance semble cependant encore régner, dans le monde horloger, sur la solidité des alternatives à ETA. Il fau-
Des marques qui s’ouvrent aux tiers Et si le salut, en termes d’alternatives à ETA, venait au final des marques horlogères elles-mêmes? Dans le sillage de la décision de la Comco, nombreux sont les horlogers qui tentent de développer leurs infrastructures, dans le but de devenir autonomes. Et ils pourraient livrer des tiers. Contacté, l’horloger Maurice Lacroix déclare par exemple déjà fournir ses calibres à l’externe, «à petite échelle». De son côté, la marque Eterna, rachetée en 2012 par China Haidian, va ouvrir sa famille de calibres 39 à la vente à des tiers, comme
rappelle Samir Merdanovic, qui dirige la nouvelle unité. Nous avons relancé la production de nos propres calibres il y a une quinzaine d’années seulement, à petite échelle et uniquement pour usage interne. Nous nous sommes cependant rendus compte que la fabrication de calibres revenait trop cher, si nous ne pouvions pas les vendre à des tiers. D’où la création d’Eterna Movement il y a plus de trois ans.» Les premières discussions avec des tiers ont démarré au printemps 2014. «Plusieurs marques se sont montrées intéressées. En 2014, nous avons produit au total 5'000 mouvements, encore en priorité pour la marque Eterna.» Quelques 88 modules sont proposés sur le calibre de base 39. Celui-ci coûte 200 francs, le GMT 260 francs et le chronographe 500 francs. «Nous représentons une bonne alternative 100% Swiss made. A terme, nous visons les 150'000 à 200'000 mouvements par an.» Les dés sont jetés!
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1,2 milliard de francs Soprod A10-2, alternative à l'ETA 2892
Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
BUSINESS & TENDANCES
EUROPA STAR PREMIère | NO 1 | 11
Les «millenials»: portrait des futurs clients horlogers Ultra-connectés mais aspirant à plus de simplicité, voire d’austérité: plusieurs visions des digital natives ont été livrées lors du dernier Forum de la Haute Horlogerie. par
Serge Maillard
DR
«What’s next?» La dernière édition du Forum de la Haute Horlogerie a été l’occasion de se livrer à un délicat – car par essence très incertain – exercice de prospective pour dessiner le paysage horloger de demain, ou plutôt d’après-demain. Au cœur des préoccupations: l’attitude des nouvelles générations digitales, les fameux «millenials», face aux montres. «Ce sont les futurs clients de nos marques; ils adoptent des attitudes très différentes de nous, il nous faut donc les comprendre», a d’emblée souligné Fabienne Lupo, présidente de la Fondation de la Haute Horlogerie (FHH). Le président du conseil culturel de la FHH Franco Cologni a dressé un portrait de ceux qui sont aujourd’hui ses petits-enfants, et qui ne sont
Une clientèle exigeante et ultra-connectée: en moyenne, un jeune consulte 43 fois par jour son téléphone portable. pour lui «ni un filon ni une menace, mais tout simplement le futur»: «Leurs espoirs sont différents et leurs modes de fonctionnement sont interactifs, relationnels et faits de réseaux, au contraire des nôtres, qui sont structurés et hiérarchiques. Les jeunes entendent participer, ce ne sont pas juste des gens qui «reçoivent» de manière passive. Ils imposent des échanges incessants, ce sont de vrais interlocuteurs. C’est une profonde révolution!» Ainsi, après être passés dans une boutique, les digital natives se ruent sur internet pour consulter les feed-
backs, trouver une boutique moins chère ou encore partager leur expérience sur les réseaux sociaux, souligne Diana de Verde Nieto, cofondatrice du cabinet de consulting Positive Luxury. Une clientèle exiPUblicité
geante et ultra-connectée, donc: «Ils vivent une vie à travers l’écran: en moyenne, un jeune consulte 43 fois par jour son téléphone portable.»
Différences entre occidentaux et émergents De son côté, Elizabeth Paton, journaliste au Financial Times a livré un portrait tout en nuances de cet-
te génération, mue par des forces contradictoires: les consommateurs du futur sont des digital natives, attirés par les technologies et le côté pratique de porter leur clé ou leur carte de crédit au poignet; mais à l’ère du «selfie», ils restent toujours séduits par les symboles statutaires, voire narcissiques; pourtant, beaucoup de jeunes adoptent aussi un mode de vie plus austère, rejetant les produits trop ostentatoires. Difficile de prévoir ce qui résultera de cette ambiguïté!
Et si l’Occident semble expérimenter un retour à une forme de simplicité, c’est loin d’être le cas dans les pays émergents, a souligné Stéphane Garelli, professeur à l’IMD spécialisé en compétitivité: «Ils passent d’une économie de premier achat à une économie de remplacement: on jette non parce que c’est cassé mais parce qu’on n’en veut plus. Comme disait George Bernard Shaw, nos besoins sont limités mais nos désirs sont sans fin!»
BUSINESS & TENDANCES
12 | EUROPA STAR PREMIÈRE | NO 1
Ces ambitieux groupes de taille moyenne
«Turbine Pilot» par Perrelet
• Dans l’ombre des géants horlogers, de rares groupes de taille moyenne entendent tirer leur épingle du jeu, sur des créneaux très différents. • Portraits de deux acteurs discrets qui résistent: Festina et Mondaine. PAR
SERGE MAILLARD
Qu’ont en commun les marques Lotus, Festina, Jaguar, Calypso, Candino ou encore Perrelet et L.Leroy? M-Watch, Mondaine, Luminox, Pierre Cardin, Givenchy, Esprit, Puma et Joop? Bien qu’actives sur des créneaux différents, ces sociétés horlogères sont toutes liées – de près ou de loin – à des groupes de taille moyenne qui comptent bien préserver leur autonomie: Festina Group et Mondaine Watch Group. Ni petites sociétés individuelles ni multinationales «brassant» des milliards de francs de chiffre d’affaires, ces groupes naviguent entre deux eaux. Ils ont en commun de mettre en place des synergies entre leurs marques à l’heure de la verticalisation et d’afficher de solides ambitions, n’hésitant pas à titiller les géants horlogers sur leur terrain de jeu. Portraits.
Festina, un groupe totalement autonome Maîtrisant l’ensemble de la chaîne de composants horlogers – spiraux compris, le groupe entend à présent rationaliser son vaste catalogue de marques, qui va de Lotus à Perrelet et L.Leroy.
«Helvetica» par Mondaine
Mondaine monte en puissance Les frères Ronnie et André Bernheim, héritiers de la marque iconique inspirée des gares suisses, ont multiplié les rachats et acquisitions de licences en moins de dix ans, de Luminox à Esprit ou Pierre Cardin. Plutôt que de groupe Mondaine, il serait en réalité plus adéquat de parler de «groupe Bernheim»: héritiers de la fameuse marque à l’esthétique des horloges CFF des gares suisses, les frères Ronnie et André Bernheim ont diversifié leur catalogue de marques et multiplié les participations et licences en nom propre. Ils détiennent aujourd’hui, d’une part, la Maison Mondaine, fondée en 1951 par leur père, qui produit les montres éponymes mais également les M-Watch et des montres pour des tiers (private label). D’autre part, ils ont pris en 2006 une participation de 50% dans la marque sportive d’origine californienne Luminox, aujourd’hui gérée entre Zurich et San Rafael, avec un siège social à Hong Kong. Enfin, ils ont fondé en 2009
le groupe Marlox (JEWA Holding, Zurich), fruit de la reprise des activités de la firme germano-asiatique Egana Goldpfeil, et qui produit et distribue de nombreuses marques de montres «fashion» comme Pierre Cardin (dont ils ont racheté la division «Montres & Bijoux»), mais aussi, sous licence, Givenchy (dont LVMH reste la maison-mère), Esprit, Puma et Joop. Les frères Bernheim ont par ailleurs abandonné la licence pour la marque Camel Active (ex-Camel Trophy). Pourquoi cette phase presque «boulimique» de rachats de marques et licences en moins de dix ans? «Nous respirons dans cette industrie depuis que nous sommes tout petits et avons la volonté d’étendre nos capacités horlogères, répond Ronnie Bernheim. Nous essayons également de trouver des synergies entre ces différentes marques, par exemple entre Luminox et Mondaine. Nous ne publions pas nos chiffres, mais depuis que nous avons repris Luminox, cette marque a quadruplé son chiffre
d’affaires. A l’époque, les Etats-Unis constituaient presque le seul débouché pour la marque. Aujourd’hui, ce pays ne recouvre plus que le tiers des ventes. Cela montre le travail qui a été fait en termes de prospection et d’ouverture de nouveaux marchés d’exportation.» Les synergies sont également administratives: un même système de gestion informatique interne vient par exemple d’être adopté pour toutes les marques des frères Bernheim, qui emploient quelque 2'000 personnes à travers le monde. «Nous sommes une entreprise familiale, avec des partenaires, et avons l’avantage de disposer de bases industrielles à la fois en Suisse et en Chine, tout en disposant d’un ancrage aux Etats-Unis via Luminox.» L’usine de Biberist (So) produit plus de 500'000 montres «Swiss made» par an. A l’échelle globale, les différentes entités affiliées aux frères Bernheim, qui connaissent un chiffre d’affaires «en croissance», écoulent plusieurs millions d’unités de montres et bijoux chaque année.
Dans le catalogue du groupe espagnol Festina, on trouve tant des marques d’entrée de gamme comme Calypso que de la haute horlogerie, comme L.Leroy. Le groupe, qui emploie quelque 3’000 personnes dans le monde, dont 400 en Suisse, détient par ailleurs les marques Lotus, Festina, Jaguar, Candino et Perrelet. Certaines sont Swiss made - Perrelet, Leroy, Candino et Jaguar -, d’autres non: Festina, Lotus et Calypso sont assemblées en Chine. Au bénéfice d’une longue carrière dans l’horlogerie, Gérald Roden, exCEO des marques De Grisogono, Gérald Genta et Daniel Roth et spécialiste des restructurations horlo-
«Miguel Rodriguez préfère l’odeur de l’huile, l’industrie pure et dure, aux feux de la rampe.» gères, a repris en 2013 la direction de Swiss Festina Group «Le catalogue du Swiss Festina Group forme une véritable constellation de sociétés horlogères. Ma mission consiste à rendre le groupe plus profitable, mais surtout à rationaliser et rendre la structure plus efficace.» Il forme aujourd’hui un duo de choc avec le fondateur et président Miguel Rodriguez: «Peu de gens sont de véritables amis dans le monde horloger… C’est notre cas. Nous nous connaissons depuis 40 ans. Il souhaitait renforcer la production suisse. Je l’ai beaucoup écouté avant de dessiner quelques grandes lignes stratégiques. Nous fonction-
nons comme une petite société familiale et ne subissons pas certaines contraintes des grands groupes horlogers. Les décisions sont vite prises!» Comment a été constitué le portefeuille de marques de Festina Group? «Miguel Rodriguez fonctionne de manière émotionnelle. Il préfère l’odeur de l’huile, l’industrie pure et dure, aux feux de la rampe. Donc quand des occasions de rachat se sont présentées, il les a saisies s’il s’agissait de «coups de cœur». Mais nous sommes actuellement dans une phase claire de consolidation et de rationalisation. En Suisse, nous avons centralisé à Bienne tous les services administratifs des différentes marques, comme les ressources humaines. Il y a désormais un seul patron.» Swiss Festina Group produit chaque année 100'000 montres de ses différentes marques et en assemble 300'000 pour d’autres marques dans son usine soleuroise. A l’échelle globale, Festina Group dans son ensemble produit quelque quatre millions de montres par année. Un pôle en plein développement est celui de la montre connectée. «Nous avons déposé de nombreux brevets. Nous maîtrisons la connexion, la production et sommes en train de travailler sur des plateformes compatibles avec des systèmes d’exploitation comme Android, IOS et BlackBerry. Certaines smartwatches incluent déjà notre technologie.»
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1,1 milliard de francs Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
BUSINESS & TENDANCES
EUROPA STAR PREMIère | NO 1 | 13
Quand les marques se féminisent Plusieurs marques horlogères ont récemment décidé de consacrer une plus grande place aux modèles Dames dans leur catalogue et leurs investissements. Un choix stratégique. par Isabelle Guignet et Serge Maillard
«Aujourd’hui, lorsque nous présentons aux détaillants une nouvelle collection Hommes, certains poussent un léger soupir: vous n’auriez pas également des nouveautés destinées aux Dames?» Pour Alain Zimmermann, directeur général de Baume & Mercier, l’anecdote en dit long sur les attentes actuelles du marché: le curseur a été placé bien trop loin en direction des hommes par l’industrie horlogère. «On a vu une très forte masculinisation à l’œuvre ces vingt dernières années; en terme d’innovation comme de choix de produits, l’industrie horlogère a eu un peu tendance à laisser les femmes de côté.» Avec sa nouvelle collection baptisée «Promesse», Alain Zimmermann
entend inverser cette tendance et regagner une certaine parité entre montres pour Hommes et pour Dames. Il estime ne pas être le seul responsable de marque à opérer un réajustement de cap: «Je crois qu’on est en train d’assister à une vague de fond sur les montres Dames, qui s’est déjà illustrée au dernier Baselworld. L’actualité se décline aujourd’hui au féminin!» Certaines marques à l’ADN masculin ont commencé depuis quelques années à étoffer leur catalogue féminin. Exemple emblématique: celui de TAG Heuer, qui présentait sa «Link Lady» voici plus de deux ans déjà, portée par son égérie Cameron Diaz. Sans oublier Omega et le renouveau de sa «Ladymatic» automatique en 2010, promue par une autre ambassadrice de charme, Nicole Kidman.
«La Margot n’est qu’un début» La très haute horlogerie et le monde des grandes complications semblent aussi s’y mettre. Pionnier dans ce domaine, Christophe Claret et son époustouflante «Margot», récompensée au Grand Prix d’horlogerie de Genève et en vente depuis fin septembre, qui reprend le thème immémorial de l’amoureuse
INTERNET
Les marques et montres préférées des femmes
Spécialisé en études digitales de l’industrie du luxe, le cabinet Digital Luxury Group (DLG) présente les marques les plus recherchées par les internautes féminines, en termes absolus et en croissance annuelle (deuxième trimestre 2014 vs. deuxième trimestre 2013). Il a fait de même pour les modèles. MARQUE
% de rechercheS au 2ème Trimestre 2014
éVOLUTION ANNUELLE
Cartier
53%
+5%
Chanel
14%
-31%
Chopard
9%
+3%
Piaget
5%
+26%
Hermès
4%
+8%
Bulgari
4%
+13%
Dior
3%
+3%
Louis Vuitton
2%
-18%
Tiffany & Co.
2%
-15%
Harry Winston
2%
-17%
Van Cleef & Arpels
1%
+29%
Ralph Lauren
1%
+1%
Chaumet
1%
+1%
Jacob & Co.
0%
-25%
MARQUE
MODèLe
% de rechercheS au 2ème Trimestre 2014
éVOLUTION ANNUELLE
Cartier
Ballon Bleu
20%
Cartier
Tank
13%
+12% -7%
Chanel
J12
12%
-36%
Cartier
Roadster
5%
-9%
Cartier
Pasha
5%
-9%
«Margot» par Christophe Claret
effeuillant une fleur, espérant voir apparaître le tant espéré «à la folie». Jusqu’à présent, le catalogue de l’horloger indépendant basé au Locle était purement masculin. Pourquoi ce pari sur la Dame, cette première complication féminine? «Je proposais depuis longtemps des projets innovants pour femmes à
des maisons horlogères, mais mes idées n’ont jamais séduit les hommes à la tête de ces marques… Ma vision consiste à créer des complications réellement pensées pour la femme. Je m’étais juré de mener à bien ce projet une fois que j’aurais ma propre marque horlogère. La Margot n’est qu’un début.»
Autre marque qui s’apprête à franchir le pas du modèle féminin: la société horlogère Revelation, lancée par la créatrice Anouk Danthe et son compagnon Olivier Leu, et qui ne proposait jusqu’alors que des montres masculines. Leur particularité: un cadran «magique», qui permet de révéler à tout moment le cœur du mécanisme. La nouvelle «Revelation R05 First Lady» utilise ce système de verres polarisants mobiles non plus afin de dévoiler la date, mais des figurines réelles. Pour ce premier modèle Dame qui sera dévoilé lors du prochain Baselworld, un trèfle et une coccinelle orneront le cadran d’une collection placée sous le sceau des «porte-bonheur». Plusieurs questions restent néanmoins en suspens dans l’industrie, dès lors qu’il s’agit de modèles féminins. A quel point les horlogers vont-ils réellement investir dans les complications pour Dames au-delà des phases de lune, très appréciées pour leur côté esthétique? La tendance jouera-t-elle en faveur de calibres qui se rapprochent des standards masculins ou plutôt de modèles de petite dimension? Et bien sûr, quel «équilibre» opérer entre mouvement quartz ou mécanique? Les consommatrices trancheront!
Faire simple, c'est compliqué! Europa Star a cherché en compagnie de quelques horlogers à débroussailler les complexes chemins de la simplicité, un concept très en vogue aujourd’hui. Questions-réponses. par
Pierre Maillard
Assiste-t-on réellement à un retour à plus de simplicité et de «mesure» horlogères? Pour Sandro Reginelli, directeur Produits et Marketing de Maurice Lacroix, «cette tendance est donnée, très clairement... On a pu la voir arriver depuis quelque temps déjà, mais elle est désormais bien installée.» Même son de cloche chez Jean-Marc Widderecht, d'Agenhor, un constructeur indépendant qui œuvre pour nombre de clients fort différents et dispose donc d'une vue très large du marché. Selon lui, «effectivement le nombre de pièces très compliquées souvent sans raisons évidentes avec des esthétiques complexes et chargées semble en régression. Une nouvelle tendance «néo-classique» basée sur des mécaniques beaucoup plus sobres et surtout beaucoup plus plates progresse depuis quelques années déjà.»
Mais Denis Flageollet, co-fondateur et directeur du département technique de De Bethune, tempère ces affirmations: «J'espère pouvoir faire un jour ce constat car la démesure mécanique n'inspire que problèmes et débouche finalement sur un désintérêt» nous déclare-t-il, sous-entendant qu'il reste encore un long chemin à accomplir pour parvenir à plus de «mesure». Mais s'il rejette la «démesure mécanique», il plaide avec force pour «la démesure créative» qui elle, «est toujours pleine de sens et devrait pouvoir nous astreindre à la simplicité. Soyons donc créatifs et nous atteindrons peutêtre cette bonne «mesure»!». Ce «retour» à plus de simplicité estil un simple effet de balancier ou un phénomène qui s'inscrit dans la durée? «A mon sens, le classique et l’élégant ont toujours été présents. Mais il me semble que ce sont les extrêmes qui ont changé. On a coupé un des pieds de la courbe de Gauss et on revient à des montres plus classiques, plus épurées», pense Edouard Meylan, le jeune CEO de H. Moser & Cie, une marque emblématique de la recherche d'une certaine pureté horlogère. Selon lui, le phénomène est clairement sociétal et cyclique: «Le luxe existe depuis des millénaires, mais la façon de consommer le luxe évolue.» De même, aux yeux de Sandro Reginelli, «on constate un peu partout un retour aux sources, à l’authenticité. C’est une tendance
lourde, qui n’est pas spécifiquement propre au secteur de l’horlogerie. D’un point de vue sociétal, on se dirige vers une exigence de légitimité de la part du consommateur, que ce soit au niveau esthétique et technique, mais aussi environnemental, historique. La course au superflu est clairement enterrée, on souhaite un retour à la simplicité.» Ce retour à la simplicité est-il observable sur tous les marchés? «Cette tendance est due en grande partie à l’influence grandissante du marché asiatique, et plus spécifiquement du marché chinois. La demande de ces marchés s’oriente clairement vers des garde-temps trois aiguilles et de plus petit diamètre, ce qu’ils identifient aujourd’hui comme la référence du code horloger suisse, du Swiss made», estime Sandro Reginelli. Ce que corrobore à sa façon Edouard Meylan tout en renversant les pôles de la discussion car à ses yeux, ce sont «les marchés les plus établis qui semblent consommer un luxe moins ostentatoire que les marchés émergents. Au fur et à mesure que les marchés émergents deviennent de plus en plus établis, il n’est pas surprenant de voir une tendance vers le classique dans ces marchés.» Deux points de vue donc contradictoires sur les influences réciproques d'un marché à l'autre. Le débat reste donc ouvert: le retour à plus de classicisme est-il du fait des Chinois ou des consommateurs les plus avertis? Des deux, sans doute.
BUSINESS & Tendances
14 | EUROPA STAR PREMIère | NO 1
Les trois dÊfis de l’industrie du luxe en 2015
par
Laurent Bludzien, associĂŠ et
responsable du secteur de l’industrie du luxe au sein d’ernst
& young en Suisse
Revenons d’abord un peu en arrière: l’annÊe 2013 a ÊtÊ difficile pour l’industrie du luxe, pour ne pas dire la plus dure depuis la rÊcession de 2009, et ceci s’est traduit par un flÊchissement significatif du taux de croissance du secteur. Pour la première fois en trois ans, le taux de croissance du secteur est repassÊ à un seul chiffre avec +2.4% (10.4% en 2012), valorisant le marchÊ du luxe à 217 milliards d’euros.
Cette croissance, bien que plus faible, est principalement tirÊe par la consommation chinoise et amÊricaine et repose sur la bonne tenue du segment des accessoires ainsi que sur la progression des ventes en ligne. Pour le moyen terme, Ernst & Young (EY) prÊvoit des taux de croissance positifs contenus dans une fourchette de 4% à 6%, et ce jusqu’à fin 2016. Cette croissance positive sera vraisemblablement commandÊe par les facteurs suivants: • Urbanisation croissante • Poids rÊduit des grossistes • Evolution vers un marchÊ à la fois plus jeune et plus masculin
Gatsby Le Magnifique / Warner Bros. Picture
• Les taux de croissance dans l’industrie du luxe devraient osciller dans une fourchette de 4% à 6% les deux prochaines annÊes. • Chine, internet et efficacitÊ seront au cœur des enjeux, selon le rapport Luxury Financial Factbook d’Ernst & Young.
Si, dans l’ensemble, les taux de croissance ont ralenti, celui de la rentabilitÊ du secteur du luxe s’est maintenu à une moyenne annuelle de +1%. Et ceci principalement du fait de: • L’augmentation des volumes • La rÊorientation de l’offre commerciale (avec des marges plus fortes) • L’intention dÊclarÊe de nombreux acteurs de se recentrer sur une meilleure efficacitÊ OÚ l’accent sera-t-il mis en 2015 par les dirigeants du secteur du luxe?
1. Elaborer une stratĂŠgie plus claire pour le futur du marchĂŠ chinois
Ceci est susceptible d’engendrer une croissance plus forte de la demande des adolescents. En 2020, le consommateur chinois contribuera pour près de 40% de la croissance du secteur du luxe.
En 2013, le consommateur chinois reprÊsentait – en valeur – un tiers du marchÊ du luxe. La classe moyenne chinoise Êvolue très rapidement avec un accroissement du nombre de foyers à revenus ÊlevÊs.
NÊanmoins, ce marchÊ reste sous pression du fait de: • La directive rÊcente du prÊsident destinÊe à lutter contre la corruption • Des prix ÊlevÊs dÊcoulant d’une augmentation des taxes sur les produits de luxe l
L’analyse conjoncturelle de Credit Suisse Moral des entreprises variable, mais majoritairement positif
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L'industrie horlogère suisse a battu pour la quatrième annÊe consÊcutive un nouveau record d'exportation en 2014. Ses exportations ont enregistrÊ sur la pÊriode de janvier à novembre une hausse de 2,3% par rapport à l'annÊe prÊcÊdente. La croissance a ainsi ÊtÊ lÊgèrement supÊrieure à celle de 2013 (+1,9%). Elle s'est toutefois rÊvÊlÊe relativement modÊrÊe en fin d'annÊe, essentiellement en raison d'un mois de novembre faible (sept.nov. +1.3% par rapport à l'annÊe prÊcÊdente). Le principal soutien est venu de la forte accÊlÊration du deuxième plus grand marchÊ d'exportation, les Etats-Unis (sept.-nov. +16.2% par rapport à l'annÊe prÊ-
Un mois de novembre faible pèse sur la croissance des exportations
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Emilie Gachet, swiss industry research, credit suisse par
cÊdente). Comme durant les mois prÊcÊdents, l'Asie ex-Chine a Êgalement constituÊ un important vecteur de croissance – en particulier l'Arabie saoudite et la CorÊe du Sud. La faiblesse du marchÊ chinois a par contre pesÊ sur les exportations. Après une forte hausse en ÊtÊ, la croissance des exportations vers la Chine continentale est retombÊe nettement en territoire nÊgatif durant les mois de septembre à novembre. A Hong Kong, les chiffres du commerce de dÊtail horloger ont poursuivi à l'automne leur tendance à la baisse entamÊe au printemps. Les exportations horlogères suisses vers Hong Kong se sont Êgalement repliÊes sur cette pÊriode (sept.-nov. –1.6% par rapport à l'annÊe prÊcÊdente). D'importants marchÊs europÊens tels que l'Allemagne et la France ont Êgalement enregistrÊ des taux de croissance nÊgatifs à l'automne 2014. Nous tablons sur une poursuite modÊrÊe de la progression des exportations horlogères en 2015. L'Êvolution de la demande chinoise reste un important facteur d'incertitude; un dÊveloppement solide du marchÊ amÊricain pourrait toutefois mener à une lÊgère accÊlÊration de la croissance de l'industrie horlogère en 2015 par rapport à 2014.
Hong HongKong Kong
• Les Etats-Unis en soutien de la croissance. • Recul des exportations vers la Chine, Hong Kong et l'Europe. • Les principaux rÊsultats de cette fin d'annÊe.
BUSINESS & TENDANCES
La bonne combinaison de grossistes, magasins et vente en ligne n’est plus claire pour ce qui est du marché chinois. C’est pourquoi l’ajustement ou le cas échéant le développement d’une stratégie est nécessaire pour gagner sur ce marché.
2. Accent mis sur l’efficacité Alors que de nombreuses maisons du luxe, grandes ou petites, gèrent habilement la croissance de leurs réseaux de points de vente, il n’en va pas de même de la gestion de leurs fonctions «back office». Les compétences fondamentales telles que gestion de l’image de marque, merchandising, gamme et planification de l’assortiment, design et fabrication doivent être élevées pour réussir dans le contexte actuel de croissance difficile. Cependant, de nombreuses maisons du luxe, y compris de grands groupes internationaux, sont toujours assez artisanaux dans la manière dont ils organisent et assurent ce qui est considéré comme des fonctions secondaires ou support: finance, achats, logistique, ressources humaines et IT. Ces maisons portent désormais leur attention sur l’efficacité. Plus de 30% des frais généraux peuvent être réduits en ayant des processus plus efficaces, de meilleurs outils de décision et une structure de support plus appropriée. Même si ceci paraît peu au regard de l’EBITDA réalisé grâce à des marges élevées et une croissance basée sur le volume, les maisons commencent à prendre au sérieux l’efficacité de leurs fonctions support.
3. Accélérer la présence en ligne Commerce en ligne et stratégies ecommerce ne sont pas nouveaux pour le secteur. Néanmoins, il apparaît clairement que les maisons du luxe restent à la traîne d’autres industries en ce qui concerne le développement de plans clairs et concrets permettant de capitaliser sur les opportunités du commerce en ligne.
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880 millions de francs Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
En dépit de tout le battage médiatique sur la consommation des adolescents chinois, 60% du commerce de luxe en ligne se fait à ce jour aux Etats-Unis sur les accessoires.
cipalement dû aux marchés asiatiques et l’émergence de e-boutiques, en particulier sur le marché américain de la mode, qui commence à remettre en question le monde traditionnel du luxe. Le besoin d’une stratégie numérique n’a jamais été aussi pressant.
La pénétration des activités en ligne croît à un rythme rapide et même s’il ne représente encore que 4.5% des ventes de l’industrie du luxe, son taux de croissance annuel est de 30%. En dépit de tout le battage médiatique sur la consommation des adolescents chinois, 60%
Pour aller plus loin: Vous pouvez réagir à cette étude en contactant Laurent Bludzien (laurent.bludzien@ch.ey.com) ou notre rédaction (press@europastar.com), pour une parution dans notre prochain courrier des lecteurs. L’ étude EY Luxury Financial Factbook est téléchargeable sur le site d’Ernst & Young.
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du commerce de luxe en ligne se fait à ce jour aux Etats-Unis sur les accessoires. L’e-commerce représente actuellement un tiers de tout le trafic et plus de 10% des ventes pour certaines marques. L’âge moyen du consommateur du luxe est en train de baisser, prin-
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• Un manque de fidélité aux marques • Un désir pour des produits plus haut de gamme, plus discrets • Une demande croissante pour la consommation en ligne
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AILLEURS DANS LE MONDE
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La montée en gamme de l’horlogerie japonaise • Les ventes globales de montres japonaises ont atteint deux milliards de dollars en 2013, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 1998. • Cette croissance se double d’une stratégie de repositionnement vers le luxe, pour l’heure limitée à l’archipel. • L'annonce du retour en force du Japon sur le marché horloger mondial? Pierre-Yves Donzé, professeur
associé à l’université de kyoto
L’industrie horlogère japonaise vit actuellement un retour de la croissance. En 2013, la division horlogère du groupe Seiko, qui comprend également des mouvements de montres, a par exemple dégagé un chiffre d’affaires de près de 151 milliards de yens (1.4 milliard de dollars), contre 121 milliards l’année précédente et 107 milliards en 2010. Soit un montant qui n’avait plus été atteint depuis le début des années 1990 et qui fait de cette entreprise le second producteur horloger nippon derrière Citizen (162 milliards de yens en 2013). Après deux décennies délicates, elle fait preuve d’une stratégie volontariste de repositionnement vers le luxe. Au sein du groupe Seiko, il faut aussi souligner la présence d’Orient Watch, spécialisée dans les montres mécaniques d’entrée de gamme, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 9.8 milliards de yens en 2013. Comme Seiko, Citizen Watch ambitionne aussi une montée en gamme vers le luxe, avec le rachat successif de la marque Bulova (2008) et du groupe suisse Prothor Holding (2012). Cette reprise a permis à Citizen de disposer de mouvements mécaniques pour sa propre collection de montres de luxe Campanola. Bien que la société ne communique que très peu sur ce point, ces produits sont extrêmement originaux sur le marché horloger: il s’agit de montres Citizen équipées de mouvements suisses. Casio, de son côté, connaît un grand succès avec ses montres G-Shock. Certes, sa spécialisation dans les montres digitales et son positionnement dans le segment d’entrée à moyen de gamme ne lui permettent pas d’atteindre la croissance des groupes actifs dans un créneau plus haut de gamme: son chiffre d’affaires horloger tourne autour de 70 à 80 milliards de yens depuis 2000.
On assiste à un véritable retour des montres mécaniques sur le marché japonais. Les horlogers nippons y écoulent 42.5% de leur production en 2013 contre 1.7% en 1992.
Le grand retour de l’horlogerie mécanique L’un des principaux traits marquants de l’évolution de l’industrie horlogère japonaise se trouve dans le retour sur le marché des montres mécaniques de qualité, un segment qui était resté peu développé jusqu’au début des années 2000. De toute évidence, l’objectif est la montée en gamme, comme les marques suisses depuis la fin des années 1980.
gers suisses, n’utilisent qu’un nombre limité de marques: la distinction se fait pour l’essentiel au sein des collections, qui sont réunies sous une même marque. Elles correspondent chacune à des technologies particulières, à l’image, chez Seiko, de l’Astron équipée de GPS, ou à des marchés spécifiques, comme les montres de sport Prospex, les produits d’excellence classique Premier ou les montres de voile Velatura. L’identité de l’entreprise est maintenue et représente un avantage comparatif certain sur le marché domestique, où Seiko bénéficie d’une excellente réputation pour la qualité de ses montres. Avec ce branding, le positionnement peut néanmoins s’avérer plus flou pour les consommateurs non-japonais. Donnons deux exemples de montres «emblématiques» du groupe japonais. Tout d’abord, la Grand Seiko est le modèle de luxe lancé sur le marché en 1960 pour concurrencer les horlogers suisses. Cette sous-marque réunit aussi bien des
Les particularités du luxe horloger japonais
montres mécaniques, à quartz et hybrides (Spring Drive), qui se caractérisent par leur haute précision. Elles sont positionnées sur le segment de prix très compétitif du luxe accessible, où on retrouve également Omega ou Rolex. Une autre montre emblématique de ce groupe est la Seiko 5, une montre mécanique à mouvement à remontage automatique, simple, bon marché et de qualité, lancée vers la fin des années 1960. Elle était à l’origine surtout destinée au marché de masse au Japon et dans le reste de l’Asie. L’intérêt de cette montre, déclinée sous des dizaines de versions jusqu’à nos jours, est la relance récente du modèle original pour le marché domestique japonais. Fabriquée quasiment à l’identique, elle est vendue une centaine de francs au consommateur nostalgique de cette époque.
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pour l’essentiel au marché intérieur. Il faut également souligner ici l’excellente qualité de l’horlogerie mécanique japonaise. Par exemple, Seiko a adopté des standards internes visant à assurer une haute précision aux montres de sa collection haut de gamme Grand Seiko (dont le modèle Hi-Beat 36000 GMT a remporté le Prix de la Petite Aiguille au dernier Grand Prix d'Horlogerie de Genève, ndlr), qui sont plus stricts que ceux utilisés par le Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC). Dans le même esprit, le groupe a internalisé au cours des années 1990 les compétences nécessaires à la fabrication des complications qui font le succès des marques de luxe helvétiques. Seiko a par exemple obtenu en 1997 un brevet au Japon pour une montre tourbillon de sa conception (no. 9-54169), qui a également été déposé aux Etats-Unis l’année suivante (US patent no. 5'838'641), bien que cette innovation ne soit pas utilisée dans ses modèles actuels.
Les statistiques générales de production de l’industrie horlogère japonaise, dominées par les mouvements à quartz analogiques, «masquent» un changement essentiel apparu à la fin des années 1990: le retour de l’horlogerie mécanique haut de gamme. Mesurée en termes de ventes globales (au Japon et à l’étranger), la part des montres mécaniques (comprenant les mouvements) était ainsi en recul au cours des années 1990, passant de 10.9 % du volume total en 1992 à 4.5 % en 2000. Toutefois, on assiste à un véritable retour de l’horlogerie mécanique sur le marché japonais depuis 2000. La part des montres mécaniques vendues sur le territoire domestique par les entreprises horlogères nippones passe en effet de 1.7 % en 1992 à 17.2 % en 2000 et à 42.5 % en 2013. Par ailleurs, la valeur moyenne de la montre mécanique vendue au Japon passe de 3’000 yens en 1992 à 30’000 yens en 2000 et à 48’000 yens en 2013. Il faut souligner que pour l’heure, la montée en gamme de l’horlogerie japonaise se concentre pour l’essentiel sur le marché intérieur: on n’assiste dans le même temps qu’à une faible augmentation de la valeur moyenne de la montre mécanique vendue à l’étranger (2’200 yens en 1992 et 5'600 yens en 2013). La montée en gamme de l’horlogerie japonaise se limite ainsi
La volonté de se développer dans le domaine du haut de gamme n’est certes pas nouvelle: le groupe Seiko avait notamment lancé il y a une trentaine d’années ses propres montres-joaillerie Credor (1982). Cette stratégie de diversification vers le luxe se concentrait déjà sur marché domestique nippon. Ainsi, les montres Credor ne sont exportées que depuis la fin des années 1990. Depuis 2000, le lancement de montres mécaniques haut de gamme s’inscrit dans une perspective identique. Elles sont destinées en priorité aux consommateurs nippons, sensibles au label «Made in Japan» qui accompagne ces produits dans les vitrines des détaillants. Hors de l’archipel, le groupe Seiko a lancé son propre réseau mondial de boutiques monomarques, les «Seiko Boutiques». La première a été ouverte en 2004 à Paris et le réseau comprend actuellement une quarantaine de points de vente, dont environ la moitié dans la région Greater China. La mise sur pied de ce réseau est le signe évident d’une volonté d’internationaliser à présent les débouchés de l’horlogerie de luxe nippone. Les fabricants de montres japonais, contrairement aux groupes horlo-
Une quête incessante de nouveautés Autre spécificité de l’horlogerie japonaise: la permanence de la recherche de nouvelles technologies. Le développement de montres solaires, c’està-dire de montres à quartz sans pile, en est un excellent exemple. Cette in-
novation a notamment donné naissance à la ligne Eco-Drive de Citizen (1995). Le marché des montres solaires est à l’origine une spécialité de cette entreprise. Cette innovation est rapidement intégrée dans de nombreux modèles mis sur le marché par les autres fabricants japonais. De plus, les montres solaires ne sont pas uniquement une innovation technique, mais possèdent une dimension marketing importante: elles permettent aux fabricants horlogers d’offrir au consommateur une montre à quartz à énergie durable et de se positionner comme des entreprises respectueuses de l’environnement. Dans cet ordre d’idées, Casio a lancé une ligne appelée Oceanus (2004), renommée par la suite Edifice pour les marchés occidentaux. Quant à Seiko, elle s’est également lancée dans le développement de montres à quartz sans pile. La technologie utilisée est celle de montres à quartz équipées de systèmes de remontage automatique à rotor, qui fournissent l’énergie nécessaire à la production d’électricité pour l’alimentation du module à quartz. Un premier modèle avait été lancé en 1988 avec la marque Kinetic. Seiko les a multipliés (plus de 90 en 1996), jusqu’à la mise sur le marché d’un modèle complètement hybride, intégrant des éléments de mouvements mécaniques et de mouvements à quartz, le Spring Drive (1999). Une autre nouvelle technologie adoptée par les fabricants horlogers nippons est la radio wave controlled watch. Il s’agit de montres à quartz équipées de modules recevant automatiquement un signal de la part d’horloges atomiques, assurant ainsi constamment une haute précision. L’usage de signaux radio dans plusieurs pays du monde (Japon, Chine, Allemagne, États-Unis) permet un très large usage de ces montres. Par ailleurs, certains modèles cumulent les technologies solaires et contrôle radio. En 2011, Citizen a présenté à Baselworld un nouveau modèle contrôlé non plus par des antennes radio mais par des satellites GPS (Eco-Drive Satellite Wave), ce qui permet l’obtention du temps exact dans l’ensemble du monde. Enfin, les entreprises horlogères japonaises se caractérisent également par la multiplication de montres intégrant les technologies de télécommunication. À titre d’exemple, mentionnons la montre IrWW (Infrared Wrist Watch) développée par un pool de fabricants d’horlogerie et de sociétés de communications nippons, qui permet l’échange de données digitales par infrarouge avec des ordinateurs et des téléphones mobiles (2000), ainsi que la montre-téléphone portable (2003). Ces nouveaux types de montres ne rencontreront toutefois pas le succès commercial espéré. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce ne sont pas des entreprises horlogères qui sont les premières à lancer des smartwatches sur le marché japonais, mais des sociétés électroniques, Sony et Panasonic, qui cherchent de nouveaux débouchés pour retrouver le chemin de la croissance.
AILLEURS DANS LE MONDE
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Chine: l’accord de libre-échange change la donne • Le «Sino-Swiss Free Trade Agreement» a secoué la dernière foire horlogère de Shenzhen. • Plus que dans tout autre secteur, l’accord de libreéchange ballotte les deux pays entre espoir et crainte. PAR JEAN-LUC
ADAM, CORRESPONDANT
D’EUROPA STAR EN CHINE
Au 1er juillet 2014, l’accord de libreéchange entre la Suisse et la Chine est entré en application. Progressivement,
la Suisse étendra sa plate-forme «duty free» de la petite Hong Kong à toute la Chine continentale. Mieux, elle implantera ses propres réseaux de vente dans les principales métropoles du pays. «Avec l’avantage imbattable sur
les réseaux chinois de pouvoir offrir une remise supplémentaire allant jusqu’à 35%!», déclare Mengjin Wang, expert de l’horlogerie chinoise et l’un des négociateurs de l’accord de libre-échange. Prix plus bas, authenticité garantie et service après-vente de qualité, les montres suisses pourraient connaître un second souffle sur le marché chinois. Succès dont ne profiteront guère les entreprises chinoises à cause de la loi Swissness portant à 60% la valeur nationale d’une montre Swiss made, «mesure
protectionniste qui frappera durement les fournisseurs chinois», prévient Eddie W. H. Leung, président de «Horologe Advisory Commitee of HKTDC». Les leaders chinois semblent découvrir la complexité du mécanisme politique helvétique où le peuple reste la pièce maîtresse. Ainsi, le gouvernement fédéral a ouvert un marché que l’initiative populaire a aussitôt protégé, faisant de la petite Suisse la grande gagnante de cet accord de libre-échange. Les négociateurs suis-
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ses enfoncent le clou en exigeant du gouvernement chinois davantage de respect de la propriété intellectuelle avec, à l’appui, une liste de marques chinoises enfreignant les critères du Swiss made. Acculée, la Chine sera contrainte d’appliquer ses propres lois anti-contrefaçon (oui, elle en a!) sans pouvoir se cacher derrière la récurrente excuse du «phénomène culturel». Une liste des contrevenants sera bel et bien dressée. Et l’industrie horlogère chinoise, qu’at-elle à gagner? Avec l’accord, on espère se rapprocher de la Suisse et «y envoyer des Chinois afin d’apprendre à produire des montres de meilleure qualité, à mieux réparer et aussi à comprendre la technologie de la mécanique suisse», déclare Leung. Espoir à priori naïf face à l’une des industries les plus protectionnistes au monde depuis l’attaque du quartz japonais. Wang, quant à lui, propose d’accueillir en Chine les maîtres horlogers suisses à la retraite pour «aider l’industrie chinoise», dit-il en citant un premier candidat fraîchement pensionné, issu d’une vénérable marque de Genève.
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Les Chinois n’ont évidemment pas signé un accord dont le succès repose sur une poignée de vieux maîtres et une fournée d’apprentis! Plus ambitieux, le véritable plan est peut-être plus confidentiel. Rappelons que la Suisse est au cœur d’une Europe en crise qui relève ses barrières protectionnistes. Or, la Suisse peut importer et exporter sans restriction vers l’UE et la Chine pourra graduellement importer et exporter sans restriction vers la Suisse et vice-versa: l’enjeu chinois de l’accord est donc avant tout de créer une tête de pont vers l’Europe. Pour l’industrie horlogère, c’est plutôt l’inverse: acheter des compétences en Suisse pour augmenter la plus-value des montres chinoises. S’étonnera-t-on de découvrir que le premier membre de la toute nouvelle «Swiss-China Investment Platform Association» (SCIPA) est la fédération horlogère de Shenzhen? Cette plateforme assistera les investisseurs chinois à trouver des entreprises en Suisse. Le contraire est aussi vrai, certes, mais les entreprises suisses comptent déjà parmi les investisseurs les plus actifs dans l’Empire du Milieu avec plus de mille entreprises et succursales suisses, employant plus de 120’000 personnes. A son tour, la Suisse doit s’attendre à l’arrivée d’investisseurs chinois, en particulier dans ses petites et moyennes entreprises, réputées pour leurs compétences mais aux capacités parfois limitées. Ceci explique pourquoi l’USAM (union suisse des arts et métiers), puissante organisation faîtière des PME suisses, a vite accepté la carte de membre de la SCIPA. Et dans les allées de la foire horlogère de Shenzhen, on découvre que le savoir-faire suisse intégré aux montres chinoises est déjà en vitrine... Article en intégralité dans le magazine Europa Star
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05.09.2014 «De nombreux observateurs de l'industrie horlogère pensent que les horlogers traditionnels suisses et les groupes technologiques vont de façon imminente trouver un terrain d'entente et sceller des partenariats. Une des voies passerait par l'introduction de smartwatches suisses qui pourraient fonctionner sur n'importe quelle infrastructure software en open source non liée à une programmation de téléphonie mobile qui risquerait de devenir rapidement obsolète. Une marque comme Swatch pourrait aussi devenir un fournisseur attitré de l'industrie des smartwatches grâce à sa maîtrise en microtechnique, en LCDs souples et en technologie tactile. M. Cox de Kepler Chevreux prévient: «Les géants de la Silicon Valley ont beaucoup plus à gagner qu'a perdre en collaborant avec les maisons suisses. En termes de distribution et de retail, l'association avec les grandes maisons suisses pourrait leur apporter un prestige considérable, qu'il s'agisse d'image de marque ou de confiance du consommateur.» Mais pour l'instant, avec des exportations qui atteignent des records et une croissance de 7% à 8%, selon les estimations de BNP Paribas, les dirigeants des grandes marques suisses apparaissent parfaitement détendus – du moins en apparence.»
12.09.2014 «Les horlogers et distributeurs de la république alpine ont connu ces dernières années un essor incroyable. La vente de chronomètres à des prix à cinq chiffres fonctionne bien. L'industrie est principalement tournée vers l’exportation; l'année dernière, la valeur des montres exportées a atteint 21,8 milliards de francs suisses, soit quelque 18 milliards d'euros. Néanmoins, la Apple Watch, qui pourrait selon certaines estimations s’écouler à 30 millions d’exemplaires dès sa première année de commercialisation, pose la plus grande menace à l'industrie depuis les années 1970, lorsque les montres japonaises à quartz et à bas prix l’ont menée au bord de la ruine.»
20.11.2014 «Pour beaucoup d’horlogers et d’observateurs, l’Apple Watch (dont la commercialisation est prévue en 2015, au prix de 345 dollars) ne viendrait concurrencer que les montres dont le prix se situe au-dessous de la barre des 1’000 euros, et qui représentent seulement 20 % du chiffre d’affaires de l’industrie. Les fabricants de montres de luxe ne tremblent donc pas et rappellent à l’envi que l’obsolescence programmée des produits high-tech va à l’encontre de l’éternité promise par les
L’HORLOGERIE SUISSE VUE PAR LA PRESSE éTRANGèRE
garde-temps mécaniques, aussi techniques qu’esthétiques et statutaires. C’est le même raisonnement que dans les années 1970, quand l’industrie dédaignait les montres à quartz considérées comme des «gadgets». Sauf que, lors de cette crise, l’horlogerie suisse a perdu 60 000 emplois.»
20.11.2014 «Le paysage horloger suisse se départage aujourd'hui entre compagnies qui, un peu à la façon des anciens «établisseurs», se procurent leurs comPUBLICITé
posants et leurs mouvements auprès de sources externes – principalement auprès d'ETA – et ceux qui se font forts d'être des manufactures. Parmi celles-ci un nombre croissant de marques non-suisses – basées en Allemagne, aux USA, au Danemark, même en Chine – commencent à faire mentir l'adage qui voudrait que seule la Suisse soit capable de produire des montres de haute qualité. D'après nombre d'observateurs, le chemin à parcourir pour détrôner la Suisse sera long et semé d'embûches. «Je ne vois pas pointer de véritables concurrents», remarque Daryn Schniper, à la tête de la division internationale horlogerie de Sotheby's. «Pour faire une montre et parvenir
à monter une usine horlogère, vous avez besoin d'un capital énorme. Ce n'est pas quelque chose que vous pouvez faire dans votre cuisine.» Maximilian Büsser, fondateur de la marque de niche MB&F est d'accord avec cette affirmation – tout en avertissant: «Le problème n'est pas de se demander si les Suisses vont continuer à dominer. Les acteurs en place vont rester dominants non pas parce qu'ils sont Suisses mais parce qu'ils sont très puissants. Le ticket d'entrée dans ce business est très élevé. Ça n'a rien à voir avec le fait d'être Allemand, Français, Chinois ou Suisse.» Et d'ajouter: «A n'importe quelle marque qui veut se lancer aujourd'hui, je dis: bonne chance!"»
27.11.2014 «Sous la direction de Steve Jobs, jamais Apple n’aurait osé lancer un produit qui ne soit pas encore adapté à une production de masse, explique Nick Hayek. En cela, vous voyez à quelle pression même un géant comme Apple est soumis.» Nick Hayek s’est dit déçu des fonctions présentées sur la Apple Watch. «Toutes ces smartwatches ne vont pas révolutionner notre secteur.» Le responsable a annoncé le lancement de sa propre «Fitness Swatch» pour l’été prochain.»
SMARTWATCHES
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Smartwatch: effet de mode ou révolution électronique? thétique générale, la compatibilité ou l’autonomie limitées, la redondance avec les fonctionnalités des smartphones et la taille de l’écran.
L’heure de vérité approche à grands pas pour les montres connectées: 2015 devrait être une année charnière pour ce secteur en plein boom. Analyse. PAR JULES
BOUDRAND,
SENIOR MANAGER CORPORATE FINANCE, DELOITTE EN SUISSE
Les exportations annuelles de montres-bracelets suisses ont atteint un record de 20,6 milliards de francs suisses (+2 %) en 2013, malgré un recul de 3,6 % des volumes. Une différence entre valeur et volume qui s’explique principalement par l’évolution inverse des montres mécaniques (+ 8 % en volume) et des montres à quartz (chute de 7 %). Les montres mécaniques confirment leur rôle moteur dans cette croissance sur les dix premiers mois de 2014. En constante progression depuis dix ans, elles représentent environ 80 % de la valeur des exportations sur cette année. A l’inverse, malgré des bonnes années 2010 et 2011, les exportations de montres coûtant moins de 200 francs (quasi exclusivement des montres à quartz) ont chuté de plus de trois millions d’unités sur les trois dernières années. Un déclin qui peut être attribué, entre autres, à l’essor d’acteurs étrangers comme Ice-Watch. Or, c’est ce segment qui semble le plus directement menacé par une catégorie ayant connu des développements importants ces derniers mois: les smartwatches. La dernière étude sur l’industrie horlogère suisse, publiée par Deloitte en septembre dernier, fait ressortir que bien que peu concernés par les smartwatches, 44 % des cadres du secteur horloger suisse ayant participé à cette étude les considèrent comme la prochaine «innovation majeure»
2015, l’année du tournant?
de l’industrie. Un résultat révélateur d’une certaine prise de conscience du secteur face à cette nouvelle catégorie en pleine expansion.
Un produit encore immature Le marché des smartwatches est scindé en deux offres de produits distinctes et complémentaires. D’un côté, les «fitness trackers» qui sont des bracelets connectés principalement liés à une activité physique et au «soi quantifié». Ces appareils sont en plein boom mais représentent une menace moins directe pour l’horlogerie traditionnelle. De l’autre, les smartwatches qui apportent, en plus des applications de santé, un «miroir» du smartphone avec les notifications d’appel, de SMS ou encore d’e-mails. Bien que les smartwatches soient en pleine croissance sur les deux dernières années, l’adoption de masse par les consommateurs se fait attendre. Considérées comme relativement «immatures» jusqu’en 2014, plusieurs facteurs ont empêché leur véritable essor, parmi lesquels l’es-
Alors que certains de ces problèmes persistent, des progrès importants ont néanmoins été réalisés côté logiciel et matériel. Avec la version 8.0 d’iOS et Android Wear, Apple et Google ont publié des versions de leurs systèmes d'exploitation mobiles dédiées aux «wearables» (vêtements et accessoires connectés) et aux «applications santé» pour offrir une expérience utilisateur plus convaincante. L'esthétique et la qualité globale ont également été améliorées avec certains des derniers modèles comme la Moto 360 de Motorola et la Galaxy Gear R de Samsung qui offrent des finitions plus soignées, habituellement caractéristiques des montres de luxe, comme le verre saphir, des boîtiers en acier/aluminium, des bracelets cuir/acier interchangeables et surtout un design classique de montre. L’ Apple Watch sera quant à elle disponible en or jaune et rose 18 carats. Elle existera également en deux tailles de boîtiers différentes, 38 et 42 mm, pour notamment couvrir le marché féminin. Ces derniers développements, qui apportent des produits plus évolués techniquement et
La Moto 360 de Motorola et la Galaxy Gear R de Samsung offrent des finitions plus soignées comme le verre saphir, des boîtiers en acier/aluminium, des bracelets cuir/acier interchangeables et surtout un design classique de montre.
plus haut de gamme, laissent à penser que 2015 pourrait potentiellement être une année charnière pour le marché des smartwatches.
Les Suisses s’y mettent aussi Il est encore tôt pour évaluer l’impact, tant en termes d’opportunités que de menaces, du développement des smartwatches sur les offres traditionnelles de l’industrie horlogère suisse. Le secteur de l’horlogerie mécanique moyen à haut de gamme semble peu concerné du fait d’un positionnement différent, que ce soit en termes de prix, d’image, de représentation de statut social, d’objet d’art ou encore d’obsolescence. Au niveau de l’entrée de gamme, les menaces semblent en revanche plus concrètes mais la Suisse dispose de nombreux atouts à faire valoir: des marques fortes et reconnues dans le monde entier, un savoir-faire en termes de design et de distribution, un accès aux technologies du Centre Suisse d'Electronique et de Microtechnique (CSEM) et le label
Contradictoire
Smartwatches et pirates
«J'en ai acheté quelques-unes dès leur sortie, y compris celle de Samsung, et c'était franchement décevant.» Dans un entretien avec l'Australian Financial Review, le cofondateur d’Apple Steve Wozniak s'est montré sceptique à l'égard des montres intelligentes dont personne, selon lui, n'a encore démontré la réelle utilité.
Qui sera la première victime d'une cyberattaque via une montre connectée? La question peut sembler absurde mais ne l'est pas du tout. C'est même la très sérieuse organisation Europol qui met en garde dans un rapport publié cet automne: une vague de cybercriminalité est à prévoir qui utilisera les nouveaux canaux des objets connectés. On évoque même le «premier cybermeurtre» qui ne devrait pas tarder et qui, selon une autre étude, américaine celle-ci, devrait avoir lieu dans les tout prochains mois… Le Monde, qui évoque cette question, raconte que Dick Cheney, l'ancien vice-président américain, a annoncé publiquement en 2013 «avoir fait éteindre les fonctions connectées de
«Nous voulons faire le meilleur produit au monde. L’un de nos concurrents en est à son quatrième ou cinquième essai et personne ne porte sa montre connectée», a expliqué à Bloomberg Businessweek Jeff Williams, vice-président en charge des operations chez Apple.
DR
Versus
Galaxy Gear R de Samsung
Motorola Moto 360
son stimulateur cardiaque afin d'éviter d'être la première victime d'un cyberterroriste». (Vous pouvez le vérifier en allant voir sur YouTube la vidéo «Dick Cheney Worried About Remote Assassination Attempt Via Pacemaker».) Certes, une montre connectée n'a pas la même fonction vitale qu'un pacemaker mais elle pourra contenir suffisamment de données sensibles (sur notre activité, nos déplacements, nos rendez-vous, nos modes de paiement, nos contacts, etc…) qui, une fois hackées, pourraient servir à bien des usages à visées criminelles. «L'intelligence intégrée aujourd'hui dans un frigidaire, un équipement médical ou une voiture, c'est l'équivalent d'un PC, ex-
Swiss made, véritable gage de qualité. Sur le segment d’entrée de gamme, Swatch Group semble être le plus à même de proposer une alternative concrète, le CEO Nick Hayek ayant d’ailleurs annoncé que plusieurs produits connectés devraient être disponibles d’ici Baselworld 2015. Les révélations récentes de projets en cours chez certaines autres marques comme Frédérique Constant, Festina ou encore TAG Heuer (qui vient d’annoncer être en pleine négociation avec Intel) montrent que l’industrie horlogère suisse planche désormais sur des alternatives. Si certaines incertitudes demeurent, il semble que la meilleure réponse de l’industrie horlogère suisse serait de s’appuyer sur ses atouts pour proposer un vrai produit horloger connecté en alternative aux «smartphones de poignet» actuels.
44%
La proportion des cadres supérieurs de l’industrie horlogère suisse qui considèrent la smartwatch comme la prochaine «innovation majeure» pour le secteur.
plique Guillaume Poupart, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des système informatiques (France), et cela peut se pirater comme un PC, mais la problématique de la sécurité dans l'industrie des outils connectés est beaucoup moins prise en considération que dans l'informatique traditionnelle.» L'essayiste français Paul Virilio expliquait qu'avec l'invention de chaque nouvelle technologie on inventait un nouveau type «d'accident». A quand donc «l'accident» de la montre connectée? Ou «l'accident» de la brosse à dents connectée? (PM)
smartwatcheS
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La riposte Swatch
y aura plus de chargeurs que de vêtements dans ma valise… Par ailleurs, les montres connectées actuelles sont fragiles: leur forme carrée ou rectangulaire ne garantira jamais une étanchéité comparable à celle d’une montre ronde. Enfin, la distribution représentera un problème pour ces marques. Sans doute pas pour Apple, certes, mais pour les autres: les détaillants vont-ils réellement déplacer des Tissot de leur vitrine pour leur laisser de la place? Ces produits ont un côté très éphémère, ils se ringardisent rapidement. Ils seront plutôt distribués dans les grandes surfaces de l’électronique.
Comme Swatch, Tissot entend lancer une montre connectée très différente des produits d’Apple et de Samsung. Entretien avec son directeur François Thiébaud. propos recueillis par Serge
Maillard
Lorsque le géant californien Apple a annoncé le lancement de sa montre connectée pour 2015, les regards se sont immédiatement braqués sur deux marques suisses, qui semblaient dans la ligne de mire du géant californien: Swatch d’une part, Tissot d’autre part. Toutes deux ont annoncé qu’elles allaient lancer leurs propres produits connectés. Mais la «connexion» est un vaste mot, qui recouvre des possibilités innombrables. S’il ne veut pas dévoiler trop avant la configuration de sa future montre connectée, François Thiébaud, le directeur de Tissot, a accepté de révéler les contours du projet à Europa Star. Il livre ainsi sa vision de la montre connectée «à la suisse». Entretien. Vous aviez annoncé que vous lanceriez une smartwatch fin 2014. Où en est ce projet? Tissot, comme Swatch d’ailleurs, va présenter une montre connectée avant Baselworld. Je tiens du reste à rappeler que le Swatch Group a été précurseur de la montre connec-
tée, avec les modèles Paparazzi ou Access par exemple. En quoi vos montres connectées se distingueront-elles de celles d’Apple ou de Samsung?
Si ce marché vous paraît si peu porteur, pourquoi vous lancer vous aussi?
D’abord, nous sommes une marque suisse! Nous ne pouvons donc pas prendre le risque de perdre le «Swiss made» en lançant un produit connecté. Or, nombre de composants viennent de l’étranger. Par ailleurs, dans la mesure du possible, nous voulons préserver notre autonomie vis-à-vis de prestataires extérieurs. Pour vous, quels sont les handicaps des montres connectées actuelles? D’abord, elles doivent être obligatoirement connectées à un smartphone, par exemple un modèle onéreux d’Apple. Si l’on additionne le coût de la montre à celui du téléphone, on ne peut plus vraiment parler de concurrence dans l’entrée de gamme! Autre handicap: il faut charger ces montres très régulièrement. Si je dois avoir un chargeur pour l’iPhone, un pour l’iPad et un pour l’Apple Watch, bientôt il
François Thiébaud, directeur de Tissot
«Nous voulons préserver notre autonomie vis-à-vis de prestataires extérieurs.»
La concurrence nous encourage, elle nous stimule! Evidemment, on ne peut pas aller contre les technologies. Mais nous autres, horlogers, allons proposer quelque chose de différent des produits de ces géants de l’électronique. On pourrait par exemple imaginer un bracelet connecté à une montre mécanique, qui donne accès à certains points de passage sécurisés. Par ailleurs, il y a peut-être même un avantage pour nous: des jeunes qui ne portaient pas de montres vont être initiés à l’horlogerie via la montre connectée. La première fois que l’on goûte du cognac, on n’en apprécie pas forcément le goût. Il y a un apprentissage du luxe, qui prend du temps. Sinon, comme le disait Nicolas Hayek Sr., autant couper son cigare avec les dents…
Un débat qui court de la Corée du Sud à la France Premiers cas
par Jean-Luc
Adam, correspondant
d’europa star en chine
Geoffrey Kao (Hong Kong) lance le débat en citant quelques phases relevées dans les médias: «Les smartwatches seront adoptées par les consommateurs car elles sont relativement peu intrusives et capables de fonctionnalités que des smartphones ne peuvent offrir», «Google a lancé un système opérationnel pour smartwatch – Android Wear – déjà utilisé par onze fabricants», «Hong Kong a tous les ingrédients
montres analogiques. Finalement, on a assisté à la renaissance de la montre mécanique analogique…» Patrice Besnard reste donc positif: «La montre classique est aussi un bijou et, à ce titre, on peut même penser que la smartwatch stimulera l’intérêt pour l’horlogerie.»
De son côté, Zhang Hong-Guang (Chine) souligne qu’«il faudrait d’abord la définir avec précision, la smartwatch sera-t-elle une montre indépendante ou obligatoirement le binôme d’un smartphone? Et il y a le problème de la faible autonomie des batteries, loin des standards de l’horlogerie.» Takashi Yamamoto (Japon) précise: «Nous sommes dans une position similaire à celle de la Corée
du Sud, nous produisons à la fois des montres classiques et des smartwatches. La montre classique répond aux canons de la mode et est aussi plus artistique, alors que la smartwatch restera fatalement plus fonctionnelle, ce qui devrait en principe moins intéresser la clientèle féminine. Pourtant, certaines fonctionnalités risquent de devenir indispensables à leurs yeux comme l’appel d’urgence en cas d’agression.» Patrice Besnard fait rire l’audience: «Et avec une smartwatch au poignet, elles ne perdront plus de temps à chercher leur smartphone perdu au fond du sac...». Le représentant de l’horlogerie française reprend son sérieux pour s’adresser à son collègue coréen Kim «Vous vous rappelez, il y a dix ans, nous débattions sur un sujet fort semblable: vous affirmiez qu’avec l’arrivée des smartphones, les jeunes n’achèteraient plus de montres traditionnelles, puisqu’ils pouvaient lire en gros l’heure exacte sur l’écran tactile. Or aujourd’hui, l’horlogerie se porte mieux que jamais.»
de plagiats
DR
• La montre connectée ouvrira-t-elle vraiment un marché estimé à 50 milliards de dollars à l’horizon 2018? • Regards croisés des présidents de plusieurs fédérations horlogères, rencontrés à Hong Kong.
pour devenir la future capitale de production des smartwatches». Amusé, Monsieur Kao rappelle que la montre radiotéléphone des BD de Dick Tracy des années 1940 était une pure science-fiction, devenue réalité 70 ans plus tard… Mais certains observateurs pensent que «même si la technologie le peut, elle ne répondra pas forcément à une demande de la société». C’est le cas de Dae-Boong Kim (Corée du Sud): «Les Coréens ne perçoivent pas les smartwatches comme des montres proprement dites, mais plutôt comme des instruments électroniques. Nous pensons que leur essor n’impactera pas l’industrie horlogère.» Patrice Besnard (France) complète: «Nous nous sommes penchés sur la question pour finalement comprendre que les smartwatches se heurteront à un problème: la technologie évolue rapidement et les modèles se démoderont tout aussi vite. Et puis, l’arrivée des smartwatches nous a rappelé l’époque des premières montres digitales durant laquelle on prédisait la fin des
Certains sites proposent aujourd’hui de télécharger les visuels de marques horlogères suisses connues sur le cadran de sa smartwatch: c’est le cas, par exemple, de FaceRepo pour le système d’exploitation Android. Rien de plus facile, aujourd’hui, que d’afficher le cadran de l’Oyster Perpetual de Rolex sur un écran Samsung ou Motorola. Des sociétés horlogères suisses, dont Swatch Group ou Mondaine, comptent empêcher – ou du moins freiner – cette tendance. Elles ont demandé à FaceRepo de retirer ces modèles. Reste qu’il sera très difficile de «verrouiller» un univers aussi ouvert qu’internet. Cinéastes et musiciens en savent déjà quelque chose… Les horlogers en font aujourd’hui l’amère expérience. (SM)
DéBATS & OPINIONS
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«Nous avons gagné la bataille de la mode et perdu la guerre du poignet» • Plusieurs personnalités ont fondé le Watch Thinking, premier think tank dédié à l’horlogerie. • Ils réfléchissent notamment au lien entre montres et nouvelles technologies. • Entretien sans langue de bois. propos recueillis par Serge
Maillard
Ils sont indisciplinés, forts en gueule, rebelles. Difficile, pour le journaliste, de contrôler ses troupes: des francs-tireurs qui se réunissent régulièrement, dans les Montagnes neuchâteloises, pour parler d’horlogerie, de philosophie, d’anthropologie du poignet. Le passé, le présent et l’avenir de la montre. L’un est un des pères de la Swatch et a lancé le centre d'innovation Creaholic; un autre est un mathématicien agitateur d’idées qui a entre autres été le premier Consul scientifique de Suisse à Boston; un troisième est un industriel et entrepreneur horloger reconnu, à la tête de Vaucher Manufacture; un quatrième, enfin, est un ethnologue impertinent qui a révolutionné son domaine.
a été introduite afin d'être capable de gérer ses relations aux autres. Il était inévitable que les montres cherchent des niveaux de connexion plus vastes, grâce aux nouvelles technologies. Comtesse: On assiste à une forme de retour aux sources. La montre connectée revient sur cette fonction première du garde-temps, celle de relier les uns aux autres! Mock: C’est fondamental. Car ces derniers temps, on s’est beaucoup concentré sur les fonctions annexes à l’heure, les complications. C'est tout à fait admirable, mais c'est du «Tinguely moderne». Est-ce que demain sera la continuité de cela?
Le prestige de la montre suisse va donc demeurer intact?
Mais les smartwatches ne semblent pas avoir une durée de vie très longue.
Justement, la montre connectée va-t-elle attaquer la montre suisse?
Hainard: La montre de luxe reste un objet de reconnaissance très fort. Lors d’un dîner ou d’une réception, la première chose qu’on regarde chez quelqu’un, c’est la montre. Avec celle que je porte, je dois compenser par mon discours (rires). Je pense que ce créneau-là va encore perdurer bien plus longtemps qu’on ne l’imagine.
Mock: C'est vrai que j'ai acheté une montre Pebble, je l’ai essayée mais je n’ai pas été satisfait…
Mock: Pas directement. Il est vrai qu'à travers la montre connectée, on n’attaque pas la montre à dix francs, mais celle entre 100 et 800 francs. Cependant, il n'y aura pas de diminution du marché, plutôt une nouvelle répartition des cartes. Le marché va s'agrandir de nouveaux clients. Admettons que cette augmentation soit de 10%, soit une production supplémentaire de 100
Comtesse: Mais il faut faire attention à ne pas rester enfermé exclusivement dans la «niche des riches» et encore moins dans le «blingbing». Dans les années 1970, l’industrie horlogère suisse produisait 100 millions de montres mécaniques. L’année passée, nous avons produit 28 millions de montres, dont seulement 5 millions de mécaniques. Pour l'instant, nous tenons
re du poignet. Aujourd'hui, sur 200 montres produites dans le monde, une seule est suisse. Comtesse: Il faut nuancer. Sur le milliard de montres produites chaque année, 90% coûtent moins de dix francs. Et celui qui a acheté une montre à moins de dix francs rêve d'une montre suisse!
Dubois: On peut adapter la montre à l’humeur du moment…
Elmar Mock, Xavier Comtesse, JeanDaniel Dubois et Jacques Hainard. Fortes de leurs expériences et de leur regard critique, ces personnalités qui brassent les savoirs ont récemment décidé de lancer, avec d’autres, le premier «think tank horloger» au monde, baptisé Watch Thinking. Impossible de les contrôler? Alors laissons-les parler. Car c’est une vraie scène de théâtre qui se joue sous nos yeux. Ces joyeux drilles s’interrompent, se disputent parfois, souvent sont d’accord. Ils se stimulent. Comment fonctionne vraiment un think tank? Les envolées lyriques et métaphores animalières succèdent aux déclarations politiquement incorrectes. Instants volés d’une séance ordinaire et déjantée du Watch Thinking. Prière de laisser ses bonnes manières au vestiaire. Excessifs? Contradictoires? Sans doute. On recollera les morceaux plus tard.
Quel regard portezvous sur l'arrivée des montres dites «connectées»? Mock: On parle de «connexion» comme si c'était l'apanage des smartwatches! Or, l'heure n'a de sens que dans la connexion à l'autre. Une montre, même traditionnelle, est le symbole de la connexion entre être humains. Si je suis seul dans le désert ou dans la jungle, l’heure n’a pas d’importance, L’horlogerie moderne
Comtesse: Quelques deux millions de smartwatches ont tout de même été vendues l'an passé, et celles de Samsung et Google marchent de mieux en mieux. Personnellement, je trouve que le design de la «Apple Watch» est raté. Son seul effet de nouveauté, sa vraie folie, c'est qu'elle est programmable. Toutes les futures montres connectées le seront. Cela veut dire que je peux transformer l'écran pour faire apparaître l'image que je veux, par exemple celle d'une montre suisse... Jusqu'à présent, le monde de l’horlogerie n’a jamais donné à quiconque la possibilité de programmer une montre. C'est une rupture.
Elmar Mock
Xavier Comtesse
Comtesse: En cinq ans, l'heure s’est dématérialisée. Elle a commencé à échapper à la montre. Aujourd'hui, une partie de la population s'est mise à regarder l’heure sur son téléphone mobile. On peut se dire que ce n'est pas important, car on vend surtout du luxe, une idée et de l'émotion avec une montre traditionnelle. Mais c'est tout de même problématique. Faire un moteur horloger bien équilibré, c’est une prouesse. On ne peut pas l’écarter soudainement d'un revers de la main en disant que la précision n’a plus d’importance. Dubois: Ce que je trouve intéressant avec la montre connectée, c’est que cela ramène au moins l’instrument au poignet! Beaucoup de jeunes ne portent plus de montres aujourd’hui. Il y a une reconquête du poignet. Mock: Mais la guerre du poignet, la Suisse l’a malheureusement perdue depuis longtemps! Nous avons réussi à gagner la bataille de la mode, qui est une niche de la guer-
Jacques Hainard
Jean-Daniel Dubois
«Aujourd'hui, sur 200 montres produites dans le monde, une seule est suisse.» millions d'unités par an. Cela correspond à 50 milliards de francs de ventes. Et cela veut dire que le chiffre d'affaires du secteur des montres connectées sera supérieur à celui du luxe. L’horlogerie suisse ne sera plus numéro un en terme de valeur. Et cela va être un choc moral. Sommes-nous prêts à y faire face? Il y a un nouveau marché extraordinaire qui s’ouvre et c’est bien dommage que l’horlogerie suisse n’y participe pas, pour l'instant. Comtesse: En fait, une montre connectée n'est pas vraiment une montre. Elle fait partie d'un ensemble beaucoup plus vaste, que l'on appelle l'«internet des objets». Accessoirement, elle donne l'heure. Et ce sont des utilisateurs souvent jeunes, qui n'avaient pas forcément de montre au poignet, qui vont l'acheter.
sur la valeur. Mais nous avons déjà perdu la masse. Apple, Samsung et Google veulent la reconquérir, avec des produits bien plus chers que les montres à moins de dix francs. Mock: Tout de même, cette «niche» des riches, comme tu l'appelles, a su se développer et les montres suisses sont bien plus esthétiques qu'il y a 20 ans. On peut le saluer. Mais le problème, c'est que nous avons mis tous les efforts là-dessus, au détriment d'autres possibilités de développement. Ce qui est intéressant avec ce nouveau marché des montres connectées, c’est qu'il vise aussi les classes moyennes et supérieures. Il s'adresse à tous. Alors qu’avant, avec la quantité, on cherchait surtout le bas de la pyramide sociale, la masse.
Mock: Pour moi, un mouvement traditionnel est un cadavre industriel. Il reste sous cette forme jusqu’à sa mort. Il est figé. Alors que la montre programmable, c’est un incroyable potentiel de régénération permanente. Comprenez-moi bien: cela ne va pas tuer l'horlogerie traditionnelle. Mais cela répond aux aspirations d'une partie de la population. La question-clé, maintenant, est de savoir si l'on veut participer à ce nouveau marché ou pas. Je pense que nous en sommes tout à fait capables. Pas en copiant les autres mais en trouvant une voie «suisse», plus souple, moins liée à une tribu qu'Apple ou Samsung. Et là, il y a un vrai potentiel. Dubois: C’est un enjeu exceptionnel! Comtesse: Une nouvelle profession va apparaître, celle d'«horloger-programmeur». Demain, 100'000 personnes vont proposer des applications pour les montres connectées. Il y aura des «killer apps». On ne sait pas encore d’où elles viendront, en quoi elles consisteront. Mais pour se donner une chance d'y participer, on devrait ouvrir des formations de programmation horlogère dès aujourd’hui et ici-même, au cœur de la Watch Valley! Hainard: Nous vivons un moment extrêmement fort, passionnant. Après 12'000 ans, nous sortons enfin aujourd'hui de l'ère néolithique! Partout, dans tous les domaines, il y a de la rupture.
DÉBATS & OPINIONS
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A LIRE DANS LE NUMÉRO ACTUEL (6/14-1/15)
A LIRE DANS LE PROCHAIN NUMÉRO (2/15)
Le plafond de verre des indépendants Europa Star a décidé d'organiser régulièrement dans ses colonnes des tables rondes destinées à confronter diverses opinions de professionnels du secteur horloger au sujet de thématiques d'actualité. Après celle qui a réuni les fondateurs du think tank Watch Thinking autour de la problématique des montres connectées (lire en page 21), nous avons décidé d'organiser une table ronde que nous avons appelée «Le plafond de verre des indépendants». Au départ, il y a ce message, envoyé à la rédaction par un haut responsable d'une grande marque, et qui nous a interpellés:
◆ EDITORIAL 23, 237, 000 ◆ SIGNALS
«Peu à peu se masque la beauté intrinsèque de l'univers de l’horlogerie. Un univers devenu dur, au fil des années, si loin du contenu, si loin d’une réflexion profonde sur le bien-fondé des attitudes, des discours, des stratégies. Surgissent encore des miettes de beauté qui échappent à la rude loi de l’économie, de la rentabilité, de la compétitivité absurde…»
◆ COVER STORY Chanel’s secret garden ◆ TRÈS HAUTE HORLOGERIE Patek Philippe’s other jewels ◆ GALLERY Black & White ◆ DIVING WATCHES Blancpain – The man, the watch and the sea ◆ BACK TO THE FUTURE Smartwatches: the Swiss response ◆ STRATEGIES The rise and rise of Louis Vuitton ◆ SIHH 2015 Ladies’ watches: yesterday and today Internet: new heights for Haute Horlogerie ◆ HONG KONG Watches & Wonders 2014: small is… wonderful ◆ RESTORATION The Jaquet Droz Museum watch ◆ WATCH CLUB Eleven James – Luxury isn’t just for owners anymore ◆ EXPRESS INTERVIEW “Luxury brand boutiques all look alike” ◆ DISTRIBUTION Pierre DeRoche – “It’s becoming harder and harder to be represented in a multibrand boutique” ◆ RETAILER PROFILE Frojo – Selling watches at the top of the world ◆ SERVICE, PLEASE! Softening after-sales delays with “courtesy watches” ◆ ONLINE RETAIL Bricks and clicks: the new battle of the web ◆ LAKIN@LARGE And the winner is… without tears
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770 millions de francs Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
Il nous a semblé que ce rude constat – ou cette opinion, c'est selon – avait tout à voir avec la thématique de l'indépendance dans le secteur horloger. En effet, la décennie écoulée a vu la naissance de nombre de nouveaux indépendants passionnés de contenu et oeuvrant principalement dans le haut de gamme mécanique. Après quelques années d'investissement et de développement, nombre de ces petites marques – qui ont aussi fait office de véritable laboratoire de recherche horlogère – se retrouvent au pied du mur ou, plus exactement, le nez contre un plafond de verre. En effet, passée l'euphorie de l'accueil médiatique et des premières étapes de production, ces marques se retrouvent souvent face à des difficultés de tous ordres qui les empêchent de passer à la vitesse supérieure et de prendre leur véritable envol. Ces difficultés se situent aussi bien en amont – fournisseurs rachetés par les groupes, délais de livraisons, recherche de savoir-faire – qu'en aval – difficulté de pénétrer les réseaux de vente, verrouillage de la distribution, frilosité des détaillants. A ceci, il convient aussi d'ajouter le fait que bien souvent les temps de gestation et de mise au point ont été négligés ou sous-estimés par ces jeunes pousses désireuses d'aller vite dans un environnement de plus en plus concurrentiel et un univers horloger saturé. Au final, nombre de ces petites entreprises indépendantes se voient contraintes de fermer ou se font racheter. Car parallèlement à leur développement, l'horlogerie s'est très fortement verticalisée et concentrée, que ce soit au niveau de la création et de la production ou de la distribution. Cette concentration en mains de quelques puissants groupes rivaux cotés en Bourse a transformé fondamentalement une industrie autrefois fragmentée en sociétés souvent familiales, la soumettant à la «rude loi de l'économie» mondialisée: exigences accrues de rentabilité, financiarisation, rationalisation, verticalisation, accroissement de la compétitivité, domination du marketing, verrouillage de la distribution… Alors qu'auparavant tout commençait «à l'établi», que «l'horloger» était au centre, celui-ci est devenu le simple maillon d'une chaîne de production et de distribution qui commence bien en amont – où se prennent les décisions stratégiques - et finit bien en aval – où règne la compétition. Dans ce processus de «destruction créative», comme aiment à l'appeler les économistes libéraux, l'horlogerie est-t-elle en train de perdre petit à petit ce qui a fait son attrait séculaire? Son «âme» n'est-elle plus qu'une coquille vide, a-t-elle déserté «l'établi» pour ne plus s'afficher que dans la communication? En perdant ainsi une partie de sa substance, l'horlogerie est-elle aussi en train de perdre son «âme»? Mais a-t-elle jamais eu une «âme»? A lire dans le prochain Europa Star International (en anglais, parution début mars) et dans le prochain Europa Star Première (en français, parution avant Baselworld).
«En design, le culte de la vitesse compromet l'innovation» Nicole Dupont, designer depuis près de trente ans pour l’industrie horlogère, retrace sans concession la manière dont son activité a évolué. PAR
NICOLE DUPONT, DUPONT DESIGN
…Avant, «A la demande du mandataire, il y avait une première rencontre en «tête à tête». Puis une présentation détaillée couvrant l’historique des produits de la marque en question, suivi d’un partage très transparent des objectifs, parfois utopiques et sans limites, que j’étais priée d’atteindre. Jusque dans les années 2000, le temps d’étude en complicité avec le mandataire et la marge de manœuvre en terme de liberté d’expression étaient mes plus forts alliés. Ce rythme esquissé dans la durée reste encore à mon sens l’ingrédient primordial afin de concevoir, de modeler et de contribuer à la naissance des nouveaux produits souhaités. Qu’il s’agisse de produits populaires abordables ou de produits de luxe élitistes, le processus créatif que j’adopte est identique. Tout commence par un trait de crayon esquissé à la main. Puis, je transpose mes intuitions sur du papier calque, couches par couches jusqu’à l’aboutissement de la forme de base.»
…Depuis, «Tout a pris de la vitesse, grâce ou à cause de l’émergence de nouvelles technologies. Des coups d’accélération qui me pousseraient presque à revêtir une combinaison de pilote de chasse! Parfois bénéfique, la propulsion dans le futur grâce à l’animation virtuelle d’un produit encore irréel peut aussi nuire au résultat attendu. Notre cerveau, si prompt à s’enthousiasmer sur des images souvent improbables et im-
Dupont Design – Blancpain
EUROPA STAR INTERNATIONAL
palpables, déchante souvent devant le défi de la faisabilité. De plus, pour épargner du temps sur la recherche et le développement au sein d’un marché exigeant de plus en plus un retour sur investissement à très court terme, certaines étapes cruciales telles que la remise en question d’un briefing ou des produits du passé sont parfois court-circuitées. La création «intuitive» en pâtit.»
…Aujourd’hui, «Je n’ai plus d’interlocuteur unique en face de moi, mais me retrouve confrontée à un «product team» tendu devant des budgets et des coûts à maintenir. Toujours plus, mais pour moins! Dorénavant, dans mon cahier des charges c’est la performance qui prime, et de surcroît en un temps record. Les objectifs que je suis censée atteindre sont plus flous, malgré un encadrement temporel plus que clair: vite, il faut faire vite! Sans parler des chaises musicales: à peine ai-je reçu la carte de visite de l’un des membres du «product team» que ce dernier a déjà changé d’employeur… et son patron de groupe… Dans ces conditions, mieux vaut rester zen. Et qui sait? Certaines marques sont sans doute en train de «redessiner» du temps et de tirer avantage de leur glorieux passé pour savourer le délicieux présent! Pour plus de précisions, rendez-vous à l’édition 2015 du SIHH…»
APPEL À CONTRIBUTIONS… ET AU DÉBAT! Vous souhaitez vous aussi vous exprimer sur un sujet qui vous tient à cœur dans l’industrie horlogère, que ce soit pour une analyse, un cri du cœur voire un «coup de gueule»? Nos colonnes vous sont ouvertes. Il vous suffit de nous contacter via l’adresse suivante: press@europastar.com.
NOUVEAUX VISAGES
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Slow Watch: une montre volontairement imprécise C’est la nouvelle montre qui buzze sur les réseaux sociaux. Christopher Noerskau et Corvin Lask expliquent comment ils ont réussi à faire de leur Slow Watch un produit très visible en peu de temps. PROPOS RECUEILLIS PAR SERGE
aux banners et pubs Google. Et récemment, nous avons fini par lancer un spot TV diffusé sur Euronews. Christopher Noerskau: Par ailleurs, les distributeurs prennent une marge trop importante par rapport aux quantités que nous vendons et nos coûts de production. Il faut trouver un avantage à tout faire en ligne: certaines petites marques utilisent trop de canaux et leur message se brouille.
Qui sont vos clients? Corvin Lask: Nous voyons de tout, du villageois de 60 ans à l’étudiant de 20 ans. Chacun se fait sa propre interprétation du temps et de la lenteur. Beaucoup de gens concrétisent leur envie de ralentir, ils se sentent comme un hamster en cage ou en mode «autopilote». Parce qu’il est devenu si précis, le temps a perdu sa beauté dans l’imaginaire de beaucoup de gens. Nous proposons un rythme naturel de 24 heures sur le cadran, contrairement aux 12 heures qui sont totalement artificiels. On n’a pas besoin du temps exact: dans 90% des cas il suffit de savoir qu’il est près de 16h. Dans les cas restants, on a toujours son smartphone!
Greco, sous le signe de l’écrou C’est au show-room Lamborghini de Genève, à deux pas de ses ateliers, que Greco a invité son public pour son lancement. Le lieu n’est pas incongru: Stéphane Greco, qui a choisi de lancer sa propre marque après 23 années de sous-traitance pour des marques prestigieuses, est un passionné d’automobiles. Son design s’en ressent. Tandis qu’en horlogerie les formes mythiques sont souvent issues de la fonction, la marque genevoise «inscrit sa démarche à contre-courant: elle métamorphose l’écrou industriel, un objet incarnant le summum de la fonctionnalité, en
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Sur Facebook, elle est incontournable. Lancée début 2013 par deux Allemands, Christopher Noerskau et Corvin Lask, avec la complicité de designers suisses, la Slow Watch a un concept très simple: elle figure sur son cadran les 24 heures en lieu et place des 12 heures traditionnelles. Et une seule aiguille, celle des heures. Autre particularité: elle n’est disponible quasiment qu’en e-commerce. Affichant un prix de 250 francs environ avec un mouvement quartz Swiss made, la Slow Watch s’est écoulée à plus de 10'000 exemplaires en 2014. Rencontre avec les deux fondateurs de cette start-up basée à Hambourg.
Comment a démarré l’aventure Slow Watch? Christopher Noerskau: J’avais eu une expérience dans le monde de l’horlogerie, dans le segment fashion en Allemagne. Mais j’étais frustré de la longueur de la chaîne entre le produit et le client. La relation est souvent très diluée. A l’inverse, avec les montres Slow, nous avons une histoire simple à raconter et notre business model est horizontal. Pourquoi avoir choisi d’être présents uniquement en ligne? Corvin Lask: Nous n’avions pas un milliardaire pour nous épauler et avons ainsi pu essayer beaucoup de choses avec peu de moyens, que ce soit sur Facebook, via les banners ou les pubs Google, Amazon, LinkedIn. Nous ne devions pas investir dans des films ou des shooting photos très chers. C’est d’abord Facebook qui a bien marché, mais cela devenait plus cher au fur et à mesure des clics. Nous sommes ensuite passés
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un attribut de luxe tendance, urbain et contemporain». Bref, un «véritable calibre horloger de bienfacture helvétique, gage de précision et de qualité, dans une boîte en forme d’écrou contrôlée étanche», qui séduira les passionnés de mécanique. (SM)
PORTRAIT
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Chanel, ou comment résister à la surenchère mécanique La collection de montres de joaillerie Mademoiselle Privé illustre la philosophie horlogère de la marque: mettre la technique au service de l’esthétique. Loin de l’obsession du tout-mécanique. par
Serge Maillard
Gabrielle «Coco» Chanel a imaginé un univers poétique dont la collection «Mademoiselle Privé» – deux mots qui figuraient sur la porte de son studio de création – offre depuis 2012 une nouvelle interprétation, en alliant les métiers d'arts de l'horlogerie et de la Haute Joaillerie. La comète, la plume, le camélia (sa fleur fétiche), le lion (son signe astrologique), les paravents en laque de Coromandel dont elle décorait ses appartements: autant de motifs qui, sous les doigts des émailleurs, graveurs, ciseleurs, sertisseurs et brodeurs, écrivent une nouvelle page de l'histoire de l'horlogerie de Chanel. «L’acquisition successive d’ateliers de brodeurs, plumassiers, bottiers ou encore chapeliers traduit notre attachement à des entreprises avec lesquelles Chanel partage depuis toujours des exigences de qualité, d’exclusivité et d’innovation. Nous avons la chance de pouvoir puiser dans ces nombreux métiers d’arts. Et sur cette vaste palette, nous pouvons sélectionner les techniques les mieux adaptées à l’horlogerie», précise Nicolas Beau, Directeur International de l’Horlogerie. La collection «Mademoiselle Privé» s'enrichit ainsi de nouveaux savoirfaire, déployant sur les cadrans
des techniques comme l’émaillage «grand feu», la nacre sculptée, la marqueterie de nacre, la laque japonaise, la gravure, le serti neige et, bien sûr, la broderie.
Un travail d’orfèvre Présenté en 2013 et limité à 18 exemplaires, le premier modèle brodé par la Maison Lesage selon la technique de la «peinture à l'aiguille» a été récompensé dans la catégorie Métiers d’Art au Grand Prix d’Horlogerie de Genève. Une récompense qui consacre la rencontre de la Haute Couture et de l’horlogerie, selon le jury. Les brodeuses ont dû se pencher sur leur ouvrage une vingtaine d’heures pour la réalisation de cette montre. Encore plus précieux, les nouveaux modèles sont réalisés en fils d’or, paillons d'or, perles et diamants. «On pourrait presque parler de pièces uniques dans leur cas, estime Nicolas Beau. Comme chaque cadran est brodé à la main, on note systématiquement de petites variations d’un modèle à l’autre.» Ces nouveaux modèles ont été commercialisés au mois d’octobre dernier. Dans cette offensive de charme centrée sur les métiers d’art, la division horlogère bénéficie d’un atout de taille: la notoriété des bro-
deries de la Maison Lesage à travers le monde. «Sa réputation est telle que pour nos clientes, notamment en Asie, à Hong Kong, à Taïwan ou en Corée du Sud, la légitimité de ces modèles est une évidence. Pour elles, c’est une évolution tout à fait naturelle que de voir la broderie orner les cadrans de ces montres bijoux.» Volontairement sobre, la boîte, assemblée chez Châtelain, la manufacture de Chanel à La Chaux-de-Fonds, s’efface le plus possible au profit du cadran très travaillé. «Nous avons toujours pris le parti de mettre la technique au service de l’esthétique.» Un état d’esprit qui semble avoir fait des émules dans le monde horloger: après des années durant lesquelles l’accent était placé sur les mouvements, les rouages et les complications extrêmes, une «course» aux métiers d’arts semble aujourd’hui engagée entre horlogers – au risque d’en faire trop. «Cette collection se construit dans la durée, poursuit Nicolas Beau. Nous puisons de façon légitime dans le patrimoine de Chanel et ne voulons, en aucun cas, tomber dans une logique de «course» aux métiers d’arts.» De nouveaux modèles, toujours inspirés par des symboles issus de l’univers de Mademoiselle Chanel, verront le jour dans les prochaines années. Mais les métiers d’art demeureront centrés avant tout sur l’émail et la broderie.
Après la J12… Pour la division horlogère de Chanel, le défi principal consiste à «transcender» le succès de son mythique modèle «J12» né en 2000, tout en développant ses autres piliers, les collections «Première» et «Mademoiselle Privé», et en continuant à présenter de nouveaux modèles de montres. «La J12 est un produit révolutionnaire à deux titres, estime Nicolas Beau. La montre a élevé la céramique au rang de matière précieuse à part entière, favorisant ainsi son succès dans l'horlogerie de luxe. Puis, en 2003, sa version blanche a fait de cette couleur une tendance de fond de l'horlogerie. Quand on a dans son patrimoine une telle icône, il faut aussi veiller à mettre en lumière les autres collections.»
Nouvelle génération de clients Les montres Chanel sont distribuées via un réseau composé de 200 boutiques en nom propre et 400 détaillants multimarques à travers le monde. «Nous sélectionnons minutieusement nos détaillants. La clientèle y est principalement constituée de connaisseurs. Cependant, avec le temps, de plus en plus de personnes entrent dans nos boutiques spécifi-
quement pour y trouver une montre. Et une clientèle de collectionneurs masculins commence même à s’intéresser à nos modèles de «Mademoiselle Privé», notamment la Coromandel Email Grand Feu, qui est vendue exclusivement dans nos boutiques Chanel Joaillerie.» Aujourd'hui, pour la division montres, la reprise constatée au Japon permet de compenser le retour à la normale des ventes horlogères en Chine, après des années de croissance exponentielle. «Notre développement s'y est fait de façon prudente, en évitant des ouvertures à tout-va, précise Nicolas Beau. A ce jour, nous disposons d’une dizaine de boutiques dans le pays. Par ailleurs, le ralentissement se manifeste surtout au niveau du tourisme d’achat, hors de Chine. Les manifestations à Hong Kong ont également pesé sur les ventes.» Dans les pays que l’on dit émergents, Nicolas Beau observe parallèlement un changement d’attitude de la part des clients: «Ceux-ci développent de plus en plus une réelle connaissance horlogère et n’achètent plus, comme par le passé, de manière aussi compulsive, dans un souci unique de statut social. Nous réfléchissons donc à de nouvelles manières de communiquer auprès de cette clientèle plus pointue et avisée.» A retrouver en couverture du magazine international Europa Star 6/14-1/15.
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• A l’ère d’internet, copier des montres et les écouler sur le marché noir n’a jamais été aussi facile. • Conseils pour s’en prémunir et exemples d’actions entreprises par des marques et des groupes horlogers. PAR
CAROLINE SCHWAB, DIRECTRICE
DU CABINET SCHWAB4SOLUTIONS
Le succès des montres mécaniques suisses, qui ne se dément pas année après année, attise toutes les convoitises. Les entreprises du secteur sont fréquemment confrontées au fléau des contrefaçons. Les chiffres de la contrefaçon sont impressionnants: 40 millions de répliques et copies sont vendues dans le monde (pour un bénéfice net d'au moins un milliard de dollars), contre 30 millions de vraies montres suisses. Malgré les amendes et poursuites pénales, il faut quasiment une organisation militaire pour désamorcer les réseaux de trafics et écrouer les criminels qui ont bâti de puissants empires parallèles à l’industrie réelle de l’horlogerie et de la joaillerie suisse et mondiale. La plus grande partie des faux est produite dans le sud-est de la Chine continentale, dans les villes de Guangzhou et Shenzen. En Europe, c'est surtout l'Italie qui sert de point d'entrée. Outre l'origine suisse et la marque, les modèles, designs et mécanismes sont abondamment violés. Les montres les plus copiées sont celles qui coûtent entre 5’000 et 10’000 euros. Internet en particulier constitue un facteur menaçant. Il s’agit no-
tamment de se protéger des pirates clonant les images des marques de renommée sur leurs propres sites internet de vente.
Les puces high-tech de Hublot La qualité et le nombre des copies sont en progression constante, écornant la stratégie d'exclusivité des grandes maisons. Alors que les réseaux de la contrefaçon se complexifient, les fabricants adoptent de nouvelles stratégies de ripostes: systèmes d'authentification de pointe (mais vulnérables), traque acharnée sur internet, développement de la médiation avec les copieurs et dissuasion des consommateurs… Plus encore que leur chiffre d'affaires, ils doivent préserver l'image de marque qui fonde leur modèle économique. Exemple parmi d’autres dans cette résistance de cette résistance, Hublot installe déjà depuis 2009 des puces électroniques infalsifiables, garantes de l'authenticité de ses montres. Ce système a été mis au point par l'entreprise genevoise Wisekey, spécialisée dans les systèmes de sécurité numérique. Selon Carlos Moreira, co-fondateur et directeur général
chargé de la protection numérique au sein de la société, six autres marques vont s'assurer leurs services. Ce système n'empêche toutefois pas totalement la contrefaçon. C’est pourquoi de nombreux groupes horlogers restent réticents à adopter ces puces. Ils préfèrent prendre des mesures sur le terrain. Le géant Swatch Group, avec ses 18 marques de montres, collabore par exemple avec les autorités et fait saisir les copies. Il n’est pas le seul groupe à travailler avec Interpol et les douanes, qui opèrent grâce aux conventions établies par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et ses Etats membres. L’OMPI travaille aussi de concert avec la Fédération Horlogère Suisse et l’Institut Suisse de la propriété intellectuelle, situé à Berne, ainsi qu’avec toutes les associations et fédérations de protection des patrimoines des marques à travers le monde.
Les outils légaux pour réagir Le combat acharné mené par les autorités et les marques, appuyé par les médias, contre les trafiquants s’accompagne d’une législation renforcée visant à décourager les consommateurs de copies et répliques, responsables de favoriser la contrebande et le marché noir. Pour s’en prémunir à long terme, il est donc nécessaire de s’appuyer sur les lois de la propriété intellectuelle qui protègent les marques et l’industrie. Elles seules donnent le pouvoir de revendiquer des
droits exclusifs et légitimes auprès des tribunaux. Déposer ses propriétés intellectuelles sous forme de marques, dessins et modèles industriels, brevets et droits d’auteurs permet notamment de détenir la preuve tangible qui permet de démontrer, auprès des autorités et des juges, que l’on est le créateur ou le titulaire effectif et sé-
40 millions de répliques et copies sont vendues dans le monde (pour un bénéfice net d'au moins un milliard de dollars), contre 30 millions de vraies montres suisses. rieux de telle marque, de tel brevet ou d’un certain design (dessin et modèle industriel) à succès faisant l’objet de contrefaçon. Cela permet d’en débattre au tribunal afin de retrouver les trafiquants, détruire leurs marchandises, indemniser les marques et ainsi contribuer à démanteler le marché noir. Cette preuve qui est délivrée par le système de dépôt de propriété intellectuelle fait foi légalement. A défaut de dépôt, la loi du droit d’auteur fait foi et chaque atelier doit démontrer qu’il en est le titulaire ou créateur légitime. Un travail plus aisé si toutes les esquisses, documents et autres enveloppes d’envois des croquis ont été conservés!
Vraies et fausses Corum EUROPA STAR, FÉVRIER 2003
Certains phénomènes connexes se sont conjugués pour freiner le développement programmé de la marque Corum. «Le ralentissement de la Bubble, surtout en Europe, détaille son CEO M. Wunderman, est largement dû à la contrefaçon, dont la qualité est devenue de plus en plus étonnante. A Milan, par exemple, la police est venue présenter à notre agent sept
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Faire face à la contrefaçon horlogère
IL Y A 12 ANS…
Severin Wunderman †
Bubble en demandant si c'étaient des contrefaçons ou des pièces authentiques. Nos représentants n'ont pas réussi à se déterminer. Ce n'est qu'en ouvrant les pièces qu'ils ont pu constater d'après le mouvement qu'il s'agissait de contrefaçons. Ce phénomène d'amélioration qualitative se double d'un vrai problème quantitatif. En Chine ont été ainsi découverts en un seul endroit pas moins de 245'000 cadrans de fausses Bubble! Vous imaginez ce que ça peut signifier, en comparaison avec nos 35'000 montres par an… Un verre saphir de Bubble à lui seul me coûte 280 francs, soit plusieurs fois le prix d'une fausse montre. Ce phénomène de la contrefaçon ne nous atteint pas seulement indirectement, mais aussi directement car nous dépensons des fortunes, plus d'un million de francs par an, pour le combattre.» PUBLICITÉ
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La médiation pour résoudre les litiges horlogers quelles les parties ne s’entendraient guère autrement, par simple renvoi à un règlement qui définit tout, des principes fondamentaux jusqu’aux aspects pratiques et aux frais.
• Très peu utilisée dans l’industrie horlogère, la médiation a pourtant fait ses preuves. • Elle induit les parties prenantes à collaborer même en cas de conflit. • Mais pour cela il faut avoir songé à introduire une clause de médiation dans le contrat d’origine… Christoph Künzi, avocat et
directeur d’infosuisse, information horlogère et industrielle, la chaux-de-fonds
Parmi les manières de résoudre des litiges, la médiation gagne de plus en plus en importance comme «méthode alternative de résolution de conflits». La nouveauté nous vient, du moins en partie, d’Outre-Atlantique où la médiation s’est établie depuis les années 1970 sous le sigle ADR (pour «Alternative Dispute Resolution»). Face aux avantages évidents que présente la médiation comme outil complémentaire à la voie judiciaire traditionnelle, il est étonnant de constater le peu d’usage qui s’en fait dans le domaine horloger.
Des solutions trouvées en médiation ont beaucoup plus de chances d’être effectivement respectées. Les statistiques montrent pourtant qu’il s’agit de la méthode la plus efficace pour résoudre les litiges commerciaux et industriels, notamment internationaux et à valeur litigieuse faible ou moyenne, où l’alternative judiciaire est bien souvent illusoire. Elle constitue aussi une méthode simple dans les litiges
impliquant des droits de propriété industrielle, où la territorialité de la protection contraindrait souvent le demandeur à engager des procédures judiciaires sur plusieurs fronts, dans plusieurs pays.
Processus volontaire La médiation est un processus volontaire au cours duquel les parties collaborent, en présence d’un médiateur neutre et impartial, pour acquérir une compréhension aussi complète que possible de leur conflit, de ses causes et de ses enjeux, ainsi que de leur situation juridique, afin de parvenir à une solution négociée qui soit meilleure que les autres formes de règlement de litige. Le caractère «volontaire» caractérise tant le processus lui-même, où la porte de sortie est toujours ouverte, que l’accord qui est son possible résultat. Ce qui fait la force des solutions trouvées en médiation est qu’elles ne sont jamais imposées à une partie récalcitrante, mais issues d’une collaboration et d’une entente, de sorte qu’elles ont beaucoup plus de chances d’être effectivement respectées. Son caractère volontaire est cependant à l’origine d’une difficulté au début du processus: comment amener les parties au conflit à s’asseoir autour d’une table? Comment, vu leur situation litigieuse qui bien souvent ne leur permet plus de s’entendre sur quoi que ce soit, faire en sorte qu’elles puissent se mettre
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par
Une solution «soft»
d’accord sur la méthode de résoudre leur différend?
Prévoir une clause lorsque tout va bien La réponse est simple: il faut fixer les choses en amont, quand l’entente est intacte, soit au début de la relation contractuelle. La voie la plus sûre et la plus généralement utilisée est celle d’une clause de médiation contenue dans le contrat de base (par exemple dans un contrat de distribution, de licence ou de coopération, dans les conditions générales de vente acceptées par le client, ou encore dans les conditions d’achat acceptées par le soustraitant). Introduite à un moment où l’esprit des parties est positif et leur atten-
tion centrée sur les aspects commerciaux, la clause de médiation est facilement acceptée comme une simple formalité, de concert avec les autres clauses («de style») régissant le droit applicable, le for ou l’arbitrage (pour le cas où la médiation n’aboutirait pas). Pour être valable, il suffit à la clause de médiation d’exprimer qu’en cas de litige les parties s’engagent à la médiation. Pour être pleinement opérationnelle et efficace quand elle doit l’être, il est recommandable qu’elle définisse, en plus, le lieu de médiation et la procédure (par exemple une médiation selon le règlement de médiation de la Chambre neuchâteloise du commerce et de l’industrie ou selon le règlement de médiation de l’OMPI). La référence à une médiation institutionnelle permet en effet de régler un nombre de modalités sur les-
La flexibilité de la médiation tout comme son caractère volontaire font que les parties sont libres, en fonction des circonstances et des besoins, de régler certains points spécifiques en dérogation ou complément au règlement ainsi élu. A titre d’exemple, une clause de médiation pourrait avoir la teneur suivante: «En cas de litige impliquant ce contrat ou en découlant, les parties tenteront la médiation selon le règlement de médiation de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève. Le lieu de médiation est Genève. Le médiateur désigné devra être au bénéfice d’une formation d’ingénieur horloger. La médiation sera tenue en français.» Quand le litige éclate, les parties, liées par un contrat assorti d’une clause de médiation, ne pourront que difficilement refuser toute participation au processus. Et l’expérience montre qu’une fois assis autour de la table de médiation, même contre leur gré, les parties s’engagent dans un processus qui acquiert une dynamique propre. L’ obstacle principal à une solution du litige sera déjà franchi.
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760 millions de francs Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
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CULTURE HORLOGÈRE
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Le temps, cette «créature» qui a échappé aux hommes La quête de la mesure du temps la plus précise possible, atteignant désormais le billiardième de seconde, est une obsession humaine qui semble aujourd’hui se retourner contre son initiateur. Rétrospective. DOMINIQUE FLÉCHON, EXPERT
AUPRÈS DE LA FONDATION DE LA HAUTE HORLOGERIE, GENÈVE
Cinq mille ans avant notre ère, l’Homme, suspendu au retour de la belle saison qui va lui assurer sa subsistance et sa survie, guette le moment du solstice d’hiver à l’aide de monuments mégalithiques astronomiquement orientés. Au quatrième millénaire avant J. C., des agglomérations de plus en plus importantes se développent en Mésopotamie, en Egypte, puis dans d’autres civilisations autour de carrefours commerciaux. Rendu possible par l’écriture, le calendrier mésopotamien bientôt suivi par ceux des Egyptiens, des Grecs, des Arabes et des Chinois structure la vie en communauté aussi bien sur les plans politiques et religieux qu’économiques. Les mouvements du Soleil, de la Lune et de la Terre définissent année, mois et jour alors que cadrans solaires primitifs, clepsydres et horloges à feu déterminent des intervalles de temps de courte durée.
Rupture avec les cycles de la nature Ces instruments vont réguler l’ensemble des activités humaines jusqu’à l’apparition de l’horloge mécanique moderne à la fin du 13ème siècle. Dépourvue à ses débuts de cadran et d’aiguille, elle va se substituer au sonneur de cloches en déclenchant automatiquement et à intervalles réguliers des sonneries horaires codifiées. Avec l’horloge mécanique, les temps politique, religieux, public et privé, tous mesurés, s’éloignent de plus en plus des modes de vie fondés sur les cycles de la nature. Au 19ème siècle, l’organisation scientifique du travail, qui a pour but de rationaliser méthodiquement l’activité industrielle, est rendue possible par la précision des chronographes. A la même époque, médecins, militaires, ingénieurs, mais aussi employés de chemins de fer, capitaines de paquebot, et bien d’autres mesu-
rent finement le temps dans l’exercice de leur profession. De collectif, le temps devient universel en 1884 avec l’instauration des vingt-quatre fuseaux horaires ayant pour unique origine le méridien de Greenwich. Mais l’acceptation de ce système souleva nombre de résistances psychologiques, sociales et politiques. A titre d’exemple, il fallut attendre 1911 pour que la France abandonne le méridien de Paris. C’est au cours de la seconde moitié du 19ème siècle que le sentiment d’une accélération du temps, en réalité celle des rythmes de vie, commence à s’exprimer. L'opposition du monde ouvrier à la machine fait d’ailleurs partie intégrante de l'histoire de la Révolution industrielle.
Les dérives de la «tyrannie de l’immédiat»
solutions pour le futur, notamment des réformes structurelles, ne cesse de se creuser.
Hier, les économies anciennes s’inséraient dans le long terme vécu par toutes les générations successives et enduré sans même qu’elles ne s’en rendent compte. Aujourd’hui,
Une précision à la base des outils modernes A partir de 1948, l’horloge atomique atteint progressivement un niveau de précision jamais atteint par l’horloge, qu’elle soit mécanique ou électrique. En 1967, elle conduit à une nouvelle définition de la seconde, puis à celle du mètre. La recherche de temps ultra courts, tel le billiardième de seconde ou femtoseconde (10-15 seconde), a pour conséquence un nouvel «assujettissement», indirect cette fois, de l’Homme au temps. En effet, le temps non pas mesuré mais désormais calculé par l’horloge atomique est la base, d’une part, du système de positionnement de type GPS: localisations routière, maritime, spatiale, balises de détresse, surveillance à distance, mais aussi outils de logistique et d’applications militaires. D’autre part, il permet d’actionner au moment voulu les commandes de navigation des engins aérospatiaux et, dans le domaine scientifique, de poursuivre les recherches sur l’infiniment petit, la physique nucléaire, la mécanique quantique. Dans ces disciplines, la précision des mesures de durées ou de fréquences doit être en adéquation avec les corps
«Le Voyageur contemplant une mer de nuages» de Caspar David Friedrich
ou virtuels. Ainsi paiements par carte bancaire, ordres boursiers, mouvements de capitaux, téléphonie, télévision par satellite sont autant de services faisant partie de la vie courante et aujourd’hui composants de l’économie mondiale.
IMPRESSUM EUROPA STAR PREMIÈRE, 25 route des Acacias, P.O. Box 1355, CH-1211 Geneva 26, Switzerland, Tel: 00 41 22 307 78 37, Fax: 00 41 22 300 37 48, contact@europastar.com Rédaction: Général: press@europastar.com, Pierre Maillard: pmaillard@europastar.com, Serge Maillard: smaillard@europastar.com, Jean-Luc Adam: watches-for-china@europastar.com Contributeurs: Laurent Bludzien, Jules Boudrand, Caroline Buechler, Sebastian Chiappero, François H. Courvoisier, Pierre-Yves Donzé, Nicole Dupont, Dominique Fléchon, Emilie Gachet, Isabelle Guignet, Christoph Künzi, François-Xavier Mousin, Reto Schneider, Caroline Schwab. Publicités & Marketing: Casey Bayandor: cbayandor@europastar.com, Nathalie Glattfelder: nglattfelder@europastar.com, Véronique Zorzi: vzorzi@eurotec-bi.com, Alexandra Montandon: amontandon@europastar.com, Catherine Giloux: cgiloux@europastar.com,
Une résistance lente et paradoxale Il serait donc urgent de ralentir, et vite! Mais peu d’entre nous accepteraient d’emblée de réduire notre dépendance au temps en freinant nos besoins et nos rythmes de vie. Car, si incontestablement la technologie nous a fait gagner du temps, elle nous en fait perdre par les nouvelles obligations et nouveaux désirs qu’elle a générés.
Comment obtenir plus de temps pour soi alors que chacun d’entre nous attend de l’autre qu’il aille plus vite?
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PAR
ou avec les phénomènes étudiés. Par ailleurs, le temps atomique permet de corriger le Temps Universel par rapport aux mouvements de la Terre autour du Soleil, laquelle tend à ralentir inexorablement, d’où l’adjonction périodique d’une seconde. Enfin, il rend possible la synchronisation des transmissions d’énormes «paquets» de données au travers des réseaux physiques (fibres optiques)
Jocelyne Bailly: jbailly@europastar.com Graphisme: Alexis Sgouridis Production:Talya Lakin: tlakin@europastar.com Impression: SRO-Kundig Direction du groupe Europa Star HBM: Philippe Maillard Les publications du groupe Europa Star HBM: Europa Star - Europe International - USA & Canada - Watches for China - Horalatina CIJ Trends & Colours - Europa Star Première - Europa Star Ukraine Eurotec - Bulletin d’informations. Les sites web & iPad du groupe Europa Star HBM: www.worldwatchweb.com, www.europastar.com, www.watches-for-china.com, www.watches-for-china. cn, www.horalatina.com, www.europastar.es, www.europastarwatch.ru, www.watch-aficionado.com, www.cijintl.com, www.eurotec.ch.
l’Homme et toutes ses activités sont dominés par la tyrannie de l’immédiat. Les pratiques commerciales et bancaires à court terme dominent le monde, et ceux qui ne peuvent suivre ce mouvement planétaire sont laissés pour compte. Bien souvent, ne vaudrait-il pas mieux payer plus cher des biens fabriqués localement que de chercher, par le biais d’importations à outrance, des gains substantiels mais momentanés? Car la délocalisation de production transforme les sociétés suite à une perte massive de savoirfaire qui, au final, affecte la prospérité sur le long terme. Toutefois, le temps de l’économie n’est pas celui de la politique. Mais le décalage entre urgence à gérer le présent et obligation de trouver des
Depuis une vingtaine d’années, de nombreux mouvements connus sous le nom de «mouvements slow» tentent de promouvoir la lenteur comme un temps régulier qui autoriserait néanmoins et si nécessaire l’accélération. Les principales pistes proposées concernent le développement durable, la promotion de la qualité, le temps à donner aux individus pour qu’ils choisissent le rythme le mieux adapté à leurs besoins, la prise de conscience des conséquences de nos actes sur l’avenir, l’analyse critique de la société actuelle. Mais comment obtenir plus de temps pour soi alors que chacun d’entre nous attend de l’autre qu’il aille plus vite? Un paradoxe qui, tant qu’il ne sera pas résolu, ne permettra pas une réelle maîtrise du temps… Des penseurs ont noté depuis longtemps déjà cette contradiction fondamentale: «Si le temps existe depuis qu’existe le monde(1), les gens qui n’ont jamais le temps agissent très peu(2). Mais que de temps perdu à gagner du temps(3), car les heures sont faites pour l’Homme et non l’Homme pour les heures(4)!» (1) Saint Ambroise / (2) Georg Christoph Lichtenberg, physicien allemand du 18ème siècle / (3) Paul Morand, écrivain, académicien et diplomate français / (4) Rabelais
APPEL AU DÉBAT! Comment ralentir intelligemment dans un monde dominé par la rapidité? Passera-t-on un jour du dogme de la vitesse au «diktat du slow»? Si ces thèmes vous inspirent, vous pouvez réagir en nous écrivant à: press@europastar.com.
CULTURE HORLOGÈRE
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• Qu’ont en commun la Renault Twingo ou la Rolex Oyster Perpetual? Elles sont si ancrées dans nos esprits qu’elles représentent l’«archétype» de la voiture ou de la montre. • Un aboutissement rare pour le designer, au menu de la Journée du marketing horloger.
SERGE MAILLARD
Qu’est-ce qu’une icône? Pour sa dixhuitième édition, la Journée internationale du marketing horloger, à La Chaux-de-Fonds, a choisi un fil conducteur ambitieux. Qui de mieux pour l’évoquer que le designer français Patrick Le Quément, créateur de la Renault Twingo? Il a rappelé à cette occasion les conditions de la naissance de cette icône, avec une délicieuse touche d’humour: «Mon projet est passé par un test de marché. Mais, vous savez, nous utilisons ces études un peu comme les ivrognes avec les lampadaires: d'avantage pour nous appuyer que pour nous éclairer!»
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Comment naissent les «icônes»
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Résultat des courses: 25% des sondés trouvent le modèle extraordinaire, 25% ne souhaiteraient pas l’acheter tout de suite et 50% jamais…
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«C’était clivant. A l’interne, beaucoup n’étaient pas convaincus. Mais j’ai dit à mon directeur: le plus grand risque, c’est de ne pas prendre de risque; il s’agit de choisir entre un design instinctif et un design extinctif…» Le pari a été payant, notamment auprès de la clientèle féminine. «Au moment de la sortie, je n’étais pas du tout certain qu’elle deviendrait une icône, mais je ressentais qu’elle allait rencontrer le succès.»
Un terme galvaudé Le designer horloger Xavier Perrenoud en est certain: «Toutes les grandes icônes ont été réalisées par accidents ou essais fortuits. Avoir la volonté de créer une icône est un non-sens. Une icône dépasse les tendances.» Le créateur n’apprécie d’ailleurs guère ce mot, «qui veut tout et rien dire». Il lui préfère le concept d’«archétype»: «Demandez à un enfant de dessiner une montre. Depuis 1950, l’archétype d’une montre est resté assez similaire: le plus instinctif est celui de la Rolex. C’est quelque chose d’inné et de durable, il faudra sans doute des dizaines d’années pour le changer.»
«Il s’agit de choisir entre un design instinctif et un design extinctif.»
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Au-delà des icônes, l’horloger Stephen Forsey observe un intérêt croissant pour le design en tant que tel: «En horlogerie, jusqu’à récemment, c’était assez tabou de mettre en avant le designer, surtout s’il est externe. Dans l’industrie automobile, on le fait depuis bien plus longtemps.» Quant à Antonio Terranova, le directeur de la marque Cvstos, il a dévoilé quelques éléments de sa technique de création: «J’ai une manière assez «froide» de créer. J’utilise vraiment une page blanche; c’est une amie, car je suis un procédurier! Sur le côté gauche, je mets les mauvais points, sur le côté droit les avantages. Ma source d’inspiration consiste simplement à convertir les mauvais points en bons points.» Au détour des lignes, peut-être, naîtra l’icône.
CULTURE HORLOGère
EUROPA STAR PREMIère | NO 1 | 29
«Est-ce le temps qui passe ou nous qui passons?» «Moi, j’ai 48 ans et je m’émerveille encore de tout. Je m’émerveille d’une fleur. Dans mon jardin je connais toutes mes fleurs. Je connais celles qui étaient là avant que je parte, je connais celles qui sont là à mon retour. Et tous les jours, je fais le tour de mon jardin. C’est juste comme ça, la vie.»
Nouvel ambassadeur de la marque Hautlence, Eric Cantona livre quelques-uns de ses principes de vie et évoque son rapport au temps. Rencontre avec un King philosophe, mais toujours révolutionnaire. Serge Maillard
«Ma mère, elle a tout compris. Elle parle aux fleurs, aux chiens, aux chats. Et à ses enfants, à son mari, à sa famille. C’est important.» Retour aux basiques. Le tête-à-tête organisé dans la maison du grand écrivain Friedrich Dürrenmatt, sur les hauteurs de Neuchâtel, se transforme en entretien confidentiel, sur l’essence de la vie. Le lac en miroir du ciel dans l’arrière-plan, le cadre, peut-être? Comme un vin de qualité, Eric Cantona semble s’être bonifié avec l’âge. Port altier et barbe poivre et sel, il ressemble de plus en plus à un Ulysse des temps modernes, avec sa voix profonde, son accent méditerranéen et ses réflexions qu’il débite par bribes, parfois cryptiques. Que fait aujourd’hui l’ex-Red Devil, celui qui affolait des milliers de spectateurs de Premier League, ce «Frenchie» devenu roi en traversant la Manche? Un peu de tout: du théâtre (Ubu roi), du cinéma, de la peinture, des collections d’œuvres de street art (Banksy et d’autres).
Bleu comme l’immortalité Pas le genre de passe-temps qu’un footballeur à la retraite, proche de la cinquantaine, aurait naturellement tendance à faire: entraîner un club des Emirats Arabes Unis, de Chine ou du Kazakhstan. Le sport reste présent dans sa vie, mais à petite dose. Jusqu’à récemment, il entraînait encore l’équipe de France de beach soccer, avec son frère Joël. Il les a menés à la gloire. Mais c’est un sport de l’ombre. Le voilà aujourd’hui ambassadeur d’Hautlence (anagramme de Neuchâtel), une marque de montres haut de gamme au design audacieux. Il a «fait» du Nike, du Bic, de la Renault et de la Kronenbourg. Là, il passe à la vitesse supérieure. Prix d’entrée: 20'000 francs. Et il a mis la main à la pâte, en participant
«La famille, ça devient rare»
à la conception d’une série limitée de garde-temps baptisés Invictus Morphos, du nom d’un papillon de couleur bleu. L’idée a été soufflée aux horlogers par Cantona.
Un rapport particulier au sol, à l’humus, au jardin - celui des philosophes qui n’ont pas besoin de bibliothèques. «La terre, elle dégage des trucs. Il suffit de s’allonger dans l’herbe pour sentir son énergie et sa force. Mais à condition d’être disposé à recevoir. Le bonheur, c’est une question de disposition.»
Comme un vin de qualité, Eric Cantona semble s’ être bonifié avec l’âge. Port altier et barbe poivre et sel, il ressemble de plus en plus à un Ulysse des temps modernes. Dans l’assistance, on lui a demandé pourquoi il avait choisi le bleu et pas le rouge de Manchester United. «Vous pensez à Manchester City?», rétorque le King. «Non, aux Bleus, à l’équipe de France», celle dont Cantona le mal-aimé avait un temps traité l’entraîneur de «sac à m*** ». Aujourd’hui, il est dans un autre registre. «Le bleu c’est la couleur de l’immortalité et le papillon c’est la métamorphose, mais aussi le symbole de la liberté.» Un jour, on lui a demandé ce que ça voulait dire pour lui, «être Français», en plein règne du sarkozysme, lors du débat sur l’identité nationale. La réponse se trouve sur YouTube… Toujours fidèle aux grands révolutionnaires, Cantona!
Cantona, proche de la terre Philosophe viril, le King. Le patron du groupe qui chapeaute Hautlence – un type de Liverpool, vous imaginez – a fait sa laudatio. C’est un «swagger», un gars fier mais bon. Et il connaît la loi du silence, Cantona. De longs espaces blancs ponctuent ses bribes, ses prophéties. «Tu m’em-
Pour ce nouveau métier, il a voyagé chez les artisans des Montagnes neuchâteloises, des «terriens» comme lui, des «fous géniaux».
Hautlence
par
merdes, avec ta philosophie», lui avait dit le postier anglais du mythique film «Looking for Eric», où il faisait de l’assistance psychologique, du conseil de vie à domicile. Il ne peut pas s’en empêcher. Il est comme ça, Cantona. Pour ce nouveau métier, il a voyagé chez les artisans des Montagnes neuchâteloises, des «terriens» comme lui, des «fous géniaux», des comparses avec qui il a passé de longues heures à discuter dans les tavernes du coin. Il s’est imprégné de cette atmosphère. Les héros qu’il admire, ce sont les héros ordinaires, proches de la terre. Pas besoin du pape. Ces artisans des Montagnes qui passent des
heures à «décorer des pièces invisibles», c’est suffisant. Il dit avoir une phrase qui l’accompagnera jusqu’à la fin de ses jours: «Est-ce le temps qui passe ou nous qui passons?» Et ajoute: «Si tu interroges le sens de cette phrase, tu as tout compris. Par cette phrase, on peut comprendre la fascination que j’ai pour tous ces horlogers.» Comme eux, il est dans le flux, c’est dans la nature, le travail manuel, l’artisanat, l’art, des valeurs intemporelles qu’il va puiser ses ressources. Aujourd’hui, des footballeurs mordent leurs adversaires. Lui en a donnés aussi, des coups. C’est la vie seulement qu’il mord à pleines dents, l’outremangeur.
Ces valeurs intemporelles, elles s’effritent cependant. Inquiet, le King? «Moi, on me dit toujours «c’est génial que tu t’entendes bien avec tes frères». Pour moi c’est normal. C’est plutôt le contraire qui serait anormal. Aujourd’hui, on s’étonne qu’on puisse s’entendre avec sa famille. Mais c’est extraordinaire. Chez les Cantona, on a toujours travaillé en famille. C’est beau. Ça devient rare. C’est la transmission qui compte.» Justement, puisqu’on a commencé par ses parents, que transmet-il à ses enfants? «Je les éduque comme je peux. Ils disent merci, ils disent au revoir, ils respectent les autres, ils se font respecter. Ils prennent une décision parce qu’ils ont la personnalité de prendre une décision. Pas sous influence.» Les bases, quoi: «Savoir apprécier une belle lumière, le soleil. Pouvoir vivre des petits moments d’extase. Observer le monde qui nous entoure. Et surtout, s’émerveiller de tout.»
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SECULUS / Bienne / www.seculus.ch STROM / Nidau / www.stromwatch.ch STUHRLING ORIGINAL / Bienne / www.stuhrling.com SWATCH (Swatch Group) / Bienne / www.swatch.com SWISS MILITARY / Moutier / www.genuineswissmilitary.ch SWISS TIME / Bienne / www.swisstimeintl.com TALLER / Bienne / www.tallerwatch.ch THOMAS PRESCHER / Twann / www.prescher.ch TIFFANY & CO / Bienne / www.tiffany.com TRASER H3 / Niederwangen / www.traser.com UNION GLASHUTTE (Swatch Group) / Bienne / www.union-glashuette.com URBAN JÜRGENSEN / Bienne / www.ujs-chronometry.ch VASTO / Tramelan / www.vasto.ch VICTORINOX SWISS ARMY / Bienne / www.victorinox.com VOGARD / Nidau / www.vogard.com W. GABUS / Bienne / www.wgabus.com ZEITWINKEL / St-Imier / www.zeitwinkel.ch Fribourg BULOVA / Fribourg / www.bulova.com CARBON 14 / Granges-Paccot / www.carbon14.ch CARTIER (Richemont) / Villars-sur-Glâne / www.cartier.com CECIL PURNELL / Belfaux / www.cecilpurnell.com GUEPARD / Fribourg / www.guepard.ch LINDE WERDELIN / Fribourg / www.lindewerdelin.com SAINT HONORE / Fribourg / www.sainthonore.com VAN CLEEF & ARPELS (Richemont) / Villars-surGlâne / www.vancleefarpels.com Genève ALAIN PHILIPPE / Genève / www.alainphilippe.com ALFRED DUNHILL (Richemont) / Genève / www.dunhill.com ALPINA / Plan-les-Ouates / www.alpina-watches.com ALTANUS / Genève / www.altanus.com ANDERSEN GENEVE / Genève / www.andersen-geneve.ch ANTOINE PREZIUSO / Arare / www.antoine-preziuso.com APPELLA / Carouge / www.appella.com AQUANAUTIC / Genève / www.aquanautic.com ARTYA / Vésenaz / www.artya.com ATELIERS DE MONACO / Plan-Les-Ouates / www.ateliers-demonaco.com BADOLLET / Genève / www.badollet.com BAUME & MERCIER (Richemont) / Bellevue / www.baume-et-mercier.com BEDAT & Co. / Genève / www.bedat.com BERTOLUCCI / Genève / www.bertolucci-watches.com BLACK BELT / Vésenaz / www.blackbeltwatch.com BLACKSAND / Genève / www.blacksandgeneve.com BOGH-ART / Genève / www.bogh-art.com BOVET / Plan-les-Ouates / www.bovet.com BREVA / Genève / www.breva-watch.com BURBERRY (Fossil) / Genève / www.burberry.com CHANEL / Genève / www.chanel.com CHARRIOL / Genève / www.charriol.com CHOPARD / Meyrin / www.chopard.com CLERC / Genève / www.clercwatches.com CVSTOS / Genève / www.cvstos.com CYRUS / Versoix / www.cyrus-watches.ch DA VINDICE / Genève / www.davindice.com DANIEL ROTH (Bulgari) / Meyrin / www.danielroth.com DAVID VAN HEIM / Carouge / www.david-van-heim.com DE BETHUNE / Genève / www.debethune.ch DE BOUGAINVILLE / Plan-les-Ouates / www.debougainville.com DE GRISOGONO / Plan-les-Ouates / www.degrisogono.com DELACOUR / Genève / www.delacour.ch DELALOYE / Carouge / www.garde-temps.ch DELANEAU / Genève / www.delaneau.com DEWITT / Meyrin / www.dewitt.ch EMILE CHOURIET / Meyrin / www.emile-chouriet.ch ENIGMA / Genève / www.gbenigma.com F.P. JOURNE / Genève / www.fpjourne.com FABERGE / Genève / www.faberge.com FRANC VILA / Genève / www.francvila.com FRANCK MULLER / Genthod / www.franckmuller.com FRED (LVMH) / Genève / www.fred.com FREDERIQUE CONSTANT / Plan-les-Ouates / www.frederique-constant.com GERALD GENTA (BULGARI) / Meyrin / www.geraldgenta.com GIO MONACO / Genève / www.giomonaco.com GRAFF / Genève / www.graffdiamonds.com GRECO GENEVE / Plan-les-Ouates / www.greco-watches.com HARRY WINSTON (Swatch Group) / Plan-les-Ouates / www.harrywinston.com ICELINK / Genève / www.icelinkwatch.com JACOB & CO. / Genève / www.jacobandco.com JEAN DUNAND / Plan-les-Ouates / www.jeandunand.com JORDI / Nyon / www.jordiwatches.com LACOSTE / Genève / www.lacoste.com LADOIRE / Genève / www.ladoire.ch LAURENT FERRIER / Plan-les-Ouates / www.laurentferrier.ch LE RHONE / Satigny / www.lerhone.com LEBEAUCOURALLY / Genève / www.lebeaucourally.com LEONARD / Genève / www.leonardwatches.com LOUIS VUITTON / Genève / www.louisvuitton.com LUDOVIC BALLOUARD / Meyrin / www.ballouard.com M. STEPHANE / Vésenaz / www.m-stephane.com MAGELLAN / Genève / www.magellanwatch.com MAREMONTI / Genève / www.maremontiwatch.ru MATHEY-TISSOT / Genève / www.mathey-tissot.net MB&F / Genève / www.mbandf.com MOYA / Genève / www.moyawatch.com MYKRONOZ / Genthod / www.mykronoz.com PATEK PHILIPPE / Plan-les-Ouates / www.patek.com
EUROPA STAR PREMIère | NO 1 | 31
PETER TANISMAN / Meyrin / www.peter-tanisman.com PIAGET (Richemont) / Plan-les-Ouates / www.piaget.com PICARD CADET / Genève / www.picardcadet.ch PIERRE KUNZ / Genthod / www.pierrekunzgeneve.com PILO & CO / Carouge / www.pilo-watches.com QUINTING / Genève / www.quinting-watches.com RALPH LAUREN / Plan-les-Ouates / www.ralphlauren.com RATEL / Genève / www.cyrilratel.com RAYMOND WEIL / Genève / www.raymond-weil.com RJ - ROMAIN JEROME / Genève / www.romainjerome.ch ROBERT ET FILS 1630 / Genève / www.robertfils1630.com ROGER DUBUIS (Richemont) / Meyrin / www.rogerdubuis.com ROLEX / Genève / www.rolex.com SARCAR / Vésenaz / www.sarcar.com SNYPER / Genève / www.snyperwatches.com SPERO LUCEM / Genève / www.spero-lucem.com STEELCRAFT / Carouge / www.steelcraft.ch TECHNOMARINE / Genève / www.technomarine.com TF EST 1968 / Carouge / www.tfco.ch TUDOR / Genève / www.tudorwatch.com UNIVERSAL GENEVE / Meyrin / www.universal.ch URWERK / Genève / www.urwerk.com VACHERON CONSTANTIN (Richemont) / Plan-les-Ouates / www.vacheron-constantin.com VAN DER BAUWEDE / Genève / www.vdb.ch VENUS / Genève / www.montresvenus.com VOLNA / Genève / www.volna.ch YESLAM / Genève / www.yeslam.ch ZANDIDOUST / Genève / www.zandidoust.com Jura AEROWATCH / Saignelégier / www.aerowatch.com ANDRE MOUCHE / Fahy / www.andremouche.ch AVIATOR / Porrentruy / www.aviatorwatch.ch BURAN / Porrentruy / www.buranwatch.ch CATOREX / Les Breuleux / www.catorex.ch CLAUDE BERNARD / Les Genevez / www.claudebernard.ch EDOX / Les Genevez / www.edox.ch ERNEST BOREL / Le Noirmont / www.ernestborel.ch HEBE / Alle / www.hebewatch.com IKEPOD / Bassecourt / www.ikepod.com L'DUCHEN / Saignelegier / www.lduchen.com L'EPEE / Delémont / www.lepee-clock.ch LOUIS CHEVROLET / Porrentruy / www.louischevrolet.ch LOUIS ERARD / Le Noirmont / www.louiserard.ch MATTHEW NORMAN / Delémont / www.matthew-norman.ch PAUL PICOT / Le Noirmont / www.paulpicot.ch RICHARD MILLE (Horométrie) / Les Breuleux / www.richardmille.com RUDIS SYLVA / Les Bois / www.rudissylva.com SWIZA / Delémont / www.swiza.ch VALGINE / Les Breuleux / www.jic.ch/valgine VICENTERRA / Boncourt / www.vicenterra.ch WENGER / Delémont / www.wenger.ch Lucerne CARL F. BUCHERER / Lucerne / www.carl-f-bucherer.com CHRONOSWISS / Lucerne / www.chronoswiss.com OCHS UND JUNIOR / Lucerne / www.ochsundjunior.ch Neuchâtel 88 RUE DU RHONE / La Chaux-de-Fonds / www.88rdr.com AFFLUENCE / Neuchâtel / www.affluencewatches.com ALEXIS GARIN / Les Verrières / www.alexisgarin.ch ARNOLD & SON / La Chaux-de-Fonds / www.arnoldandson.com BALL WATCH / La Chaux-de-Fonds / www.ballwatch.com BLAULING / Chézard-Saint-Martin / www.blauling.com BLU / Colombier / www.blu.ch BOMBERG / Neuchâtel / www.bomberg.ch BOUCHERON (Kering) / Cortaillod / www.boucheron.com BULER / La Chaux-de-Fonds / www.buler.ch BULGARI (LVMH) / Neuchâtel / www.bulgari.com CERTINA (Swatch Group) / Le Locle / www.certina.com CHATELAIN / La Chaux-de-Fonds / www.chatelain.ch CHRISTOPHE CLARET / Le Locle / www.christopheclaret.com CHRISTOPHE SCHAFFO / La Brévine CHRONOGRAPHE SUISSE CIE / La Chaux-de-Fonds / www.chronographesuisse.ch CORONA WATCH / Neuchâtel CORUM (Haidian) / La Chaux-de-Fonds / www.corum.ch DIOR HORLOGERIE (LVMH) / La Chaux-de-Fonds / www.dior.com DREYFUSS & CO / La Chaux-de-Fonds / www.dreyfussandco.com DUBEY & SCHALDENBRAND / La Chaux-de-Fonds / www.dubeywatch.com ELLICOTT 1738 / La Chaux-de-Fonds / www.ellicott.ch ENICAR / La Chaux-de-Fonds / www.enicar.com ETOILE / Le Locle / www.montres-etoile.ch FENDI / Marin-Epagnier / www.fendi.com FESTINA / Bienne / www.festina.com FLIK FLAK (Swatch Group) / Cormondrèche / www.flikflak.com FREDERIC JOUVENOT / La Chaux-de-Fonds / www.fjouvenot.com GAMIL WATCH / La Chaux-de-Fonds GEBSON / Neuchâtel / www.gebson.com GERGE / Neuchâtel / www.gergeswiss.com GIRARD-PERREGAUX (Kering) / La Chaux-de-Fonds / www.girard-perregaux.com GRAHAM / La Chaux-de-Fonds / www.graham-london.com GREUBEL FORSEY / La Chaux-de-Fonds / www.greubelforsey.com
GUCCI (Kering) / Cortaillod / www.gucciwatches.com HAUTLENCE (Melb Holding) / La Chaux-de-Fonds / www.hautlence.com HERITAGE / Neuchâtel / www.hwm-watch.com HOROSWISS / La Chaux-de-Fonds / www.horoswiss.com HYT / Neuchâtel / www.hytwatches.com JAERMANN & STUBI / Le Locle / www.jaermann-stuebi.com JAMES C. PELLATON / Le Locle / www.jamespellaton.com JAQUET DROZ (Swatch Group) / La Chaux-de-Fonds / www.jaquet-droz.com JEAN D'EVE / La Chaux-de-Fonds / www.jeandeve.ch JEANRICHARD (Kering) / La Chaux-de-Fonds / www.jeanrichard.com JULIEN COUDRAY 1518 / Le Locle / www.juliencoudray1518.ch LOUIS MOINET / Saint-Blaise / www.louismoinet.com MAITRES DU TEMPS / La Chaux-de-Fonds / www.maitresdutemps.com MARATHON / La Chaux-de-Fonds / www.marathonwatch.com MARVIN / Vaumarcus / www.marvinwatches.com MCGONIGLE STEPHEN / Neuchâtel / www.mcgonigle.ie MCT / Neuchâtel / www.mctwatches.com METAL.CH / Neuchâtel / www.metalch.com MIDO (Swatch Group) / Le Locle / www.mido.ch MONTBLANC (Richemont) / Le Locle / www.montblanc.com MUREX / Le Locle / www.murexwatch.com NOBEL / Neuchâtel / www.nobelwatch.ch OPTIMA / Le Locle / www.optimawatch.com PIERRE THOMAS / La Chaux-de-Fonds / www.pierrethomas.ch RAIDOX / Le Locle / www.raidox.ch RIBA MUREX / Le Locle / www.murexwatch.com ROD / Neuchâtel / www.rodwatches.ch ROTARY / La Chaux-de-Fonds / www.rotarywatches.com SCHWARZ-ETIENNE / La Chaux-de-Fonds / www.schwarz-etienne.ch SULTANA / La Chaux-de-Fonds / www.sultana.ch TAG HEUER (LVMH) / La Chaux-de-Fonds / www.tagheuer.com TAUCHMEISTER / La Chaux-de-Fonds / www.michel-perrenoud.ch TEMPVS COMPVTARE / Neuchâtel / www.tempvscompvtare.ch TISSOT (Swatch Group) / Le Locle / www.tissot.ch ULYSSE NARDIN (Kering) / Le Locle / www.ulysse-nardin.com VOUTILAINEN / Môtiers / www.voutilainen.ch VULCAIN / Le Locle / www.vulcain-watches.ch WALTHAM / Marin-Epagnier / www.waltham.ch ZENITH (LVMH) / Le Locle / www.zenith-watches.com Obwald ANTOINE MARTIN / Alpnach / www.antoinemartin.ch Schaffhouse A. LANGE & SOEHNE (Richemont) / Schaffhouse / www.lange-soehne.com H. MOSER & CIE (Melb Holding) / Neuhausen am Rheinfall / www.h-moser.com IWC (Richemont) / Schaffhouse / www.iwc.ch Schwytz COINWATCH / Pfäffikon / www.coinwatch.ch LES MILLIONNAIRES / Pfäffikon / www.millionnaires.ch LUMINOX / Pfäffikon / www.luminox.com MIRA / Pfäffikon / www.mirawatch.ch PHILIP ZEPTER / Wollerau / www.zepter.com Soleure ARLEA / Wolfwil AUREMA / Grenchen BIJOUMONTRE / Grenchen / www.bijoumontre.com BREITLING / Grenchen / www.breitling.com CAT / Solothurn / www.catwatches.com COACH / Grenchen / www.coach.com COVER WATCHES / Solothurn / www.coverwatches.com CYCLOS / Dornach / www.cyclos-watch.ch ETERNA (Haidian) / Grenchen / www.eterna.ch FORTIS / Grenchen / www.fortis-watches.com GENIE / Grenchen / www.genieswiss.ch HARWOOD WATCH CO. / Grenchen / www.harwood-watches.com JOWISSA UHRE / Bettlach / www.jowissa-watches.com KIENZLE / Egerkingen / www.kienzleuhren.de MANJAZ / Welschenrohr / www.manjaz.ch NORD ZEITMASCHINE / Büsserach / www.nord-zeitmaschine.ch PORSCHE DESIGN / Grenchen / www.porsche-design.com ROAMER / Soleure / www.roamer.ch SWISS MILITARY-HANOWA / Solothurn / www.swissmilitary.ch TITONI / Grenchen / www.titoni.ch St. Gall LUNESA / Sevelen / www.lunesa.com Tessin ADRIATICA / Camorino / www.adriaticawatches.ch ALFEX / Manno / www.alfex.com ARMAAN / Agno BUCCELLATI / Chiasso / www.buccellati.com CANOPUS / Magliaso / www.amanzoni.com CUERVO Y SOBRINOS / Capolago / www.cuervoysobrinos.com DAMIANI / Manno / www.damiani.com DWISS / Lugano / www.dwiss.com GLAM ROCK / Lugano / www.glamrockwatches.com GUESS / Bioggio / www.guesswatches.com N.O.A / Balerna / www.noawatch.com ORA / Locarno / www.oraswisswatch.com SALVATORE FERRAGAMO (Timex Group) / Manno / www.ferragamotimepieces.com
SEA-GOD / Chiasso / www.sea-god.ch TENDENCE / Lugano / www.tendencewatches.com TIMEX (Timex Group) / Manno / www.timexgroup.com TONINO LAMBORGHINI / Chiasso / www.lamborghini.it VERSACE (Timex Group) / Manno / www.versace.com ZITURA WATCH / Magliaso / www.zitura.com Thurgovie ANDREAS STREHLER / Sirnach / www.astrehler.ch HANHART / Diessenhofen / www.hanhart.com Vaud ADRIANO VALENTE / Lausanne / www.adrianovalente.com ALAIN SAUSER CRÉATION / Chamby / www.alainsauser.ch ALFRED ROCHAT - AROLA / Les Bioux / www.arola-alfred-rochat.ch ANONIMO / Chavannes-de-Bogis / www.anonimo.com AUDEMARS PIGUET / Le Brassus / www.audemarspiguet.com BLANCPAIN (Swatch Group) / Paudex / www.blancpain.com BREGUET (Swatch Group) / L'Abbaye / www.breguet.com C3H5N3O9 / Gand / www.c3h5n3o9.com CABESTAN / L'Orient / www.cabestan.ch CHAUMET (LVMH) / Nyon / www.chaumet.com CLAUDE MEYLAN / L'Abbaye du Lac de Joux / www.claudemeylan.ch DE HAVILLAND / Yverdon-les-bains / www.dehavilland-watches.com DODICI / Montreux / www.dodici.ch FRERES ROCHAT (Automates) / Le Brassus / www.freres-rochat.com HD3 COMPLICATION / Luins / www.hd3complication.com HUBLOT (LVMH) / Nyon / www.hublot.com HYSEK / Lussy-sur-Morges / www.hysek.com JAEGER-LECOULTRE (Richemont) / Le Sentier / www.jaeger-lecoultre.com JANVIER / Ste-Croix / www.vianney-halter.com LOISEAU / St-Prex / www.atelier-loiseau.ch LOUIS GOLAY / Lonay / www.louisgolay.com MANUFACTURE ROYALE / Vallorbe / www.manufacture-royale.ch PARMIGIANI FLEURIER / Gland / www.parmigiani.ch PHILIPPE DUFOUR / Le Sentier / www.philippedufour.com PIERRE DEROCHE / Le Lieu / www.pierrederoche.com REBELLION / Lonay / www.rebellion-timepieces.com REUGE (automates) / Sainte Croix / www.reuge.com REVELATION / Lully / www.revelation-watches.ch ROMAIN GAUTHIER / Le Sentier / www.romaingauthier.com SLYDE / Luins / www.slyde.ch SPEAKE-MARIN / Bursins / www.speake-marin.com VALBRAY / Lausanne / www.valbray.ch VINCENT CALABRESE / Morges / www.vincent-calabrese.ch Zoug CIMIER / Baar / www.cimier.com DIETRICH / Zoug / www.dietrich-watches.com FAVRE LEUBA / Zoug GC WATCHES (Timex Group) / Zoug / www.gcwatches.com PANERAI (Richemont) / Steinhausen / www.panerai.com RAM / Cham / www.ram-watches.ch RECONVILIER / Zoug / www.reconvilier.com Zurich ZASPERO / Regensdorf / www.zaspero.com CAMEL ACTIVE / Zurich / www.mondaine.com CORNAVIN / Zurich / www.cornavin-watches.ch HELVETICA / Zurich / www.mondaine.com JUSTEX / Zurich / www.justex.ch LALIQUE / Zollikerberg / www.lalique.com M-WATCH / Zurich / www.mondaine.com MARC JENNI / Zurich / www.marcjenni.com MAURICE DE MAURIAC / Zurich / www.mauricedemauriac.ch MIKI ELETA (Pendules) / Zurich / www.eleta.ch MONDAINE / Zurich / www.mondaine.com MONTILIER / Zurich / www.montilier.com O&W / Zurich / www.chronotime.ch PAUL GERBER / Zurich / www.gerber-uhren.ch PHILIP STEIN / Kilchberg / www.philipstein.com SEVENFRIDAY / Zurich / www.sevenfriday.com SWAROVSKI / Männedorf / www.swarovski.com TORSO / Zurich / www.torsoswiss.ch URBACH / Zurich / www.urbach.ch XEMEX / Zurich / www.xemex.ch Liste non contractuelle
O 10
730 millions de francs Top 10 des marques horlogères Swiss made (selon le chiffre d’affaires 2013, estimé par la banque Vontobel)
www.vacheron-constantin.com
QUANTIÈME PERPÉTUEL
Boutiques Vacheron Constantin GENÈVE Quai de l’Île 7 • Place de Longemalle 1 LUCERNE Kapellplatz 10 ASCONA Tettamanti CHIASSO Mariotta &5$16ǝ0217$1$ Crans Prestige GENÈVE Les Ambassadeurs ,17(5/$.(1 Kirchhofer LUCERNE Embassy LUGANO Les Ambassadeurs • Mersmann 02175(8; Zbinden 6$01$81 Zegg Watches & Jewellery 67 *$// Labhart-Chronometrie 67 025,7= Les Ambassadeurs =(50$77 Schindler =85,&+ Les Ambassadeurs • Meister • Türler /,(&+7(167(,1 Huber - Vaduz