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L’éloge d’une écologie urbaine frugale en milieu rural

Le lien au paysage, la mise en place de trames ainsi que le prolongement du contexte agricole et paysager rend évident le développement d’une écologie urbaine à l’échelle villageoise. L’écologie dans l’espace public et le développement urbain n’est pas réservé aux centres urbains denses. Prôner l’écologie au service d’un projet urbain contemporain en milieu rural est nécessaire, est frugal. Le développement de la notion d’écosystème favorable à l’espace public vivant se caractérise par la perméabilité des sols, la gestion des eaux pluviales, l’amélioration de la qualité de vie, le développement des modes de déplacements actifs, l’augmentation de la biodiversité, la mise en scène du vivant en lien avec le contexte, l’ouverture des sols. Ouvrir les sols pour planter permet d’apporter du vivant dans l’espace public, de le structurer, d’évoquer les paysages, de donner des espaces de détente, de loisirs, de convivialité (comme le jardinage), de plaisir, de confort aux habitants. Planter change l’ambiance et le climat. Les ouvertures dans le sol rompent avec la minéralité et offrent une nouvelle vision de l’aménagement plus en lien avec la nature environnante, qui devient symbole d’une diversité. Le végétal n’est pas objet ou cosmétique, il est outil de l’écosystème des villes et villages. Une biodiversité se développe à l’échelle du territoire et se décline selon les situations. L’éloge du vivant en milieu rural et sa mise en scène peuvent passer par des plantations qui apportent services, usages et confort. Une forêt urbaine, un alignement de fruitiers, une haie vive, des jardins partagés, une trame de verger, un espace en prairie, un massif planté vont apporter ombre et fraîcheur, changer l’ambiance tout en étant supports de biodiversité et de production agricole et forestière. Le vivant est sauvage, le vivant est comestible, le vivant change au fil des saisons et des usages. Nous pouvons imaginer une multiplicité de mises en œuvre du vivant qui associe végétal et spatialité, ombre et fraîcheur, pédagogie et usages, trame et structure, agrément et comestible, fertilité, perméabilité et gestion de l’eau. La nature a horreur du vide, laisser une zone ouverte s’enfricher offre des ressources pour l’avenir. Utiliser les dynamiques naturelles, laisser faire le vivant, déployer les ressources en place peut-être un mode de gestion innovante des espaces publics qui jardine le vivant en place. L’enfant est curieux et gourmand, rendre sa cour ou son trajet comestible instaure un nouveau rapport au vivant. Penser dans le développement urbain des parcelles dédiées à une agriculture diversifiée, par exemple maraîchère, offre des services aux habitants, minimise les trajets, rediversifie la campagne et ses productions qui sont trop souvent des monocultures incluses dans un système qui implique transports et déplacements. Il est utile de réintroduire de la production agricole, même en centre-bourg, car l’on assiste partout à la perte du rapport agriculture/alimentation. L’agriculture, notamment le maraichage, participe à la vitalité du bourg et de son centre. Il peut être soutenu par les politiques publiques et prendre place sur des parcelles communales. Cette production locale peut s’accompagner d’ateliers avec les habitants et les écoles, de temps villageois communs et de partage de nouvelles techniques de maraichage. La ville devient comestible, pédagogique et productive. La frugalité c’est aussi la réduction de la dépendance, notamment alimentaire.

La ressource en eau est limitée, le temps consacré à la gestion des espaces publics est contraint, les avaloirs, grilles, ouvrages de gestion des eaux pluviales encombrent et standardisent l’espace public. La gestion alternative et vertueuse des eaux de ruissellement est une démarche écologique et frugale. Gérer naturellement les eaux pluviales, favoriser l’infiltration dans des revêtements perméables, dans des massifs, pieds d’arbres, espaces plantés, est un enjeu au cœur de tous les projets. Les éléments et les milieux interagissent pour une gestion simplifiée et naturelle de la pluie. Cette gestion peut s’insérer dans les plis du paysage, dans la topographie, supporter des trames plantées et résonner avec le contexte.

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Nouveau vernaculaire et esthétique du minimum

La standardisation de l’aménagement urbain métropolitain ou rural par ses formes, matériaux et mobiliers, impacte négativement l’attractivité et l’insertion dans le contexte local, patrimonial, historique et paysager. La défense d’une esthétique du minimum, d’une esthétique frugale et d’un nouveau vernaculaire est résolument un outil pour des petites villes vivantes, vivifiées, situées. Le vocabulaire d’un projet qui s’inspire du contexte, du vernaculaire architectural et paysager, offre la possibilité de proposer un nouveau vernaculaire ancré dans l’esthétique locale, rurale, villageoise. Cette mise en valeur du déjà-là passe par un projet frugal qui porte une esthétique singulière, qui fait plus avec moins, utilisant des matériaux, en lien avec le paysage, l’architecture et les ressources. Il s’agit d’une démarche contemporaine, dans la continuité de l’esprit rural tout en faisant le lien entre la nature et l’urbanité pour un projet à la croisée du paysage, de la construction, de l’écologie, de la scénographie villageoise et de la ruralité. Il s’agit de réinterpréter le vernaculaire dans des formes évidentes, brutes, simples pour faire corps avec le paysage, marquer l’articulation entre le contexte rural, agricole, naturel et le contexte urbain du bourg en tirant parti de cette juxtaposition dans les formes, plantations et matériaux.

La géologie est une base solide de la définition du vocabulaire d’aménagement pour un nouveau vernaculaire. La déclinaison de roches calcaires, volcaniques ou granitiques dans l’aménagement définit la base de la matérialité, de la morphologie, de la spatialité, des usages, du vivant, propose une communication et des allers-retours entre les échelles, évoque le grand paysage et se soucie du détail. Le réemploi est à mobiliser dans la définition de cette esthétique du minimum. Les ressources déjà là ont un impact écologique minimum, donnent du sens tout en inscrivant le projet dans un récit paysager, patrimonial ou historique. Les ressources à réemployer doivent être inventoriées, déclinées, dessinées.

Co-construire, usages et concertations

Placer le citoyen, l’habitant, l’usager au cœur de la transformation urbaine pour faire du site un laboratoire, des transformations un sujet collectif pour mener une écologie sociale. Réaliser la conception du projet de même que l’animation d’ateliers et réunions de concertation de façon concomitante de sorte à converger vers le même but : (ré)-activer le site en projet. Impliquer les acteurs dès le lancement de l’opération dans une phase de concertation, collaboration et participation permet de donner un appui solide à la démarche de projet. Cette approche imprègne le concepteur des singularités du territoire et fait de l’espace public le creuset de la vie sociale ; fait de l’urbanisme un acte collectif. Le site devient laboratoire, lieu d’expérimentation : travailler, réfléchir, échanger et projeter in situ. Les ateliers sont différents outils de perception, d’appropriation et de projection des espaces publics. La démarche instaure un échange productif entre le concepteur avec son approche d’expertise et les habitants au cœur de la localité, forts d’une connaissance intime et subjective de leur lieu de vie. La communication avec le site en projet passe par la communication avec les acteurs. Cette interaction doit être introduite par des médias diversifiés : cartes, maquettes, croquis, collectes, inventaires, cartes mentales, implantations échelle 1, etc.

La frugalité porte une dimension écologique, sociale, économique, et culturelle pour construire, de façon contemporaine, des espaces urbains et ruraux durables qui concilient besoins et ressources, usages, qualité et beauté. Développer ruralité et frugalité pour répondre aux enjeux écologiques contemporains, aux aspirations sociales, pour penser différemment le rapport à la voiture, utiliser le territoire comme laboratoire, valoriser les ressources et partir du paysage. La frugalité permet de se positionner et d’apporter une réponse innovante, adaptée et singulière. C’est un outil pour innover et proposer un projet qualitatif et économique, donner la place à tous les usagers et mobilités, au végétal, à la convivialité, au plaisir.

*renvoie au dispositif de l’État « Petites villes de demain »