La pierre pour édifier les ponts du XXIe siècle?

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La pierre pour édifier les ponts du XXIe siècle

Etienne Jagueneau encadré par Marine Bagnéris École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille Janvier 2019


Pont Morandi à Gênes construit en 1967 et effondré le 14 aout 2018

Pont du Gard construit construit en 50 av JC


Avant-propos Aujourd’hui la construction des ponts en France se centre sur un matériau : le béton, armé ou précontraint. L’effondrement tragique du pont Morandi le 14 aout dernier à fait tourner les regards vers les ouvrages d’art et se poser la question de leur état et de leur durée de vie. En effet, si ce pont qui datait tout juste de 1967 s’est écroulé, que penser des ouvrages similaires construit aux alentours de cette période et depuis qui emploient les mêmes matériaux ? En parallèle de cet accident on peut observer partout en France et dans le monde une quantité d’ouvrage d’art en pierre, présents depuis des siècles et qui assurent encore aujourd’hui leur rôle. La pierre a été utilisé pour réaliser ces ouvrages depuis le début de l’humanité, atteignant son apogée au début du XXe siècle avec les grands ouvrages en maçonnerie des voies de chemin de fer notamment. Pourtant dès le XIXe siècle, ces techniques ont été progressivement délaissés au profit de construction en acier, puis en béton armé et précontraint qui permettaient d’atteindre des portées de plus en plus grandes. Après-guerre, le développement de l’industrie du béton tend à démocratiser son utilisation à tous les types d’ouvrages à tel point qu’il est aujourd’hui instinctif pour tous, maitres d’ouvrages ou ingénieurs d’y avoir recours plutôt qu’un autre matériau. A travers ce mémoire j’ai cherché à interroger la faisabilité de ponts en pierre de nos jours. Pour cela je me suis d’abord attelé à une analyse du parc existant afin de démontrer l’intérêt d’une telle proposition puis à l’appui d’un exemple très référencé j’en démontrerai les avantages et enfin j’ai cherché à montrer les opportunités de développement d’un tel projet grâce aux technologies disponibles actuellement.

Photos pont de Gênes et pont du Gard



SOMMAIRE 1 Avant-propos 4

Partie I – Etat actuel du parc des ponts français

4   5   5   6   12

Recensement des ponts français Etat des ponts français Matériau de réalisation des ponts français Répartition des ponts français par portée Partie II / Un exemple construit, le pont de Chaldecoste

13   L’outil ACV (Analyse du Cycle de Vie) 14   Aspect environnemental 16   Aspect économique 18   Conclusion 20

Partie III / Les enjeux de la construction de ponts en maçonnerie

20   Enjeux environnementaux 21   Enjeux culturels et patrimoniaux 24   Enjeux socioéconomiques 25   Conclusion 26

Partie IV / Recours aux technologies développées au XXe siècle

26   La puissance du calcul informatique 28   Les machines à commande numérique 29   La pierre et la précontrainte 33   Les techniques de construction développées pour la construction des grands ponts 35   La recherche sur la pierre en France 36 Conclusion 38 Bibliographie

-3-


Partie I – Etat actuel du parc des ponts français Recensement des ponts français Le recensement des ouvrages d’arts français est une tâche complexe et qui n’est actuellement qu’en partie effectuée. Si l’Etat et les sociétés autoroutières connaissent assez précisément leur parc, il n’est est pas de même pour les collectivités territoriales et les communes. En effet aucune règle stricte n’impose ce recensement même si les initiatives de la part de l’Etat y poussent depuis le début des années 2000. Le manque de moyens financier à allouer à cette tâche est souvent le motif mis en avant par ces collectivités pour se justifier de ne pas s’astreindre à cet exercice. Selon les estimations, très variables selon les sources, le nombre de ponts total en France, tous réseaux compris (routier, ferroviaire et naval) pourrait être de 310 000. Pour les seuls ponts du réseau routier il s’agirait de 250 000 ouvrages dont 12 000 à l’Etat, 13 000 aux sociétés autoroutière, 125 000 aux départements et 120 000 aux communes. Chez réseau ferré de France on trouve 35 000 ponts rail et 11 000 ponts route.1 Du fait de la disparité sur le recensement en fonction des gestionnaires des ouvrages, il est complexe d’avoir une vision globale de tout le parc français. Les chiffres concernant l’entretien des ouvrages sont assez facile d’accès en ce qui concerne le réseau national non concédé mais celui-ci ne représente que 4% du parc total. Les chiffres sur les réseaux privés et les réseaux des collectivités sont eux beaucoup plus complexes à obtenir car ils ne sont ni centralisés ni uniformisés. Nombre % du total Tableau de recensement des ponts français

Domaine routier national non concédé

12 000

4%

Domaine routier national concédé

13 000

4%

Départements

125 000

40%

Communes

120 000

39%

Réseau ferré ‐ ponts rails

35 000

11%

Réseau ferré ‐ ponts route

11 000

4%

TOTAL

310 000

100%

Tableau de répartition des ponts français en fonction de leurs propriétaires

1

Selon des donnés croisés issues de planet TP, Le Moniteur -4-


Etat des ponts français Selon les données disponibles, il semblerait que le parc de ponts français ne soit pas en parfait état. Selon un audit commandé par l’Etat à Nibuxus et IMDM (spécialistes de la gestion d’ouvrages routiers) et publié en juillet 2018, près d’un pont sur trois du réseau national non concédé aurait besoin de réparations. Ils ajoutent que sans changement de politiques sur la gestion de ces ouvrages, en 2037 c’est 6% des ponts qui seront hors service. Selon leurs estimations, pour qu’en 2037 le réseau (routes + ponts) soit dans le même état que celui d’aujourd’hui, les fonds alloués à l’entretien peuvent persister au niveau actuel (soit 666 millions d’euros par an) jusqu’en 2022 mais devront ensuite passer à 1,3 milliard par an. Ces chiffres qui ne sont pas rassurant portent pourtant uniquement sur les ouvrages du réseau national non concédé (4% du total d’ouvrages). Les ouvrages des collectivités territoriales n’étant même pas répertoriés de façon précise, il est fort à penser que leur état n’est pas non plus reluisant. Matériau de réalisation des ponts français Du fait du manque de recensement, ces informations sont complexes à estimer. On peut toutefois trouver des chiffres à propos du réseau national non concédé qui donnent la répartition suivante : Nombre Tableau de répartitionPourcentage des ponts par matériau Maçonnerie

10%

1 224

Béton armé

49%

5 928

Béton précontraint

18%

2 208

Acier et mixte

5%

600

Buses en béton

7%

888

Buses en acier

9%

1 080

Ponts spéciaux

1%

67

Tableau de répartition des ponts du domaine national non concédé (4% du total) en fonction de leur matériau

Pour les concessionnaires du réseau national concédé, du fait de l’âge du parc qu’ils gèrent, construit en quasi-totalité lors de la deuxième moitié du XXe siècle, il est fort à parier que la proportion de ponts maçonnés y est encore bien moindre. -5-


A l’inverse, les réseaux ferroviaires construits en grande partie durant le XIXe siècle présentent sûrement une proportion de ponts en béton plus faible. Il est intéressant de croiser avec ces données les durées de vie des ouvrages. Un rapport du Cerema2 estime les durées de vie des ouvrages en fonction de leur matériau. Age moyen

Dates critique de construction vis‐à‐vis de la Durée de vie Plus anciens durée de vie recalée

Béton armé

30

80

1920

< 1940

Buses métalliques

30

35/45

1960

Durée de vie 35 ans < 1975 (conception), < 1970 (matériaux)

Béton précontraint

30

70

1950

Maçonneries

145

150/250

1800

Maçonneries de briques 150 ans

Métal seul

40

70

1925

< 1990 (conception), < 1950 (matériaux)

Métal mixte

25

100

1970

< 1990 (conception), < 1950 (matériaux)

Autres

Tableau des 35 durées de vie des ouvrages en fonction des matériaux graphique barres Tableau des durées deou vie des ouvrages enen fonction de leur matériau

La durée de vie recalée correspond à la durée de vie que peut atteindre l’ouvrage avec la réalisation d’une ou de plusieurs interventions de rénovation lourdes à budget importants. Le rapport complète en nuançant que la durée de vie dépend aussi énormément de la date de construction des ponts. Depuis les Eurocodes des années 1980 les ouvrages ont une pérennité plus fiable mais ceux d’avant, très nombreux, ne bénéficient pas de cet avantage. A travers ces chiffres on peut extrapoler qu’au cours de la durée de vie d’un pont maçonnée, un même pont en béton armé ou béton précontraint aura été reconstruit entre 1 et 5 fois selon l’entretien qui est effectuée sur lui. Ainsi, un souci de pérennité d’une grande partie du parc de ponts français est mis en évidence concernant les ponts construits à partir des années 50. Répartition des ponts français par portée En plus de ces données il faut s’intéresser à la portée des ponts construits. Il est vrai que les ponts en pierre peuvent actuellement difficilement franchir de très grandes portées mais les ponts construits de nos jours ont des portées qui ont largement été atteintes par des ouvrages en 2 « Surveillance et entretien courant des ouvrages d’art routiers » par le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), septembre 2018 -6-


pierre par le passé. Le développement du chemin de fer du XIXe siècle au début du XXe a notamment été un moyen de développer un grand savoir sur les ouvrages maçonnés, appuyé sur un grand nombre de réalisations. Paul Séjourné est l’ingénieur le plus marquant pour ces constructions, il a réalisé une grande quantité d’ouvrages (ponts, viaducs, tunnels, murs de soutènement…) et a théorisé sa pratique au travers d’un traité d’ingénierie3. 3% au delà

de 250m Tableau de12%répartition des ponts par portée4 entre 60 et 250m

Exemples de ponts maçonnés 85% entre 5 et 60m

Graphique illustrant la répartiton des ponts en fonction de leur portée4

Pont Antoinette, 50m de portée, 1884

3 Paul Séjourné, Grandes Voutes, 1913-1916 4 Données issues de « Cours sur les ponts – Principes généraux, Conception, Méthodes de construction » par Michel Placidi. -7-


Petit Pont Cardinal Lustiger, 32m de portĂŠe, 1853

Viaduc de la Roizonne, 80m de portĂŠe, 1928 -8-


Viaduc de la Recoumène, 25m de portée, 1925

Pont de la Balme, 64m de portée, 1946 -9-


Viaduc des eaux salées, 50m de portée, 1914

Pont des Cieutats, 36m de portée principale, 1643 - 10 -



Partie II / Un exemple construit, le pont de Chaldecoste Le pont de Chaldecoste est un pont en maçonnerie construit en 2012 sur la commune de Saint-Andéol de Clerguemort, dans les Cévennes. C’est un pont vouté de 6m d’ouverture réalisé par l’ABPS (Association des Bâtisseurs Pierre Sèche). Il vient remplacer une buse métallique emportée lors d’un épisode cévenol en 2008. Une analyse ACV a été menée pour démontrer les vertus d’un tel projet en termes écologique et une analyse économique a également été réalisée pour pouvoir évaluer ce type de réalisation dans le cadre d’une démarche soutenable5. Ce rapport a été rédigé en collaboration par des ingénieurs de l’ENTPE, de l’Ecole Centrale de Lyon, de l’IFSTTAR et par les artisans bâtisseurs et carriers locaux. Il s’est attaché à la comparaison de la réalisation en pierre avec un pont équivalent en voûte de béton avec murs en retour et d’une voûte en béton sans murs.

Photo du pont

5

Rapport « PEDRA » par R. Brière, A-S Colas, G. Habert, Y. Tardivel - 12 -


L’outil ACV (Analyse du Cycle de Vie) L’analyse ACV est un outil très poussé et normalisé qui cherche à déterminer l’empreinte écologique d’une construction de façon précise et complète. Elle prend en compte les impacts de la construction selon les paramètres suivants : • La production des matériaux nécessaires à la construction, • Leur transport • La construction • La maintenance de l’ouvrage sur une période de 100 ans - 13 -


Aspect environnemental Les impacts environnementaux sont mesurés sur 10 paramètres différents : • L’épuisement des ressources non renouvelables • L’acidification (atmosphérique) • L’eutrophisation • Le potentiel de réchauffement climatique • La destruction de la couche d’ozone • La toxicité humaine • L’écotoxicité de l’eau douce • L’écotoxicité de l’eau de mer • L’écotoxicité terrestre • L’oxydation photochimique Pour la réalisation de ce pont, en ramenant les impacts en fonction des matériaux et en confondant les trois phases de production, transport et mise en œuvre la pierre est responsable de 20 à 45% des impacts selon les postes, à égalité avec le mortier pourtant présent en moins grande quantité. Ceci s’explique par le surplus d’énergie que demande la production du mortier par rapport à l’extraction de la pierre.

100%

Graph de répartition des impacts environnementaux selon les matériaux

80%

60%

40%

2 0%

0%

Epuisement des ressources non renouvelables

Autres Remplissage Mortier Pierres

Acidification

Eutrophisation

Potentiel de Destruction de réchauffement la couche climatique d’ozone

Toxicité humaine

Ecotoxicité de Ecotoxicité de l’eau douce l’eau de mer

Ecotoxicité terrestre

Oxydation photochimique

Graphique de comparaison des impacts en fonction des matériaux dans la solution du pont en pierre, phases de production, transport et construction confondues

- 14 -


L’analyse s’est prêtée à une comparaison avec les impacts qu’auraient représenté une solution équivalente en béton. Les résultats sont représentés sur le graphique suivant et font ressortir, par poste, les différences avec la solution pierre. Au-delà du fait que la solution pierre est systématiquement moins impactante, il est intéressant de noter que c’est grâce au poste de production des matériaux, toujours inférieur dans la solution pierre alors que les postes de transport et de construction restent globalement équivalents. 160%

140%

Graph de comparaison des impacts selon les types de ponts

120%

100%

80%

60%

40%

2 0%

0%

1

2

3

Epuisement des ressources non renouvelables

1

2

3

Acidification

1

2

3

Eutrophisation

1

2

3

1

2

3

Potentiel de Destruction de réchauffement la couche climatique d’ozone

Construction

1

Solution en pierre

Transport

2

Voute en béton avec murs en retour

Matériaux

3

Voute en béton sans murs en retour

1

2

3

Toxicité humaine

1

2

3

1

2

3

Ecotoxicité de Ecotoxicité de l’eau douce l’eau de mer

1

2

3

Ecotoxicité terrestre

1

2

3

Oxydation photochimique

Graphique de comparaison des impacts environnementaux de trois solutions solution de ponts. La comparaison se fait en considérant que l’impact due la construction en pierre est de 100%

En termes de maintenance, l’analyse a pris en compte une durée de 100 ans et a considéré que sur cette période le pont en pierre n’avait pas besoin d’une maintenance particulière si ce n’est un rejointoiement ponctuel à la différence d’une solution béton qui aurait besoin de changer son étanchéité tous les 30 ans. Cette hypothèse s’appuie sur l’analyse d’ouvrage similaires présents dans la région. Ainsi, lorsqu’on intègre la maintenance dans la comparaison des différentes solutions, les avantages d’une solutions pierre sont assez éloquents. - 15 -

Graph de comparaison, maintenance inclue


= 450%

= 420%

2

3

240%

220%

200%

180%

160%

140%

120%

100%

80%

60%

40%

2 0%

0%

1

2

3

Epuisement des ressources non renouvelables

Maintenance Construction Transport Matériaux

1

2

3

Acidification

1

2

3

Eutrophisation

1

2

3

1

2

3

Potentiel de Destruction de réchauffement la couche climatique d’ozone

1

Solution en pierre

2

Voute en béton avec murs en retour

3

Voute en béton sans murs en retour

1

2

3

Toxicité humaine

1

2

3

1

2

3

Ecotoxicité de Ecotoxicité de l’eau douce l’eau de mer

1

Ecotoxicité terrestre

1

2

3

Oxydation photochimique

Graphique de comparaison des impacts environnementaux de trois solutions solution de ponts en incluant la phase de maintenance. La comparaison se fait en considérant que l’impact due la construction en pierre est de 100%

Aspect économique La réalisation de ce pont a couté 153 851€ mais les artisans ne sont pas rentrés dans leur frais et estiment leur perte entre 20 et 30 000€ le cout total théorique est donc plus proche de 180 000€. Pour la comparaison avec une solution béton, une buse en béton réalisé dans une commune limitrophe l’année précédente a été pris comme référence. Cette réalisation, dont les caractéristiques de franchissement sont similaires, avait - 16 -


été estimée à 77 000€ par la DDT mais la facture est finalement montée à 277 000€. Ces chiffres disparates rendent la comparaison difficile mais l’étude l’a quand même menée. Un des points sur lequel elle insiste est l’origine des fonds de financement et les frais restant à la charge de la commune. Le pont en pierre a eu droit à une subvention « patrimoine » de la part du Conseil Général et du Parc Naturel Régional des Cévennes à hauteur de 50 000€. Une telle subvention n’aurait pas été accordée pour une solution béton. De plus, les coûts d’entretien de la solution béton sont important comparés à la solution pierre : les entreprises mobilisées pour les inspections sont des entreprises spécialisées qui viennent de loin et les travaux d’entretien sont lourd et onéreux, surtout pour une petite commune. A l’inverse, pour la pierre ce sont les artisans locaux qui assurent les inspections et les réparations sont à priori rares et légères. Ainsi, si la solution en pierre peut être plus onéreuse à la construction, elle se rentabilise beaucoup mieux qu’une solution béton grâce à un coût d’entretien comparativement quasi inexistant. Cet intérêt est accentué pour la commune par les subventions qui sont attribuée aux solutions pierre et pas au béton. Le graphique suivant affiche de façon assez claire cette différence dans les dépenses. 300 000

Graph des dépenses

250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 0

Pont en pierre

Fonctionnement: étanchéité Fonctionnement: inspections Investissement commune Subventions patrimoine Subventions intempéries

Buse béton

Graphique comparant la provenance et la destination des fonds utilisés en fonction de la solution mise en œuvre

Un autres des aspects économiques intéressant à analyser et l’endroit où vont les fonds dépensés. Quel que soit le prix réel, dans une solution béton, les fonds investis sont utilisés pour faire fonctionner des organismes qui sont globalement loin de la commune tandis que pour une solution pierre les fonds sont plus dirigés vers des entreprises et des organismes locaux. - 17 -


120% 100% 80% 60% 40% 20% 0% Pont en pierre

Extérieur

Graph de

Départemental Local

Buse béton

Graphique comparant la destination fonds utilisés en lagéographique localisationdesdes dépenses fonction de la solution mise en œuvre

Conclusion L’exemple de ce pont montre les avantages d’une solution pierre comparée à une solution béton classique et sa faisabilité, que ce soit en termes écologiques, économiques ou en termes de disponibilité des savoirs.

- 18 -



Partie III / Les enjeux de la construction de ponts en maçonnerie Dans cette partie, je m’intéresse à la construction de ponts en pierre en questionnant uniquement les ouvrages maçonnés de portée courante (jusqu’à 20m). Cette restriction du domaine d’étude s’appuie sur les constatations de la première partie qui mettent en évidence que c’est un type d’ouvrage très courants représentant la majeure partie des ponts existants et construits. De plus, l’exemple du pont de Chaldecoste démontre les bénéfices et la faisabilité d’ouvrages maçonnés de dimension modeste à l’heure actuelle. A travers cette partie, je démontrerai la soutenabilité de la construction de ponts en pierre à travers ses enjeux écologiques, économiques, sociaux et culturels. Enjeux environnementaux Comme le montre l’ACV du pont de Chaldecoste, à caractéristiques équivalentes, la pierre est globalement plus écologique qu’une solution en béton. En effet, même si l’impact environnemental du béton est moindre que celui de la pierre sur certains paramètres, dans la globalité la pierre s’avère être plus performante. Production des matériaux : Pierre : Les processus de production de la pierre étant assez simples et peu nombreux, la production de celle-ci reste moins impactante qu’une solution béton malgré un volume plus important. Béton : Le béton, même s’il est employé en moins grande quantités que la pierre à solution équivalente et plus impactant que celle-ci à cause de l’énergie importante qu’il nécessite pour sa fabrication. Transport : Les émissions liées au transport des matériaux sont équivalentes. L’avantage de la quantité de matière mise en œuvre, plus faible pour le béton est compensée par des trajets plus longs que ceux de l’approvisionnement en pierre. Construction : Les émissions liées à la construction sont équivalentes Pierre : La construction en pierre constitue un chantier plus complexe mais les remblais sont moins importants. Béton : La construction en béton est assez simple mais demande plus de remblais et donc plus de transport et de travail avec des engins. - 20 -


Durée de vie des édifices : Pierre : Entre 145 et 250 ans. Les opérations de maintenance sont peu courantes et légères Béton : Entre 30 et 70 ans mais varie beaucoup en fonction de la date de construction. Les opérations de maintenance sont plus fréquentes et importantes. Cette simple comparaison fait dire que pour la vie d’un ouvrage maçonné, son équivalent en béton aurait dû être reconstruit ou en tout cas nécessite une intervention lourde entre 1 et 5 fois. Autrement dit, hors critère de maintenance, il faudrait qu’un pont en béton soit au moins deux fois moins impactant qu’un pont maçonné pour avoir une emprunte environnementale équivalente. Recyclage/réemploi : Pierre : La pierre demande peu de traitement pour pouvoir être réutilisée pour d’autres constructions (en génie civil comme en construction courante) et ses cycles de réemplois sont illimités. En atteste les nombreuses constructions antiques et moyenâgeuses qui ont servi de carrière pour construire des bâtiments lors des derniers siècles. Béton : Le remploi et le recyclage du béton sont aujourd’hui assez complexes et énergivores, même si les recherches et les volontés existent. Le remploi reste lui largement marginal. De plus, le nombre de cycles de recyclage semble à l’heure actuelle limité.

Enjeux culturels et patrimoniaux La construction de pont maçonnés vise aussi à développer une valeur culturelle. Le béton est par essence une recette d’ingrédients d’origine variée, prélevés à différents endroits. La pierre elle peut être mise en œuvre telle qu’elle, proche de son site d’extraction. En cela elle fait plus facilement preuve d’un caractère local par rapport au béton. Même si on trouve parfois des bétons qui arrivent à obtenir ces expressions par l’utilisation d’éléments locaux dans leur constitutions (béton de site avec agrégats du site…) ces opérations restent marginales dans l’utilisation qui en est faite à l’échelle nationale. Les réalisations en béton dans son utilisation courante revêtent plus un vocabulaire déconnecté de leur site. Les constructions en pierre quant à elles, présentes dans les territoires depuis des siècles illustrent plus facilement le territoire dans lequel elles s’implantent. - 21 -


En plus des matériaux la question de la mise en œuvre entre en jeux également. Les techniques de construction en pierre sont régulièrement associées à des territoires. Le béton lui présente une multitude de mise en œuvre mais celles-ci ne sont pas ou rarement associés à des lieux. Prenons l’exemple des passages supérieurs des autoroutes. Ils sont généralement tous les mêmes sur tout le tracé de l’autoroute. Pour contrer cette monotonie et ce déficit identitaire, de rares interventions plus ou moins intéressante sont parfois rajoutés pour embellir ou souligner l’identité du territoire traversé. Pourtant les ouvrages enjambant les autoroutes pourraient jouer ce rôle s’ils mobilisaient dans leur construction les spécificités locales (matériaux et techniques constructives). Il n’y aurait plus (ou moins) besoin de faire appel à des constructions rapportés pour souligner les caractères locaux. Des ouvrages d’art arrivent à mettre en place ce lien entre elles et le territoire dans lequel elles se situent par le matériau qu’ils mettent en œuvre. Le pont Inachus est une passerelle piétonne de 34m de portée réalisée à Beppu au Japon en 1994 par Mamoru Kawaguchi. La ville de Beppu est jumelée à la ville de Yantai en Chine, qui produit du granit. Le granite étant de suffisamment bonne qualité il a été utilisé pour réaliser cette passerelle en tant que matériau de structure en collaboration avec l’acier. Il a aussi été utilisé pour les aménagement urbains de la ville, contribuant à intégrer parfaitement la passerelle dans son environnement. Aesthetics of incluant concrete structures Session 14 Ainsi cette réalisation a pu contribuer à lier les deux villes en la culture de l’une dans l’autre grâce au matériau qu’elle mobilise.

Passerelle piétonne Inachus - 22 Fig.22 “Monolithic” Granite Deck for Upper Chord and Steel Chain for Lower Chord


significant tensile stresses seem occur chord in the transverse in the deck. concrete, although to whichnothe prestressing cables of thetoupper are also direction anchored. The upper and lower The lower chord has the longitudinal shape of a funicular polygon which is almost symmetrical with the chords are connected to each other by means of web members consisting of steel tubes arranged to upper chord. It consists of steel plates arranged into a chain. To provide the bridge with torsional form inverted pyramids. resistance the lower chord is forked at the both ends, and anchored into the end blocks of reinforced concrete, to which the prestressing cables of the upper chord are also anchored. The upper and lower chords are connected to each other by means of web members consisting of steel tubes arranged to form inverted pyramids.

Axonométrie et phot de détail de la composition de la passerelle Fig.20 Schematic Details

Fig.21

Fig.20 Schematic Details

Fig.21

Stone and Steel

Stone and Steel

10

10

Exemple pont de Kawaguchi à Vals Pont enPont structure pierre et béton précontraint à Vals Ce pont est un pont à structure mixte pierre-béton précontraint réalisé à Vals en Suisse en 2009 par Jürg Conzett. La pierre utilisée est une pierre locale, la même que celle utilisée pour les célèbres thermes de la ville, utilisée selon les mêmes modules. Le pont crée donc un lien avec le bâti de la ville, affirmant l’identité du territoire. - 23 -


Enjeux socioéconomiques Un des enjeux de la démocratisation de la construction de ponts en pierre est de ramener les acteurs de la construction de ces ouvrages à une échelle plus locale. Aujourd’hui, les entreprises qui construisent et entretiennent les ponts sont le plus souvent des entreprises spécialisées d’une certaine envergure qui travaillent sur plusieurs territoires ou même sur toute la France. Ainsi les savoirs et les compétences nécessaires à la construction et à l’entretien des ponts sont situées plutôt dans les grandes villes et lorsqu’une collectivité petite ou moyenne (de la commune au département) veut construire ou entretenir son parc, elle est très rapidement obligée de mobiliser des savoirs extérieurs. Le béton est un mélange de plusieurs éléments prélevés dans des endroits plus ou moins distant, et son développement a eu lieu à une époque à laquelle le transport était facile comparée à l’antiquité ou les savoirs sur la pierre ont été développés. Du fait de ce développement l’industrie du béton a tendue à démocratiser et à unifier son utilisation sur tout le territoire. A l’inverse, la pierre a développé des savoirs pour sa mise en œuvre qui varient d’un territoire à l’autre puisque les particularités des pierres changent d’un territoire à l’autre. Un lien entre l’artisan ou l’entrepreneur et le territoire est donc légitime, ce qui justifie le fait d’implanter des entreprises locales et plus des entreprises de grande envergure comme avec le béton. La constitution de savoirs locaux est aussi l’occasion de permettre aux gestionnaires des ouvrages de les entretenir sans faire systématiquement appel à des savoir-faire extérieurs. L’entretien s’en trouve facilité, et la proximité des intervenants crée un climat moins enclin aux négligences et retard d’interventions qui sont souvent les responsables de la ruine des ouvrages. Ceci est valable pour les ouvrages à créer mais également pour le parc existant. Des associations œuvrent déjà en France dans le but de remettre en place ces savoirs oubliés. C’est par exemple le cas de l’association des Artisans Bâtisseurs en Pierre Sèche (ABPS) qui œuvre depuis 2002 dans toute la France pour le retour de ces techniques constructives en structurant une filière pierre sèche. Elle regroupe des professionnels actifs du milieux du BTP et mène des actions de recherche et développement, d’information, de communication, et de formation. Elle contribue à la constitution de savoirs sur les ouvrages d’art, notamment par la réalisation de murs de soutènement et leur analyse en lien avec des ingénieurs pour comprendre précisément leur fonctionnement et leurs intérêts.

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Conclusion La construction en pierre étant donc soutenable aux points de vue environnementaux, socioéconomiques et culturels, il semble réaliste qu’elle puisse faire l’objet d’un portage politique. A terme il parait envisageable que la construction en maçonnerie se développe, autant pour la création de ponts neufs que dans l’intérêt de l’entretient et de la rénovation des vieux en vue de constituer un parc d’ouvrages plus durable au point de vue environnemental et moins cher à l’entretien.

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Partie IV / Recours aux technologies développées au XXe siècle Si la pierre peut se contenter de réemployer des techniques éprouvées au cours de l’histoire comme on l’a vu avec le pont de Chaldecoste, elle peut aussi s’emparer des méthodes de construction et de conception développées au cours du XXe siècle pour surpasser ses capacités connues. En effet, le XXe siècle a vu se développer de nombreuses technologies constructives associés notamment au métal, au béton armé et au béton précontraint ; matériaux relativement nouveaux à l’échelle de l’histoire de la construction. Ces innovations se sont faites en appui sur les techniques de construction des matériaux existants. On peut par exemple citer la banche, technique issue de la construction en terre qui a été appliquée au béton. Par ailleurs les techniques de conception ont également évolué, allant de l’empirisme du Moyen-Age aux modélisation informatiques contemporaines. La pierre est globalement restée en marge de ces évolutions technologiques, ne s’en emparant que très rarement. Elles représentent pourtant un potentiel de développement pour ce matériau. La puissance du calcul informatique L’informatique et la puissance de calcul qu’elle amène ont changé la façon traditionnelle de concevoir des ouvrages. En démultipliant la possibilité de faire des calculs, elle a entrainé la possibilité de multiplier et d’affiner les simulations des futurs ouvrages. Cette culture de l’anticipation et de la démonstration scientifique qui s’est développée avec le calcul rentre en confrontation avec la culture des artisans de la pierre qui est plus basée sur la connaissance empirique. De nos jours, les modèles numériques se heurtent à une difficulté pour modéliser les structures en pierre et les règlements qui exigent des raisonnements scientifiques tendent à limiter la possibilité de réaliser des constructions en pierre. Toutefois, des travaux de recherches pour calculer les structures en pierre sont à l’œuvre actuellement, poussés en partie par les gestionnaires d’ouvrages qui ne savent plus comment les entretenir6. Quelques concepteurs se sont pleinement emparés du calcul, non pas seulement pour anticiper le comportement futur d’une réalisation dessinée mais pour générer des structures dont le fonctionnement mécanique permet de faire fonctionner la matière de la façon la plus optimale possible afin d’être le plus économe dans son utilisation. C’est par exemple le cas des réalisations de Philippe Block dont le but est d’obtenir des structures en compression pures afin que la pierre fonctionne toujours selon son mode de sollicitation propre. 6 Eric Vincens, Ecole Centrale de Lyon, PEDRA, Ouvrages en pierre sèche ou faiblement hourdés, 20 janvier 2015 - 26 -


Bibliothèque Maya Somaiya et école Sharda par Sameep Padora & Associates Projet conçu grâce aux outils de conception développés par le laboratoire de Philippe Block

Coupes de détails de la composition de la voûte

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Images de Block Installation De Phillipepe Block à la biennale de Venise 2016

Les machines à commande numérique L’informatique ne s’arrête pas au calcul ou à la génération de structures ni à leur modélisation volumique mais elle peut accompagner l’ouvrage dans la fabrication de sa matière au travers des machines à commande numériques. Pour la pierre, celles-ci ne permettent pas nécessairement un travail de meilleure qualité que le travail d’un homme mais permettent de réaliser des pièces beaucoup plus facilement et dans des temps beaucoup plus courts, correspondant d’avantages aux temps de production contemporain.

Fraiseuse numérique 8 axes à l’Atelier du Grain d’Orge - 28 -


les - Pierre(s)

En France, peu d’ateliers de tailleurs de pierre disposent de ces équipements, autant en raison de leur coût élevé qu’en raison d’une faible demande de la part des constructeurs.

– Pierre précontrainte

Photo Grain Découpe à l’Atelier du Grain d’Orge à l’aide d’und’orge fil à commande numérique d’un élément dessiné avec des outils numériques Poutre en pierre précontrainte - MAP gamsau / Stono / Atelier du Grain d’Orge - 2017 La pierre et la précontrainte

Pour des raisons similaires au béton, la précontrainte s’est avérée être une technique de construction assez complémentaire à la pierre. En effet, un des problèmes similaires à la pierre et au béton est son manque de résistance en traction avec en plus pour la pierre, un phénomène d’ouverture des joints lorsqu’apparaissent des efforts de traction dans la structure. Historiquement, pour palier à ce problème on a allié le béton à un autre matériau, l’acier qui lui résiste bien à la traction en disposants des barres « inertes » dans le béton, constituant ainsi le béton armé. Cette solution n’étant pas la meilleure pour de nombreuses situations on a ensuite inclus au béton de l’acier « actif » avec des armatures tendues dans la structure avant ou après sa réalisation afin d’assurer une compression permanente du béton et éviter toute création de traction ultérieure dans la structure. - 29 -


La précontrainte est donc une technologie qui bien que développée pour le béton, a trouvée une pertinence à être mise en œuvre avec la pierre car elle lui permet d’assurer sa cohésion à l’échelle de toute la structure. On trouve même des traces de projets d’application de la précontrainte à la pierre assez anciens. Dans les années 1940, François Teissier du Cros, ingénieur des Ponts et Chaussées proposait un passage supérieur de 32m de portée en maçonnerie précontrainte pour l’autoroute Paris Lille.

de passage supérieurde en maçonnerie précontrainte Dessins duProjet passage supérieur Teissier du Cros

En même temps, la STUP (Société Technique pour Utilisation de la Précontrainte), l’entreprise de Freycinet conceptualise une dalle de pont de 18m de portée en voussoirs de pierre précontraints.

Dessins du pont en voussoirs précontraints

Concept de dalle de pont en voussoirs de pierre précontraint - 30 -


De nos jours, des ingénieurs et des architectes se sont emparés de cette technologie afin de réaliser des constructions en pierre dont l’expression architecturale n’est pas celle d’une construction traditionnelle en pierre. Ces constructions, qui n’auraient pas été réalisables telles qu’elles en pierre sans le recours à la précontrainte, laissent entrevoir ce que les hybridations technologiques peuvent donner afin d’employer un matériau séculaire avec une expression tout à fait contemporaine. Session 14

Pont de Kawagushi

Aesthetics of concrete structures

Pont à Vals Gare de Marseille Mur courbe de Svensted Passerelle piétonne Inachus Fig.22 “Monolithic” Granite Deck for Upper Chord and Steel Chain for Lower Chord The web members are constituted in a manner which the author calls an “open-web truss” or “incomplete truss”, in which the web of a girder is not closed by a repetition of lattice members as in a normal truss (Fig.21). The author has been using open-web trusses in several designs of his recent works. In open-web trusses bigger bending moments occur in the upper chords especially for non-uniform load compared to normal trusses, but in many cases the upper chords have a marginal capacity to accommodate the additional bending moments. Taking into account the savings in lattice members and connecting details and esthetic advantage of a simpler appearance, the author believes that the open-web truss has a good raison d’être in structural design. In case of the present bridge the compressive stresses in the upper chord due to prestressing and the overall bending of the bridge are sufficient to avoid tensile stresses in the stone due to the local bending moments under all possible loading conditions. In design of the handrails the author tried to make it as simple as possible to maintain the clear appearance of the main structure of the bridge. The only ornament in the bridge is the eight ceramic covers to the four hinge bolts of the lower chord which were made by a famous potter. The ceramic covers reflect sunlight in the morning and evening to make the bridge more attractive. The bridge was named “INACHUS” (the name of the God for the river in the Greek myth) through a naming competition among the citizens of Beppu. The bridge was awarded a JSCE (Japan Society of Civil Engineers) Prize in 1995, and an AIJ (Architectural Institute of Japan) Prize in 1996 for its design and construction.

Cathédrale PadreREMARKS de Pio construite 4. CONCLUSIVE

par Renzo Piano en 2004 dont la couverture est portée par des arches de pierre précontrainte.

The current situation of construction of concrete shell and spatial structures has been reviewed, and the attempts which the author has made -in31his - design of concrete structures for the sake of rationality and esthetic satisfaction have been described. It may be said that the comparatively high cost and other inconvenience in constructing concrete spatial structures can be compensated, if the


Gare routière de Marseille réalisé par Jean-Marie Duthilleul en 2007 dont la colonade de la façade principale est faite en pierre précontrainte

Mur ondulant en pierre précontrainte réalisé par Carl Fredrik Svenstedt en 2018 - 32 -


Les techniques de construction développées pour la construction des grands ponts La construction de nombreux ponts de moyenne et grande portée (au-delà de 50m) au cours du XXe siècle a été l’occasion de développer de nouvelles techniques de constructions, adaptées aux nouveaux matériaux. Ces techniques ont mené à des avancées conséquentes pour la construction de ponts de grande portée mais on est en droit de se demander si ces techniques ne sont pas transférables au matériau pierre lorsqu’on ramène les constructions à une échelle plus réduite, proche des portées couramment réalisées. En plus des techniques constructives novatrices, on dispose aujourd’hui de moyens de transport et de levage beaucoup plus accessible que lorsque la construction pierre était à son apogée. Parmi ces innovations on peut citer la construction par encorbellement d’éléments en béton préfabriqués. De plus, on a vu que les outils contemporains de taille de la pierre permettent une grande précision tout en ayant une grande rapidité d’exécution. On peut alors se demander si cette technique ne serait pas applicables à la pierre, une fois ramené à des dimensions plus réduites.

Photo de construction d’un pont par élément préfa béton en encorbellement et photos d’autre méthodes de construction

Construction du pont de Luzancy dessiné par Freysscinet

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Construction du pont de Plougastel sur cintre flottant

Construction par lanceur - 34 -

Voussoir en bĂŠton pour un pont prĂŠcontraint


Constructions par encorbellements successifs de voussoirs en béton précontraints

Constructions par coffrages glissants

La recherche sur la pierre en France Aujourd’hui les programmes de recherches sur la pierre existent mais sont peu important comparés à ceux sur les autres matériaux. En cause on peut citer le manque de structuration de la filière à l’échelle nationale ainsi que le manque de budget. En effet la construction pierre étant très faible par rapport à l’ensemble de l’industrie de la construction, elle a du mal à dégager du budget pour financer des actions de recherche.

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Conclusion Aujourd’hui, étant donné le parc d’ouvrages d’art français, son état d’usure et les constructions couramment réalisés ; la construction de ponts en pierre semble pertinente, possible et désirable. Elle peut se contenter de remettre en usage des techniques de maçonnerie employées par le passé qui ont fait leur preuve en constituant le paysage français tel qu’il est aujourd’hui. Il semblerait aussi que d’autres façon de faire soient possibles, si on regarde les expérimentations qui ont lieu actuellement avec ce matériau. La recherche reste à poursuivre mais le champ des possibles reste ouvert vers de nouveaux usages de la pierre. Quoi qu’il en soit elle soutient une démarche durable du fait de ces avantages écologiques, économiques et sociaux. Il n’y a donc pas de raison sensée de s’interdire de penser à la pierre comme matériau de construction pour réaliser les ponts du XXIe siècle.

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Bibliographie Livres Bernard-Gely Anne & Calgaro Jean-Armand, Conception des ponts, Presses de l’école nationale des ponts et chaussées, 1994 Calgaro Jean-Armand & Virlogeux M., Projet et construction des ponts, Presses de l’école nationale des ponts et chaussées, 1991 Fernadez Ordoñez Jose A., Eugène Freycinet, Editions du Linteau, 2012 Paul Séjourné, Grandes Voutes, 1913-1916 Sites internet : http://www.planete-tp.com https://structurae.info http://www.pierreseche.fr/abps/ https://www.archdaily.com https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr Revues Le Moniteur AMC Architizer Articles Le Moniteur « Pierre précontrainte Arcs de grande portée autour d’un autel », M. C., 14 juin 2005 Le Moniteur « Un pont en pierre su XXIe siècle fait école », Olivier Baumann, 7 décembre 2012 La Jaune et la Rouge « François Teissier du Cros (24), 1905-2006 », Jérôme Pellissier-Tanon, avril 2007 Pierreactual «Le pont de Chaldecoste renoue avec la tradition », février 2013 Cours Placidi Michel, Cours sur les ponts – Principes généraux, Conception, Méthodes de construction

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Mémoires de recherche Roussely Maxence, Quelques éléments pour comprendre «la pierre precontrainte», Institut supérieur de recherche et de formation aux métiers de la pierre de rodez, 2002 Rapports Brière R. - Colas A-S - Habert G. - Tardivel Y., Le pont de Chaldecoste, un pont vers un développement économique et durable en Lozèr Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), Surveillance et entretien courant des ouvrages d’art routiers, septembre 2018 Eric Vincens, Ecole Centrale de Lyon, PEDRA, Ouvrages en pierre sèche ou faiblement hourdés, 20 janvier 2015 Divers Présentations des journées nationales de la maçonnerie de mars 2018

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