The Gattegno Effect (Black and White Version)

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(Berkane Cont.)

des formateurs de grande qualité tels que Roslyn Young, Maurice Laurent, Fusako Allard, etc. et grâce à l’expérience acquise sur le terrain, j’ai pu, pas à pas, percevoir la pertinence, la profondeur et l’ampleur de l’héritage que nous a légué Caleb Gattegno tant sur le plan de la rigueur scientifique que sur le plan de la flexibilité des matériels dont nous disposons et dont l’usage est selon moi, extensible à “l’infini”. Ce que propose Gattegno sur la présence, les prises de conscience et les moyens de les forcer sont des outils précieux et d’une grande efficacité qui ont permis à bon nombre de mes étudiants d’obtenir des résultats sans aucune mesure avec ceux qu’ils obtenaient avec les méthodes dites classiques. Tous les matériels Silent Way que Gattegno a mis au point permettent de forcer la présence des apprenants et de provoquer les prises de conscience nécessaires à leur compréhension et à leur progression. Le Moi, ses attributs, le psychisme, tout cela a été une révélation qui a bouleversé ma vision de mon métier d’enseignant et ma vie d’enseignant. Ces notions ne sont pas de vains délires théoriques, mais elles ont –et je peux l’observer tous les jours - une réelle place et une réelle existence dans la classe et dans les comportements des étudiants et dans ceux des enseignants. Et je suis parfaitement conscient aujourd’hui que c’est la connaissance de ce modèle qui me permet de mieux travailler sur les étudiants et de leur proposer les solutions les plus adéquates à leur apprentissage. Dans notre école, et sans souci de prosélytisme, il est donné à n’importe quelle personne extérieure s’intéressant à l’enseignement du FLE, la possibilité d’observer des cours de Silent Way. Et mis à part quelques cas isolés (comme le jour où une spécialiste de FLE observant une de mes classes, ne voyait dans les pointeurs que des objets phaliques inutiles), les réactions sont quasiment unanimes. “Comment se fait-il que vos étudiants parlent autant et avec une si bonne prononciation ?” Les apprenants japonais étant de façon générale très passifs, les cours de FLE deviennent très fréquemment de longs monologues de l’enseignant, ponctués de temps à autre par quelques hochements de tête des étudiants. Malgré lui, le professeur tient presque toujours le premier rôle dans la classe et il lui est difficile d’amener les étudiants à prendre la parole. Chez nous, au contraire, les étudiants sont les acteurs principaux et l’enseignant quant à lui, n’a qu’un petit rôle de

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subalterne se résumant à donner les feed-backs nécessaires à la bonne marche de la classe. Et c’est pour cela que dans une classe de quatre-vingt-dix minutes, nos étudiants parlent quatre-vingt-dix pour cent du temps ce qui bien sûr ne manque pas de surprendre les observateurs. Le travail que j’ai effectué jusqu’à aujourd’hui avec l’approche Gattegno m’a amené à porter un regard différent et conscient sur le fonctionnement de la langue française et à penser en matière de messages à donner à son interlocuteur plutôt qu’en termes de règles grammaticales et de métalangage. Ceci m’a amené à une tout autre vision de l’organisation de ma langue maternelle telle qu’elle s’impose à ses locuteurs, et à une réflexion sur les moyens dont je disposais pour forcer des prises de conscience liées aux usages. Quel message je veux donner quand j’utilise le passé composé, l’imparfait, le futur proche ? Quel message je veux donner quand j’utilise “je crois que”, “je pense que”, “je trouve que” ? Quel message je veux donner ou quelle partie de mon corps parle quand j’utilise “j’ai envie de”, “j’ai besoin de”, “je voudrais que”, “j’ aimerais que” etc. etc. etc. Et en était-il de même pour les autres langues ? Si nos règles de grammaire découlent de l’usage, l’usage lui, découle de façon intrinsèque des besoins de transmettre des messages précis et “codés”, euxmêmes liés à des situations précises. Et si l’on considère que quelles que soient leurs sociétés, les hommes ont presque partout les mêmes besoins pour vivre leur vie, il devient possible de mettre en corrélation les façons de décliner ces besoins et d’en faire prendre conscience à nos étudiants. La conscience et les prises de conscience sont des valeurs fondamentales sur lesquelles reposent l’approche Gattegno, et dont je suis tout à fait solidaire. Cependant, avancer sur le chemin de la conscience et chercher à savoir comment et pourquoi nous fonctionnons, agissons ou réagissons de telle ou telle façon dans telle ou telle situation de notre vie quotidienne, est une chose difficile à mettre en pratique. Il faut apprendre – et cela demande beaucoup de temps - à faire un tri nécessaire dans son psychisme pour arriver à réellement fonctionner avec soi-même sans être influencé par ce que nous avons stocké malgré nous dans notre psychisme et qui souvent nous empêche de voir la réalité de ce qui nous entoure. Savoir se défaire – ou pouvoir se servir de tremplin - de certains de ces automatismes


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