L'Esprit Simple en "mode survie"

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JANVIER 2013

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EN MODE

SURVIE

INTERNATIONAL

Azerbaïdjan: la fin du pétrole P. 3

NATIONAL

Le défi climatique des peuples du Nord P. 7

SOCIÉTÉ

Le combat identitaire des immigrants P. 9

CULTURE

Les zombies contre-attaquent P. 12

SPORTS

Survivre sans commandite P.15


2 Le jour où j’ai compris que j’allais mourir Quand apprend-on aux enfants qu’ils vont mourir ? À la maternelle ? Au primaire ? À quel âge nous diton pour la première fois que «tout ce qui naît meure un jour, même toi»? Je ne me souviens plus à quel moment je l’ai entendu pour la première fois, cette leçon. Ce dont je suis certaine, c’est qu’elle ne m’a fait ni chaud ni froid à l’époque. Quand on n’arrive pas encore à saisir ce qu’est la vie, inutile de s’attarder à ce qui suit. Ce sont des réflexions de grandes personnes, tout ça. Nous réalisons tous un jour que nous ne vivrons pas éternellement. Bien que, techniquement, nous le sachions depuis l’enfance, la réalité nous frappe inévitablement en pleine face en beau jour. Alors, le verdict tombe : «je vais crever et je n’y peux rien». Pour certains, les premières rides sont annonciatrices de la triste réalité. D’autres prennent soudainement conscience de la mort quand elle vient frapper à la porte d’à côté. Je me souviens très bien du jour où j’ai compris que j’allais mourir. C’était cet été. J’étais dans la douche,

l’endroit que choisit généralement mon esprit pour vagabonder. Je pensais à mon grand-père, décédé 10 mois plus tôt. Je songeais à lui et à ma grandmère qui allait sans doute le rejoindre bientôt. C’est alors que ça m’est tombé dessus, sans prévenir. Le poids de la certitude m’a sans doute fait échapper ma barre de savon ce jour-là. Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi condamnée à mon sort qu’à ce moment précis. J’ai pleuré dans ma douche. Pour le principe. Recevoir une sentence à mort sans verser quelques larmes m’aurait paru insensible. D’accord, je vous sers une réflexion un peu glauque, limite déprimante. Mes excuses à tous les matins ruinés. N’empêche, je n’aurais pas pu mettre sur pied l’édition « En mode survie » sans me replonger dans cette question existentielle. Quand on réalise qu’on n’est pas éternel, quand la mort devient soudainement la seule certitude de la vie, on sympathise alors avec le combat pour la survivance que livrent chaque jour des millions d’individus. On saisit pourquoi certains déploient des efforts titanesques à battre, d’une milliseconde ou d’un centimètre, des

records olympiques. On comprend la quête désespérée des artistes qui tentent d’immortaliser leur séjour sur Terre à coups de pinceau ou de notes de musique. On sympathise (presque) avec notre voisin cinglé qui décide de se creuser un bunker dans l’espoir de survivre à une explosion nucléaire ou, pourquoi pas, à une éventuelle fin du monde. Tant de tentatives et de vaines manigances avons-nous imaginées dans le but d’éviter l’inévitable. Depuis l’épiphanie dans ma douche, je ne me suis toujours pas faite à l’idée qu’un jour j’allais m’éteindre, moi aussi. En attendant d’avoir la même sérénité que mon grand-père sur son lit de mort, je crois bien que je me laisserai prendre au jeu de la vie éternelle. Y’en a qui courent, d’autres qui peignent. Moi, j’écris.

Camille Carpentier Co-rédactrice en chef

Le papier, c’est tellement «has-been» Les imprimantes du célèbre magazine américain Newsweek ont craché leur encre une dernière fois à la fin du mois de décembre. Coût de production copieusement élevé, lectorat en chute libre, pénurie de publicité. Le refrain, on le connaît. La tendance est au web, le papier, c’est tellement « has-been »… Comme tant d’autres quotidiens, la publication sera désormais exclusivement disponible en ligne. Entre vous et moi, ma vie n’en sera pas particulièrement bouleversée. Des milliers d’arbres seront épargnés. La lecture de nos nouvelles deviendra interactive. Certains médias songent même offrir une tablette électronique à l’achat d’un abonnement. Toutefois, il y a de ces traditions qui ne veulent pas mourir. Le journal papier en fait assurément partie. Depuis le temps qu’on prédit sa mort, il tient bon le maudit. Et ce n’est pas sans raison. J’aime mon journal papier pour une logique qui ne

se veut ni rationnelle, ni particulièrement profonde. C’est plutôt mon côté vieux jeu qui prend le dessus. Mon café, mon bol de céréales, mon journal. Point final. Ne tentez pas de vous immiscer dans un trio gagnant avec votre iPad. Le matin, je ne suis pas du monde, ça pourrait être dangereux pour votre santé. Au réveil, j’ai tout sauf besoin de ce bonus d’interactivité avec lequel les journaux web tentent de m’amadouer. Le journal papier, c’est mon brin de réalité quotidienne. J’aime le froisser, le mettre dans mon sac à dos sans avoir à me soucier de briser quelque chose. J’aime déchirer un article et le mettre dans un cartable que je ne feuillette qu’une fois au deux ans. J’aime même le bruit que ça fait quand je tourne les pages, pour vous dire... Surtout, j’exalte de ne pas être connecté pour quelques instants. Je suis constamment branché au monde entier, un petit répit matinal, c’est amplement mérité.

Pour un étudiant, le temps passé devant un écran d’ordinateur est déjà ridiculement élevé. Le dos légèrement courbé, les yeux quelque peu plissés, mon corps va finir par se décomposer si ça continue. Les doigts sont les seuls muscles du corps actifs et ça peut durer des heures. Avec la sélection naturelle, nos enfants auront probablement les doigts les plus musclés et les plus agiles de l’histoire de l’humanité. Bref. Tout cet énervement pour dire que si en plus j’en venais à perdre ce petit plaisir matinal, cette petite dose de vrai, je ne sais pas où je la retrouverais.

Louis-Philippe Bourdeau Co-rédacteur en chef

ÉQUIPE DE RÉDACTION DIRECTRICE PHOTO

CHEFS DE PUPITRE INTERNATIONALES

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Marie-Michelle Borduas Sandrine Champigny

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Gabriel Germain


3 Sortir du puits Bâtiments délabrés, vieux tuyaux rouillés, déversements de pétrole ; à perte de vue on ne voit que des tours d’aciers, vestiges d’une autre époque. Ce paysage dévasté est celui des champs pétrolifères de Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. Si l’économie du pays est aujourd’hui florissante, les ruines de l’ancien empire pétrolier soviétique rappellent que ce développement est bien éphémère. Après s’être enrichi de son or noir, l’Azerbaïdjan pourrait bientôt frapper un mur. «D’ici 10 à 15 ans, nos ressources en pétrole seront épuisées, affirme l’ambassadeur du pays au Canada, Farid Shafiyev. Nous possédons toujours d’importantes réserves de gaz naturel qui devraient permettre de soutenir notre économie et notre secteur énergétique.» La croissance économique a chuté à un maigre 0,2% en 2011, principalement en raison de la baisse des cours du pétrole. Pas surprenant quand on sait que le pétrole et ses dérivés représentent 97% des exportations du pays, selon le Research Council of Norway. Pour la chercheuse à la Norwegian Institute of International Affairs et spécialiste de l’exploitation pétrolière en Asie centrale, Heidi Kjaernet, cette baisse de la croissance est symptomatique d’un mal plus profond. «L’Azerbaïdjan n’est pas préparé à la diminution de ses recettes pétrolières. C’est plutôt paradoxal considérant l’immense place qu’elles occupent dans les finances du pays, explique-telle. Le problème semble vraiment être ignoré pour l’instant, et ce même si les signes

Par François Joly

d’une importante dépendance vis-à-vis l’exportation pétrolière semblent se multiplier.» L’importance de l’industrie pétrolière a d’autres effets nocifs. Selon la spécialiste, l’Azerbaïdjan est tombé dans presque tous les pièges. «Ils ont échoué à diversifier leur économie. L’importance du pétrole dans les exportations fait en sorte que d’autres secteurs comme l’agriculture perdent en importance». La Banque mondiale refuse aujourd’hui de financer tout projet de développement pétrolier dans le pays et demande que les futurs investissements soient faits dans des domaines qui permettront de diversifier l’économie. Une option intéressante pourrait être d’investir dans des fonds souverains. Ces fonds, contrôlés par l’État, tirent souvent leurs revenus de l’extraction des ressources naturelles. L’exemple le plus probant est sans doute celui de la Norvège. «Le modèle

Illustration: Gabriel Germain verain, le Oil Fund of Azerbaijan Republic (SOFAZ), créé en 1999. Malgré d’importantes recettes pétrolières, les actifs de ce fonds ne dépassaient pas les 16 milliards de dollars en 2010, principalement parce que la très vaste majorité de ses profits sont transférés directement dans les coffres du gouvernement au

« L’Azerbaïdjan n’est pas préparé à la diminution de ses recettes pétrolières. C’est plutôt paradoxal considérant l’immense place qu’elles occupent dans les finances du pays » - Heidi Kjaernet, spécialiste de l’exploitation pétrolière en Asie centrale

norvégien consiste à épargner de l’argent et à l’investir à l’étranger afin de diminuer l’inflation», explique Heidi Kjaernet. En octobre 2012, les actifs du fonds pétrolier norvégien étaient évalués à près de 654 milliards de dollars, ce qui en fait le plus important fonds souverain du monde. L’Azerbaïdjan possède également son propre fonds sou-

lieu d’être réinvestis. «Évidemment, nous étions derrière la Norvège, qui est une économie très développée avec une longue expérience des fonds souverains», se défend l’ambassadeur Shaviyev. Ce retard est également compréhensible pour Heidi Kjaernet. «L’Azerbaïdjan est dans une position très différente de la Norvège et n’a peut-être pas d’autre choix que d’uti-

liser ces fonds pour prévenir des déficits.» Elle ajoute cependant que le manque de transparence des institutions azerbaïdjanaises constitue également un frein au bon développement du pays. Richesse éphémère ? Grâce à son sous-sol riche en combustibles fossiles, l’Azerbaïdjan est aujourd’hui un pays prospère. «En 10 ans, nous avons fait passer le taux de pauvreté de 49% à 7%», explique l’ambassadeur. Le petit état du Caucase doit ces fulgurants changements à ses exportations de pétrole. Sous l’Union soviétique, Bakou et l’Azerbaïdjan étaient le centre d’un vaste empire pétrolier contrôlé par Moscou. Les champs pétrolifères le long des rives de la mer Caspienne pouvaient produire jusqu’à 500 000 barils par jour. Puis, le gisement s’est épuisé, l’URSS s’est effondrée. Un profond marasme économique a suivi. Les quelques puits encore en service près de Bakou ne produisent plus que 5000 barils

de pétrole par jour. Après le début de l’exploitation des gisements en mer, le pays est entré dans une phase de forte croissance. Le 21e siècle verra toutefois la fin du pétrole et avec lui le rêve d’une croissance fulgurante pour de nombreux pays qui cherchent aujourd’hui à s’élever au rang de puissance économique. La pérennité de pays comme l’Azerbaïdjan ou le Kazakhstan passera par une orientation économique renouvelée. «Notre gouvernement travaille à la diversification de notre économie. Nous voyons lentement des changements structuraux se mettre en place», déclare l’ambassadeur de l’Azerbaïdjan. La question est de savoir si ce sera suffisant, car la manne pétrolière n’est pas prête de se reproduire une fois les puits à sec.


4 ¡ Basta ya !

Ville mexicaine frontalière avec les États-Unis, Ciudad Juàrez a été le théâtre d’une des plus graves atteintes à l’égalité des sexes dans les années 80. Réputée pour le climat violent et les cartels de trafic de drogues qui y règnent, plus d’un millier de femmes y ont été tuées depuis 1993. Confrontés au même phénomène, plusieurs pays d’Amérique latine ont décidé de prendre la situation en main. À sa plus simple expression, le féminicide est le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme. Cette misogynie extrême implique la responsabilité de l’État dans les crimes. «L’élément clé du féminicide est l’impunité de l’État. La majorité des suspects ne sont même pas en prison», s’indigne Gisèle Bourret, membre de la Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez. Le phénomène ne se limite pas qu’au Mexique, il couvre la totalité de l’Amérique latine: 119 féminicides auraient eu lieu en Argentine en 2012 et 73 au Pérou en 2011. Des mesures ont toutefois été prises par plusieurs gouvernements d’Amérique du Sud. En

Par Colin Côté-Paulette 2007, le Mexique a instauré une loi générale sur le droit des femmes, puis inclut dans le Code pénal le terme «féminicide». Depuis, la Bolivie, le Nicaragua, le Chili, la Colombie, le Salvador, le Costa Rica, le Guatemala, le Pérou et en novembre dernier, l’Argentine ont adopté une législation stricte afin de décourager l’occurrence de ce crime. La nouvelle loi argentine stipule que tout individu reconnu coupable de féminicide est passible de prison à vie. La peine est plus sévère que celle pour un homicide. «Ces nouvelles mesures législatives sont encourageantes, car elles assurent une visibilité à la cause et indiquent aux femmes qu’elles bénéficient d’une protection légale. Néanmoins, le problème doit éclater dans la sphère publique», affirme Nancy Thede, professeure en science politique à l’UQAM et titulaire de la chaire de recherche Nycole Turmel sur les espaces publics et les innovations politiques. Il est difficile de définir les causes des féminicides. Le statut de la femme est en train de changer en Amérique latine et ça semble déplaire à l’établissement patriarcal. «La femme

sort de plus en plus de la sphère privée, ce qui provoque des réactions violentes, voire meurtrières, croit Catherine Montmagny Grenier, étudiante au doctorat à l’UQAM travaillant sur le thème des féminicides. Pourtant, dans les pays où le statut de la femme est quasiment inexistant, comme l’Iran ou l’Arabie Saoudite, le taux d’homicides envers elles est plutôt bas.» Un avis que partage Nancy Thede. Selon elle, la création de nouveaux espaces politiques municipaux fait place à de nouvelles luttes de pouvoirs. «L’instauration récente d’une loi oblige la parité des sexes de la liste électorale et puisque la majorité des partis sont patriarcaux, les politiciennes sont sujettes à de la corruption, à des menaces et si elles ne démissionnent pas, à la violence.»

à main-d’œuvre peu coûteuse et à structure quasi militaire appartenant à des multinationales qui, auparavant, engageaient majoritairement des femmes. «Il faut comprendre le contexte, plusieurs quartiers sont sans service. Le salaire minimum est l’équivalent de 4,50$ canadien par jour, bien que le coût de la vie est élevé: un litre de lait coûte environ

Une question sociale

tieta, prouve le climat violent régnant dans certaines régions du Mexique. Selon l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime, l’Amérique latine et les Caraïbes ont été le théâtre de 31% des homicides commis en 2011 dans le monde. Catherine Montmagny Grenier croît pour sa part que la solution décou-

Illustration: Gabriel Germain

Pour Gisèle Bourret, il est plutôt question d’un contexte social particulier. À Ciudad Juárez, la pauvreté extrême de certains quartiers, les cartels de drogues et la corruption des gouvernements seraient en cause. Sans oublier les maquiladoras, ces usines d’assemblage

1$ canadien.» La violence et le «machisme» de l’État et de ses corps policiers seraient des facteurs propices aux féminicides, selon Gisèle Bourret. Récemment, l’assassinat de l’ex-mairesse de Tiquicheo qui s’était opposée aux cartels de drogues, Maria Santos Gorros-

lera de l’éducation. «C’est un changement de mœurs, par une éducation adaptée à la situation, ainsi qu’un ras-le-bol collectif et des pressions venant de la société qui permettront éventuellement que la situation se règle», plaide-t-elle.

CHRONIQUE

Joyeuse consommation et bonnes dépenses !

Je n’ai jamais été une grande fanatique de la philosophie voulant que tout était mieux «dans mon temps». Lorsqu’on parle du temps des fêtes, je dois bien vous avouer que chaque année j’ai un petit pincement au cœur. En fait, c’est même plus que ça, je me transforme en véritable Grinch. Dans mon enfance, j’avais, comme tous les enfants, un désir fou d’ouvrir les cadeaux qui m’attendaient en dessous du sapin depuis quelques semaines, mais j’avais aussi très, très hâte de voir ma famille. Le soir de la veille de Noël, j’étais tellement contente de retrouver mes cousins, cousines, tantes, oncles, etc. On jouait à cachecache dans la maison, pendant que nos parents se racontaient leurs dernières péripéties. Il régnait une ambiance heureuse et familiale. Avec les années, je ne sais pas si c’est mon cœur d’enfant qui a cessé d’aimer Noël, mais il me semble que cette fête ne représente plus la même chose qu’autrefois. Aujourd’hui, de plus en plus de ménages ressentent une angoisse et une pression écrasante sur leurs épaules à l’approche du temps des fêtes. Les enfants demandent de plus en plus de cadeaux exorbitants, sans oublier la compétition avec les voisins de qui a la plus grosse télévision ou qui a fait le plus beau voyage. Le hic de ces petits plaisirs, c’est qu’ils sont financés en grande partie par Visa ou Mastercard et qu’ils vont représenter de sérieux maux de tête dans le futur. Le pire là-dedans, c’est que lorsqu’on s’y arrête un instant, cette marchandisation des fêtes ne s’arrête pas seulement au temps de Noël, mais aussi à Pâques, à la fête des Mères et à celle des Pères. Comme quoi, l’esprit de famille cède peu à peu sa place à la surconsommation. Yessica Paola Velderrama Chavez, co-chef de pupitre International


5 Le bon côté du crédit Avoir un compte bancaire est pour nous une simple formalité, mais dans certains pays, c’est un véritable luxe. Pour le Cambodge, cet accès limité aux institutions financières nuit à son développement économique et social. Le microcrédit devient alors une alternative profitable. Selon la Banque mondiale, seulement la moitié des personnes âgées de 15 ans et plus dans le monde détient un compte personnel dans une institution financière. Dans les pays à faible revenu, la situation est encore plus problématique. Au Cambodge, par exemple, cette proportion passe à un peu moins de 4 %. Le microcrédit connaît

Par Rémi Léonard

une poussée importante dans le pays depuis le début des années 2000, occupant aujourd’hui une place considérable au sein de l’économie cambodgienne. On y retrouve actuellement 32 institutions de microfinance, desservant un peu moins de 1,2 million de clients, selon la Cambodia Microfinance Association. Les bénéficiaires sont en majorité des femmes et vivent dans des régions rurales. Ces institutions de microfinance locales sont des organismes à but lucratif. «Ce sont des institutions financières visant à dégager du profit, ce qui explique des taux d’intérêt parfois élevés, comme dans le cas d’une institution de micro-

Le casse-tête à la belge En Belgique, l’ampleur du débat identitaire et linguistique rappelle la quête souverainiste québécoise. La question de la langue divise la Flandre et le reste du pays, en plus de fractionner le pouvoir politique. 540 jours après les élections, Elio Di Rupo, leader du Parti socialiste, a finalement réussi à former un gouvernement. Tripartite, la coalition en place doit concilier les intérêts d’une population partagée entre néerlandophones, francophones et germanophones. «On peut très bien parler de deux solitudes dans le cas de la Belgique comme du Canada, affirme Wim Remysen, sociolinguiste d’origine flamande établi au Québec depuis plus de 10 ans. C’est à la Flandre que le Québec peut se comparer, davantage qu’à la Wallonie francophone.» Tout comme les Québécois, les Flamands nationalistes protègent avec ferveur la langue néerlandaise

et leur culture dans un pays fédéraliste où le peuple wallon a constitué l’élite dominante des siècles durant. S’ajoute aujourd’hui à l’éternelle opposition culturelle entre la communauté française et la communauté flamande la question des «communes à facilités», municipalités situées dans la banlieue élargie de Bruxelles, en territoire flamand. Loi oblige, elles sont néerlandophones, mais composent avec une importante population francophone. Des exceptions à la loi permettent d’y recevoir des services en français, plaçant la question linguistique au cœur des négociations lors de la formation du gouvernement. «Pour certaines personnes, ce ne sera jamais assez et pour d’autres, ça va déjà trop loin», explique Wim Remysen pour illustrer la perpétuelle insatisfaction des deux partis. Les francophones rêvent d’un territoire élargi

finance mexicaine où ces taux atteignaient 100%», précise Mathieu Chemin, professeur adjoint en économie à l’Université McGill. Toutefois, les entreprises œuvrant dans ce domaine tentent généralement d’intégrer une dimension sociale à leurs activités. «Grâce aux prêts accordés à de petits agriculteurs ou de petits commerçants, elles espèrent contribuer au développement économique des ces régions à travers l’entrepreneuriat local», ajoute-t-il.

«C’est sensé être un moteur de développement économique et de croissance. C’est un outil de développement essentiel pour les pays en développement», explique France Michaud, responsable des communications chez Développement international Desjardins. Depuis 42 ans, cette composante à but non lucratif du Mouvement Desjardins implante et supporte des institutions de microfinance locales partout dans le monde.

Le microcrédit est surtout présent dans les pays en développement, là où la population n’a pas accès à des services financiers ou n’a pas assez de revenus pour y avoir recours.

Malgré tout, pour les bénéficiaires, le microcrédit n’est pas une solution miracle. «Cette pratique consiste essentiellement à offrir de très petits prêts à des personnes

très pauvres sans la garantie normalement requise pour les obtenir», explique Mathieu Chemin. Il précise également que ces prêts sont souvent accordés à un groupe de personnes et non à une seule personne pour diminuer le risque de l’entreprise qui offre ce service. Le journaliste irlando-américain Alexander Cockburn, du magazine politique Counterpunch, soutenait que les prêts étaient trop faibles pour réellement aider une personne à sortir de la pauvreté. D’autant plus que les sommes sont souvent destinées à la consommation plutôt qu’à un réel investissement.

Par Catherine Paquette de Bruxelles-Capitale afin d’inclure ces municipalités, qui deviendraient bilingues. Du côté flamand, on exige des francophones qu’ils s’intègrent davantage et parlent néerlandais. Chose certaine, les Belges ne se sentent pas tous opprimés par le climat politique. Selon Marcel Linsmeau, Wallon d’origine, cette culture flamande n’a pas été vue, entendue et reconnue pendant des années. «Il y a eu dans les médias une caisse de résonance d’un aspect politique monté en épingle. Quelques personnes ont utilisé ce sentiment de revanche, qui était légitime dans la population globalement, mais qui aurait tout à fait pu être vécu dans l’apaisement.» Pour lui, l’identité belge témoigne d’une volonté de «vivre ensemble» plutôt que d’opposition. Il déplore le fait que les débats linguistiques entourant les

communes à facilités aient pris une telle ampleur en politique. Au Québec, la gestion du bilinguisme repose sur les demandes de chaque individu, alors qu’en Belgique elle est séparée par la loi en deux régions unilingues. «La gestion du plurilinguisme en Belgique s’appuie sur l’existence d’une frontière linguistique fixée par la loi. C’est très différent de ce qu’on a au Canada, où le bilinguisme est plutôt un droit qu’on traite individuellement», explique Wim Remysen.

Maux de tête politiques Elio di Rupo surmonte, avec son nœud papillon, quantité d’obstacles depuis 2011: vote d’une partie de la sixième réforme de l’État, élections communales d’octobre 2012 et vote du budget 2013. Après avoir survécu à la crise politique qui a suivi les élections de 2010, il doit continuelle-

ment faire face aux ambitions flamandes. «La question nationaliste flamande sera en principe au cœur des prochaines élections fédérales de juin 2014. Sa tournure sera liée au choix des partis néerlandophones et plus encore des électeurs néerlandophones», prévoit Pascal Delwit, chercheur membre du Centre d’étude de la vie politique à l’Université libre de Bruxelles. D’ici 2014, les Wallons pourraient craindre l’élection à Anvers, ville la plus populeuse du pays, de Bart de Wever, figure des radicales revendications flamandes. Marcel Linsmeau, lui, n’est pas inquiet face à cette élection. «Ça va peut-être calmer les ardeurs des autres Flamands nationalistes et De Wever va moins peser sur l’échiquier national. Il sera occupé à gérer Anvers». L’année 2012 ne sera pas le dernier obstacle pour le pays de Tintin.


6 La porte se referme Insultes, coups ou menaces; dans plusieurs pays, les sévices subis par les homosexuels osant afficher ouvertement leur sexualité sont nombreux. Peu de recours s’offrent à eux et plusieurs n’ont d’autres choix que de rechercher un pays d’accueil plus tolérant. Si le Canada a longtemps été une destination de choix pour la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle et transsexuelle (LGBT) mondiale, le gouvernement met aujourd’hui des bâtons dans les roues des demandeurs d’asile.

Originaire du Pérou, Francesco Cáceres a immigré au Canada il y a déjà 10 ans. Cet étudiant du Cégep du Vieux-Montréal a découvert son orientation sexuelle pendant son adolescence. Lors d’un voyage humanitaire en Équateur l’année dernière, Il a senti le poids des pressions sociales sur l’homosexualité. Sujet tabou en Amérique latine, Francesco a vite compris qu’il n’était pas recommandé de parler de son homosexualité ni de l’afficher ouvertement. «J’ai évoqué l’homosexualité avec la famille qui m’hébergeait et ils ont réagi sévèrement. Pour eux, c’est une maladie, quelque chose de malsain et contre nature», raconte le jeune homme aussi bénévole

Par Isabelle Langlois

d’Entremont, réalisateur du documentaire Une dernière chance qui aborde le parcours de cinq homosexuels en quête d’un pays d’accueil qui acceptera leur sexualité. Le film démontre comment l’homophobie règne encore en maître dans plusieurs nations, et ce, au sein même des lois. La persécution envers les membres de la communauté LGBT se fait sentir par des menaces de mort, de la violence physique ou même des viols. Si ce n’est pas la police qui sévit, ce sont souvent les habitants du quartier qui font leur propre justice. Tel a été le cas de Trudi, une Jamaïcaine lesbienne de 24 ans participant au documentaire. On l’a abusée sexuellement pour lui faire «entendre raison». Actuellement, les relations homosexuelles sont encore illégales dans plus de 80 pays dans le monde. «Si j’avais découvert mon homosexualité au Pérou, je n’aurais eu aucun appui de ma famille ni de mes amis. J’aurais dû vivre avec ça dans la solitude et l’hypocrisie», poursuit Francesco Cáceres. La tâche est donc ardue pour les homosexuels qui veulent s’afficher. «Ceux qui tentaient d’avoir des rapports homosexuels le faisaient de manière implicite

« Les relations homosexuelles sont encore illégales dans plus de 80 pays » au Groupe de recherche et d’intervention sociale (GRIS) de Montréal. «Les homosexuels se cachent et vivent leur désarroi en solitaire. Ils n’ont pas de communauté à qui s’identifier», explique Paul-Émile

par des gestes discrets. C’était toujours à risque», poursuit-il. En 2007 lors d’une conférence à l’Université Columbia de New York, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a déclaré qu’ «il n’y a aucun homosexuel en Iran». Comme dans

Illustration: Gabriel Germain

beaucoup de culture, le rejet des gais par les Péruviens est une habitude ancrée dans les mentalités. «Je crois que ça aurait été une raison valable de fuir mon pays pour pouvoir vivre pleinement ma sexualité et de ne plus avoir peur qu’on le découvre», admet le jeune étudiant.

Un pas en arrière Bien que le Canada soit reconnu comme une terre d’accueil pour les réfugiés sexuels, cette réalité commence à changer. La loi C-31 qui est entrée en vigueur le 15 décembre 2012 crée des entraves importantes pour les demandeurs d’asile. Hector Gomès, le fondateur de l’organisme Au-delà de l’arc-en-ciel (ADA) qui vient en aide aux nouveaux arrivants de la communauté LGBT, se dit déçu du gouvernement conservateur. «Le projet de loi C-31 n’a même pas été débattu sur la sphère publique parce qu’il a été caché au travers d’autres dossiers.

Le gouvernement Harper a instauré une politique clairement homophobe», dénoncet-il, contrarié de voir une telle

et la violence ont lieu dans tous les pays. C’est arbitraire de n’accepter que certaines ethnies», défend activement

« Le gouvernement Harper a instauré une politique clairement homophobe » - Hector Gomès, fondateur de l’ADA

régression. Les réfugiés n’ont maintenant qu’une vingtaine de jours pour mettre sur pied leur dossier avec un avocat afin de prouver leur orientation sexuelle. «Ce délai est bien trop court», s’indigne l’étudiant de l’UQAM, exaspéré. Ce projet autorise de plus la révocation du statut de résident permanent des réfugiés à n’importe quel moment du processus. La nationalité du demandeur détermine si sa requête est valable ou non. Si son pays ne figure pas dans la liste établie par le service d’immigration, le demandeur ne peut pas passer en audience. «La persécution, la discrimination

Hector Gomès. Ces nouvelles mesures au sujet de l’immigration du gouvernement Harper modifient la mission que s’était donnée le pays. «Le Canada avait l’un des meilleurs systèmes d’immigration pour les réfugiés. Cependant, les choses changent», déclare avec impuissance Paul-Émile d’Entremont. La tâche s’avère donc de plus en plus ardue pour les homosexuels qui souhaitent bénéficier de la sécurité de l’Amérique du Nord. Persécutés dans leur pays d’origine, l’acceptation de leur dossier par le Canada est bien souvent une question de vie ou de mort.


7 Le Nord à nu Bien avant qu’un scientifique ne se penche sur le dossier, les Inuits du Grand Nord ont commencé à noter des changements importants dans leur environnement. Maintenant que tout le monde connaît le phénomène du réchauffement climatique, les habitants des régions arctiques sont aux prises avec d’importants problèmes qui modifient leurs habitudes de vie ancestrales. «Dès les années 70, les autochtones notaient des périodes de temps doux, voir de la pluie en hiver. C’était du jamais vu», mentionne l’anthropologue Pierre Trudel. Toutefois, les changements climatiques revêtent d’autres formes que de simples périodes de chaleur. En 2005, les communautés d’Iglulik et de Tununirusiq, situées au Nunavut, ont noté concrètement ces changements; une météo davantage imprévisible, un moins grand manteau de neige au sol, plus de vents et de blizzards et une banquise amincie qui disparaît prématurément au printemps. Caroline Larrivée, urbaniste pour l’organisme de climatologie Ouranos, confirme que ce phénomène s’amplifie d’une année à l’autre. «La température moyenne dans l’Arctique a augmenté significativement

Par Philippe Gagnon dessous se trouve le pergélisol, la partie qui reste gelée à longueur d’année. Avec des étés risquant d’être de plus en plus longs, le pergélisol va se réchauffer, causant ainsi la fonte de la glace qui y est ac-

« La température moyenne dans l’Arctique a augmenté significativement depuis le début des années 1990 et cette tendance devrait se poursuivre pour plusieurs décennies à venir » - Caroline Larrivée, urbaniste chez Ouranos

Dans l’Arctique, une partie du sol dégèle en été et regèle en hiver, c’est le mollisol. En

activités traditionnelles de chasse, de pêche et de cueillette. L’été, les femmes ont de plus en plus de difficulté à anticiper la période de maturation des fruits et la grande quantité d’oiseaux migrateurs frugivores leur complique davantage la tâche. La professeure a découvert une manière étonnamment efficace qu’ont trouvée ces femmes pour résoudre le problème. Cette solution s’appelle Facebook. Les femmes se commu-

Crédit photo: Justine St-Martin

cumulée. Selon Pierre Trudel, expert des peuples autochtones, les maisons peuvent ainsi devenir inhabitables et

« À l’aide de Facebook, les femmes se communiquent les bons sites de cueillette et les moments de récolte opportuns » depuis le début des années 1990 et cette tendance devrait se poursuivre pour plusieurs décennies à venir».

d’importants dommages aux infrastructures. Même les déplacements des chasseurs sur le territoire se compliquent avec des terrains davantage accidentés.

les pistes d’atterrissages inutilisables, ce qui peut causer bien des maux aux habitants du Nord [voir encadré]. «Les communautés sont isolées et principalement desservies par avion» souligne-t-il. Ce dégel risque également de causer

Lors de ses recherches auprès de la communauté d’Inukjuak, dans le Nord du Québec, la professeure au département de géographie de l’Université Laval, Caroline Desbiens, a noté que ses habitants vivaient encore majoritairement des

niquent ainsi les bons sites de cueillette et les moments de récolte opportuns.

sormais très accessible. Son sous-sol qui regorge de ressources minérales et gazières attire la convoitise de plusieurs grandes entreprises d’extraction. Même si des sites d’exploitation risquent d’avoir de lourdes conséquences sur les écosystèmes environnants, cela permettrait de créer beaucoup d’emplois stables dans les communautés autochtones et de subvenir à leurs multiples dépenses. En effet, lorsqu’ils partent chasser sur leur vaste territoire, les Inuits ont besoin de motoneiges, d’essence et d’armes à feu, du matériel dispendieux. Par ailleurs, l’ouverture des glaces permet de plus en plus la navigation internationale par le pôle. Des voyageurs de partout risquent désormais de se mêler au quotidien des Inuits, peuple relativement reclus depuis toujours. Loin d’être fataliste, Caroline Larrivée soutient que les Inuits ne seront pas forcés de quitter leurs terres lors des décennies à venir. Selon elle, la solution à leurs problèmes repose dans l’adaptation. En modifiant certains comportements et en restant prévoyants, ils pourront continuer à faire survivre leur culture au sommet du globe.

Si l’extrême Nord du globe a longtemps eu l’image d’une grande contrée froide et inhospitalière, elle semble dé-

Des villages nomades Les villages sont aussi confrontés à des obstacles maritimes, puisqu’ils sont situés le long des côtes. L’augmentation du niveau de la mer, jumelée à la disparition de la banquise, augmente les risques d’inondation, en plus d’éroder le littoral. Cet amalgame de risques pousse plusieurs municipalités à déplacer des bâtiments, ce qui occasionne assurément des coûts exorbitants. Cependant, des solutions existent. Dans la planification urbaine, on peut trouver des sites où le sol est rocailleux et assez dur pour y accueillir des villages. On peut également construire des habitations sur pieux solidement fixés dans la terre.


8 Anticosti : le trésor noir «Y paraîtrait qu’on vit sur une nappe de pétrole à grandeur de l’île !», s’exclame sur le ton de la confidence Francine Roche, conseillère en développement de la municipalité de l’île d’Anticosti. Au bout du fil, à plus de 1000 km de Montréal, elle dit redouter la construction de forages pétroliers sur le territoire et dans les eaux entourant son île. Quand on aborde le thème de l’exploitation des hydrocarbures, difficile de s’étendre sur le sujet. «Personne ne sait vraiment de quoi ça va avoir l’air après,» conclut-elle avant de déposer le terminal. Des projets d’extraction de combustibles fossiles sur l’île d’Anticosti alimentent les craintes depuis longtemps. Cependant, même les experts ne savent pas encore si une telle exploitation engendra des conséquences sur l’environnement. «Pour l’instant, on n’a même pas encore trouvé de réserve exploitable de pétrole», indique Gaétan Laprise, technicien de la faune et citoyen de l’île. À ce jour, les compagnies pétro-

lières comme Junex et Pétrolia se contentent d’examiner le territoire en faisant du carottage, procédé par lequel on extrait une longue carotte de terre afin d’en étudier la composition. Les deux entreprises ayant acheté la zone bitumineuse à l’État en 2008 tentent aussi de déterminer la présence de zones exploitables par procédé sismique. Des camions parcourent ainsi les sentiers de l’île pour capter les vibrations du sol qui pourraient révéler l’existence de pétrole conventionnel. L’ensemble de la démarche reste très hypothétique. Le ministère des Ressources naturelles (MRN) a tout de même prévu plusieurs mesures afin d’encadrer le processus d’exploitation pétrolière sur l’île d’Anticosti. Selon Mario St-Pierre, spécialiste des écosystèmes de la Côte-Nord au MRN, le sujet reste délicat. «Il est difficile de prendre des décisions dans un contexte où il n’y a pas de concret», concède-t-il. Si on trouvait du pétrole à Old Harry, forage potentiel situé

Par Héloïse Rouleau directement dans le golfe Laurentien, il pourrait toutefois y avoir un problème. Anticostie ne se trouve pas exactement dans le secteur, mais la proximité avec le puits possible fait peur, car un forage dans l’eau serait plus facile à cacher. Selon Gaétan Laprise, le prix coûteux et la difficulté d’accès au site permettraient aux compagnies de camoufler des techniques douteuses et des fuites de pétrole. De possibles déversements d’hydrocarbures pourraient aussi avoir lieu. «Personne ne pourra les voir. Ils vont sans doute être capables de masquer tout ça avant qu’il n’y ait une autorité qui se rendre sur la zone directement», craint cet amoureux de l’environnement. L’impact sur les côtes avoisinantes d’Anticosti et sur la faune aquatique serait important, comme ce fut le cas, à une échelle exponentielle, lors du déversement sur les côtes de la Louisiane en avril 2010. L’île d’Anticosti possède un écosystème unique et vulnérable. C’est non seulement l’un des endroits au Québec où l’on retrouve le plus de cerfs de

Virginie, mais également une faune aquatique diversifiée qui menace de disparaître. Situées en plein centre de l’estuaire du Saint-Laurent, les eaux entourant l’île contiendraient selon un rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) «dix-neuf espèces de mammifères marins […], dont quatre apparaissent sur la liste canadienne des espèces en péril, soit le béluga du Saint-Laurent (menacé), le rorqual bleu (en voie de disparition), la baleine noire de l’Atlantique Nord (en voie de disparition) et la baleine à bec commune (en voie de disparition)». Ce ne sont donc pas les impacts d’une exploitation terrestre du pétrole, mais bien d’une exploitation marine qui auraient raison de faire peur aux citoyens de l’île. Les cerfs de Virginie, les bélugas, rorquals et baleines du SaintLaurent, les humains qui y vivent : tous ces éléments de la biodiversité seraient menacés. Si des hydrocarbures s’infiltraient dans l’eau, la purifier serait un processus bien trop onéreux pour les industries,

appréhende Gaétan Laprise. La situation est d’autant plus préoccupante pour les habitants de l’île, alors que les entreprises découvrent un tout autre type d’hydrocarbure. «Tout ce qu’ils trouvent pour l’instant c’est du pétrole de shale», explique le technicien. Le processus d’exploitation de ce pétrole ressemble à celui du controversé gaz de schiste, la différence résidant dans l’état de la matière. En effet, récolter le liquide est un processus beaucoup plus laborieux qui pourrait nécessiter et polluer une quantité phénoménale d’eau et ainsi affecter la faune et la flore environnantes. Selon Gaétan Laprise, l’idéal serait de ne jamais en trouver, de raccrocher le terminal une fois pour toutes sur l’appel des profits et de la fortune qu’engendreraient les ressources pétrolières.

CHRONIQUE

La survie version 21e siècle Toute cette histoire de fin du monde a fait remonter notre instinct de survie, toujours en dormance dans notre inconscient. Au plan individuel, malgré la fumisterie, chacun d’entre nous s’est demandé ce qu’il ferait s’il avait à partir pour de bon, avant le cataclysme final. Au plan collectif par contre, cet instinct de survie, au-delà de cette histoire d’apocalypse, demeure moins présent. On ne s’est pas trop demandé qu’est-ce qu’on souhaiterait d’ultime pour nos collectivités, avant qu’elles ne disparaissent. Le réflexe qu’ont eu les gens avec cette affaire est symptomatique d’un des maux de notre temps : le «je» supplante de plus en plus le «nous». Nous sommes passés de plus en plus de citoyens à consommateurs, étant ainsi davantage à la merci des grandes corporations qui veulent faire des profits sans aucune autre considération collective. À l’heure du cynisme à l’égard de la classe politique, les magnats de la finance en profitent pour étancher leur soif de cupidité. Pendant ce temps, on assiste à une exacerbation de narcissisme sur les réseaux sociaux, mais aussi à une solitude grandissante derrière l’écran. Partout, personne n’y échappe. Au Québec, la notion de survie demeure un concept particulièrement fort. Peuple minoritaire en Amérique du Nord, ce sentiment a agi en trame de fond tout au long de notre histoire. Nous avons réussi à survivre, à force de courage. L’anglicisation de Montréal fait craindre le pire et les pressions reliées à la mondialisation des marchés sont plus que jamais présentes. Le plus grave, c’est que la population se préoccupe de moins en moins de son destin collectif. La retraite dorée dans un Winnebago est plus importante que ce qu’on va léguer comme société à nos enfants. Dommage. En ce début d’année 2013, souhaitons qu’on passe tous ensemble du mode «survivre» à «vivre», tout simplement. Mais pour cela, il faudra renouer avec l’expérience du collectif, sortir de son profil virtuel qui nous encrasse dans une solitude et la quintessence d’un vide comblé par un paquet de bébelles éphémères... Simon Dansereau, chef de pupitre National


9 Perdre ses racines Le décor épuré de la maison montréalaise ne trahit l’identité de ses occupants qu’en un seul lieu; des statues de dieux bouddhistes ornent le salon. Chez Yon Chieu, conserver ses coutumes ancestrales et apprendre simultanément une nouvelle langue n’est pas chose facile. Pour plusieurs nouveaux arrivants au Québec, s’adapter sans perdre ses racines représente un défi de taille. À son arrivée au Québec à 14 ans, Yon Chieu trouvait qu’il était tard pour apprendre une nouvelle langue. Pour la jeune Chinoise, intégrer l’école secondaire alors qu’elle ne comprenait pas un mot de français était terrifiant. «Je me sentais à part des Québécois de souche, car je ne partageais pas encore leurs valeurs et traditions», confie-t-elle. Son mari, Li Biao, est arrivé au Québec à l’âge de 30 ans. Ils ont choisi de vivre ensemble selon les coutumes chinoises, plutôt que de s’acclimater au mode de vie d’ici. Parents de deux enfants nés en terre québécoise, le couple parle cantonais. Seule Yon Chieu se débrouille difficilement en français. «Je suis très limité dans le domaine du travail et souvent je me sens

Par Marie-Christine D. Gaudreau

frère n’ont aucune difficulté à s’adapter au mode de vie québécois, comparativement à leurs parents. Les enfants ont une double identité. À la maison, tout se passe en cantonais et selon la culture chinoise. Pour préserver leurs racines, les activités familiales se déroulent en cantonais; écouter la télévision, manger, prier et célébrer les fêtes religieuses. Cependant, à l’extérieur c’est toute autre chose. «Je ne parle presque plus cantonais», avoue Christine Zhang. Elle soutient qu’elle doit se concentrer sur le français et l’anglais, qui lui servent à l’école.

Une aide à proximité Un peu partout au Québec, des organismes d’accueil et d’aide aux immigrants existent. Le Comité régional d’éducation pour le développement international de Lanaudière (CRÉDIL) accueille chaque année environ 70 immigrants dans la région de Joliette. Le CRÉDIL travaille en partenariat avec les CLSC, les hôpitaux, ainsi que l’organisme Perspectives Nouvelles pour la recherche d’emploi. «Notre but n’est pas de substituer les ressources déjà existantes, mais plutôt de guider les immigrants vers les ser-

«Je suis très limité dans le domaine du

travail et souvent je me sens contraint au mutisme, puisque je ne comprends ni l’anglais, ni le français»

- Li Biao, immigrant chinois

contraint au mutisme, puisque je ne comprends ni l’anglais, ni le français», rapporte Christine Zhang, la fille du couple, qui traduit les propos de son père dans un français impeccable. Cette dernière et son

vices dont ils ont besoin», insiste Natasha Normand, coordonnatrice de l’organisme. Né en 1976, l’organisme dispose de trois intervenants pour l’accueil et le suivi des

immigrants. «J’évalue les besoins des clients, je cherche les ressources matérielles, financières et humaines pour les aider le plus concrètement possible», explique la coordonnatrice. Dans la plupart des cas, les services offerts par l’organisme suffisent à aider les nouveaux venus. Ils sont orientés vers les cours de français et aidés dans la recherche de logement et d’emploi. En collectivité, ces individus s’adaptent aux aspects de la vie québécoise : la langue, les habitudes, la culture, etc. Tandis qu’à la maison, la plupart d’entre eux communiquent dans leur langue maternelle, cuisinent leurs mets traditionnels et perpétuent leur culture de cette manière. «Avec le temps, les immigrants apprennent à naviguer entre leurs identités multiples», conclut la coordonnatrice du centre, rassurante.

Un appui virtuel Le web est une autre alternative qui peut venir en aide aux immigrants. Kad Tsouli, un franco-marocain qui a obtenu sa résidence permanente au Québec depuis plus d’un an, a créé un groupe Facebook pour les futurs immigrants qui s’établiront à Montréal. Les gens concernés peuvent parler entre eux de leurs craintes et se faire un réseau de contacts avant leur arrivée. «J’ai créé le groupe dans un but d’entraide, d’échanges de conseils, de réseautage et d’organisation d’activités, car personne ne le fera pour nous», déclare Kad Tsouli. Tout comme Natasha Normand, il croit que la culture ne se perd pas et que la plupart des gens arrivent à concilier l’adaptation à une nouvelle langue et un nouveau mode

de vie. Tous deux s’entendent pour dire que les vraies problématiques se trouvent ailleurs. «Le vrai défi c’est de se refaire un réseau de contacts, connaître des gens et s’intégrer parmi eux», expose le Franco-marocain. Yon Chieu et Li Biao n’ont pas eu recours à de tels services. Pourtant, une intervention aurait permis d’élargir leur vie sociale. Au-delà des rela-

tions de base essentielles, Yon Chieu est incapable d’entretenir une conversation, contrairement à Christine et à son frère. «Mes enfants sont grandement influencés par la culture québécoise», confirme-t-elle. Elle croit que, malgré l’éducation que Li Biao et elle ont offerte à leurs enfants, la culture chinoise est vouée à disparaitre dans les générations futures.


10 Laitiers caillés Il fut un temps où il n’était pas nécessaire d’aller au dépanneur du coin chercher la pinte de lait manquante. Il n’y a pas si longtemps, les laitiers parcouraient le Québec afin de distribuer aux ménages leur précieux breuvage. La livraison de la traditionnelle pinte en verre est une pratique qui sombre peu à peu dans l’oubli. Bernard* a roulé sa bosse durant dix ans grâce à la livraison de lait à domicile, mais livre désormais dans des grandes surfaces. L’employé de Natrel a dû cesser de délivrer des commandes directement

Par Jayson Boisvert

dans les chaumières, car la pratique n’était plus assez rentable. «Maintenant, il n’y a plus personne qui peut vivre de ce métier, c’est impossible. Les gens achètent leur lait à l’épicerie, car ils y vont de toute façon pour d’autres achats», explique-t-il. Patricia Faubert, résidente de Montréal-Nord, s’est fait livrer son lait à domicile par un laitier pendant 20 ans. Auparavant, sa famille était toujours à court de pintes, ils ont pris les grands moyens et ont contacté Québon pour savoir si un service de livraison à domicile existait. «C’est

le lait que nous préférons!», s’exclame-t-elle. La compagnie leur a trouvé un laitier qui livrait surtout dans des

ment quatre sous de profit dans leur poche. Beaucoup de laitiers ont alors dû cesser leur run de lait. Avec le prix de l’es-

« Maintenant, il n’y a plus personne

qui peut vivre du métier de laitier, c’est impossible. Les gens achètent leur lait à l’épicerie, car ils y vont de toute façon pour d’autres achats »

est désormais dans la nature des choses d’acheter son lait à l’épicerie, comme si c’était la marche à suivre depuis toujours. «Dans notre cercle d’amis, on est les seuls qui faisaient affaire avec un laitier. Les gens trouvaient que c’était bizarre», conclut Patricia Faubert.

dépanneurs, mais aussi dans quelques maisons se trouvant sur son trajet. Depuis un peu plus d’un an, elle a délaissé son laitier pour acheter son lait à l’épicerie comme la majorité des gens. «Avec la livraison, la différence est de 75 sous de plus par litre. C’est peu, mais ça revenait cher, car on boit plus 12 litres de lait par semaine», avoue-t-elle.

La mère de famille se levait très tôt ou elle laissait une clé -Bernard, ex-laitier à domicile au laitier pour qu’il dépose le lait dans l’entrée. «Inutile de sence qui a monté en flèche, s’inquiéter, même à midi, le ils ne pouvaient plus vendre lait restait bon», s’empresseleur produit à un prix concur- t-elle de spécifier. La dame a rentiel. «On n’avait pas le depuis repris son trousseau choix de vendre le lait un peu laissé 20 ans plus tôt à son plus cher, mais ce n’était plus laitier. Fini les traditionnelles rentable. Il n’aurait pas été rondes de voisinage pour celong que j’aurais payé pour lui-ci, sa nouvelle clientèle se travailler», renchérit le laitier limite désormais aux entrede Natrel. Il a donc cessé la pôts d’épicerie. livraison à domicile, malgré la déception de ses clients. *Nom fictif

Quand les grandes surfaces, telles IGA et Métro, se sont mises de la partie, elles ont commencé à vendre le même lait que celui fourni par les traditionnels laitiers. Toutefois, leur prix était bien moins élevé que celui délivré sur le pas de la porte, avec seule-

Pour l’ancien vice-président d’Agropur, René Grimard, la disparition des laitiers est aussi une question de mœurs. «Avant, les femmes étaient à la maison. Maintenant, les deux adultes travaillent, donc il n’y a plus personne à domicile pour recevoir le lait.» Il

Le dernier des laitiers

Crédit : Pascale Armellin-Ducharme

Au Québec, Agropur est en quelque sorte le Québécor du lait, voire le «maître laitier». Cette coopérative, qui regroupe 3 459 membres, est propriétaire des marques des produits laitiers Québon et Natrel. Bernard* ne connait plus aucun laitier qui livre à domicile pour Agropur en Estrie. Le dernier a cessé il y a maintenant quatre ans.

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11 La fin du monde en forfait tout inclus Vivre une des nuits les plus attendues de la planète, les pieds dans le sable chaud du Mexique, au cœur de la civilisation maya. Une expérience recherchée par des milliers d’adaptes de l’apocalypse à l’occasion du 21 décembre 2012. Lucrative pour plusieurs, la prophétie maya s’est révélée davantage profitable que réellement effrayante. Le Mexique n’a pas hésité à saisir l’opportunité en y percevant d’innombrables possibilités d’affaires. Dès le début de l’année, il a annoncé ses couleurs, en déclarant vouloir devenir cinquième au rang mondial du tourisme d’ici la fin de 2012. À Cancún, tout le mois de décembre était consacré aux Mayas, ainsi qu’à leur prétendue fin du monde. Du 30 novembre jusqu’à la date fatidique, des cérémonies et des rituels d’anciennes civilisations ont eu lieu sous forme de festivals ouverts aux touristes. L’ancien président du Mexique, Felipe Calderón, annonçait déjà en 2011 qu’il y aurait 500 évènements pour célébrer la fin de 2012. Une horloge compte à rebours a été installée dans la ville de Tapachula, dans le sud du pays.

geurs les croyances de cette civilisation. Dès le départ, elle démystifie un grand mythe : les Mayas ne craignaient pas le 21 décembre 2012, leur «prophétie» annoncerait plutôt une nouvelle ère. «Les civilisations mayas n’annoncent pas et ne fêtent pas la fin du monde, mais la fin d’un calendrier», explique-t-elle. Sur des sites d’agences de voyages, on pouvait facilement trouver une programmation spéciale afin de vivre l’unique expérience du 21 décembre. Par exemple, WestJet offrait une de ces fameuses escapades pour une modique somme de 1899 $. Des rencontres avec des shamans, des participations à des cérémonies, des visites guidées, des spectacles et des expériences mythiques faisaient partie de ces forfaits. «La curiosité est bénéfique au tourisme, il y a beaucoup de publicité partout, car il y a beaucoup d’argent qui entrera», croit Muriel Schmitt. Selon les données publiques du tourisme mexicain, environ 52 millions de touristes étaient attendus en 2012, ce qui représente 12 millions de plus que les années pré-

«Les administrateurs et les responsables du tourisme mexicain tentent de profiter de la vague d’attention et d’intérêt que suscite cette prophétie maya pour vendre leur produit aux touristes potentiels» - Jacques Simard, professeur en marketing

Guide touristique de sites archéologiques mexicains, Muriel Schmitt est l’une de celle qui fait découvrir aux voya-

cédentes. Jacques Simard, enseignant en marketing à l’UQAM, n’est pas surpris de la situation. «Les administra-

teurs et les responsables du tourisme mexicain tentent de profiter de la vague d’attention et d’intérêt que suscite cette prophétie maya pour vendre leur produit aux touristes potentiels.» Muriel Schmitt qui a profité elle aussi de ce climat apocalyptique pour organiser une soirée spéciale fin du monde est du même avis.

La peur, bon vendeur? «Ce ne sont pas ceux qui ont une crainte envers la fin du monde qui participent à ce genre d’expériences. Ce sont ceux qui sont curieux, qui veulent vivre quelque chose de différent qui profitent de l’occasion», croit Benoît Duguay, enseignant à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. Selon lui, les vrais apeurés ne forment pas la clientèle ciblée par les annonces et forfaits promotionnels. Sous d’innombrables prétextes, l’être humain aime se créer ce genre de peur. Il se souvient, par exemple, des prédictions de l’an 2000, lorsque la population croyait à tort que la technologie allait connaître un bogue mondial. Il n’y a pas qu’au Mexique que les prédictions sont profitables, soulèvent les deux professeurs. À Montréal, la station de radio CKOI a fait tirer des places dans un bunker pour fêter le 21 décembre. Plusieurs bars un peu partout au Québec ont aussi utilisé l’attrait des gens pour l’apocalypse afin d’organiser ces soirées spéciales. Muriel Schmitt évoque aussi le village de Bugarach en France, ciblé par des rumeurs sur Internet et dans les médias locaux vou-

Par Vicky Girard

« Des rencontres avec des shamans, des participations à des cérémonies, des visites guidées, des spectacles et des expériences mythiques faisaient partie de ces forfaits fin du monde » lant que ce soit l’endroit où il faut être pour survivre à la fin du monde. «Une route a été bloquée pour ne pas céder au poids des nombreux touristes. Ce sont surtout les illuminés qui s’y retrouvent et dans ce cas, c’est la peur qui est bénéfique au tourisme», conclutelle.

inclus au Mexique, alors que d’autres se sont attendus au pire. Désormais, le pays devra trouver une autre façon d’attirer des touristes, du moins jusqu’à 2036, date de la prochaine fin du monde.

Des milliers de touristes ont donc terminé l’année 2012 cocktail en main dans un tout

Crédit : Flickr


12 Un mythe qui ne veut pas mourir Ils arrivent par hordes, se collent aux vitrines des magasins, déambulent dans les rues sans aucun sens commun, sans jugement et l’air avide. Non, il ne s’agit pas des loyaux clients des produits Apple se ruant pour obtenir le dernier iPad mini, mais bien d’une nouvelle tendance dans la culture populaire moderne : les zombies. L’engouement pour les mortsvivants est tel que des chercheurs mathématiciens de l’université d’Ottawa ont réalisé une étude pour calculer le

grâce à des calculs de population et de statistiques», affirme Robert Smith?*, professeur de mathématiques de l’université d’Ottawa et responsable de l’étude. «Calculer l’évolution d’une infection de zombie est quelque chose de plus complexe qu’analyser le développement de la grippe porcine, parce que le comportement du zombie dévie fortement du malade ordinaire et qu’il n’y a pas de traitement possible pour ce type d’infection.» Selon les calculs de Robert Smith? et ses étudiants, si une attaque zombie

«Les zombies ne terrifient pas, ils horrifient. Ils jouent sur notre peur de l’asservissement, de la vieillesse, de la mort et de la maladie. Ils sont la catastrophe à l’état pur» - Samuel Archibald, professeur de littérature à l’UQAM

temps que prendrait une invasion pour décimer l’ensemble de la population mondiale. «Le but était d’analyser l’évolution d’une infection zombie

n’est pas stoppée immédiatement une ville comme celle de Toronto serait complètement «zombifiée» en moins de sept jours. «Le sujet d’étude

Par Philippe Larose-Trudel

a été proposé par un de mes étudiants et j’ai tout de suite sauté sur l’idée», raconte le professeur qui dit s’être fortement inspiré du cinéma et de la culture zombie pour parfaire ses théories. «Nous nous sommes basés sur les films de George A. Romero pour définir le comportement des morts, mais surtout des survivants qui peuvent parfois mettre leur propre vie en danger en tentant de fuir les zombies.» Le professeur avoue avoir eu des résultats surprenants après la publication de sa recherche. «Je reçois des messages d’enseignants en mathématiques disant qu’ils ont réussi à redonner le goût des maths à leurs étudiants grâce à notre étude, en tant que professeur, je trouve ça très gratifiant!» Issus des mythes et légendes Voodoo en Haïti, les zombies ont largement évolué grâce au cinéma. «C’est le réalisateur d’horreur George A. Romero qui a modernisé le zombie et en a proposé la version qui domine encore au-

Crédit : Cyrielle Beaubois

«Selon les calculs de Robert Smith? et

ses étudiants, si une attaque zombie n’est pas stoppée immédiatement une ville comme celle de Toronto serait complètement «zombifiée» en moins de sept jours» jourd’hui. Il en a fait des êtres anthropophages, il en a fait des prédateurs», explique Samuel Archibald professeur de littérature et expert en culture populaire à l’UQAM. Depuis, les zombies ont connu une explosion de popularité. Jeux vidéo, littérature, cinéma et télévision, les morts-vivants se sont répandus comme une infection pour faire leur chemin dans l’imaginaire. Ils ont inspiré l’auteur Max Brooks pour écrire son livre «The Zombie Survival Guide», en 2003, devenu depuis lors une référence en matière de science des morts-vivants. Au Québec, le Zombie Walk, cette marche ayant lieu à la mi-octobre où les gens sont invités à se déguiser pour déambuler dans les rues, gagne énormément en popularité. «La marche zombie est un peu un éloge à la culture des morts-vivants. Ces derniers sont devenus les vilains les plus connus de la culture populaire au même titre que les pirates ou les vampires à une certaine époque», affirme Louis-Philippe Lavergne Bessette, coordonnateur principal de la marche. Selon lui, le succès de la marche et du phénomène des morts-vivants serait dû à la très forte présence des zombies dans la culture populaire. Très satisfait de la marche du 22 octobre dernier, le coordonnateur croit que les morts-vivants se seraient démocrati-

sés auprès du public. «Nous avons eu confirmation qu’il y avait une foule compacte d’au moins 8000 zombies à la dernière marche, on peut donc dire que c’est un succès monstre», affirme-t-il avec un brin d’humour. La crainte d’une attaque de zombie reste un sujet récurrent sur Internet et au cinéma. Samuel Archibald explique que les fondements de la peur des zombies sont ancrés dans la culture populaire. «Les zombies ne terrifient pas, ils horrifient. Ils jouent sur notre peur de l’asservissement, de la vieillesse, de la mort et de la maladie. Ils sont la catastrophe à l’état pur.» Face à la montée de la culture zombie, Samuel Archibald relativise en disant que la confusion entre la fiction et la réalité fait partie importante de la culture populaire contemporaine. «Cela m’étonnerait énormément que nous ayons à faire face à une épidémie de zombies un jour, mais, une chose est sure, plusieurs geeks y seraient préparés.» * Le point d’interrogation fait partie de son nom...


13 Afficher la mort dans son salon Créer pour continuer à vivre. Depuis toujours les artistes souhaitent que leurs œuvres leur survivent. Certains vont même jusqu’à repousser les limites morales de l’existence en utilisant des restes végétaux, animaux et même parfois, des restes humains. Marc Séguin est un peintre canadien, qui, en 2010, s’est doté d’une teinte exceptionnelle de gris provenant des cendres de la mère d’un ami. Il utilise celles-ci pour recréer, dans la série Ruines, des pavés d’églises détruits. Cette suite

Aux Pays-Bas, la designer Wieki Somers créée des objets à l’aide de cendres humaines. Son art démontre la fragilité de la vie et questionne l’attachement aux produits matériels. Elle créé divers objets banals comme un aspirateur ou encore un grille-pain, mais à partir de corps morts. Les électroménagers sont soudainement vus différemment, ils passent d’ordinaires à glauques. Le caractère spirituel de l’art devient aujourd’hui un facteur important dans les tableaux d’artistes comme Marc Séguin

Par Andréanne Apablaza

fois s’avérer attrayant et avantageux pour l’artiste. Selon le propriétaire de la galerie, l’art de Marc Séguin est très bien perçu par le public et par les conservateurs d’art contemporain. «C’est probablement parmi le reste des artistes qu’il est moins apprécié», exprime Simon Blais. Si son exposition suscite autant l’intérêt, le caractère intriguant de ce genre d’art est vite remis en question par la communauté artistique. «Estce que la qualité de l’œuvre change? Est-ce que c’est pour autant une meilleure pein-

«Simplement en sachant que le tableau contient de la matière humaine, la valeur de l’œuvre devient toute autre » - Jean Dubois, professeur à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM

de tableaux attire l’attention dans plusieurs expositions du monde, par son genre quasi unique. «Des œuvres comme celles-là - faites à partir de matière humaine - remontent à l’ère primitive, où les seuls matériaux qu’on possédait étaient la matière organique», explique Simon Blais, propriétaire de la galerie du même nom, où les tableaux de Marc Séguin sont exposés depuis 2004. L’utilisation de cendres humaines dans des oeuvres est un art peu connu, spécialement au Québec. Jean Dubois, professeur à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM croit qu’en utilisant des restes humains, une nuance est ajoutée à l’œuvre. «Simplement en sachant que le tableau contient de la matière humaine, la valeur de l’œuvre devient toute autre. C’est une valeur symbolique et imaginaire, et on y accorde une importance particulière à cause de cet élément nouveau», affirme-t-il.

et Wieki Somers. «On donne une valeur unique au tableau, il ne le change pas pour autant. On y ajoute simplement une authenticité, une unicité, une sorte d’aura», explique le professeur Jean Dubois. Le marketing de l’innovation artistique La série Ruines de Marc Séguin a eu un énorme effet médiatique au Québec. Dans la sphère publique, l’artiste a été acclamé ou, au contraire, critiqué pour son art. «On croit souvent que les cendres humaines dans l’œuvre de Marc Séguin ne sont qu’une occasion qu’il a prise pour se démarquer, qu’il en a profité pour attirer l’attention, et si c’est le cas, ça a fonctionné», raconte Simon Blais. Le film Bull’s eye, un peintre à l’affût raconte le parcours du peintre. L’attention portée à cette nouvelle manière artistique démontre l’intérêt des gens à l’étrange. La preuve qu’un art morbide peut à la

ture? Je ne crois pas», admet Jean Dubois. Le matériel humain dans l’art s’avère perturbant pour plusieurs. Pour le professeur, cela devient un élément sensationnel. «En utilisant des cendres humaines, on ne cherche pas nécessairement à jouer avec les émotions, tous les artistes manipulent les sentiments. L’artiste fait plutôt appel à l’imaginaire, surtout à l’impact et au choc que tout cela peut avoir», éclaircit-il. Les restes humains utilisés aujourd’hui dans l’art pro-

Il ne faut toutefois pas confondre l’art choquant des restes humains avec l’art

«On croit souvent que les cendres humaines dans l’œuvre de Marc Séguin ne sont qu’une occasion qu’il a prise pour se démarquer, qu’il en a profité pour attirer l’attention, et si c’est le cas, ça a fonctionné» - Simon Blais, propriétaire d’une gallerie d’art

voquent le public, touchent ses sentiments et ses valeurs profondes, pour le sortir de sa zone de confort et l’ébranler.

destiné à vendre. «Ce que réalise Marc Séguin n’est pas du tout de la publicité. Certaines galeries exposent un

produit plus qu’une œuvre, et certains artistes créent de l’art commercial. Des peintres peuvent reproduire la même chose plusieurs fois sur plusieurs tableaux. Dans le cas des cendres humaines, ce n’est pas possible», explique Catherine Plaisance, de la galerie Simon Blais. L’opinion face à ce type d’art contemporain est très divisée. «Pour certains le sujet les rebute. Ce n’est pas tout le monde qui veut avoir la mort affichée dans son salon», reconnaîtelle.


14 La survie du petit écran Il s’agit d’une première : un studio important d’Hollywood préfère un diffuseur web aux chaînes de télévision payantes traditionnelles. Après leur passage au cinéma, les héros de Disney défileront donc en exclusivité sous la bannière rouge de Netflix. Preuve que la web diffusion prend de plus en plus de place sur le marché, alors que la télévision doit se redéfinir.

Par Mélissa Des Groseilliers

gagnent pas seulement en popularité auprès des consommateurs, mais également auprès des créateurs. Le réalisateur de la websérie humoristique En audition avec Simon, Simon-Olivier Fecteau, qui diffuse actuellement sa troisième saison sur TOU.TV, croit d’ailleurs que le web permet une facilité de production. «C’est attirant de ne pas avoir d’intermédiaire entre soi et le public, explique-t-il.

« Le concept du rendez-vous permet

de défendre encore le territoire de la télévision traditionnelle » - Simon-Olivier Fecteau, réalisateur

Le web et la télévision semblent converger vers des plateformes 2.0 comme Apple TV, TOU.TV ou Kebweb qui gagnent en popularité. Selon la professeure à l’École des médias de l’UQAM, Suzanne Lortie, la télévision traditionnelle serait chose du passé depuis un certain moment déjà. Terminé le temps où l’on attendait impatiemment notre émission à une heure précise. Aujourd’hui, les gens regardent leurs séries télé en sortant du cadre des grilles de programmation. «La tendance actuelle, c’est la télévision consommée sur commande», explique-t-elle. À son avis, les transformations de la télévision dans le futur ne seront donc pas sur le plan du contenu, mais plutôt sur celui des points de consommation physique. Consoles de jeux vidéo, tablettes ou écrans de télévision remplacés par des écrans d’ordinateur : les signaux de télédiffusion sont mis progressivement au rancart. Les

plateformes

web

ne

Les finissants en médias ou en télévision peuvent aussi rapidement se lancer dans un projet.» Selon le réalisateur, la télévision n’est pas vouée à disparaître, elle devient seulement plus malléable. «Je crois qu’elle va changer, s’adapter», précise-t-il. Cette télévision à la carte ressemblera davantage au web: enregistrement facile, contenu plus court ou contenu web exclusif pour des abonnés de diffuseurs télévisuels. «Le web et la télévision se complémentent de plus en plus, ajoute le réalisateur. À un certain moment, le même contenu va être disponible aux deux endroits.» Il ne faut toutefois pas généraliser le phénomène, fait remarquer Suzanne Lortie. Chaque plateforme est différente et elles n’ont pas toutes les mêmes finalités donc les modèles d’affaires diffèrent. Rattraper du contenu diffusé au cours de la semaine, découvrir une nouvelle série web ou revisiter des séries archivées ne représente pas les mêmes enjeux.

Il serait par contre plus difficile pour le web d’attirer les publicitaires, afin de financer les plateformes. «Internet, c’est encore pour beaucoup la culture de la gratuité, et ça prend du temps négocier les droits et les conventions pour une plateforme Internet», fait remarquer la professeure de télévision à l’UQAM, Margot Ricard. Réalisateur au numérique et au service Internet de Radio-Canada, Bruno Lefebvre appuie ce point. «Au niveau de la publicité, l’argent est encore en télévision, confirme-t-il. La télévision est un média de masse. Lorsque l’on diffuse une publicité, on sait de manière générale qu’une grande partie de l’auditoire va y être intéressée.» Sur le web, ce n’est pas aussi évident. Il faut développer une publicité ciblée par individu, car les publicitaires ont affaire à un auditoire très varié. Selon Simon-Olivier Fecteau, la différence entre les cotes d’écoute du web et celles de la télévision est l’une des raisons qui explique le manque d’entrain de certains publicitaires à financer des webtélés. «50 000 téléspectateurs c’est beaucoup pour le web, alors que pour la télévision c’est très peu», explique-t-il. Une tradition de rencontre La télévision telle qu’on la connaît reste un grand lieu de rencontre pour les évènements sportifs, talkshows et magazines d’affaires publiques, croit Suzanne Lortie. De son côté, Simon-Oliver Fecteau croit que «le concept du rendez-vous permet de défendre encore le territoire de la télévision traditionnelle». Il estime aussi que même si le web et la télévision tendent

Crédit : Pascale Armellin-Ducharme

à se rapprocher avec des plateformes comme Netflix ou Apple TV, il ne faut pas sousestimer la télévision dite traditionnelle. «L’ordinateur n’est pas un lieu de rencontre, nous rappelle-t-il. À six heures le

soir tu veux écouter ta télévision». Le réalisateur souligne par contre que la génération Y et celle qui suit ont grandi avec le web. «Tranquillement, leurs habitudes vont devenir la norme», conclut-il.

Réinventer le web Alors que la télévision est en crise identitaire, le chef du contenu de Netflix, Ted Sarandos, annonce les perspectives futures de son entreprise web. Au menu, la reconnaissance vocale et même visuelle afin d’obtenir du contenu personnalisé à distance. L’accès aux saisons entières des téléséries au même moment, plutôt que chaque semaine, pour éviter l’attente du consommateur sera également possible.

Remerciement spécial


15 L’or au cou... mais pas dans les poches Carey Price, Tiger Woods et Lebron James : les exemples d’athlètes qui font fortune dans la pratique d’un sport ne manquent pas. Ce n’est toutefois pas le cas des sportifs amateurs qui, malgré leurs performances en coupe du monde ou aux Jeux olympiques, doivent souvent mettre autant, sinon plus d’efforts à la recherche de commanditaires que dans la pratique de leur passion. Pour atteindre un plus haut niveau compétitif, les athlètes doivent constamment bénéficier de subventions et de bourses. Avec des coûts élevés liés à l’entrainement et à la compétition, ces montants sont essentiels et permettent de joindre les deux bouts. «Ces montants d’argent font une énorme différence dans la vie d’un athlète puisque c’est comme un salaire,» affirme la plongeuse et médaillée olympique Roseline Filion. Cet argent n’est cependant pas toujours facile à trouver, puisque son attribution se fait strictement en fonction des performances en compétition. Ce sont en grande partie les compagnies privées qui viennent en aide aux athlètes de haut niveau. Ces commanditaires sont toutefois souvent hors d’atteinte pour les sportifs amateurs puisque les entreprises aiment obtenir de la visibilité en retour. Les entreprises ne sont pas les seuls à subvenir aux besoins des athlètes. Les gouvernements québécois et canadien ainsi que divers organismes privés jouent eux aussi un rôle clé. La Fondation d’athlètes d’excellence du Québec (FAEQ) permet aux compagnies de contribuer à l’épanouissement des athlètes, sans être tenu de signer de contrat avec l’un d’entre eux. Selon Xavier Desharnais,

nageur en eau libre aspirant aux Jeux olympiques de 2016, les fondations comme celles-ci sont vitales. «C’est grâce aux fondations et organismes qu’on réussit à faire le bout. Sans eux, nous n’aurions pas les moyens financiers pour maintenir notre excellence», affirme-t-il. Les grandes fédérations sportives font elles aussi leur bout de chemin. «Dans la majorité des cas, lorsqu’un athlète en plongeon se qualifie pour une compétition internationale, la fédération nationale – Plongeon Canada – couvre les frais», poursuit Roseline Filion. Malgré une recrudescence de tels contributeurs, les athlètes amateurs d’ici ne roulent pas sur l’or. «Ce qui est dispendieux, c’est les compétitions à l’extérieure de la province et du pays. En plus, en plongeon, il y en a beaucoup», conclut-elle. Même si le financement est au rendez-vous, la peur de se blesser est omniprésente. Une blessure est suffisante pour vider les poches d’un athlète. «Les blessures sont le pire ennemi des athlètes, si celui-ci ne réussit pas à s’en remettre rapidement, il est probable qu’il sombre dans l’oubli», commente Sébastien Boucher, analyste au Réseau des sports (RDS). Un cas notoire est celui du skieur albertain Jan Hudec. Celui-ci a été blessé à de nombreuses reprises et ses performances n’étaient plus à la hauteur. Canada alpin a donc cessé de le financer.

Un autre problème auquel font face les athlètes amateurs est le manque de visibilité dans les médias. Certains sports ont la chance de bénéficier d’une meilleure cote de popularité que d’autres auprès du public. C’est le cas du plongeon, par exemple, qui a gagné en popularité ces dernières années. «Le phénomène Alexandre Despatie et Émilie Heymans en plongeon permet à mon sport d’avoir une visibilité monstre dans les médias. Grâce à leur succès, ils ont réussi à susciter l’intérêt du public et les compagnies ont davantage le goût de s’associer au sport», affirme Roseline Fillion. Ce ne sont cependant pas tous les sports qui bénéficient du même avantage. Xavier Desharnais est confronté à une telle situation puisque la nage en eau libre est méconnue. Selon lui, les difficultés à obtenir des commandites ainsi que la faible couverture médiatique sont des phénomènes directement liés. «C’est sûr que ça a un énorme lien avec la visibilité. Si les Canadiens de Montréal étaient une équipe de natation, je ne crois pas que j’aurais les mêmes problèmes», plaisante le nageur. Sébastien Boucher soulève toutefois une autre problématique. «Avec le lock-out dans la Ligue nationale de hockey, plusieurs personnes auraient aimé voir davantage de variété sur nos ondes. On ne réalise pas assez l’ampleur des sports amateurs», conclut le reporter.

Par Maxime Van houtte


16 Puisqu’il ne me restait qu’une semaine à vivre... Je me suis souvent moqué de ceux qui croyaient qu’en 2012, il y aurait la fin du monde. Cette date approchant, j’ai décidé de vivre pleinement ma dernière semaine sur Terre au cas où ceux qu’on ridiculise aient raison. Pour profiter de mes derniers instants, j’ai voulu vivre chacun des sept péchés capitaux.

L’orgueil Juste pour vous mettre sur la bonne voie, d’après le dictionnaire, l’orgueil peut être un sentiment de fierté. Peutil y avoir mieux pour être fier que de se promener dans une voiture de riche? Non! Je suis quand même chanceux de mourir, c’était ce qu’il me fallait pour avoir les «guts» de vivre ce rêve. Petit problème : en hiver, les voitures à 500 000$ restent dans un garage chauffé! Si seulement les Mayas avaient prévu la fin du monde en juin… Avec une petite recherche, j’ai su qu’il y a un concessionnaire Bentley à Montréal et ces voitures à 200 000 $ peuvent sortir l’hiver. J’ai alors directement contacté le responsable des ventes, Mak Phimmasone, et j’ai réussi à me négocier un essai routier. Le jour J arrive. Je suis là, sur mon 31, j’attends qu’on me passe les clés de la petite merveille, mais apparemment qu’il y a eu malentendu… Pour moi, la voiture de riche c’était la Bentley, pour le vendeur c’était le Land Rover. Je ne vous dis pas à quel point j’ai dû piler sur mon orgueil pour essayer ce bolide à 70 000$...

L’envie J’ai toujours envié Will Smith, car il a la chance, dans le film

I am Legend, de frapper des balles de golf dans la ville de New York. Je suis un joueur de golf et il m’était improbable que je puisse quitter ce monde sans avoir tenté l’expérience. Pour la vivre, je me suis rendu sur le toit d’un édifice du Plateau Mont-Royal. Avec un souci des autres, j’ai utilisé des balles de pratiques pour éviter tout danger. Pour la vue seulement, l’expérience valait la peine. En passant, je suis désolé pour ceux que j’aurais blessés et qui lisent cet article. Par contre, la fille du bloc d’en face semble avoir trouvé très drôle de nous voir là-haut en train de taper des balles de golf.

La colère Mes rédacteurs en chef m’ont offert de libérer ma colère en leur lançant des œufs. Pour certains, la meilleure façon de se sentir bien, c’est de piquer une colère, mais je ne suis pas de cette école. J’ai donc dû me laisser aller pour réaliser ce péché, et j’ai fait tout un «head shot» ! Vous pouvez en parler à Camille, la co-rédactrice en chef de L’Esprit Simple! À défaut d’avoir vécu la colère dans ma dernière semaine de vie, j’aurai au moins vécu la joie.

La Paresse Ah, l’histoire de ma vie! Je fais des farces, mais parfois, je ne fais rien de ma journée sauf écouter des films à la télévision. Pas question que je me lève pour changer les DVD! Je me suis donc tapé LA paresse de l’année. Je vous décris le synopsis : Jayson Boisvert, un étudiant en journalisme à l’UQAM qui a besoin de prêts pour payer ses études, voit sa vie basculer quand il apprend

qu’il devra affronter la fin du monde. Son plan : vivre une soirée de paresse et de films durant la fin de session… Mauvaise idée. Basée sur une histoire vraie et dans un bac à journaux près de l’UQAM.

La Luxure J’espérais recevoir des candidatures féminines pour vivre ce péché. Je n’ai rien reçu. Je ne comprends pas pourquoi. Bon, j’aurais peut-être dû écrire mes coordonnés, mais quand même mesdames, vous m’avez déçu! Devant cette déception, j’ai décidé d’aller porter des faux C.V. dans des sex shops. Je pensais que ce serait gênant, mais pas du tout! Étonnamment, c’était tout le contraire. À vrai dire, j’aurais probablement été plus gêné en allant porter mon C.V. au Simons. C’était la première fois que j’entrais dans une boutique de ce genre. J’ai dit à la vendeuse que je n’étais pas une bête de sexe, mais que je voulais postuler et elle a pris mon C.V. Trouvant l’expérience trop courte et peu jouissive, je suis allé dans une autre boutique. On m’a dit que les affaires ne sont pas superbes! Non, mais plus personne ne baise de nos jours!? Allez mes petits lapins, c’est la fin du monde! Bref, les affaires vont tellement mal que la propriétaire vend du café en vrac comme plan B. Elle m’a offert donc de vendre du café.

Par Jayson Boisvert

un bon resto. J’ai commencé le festin avec un jus aux herbes ou épices, ce n’était pas clair, mais c’était bon jusqu’à ce que j’avale des mottons! Je me suis aussi nourri d’un pouding de durian. Pour son odeur, ce fruit est défendu dans les endroits publics et les transports en commun dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est. Le goût était bien, mais j’aurais eu besoin d’un couteau pour le manger. Le plat principal c’était des anguilles en conserve. Le truc, c’est d’oublier que c’est des anguilles. Sérieusement, c’est ce que j’ai préféré. C’était très bon, j’ai fini la conserve et je pense à aller en acheter d’autres.

L’Avarice Cette année, j’ai pris un gros risque. J’avais décidé de ne pas acheter de cadeaux de Noël. De toute façon c’est la fin du monde, que je me disais. Laissez-moi vous dire que j’ai été plutôt occupé dans les quatre

derniers jours avant Noël! Ce que j’ai fait peut paraître banal, mais cette banalité, peut-être absurde, m’a permis de décrocher de mon quotidien. Ne vous inquiétez pas, ma vie n’est pas d’une grande platitude. Pour une question de budget, je ne pouvais pas me permettre de vivre une semaine extrême. Vous, qu’auriez-vous fait pour votre dernière semaine?

*Les textes complets de notre cobaye se retrouvent sur le site internet de L’Esprit Simple, en plus d’un texte supplémentaire où il nous livre un compte-rendu de son expérience. WWW.ESPRITSIMPLE.COM

La Gourmandise Tant qu’à mourir, pourquoi pas innover et essayer une autre culture culinaire? Avec l’aide du quartier chinois de Montréal, la mission a été accomplie. Merci! Bon, si c’était à refaire, je me paie à la place

••• L’Esprit Simple est une plateforme journalistique ouverte à tous les étudiants de l’UQAM. Pour participer à la prochaine parution, contactez l’équipe de rédaction. espritsimple@gmail.com •••


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