6
Quand lâĂ©volution fleurit
Savoir séduire les pollinisateurs
LA NUIT DES CHERCHEUR/EUSE(S)
Chez de nombreuses espĂšces de vĂ©gĂ©taux, la reproduction passe par un pollinisateur. Ce sont souvent des insectes, mais aussi de petits mammifĂšres ou des oiseaux qui, en butinant dâune fleur Ă lâautre, aident les plantes Ă se reproduire. Pour sĂ©duire les pollinisateurs, les plantes se sont adaptĂ©es de façon Ă©tonnante. Simon Joly est chercheur au Jardin botanique de MontrĂ©al et professeur associĂ© au dĂ©partement des sciences biologiques de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al. Ses Ă©tudes portent sur lâĂ©volution des fleurs de plantes antillaises de la famille de la violette africaine (les GesnĂ©riacĂ©es). Celles-ci ont dĂ©veloppĂ© diffĂ©rentes stratĂ©gies de reproduction et sont pollinisĂ©es par soit des colibris, soit des chauves-souris, ou des insectes. Certaines, plutĂŽt gĂ©nĂ©ralistes, le sont mĂȘme par tous ces animaux. Ce qui est fascinant, câest que les diffĂ©rentes stratĂ©gies sont associĂ©es Ă une forme florale prĂ©cise. «âChaque stratĂ©gie de reproduction est apparue Ă plusieurs reprises au cours de leur Ă©volution et, chaque fois, les fleurs arborent essentiellement la mĂȘme formeâ! Câest un exemple marquant de sĂ©lection naturelle. En butinant de prĂ©fĂ©rence les fleurs qui lui plaisent, le pollinisateur favorise la transmission de certains caractĂšres qui mĂšnent, avec le temps, Ă un type de fleur particulier.â»
Photoâ Marie-Odile NoĂ«l
⹠Par Charles Prémont
Planétarium Rio Tinto Alcan 15 novembre
Ainsi, les fleurs spĂ©cialistes des colibris arborent une corolle (lâensemble des pĂ©tales) de couleur voyante en forme de tube. Elles produisent du nectar le jour. Les plantes pollinisĂ©es par les chauves-souris produisent du nectar la nuit et sont blanches ou verdĂątre puisque ces derniĂšres sont plus attirĂ©es par ces couleurs. Les travaux du Dr Joly cherchent notamment Ă identifier les gĂšnes responsables de ces changements floraux et Ă comprendre comment la sĂ©lection des pollinisateurs influence la forme des fleurs en nature, en particulier pour les gĂ©nĂ©ralistes. Ces Ă©tudes nous aident Ă comprendre comment les espĂšces peuvent sâadapter Ă des changements environnementaux comme la perte de pollinisateurs et ainsi Ă interprĂ©ter avec plus de prĂ©cision les consĂ©quences de nos actions sur lâenvironnement. â
en bref
La coévolution prédite par Darwin ⹠Par Guillaume Roy
Lorsquâon a prĂ©sentĂ© une orchidĂ©e avec un Ă©peron de 30 cm Ă Charles Darwin, en 1862, le cĂ©lĂšbre biologiste a alors prĂ©dit lâexistence dâun papillon ayant une trompe aussi longue afin quâil puisse profiter du nectar produit Ă lâextrĂ©mitĂ© de lâĂ©peron. Dâabord impopulaire, il a fallu une quarantaine dâannĂ©es pour prouver son hypothĂšse, lorsque lâon a fait la dĂ©couverte du sphinx Xanthopan morganii praedicta, un papillon avec une trompe de 22 cm, lui permettant de siroter le nectar de lâorchidĂ©e. On parle de coĂ©volution lorsque deux espĂšces vivent une relation si Ă©troite quâelle influence leur Ă©volution respective. Cet exemple dĂ©montre comment celle-ci a poussĂ© deux espĂšces Ă dĂ©velopper des stratĂ©gies communes pour maximiser la pollinisation des fleurs et lâalimentation des papillons.
Photoâ Miles Kelly/Fotolibra.com