Anonyme, le livre voyageur

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fit part de son embarras à choisir. Elle commentait d’une phrase, ou parfois d’un rire léger. J’écoutais son badinage, et j’y participais quand elle attendait que je le fasse. Elle s’arrêtait parfois de parler pendant quelques secondes, laissant errer sur moi un regard distrait. Sa gaieté désinvolte s’assombrissait d’une nuance de tristesse. Je sentais alors chez elle une ironie désenchantée, comme si elle se refusait de croire à ses propres paroles

- Vous me trouvez frivole, n’est-ce pas… - Pas vraiment. Vous m’étonnez. Vous n’avez pas peur de faire entrer un inconnu, la nuit chez vous ? Elle me fit un sourire vaguement moqueur, qui se mua en grimace…

- Vous ouvrez la bouteille ? J’allai la chercher sur la commode à l’entrée, et la tirai du sac-plastique. C’était du champagne. Je la rejoignis dans la salle de séjour. Au premier coup d’œil, les murs, de couleur claire, ne présentaient aucun objet particulier sur lequel ma curiosité pût s’attacher. J’allais être détrompé par la suite, mais je dois avouer que je ne prêtai à ce premier examen qu’une attention très distraite. Elle se dirigea vers un buffet, et y saisit deux coupes en cristal, joliment ouvragées.

- Que comptiez-vous fêter ? Elle fit un geste de la main pour me signifier la vacuité de ma question.

- Je n’ai plus rien à fêter… Elle se retourna brutalement vers moi.

- Et vous, que venez-vous faire ici ? Que cherchez-vous ? Je ne sus que répondre. Je m’approchai d’une table basse, entourée de deux fauteuils et d’un canapé bleu lavande. J’y déposai la bouteille.

- Ouvrez…

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