Le Monde des Volcans N7

Page 1

Les volcans du Monde

N째 7

Mars 2013

Les orgues basaltiques Porto Folio Le Piton de la Fournaise

Les risques volcaniques


Sommaire

Edito 2

Le mot de la rédaction

News 3

Éruption en cours, nouveaux livres et coups de cœur

Article 4

Les orgues basaltiques

Porto folio 9

Le Piton de la Fournaise

Dossier 16

Les risques volcaniques

Volcan vu du ciel 21 Puyehue Cordon Caulle


Edito Le Monde des Volcans Revue trimestrielle éditée par E. Reiter Contact: redation@lemondedesvolcan.p.ht

Rédacteur en chef: E. Reiter Personne(s) et institution(s) ayant collaboré à ce numéro: J.-M. Bardintzeff, T. Caggegi, B. Duyck, M. Herbinière, A. Lacroix, N. Schaegis, R.I. Tilling, E. Reiter Photos de couverture: 1ère de couv.: Les orgues basaltiques des gorges de l’Alcantara (Sicile). Photo E. Reiter 4ème de couv.: Le Puy de Dôme enneigé. Photo N. Schaegis Pour avoir plus de renseignements sur les sujets abordés et connaître les sources des articles, consultez http://ereiter.free.fr/Webzine/ sources.htm

Vous avez dit « Risques »? Dans notre dernier numéro, nous avions abordé les types d’éruptions volcaniques. Ce dossier nous montrait les différentes formes que peut prendre une éruption volcanique et était illustré de nombreuses et belles photos. Ces éruptions sont souvent plus belles les unes que les autres, surtout si l’on habite loin de ces violentes manifestations de l’activité terrestre. Mais pour les habitants des zones volcaniques, il en est autrement. En effet, comment vivre sereinement sous la menace de coulées de lave, de gaz mortels ou, pire, de nuées ardentes; pour ne citer que quelques uns des risques volcaniques. C’est l’ensemble de ces risques que vous découvrirez dans le dosser de ce numéro. Vous découvrirez aussi les orgues basaltiques, leurs colonnes et leurs formes étrangement géométriques. Et, alors que la météo dans le Nord de l’Europe a été glaciale ces derniers jours pour un mois de mars, nous partirons nous réchauffer sur l’île de la Réunion pour découvrir le Piton de la Fournaise en images. Alors bon voyage et bonne lecture Eric


News

Etna (Italie) Durant les mois de janvier et février, l’Etna a connu plusieurs épisodes éruptifs de type strombolien. Ils se sont produits à l’intérieur de la Bocca Nuova et du Nouveau Cratère Sud Est. Ces deux cratères sommitaux ont parfois été en activité simultanément. Cette simultanéité ne s’était plus manifestée depuis douze ans. Une série de 4 paroxysmes s’est déclenchée entre les 19 et 21 février. (Photo: T. Caggegi)

Tolbachik (Russie) Une éruption explosive-effusive s’est déclenchée. Le cratère principal contient un petit lac de lave, et une fontaine de lave qui alimente les coulées. (Texte: B. Duyck (http://earth-offire.over-blog.com/); Photo: Komarova T.S.)

White Island (Nouvelle-Zélande) Cette île volcanique donne des signes de réveil avec un hausse du tremor et une activité hydrothermale importante. Le 30 janvier, le lac chaud est à sec et un petit cône de tuff commence à se former sur son plancher. L’évent actif continue de produire des émissions intermittentes, et vigoureuses de boue et gaz montant à 50-100 m. de hauteur. D’après GNS, la situation reste dangereuse pour les visiteurs : le monitoring passé du lac montre en effet que cette activité de geysering est souvent suivi d’éruptions cendreuses, et d’explosions de boue, roches et parfois même de soufre fondu sans beaucoup de signes avant-coureurs. (Texte: B. Duyck (http://earth-of-fire.overblog.com/); Photo: GeoNet/GNS)


Les orgues basaltiques Textes: E. Reiter Photos et illustrations: N. Schaegis, E. Reiter


Les orgues basaltiques sont une formation géologique composée de colonnes régulières. Elle résulte de la solidification d'une coulée de lave peu de temps après son émission. La partie inférieure, qui se refroidit plus lentement, se fracture de la surface vers la profondeur sous formes de prismes sub-verticaux à section hexagonale d'ordre décimétrique. Ces colonnes sont surmontées d'une zone de petits prismes moins réguliers (ou « faux prisme ») pouvant s'associer en gerbes.

En général, plus le refroidissement est lent et plus les prismes seront réguliers. La genèse des orgues a été mise en équation par Lucas Goehring et ses collègues de l'Université de Toronto. La loi d'échelle mise en évidence relie la largeur entre deux fissures aux propriétés du milieu et au flux de chaleur ou d'humidité. Elle est vérifiée avec un modèle basé sur de la fécule de maïs qui se comporte comme de la lave. La régularité des colonnes basaltiques de la Chaussée des Géants en Irlande serait ainsi due à une perte de chaleur constante.

Pourquoi une géométrie naturelle hexagonale ? L'hexagone correspond à l'expression géométrique traduisant au mieux la répartition des déformations et le relâchement des contraintes de retrait. C'est pourquoi les prismes volcaniques sont hexagonaux.

La prismation peut être fine et régulière ou grossière. Elle s'effectue toujours perpendiculairement aux surfaces de refroidissement (le toit et la base de la coulée). Comment se forment ces orgues? Pour la plupart des auteurs, les orgues se forment par rétraction de la lave en fin de refroidissement. Il y a alors diminution de volume liée à la solidification totale de la coulée. Ce débit en colonnes (on parle aussi de prismation) est la dernière étape du refroidissement de la lave, provoquant une rétraction de la matière. Ce processus est comparable à l'apparition de fissures polygonales à la surface d'une mare de boue (cependant, dans ce cas, la rétraction est due à la déshydratation).

Pour comprendre ces phénomènes, les 2 mots clés sont homogénéité et hétérogénéité. Hétérogénéité du refroidissement (effets sur les bords de la coulée) pour les laves et hétérogénéité de l'évaporation pour les argiles (existence de gradient d'humidité dans l'épaisseur de la couche d'argile). Homogénéité du milieu (aussi bien pour les argiles que pour les laves). Plus précisément, on devrait parler d'isotropie du milieu. L'hétérogénéité va entraîner la fissuration. Par exemple pour les argiles la teneur en eau dans la partie inférieure de la couche est supérieure à celle de la partie supérieure, ce qui va provoquer un effet de "tuilage" (concavité) par retrait différentiel. De plus, il faut noter que la partie supérieure en contact avec l'atmosphère présente un retrait libre alors qu'il y a accro-

La prismation qui se forme s'effectue perpendiculairement aux surfaces de refroidissement. Il en résulte des orgues verticales pour une coulée horizontale. Idéalement, on observe trois systèmes de prismations superposés :

au sommet de la coulée : la fausse colonnade.

au cœur de la coulée : l'entablement.

à la base de la coulée : la vraie colonnade.

La présence et l'importance relative des divers systèmes varie considérablement d'une coulée à l'autre. Ainsi l'entablement peut manquer totalement ou se développer sur les deux tiers de l'épaisseur totale.

Il faudrait parler d’orgues (ou prismes) volcaniques au lieu d’orgues (ou de prismes) basaltiques car ce phénomène se manifeste aussi bien dans les basaltes que dans des phonolites (comme à Bort les Orgues), des trachytes o ou des andésites. Le phénomène de prismation existe aussi dans les filons volcaniques verticaux. Les prismes sont alors perpendiculaires aux bords du filon.


chage de la partie inférieure à son support, d'où là encore retrait différentiel. L'homogénéité du milieu va faire que les contraintes vont se répartir aussi d'une façon homogène dans le plan (pour les argiles) ou dans l'épaisseur (pour les laves). La forme "isocontrainte" idéale dans le plan est un cercle avec un inconvénient toutefois qui réside dans le non remplissage intégral de la surface. Le meilleur compromis géométrique est l'hexagone qui résout à la fois l'isotropie et le problème d'empilement. Évidemment, dans la nature, cet "idéal hexagonal" n'est pas toujours vérifié et ce sont alors des motifs polyédriques qui se réalisent. Où voir des orgues? En France, les orgues les plus célèbres sont celles de Bort les Orgues (Corrèze). Toutefois, on en trouve en plusieurs endroits dans le Massif Central: Cascade du Ray-Pic (Ardèche), Espaly-SaintMichel (Haute Loire), volcan du Montpeloux et du Mont Redon (Puy-de-Dôme) mais aussi sur l’île de la Réunion.

Chaussée des Géants Il y a bien longtemps, la Terre était peuplée de géants. Il existait en Ecosse un géant nommé Banandonner qui était le chef de clan des Ecossais. Il était le rival du chef de clan irlandais Finn MacCool, géant valeureux, mais cependant de taille inférieure. Banandonner construisit une immense chaussée entre l’Ecosse et l’Irlande afin de pouvoir venir affronter son adversaire à pied sec. Finn MacCool guetta son arrivée de loin et s’aperçut que son rival était beaucoup plus grand que lui. Effrayé, il n’envisagea même plus de combattre. Il chercha alors une ruse pour le faire fuir. Il pria sa femme Oonagh de lui tailler une tenue de nouveauné. Ainsi vêtu, il s’installa dans un landau qu’il avait fabriqué à sa taille. Quand Banandonner mit le pied en Irlande, la première chose qu’il vit fut un énorme nourrisson. Imaginant la taille de son père, il prit peur et s’enfuit en s’empressant de détruire la chaussée de peur que de tels géants envahissent l’Ecosse.

A l’étranger, les orgues les plus célèbres sont celles de la Chaussée des Géants (Irlande). Mais toutes les régions volcaniques, ou presque, en possèdent: Sicile dans les gorges de l’Alcantara, Islande (voir notre porto folio dans le numéro 4), les îles Canaries, les Antilles, la région allemande de l’Eifel ou le Nord Ouest des Etats-Unis (Devil Tower (Wyoming), Columbia River (Oregon).


Le Piton de l

Le cratère Dolomieu tel qu’il était en 2001. A cette époque, la succession des éruption l’avait pratiquement comblé. Depuis, l’éruption de 2007 l’a profondément transformé et il mesure plus de 300 m de profondeur maintenant.

La coulée d’avril 2001 en cours de refroidissement

La Plaine des Sables, l’une des trois caldei


la Fournaise

iras du massif du Piton de la Fournaise

Le c么ne du Piton de la Fournaise vu depuis le Pas de Bellecombe

Photos: E. Reiter


Sur la route menant à la Plaine des Sables, le cratère Commerson

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Le Château Fort, un des cônes adventif sur les pentes du Piton. Il doit son nom à sa partie supérieure qui semble avoir été construite avec des briques

Etranges couleurs laissées au basalte par les gaz et fluides hydrothermaux



Au premier plan, l’Enclos Fouquet, la plus jeune des trois caldeiras existant dans le massif du Piton de la Fournaise. Au centre, le rempart limitant cette caldeira. Au fond, le Piton des Neiges, le volcan éteint de l’île de la Réunion


Lave cordée

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Un des innombrables cônes adventifs



Les risques volcaniques Textes: E. Reiter Photos : J.-M. Bardintzeff, T. Caggegi, M. Herbinière, A. Lacroix, N. Schaegis, R.I. Tilling, E. Reiter


Au nombre de 7, les risques volcaniques majeurs et leurs conséquences environnementales directes ont, depuis 1600, causé la mort de plus de 300 000 personnes.

Les projections de cendres et retombées de bombes

Ces risques sont :

le dynamisme strombolien se caractérise par des expulsions de fragments de lave limitées au cratère et à ses environs immédiats,

le dynamisme vulcanien (fortes explosions projetant des bombes à quelques kilomètres de distance),

le dynamisme phréatomagmatique (explosions dont l'intensité est augmentée par l'apport d'eau),

le dynamisme plinien qui correspond à des éruptions soutenues de plusieurs heures à quelques jours capables d'émettre des km3 de cendres et blocs de ponce en produisant des panaches de plusieurs dizaines de km de hauteur.

Les coulées de lave

Les projections et retombées de bombes

Les nuées ardentes ou coulées pyroclastiques

Les gaz volcaniques

Les éboulements et écroulements de dôme (avalanches incandescentes)

Les lahars ou coulées de boue

Les tsunamis ou raz de marée

Les cinq premiers risques sont appelés risques primaires car ils découlent directement d'une éruption volcanique, contrairement aux deux derniers qui sont des risques secondaires ou indirects

Les risques volcaniques majeurs et leurs conséquences ont causé depuis 1600 la mort de plus de 30 000 personnes. Les coulées de lave Bien qu'elles soient spectaculaires, du fait de leur faible vitesse de progression, les coulées de lave ne présentent que des dangers modérés pour les populations. Cependant, elles peuvent détruire de nombreux biens : habitats, voies de communication, cultures, comme cela arrive régulièrement sur le Piton de la Fournaise ou sur l'Etna. Les coulées de lave fluide sont caractéristiques des éruptions hawaiiennes.

Les retombées de cendres et de blocs concernent plusieurs types de dynamismes éruptifs:

Les retombées de cendres peuvent recouvrir d'une épaisseur variable de grandes surfaces agricoles, des villes entières (engendrant l'effondrement des toits des maisons sous leur poids).


Leur vitesse de propagation (plusieurs centaines de kilomètres par heure) rend toute fuite illusoire. Les gaz volcaniques Les cendres éjectées à plusieurs kilomètres d'altitude constituent une gêne non négligeable pour la circulation des avions. En effet, les réacteurs se retrouvent « étouffés » par les cendres et s'arrêtent. Les nuées ardentes

Les gaz s'échappent de manière continue des volcans. Parfois émis seuls et de manière silencieuse, ils peuvent représenter un important danger pour les populations comme ce fut le cas au lac Nyos dans les années 1980 où une importante quantité de dioxyde de carbone a été libérée brutalement, tuant plusieurs centaines de personnes.

Les nuées ardentes qui se propagent à des vitesses prodigieuses, constituent des risques majeurs pour les habitants et leurs biens comme lors de l'éruption du Vésuve en 79, ou lors de l'éruption de la Montagne Pelée à la Martinique.

Ce type de risque est connu depuis peu et doit maintenant être pris en compte. Il semble toutefois possible d'éviter ces catastrophes en pompant régulièrement les eaux profondes de ces lacs afin de libérer progressivement les gaz qui y sont emprisonnés. Les écoulements pyroclastiques ou nuées ardentes sont les événements les plus soudains, violents des volcans explosifs. Lorsqu'un dôme de lave visqueuse est déstabilisé, il explose littéralement, engendrant un écoulement dense composé de cendres et de blocs (dynamisme péléen). Dans d'autres cas, les nuées ardentes sont produites par des explosions verticales : en retombant, la partie dense de la colonne éruptive produit des écoulements chauds qui dévalent les pentes du volcan.


Les écroulements de dôme

Les lahars

Les instabilités sont importantes sur un volcan : éboulements et écroulements de dôme de lave solidifiée, glissements de terrain. Ces instabilités peuvent, par exemple, résulter de la montée du magma qui fait gonfler de manière dissymétrique l'édifice volcanique.

Les coulées boueuses, appelées aussi lahars (terme indonésien) résultent d'un mélange d'une grande quantité de cendres volcaniques, en position instable sur l'édifice volcanique, et d'eaux, d'origines variées (pluies abondantes, cyclones et typhons, rupture des parois d'un lac de cratère, fonte de neige ou de glace). Denses, elles arrachent tout sur leur passage (forêts, habitations...). Ces coulées ont fait de gros dégâts lors de l'éruption du Pinatubo. Un lahar ne résulte donc pas directement de l'activité volcanique mais de la remobilisation de matériaux d'origine volcanique. Les tsunamis Les raz-de-marée, appelés aussi tsunamis (terme japonais), sont des vagues sur la mer, provoquées par l'éruption de volcans insulaires ou côtiers. Elles déferlent ensuite, avec une amplitude gigantesque, sur des côtes éloignées de plusieurs dizaines, voire milliers, de kilomètres. Leur vitesse de déplacement est de l'ordre de 500 km/h.

Les glissements de terrain affectant les pentes supérieures des cônes donnent lieu à des avalanches de débris. L'écroulement d'un secteur complet du volcan, y compris son sommet, peut se produire, laissant la place à un large amphithéâtre (éruption du Mont Saint Helens en 1980).

Certains tsunamis n'ont pas une origine volcanique. Dans ce cas, ils sont dus à un tremblements de terre dont l'épicentre se trouve en mer ou proche d'une côte, comme ce fut le cas fin 2004 en Asie du Sud Est où un séisme de magnitude 9 sur l'échelle de Richter" provoqua un raz de marée qui ravagea toutes les côtes de la région (des Maldives à l'Indonésie).



Les volcans vus du ciel

De juin 2011 à avril 2012, le volcan Puyehue Cordon Caulle (Chili) a émis une importante coulée d’obsidienne. Cette coulée s ‘est répandue sur 16 kilomètre carré pour une épaisseur moyenne de 30 mètres. Cette photo en couleurs naturelles montre la coulée le 13 janvier 2013. La lave s’y détache en gris foncé sur la cendre gris clair et des bombes de lave qui couvrent les régions avoisinantes.

Plus de deux cents ans après la naissance de la géologie, la Terre nous réserve encore une multitude de surprises. Lors d’une visite sur le volcan en janvier 2013, Hugh Tuffen (Université de Lancaster) et son équipe ont découvert que la coulée d’obsidienne était toujours en mouvement bien que l’éruption se soit arrêtée. Contrairement à une roche formée de cristaux, l’obsidienne n’est pas complètement rigide: elle peut couler même lorsqu’elle est solide! Plus la température est élevée, plus un verre se déforme. Le volcanologue Hugh Tuffen décrit son expérience à l’approche de la coulée: «Le son de la coulée est fascinant et différent de tout ce que j'ai entendu jusqu’à maintenant: une succession de sons liés à la fracturation de la roche." L'intérieur chaud de la coulée de lave, isolé par une enveloppe de roche solidifiée, lui a permis de continuer à couler doucement le long de la pente. Plus de deux cents ans après la naissance de la géologie, la Terre nous réserve encore une multitude de surprises.




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