Brochure 2014-15 de l'Ensemble intercontemporain

Page 1


SOMMAIRE 04

Édito

66

Planète sous un crâne

06

Calendrier 2014-15

84

L’œuvre musicale et sa subversion

08

Ouvrir les portes

90

Décade : Portrait d'ensemble

10

Voix solitaires

96

L'Ensemble intercontemporain

24

La saison

102

Informations pratiques

Dossier

Mathieu Larnaudie

Entretien avec Lydia Goehr

Anne-James Chaton

Nous avons proposé à Dorothée Smith, artiste transdisciplinaire, et au poète sonore Anne-James Chaton des contributions originales pour notre brochure de saison 2014-15. Ils présentent leurs réalisations respectives : Dorothée Smith - Traces

Anne-James Chaton - Décade : Portrait d'ensemble

La série de photographies proposées pour cette brochure pourrait s'intituler « Traces ». Ces images sont comme l’écho du roman de Stanislas Lem, Solaris, sujet de l’opéra conçu par Dai Fujikura et Saburo Teshigawara(voir p. 62). Elles réagissent aux motifs principaux du roman : la matière liquide protoplasmique, les espaces abandonnés dont ne demeurent que des traces résiduelles d’occupation. Et puis il y a ces fantômes qui refusent de se taire et qui viennent hanter les personnages. Les photographies les capturent incidemment, presque sans le vouloir : ces halos, ce sont aussi leur voix.

Le monde contemporain est une gigantesque machine d’écriture qui produit du texte en toute occasion. Décade : Portrait d’ensemble est un travail d’itération descriptive de ce monde. Le texte est d’abord composé des écrits que les modèles portent sur eux au moment où je les rencontre. L’archive de ces graphes, témoins souvent éphémères d’actes de la vie quotidienne, reçus de courses, factures d’achats, cartes de fidélité, titres de transport, prospectus, couvertures de livres, lettres et mots personnels, etc, constitue une première strate d’écriture. Vient ensuite une réécriture en prose continue de chacune des informations notées sur ces documents. L’extrême banalité des matières écrites génère, par effet d’accumulation, de multiples narrations  ; la densification psalmodique fait glisser cette langue ordinaire jusqu’à toucher la fiction.

Le travail de Dorothée Smith s’appréhende comme une observation des constructions, déconstructions, délocalisations et mues de l’identité, autour de figures telles que le transgenre ou le spectre. La photographie y côtoie le cinéma, la vidéo, l’art hybride et l’utilisation des biotechnologies. Ses travaux furent présentés sous la forme d’expositions personnelles en France (Rencontres internationales de la photographie à Arles, galerie les Filles du calvaire, Hors-Pistes au Centre Pompidou, ChériesChéries au Forum des images, Palais de Tokyo, Grand Palais...) et à l'étranger (Finlande, Danemark, Portugal, Corée du Sud, Chine, Californie...). Sa première monographie vient de paraître aux éditions Filigranes, et une exposition personnelle rétrospective sera présentée au Pavillon Vendôme, Centre d'art contemporain, à Clichy en 2014. Ses premiers longs-métrages, Spectrographies et Phasmes (sur un scénario de Marie NDiaye), sont en cours de développement. www.dorotheesmith.net

Anne-James Chaton a publié plusieurs recueils aux éditions Al Dante et a rejoint le label allemand Raster-Noton en 2011 avec Événements 09 puis Décade, publié en 2012. Son écriture poétique s’est développée en collaboration avec d’autres artistes de scènes différentes, du rock à la musique électronique, du théâtre à la danse. Il a travaillé avec le groupe hollandais The Ex et a publié deux albums, Le Journaliste (2008) et Transfer (2013), avec le guitariste anglais de The Ex, Andy Moor. Il a collaboré aux albums Unitxt (2008) et Univrs (2011) de l’artiste allemand Carsten Nicolaï alias Alva Noto. En janvier 2009, il crée le trio Décade, avec Andy Moor et Alva Noto. Depuis 2013, il développe le projet Icônes avec le chanteur Nosfell. Il prépare pour la rentrée 2015 la pièce HERETICS, écrite avec Andy Moor et Thurston Moore, guitariste et chanteur du groupe américain Sonic Youth. www.annejameschaton.org Voir texte p. 90

Textes, photos, extraits musicaux et vidéos sur www.ensembleinter.com Retrouvez-nous sur / / / et sur www.musiquecontemporaine.fr


4

5

ÉDITO Pour nous tous, la saison 2013-14 a été enrichissante et inspirante pour les années à venir. Le lancement de nouveaux formats de concerts a rencontré un grand succès, à commencer par nos trois week-ends « Turbulences » auxquels le public parisien a assisté avec enthousiasme et curiosité. Nous voulions sortir du cadre traditionnel du concert et ouvrir les champs de la programmation pour vivre une autre expérience musicale. Avec un nombre croissant de spectateurs, leur succès a montré que nous pouvions toucher différemment notre public en lui offrant des propositions inédites associant qualité, diversité et passion. J’éprouve une grande joie face à cet élan partagé. Un élan d’invention et de créativité qui nous emmène plus loin, vers de nouveaux horizons. L’audace et la volonté d’innover, alliées à la pleine conscience de nos missions et de nos racines, sont essentielles pour renouveler le projet artistique et humain au cœur de notre engagement. La saison 2014-15 le manifeste de mille façons. Elle est marquée par deux événements majeurs : l’inauguration de la Philharmonie de Paris et le 90e anniversaire de Pierre Boulez. Notre objectif est de devenir un acteur essentiel de ce fantastique instrument culturel qu’est la Philharmonie de Paris en contribuant à sa saison de concerts avec des propositions variées et innovantes, et en adoptant ses objectifs ambitieux d’élargissement des publics grâce à de nouveaux projets de sensibilisation. Nous commencerons à fêter les 90 ans de Pierre Boulez, dans cette nouvelle et magnifique salle,

dès le mois de février avec l’intégrale de Pli selon pli, interprétée par la soprano Marisol Montalvo (de retour après le fabuleux « Grand soir » du deuxième week-end « Turbulences » en février 2014). Ce chef-d’œuvre de Pierre Boulez en rencontrera un autre, le révolutionnaire Amériques d’Edgard Varèse, lors d’un concert exceptionnel qui réunira une fois encore les solistes de l’Ensemble et les élèves du Conservatoire de Paris. Nous vous souhaitons dès à présent et avec un peu d’avance un joyeux anniversaire, cher Pierre ! De nombreux organisateurs en Europe nous invitent pour le célébrer ensemble. Nous sommes heureux et honorés de partager cette musique qui nous est chère avec les publics allemands, anglais, hollandais ou polonais. Autre fil rouge de notre programmation : la voix et le chant. La saison parisienne s’ouvre fin septembre sur un programme qui expose différentes formes de vocalité. Ainsi, la création mondiale d’une nouvelle œuvre pour alto et ensemble de la jeune compositrice slovène Nina Šenk est encadrée par le sublime Chant de la terre de Gustav Mahler et par une étonnante performance de la compositrice et vocaliste Maja Ratkje, Concerto for Voice. Le chant continue à nous accompagner avec Georg Nigl dans la reprise, en tournée, du spectacle Le Voyage d’hiver en janvier, ou avec Christine Schaefer, qui nous rejoint pour deux concerts en février. Et nous attendons avec impatience la création de Solaris en mars au Théâtre des Champs-Elysées. Cet opéra transdisciplinaire illustre bien nos ambitions en matière de projets scéniques. Après les représentations parisiennes, cette production sera donnée aux opéras de Lille et de Lausanne. En décembre, nous vous donnons rendez-vous pour deux nouveaux jours de « Turbulences » pilotés par Marko Nikodijevic, un jeune compositeur serbe et performeur de la scène électro. Il propose une expérience musicale troublante entre lumière et ténèbres, se transformant même en DJ lors du « Grand soir » pour remixer des musiques de la Renaissance à aujourd’hui.

En mars, nous poursuivons les festivités autour des 90 ans de Pierre Boulez avec un week-end entier qui multiplie les regards sur son parcours, ses rencontres avec des créateurs d’autres disciplines artistiques (comme Maurice Béjart), son dialogue constant avec les esthétiques musicales d’hier et d’aujourd’hui. Suivant son exemple en matière de transmission des savoirs, nous avons à cœur de développer nos actions pédagogiques vers les jeunes interprètes et compositeurs, dans le cadre d’académies internationales comme celles du Festival de Lucerne et du festival ManiFeste à Paris. Nous renforçons aussi notre collaboration avec le Conservatoire de Paris avec la création de nouveaux ateliers d’accompagnement des élèves des classes de composition et de direction d’orchestre, et bien sûr avec nos amis de l’Ircam avec qui nous partageons des projets de création, notamment dans le cadre de l’académie ManiFeste dont nous serons une nouvelle fois partenaire. Notre mission de diffusion ne se limite pas aux concerts. Captations radiophoniques, audiovisuelles et enregistrements sont aussi des moyens de rayonnement importants, surtout à l’ère des médias numériques. Je suis heureux d’annoncer ici une nouvelle et fructueuse collaboration avec le label discographique Æon. De nombreux albums thématiques ou monographiques sont déjà lancés. Ils proposeront dès la fin 2014 une expérience d’écoute enrichie par de nombreux contenus : vidéos, entretiens, photos, etc. Vous le constatez, nous sommes en mouvement vers de nouvelles destinations. Elles se dessinent au fur et à mesure de notre parcours et de nombreux défis nous attendent. Nous sommes prêts à les relever. Nous espérons de tout cœur que vous nous rejoindrez pour aller de l’avant et poursuivre ensemble la formidable aventure de la création musicale.

Matthias Pintscher


6

7

Calendrier 2014-15 Dimanche 17 août 11h - LUCERNE

Vendredi 17 octobre 20h - PARIS

KKL Œuvres de U.Chin, J.M. Staud, M. Pintscher

Cité de la musique Œuvres de C. IANNOTTA, H. LACHENMANN, L. NONO

Vendredi 12 septembre 20h - PARIS

Mardi 21 octobre 21h - GUANAJUATO

Ircam Œuvres de J. HARVEY, M. PINTSCHER, S. SCIARRINO, B. UBALDINI, C. VIVIER, etc.

Teatro Juárez Œuvres de A. FUENTES, D. FUJIKURA, G. LIGETI, S. SCIARRINO, E. VARÈSE

Mardi 23 septembre 20h - PARIS

Mercredi 22 octobre

Cité de la musique Œuvres de G. MAHLER, N. ŠENK, M. RATKJE

Master classes dans le cadre de l'Academia Cervantina

Dimanche 28 septembre 20h - COLOGNE

Jeudi 23 octobre 20h30 - MEXICO

Philharmonie Œuvres de G. MAHLER, M. PINTSCHER Jeudi 2 octobre 20h30 - STRASBOURG

Auditorium France 3 Alsace Œuvres de O. ADÁMEK, D. AMMANN, M. PINTSCHER

10H - GUANAJUATO

Palacio de Bellas Artes Même programme que le 21 octobre à Guanajuato Lundi 3 novembre 20h - MILAN

Teatro alla Scala Œuvres de M. RAVEL, F. ROMITELLI

Samedi 4 octobre 20h30 - STRASBOURG

Vendredi 7 novembre 20h - PARIS

Cité de la musique et de la danse TE CRAINDRE EN TON ABSENCE (monodrame)

Cité de la musique Œuvres de M. FELDMAN, S. REICH

Jeudi 9 octobre 21h - LES LILAS

Le Triton, scène de musiques présentes INTERSESSION # 14

Mardi 11 novembre 19h30 - LONDRES

Wigmore Hall Œuvres de L. DALLAPICCOLA, B. MANTOVANI, A. SCHÖNBERG

TURBULENCES Clair-Obscur avec Marko Nikodijevic Paris - Cité de la musique Vendredi 5 décembre 20h

Œuvres de C. GESUALDO, M. Nikodijevic, G. PESSON, C. VIVIER, G. SPIROPOULOS Samedi 6 décembre 17h30

Conférence-concert Trans-musiques 20h

LE GRAND SOIR Œuvres de T. ADÈS, H. LACHENMANN, G. LIGETI, M. Nikodijevic, F. ROMITELLI, F. SCHUBERT, I. STRAVINSKY, etc. Dimanche 7 décembre 11h - PARIS

Cité de la musique Concert en famille Le quintette à vent : de HAYDN à CAGE Vendredi 12 décembre 19H30 - VENISE

Palazzo Grassi Œuvres de E. CARTER, G. SCELSI, S. SCIARRINO, I. XENAKIS, etc. Vendredi 16 janvier 20h30 - PARIS

Philharmonie de Paris Œuvres de G. LIGETI, M. LINDBERG, Y. MARESZ, E.VARÈSE

Lundi 19 janvier 20h15 - ROTTERDAM

Samedi 14 mars 15h - PARIS

Dimanche 26 avril

de Doelen LE VOYAGE D'HIVER

Philharmonie de Paris Œuvres de V-R. CARINOLA, N.A. HUBER, R. Murray SCHAFER, F. Rossé, S. Reich, K. STOCKHAUSen

Philharmonie de Paris Œuvres d’E. Carter

Mercredi 21 janvier 20h30 - AIX-EN-PROVENCE

Conservatoire Darius Milhaud Œuvres et extraits d’œuvres de Javier ÁLVAREZ, Thierry DE MEY, Gérard GRISEY, Yan MARESZ, Yoshihisa TAÏRA, Toru TAKEMITSU, Vito ŽURAJ, etc. Jeudi 22 janvier 20h30 - AIX-EN-PROVENCE

Grand Théâtre de Provence Le Voyage d’hiver Samedi 24 janvier 20h30 - GRENOBLE

MC2 Le Voyage d’hiver Mardi 3 février 20h30 - PARIS

Philharmonie de Paris Œuvres de P. BOULEZ, E. VARÈSE Mercredi 4 février 19h - PARIS

Conservatoire de Paris (CNSMDP) Créations des élèves de la classe de composition du Conservatoire de Paris

Vendredi 13 février

Maison de la Radio Œuvres de P. EÖTVÖS

de 15h à 17h

Concerts de percussion

Philharmonie de Paris Œuvres de A. FUENTES, H.W. HENZE, M. PINTSCHER, A. REIMANN, A. WEBERN

Opéra Nice Côte d’Azur Œuvres de G. LIGETI, T. MURAIL, Y. ROBIN concert comprenant une création mondiale concert comprenant une création française

Œuvres de D. FUJIKURA, B. MANTOVANI, T. MURAIL, G. PESSON, Y.Robin

LE GRAND SOIR Œuvres de B. ATTAHIR, C. BERTRAND, P. BOULEZ, O. NEUWIRTH, L. NONO, E. Poppe, M. RAVEL, etc. Mardi 24 mars, 20H Jeudi 26 mars, 20H Samedi 28 mars, 18H LILLE

Samedi 16 mai 21H - WROCLAW

Lieu à déterminer Œuvres de P. BOULEZ, P. LEROUX, ' M. LINDBERG, P.HUREL, M. STAnCZYK Jeudi 11 juin 20h30 - PARIS

Philharmonie de Paris Œuvres de P. BOULEZ, M. JARRELL, H. LACHENMANN

Philharmonie de Paris Œuvres de L. BERIO, H. BIRTWISTLE, A. CATTANEO, K. MAŘATKA

Concert en famille LA PERCUSSION DANS TOUS SES ÉCLATS !

Dimanche 18 janvier 15h

20h30

La Friche Belle de Mai Programme à déterminer

Mercredi 11 février 20h - BORDEAUX

Vendredi 21 novembre 20h - PARIS

20h - NICE

Conférence et table Ronde BOULEZ ET LE PARTAGE DU SENSIBLE

Samedi 16 mai MARSEILLE - Horaire à déterminer

Gashouder œuvre de P. Boulez ; complément de programme à déterminer

Samedi 17 janvier

Samedi 29 novembre

Samedi 21 mars 15h

Philharmonie Œuvres de L. BERIO, Y. ONISHI, M. STROPPA

Dimanche 29 mars 14h - PARIS

Opéra Bastille Œuvres de B. MANTOVANI, A. SCHÖNBERG

11h

Boulez / Béjart Œuvres de B. BARTÓK, P. BOULEZ, F. CERHA, G. GRISEY, A. WEBERN

Samedi 9 mai 20h - COLOGNE

Auditorium Œuvres de A. SCHÖNBERG, B. MANTOVANI

Teatro alle Tese Œuvres de O. ADÁMEK, D. BOULIANE, D. FUJIKURA, G. LIGETI, A. SHPILMAN

PHILHARMONIE DE PARIS

Jeudi 19 mars Vendredi 20 mars 20h30

Barbican Centre Œuvres de P. BOULEZ, C. DEBUSSY, M. PINTSCHER, Y. ROBIN

Dimanche 14 juin AMSTERDAM - Horaire à déterminer

Mardi 18 novembre 20h - PARIS

Philharmonie de Paris

Mardi 28 avril 19h30 - LONDRES

Opéra Solaris (opéra)

Dimanche 8 février 11h - LYON

Samedi 11 octobre 20h - VENISE

PORTES OUVERTES

WEEK-END PIERRE BOULEZ

15h - PARIS

Auditorium Œuvres de A. FUENTES, H.W. HENZE, M. PINTSCHER, A. REIMANN, A. SCHÖNBERG 20h30 - PARIS

Jeudi 5 mars Samedi 7 mars 19h30 - PARIS

Théâtre des Champs-Élysées Solaris (opéra)

Vendredi 10 avril 11h - PARIS

Philharmonie de Paris Concert éducatif Au fil des cuivres Mardi 21 avril 20h30 - PARIS

Philharmonie de Paris Œuvres de A. COPLAND, D. FULMER, S. SHEPHERD Vendredi 24 avril, 20H Dimanche 26 avril, 15H LAUSANNE

Opéra Solaris (opéra)

Samedi 20 juin Aldeburgh - Horaire à déterminer

Lieu à déterminer œuvre de P. Boulez ; complément de programme à déterminer Du 22 juin au 4 juillet PARIS

104 Académie du festival ManiFeste Du 4 au 16 juillet PARIS

Opéra Bastille L’Anatomie de la sensation (ballet)


8

9

Ouvrir les portes Depuis sa création il y a près de quarante ans, l’Ensemble intercontemporain a placé au cœur de son projet la mission de faire découvrir la musique moderne et contemporaine. Pour chacun des musiciens et des membres de l’équipe, il s’agit d’ouvrir toutes les portes possibles afin d’éveiller et de cultiver le goût du plus grand nombre pour un répertoire musical riche et vivant. Les actions sont nombreuses et variées et touchent tous les publics, jeunes ou adultes : concerts éducatifs commentés ou mis en scène, avant et après-concerts (la plupart animés par Clément Lebrun), ouverture des répétitions au public, interventions dans des bibliothèques, des médiathèques et des établissements scolaires, collaborations avec des musiciens amateurs, etc. Afin d’élargir le public, nous développons également des projets qui associent et font dialoguer diverses disciplines artistiques (vidéo, danse, arts numériques) et différents genres musicaux. Cette même volonté d’ouverture est à l’œuvre dans nos activités avec les élèves des établissements scolaires parisiens (comme le collège Georges Méliès dans le 19e arrondissement avec lequel nous collaborons depuis 2012) et, dans un avenir proche, de Seine-Saint-Denis. Un véritable compagnonnage avec ces institutions court tout au long de l’année scolaire et a pour but d’ouvrir les enfants à une pratique artistique qu’ils ne connaissent pas. Ce sont des aventures enrichissantes tant pour eux que pour nous. Nous tenons à les poursuivre et à les développer, en gardant toujours à l’esprit qu’il faut Voir l'ensemble des actions éducatives et culturelles p. 96

passer par des territoires inconnus avant d’aboutir à une réalisation, qu’elle prenne une forme musicale ou tout autre. La pédagogie étant avant tout l’affaire des pédagogues eux-mêmes, nous avons à cœur de participer à la formation du corps enseignant au moyen de dispositifs permettant de découvrir de l’intérieur les multiples facettes d’un ensemble de solistes tel que l’Ensemble intercontemporain. Enfin, des actions de transmission en direction de futurs musiciens professionnels ou compositeurs sont menées en partenariat avec les grands conservatoires, au premier rang desquels le Conservatoire de Paris, ainsi qu’avec des académies internationales comme celles du festival de Lucerne ou du festival ManiFeste organisé par l’Ircam. Les actions éducatives et culturelles doivent constamment être remises sur le métier, avec persévérance et passion. Sans cesse, il faut explorer de nouvelles voies pour répondre au besoin de transmission : parcours de création avec des compositeurs, développement de nouvelles formes de concert, renforcement de notre présence dans les académies, partenariats avec d’autres formations musicales comme Les Arts Florissants, utilisation des médias numériques pour faciliter et enrichir l’expérience du public. L’inauguration de la Philharmonie de Paris en janvier 2015 sera une occasion extraordinaire d’ouvrir des portes vers de nouveaux horizons. Nous avons hâte de les découvrir avec vous.


10

11

Voix solitaires dossier

L’écriture pour voix seule ne date pas du xxe siècle mais jamais auparavant la solitude de ces voix n’avait semblé aussi grande et aussi peuplée de souvenirs, de spectres et d’affects. La psyché devenait un monde à explorer, plein de détours et de secrets et la musique une expédition dans les labyrinthes du sentiment. Ces voix solitaires reviennent dans nombre d’œuvres contemporaines dont celles de Johannes Maria Staud, Hèctor Parra, Blaise Ubaldini ou Luciano Berio que l’Ensemble intercontemporain interprétera cette saison. Nous avons choisi de retracer l’histoire de ces voix dans ce dossier, de l’intimité tourmentée des « monodrames » de Schönberg, à l'étrange vocalité du Concerto pour voix de Maja Ratkje.


12

13 dossier

Voix solitaires

dossier

Voix solitaires

Et là, tu m’entends ?

par Martin Kaltenecker musicologue Les définitions proposées par les théoriciens du théâtre éclairent-elles le genre du monodrame mis en musique ? Dans une pièce parlée, le monologue initial est un moyen commode pour exposer une situation par la voix d’un personnage qui y est impliqué, comme au début de Richard III de William Shakespeare, ou dans les Faust de Christopher Marlowe et Johann Wolfgang von Goethe. Au cours de la pièce, le monologue peut aller vers le soliloque (personne sur scène ne l’entend ou ne l’écoute) ou vers la tirade – c’est là que la situation de communication est mise en péril, et que le spectateur doit accepter la convention d’un personnage qui s’abstrait momentanément de ceux qui l’entourent et choisit l’aparté, qu’il ne saurait infiniment étirer. Plus rare est le monologue final – nous en trouvons un exemple dans celui de Madame Irma dans Le Balcon de Jean Genet, ou la fin de Par les villages de Peter Handke. Ce dernier possède quelque chose de déjà musical, à la manière d’une coda, d’une récapitulation émue, tout comme le monologue de la comtesse à la fin de Capriccio de Richard Strauss, qui dure un bon quart d’heure. Mais une différence apparaît aussitôt : à l’opéra, baroque en particulier, le monologue est englobé par la convention du chant sur scène. L’aria est la chose même, ce que tout le monde attend et accepte, et il ne menace jamais les dialogues (sous forme de récitatifs) que les auditeurs bien souvent négligent. Ainsi, la définition rousseauiste du monologue convient parfaitement à l’air d’opéra : « Scène d’opéra où l’acteur est seul et ne parle qu’avec luimême. C’est dans les monologues que se déploient toutes les forces de la musique ; le musicien pouvant s’y livrer à toute l’ardeur de son génie, sans être gêné dans la longueur de ses morceaux par la présence d’un interlocuteur. 1 » Le monodrame est une aria

très étendue. Celle-ci est alors le lieu où deux figures du sujet peuvent émerger. Les musiciens la reprendront jusqu’au xxie siècle. D’un côté, c’est le sujet concentré, allant vers l’excès, vers l’incandescence de l’affect ; de l’autre, c’est le sujet qui se dissout, cherche à se ressaisir, à se comprendre lui-même. Cette dernière tendance s’éploie dans le drame lyrique à la fin de xixe siècle. Non pas « poésie mise en dialogue, mais théâtre imaginaire 2 », les « drames statiques » de Maurice Maeterlinck mettent en scène des personnages impuissants qui ne maîtrisent plus leur destin, en attente d’un événement qu’ils ne provoquent jamais et toujours à l’écoute de ce qui peut survenir. Au détriment du dialogue et de l’interaction, une autre temporalité s’installe alors, proprement musicale, dans laquelle des fragments de parole, comme non triés, traversent la conscience à l’affût. Dans ce théâtre-là, dira Rainer Maria Rilke, une suspicion est jetée sur « la grossièreté naïve du monologue » ; une autre vie, plus profonde, émerge, que la parole vaine ne saisit pas 3. Parallèlement, ce type de théâtre envahit le roman, sous forme de récits constitués entièrement de flux de conscience, de « monologues intérieurs », de tirades illimitées – chez Édouard Dujardin, Arthur Schnitzler, Virginia Woolf, James Joyce, le symboliste russe Nicolai Evreinov (Le Théâtre dans la vie, 1927), versant plus tard dans les bavardages solitaires ou compulsifs des héros de Albert Camus, Samuel Beckett, LouiswRené des Forêts ou Thomas Bernhard. En musique, le genre du monodrame s’apparente étroitement au mélodrame, inventé par Rousseau avec Pygmalion (1770) : un récitant parle sur la musique, ou en alternance avec des fragments musicaux. Pygmalion est un sculpteur qui s’adresse à une statue de femme ; dès l’origine, le mélodrame, c’est

1 J ean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de musique, article « Monologue », 1768. 2 Peter Szondi, Das lyrische Drama des Fin de siècle, Francfort/Main, Suhrkamp, 1975, p. 59. 3 Rainer Maria Rilke, « Der Wert des Monologes », Sämtliche Werke, Band 5, Wiesbaden und Frankfurt/Main, 1955-1966, p. 434-439.


14

15 dossier

Voix solitaires

« l’impossible dialogue 4 » – tout comme le monologue, au théâtre, qui « détourne la fonction fondamentale de communication propre au langage, même s’il s’en inspire pour proposer un simulacre de langage 5 ». Le mélodrame sera très souvent le cadre des excès d’un(e) seul(e) – Ariane à Naxos ou Médée chez Georg Anton Benda (1775), Werther chez Gaetano Pugnani (1790), Orphée et Eurydice chez Evstignei Fomine (1792), ou encore le Lélio de Hector Berlioz (1831), le Manfred de Robert Schumann (écrit en 1848 et joué en 1852)… « L’emphase sur le monologue fait du mélodrame non pas simplement une forme de tragédie, mais bien plus une tragédie poussée dans ses derniers retranchements. Le personnage monologuant du mélodrame n’existe qu’à un moment de crise, comme Médée saisie par la fureur infanticide, Lenore en proie à l’hystérie, ou encore Lélio lors de son délire hypermnésique. 6 » Le monodrame cherche l’intensité – le parlé y est souvent un mode de communication surchauffé, un chant « surligné » (surtout, ne perdez rien de ce que je dis !), caractéristique d’un personnage qui installe le public en position de jury. Quelques types s’y repèrent que les monodrames récents illustrent toujours : l’attente ou la veille d’un moment terrifiant (« Le futur a pour moi cette seule phrase : je serai mise à mort avant la fin du jour », dit la Cassandre de Christa Wolf (1985), mise en monodrame/mélodrame par Michael Jarrell) ; l’imbroglio des souvenirs ou le passé qui ne passe pas ; la lettera amorosa après la séparation ou l’abandon ; l’accusation, la négociation, l’entente impossible avec l’Autre muet ou impassible : « Parfait. Tu ne veux pas répondre, comme d’habitude. Ne réponds pas, mon bonhomme. Ce n’est pas moi qui t’interrogerai, qui insisterai. Je ne suis pas de ces femmes qui font des interrogatoires et qui marchent sur vos talons jusqu’à ce qu’elles sachent ce qu’elles veulent. Tu n’as rien à craindre », dit la protagoniste du Bel indifférent de Cocteau (1940), prouvant tout le contraire pendant une demi-heure.

dossier

Au xxe siècle, deux monodrames emblématiques symbolisent les deux pôles de la dissolution et de l’excès. Erwartung (1909) d’Arnold Schönberg est un flux de conscience mis en musique. Une femme cherche son amant dans la forêt, et finit par tomber sur son cadavre, ne sachant pas si c’est elle qui l’a tué. La musique, sismographie dessinant des figures évanescentes, traduit l’éparpillement des sensations : « Il est impossible pour une personne de n’avoir qu’une émotion à la fois. On en a des milliers en même temps. Et ces milliers d’émotions ne se laissent pas plus facilement additionner qu’une pomme avec une poire. Elles se dispersent. Et cette diversité, cette multiplicité, cet illogisme que montrent nos sens, cet illogisme dont font preuve les associations, que le moindre afflux de sang, la moindre réaction nerveuse ou celle des sens présentent, c’est cela que j’aimerais avoir dans ma musique. 7 » Cinquante ans plus tard, La Voix humaine de Francis Poulenc (1958) représente l’autre incontournable du pathos : cette « tragédie lyrique en un acte », monologue d’une femme téléphonant à l’amant présent/absent qui la quittera, thématise tout du long la situation de la communication elle-même (« Je n’ai pas la voix d’une personne qui cache quelque chose ! », « Moi, méchante ? », « Et là, tu m’entends ? »), mais aussi la crainte panique qu’elle ne se rompe définitivement, le cordon du téléphone devenant le cordon ombilical impossible à couper. Contre la pente du « dérapage pathologique 8 » inhérent au monologue, contre ce que Jacques Lacan nommait la « jactance » du sujet carapacé dans le symptôme et ne voulant rien savoir, certains compositeurs d’après-guerre ont opté pour la mise en musique du monologue intérieur. Sequenza III (1966) de Luciano Berio est un air d’opéra « bruité » écrit pour Cathy Berberian, envahi par les rires, les cris, les borborygmes ; Omaggio a Joyce (1958), du même compositeur, est un travail sur l’enregistrement mental des bruits urbains. D’autres vont vers

4 Jacqueline Waeber, En musique dans le texte. Le mélodrame de Rousseau à Schönberg, Paris, Van Dieren, 2005, p. 50. 5 Françoise Dubor, in Le Monologue contre le drame, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 38. 6 Jacqueline Waeber, Ibid., p. 95. 7 Arnold Schönberg, in Schönberg–Busoni, Schönberg–Kandinsky. Correspondances, Contrechamps, Genève, 1995, p. 35s. 8 Manfred Pfister, cité dans Le Monologue au théâtre (1950-2000), Éditions universitaires de Dijon, 2006, p. 126.

un théâtre de la soustraction : le Lohengrin (1984) de Salvatore Sciarrino, « action invisible », est à l’origine une pièce radiophonique, genre très souvent monologique. Décousu, entrecoupé de rires, de soupirs, le monologue d’Elsa (qui « fait » également les répliques de Lohengrin) suggère une scène imaginaire, où les interlocuteurs sont un amant peut-être fantasmé et des cailles dont la chanteuse imite les sons gutturaux. Butterfly le nom (1995) de Gérard Pesson revient au topos de la femme abandonnée, avec un orchestre et un chœur d’hommes faisant office de témoin, d’interlocuteur distant, de commentateur. Et Beat Furrer filtrera dans le « théâtre d’écoute » qu’est Fama (2005) le monologue de Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler en plongeant l’auditeur dans le flux accéléré d’une hystérie féminine tremblée, vibrée, vibrionnante. Les compositeurs semblent s’interdire l’excès comique dans le monologue, comme s’il versait aussitôt dans le sketch ; mais pourrait-on produire l’équivalent lyrique de Loretta Strong de Copi ? De même, ce que Hans Thies Lehmann nommait les « monologies » du théâtre post-dramatique (qui jouent avec la situation acteur/spectateur) ne paraissent pas avoir été explorées en musique 9. Le pathos est encore la voie empruntée le plus volontiers : ce sera par exemple l’intensité néo-classique de l’« opéra parlé » Cassandre de Michael Jarrell (1994) ou l’hémorragie post-expressionniste de Wolfgang Rihm dans Das Gehege (2005), sur un texte de Botho Strauss, qui met en scène une figure d’hystérique qui entreprend de séduire un aigle, symbole du machisme, nuitamment dans un zoo. Et les hommes, alors ? Frederic Rzewski a écrit un mélodrame pour pianiste-récitant à partir du De Profundis d’Oscar Wilde en 1994, et le jeune compositeur israélien Nimrod Sahar a repris tout récemment Je suis le vent (2012) de Jon Fosse dans un monodrame pour contreténor et violon qui s’achève sur le halètement d’une seule note pendant de longues minutes intenses – arrachée, chantée, parlée, 9 Cité dans Françoise Dubor, Le Monologue contre le drame, Ibid., p. 167.

Voix solitaires

bégayée par la peur et la panique. Avec Der Riß durch den Tag, Johannes Maria Staud enveloppe d’une musique elle-même très gestuelle la récitation – coulée dans les dactyles néo-goethéens du poète Durs Grünbein – d’un(e) Cassandre masculin(e), un voyant qui, sous le remugle petit-bourgeois d’une ville de province, flaire les égouts, les cadavres, la haine refoulée. Si la topique du monodrame se confirme avec Te craindre en ton absence d’Hèctor Parra sur un texte de Marie NDiaye – l’histoire « qui ne passe pas » d’une femme narrant l’enterrement en terre étrangère de sa sœur suicidée ; la figure qui s’avance n’est pas simplement la surface de projection d’un homme. Et avec Concerto for Voice (moods IIIb) de Maja Solveig Kjelstrup Ratkje, c’est une femme qui prend les rênes du monodrame. Le genre est revisité avec une magnifique énergie qui en suspend les conventions. Le langage, né selon Rousseau du cri et de l’affect, n’arrive à la parole que par bribes – on songe à la virtuosité de Berberian, mais vitaminée ici par l’art de la performance improvisée. Le sens reste ouvert, et pourtant, la machine à écrire – « old fashioned typewriter » – « jouée » par un percussionniste, et qui entre en dialogue avec la protagoniste, peut aussi évoquer l’ancienne lettera amorosa, de même que les glissés de la harpe à la fin ironiseraient sur une féminité codée. Et il suffirait d’un coup de projecteur sur le « lion’s roar » (tambour à corde) qui rugit régulièrement pour déconstruire ce grand Autre contre lequel le sujet mélodramatique s’est si souvent fracassé en beauté.


16

17 dossier

Voix solitaires

dossier

Voix solitaires

Composer l’immédiat

Entretien avec Maja Ratkje compositrice et performeuse vocale Vous êtes à la fois compositrice et performeuse vocale. Comment la voix estelle devenue votre instrument principal ? J’ai d’abord joué du violon et du piano, et d’autres instruments, et ce n’est que dans un second temps que je me suis concentrée sur la voix. Quand j’ai commencé mes études de composition, j’ai choisi le jazz vocal comme instrument principal mais j’ai très vite arrêté de chanter des chansons et des mélodies et j’ai commencé à utiliser ma voix comme un instrument, pratiquant l’improvisation libre. Je n’imaginais pas à quel point la performance vocale deviendrait centrale dans ma carrière professionnelle. Pendant mes premières années en tant que vocaliste, le quatuor SPUNK, qui comprenait quatre performeuses, fut un environnement musical très important dans ma recherche d’une expression artistique personnelle. Dans votre Concerto for Voice, vous combinez écriture instrumentale et improvisation vocale. Vous recommandez fortement aux auditeurs d’en faire l’expérience en concert. Pourquoi cet aspect est-il si important ? Je pense que la situation de concert est de loin le meilleur cadre possible pour l’expérience musicale. Elle existe alors comme un phénomène partagé, interpersonnel. Lors d’une représentation, quand l’enjeu est important et qu’un grand nombre de

personnes est impliqué, le public devient également responsable du résultat. Nous percevons tous la musique différemment, nous l’appréhendons chacun à notre manière, individuellement, mais l’expérience que nous en faisons est partagée. Dans Concerto for Voice, je m’intéresse notamment à la manière dont le son et l’espace sont perçus dans une situation traditionnelle de concert. En amplifiant la voix et d’autres sources acoustiques, je peux mettre en valeur les sons les plus infimes et les placer sur le même plan que ceux, plus forts, de l’ensemble. Ainsi, je parviens à déjouer les attentes du public à propos du rôle des solistes et de l’orchestre et nous interroge sur la manière dont nous éprouvons la distance entre nos sens et les sources acoustiques des sons perçus. Dans votre album Voice, paru en 2002, tout le matériau musical provient de votre voix. En quoi votre connaissance de la voix influe-t-elle sur votre musique instrumentale ? La voix est pour moi un instrument très immédiat et très flexible, qui me permet non seulement d’expérimenter des idées en temps réel mais également d’en éprouver leurs limites. Ce que j’ai appris en improvisant a plus de valeur pour mes compositions que ma connaissance des possibilités techniques de la voix. La flexibilité de la voix m’amène à penser que n’importe quel instrument peut atteindre

un même degré d’expressivité et de personnalisation. Votre connaissance des techniques compositionnelles et de la musique électronique a-t-elle influencé la manière dont vous jouez et improvisez en concert ? Peut-être ai-je tendance à improviser comme un compositeur et à composer comme une interprète. Je veux que ma musique soit vivante et jouable, mais non sans frictions. Quand j’improvise, je cherche à produire des formes et des textures intéressantes. La musique s’inscrit dans le temps, mais elle doit aussi pouvoir faire un pas hors du temps : est-il possible de créer des couches simultanées qui soient en mesure de troubler une linéarité prévisible et ennuyeuse ? À quoi moods IIIb, le sous-titre de Concerto for Voice, fait-il référence ? Il fait référence à une série d’œuvres que j’ai commencées en 1997 avec des pièces de musique électronique. Avant cette série, j’avais fait l’analyse digitale du spectre harmonique d’une note de saxophone que j’avais trouvée intéressante. Mon intention était d’écrire une musique pour saxophone et électronique. Avant de composer le Concerto for Voice, j’avais déjà fait quelques esquisses dans lesquelles je tentais de transcrire ma propre musique électronique en une partition


18

19 dossier

Voix solitaires

pour instruments d’orchestre. Je voulais voir si c’était possible et cela m’amusait d’observer quels sons j’allais devoir demander aux instruments acoustiques. Le Concerto for Voice contient de longues sections issues de cet exercice. Mais écrire un concerto demande un matériau beaucoup plus important. J’ai donc continué à travailler sur la manière dont le son de l’ensemble pouvait rencontrer le son de ma voix, et sur la manière dont la voix pouvait être absorbée par le son orchestré de la musique électronique. Dans votre travail, l’identité vocale est polyphonique, non monodique. La voix se multiplie, se divise et se dissout dans l’ensemble. Un concerto est néanmoins une sorte de drame. Comment avez-vous construit la forme musicale du Concerto for Voice ? La forme du concerto est très présente dans cette œuvre, notamment par la cadence. La coda qui suit reprend les éléments harmoniques et les accords construits à partir du spectre de saxophone, et suit un mouvement graduel qui va du plus haut au plus bas. Les premières sections présentent ma voix et l’ensemble à deux reprises, avant d’offrir une variation introduisant des éléments très différents, comme un duo de bruits de scie et de respirations.

dossier

Le Concerto for Voice utilise des techniques issues à la fois de la musique concrète et de la musique spectrale. L’idée de musique concrète est effectivement très importante dans mon travail : elle a profondément affecté ma manière d’écouter les sons. J’essaye de les écouter comme ils sont, non de manière associative. La recherche des sons et ma capacité à identifier la fréquence et la texture de chacun d’entre eux me donnent des idées quand j’écris pour les instruments et quand je performe avec ma voix et l’électronique. Pour moi, les éléments métaphoriques ajoutent un artifice amusant aux autres dimensions, plus absolues, de la musique, un artifice parfois inattendu mais souvent bienvenu dans la mesure où il ajoute à l’ensemble une couche de sens imprévisible. Ce qu’on appelle musique contemporaine est un champ qui ne cesse de s’étendre. Dans le Concerto for Voice, les pratiques de la performance et de l’improvisation ont joué un grand rôle dans l’écriture. En dehors de l’improvisation libre, quelles pratiques orales ont influencé votre musique ? L’usage de la voix comme instrument est courant dans la poésie sonore et dans le jazz d’avant-garde. Je me sens proche de

ces deux domaines, ayant collaboré avec le poète sonore Jaap Blonk ainsi qu’avec des musiciens de jazz moderne. J’ai aussi conservé une pratique active en collaborant avec le trio norvégien POING (saxophone, accordéon, contrebasse) : nous interprétons des chants révolutionnaires de toutes époques et de tous pays. Notre projet, intitulé Wach auf ! (Réveillezvous !) [un cd est paru en 2011 sur le label Øra Fonogram], a commencé comme une célébration annuelle de la fête internationale du travail, le 1er mai. Dans ma jeunesse, j’avais l’habitude de chanter dans des chœurs, des comédies musicales et même d’obscurs groupes de country. Toutes ces expériences vocales et musicales ont fait de moi la musicienne et la compositrice que je suis aujourd’hui.

Propos recueillis par Hild Borchgrevink, musicologue et critique musicale

Concerto for Voice sera joué le 23 septembre à Paris. Voir p. 26

Voix solitaires


20

21 dossier

Voix solitaires

dossier

Voix solitaires

La Fissure du Jour

Entretien avec Johannes Maria Staud, compositeur Der Riß durch den Tag (La Fissure du Jour, 2011) est votre deuxième monodrame après Die Ebene (La Plaine, 1997) sur un texte de Hans Arp. Vous en avez ensuite composé un troisième, Le Voyage d’après Baudelaire, en 2012. Quel sens donnez-vous au terme « monodrame » ?

marquer les entrées, accélérer ou ralentir le débit… Le récitant doit être attentif à bien placer ses phrases dans des intervalles très précis mais garde la possibilité d’interpréter librement le texte – plus librement en tout cas qu’un chanteur. C’est en quelque sorte un raconteur…

Le terme de monodrame est pour moi un « outil de sécurité »… Je l’utilise, faute de pouvoir trouver un terme plus adapté à la forme que je recherche. Arnold Schönberg a brillamment expérimenté la combinaison entre un chanteur-comédien et un ensemble instrumental avec Pierrot lunaire, Erwartung et Die glückliche Hand. Le Voyage et Die Ebene n’étaient pas intitulés explicitement « monodrames ». J’avais déjà largement exploré les potentialités de cette relation entre la voix parlée et la musique dans mon tout premier opéra, Berenice (2003-2004), sur un livret de Durs Grünbein d’après Edgar Allan Poe.

N’y a-t-il pas justement un paradoxe à choisir des textes qui ne « racontent » rien ?

Quels sont les avantages et les inconvénients de cette forme intermédiaire ? Le texte de Durs Grünbein que j’ai utilisé pour Der Riß durch den Tag est très poétique, pas du tout théâtral ou dramatique – ce qui est également le cas pour les textes de Hans Arp et Charles Baudelaire. Seule la présence de l’acteur apporte ici une touche de théâtralité et donne probablement au texte une dimension plus profonde et plus intense… Il y a dans ces trois pièces des parties accompagnées, des passages instrumentaux ou bien uniquement de la musique vocale. Pour un comédien, la musique doit fonctionner avec des signes très simples. Marcel Bozonnet dans Le Voyage, et Bruno Ganz dans Der Riß durch den Tag, se sentaient un peu perturbés pendant les répétitions par le fait de devoir interpréter le texte en interaction avec les musiciens. En définitive, cet environnement sonore leur a permis de repousser leurs limites. On a fixé ensemble des gestes indicateurs pour

Der Riß durch den Tag est un poème extrait du recueil Nach den Satiren (D’après les satyres). C’est le monologue d’un angry old man (vieil homme acariâtre), avec un message au contenu très radical… Nous avons, comme chez Baudelaire, une voix dure, un peu méchante, qui dit des choses désagréables d’une manière tout à fait poétique et surprenante. Je n’ai pas voulu atténuer cette radicalité du texte, ni en dégager une forme de narration qui d’ailleurs ne s’y trouvait pas. Durs Grünbein m’a laissé carte blanche pour effectuer des coupes et des inversions, à l’exception de quelques passages qu’il jugeait trop importants pour les supprimer. Comment avez-vous rencontré Durs Grünbein ? Je connaissais ses textes depuis longtemps. Le directeur artistique du Berliner Festspiele a eu l’idée de nous réunir autour de notre opéra Berenice. Nous collaborons maintenant depuis 2002 et sommes devenus amis. Nous avons beaucoup d’affinités et nous travaillons en commun à l’écriture d’un nouvel opéra qui sera créé à l’automne 2014 au festival de Lucerne : Die Antilope (L’Antilope). Quelles ont été vos autres sources d’inspiration pour Der Riß durch den Tag ? J’ai été très marqué par Ein Überlebender aus Warschau (Un Survivant de Varsovie) de Schönberg, mais également Cassandra

de mon ancien professeur Michael Jarrell. La dimension politique est très importante pour moi. Très loin de la naïveté du premier monodrame (Le Pygmalion moderne de Jean-Jacques Rousseau), quelqu’un comme Bernd Aloïs Zimmermann a poussé très loin les potentialités esthétiques et politiques du genre, dans son Action ecclésiastique  « Ich wandte mich und sah an alles Unrecht, das geschah unter der Sonne » (Je me retournais, et considérais toute l’injustice qui est sous le soleil). Comment s’exprime la dimension politique dans votre pièce ? La personnalité de Bruno Ganz m’a beaucoup inspiré pendant la composition de ma pièce. C’est un acteur très connu, notamment pour son interprétation d’Hitler dans La Chute. Der Riß durch den Tag a été commandé par la Staatskapelle de Dresde. C’était en quelque sorte ma façon personnelle de répondre au concert de Wagner qu’avait dirigé Christian Thielemann, directeur musical de la Staatskapelle, le jour de la commémoration du bombardement de Dresde. J’ai vu personnellement dans ce concert un symbole morbide et ambigu. La création de mon monodrame dans l’usine Volkswagen de Dresde par Asher Fisch a servi en quelque sorte de contrepoids à cet événement. Le point de vue politique est très important dans le texte de Grünbein, lui-même originaire de Dresde. Dans la troisième partie parlée et sans accompagnement, le récitant évoque l’Holocauste et ses répercussions dans la vie d’aujourd’hui. C’est une poésie très forte et émouvante. Mettre en musique un monologue intérieur, n’est-ce pas contradictoire avec la solitude du texte ? Contrairement au Voyage, je ne me suis pas contenté ici de mettre en musique le texte original. On pourrait bien entendu se contenter de lire le texte de Grünbein


22

23 dossier

Voix solitaires

mais j’ai voulu que la musique l’illustre, le contredise et lui apporte une dimension psychologique. C’est un peu comme pénétrer dans une entité musicale et textuelle indivisible. Le texte est très allusif, très imagé, et possède une qualité de langage d’une grande précision. L’utilisation d’effets sonores pour en faire une illustration littérale ne m’intéressait pas. Comme l’a écrit Schönberg, le compositeur doit veiller à toujours faire quelque chose de très personnel avec le texte qu’il met en musique, sans l’envisager sous un angle naturaliste. D’un autre côté, on ne peut pas contredire en permanence le texte. Je suis un compositeur inspiré par le mot et par la poésie. Je n’écrirais sans doute pas de la même manière si je n’étais pas poussé par un texte. Quels sont vos auteurs de prédilection ? Des écritures très diverses mais toujours très complexes… La complexité de la langue de Bruno Schulz m’a inspiré deux pièces orchestrales (On Comparative Meteorology et On Comparative Meteorology II : Contrebande). Quand j’ai composé Der Riß durch den Tag, je lisais La Place de l’Étoile de Patrick Modiano. Cette porosité politique entre artistes et pouvoir politique m’a beaucoup intéressé et j’ai retrouvé cette idée dans le texte très fort et très puissant de Durs Grünbein.

Propos recueillis par David Verdier

Der Riß durch den Tag sera joué le 17 août à Lucerne. Voir p. 25

dossier

Voix solitaires


24

25

Saison

Dimanche 17 août

Vendredi 12 septembre

11h - LUCERNE

20h - PARIS

KKL, Luzerner Saal LUCERNE FESTIVAL

Ircam, espace de projection

Unsuk CHIN Doppelkonzert pour piano, percussion et ensemble Johannes Maria STAUD Der Riß durch den Tag Monodrame pour récitant et ensemble Matthias PINTSCHER bereshit pour grand ensemble Robert Hunger-Bühler, récitant Dimitri Vassilakis, piano préparé Samuel Favre, percussions Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Renseignements et réservations : www.lucernefestival.ch

Matthias PINTSCHER nemeton pour percussion Salvatore SCIARRINO Melencolia I. Estrapolazione del nucleo iniziale di Vanitas pour violoncelle et piano Jonathan HARVEY Dialogue & Song pour violoncelle et piano Blaise UBALDINI Bérénice pour comédienne, trio à vent, percussion et électronique Création mondiale, Cursus 2 Carlo GESUALDO Canzon francese del Principe pour quatre instruments Claude VIVIER Et je reverrai cette ville étrange pour ensemble de chambre Caroline Imhof, comédienne Solistes de l'Ensemble intercontemporain Blaise Ubaldini, réalisation informatique musicale Ircam Jean Lochard, encadrement pédagogique Ircam Coproduction Ensemble intercontemporain, Ircam / Les Spectacles vivants-Centre Pompidou Avec le soutien de la Sacem (bourses d’étude aux jeunes compositeurs du Cursus 2) Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h Entrée libre sur réservation au 01 44 78 12 40 Tarifs : 14€ / 10€ / 5€ Réservations : - Ircam : 01 44 78 12 40 / www.ircam.fr - Centre Pompidou : aux caisses du Centre Pompidou / en ligne (plein tarif uniquement) : www.centrepompidou.fr/billetterie


26

27

Entretien avec Nina Šenk, compositrice Mardi 23 septembre 20h - PARIS Cité de la musique, salle des concerts Nina ŠENK Iris pour alto et ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain Maja Solveig Kjelstrup RATKJE Concerto for Voice (moods IIIb) pour petit orchestre et performeuse Gustav MAHLER Das Lied von der Erde pour ténor, alto et orchestre de chambre (transcription Glen CORTESE) Odile Auboin, alto Maja Solveig Kjelstrup Ratkje, voix Lilli Paasikivi, mezzo-soprano Steve Davislim, ténor Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Nicolas Berteloot, amplification Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Pour ouvrir la saison parisienne de l’Ensemble intercontemporain, j’ai voulu mettre l’accent sur le chant, ses différents modes d’expression et ses évolutions. On entendra donc ici deux approches radicalement différentes du chant et de la voix. Ainsi l’œuvre de Mahler exige-t-elle un chant bien particulier. Non seulement son écriture vocale et les techniques vocales en jeu sont uniques dans tout le répertoire, mais l’allure de ces Lieder est singulière : à la fois très autrichienne, à la manière de Schubert, très légère, voire heureuse en surface, et extrêmement grave et tragique au fond. À l’autre bout du spectre, se trouve Maja Solveig Kjelstrup Ratkje : c’est une star en Scandinavie, mais elle reste méconnue en France. Il est grand temps que le public parisien la découvre. Maja est une musicienne très complète : vocaliste et compositrice – et si on abuse parfois du terme d’avant-gardiste, il est ici amplement mérité. Issue du jazz et de l’improvisation vocale, elle ne chante pas réellement, mais utilise sa voix d’une manière que je n’ai jamais entendue chez personne d’autre : elle peut produire des sons inouïs, qui semblent parfois ne pas être humains – tout en l’étant essentiellement – en posant un micro sur sa gorge ou sur ses joues. Toutes ses compositions découlent de ce qu’elle peut faire vocalement : elle est sa propre soliste et utilise des machines à écrire, que les musiciens utilisent pour imiter les sons qu’elle produit avec sa voix. En outre, sa musique est très riche, en même tant que pleine d’esprit. Quant à Nina Šenk, c’est une de mes anciennes élèves. Pour cette commande, elle voulait initialement écrire pour la voix mais je l’ai encouragée à trouver des qualités propres au chant sans faire appel à la voix humaine : elle a aussitôt pensé à l’alto.

• Matthias Pintscher

Nina Šenk, quelles sont les sources de votre parcours de compositrice ? Mon premier souvenir musical, c’est cette impression de puissance de la musique jouée en concert, cette manière qu’a la musique de vous prendre, physiquement, et de vous marquer jusqu’au plus profond de vous – une impression que je continue à éprouver, d’ailleurs : j’accorde une grande attention à ce qui peut toucher, de manière physique, l’auditeur, à ces gestes musicaux qui vous saisissent et vous donnent envie d’écouter davantage. C’est ainsi que je privilégie toujours, au moins localement, un caractère puissant dans ma musique. Ensuite, ce fut le jazz : ses lignes mélodiques qui se déploient au cours de l’improvisation, et ses structures rythmiques sur lesquelles s’élabore le discours – et, là encore, des gestes, parfois très agressifs, qui vous saisissent inévitablement. J’aime les flux rythmiques qui, au contraire de tous ces rythmes flottants si courants dans la musique contemporaine, restent ancrés dans une carrure – et retombent ainsi, un moment ou un autre, sur leurs pattes. Et puis la virtuosité instrumentale et la formidable diversité des possibles à partir d’une ligne unique, interprétée par un musicien seul en articulation avec l’ensemble. Si on écoute ma musique, et notamment mon traitement de la trompette, on entend beaucoup du Kind of Blue de Miles Davis – certains musiciens me taquinent d’ailleurs à ce sujet. Avec le temps, toutes ces inspirations se sont fondues dans un tout plus vaste :

je souhaite toujours toucher mon public, mais plus subtilement. Je désire le guider plus que le surprendre, sans abandonner l’idée d’un phénomène musical qui les emporte. Je veux toujours « raconter une histoire ».

l’on s’établit enfin quelque part qu’on peut développer un langage vraiment personnel.

« Raconter une histoire » : y aurait-il un élément narratif dans votre écriture ?

C’est l’interaction de l’individu et de la société qui m’intéresse, jusque dans les journées les plus dures, quand nous devons véritablement nous forcer pour aller nous confronter à l’autre et au réel – une expérience courante dans la vie de compositeur. Dans chacune de ces pièces plus ou moins concertantes, la ligne directrice impulsée par le soliste affecte soit la masse de l’orchestre et la manière dont il évolue, soit, à l’inverse, est influencée par les gestes de l’orchestre. Peut-être cela vient-il, en partie du moins, de mon goût pour le jazz, dans lequel l’attention est occupée tour à tour par chaque instrument. Dans l’improvisation, le soliste a toujours le loisir de développer de nouvelles idées – et l’ensemble se doit de réagir à ces nouvelles propositions. L’esthétique de ma musique a évolué depuis, mais j’ai toujours aimé la dynamique du « un contre tous ».

Oui, mais qui n’apparaît pas de manière aussi évidente. La forme de mes pièces et les diverses étapes de leur développement suivent souvent une intrigue. J’ai ainsi composé une série de pièces pour orchestre d’après des textes surréalistes de Michael Ende. J’ai également écrit un concerto pour accordéon et cordes d’après un conte pour adultes d’Hermann Hesse. Mais je n’annonce pas ces sources d’inspiration à mon public et ne précise pas qu’il s’agit d’une « illustration musicale » du texte : il me sert de point de départ, m’aide à élaborer la forme et à aller d’un point à un autre. Diriez-vous que votre pays d’origine, la Slovénie, transparaît dans votre musique ? Quand une de mes œuvres est jouée en Allemagne, c’est une remarque qu’on me fait souvent : on me dit entendre les Balkans dans ma musique ! C’est sans doute vrai. Surtout à mes débuts. Quand on voyage loin de chez soi, on a probablement besoin de garder un lien avec ses racines, et c’est peut-être de cette manière que je l’ai préservé. Ce n’est que lorsque

Votre catalogue témoigne d’un intérêt pour les formes concertantes…

C’est votre première collaboration avec l’Ensemble intercontemporain : quelles sont vos impressions ? Quand on est jeune, on entend parler de ces ensembles, on les écoute, on les admire, on rêve de travailler avec eux un jour. Et quand ça arrive enfin, c’est toujours un peu intimidant !


28

29

Pour cette commande, vous avez choisi l’effectif d’alto et ensemble. Pourquoi cela ? J’ai choisi l’alto, car j’ai déjà écrit trois concertos pour violon ! L’alto est pour moi un instrument fascinant auquel j’ai déjà donné un rôle plus ou moins soliste au sein de l’orchestre ou de l’Ensemble, sans jamais le mettre en avant. C’est un instrument assez doux, qu’il faut savoir faire sonner autrement que le violon. C’est aussi ce que j’aime dans mon travail : me donner des défis à relever. Je me refuse à rester confortablement dans un univers que je connais déjà.

the Shades, ou mon œuvre pour trompette et cordes, Dialogues and Circles. Ces pièces sont toutes le résultat des pensées qui m’habitent. Ainsi, pour Schnitt [« coupe » en allemand] pour saxophone et ensemble, je suis partie de l’idée de la coupure et du sang qui s’en écoule – non pas une hémorragie, mais comme la réaction du sang à la coupure. J’affine de plus en plus ce concept auquel je tiens particulièrement. Un peu comme un peintre qui explore inlassablement le même sujet jusqu’à atteindre son cœur,

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Dimanche 28 septembre

Jeudi 2 octobre

20h - COLOGNE

20h30 - STRASBOURG

Philharmonie

Auditorium France 3 Alsace FESTIVAL MUSICA

Matthias PINTSCHER sonic eclipse I : celestial object I pour trompette et ensemble sonic eclipse II : celestial object II pour cor et ensemble sonic eclipse III : occultation pour cor, trompette et ensemble Gustav MAHLER Das Lied von der Erde pour ténor, alto et orchestre de chambre (transcription Glen CORTESE) Clément Saunier, trompette Jean-Christophe Vervoitte, cor Lilli Paasikivi, mezzo-soprano Steve Davislim, ténor Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction

Vous écrivez pour Odile Auboin, altiste de l’Ensemble : comment travaillez-vous avec elle ? Je n’ai eu que quatorze jours pour préparer ma première rencontre avec elle. J’ai imaginé quelques idées musicales que j’aimerais tester – d’abord pour moimême. Ce que j’aime, c’est arriver à réellement connaître le soliste pour lequel j’écris – Odile, en l’occurrence –, pas seulement pour savoir ce qu’on peut expérimenter ensemble, mais pour le connaître au point de savoir ce qui lui convient, ce qui sonne le mieux sous ses doigts. C’est toujours un long processus, une étroite collaboration. Je n’écris pas pour un instrument, mais pour celle ou celui qui va créer la pièce. Ainsi, l’œuvre est-elle véritablement cousue sur mesure pour cette personne.

Renseignements et réservations : www.koelner-philharmonie.de

Avez-vous un texte dont vous voudriez partir, comme vous en avez l’habitude ? Je suis encore en train de chercher. J’espère en trouver un qui convienne. La partition se situera sans doute dans la continuité d’une série de pièces concertantes écrites ces dernières années avec mon troisième concerto pour violon, Into

avant de passer à autre chose. C’est un processus d’approfondissement jusqu’à parvenir à la perfection du geste : sans être une même pièce qu’on réécrirait sans cesse, c’est toujours la même question que je me pose en composant..

Nina Šenk

Dieter AMMANN Nouvelle œuvre pour ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain, musica, festival international des musiques d'aujourd'hui de Strasbourg, avec le soutien de Pro Helvetia, fondation suisse pour la culture Ondřej ADÁMEK Nôise pour orchestre Matthias PINTSCHER bereshit pour grand ensemble Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Renseignements et réservations : www.festivalmusica.org


30

31

Samedi 4 octobre

Jeudi 9 octobre

20h30 - STRASBOURG

21h - LES LILAS

Cité de la musique et de la danse FESTIVAL MUSICA

Le Triton, scène de musiques présentes

Te craindre en ton absence Hèctor PARRA, musique Marie NDIAYE, texte Georges LAVAUDANT, mise en scène et lumières Jean-Pierre VERGIER, scénographie et costumes Astrid Bas, récitante Ensemble intercontemporain Julien Leroy, direction Thomas Goepfer, réalisation informatique musicale Ircam Production C.I.C.T. / Théâtre des Bouffes du Nord Coproduction LG Théâtre / Ensemble intercontemporain / Ircam-Centre Pompidou / Opéra Théâtre de Saintétienne Avec le soutien amical de la Ernst von Siemens Musikstiftung et le soutien de l’association Beaumarchais-SACD Renseignements et réservations : www.festivalmusica.org

Intersession # 14 Jérôme Comte, clarinette Eric-Maria Couturier, violoncelle Nicolas Crosse, contrebasse Paul Lay, piano Tarifs : 17,50€ / 14,50€ / 12€ Réservations : 01 49 72 83 13 www.letriton.com


32

33

Samedi 11 octobre 20h - VENISE Teatro alle Tese FESTIVAL INTERNAZIONALE DI MUSICA CONTEMPORANEA de la biennale di venezia Amir SHPILMAN Nouvelle œuvre pour ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain, Biennale di Venezia Ondřej ADÁMEK Chamber Nôise pour violoncelle et contrebasse Denys BOULIANE Rythmes et échos des rivages anticostiens pour quinze instrumentistes Dai FUJIKURA Fifth Station pour ensemble György LIGETI Concerto de chambre pour treize instrumentistes Ensemble intercontemporain Jean-Michaël Lavoie, direction Renseignements et réservations : www.labiennale.org/it/musica

J’ai rencontré Amir Shpilman à New York, lors d’une répétition de l’International Contemporary Ensemble à laquelle il assistait. Nous avons parlé, et j’ai aussitôt été frappé par cette grande complicité entre nous. On aurait presque dit deux frères… J’ai ensuite lu sa musique, et j’ai découvert un compositeur qui a un extraordinaire besoin d’exprimer, mais qui, à l’époque (c’était il y a quelques années), n’avait pas encore les outils pour le faire, pour fabriquer le matériau musical nécessaire. Aujourd’hui, si je compare son travail aux centaines de partitions que je lis chaque année – souvent si élégantes et intelligentes, mais vides de sentiments –, je constate qu’il ne se contente pas de générer des notes. Bien au contraire, écrire chaque note exige de lui des efforts considérables, mais il est mu par une véritable urgence de s’exprimer. Sa musique vient du plus profond de lui. Quand je dirige ses œuvres, il n’est pas rare que des gens dans le public fondent en larmes, sans savoir vraiment pourquoi, tant sa musique est forte. C’est une voix unique sur la scène contemporaine. En outre, si l’on connaît déjà Chaya Czernowin, je pense que nous nous devons de présenter des compositeurs israéliens. Nous devons ouvrir nos portes à des compositeurs de multiples nationalités.

• Matthias Pintscher

Entretien avec Amir Shpilman compositeur Amir Shpilman, lorsqu’on parcourt le catalogue de vos œuvres, on découvre des titres d’essence poétique (As if These Clouds, The Space Between), d’autres en hébreux (Hedef, Sheketak, Kol Nidrei) et certains de nature quasi scientifique (Asymptote 1 et 2). Traduisent-ils des sources d’inspirations extra-musicales pour vos créations ?

Pour être honnête, j’ai longtemps détesté les titres. Même si celui-ci fait partie de la composition, et qu’il représente le premier contact que le public aura avec une œuvre, j’ai l’impression que le titre limite l’œuvre, lui tenant lieu de packaging – ce que je déteste par-dessus tout dans notre monde moderne. Pour moi, seul le contenu est important, pas le contenant.

Je n’ai parfois pas le temps de trouver un titre, et j’ai besoin de prendre conseil auprès de gens en lesquels j’ai confiance et dont je me sens intellectuellement proche. Ce peut être un écrivain, un universitaire spécialiste des textes sacrés juifs, un rabbin, un scientifique, un poète ou un dramaturge. J’aime travailler avec des personnes qui évoluent hors du monde musical. Elles m’apportent une vision plus vaste, un point de vue différent, et parfois, leur érudition aidant, plus précis. L’œuvre que quelques solistes de l’Ensemble intercontemporain et Matthias Pintscher ont créée en avril 2013 à Heidelberg dans le cadre de l’Académie des jeunes compositeurs s’intitule Hedef (mot hébreux désignant l’onde de choc). C’est la seule pièce dont le titre me soit venu immédiatement en commençant à composer. En raison de mes expériences passées, j’ai pu immédiatement appréhender tout ce que ce mot pouvait apporter en termes de perception du temps et de réalité physique et émotionnelle. L’œuvre m’est alors apparue dans sa globalité, et le titre a été un moteur du processus compositionnel. Votre pays d’origine, Israël, sa culture, ainsi que la ville de New York où vous vivez actuellement transparaissent-ils dans votre musique ? Laissez-moi vous raconter une anecdote : en août 2013, j’étais à Brooklyn avec un vieil ami lorsque j’ai entendu le raffut d’un métro approchant dans le lointain. Nous étions assis sous la structure massive du pont de Manhattan, ce colosse d’acier vieux d’un siècle qui supporte sur un peu plus de deux kilomètres un intense trafic automobile ainsi que quatre lignes de métro, une piste cyclable et un espace

piétonnier. Mon ami n’avait jamais vu de structure aussi imposante, jamais vu autant de métal et d’acier réuni en un seul endroit. Il n’y a en effet rien de comparable en Israël. À mesure que le métro approchait, j’ai tout d’abord entendu le fracas des parties métalliques se heurtant les unes aux autres, tel un épais brouillard de bruits. Puis de nouveaux sons se sont ajoutés à cette image : des sons stridents, des cliquetis, des chocs, des vrombissements. Des partielles harmoniques apparaissaient et se démultipliaient, envahissant tout le spectre sonore. Le volume est monté jusqu’à atteindre des sommets, et toutes ces notes se sont fondues dans un geste puissant. Le pont tremblait, le tumulte était si grand que nous avons dû nous boucher les oreilles. À son plus fort niveau, le son avait quasiment la même puissance qu’un grand orchestre symphonique poussé au maximum de sa puissance. Où cela s’arrêterait-il ? Le pont imploserait-il ? Non. Le chaos laissa place à l’accalmie, jusqu’à ce qu’un nouveau train arrive dans le lointain. Ma musique se nourrit du conflit, de la friction, de la résistance. Je suis très ému par la capacité qu’ont ces forces puissantes à créer un mouvement, un geste, une forme. Je suis intrigué par l’idée d’une coexistence des extrêmes ou d’éléments contradictoires. Une grande partie de mes recherches sonores consiste à rapprocher deux éléments apparemment en conflit et à les diviser en briques élémentaires pour voir ce dont ils sont faits, ce qui les lie, ce qui me permettrait de les fondre dans une méta-dimension qui dépasse le matériau d’origine et serait plus riche en saveurs… Cette aspiration à « résoudre » les conflits est peut-être une conséquence

de ma jeunesse en Israël et de la réalité que cela suppose. Je constate toutefois que le conflit fait aujourd’hui partie de notre quotidien – une réflexion que je me suis faite en grande partie à New York. Vivant dans cette ville depuis sept ans, j’ai été très influencé par son urbanisme unique, où coexistent une forme de chaos organisé, l’intuition et l’improvisation, et la planification systématique. Il m’arrive fréquemment d’essayer d’imaginer l’agitation frénétique de New York telle qu’elle serait vue par un oiseau la survolant. D’un côté, on a le mouvement intuitif, impulsif, presque instinctif des voitures, des trains, des piétons, changeant constamment de direction – à mon sens, c’est un très bel exemple d’un système excessivement complexe, en déséquilibre et asymétrie totale, dans toutes les dimensions, du point de vue du temps comme de l’espace. De l’autre côté, si on scrute le moindre détail, on peut remarquer une certaine régularité dans le chaos, la temporalité des feux de circulation est automatisée, la circulation des trains suit un horaire précis (mais qui change souvent sans prévenir), les heures de pointe arrivent chaque jour au même moment. Lorsque l’on observe avec attention, on découvre ainsi l’ordre et l’imperturbable dans le chaos. Malgré les mouvements apparemment intuitifs, naturels, rapides aux motivations complexes et désorganisées, une structure limpide se dégage, une hiérarchie, une permanence, une unité. Je suis fasciné par ce qui rapproche le mouvement systématique du mouvement intuitif. J’aspire aux formes et aux structures multidimensionnelles. J’ai été tout autant touché par l’expressionnisme abstrait de Jackson Pollock quand je l’ai vu pour la première fois : cette multitude de dimensions, autant


34

35

dans le détail que dans une plus large perspective, que notre œil peut appréhender en un regard, comme un flash rapide, et qui fait apparaître de nombreux phénomènes. On perçoit un univers entier en une fraction de seconde. Depuis, j’aspire à produire une expérience similaire avec ma musique. Matthias Pintscher m’a dit un jour que, malgré mon expérience, je suis comme un gamin qui aborde chaque nouvelle pièce comme si je voyais le monde pour la première fois – plutôt que de me fixer un cheminement compositionnel. Est-ce le cas pour cette commande de l’Ensemble intercontemporain qui sera créée à Venise, dans le cadre de la Biennale ? J’ai grandi sur la côte méditerranéenne, dans les environs de Tel Aviv, où transite une intense activité maritime, et j’ai également servi dans la marine israélienne. La mer est un thème récurrent dans ma musique, et particulièrement important pour moi. Les vagues représentent à mes yeux une formidable impulsion qui charrie de nombreuses informations et détails. En dépit de sa croissance inlassable et de son infatigable mouvement en avant, la vague peut être perçue comme une entité stable, immobile, alors qu’elle s’avance vers nous, sans aucune retenue possible. J’essaie ici de donner le sentiment d’une vague éternelle, qui serait en même temps statique et mouvante. Pour écrire cette pièce, j’ai pris conseil auprès du compositeur Franz Martin Olbrisch qui a une grande maîtrise de l’informatique musicale mais aussi des

musiques électroacoustiques et instrumentales. Au moyen de processus algorithmiques – l’ordinateur est ici un outil –, il m’a aidé à traduire mes idées en architecture visuelle, ce qui me permet ensuite de les transcrire en valeurs musicales précises, qui ont trait au nombre de vaguelettes microtonales de tailles variées qui agitent la partition. J’aspire ici à l’unité du matériau. Chaque détail représente la forme globale de la pièce, et la forme globale de la pièce est présente dans chaque détail. Je suis très honoré que l’Ensemble intercontemporain me donne l’occasion de tenter de recréer cette grande vague avec quatorze musiciens. J’ai hâte de voir comment elle déferlera sur Venise lors de la Biennale en octobre.

récemment, Mark Andre – ont été très importants pour le développement de ma réflexion et pour l’apprentissage des divers processus compositionnels. Mes leçons ont toujours été des moments très intimes. Les professeurs sont souvent les seules personnes au monde auxquelles on révèle ses plus grands secrets et aspirations. Des secrets que seule la musique peut dire. Et ils sont suffisamment intelligents pour distinguer, par-delà la partition, la direction à prendre. Enfin, j’ai fondé à New York, en 2012, l’ensemble Moto Perpetuo, grâce auquel j’ai eu le privilège de travailler avec maints interprètes extraordinaires et ouverts d’esprit. J’ai parfois l’impression que ces musiciens ont été mes meilleurs professeurs.

Quel regard portez-vous sur la formation de compositeur ?

Qu’est-ce qui vous a motivé à créer cet ensemble ?

J’ai le sentiment d’avoir fait mes études dans un milieu très privilégié, qui me laissait une grande liberté tout en m’encourageant à découvrir ma voix intérieure. Ma formation correspond à ce que j’avais l’intention de faire. Lorsque j’ai pu avoir l’impression de ne pas avoir accès à ce dont j’avais besoin, je l’ai trouvé par moimême. Je me souviens que, à l’université, j’avais l’habitude d’aller écouter les répétitions des meilleurs ensembles de la ville, tels ICE, Wet Ink, Either/Or, Talea… Je suivais la partition, j’observais la manière dont les musiciens se préparaient aux divers défis de l’interprétation. Ce fut une merveilleuse école. Mes professeurs de composition – parmi lesquels Jason Eckardt ou, plus

Je souhaitais créer un collectif qui serait un moteur dans l’exploration de nouvelles idées. Depuis le temps que j’habite New York, j’ai aussi ressenti le besoin d’une « famille » artistique. J’ai souhaité qu’elle soit composée d’interprètes engagés, créatifs et polyvalents. Un groupe qui prenne le temps d’approfondir les langages des musiques d’avant-garde et de développer de grandes qualités d’interprétation. En plus des concerts, au sens conventionnel du terme, l’ensemble se spécialise dans la collaboration artistique comme moyen d’innovation, et travaille fréquemment avec des personnalités issues d’autres disciplines : architectes, chorégraphes, artistes visuels, dessinateurs de

mode. Ce goût pour l’expérimentation et la rencontre entre les arts et les artistes est d’ailleurs quelque chose que j’ai en commun avec Matthias Pintscher. Comment l’avez vous rencontré ? Je l’ai rencontré à New York au cours d’une répétition de l’International Contemporary Ensemble, qu’il dirigeait. Il est comme un frère pour moi en même temps qu’un modèle et un mentor. Notre amitié artistique m’est très chère, et a, jusqu’à présent, joué un grand rôle dans mon cheminement en tant que musicien.

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Amir Shpilman


36

37

Entretien avec Helmut Lachenmann, compositeur Vendredi 17 octobre 20h - PARIS Cité de la musique, salle des concerts FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS Clara IANNOTTA Intent on Resurrection — Spring or Some Such Thing pour dix-sept musiciens Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain, festival d'Automne à Paris Luigi NONO Omaggio a György Kurtág pour contralto, flûte, clarinette, tuba et électronique en temps réel Helmut LACHENMANN Concertini pour ensemble Lucile Richardot, contralto Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction SWR Experimentalstudio, dispositif électronique André Richard, projection du son Coproduction Ensemble intercontemporain, Festival d'Automne à Paris, Cité de la musique Avec le soutien de Mécénat Musical Société Générale et de la Fondation Ernst von Siemens pour la musique Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Dans le cadre du «Portrait Luigi Nono» proposé par le Festival d'Automne à Paris Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Quand je n’étais encore qu’un jeune compositeur en devenir, Helmut Lachenmann – avec Hans Werner Henze, auquel il s’opposa pourtant si fortement – fut certainement l’un des phares les plus déterminants dans mon cheminement esthétique. C’est un musicien incroyablement sincère et généreux. Et c’est aussi un formidable professeur, même si je n’ai jamais été son élève à proprement parler. Il m’a fait tout remettre en question. À chaque rencontre, nous avons eu de riches conversations amicales : nous parlions d’esthétique, mais aussi de la vie en général. C’est un mentor, non seulement par sa pensée musicale, mais aussi par sa clairvoyance et sa sagesse, et par l’affection que nous éprouvons l’un pour l’autre. Pour un jeune compositeur, le chemin est solitaire et semé d’embûches, mais de le savoir là, non pas à guider mes pas, mais à veiller sur eux, était très rassurant. Quant à Luigi Nono, c’était sans doute l’une des personnes les plus proches et les plus chères au cœur de Lachenmann – et vice versa. On a publié récemment leur correspondance : ils s’écrivaient presque tous les jours. C’est l’un des plus extraordinaires partenariats artistiques du xx e siècle, à l’instar de Stravinsky/Diaghilev, ou de Rimbaud/Verlaine, ou de Van Gogh/Gauguin. Esthétiquement, ils sont le pendant l’un de l’autre.

• Matthias Pintscher

Nous vivons une époque où l’accès aux partitions et la circulation des œuvres est facile. J’imagine que quand vous avez commencé à étudier la composition, en 1954, la situation était encore très différente, par exemple quant à la connaissance de l’École de Vienne. J’ai réussi, à l’époque, à me procurer par toutes sortes de biais les grandes partitions d’orchestre. J’avais connu Anton Webern surtout parce que Wolfgang Fortner, qui enseignait la composition à Fribourg et avait là-bas un ensemble d’étudiants, avait dirigé (tant bien que mal) le Concerto op. 24 et la Symphonie op. 22. Mon propre professeur, Johann Nepomuk David, avait fait presser un disque à partir de cet enregistrement que j’écoutais en boucle. En 1957, lorsque je suis venu pour la première fois à Darmstadt, il y a eu une analyse très détaillée de la cantate Augenlicht de Webern par Hermann Scherchen, et c’est lui au fond qui m’a fait connaître son travail. Je me souviens aussi qu’il n’existait pas encore à l’époque de partition publiée de Wozzeck et j’ai dû emprunter la grande partition du chef. J’ai aussi recopié le Concerto de chambre de Berg, qui appartenait à la radio de Stuttgart, et j’ai fait de même pour Webern. Le premier mouvement de sa symphonie est un double canon ; je l’ai donc déplié et noté sur quatre portées, comme dans une particelle. J’usais beaucoup de papier à l’époque pour ce type de travaux. J’ai également reproduit Kontra-Punkte de Stockhausen, déjà publié par Universal mais que j’apprenais ainsi vraiment à connaître en prenant chaque son dans la main. Nous n’avions pas non plus accès en Allemagne au Trio à cordes de Schönberg, publié par un éditeur américain ; là aussi je recopiais. Et puis finalement,

la raison pour laquelle Nono a accepté de me prendre comme élève (au lieu de se consacrer à sa femme et à sa composition, dans cet ordre, comme il me le disait dans une lettre… 1), c’est que je lui avais envoyé ses Varianti entièrement recopiés par moi. C’était un peu comme pour la Torah chez les Juifs : j’avais conçu une sorte de copie verticale, en rouleau, qui faisait apparaître les variations progressives. Est-ce que les expériences d’écoute ont ensuite confirmé (ou infirmé) ce qu’on pouvait imaginer à partir de la partition ? Disons que pour ce qui est de l’École de Vienne, comme je jouais aussi les Variations op. 27 de Webern, je saisissais bien l’esprit de cette musique. Nono, c’est différent – j’aurais pu contempler tout aussi bien une constellation. J’y voyais une sorte de paysage, encore que la partition était relativement suggestive à cause des indications dynamiques, des crescendos sur une seule note ; il y avait des gestes rhétoriques que l’on repérait. C’est une chose d’ailleurs d’imaginer par avance l’apparence sonore d’une musique, et une autre de prévoir son apparence expressive. Et quant à Nono, je crois bien qu’il « n’entendait » pas vraiment ce qu’il composait – je dis là une chose horrible à imaginer pour un musicien français ! Mais il n’y avait alors à Venise aucune musique contemporaine à écouter, rien, contrairement à Berio, qui pouvait travailler avec des ensembles comme Stockhausen ou Boulez. Nono était dans son appartement sur la Giudecca et il a du coup choisi des effectifs très homogènes : des voix, quelques percussions sélectionnées, comme dans Cori di Didone, un monde sonore qu’il pouvait imaginer parfaitement et auquel il appliquait un travail de combinatoire. Souvent,

il était le premier surpris par le résultat, voire choqué ! Mais pour moi, cet élément de surprise est très important ; comme je le dis souvent, un compositeur qui sait ce qu’il veut ne veut que ce qu’il sait. Avez-vous expérimenté ce genre de chocs quand vous avez entendu des exécutions de votre propre musique ? À partir du moment où j’avais conçu la « musique concrète instrumentale », qui formalise la production immédiate du son, c’est-à-dire l’énergie, la force ou la douceur qu’il faut mobiliser, j’avais une image relativement claire des sons qui allaient résulter de tous ces nouveaux modes de jeu. Mais malgré tout, ce type de pièces – Mouvement par exemple –, et même celles d’aujourd’hui, acquièrent souvent dans l’interprétation une expressivité que je n’ai pas intégrée par avance. Elles deviennent « symphoniques » pour ainsi dire. Je veux toujours créer des paysages de sons, des situations sonores qui se transforment, et voilà qu’elles ont soudain ce caractère « parlant ». Vous avez dû affronter au début beaucoup de réactions hostiles de la part de musiciens d’orchestre. Est-ce que cela a changé avec le temps ? Il subsiste toujours des réfractaires embusqués – comme ces guerriers japonais qui attendent encore sur je ne sais quelle île la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il y a toujours quelque part des premiers pupitres de contrebasse qui disent : « Non, Lachenmann, ça ne fait pas partie du répertoire, nous ne sommes pas disposés à jouer cela. » Pour beaucoup d’entre eux, les limites s’arrêtent à ce que Richard Strauss a prévu pour leur instrument. Mais il y a,

1 Lettre du 29 octobre 1957, Alla ricerca della chiarezza. L’epistolario Helmut Lachenmann-Luigi Nono (1957-1990), Leo S. Olschki, Florence, 2012, p. 10.


38

39

heureusement, d’autres réactions ; après tout, le Philharmonique de Berlin s’y est maintenant mis, et il y a également le rôle positif des musiciens qui jouent dans les ensembles, ce qui a produit une synergie, du moins un changement des mentalités. Et il y a beaucoup plus de curiosité parmi les jeunes. Reste la question du planning des répétitions. De façon générale, tout le monde pense que pendant une répétition, on joue, on n’apprend pas. Et je répète souvent dans les conservatoires, qu’au fond, la qualité professionnelle d’un musicien se repère aussi dans cette capacité humaine et technique qui fait qu’il acceptera d’être malhabile durant une répétition, et donc d’apprendre encore. Pour jouer des œuvres de Wolfgang Rihm, cela n’est bien sûr pas nécessaire, mais pour rendre par exemple toute la brillance de la musique de Salvatore Sciarrino, il faut que les réflexes corporels y soient. Ne parlons pas des États-Unis, où les orchestres répètent beaucoup moins encore. Des répétitions partielles, par groupes, comme je les réclame depuis toujours, sont impossibles ; je crois qu’au Philharmonique de Berlin, c’est arrivé pour la première fois quand ils ont répété mon Tableau. Est-ce que le CD-Rom qui est dédié à vos modes de jeu 2 est lié à ces problèmes ? Il s’agit de transmettre rapidement aux musiciens qui désirent jouer ma musique la notation, le geste à exécuter et le résultat sonore. Malgré tout, il reste la question des réflexes des musiciens. Quand les cordes jouent le début du Don Juan de Strauss, on jette l’archet sur la corde au dernier moment et l’élan est lancé. Alors quand ils voient une succession trémolo, pizzicato-Bartók, harmonique, il leur faut

trouver un autre réflexe corporel ; si la chorégraphie de ces gestes n’est pas familière au musicien, tous ces changements resteront très peu assurés. Sur ce CDRom, on isole les sons et on décompose le geste ; comment, par exemple, pour un son pressé, l’archet doit venir vers le torse et non, comme d’habitude, s’en éloigner. Et quand on joue un col legno saltando tout léger, de manière à ne percevoir que le bois frappant le crin, il ne faut absolument pas que l’archet bouge horizontalement, en poussé ou en levé ; et là, même des professionnels absolus comme Irvine Arditti doivent se surveiller pour ne pas retomber dans ce geste de l’archet qui quitte l’instrument vers l’arrière, comme c’est indiqué dans la méthode de violon de Ševčik. Bref, c’est tout un travail contre les déformations professionnelles (en français dans le texte) dont il faut simplement se rendre compte. Est-ce que vous reliez toujours la notion de « musique concrète instrumentale » à vos œuvres récentes ? J’ai en fait retrouvé le son « philharmonique », je l’ai intégré dans mon arsenal, et cela dès Allegro sostenuto. Dans Concertini ou le troisième Quatuor, on trouve même des figures presque virtuoses, enlevées. Mais l’idée de départ demeure : c’est une musique qui part de l’interrogation du geste et de l’énergie. Un trémolo est lui aussi une situation énergétique, ou bien le vibrato, ou le glissando. J’ai donc interrogé ces modèles ou figures très traditionnelles sous le rapport de l’énergie ; quand huit cors tiennent un long accord dans un adagio de Bruckner, l’auditeur reçoit aussi l’impression d’un immense poumon… Un des premiers résultats aura été Allegro sostenuto, dont certaines sections

abordent par exemple sur ce qui arrive à la musique quand on l’accélère, quand on la déchaîne. Il ne s’agit donc pas de dénaturer mais de défamiliariser en créant des contextes nouveaux ; non pas de collectionner des sons étranges, mais d’inscrire tout un arsenal dans cette « philosophie » du concret. Vous avez parfois fait une distinction entre une « musique comme texte » et une « musique comme situation ». Est-ce que cela décrit une évolution de la musique au xxe siècle, ou une sorte de polarité dans chaque œuvre ? La musique comme texte, je l’associerais à une musique dont l’élaboration s’appuie sur l’écriture, comme certaines œuvres de Boulez ou Ferneyhough – ce que disent d’ailleurs certains de leurs titres : « glose », « commentaire », « parenthèse », « superscriptio », « lemme », etc. Une situation, c’est surtout quelque chose qui se transforme ; quand je suis en montagne et que je regarde la vallée, le crépuscule vient, ou bien je commence à avoir faim, etc. Il y a donc toujours un processus en cours. Le danger de la situation, c’est de verser dans l’idylle – le confort d’une situation d’écoute où rien n’évolue, une écoute « bourgeoise » qui ne vise pas l’anatomie d’une musique, mais qui s’en enveloppe, qui se berce. Cependant, il y a là une sorte de dialectique : tout texte est aussi une situation, ou bien peut être écouté comme tel, de même qu’en écoutant un discours, je peux viser le sens de ce qui est dit ou viser la manière dont il est proféré. Par exemple, une fugue de Bach est un texte, mais que je peux vivre comme une situation qui évolue. Le début de la Quatrième de Bruckner est une situation, ou le début de L’Or du Rhin : ce n’est pas encore un texte, c’est

2 Matthias Hermann, Maciej Walecek, Erweiterte Spieltechniken in der Musik von Helmut Lachenmann, CD-Rom, Breitkopf & Härtel, Wiesbaden, 2013.

une situation presque magique, interrompue ensuite par les filles du Rhin qui commencent à chanter sur la sous-dominante, et alors quelque chose comme un discours musical s’enclenche. Chez moi, le pôle de la situation prédomine parfois. C’est le cas dans Concertini où il y a toute une série de situations « concertantes », mais qui impliquent aussitôt des processus, des transformations : par exemple quand telle technique propre à la harpe ou à la guitare gagne l’ensemble entier, ce qui donne de petits « concertos grattés », ou bien des « solos » qui sont des mouvements d’un son dans l’espace. Cela se rapproche un peu de la notion d’arpège, que vous prenez toujours dans un sens plus large. Dans mon idée, un arpège, ce n’est pas seulement des hauteurs qui forment un ensemble. On peut imaginer des arpèges faits d’actions, d’objets, de sonorités qui, sous une certaine perspective, ont un rapport, un élément commun, une parenté. Un arpège est alors une unité musicale qui abrite et rassemble des actions qui paraissent d’abord très différentes et dont on découvre la parenté. On m’a souvent demandé : quelle est votre conception de la forme ? Elle est identique chez moi avec ce trajet qui découvre et fait apparaître des parentés. Je ne produis pas une succession, un « l’un après l’autre », mais une transformation, une interaction nouvelle, un « l’un vers l’autre ».

Propos recueillis par Martin Kaltenecker

Helmut Lachenmann


40

41

Mardi 21 octobre

Lundi 3 novembre

21h - GUANAJUATO

20h - MILAN

Teatro Juárez FESTIVAL INTERNACIONAL CERVANTINO Edgard VARÈSE Octandre pour huit instruments Salvatore SCIARRINO Introduzione all'oscuro pour ensemble Arturo FUENTES Rincontri pour six musiciens Dai FUJIKURA Fifth Station pour ensemble György LIGETI Concerto de chambre pour treize instrumentistes

Teatro alla Scala FESTIVAL DI MILANO MUSICA

Ensemble intercontemporain Julien Leroy, direction Renseignements et réservations : www.festivalcervantino.gob.mx

Mercredi 22 octobre 10H - GUANAJUATO ACADEMIA CERVANTINA Master classes instrumentales animées par les solistes de l’Ensemble intercontemporain dans le cadre du Festival Internacional Cervantino.

Jeudi 23 octobre 20h30 - MEXICO Palacio de Bellas Artes FESTIVAL INTERNACIONAL CERVANTINO Même programme que le 21 octobre à Guanajuato Renseignements et réservations : www.festivalcervantino.gob.mx

Maurice RAVEL Introduction et allegro pour harpe, flûte, clarinette et quatuor à cordes Fausto ROMITELLI Mediterraneo, partie I : « Les idoles du soleil » pour ensemble Mediterraneo, partie II : « L’azur des déserts » pour mezzo-soprano et quatorze instrumentistes Maurice RAVEL Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé pour voix et ensemble Fausto ROMITELLI Cupio dissolvi pour quatorze instrumentistes Monica Bacelli, mezzo-soprano Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Nicolas Berteloot, régie son Renseignements et réservations : www.milanomusica.org

Maurice Ravel va avec tout… Un peu comme le fameux fauteuil de Charles Eames : c’est un classique du mobilier, qui ne déparera jamais un intérieur. La musique de Ravel est tellement aboutie qu’on peut l’associer à n’importe quelle autre musique, même à celle de Beethoven. Rapprocher dans ce même concert à la Scala, ses si belles et délicates mélodies et l’œuvre de Fausto Romitelli – qui est encore à mon sens un compositeur mésestimé – n’a ainsi rien de choquant. C’est une musique puissante, avec des aspects grotesques : j’aime beaucoup la jouer car elle se recrée inlassablement, elle renaît à chaque instant et vous nourrit de nombreux éléments expressifs qu’il vous faut façonner sur le vif. Elle vous emmène à chaque nouvelle audition vers des territoires inexplorés qui déterminent l’interprétation.

• Matthias Pintscher


42

43

Vendredi 7 novembre

Mardi 11 novembre

Mardi 18 novembre

20h - PARIS

19h30 - LONDRES

20h - PARIS

Cité de la musique, amphithéâtre

Wigmore Hall

Steve REICH Music for Pieces of Wood pour cinq joueurs de claves Violin phase pour alto et bande magnétique WTC 9/11 pour quatuor à cordes et bande Morton FELDMAN Why patterns? pour flûte, glockenspiel et piano

Luigi DALLAPICCOLA Due Studi pour violon et piano Bruno MANTOVANI Carnaval pour violon, clarinette et piano Création mondiale / commande du Wigmore Hall — avec le soutien de André Hoffman, président de la Fondation Hoffmann, une fondation suisse de mécénat — de l'Ensemble intercontemporain, de l'Opéra national de Paris. Arnold SCHÖNBERG Pierrot lunaire, op. 21

Opéra national de Paris Amphithéâtre Bastille

Solistes de l'Ensemble intercontemporain Nicolas Berteloot, régie son Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Tarif : 32€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Salomé Haller, mezzo-soprano Solistes de l'Ensemble intercontemporain Renseignements et réservations : www.wigmore-hall.org.uk

SCHÖNBERG / MANTOVANI Arnold SCHÖNBERG Symphonie de chambre, op. 9 pour cinq instruments (transcription Anton WEBERN) Bruno MANTOVANI Carnaval pour violon, clarinette et piano Création française / commande du Wigmore Hall — avec le soutien de André Hoffman, président de la Fondation Hoffmann, une fondation suisse de mécénat — de l'Ensemble intercontemporain, de l'Opéra national de Paris. Arnold SCHÖNBERG Pierrot lunaire, op. 21 Salomé Haller, mezzo-soprano Solistes de l'Ensemble intercontemporain Concert présenté par Bruno Mantovani Tarifs : 25€ (plein) / 16€ (groupe) / 10€ (-28 ans) Réservations : - 08 92 89 90 90 (0,34 € TTC/min hors coût éventuel selon opérateur) ou au + 33 1 71 25 24 23 depuis l'étranger, du lundi au vendredi de 9h à 18h et le samedi jusqu'à 13h - Aux guichets du Palais Garnier et de l'Opéra Bastille - www.operadeparis.fr


44

45

Vendredi 21 novembre 20h - PARIS Maison de la Radio, Grand Auditorium CARTE BLANCHE À PETER EÖTVÖS Peter EÖTVÖS Steine pour ensemble Le Balcon opéra en dix tableaux (extraits) Octet plus pour soprano et ensemble Sonata per sei pour deux pianos, trois percussions et synthétiseur Rebecca Nelsen, soprano Maria Riccarda Wesseling, alto Ensemble intercontemporain Peter Eötvös, direction Tarif : 15€ Réservations : 01 56 40 15 16, du lundi au samedi de 10h à 18h Par email : concerts@radiofrance.com en précisant la date et le lieu du concert choisi, la catégorie et le nombre de place(s) souhaitée(s).

Les solistes de l’Ensemble intercontemporain aiment beaucoup Peter Eötvös. Il en fut le directeur musical pendant de nombreuses années. Et je tiens à l’inviter souvent à diriger nos musiciens pour poursuivre cette histoire. Pour ce concert-portrait à l’occasion de son 70e anniversaire, il nous a choisis parmi tous les ensembles et orchestres parisiens, et j’en suis très heureux. Peter n’est pas seulement un compositeur et un chef d’orchestre, c’est un mensch, un être humain exceptionnel. Il représente pour moi le modèle du musicien complet : quelle importance, au fond, d’être considéré avant tout comme un compositeur, ou comme un interprète ? Ce qui compte, c’est ce que l’on veut partager. Peter Eötvös a joué un rôle clef dans ma compréhension de la musique, et je peux officiellement me déclarer son élève ! Depuis, nous sommes devenus amis : nous avons de longues conversations au cours desquelles nous abordons tous les sujets, et pas seulement de musique, pas seulement du sforzato à la mesure 47 : nous parlons de littérature, d’art, et de ce que signifie ce sforzato, à plus grande échelle. Comprendre la musique dans un contexte plus vaste qu’elle-même est essentiel pour devenir un musicien complet, et je lui dois beaucoup en ce sens.

• Matthias Pintscher

Samedi 29 novembre 20h - NICE Opéra Nice Côte d’Azur FESTIVAL MANCA György LIGETI Concerto de chambre pour treize instrumentistes Yann ROBIN Symétriades pour contrebasse et électronique Yann ROBIN Asymétriades pour contrebasse et ensemble Création mondiale / commande du CIRM, Centre national de création musicale Tristan MURAIL Un sogno pour ensemble Création française / commande du Klangforum Wien et du CIRM, Centre national de création musicale avec le soutien de l'état Nicolas Crosse, contrebasse Bruno Mantovani, direction CIRM / Nice, Monica Gil Giraldo, Robin Meier, réalisation informatique musicale Renseignements et réservations : www.cirm-manca.org


46

47

TURBULENCES Clair-Obscur avec

Marko Nikodijevic

Le jeune compositeur serbe Marko Nikodijevic représente une nouvelle génération de créateurs aux multiples expressions et influences. Son travail mixe et synthétise les expériences, les styles et les époques : de la techno (qu’il pratique en clubbing) à la musique de la Renaissance. Pour ce nouveau rendez-vous « Turbulences » intitulé « clair-obscur », il nous surprendra avec un programme entre lumière et obscurité, entre clarté apollinienne et extase dionysiaque. Pendant les entractes, il se transformera même en DJ (l’une de ses nombreuses activités) pour remixer des œuvres de Carlo Gesualdo (1566-1613) qui dialogueront avec des improvisations des solistes de l’Ensemble intercontemporain ! Ces deux jours d’expériences musicales inédites nous mèneront vers des paysages sonores inouïs et crépusculaires. En tant que directeur musical, on met tant d’énergie à la planification d’un événement comme celui-ci, sans jamais savoir ce qui en sortira effectivement. Les week-ends « Turbulences » de la saison 2013-14 ont eu un grand succès, attirant même un public qui n’est traditionnellement pas le nôtre, un public souvent bien plus jeune qu’à l’accoutumée. J’ai adoré l’énergie qui s’en dégageait, l’engagement des musiciens, les rencontres entre les musiciens et le public, aficionados et néophytes réunis. J’en suis très heureux, car c’est exactement ce à quoi j’aspire : trouver de nouveaux formats pour nos concerts. Et je suis convaincu que ces manifestations hors-normes demeureront un rendez-vous incontournable des prochaines saisons. Marko Nikodijevic est l’une des figures les plus fascinantes et les plus complexes de la scène contemporaine. Je voulais l’inviter à Paris, d’abord parce qu’il n’y a jamais été joué, mais aussi parce qu’il sort, a priori, du cadre des activités de l’Ensemble. Je considère qu’il est de ma responsabilité de remettre en question la manière dont on choisit les compositeurs que nous jouons, ainsi que celle dont ils peuvent s’inscrire dans notre répertoire. De nationalité serbe, Marko vit aujourd’hui à Stuttgart. Il a été fortement impressionné par les musiques électroniques – ce qu’on appelle la techno. C’est un microcosme sur lequel règnent de nombreux « gourous », et Marko en est un acteur essentiel. À la manière d’un Rimbaud, il a pris la décision consciente d’explorer la manière dont sa créativité, et les potentielles images qu’il crée, peuvent être élargies par des expériences sur sa propre perception. C’est un des jeunes compositeurs les plus généreux que je connaisse. Son œuvre est obsessionnelle, assez sombre, très expressive, mais ses goûts le portent vers des musiques qui semblent très éloignées de la sienne. Ainsi le week-end qui lui est consacré est-il comme un clair-obscur, qui va du lumineux le plus éclatant à la noirceur la plus complète.

• Matthias Pintscher

Vendredi 5 décembre

Samedi 6 décembre

Samedi 6 décembre

Troisième partie Fausto ROMITELLI Cupio dissolvi pour quatorze instrumentistes Henry PURCELL Fantasia VII (arrangement George BENJAMIN) pour clarinette, violon, violoncelle et célesta Marko Nikodijevic K-hole/schwarzer horizont. Drone with song pour ensemble et électronique création mondiale / commande de l’Ensemble intercontemporain

20H - PARIS

17h30 - PARIS

20H - PARIS

Cité de la musique, salle des concerts

Cité de la musique, amphithéâtre

Cité de la musique, salle des concerts

Carlo GESUALDO Tenebrae factae sunt Jerusalem, surge Plange quasi virgo O vos omnes Georgia SPIROPOULOS Ephemerals & Drones pour harpe, contrebasse et percussion Claude VIVIER Bouchara (Chanson d’amour) pour soprano et ensemble Gérard PESSON Messe noire - Transcription de la Neuvième Sonate pour piano d’Alexandre Scriabine pour quatuor à cordes Marko Nikodijevic chambres de ténèbres / tombeau de claude vivier pour ensemble

CONFÉRENCE-CONCERT Trans-musiques : la création musicale à la croisée des genres Clément Lebrun, présentation

Hélène Fauchère, soprano Ensemble Solistes XXI* Ensemble intercontemporain Paul Fitzsimon, direction Rachid Safir, chef de chœur* Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Œuvre jouée : Fausto ROMITELLI Domeniche alla periferia dell’impero Solistes de l’Ensemble intercontemporain Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84

LE GRAND SOIR PREMIÈRE PARTIE Igor STRAVINSKY Quatre Chants pour soprano, flûte, guitare et harpe Wolfgang Amadeus MOZART Adagio et Rondo K. 617 pour flûte, hautbois, alto, violoncelle et harpe György LIGETI Six Bagatelles pour quintette à vent Marko Nikodijevic music box / selbstportrait mit ligeti und strawinsky (und messiaen ist auch dabei) pour ensemble -------entracte---------Deuxième partie Helmut LACHENMANN Guero pour piano Richard AYRES No 35 (Overture) pour deux pianos, euphonium et timbales Thomas ADÈS Darknesse Visible pour piano Jay SCHWARTZ Music for Chamber Ensemble Franz SCHUBERT Octuor D. 803 : II. Adagio -------entracte----------

Hélène Fauchère, soprano Dimitri Vassilakis, piano Sébastien Vichard, piano Ensemble intercontemporain Paul Fitzsimon, direction Technique Ensemble intercontemporain Animations et performances dans la Rue musicale avant et après le concert et pendant les entractes. Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique Tarifs : 25€ / 20€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Voir aussi l'entretien avec Marko Nicodijevic p. 48


48

TURBULENCES

Clair-Obscur

49

Entretien avec Marko Nikodijevic compositeur et DJ Le premier concert que vous avez programmé pour « Turbulences » comprend de la musique sacrée avec Carlo Gesualdo et une chanson d’amour profane de Claude Vivier, deux compositeurs auxquels vous vous référez souvent dans votre propre musique. Qu’est-ce que ces compositeurs signifient pour vous ? Ils sont des compagnons dont la musique me nourrit et me conforte. Ils peuvent apparaître dans mes œuvres, quelque fois même sans y être invités. J’ai une prédilection pour la musique et les compositeurs excentriques. En ce qui concerne Vivier et Gesualdo, certains aspects de leurs personnalités compositionnelles font qu’ils demeurent des figures éminemment solitaires. La radicalité de leur langage est parfois proche de la bizarrerie : la polyphonie est chez Gesualdo encore plus bizarre que ses progressions d’accords à la tonalité flottante ou son mélange fiévreux de chromatisme et de diatonisme). C’est une musique qui n’est pas seulement définie par ce qu’il y a à entendre, mais aussi par tout ce qu’elle laisse de côté. Elle produit une immense puissance expressive, concentrée dans des gestes massifs. Tous deux utilisent des madrigalismes, ces peintures musicales du mot. Et leurs œuvres sont étrangement sans âge. En général, il semble que votre musique s’intéresse à la fois au passé lointain (Gesualdo) et au présent le plus contemporain (l’électronique, Vivier, les compositeurs du xx e siècle dont vous évoquez les styles dans l’œuvre

music box/selbstportrait mit ligeti und strawinsky). Qu’est-ce qui a motivé votre décision d’inclure des œuvres classiques de Mozart et de Schubert dans le concert « Grand soir » ? La notion d’archive est essentielle à ma pensée musicale. Dans les vastes étendues de l’histoire de la musique, il y a toujours des singularités irréductibles et surprenantes. La grande forme par exemple, dont Schubert est un maître absolu, m’influence beaucoup : cette capacité à réaliser une musique d’une unique et grande envergure avec un matériau très réduit. Sans être un sujet de citation ou d’imitation, c’est quelque chose qui ne cesse de m’inspirer et d’enrichir mon travail de compositeur. Qu’est-ce qui vous attire dans la musique des autres compositeurs que vous avez programmés : Richard Ayres, Jay Schwartz, Fausto Romitelli ? Il s’agit de mondes très différents. Je confronte le monde sonore enfiévré, divertissant et superlatif de Richard Ayres avec les musiques beaucoup plus méditatives de Romitelli et de Schwartz. L’attitude d’Ayres est souvent prise comme étant ironique, mais j’y vois un enthousiasme authentique pour l’excès d’information sonore, pour des mondes musicaux qui sont en eux-mêmes excessifs et délirants. Fausto Romitelli est un compositeur dont les combinaisons sont courageuses et inhabituelles : kitsch, spectralisme, rock, électronique, psychédélie sont articulés dans une musique

fortement émotionnelle, harmoniquement très riche comme peut d’ailleurs l’être celle de Vivier. Jay Schwartz est un compositeur de la contrainte et du formalisme géométrique, d’une simplicité trompeuse, inhabituelle et expressive. J’ai également programmé des œuvres de Thomas Adès et George Benjamin qui sont des transcriptions de musiques de John Dowland et Henry Purcell. La relecture qu’un compositeur peut faire d’un autre m’a toujours beaucoup intéressé. Vous avez également prévu de réaliser une performance de musique électronique improvisée pendant le week-end. En quoi les techniques et l’appareillage que vous utiliserez afin de remixer Gesualdo se rapprochent-ils (ou diffèrent-ils) des méthodes de transcription et de recréation que vous donnez à entendre dans vos œuvres de concert ? Mes œuvres de concert sont structurellement fermées, les transcriptions obéissant à un principe formel ou à une procédure simple exécutée avec la sévérité d’un algorithme. Au contraire, l’électronique possède souvent un certain degré d’instabilité formelle. La plupart des parties électroniques de mes compositions ont été expérimentées dans le contexte de mes performances improvisées. Certains types de matériau samplé ou faisant l’objet d’un traitement spécial passent librement d’un monde à l’autre.

du matériau de Gesualdo : des fragments de progressions d’accords mis en boucle auxquels je ferai subir un grand nombre de traitements. Que voulez-vous suggérer quand vous utilisez le mot « drone » dans le titre de votre nouvelle œuvre, K-hole/schwarzer horizont. Drone with song (que l’on retrouve dans Ephemeral & Drones de Georgia Spiropoulos) ? Entendronsnous dans ces œuvres les deux mondes de la musique de concert et de l’électronique articulés l’un à l’autre ? Je ne sais pas si je peux réellement séparer les mondes musicaux. Mon œuvre réunit certaines de mes préoccupations : les drones, la musique ethnique, la psychédélie, l’intonation juste et les explorations spectrales, certains procédés du dub, mais aussi ce concept de temps gonflé ou étiré comme dans une expérience psychédélique.

Pouvez-vous brièvement introduire les genres musicaux dans lesquels vous improviserez : lounge/ambient et techno ? J’ai prévu deux sets différents. L’un hard et minimal, géométrique, squelettique, qui sera une rencontre avec la techno minimale du début des années 1990 ; c’est cette musique qui m’a influencé pendant mes années d’apprentissage et celle qui a probablement laissé la trace la plus profonde. L’autre sera une lente exploration

Marko Nikodijevic

Le drone est un style de musique minimaliste qui repose sur des notes tenues. J’ai utilisé pour l’œuvre K-hole un objet sonore trouvé – l’enregistrement d’un jeune chanteur mongol (du chant harmonique) accompagné au morin khuur (un instrument à cordes mongol) dans le désert. Gary Berger a réalisé l’enregistrement pour moi. Toute l’œuvre, qui repose sur cet échantillon de deux minutes, explore les procédés de l’ambient dub comme l’étirement du temps et le traitement sonore, avec des circonvolutions de reverb et de delays ; des drones tenus de matériaux étirés et une transcription de la chanson originale à différentes vitesses. Ces possibilités techniques me permettent de créer des œuvres originales qui, en même temps, ramènent la musique vers ses origines rituelles.

Propos recueillis par John Fallas


50

51

Dimanche 7 décembre

Vendredi 12 décembre

11h - PARIS

19H30 - VENISE

Cité de la musique, salle des concerts

Palazzo Grassi, Teatrino

Concert en famille Le quintette à vent : de HAYDN à CAGE

James TENNEY Cellogram pour violoncelle Giacinto SCELSI Ko-Lho pour flûte et clarinette Salvatore SCIARRINO Omaggio a Burri pour trois instruments Marc SABAT Claudius Ptolemy pour violon et violoncelle Claude VIVIER Pièce pour violon et clarinette Elliott CARTER Con leggerezza pensosa (Omaggio a Italo Calvino) pour clarinette, violon et violoncelle Iannis XENAKIS Charisma. Hommage à Jean-Pierre Guézec pour clarinette et violoncelle Fausto ROMITELLI Domeniche alla periferia dell'impero : prima domenica Domeniche alla periferia dell'impero : seconda domenica

Solistes de l'Ensemble intercontemporain Clément Lebrun, présentation Durée : 1 heure Niveaux conseillés : du CM1 à la 5e Coproduction Ensemble intercontemporain, Cité de la musique Tarif : 8€ Prélude en famille à 9h15 Tarifs avec le concert : enfant 10€ (enfant) / 12€ (adulte) Réservations : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Solistes de l'Ensemble intercontemporain Renseignements et réservations : www.palazzograssi.it


52

53

L’Ensemble intercontemporain à

la Philharmonie de Paris Immense forme métallique en bordure du parc de la Villette, la Philharmonie de Paris domine un site musical exceptionnel par ses dimensions, regroupant plusieurs salles publiques dont notre actuelle salle des concerts, des lieux de répétitions et d’ateliers, le Conservatoire de Paris, le Zénith. Par son architecture accueillante et par la diversité de ses salles et de ses espaces, elle est une « maison de musique », habitée par un public de toutes origines et de tous âges, et par des ensembles et orchestres qui s’investissent dans des projets artistiques complémentaires, couvrant l’ensemble du répertoire et une très large étendue de genres musicaux. Fondé il y a près de quarante ans pour inventer de nouvelles formes de rencontres entre la création musicale et les publics, et fondamentalement voué à cet objectif de partage, l’Ensemble intercontemporain prendra naturellement une part importante à ce projet ambitieux. Avec ses solistes et son directeur musical, Matthias Pintscher, il est à la fois un laboratoire et une famille à laquelle sont rattachés des compositeurs, mais aussi des chorégraphes, poètes, créateurs d’images, acteurs, cinéastes, dramaturges… Car de plus en plus de ses projets associent la création musicale à d’autres formes d’expression artistique, ou mettent en regard la musique

d’aujourd’hui avec des œuvres plus anciennes ou de cultures éloignées. Et chacune de ses propositions artistiques porte en elle le souci de faire vivre à tous une expérience unique. Grâce à sa configuration et à son équipement, mais aussi à la présence d’autres orchestres et ensembles résidents, la Philharmonie de Paris est le lieu idéal où peuvent se déployer ces projets tout en donnant au public l’accès aux étapes de leur préparation, directement ou par le biais de nos sites internet. Luciano Berio disait « la musique est ce que l’on écoute avec l’intention d’écouter de la musique ». Cette belle définition implique qu’un acte volontaire, l’écoute, conditionne l’existence même de la musique. Quel meilleur objet que la musique des créateurs d’aujourd’hui pour sonder en nous l’intention, le désir d’écouter, et partager avec les artistes l’ivresse de la découverte d’horizons infinis. Quels meilleurs passeurs que les membres de l’Ensemble intercontemporain qui ont parcouru tant de partitions et participé à tant d’authentiques moments de création, pour guider le public de la Philharmonie de Paris vers l’écoute qui transforme les sons en musique. Hervé Boutry


54

55

Vendredi 16 janvier 20h30 - PARIS Philharmonie de Paris Salle des concerts - Philharmonie 2 Edgard VARÈSE Intégrales pour onze instruments à vent et percussion Yan MARESZ Metallics pour trompette et électronique** György LIGETI Concerto pour piano et orchestre Yan MARESZ Metal Extensions pour trompette et ensemble* Magnus LINDBERG Related Rocks pour deux pianos, deux percussions et dispositif électronique Jean-Jacques Gaudon, trompette * Clément Saunier, trompette ** Dimitri Vassilakis, piano Ensemble intercontemporain Tito Ceccherini, direction Manuel Poletti (Ircam), Serge Lemouton (Ircam) et Juhani Liimatainen (studio expérimental de la Radio Finlandaise), réalisation informatique musicale Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris En partenariat avec l'Ircam-Centre Pompidou Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h30 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Quel manifeste pour la musique en ce début du xxie siècle ! Et quel succès pour Pierre Boulez, sans lequel ce projet de Philharmonie ne se serait jamais concrétisé ! Pierre sera du reste présent au cours des célébrations d’ouverture, qui coïncident avec son 90e anniversaire. La Philharmonie de Paris, c’est son intelligence à l’œuvre, et je suis très excité à l’idée que l’Ensemble devienne un acteur éminent de cette nouvelle institution, en étant présent chaque saison. C’est une opportunité pour nous de redéfinir aujourd’hui le rôle de la musique en tant que medium. Je trouve fantastique que, malgré la pénurie financière, cette décision ait été prise, et assumée jusqu’à sa réalisation.

• Matthias Pintscher

Portes ouvertes

Philharmonie de Paris

Samedi 17 janvier

Dimanche 18 janvier

11h - PARIS

15h - PARIS

Philharmonie de Paris Salle des concerts - Philharmonie 2

Philharmonie de Paris Salle de répétition - Philharmonie 1

Concert en famille LA PERCUSSION DANS TOUS SES ÉCLATS !

VUES AÉRIENNES

Œuvres et extraits d’œuvres de Javier ÁLVAREZ, Thierry DE MEY, Gérard GRISEY, Yan MARESZ, Yoshihisa TAÏRA, Toru TAKEMITSU, Vito ŽURAJ, etc. Gilles Durot, Samuel Favre, Victor Hanna, percussions et présentation Durée : 1h À partir de 8 ans Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris Entrée libre Renseignements : www.philharmoniedeparis.fr

Bruno MANTOVANI D'une seule voix pour violon et violoncelle Gérard PESSON Nocturnes en quatuor pour clarinette, violon, violoncelle et piano Dai FUJIKURA Sakana pour clarinette Yann ROBIN Phigures pour clarinette, violon, violoncelle et piano Tristan MURAIL Vues aériennes pour cor, violon, violoncelle et piano Solistes de l'Ensemble intercontemporain

Samedi 17 janvier 15h à 17h - PARIS

Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

Philharmonie de Paris

Entrée libre

Concerts de percussion : œuvres et extraits d’œuvres du programme du concert « La percussion dans tous ses éclats ! »

Renseignements : www.philharmoniedeparis.fr

Entrée libre Renseignements : www.philharmoniedeparis.fr


56

57

Lundi 19 janvier 20h15 - ROTTERDAM de Doelen LE VOYAGE D'HIVER Franz SCHUBERT Winterreise pour voix et piano Mark ANDRE AZ pour ensemble Johan Simons, mise en scène Michaël Borremans, décors Jan Vandenhouwe, dramaturgie Marcelo Buscaino, collaboration à la mise en scène Georg Nigl, baryton Andreas Staier, piano Ensemble intercontemporain Julien Leroy, direction

Le Voyage d'hiver est un projet auquel j’aurais aimé m’associer en tant que compositeur. Lorsque je me suis trouvé dans l’impossibilité de le mener à bien, un seul nom s’est imposé, sans hésitation : Mark Andre, dont la modestie, la simplicité et la spiritualité me paraissaient tout indiquées pour donner un nouvel éclairage à la musique de Schubert. J’ai eu le même sentiment avec le travail de Michaël Borremans : je connaissais son œuvre depuis longtemps, et j’y suis allé au culot. Prenant mon courage à deux mains, je lui ai envoyé un mail pour lui proposer le projet. Il m’a répondu en dix minutes, me disant que le Winterreise l’accompagnait depuis des années. Inventer une musique qui dialogue avec un tel chef-d’œuvre est un défi. Le travail de l’équipe a été des plus sincères en même temps qu’intelligent. Je pense que la grande qualité de ce travail est sa simplicité : en recherchant la simplicité, on a bien plus de chance d’aboutir au « beau ». Georg Nigl, Andreas Staier, Julien Leroy et les solistes de l’Ensemble portent ce spectacle poétique d’un bout à l’autre.

• Matthias Pintscher

Mercredi 21 janvier

Jeudi 22 janvier

Samedi 24 janvier

20h30 - AIX-EN-PROVENCE

20h30 - AIX-EN-PROVENCE

20h30 - GRENOBLE

Conservatoire Darius Milhaud

Grand Théâtre de Provence

MC2, auditorium

Œuvres et extraits d’œuvres de Javier ÁLVAREZ, Thierry DE MEY, Gérard GRISEY, Yan MARESZ, Yoshihisa TAÏRA, Toru TAKEMITSU, Vito ŽURAJ, etc.

LE VOYAGE D'HIVER

LE VOYAGE D'HIVER

Franz SCHUBERT Winterreise pour voix et piano Mark ANDRE AZ pour ensemble

Même programme que le 22 janvier à Aix-en-Provence

Gilles Durot, Samuel Favre, Victor Hanna, percussions Renseignements et réservations : www.aixenprovence.fr/ConservatoireD-Milhaud

Johan Simons, mise en scène Michaël Borremans, décors Jan Vandenhouwe, dramaturgie Marcelo Buscaino, collaboration à la mise en scène Georg Nigl, baryton Andreas Staier, piano Ensemble intercontemporain Julien Leroy, direction

Coproduction Ensemble intercontemporain, Musiektheater Transparant, Ruhrtriennale

Coproduction Ensemble intercontemporain, Musiektheater Transparant, Ruhrtriennale

Renseignements et réservations : www.dedoelen.nl

Renseignements et réservations : www.lestheatres.net

Renseignements et réservations : www.mc2grenoble.fr


58

59

Mardi 3 février 20h30 - PARIS Philharmonie de Paris Grande salle - Philharmonie 1 BOULEZ / VARÈSE Pierre BOULEZ Pli selon pli (Portrait de Mallarmé) Edgard VARÈSE Amériques pour orchestre Marisol Montalvo, soprano Ensemble intercontemporain Orchestre du Conservatoire de Paris Matthias Pintscher, direction Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris et Conservatoire de Paris Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h45 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Tarifs : 20€ / 10€ / 5€ Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Lors du week-end « Turbulences » de février 2014, les musiciens et le public ont réservé un accueil chaleureux à Marisol et son interprétation des Lieder de Webern : je ne connais pas d’autres chanteurs qui aspire ainsi sans cesse à rechercher l’émotion de cette musique. Peu de chanteurs ou de chanteuses ont à cœur de défendre la musique contemporaine avec la même exigence que le répertoire classique. Elle ne se contente pas d’interpréter à la perfection, elle va jusqu’au fond de sa musicalité, pour la faire respirer et prendre le temps de dire l’histoire qu’elle raconte. Je l’ai rencontrée il y a plus de dix ans, à Paris. Elle préparait mon HérodiadeFragments avec l’Orchestre de Paris, et elle a tout chanté… par cœur ! Pour une simple audition ! C’est une musicienne engagée, quel que soit le répertoire. Son Webern a été à mon sens une expérience merveilleuse, l’un des sommets de notre saison 2013-14.

• Matthias Pintscher

Entretien avec Marisol Montalvo soprano Vous abordez un répertoire extrêmement varié qui va de Gluck à Marco Stroppa, en passant par la bossa nova. Pour vous, est-ce un challenge ou une nécessité ? Je dirais plutôt un challenge, même si la musique contemporaine reste au cœur de mes préoccupations. Dans un opéra baroque comme Armide de Gluck ou Re Orso de Stroppa, il est toujours question de précision, de justesse… Quand j’ai une opportunité, je me dis : « Essayons… Pourquoi pas ? » Pour la bossa nova, c’est différent. J’ai grandi à New York, au carrefour de plusieurs influences qui sont venues enrichir mes racines portoricaines. Dans ma jeunesse, je n’ai pas bénéficié d’un enseignement musical classique au sens où on l’entend en Europe. On écoutait toutes sortes de musique : pop, world music, comédies musicales… J’ai commencé à sérieusement étudier la musique qu’à l’âge adulte. Quand j’étais jeune, je rêvais de devenir chanteuse pop, comme Janet Jackson ou Britney Spears. Je n’aurais jamais pensé devenir un jour chanteuse d’opéra !

Comment vous est venu le désir de chanter Pli selon pli de Pierre Boulez ? Cette œuvre est un chef-d’œuvre et un monument de difficulté pour l’interprétation. Je connaissais l’enregistrement de Christine Schaeffer et je brûlais d’envie de me confronter à mon tour à cette partition. Mais je ne voyais pas encore comment je pouvais réaliser ce projet et, comme je l’avais expérimenté avec le rôle de Lulu, j’étais bien consciente qu’il fallait que cela mûrisse. Dès 2008, j’ai discuté avec Matthias Pintscher de Pli selon pli. Quand j’ai rencontré Pierre Boulez deux ans plus tard, j’ai beaucoup insisté auprès de lui en lui disant combien j’étais passionnée par cette musique. Vous connaissiez la poésie de Mallarmé ? Je l’ai découverte en interprétant Hérodiade-Fragmente de Matthias Pintscher. J’ai fait l’effort de le lire en français, ce texte étant quasiment impossible à traduire… J’ai travaillé mot à mot, en essayant de saisir le sens de chacun et les impressions associées, avec une

répétitrice pour la prononciation. J’ai toujours ressenti beaucoup de sensualité dans la poésie de Mallarmé. La combinaison avec le matériau musical produit une sensation très érotique, un mélange fascinant de vie et de mort, de douleur, de joie et d’exaspération. J’ai voulu transmettre ces impressions au public pour lui transmettre la force du texte. J’adore voir sur le visage des auditeurs l’effet que produit la musique que je chante. Quelles sont les difficultés principales pour vous ? L’intelligibilité et le sens du poème ou les spécificités techniques de la voix ? La fragmentation du texte me donne, en tant qu’interprète, une certaine liberté d’action. Je me laisse porter par les couleurs que la musique infuse à l’intérieur des mots ; c’est une approche très picturale. Vocalement, l’interprétation est d’une difficulté phénoménale, surtout dans les changements de registres. Dans certaines parties, je dois chanter durant trente-cinq minutes en continu, avec des longues tenues dans l’aigu et des mélismes qu’il faut sans cesse assouplir, tout en conservant le sens des paroles. Le public parisien vous a découvert en 2003 dans le rôle de Lulu à l’Opéra Bastille. Pensez-vous que votre expérience du chant lyrique joue un rôle dans votre interprétation de Pli selon pli ? Oui, absolument… J’ai tout de suite senti une forme de drame sous-jacent dans Pli selon pli. Comme avec Lulu, j’ai su que je pouvais apporter un éclairage différent dans cette interprétation. Je connaissais déjà la musique de Pierre Boulez pour avoir chanté Le Soleil des eaux mais là, on atteint vraiment un sommet inégalé. Je suis consciente de marcher dans les pas de toutes les grandes interprètes de Pli selon pli qui m’ont précédée et je suis à la fois très fière et très humble de pouvoir le chanter à mon tour. Selon vous, existe-t-il une voix spécifique pour interpréter cette pièce ? C’est difficile à dire. Dans la partie « Improvisation III » par exemple, vous devez avoir une voix très flexible et malléable pour pouvoir monter dans l’aigu

et ensuite descendre très bas. Il faut être capable de chanter piano, souligner les aspects dramatiques, laisser flotter les notes, faire résonner les aigus… Cela nécessite une voix hybride entre colorature et soprano lyrique. Ce genre de difficulté se retrouve dans des rôles comme celui de Marie dans Les Soldats de Bernd Aloïs Zimmermann où il est nécessaire de tenir dans l’aigu et d’avoir beaucoup de profondeur dans les notes graves. C’est un rôle que j’aimerais vraiment aborder au moins une fois dans ma carrière. Comment affrontez-vous ce mélange de contrainte et de liberté qu’exige Boulez dans Pli selon pli ? Ce n’est pas l’aspect le plus difficile de cette musique. Dans la musique contemporaine, les interprètes alternent souvent entre contrainte et liberté. J’apprécie de me sentir libre, mais comme dans la vie, il faut négocier ! À certains moments, le chef attend que je finisse une phrase pour pouvoir continuer ; parfois c’est moi qui dois le suivre très strictement. Matthias Pintscher vous accorde-t-il beaucoup de liberté ? Après maintes discussions, oui ! Je suis très fière du résultat que nous avons obtenu à Glasgow dans Pli selon pli. C’est un partenaire formidable, un ami très proche et un compositeur de très grande qualité que j’apprécie beaucoup. Nous nous sommes rencontrés il y a dix ans, lorsque j’ai interprété son Hérodiade-Fragmente. J’ai travaillé cette pièce en quelques mois et je me souviens qu’il avait été bluffé en me voyant la chanter sans partition. J’ai un besoin vital d’intérioriser la musique que je chante et j’adore ressentir sur scène une certaine mise en danger, voire une vulnérabilité… Je ne peux rien exprimer face à un public, si je dois garder les yeux rivés sur les notes. À Glasgow, j’avais mémorisé la quasi-totalité de Pli selon pli, mais pour ne pas prendre de risques, j’ai gardé la partition à portée de vue. Quand je me présenterai devant le public de la Philharmonie de Paris, je n’aurai pas de partition et seulement l’envie de donner le meilleur de moi-même.

Propos recueillis par David Verdier Marisol Montalvo


60

61

Mercredi 4 février

Mercredi 11 février

19h - PARIS

20h - BORDEAUX

20h30 - PARIS

Conservatoire de Paris (CNSMDP) Salle Maurice Fleuret Créations des élèves de la classe de composition du Conservatoire de Paris

Auditorium, salle Dutilleux

Philharmonie de Paris Salle des concerts - Philharmonie 2

Joan MAGRANÉ FIGUERA Nouvelle œuvre Florent CARON-DARRAS Nouvelle œuvre Mikel URQUIZA Nouvelle œuvre Guillaume HERMEN Nouvelle œuvre Dahae BOO Nouvelle œuvre Denis Ramos Nouvelle œuvre Solistes de l’Ensemble intercontemporain Coproduction Ensemble intercontemporain, Conservatoire de Paris Entrée libre dans la limite des places disponibles sur réservation : reservation@cnsmdp.fr

Dimanche 8 février 11h - LYON Auditorium Arnold SCHÖNBERG Pierrot lunaire, op. 21 Bruno MANTOVANI Carnaval pour violon, clarinette et piano Salomé Haller, mezzo-soprano Solistes de l'Ensemble intercontemporain Renseignements et réservations : www.auditorium-lyon.com

Matthias PINTSCHER a twilight's song pour soprano et sept instruments Arnold Schönberg Cinq Pièces, op. 16 pour orchestre Arturo FUENTES Snowstorm pour ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain Aribert REIMANN Nacht-Räume pour piano à quatre mains et soprano Hans Werner HENZE Being Beauteous pour soprano colorature, harpe et quatre violoncelles Christine Schäfer, soprano Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Renseignements et réservations : www.opera-bordeaux.com

Vendredi 13 février

Matthias PINTSCHER a twilight's song pour soprano et sept instruments Anton WEBERN Six Pièces, op. 6 pour orchestre de chambre Arturo FUENTES Snowstorm pour ensemble Aribert REIMANN Nacht-Räume pour piano à quatre mains et soprano Hans Werner HENZE Being Beauteous pour soprano colorature, harpe et quatre violoncelles Christine Schäfer, soprano Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h30 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr


62

63

Jeudi 5 mars Samedi 7 mars 19h30 - PARIS Théâtre des Champs-Elysées SOLARIS Opéra en quatre actes Création mondiale Dai FUJIKURA, musique Saburo TESHIGAWARA, livret (d’après le roman éponyme de Stanislas Lem), mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, lumières Ulf LANGHEINRICH, conception images 3D et collaboration lumières Commande Théâtre des ChampsElysées, Opéra de Lille, Opéra de Lausanne, Ensemble intercontemporain, Ircam-Centre Pompidou Sarah Tynan : Hari Leigh Melrose : Kris Kelvin Tom Randle : Snaut Callum Thorpe : Gibarian Marcus Farnsworth : Kelvin Saburo Teshigawara, Rihoko Sato, Václav Kuneš : danseurs Avec la participation de Nicolas Le Riche Ensemble intercontemporain Erik Nielsen, direction Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam Coproduction Théâtre des ChampsÉlysées, Opéra de Lille, Opéra de Lausanne, Ircam-Centre Pompidou Spectacle en anglais, surtitré en français Tarifs : de 5€ (cat6) à 110€ (cat1) Réservations : 01 49 52 50 50 www.theatrechampselysees.fr Mercredi 4 mars à 18h30 : présentation de Solaris par l’équipe artistique Inscription : conferences@theatrechampselysees.fr

Voir aussi l'entretien avec Dai Fujikura et le texte Planète sous un crâne de Mathieu Larnaudie p. 64 à p. 69

SOLARIS La commande de la musique de ce nouvel opéra à Dai Fujikura date d’avant ma nomination à la direction musicale de l’Ensemble mais j’en suis très heureux car c’est un compositeur passionnant avec lequel je souhaite continuer à travailler à l’avenir. J’ai joué sa musique à de nombreuses reprises et je l’ai même enregistrée. Cet opéra inspiré par l’étrange roman de science fiction de Stanislas Lem, illustre bien le type de projets scéniques multidisciplinaires d’envergure auxquels j’aspire avec l’Ensemble. Le travail de Saburo Teshigawara est en outre ce que je recherche avec ardeur dans le domaine chorégraphique.

• Matthias Pintscher


64

65

Solaris, la planète océan Entretien avec DAI FUJIKURA compositeur

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le roman de Stanislas Lem, Solaris1 ? Cela fait un certain temps que ce livre m’inspire. En 2005, j’ai composé Vast Ocean, une œuvre pour trombone, orchestre et électronique en temps réel qui explore la planète océan de Lem. Puis, quelques années plus tard, j’ai écrit K’s Ocean, qui forme avec la première une sorte de diptyque. Une des choses qui m’a le plus intrigué dans le roman de Lem est ce sentiment d’inquiétante étrangeté que ressentent les occupants de la station orbitale gravitant dans l’atmosphère de Solaris. Leur immersion dans ce mystère rend sensible des affects et des dimensions de leur psyché qui n’auraient jamais pu apparaître sur Terre. Ce que je préfère dans le livre est évidemment Solaris, cette planète océan qui met en abyme chaque personnage, qui projette devant eux leurs amours disparues. Le trouble est immense. Kris Kelvin voit par exemple sa femme morte ressusciter leur vie domestique à bord de la station ; tout en elle semble réel, exactement comme dans ses souvenirs, et l’on ne peut nier qu’il se prend au jeu, au moins pendant un temps. Le drame ne se joue donc pas seulement entre les personnages, mais aussi à l’intérieur d’eux-mêmes, comme s’ils étaient chacun habités par

plusieurs personnes. Je pense que seule la musique peut exprimer pleinement ces conflits. J’aime aussi beaucoup la manière dont Stanislas Lem décrit la planète. Mon passage favori est une des toutes dernières parties du livre, quand la surface de Solaris joue avec Kelvin, avec sa main, dans un échange troublant. Cela me fait penser à la relation que nous entretenons nous-mêmes avec notre planète, faite de désirs et de déconsidérations. L’adaptation de Solaris sur laquelle vous avez travaillé associe plusieurs disciplines artistiques. Elle résulte d’une collaboration entre trois artistes : Saburo Teshigawara (chorégraphe), Ulf Langheinrich (plasticien et vidéaste) et vous-même. Comment s’est déroulée plus particulièrement la collaboration avec Saburo Teshigawara ? Teshigawara est l’auteur du livret de l’opéra, qu’il a écrit en japonais. Je l’ai traduit en anglais avec l’aide du poète anglais Harry Ross. La scénographie est très présente dans le livret, parfois jusque dans les moindres détails. J’ai pu ainsi visualiser les différentes scènes et déterminer quelle forme la musique devait prendre. Et dans la mesure où c’est moi qui aie traduit le livret, je peux choisir les mots qui conviendront le mieux à la ligne

1 Roman de science-fiction écrit en 1961 par l’auteur polonais Stanislas Lem.

musicale sans modifier le sens du texte de Teshigawara.

essentiellement dans la musique qui vient épouser ses mouvements d’humeur, dans un rythme que j’ai souhaité à la fois agréable et cassé. Sa voix sera également légèrement traitée par l’électronique, en ajoutant comme des traînes à ses mélodies, mais aussi un peu de reverb, appliqué de manière fragmentaire, et qui lui donnera une touche d’étrangeté. Elle est à la fois ici, parmi nous, et en même temps très loin. L’Ircam est partenaire du projet. Les parties électroniques seront composées

Pourriez-vous décrire certains des procédés que vous avez utilisés pour composer la musique ? Il y a un certain nombre de mots dans le livret que j’ai identifiés comme des mots-clés. À chaque fois que ces termes apparaissent, par exemple « Solaris » ou « Visitor », les chanteurs chantent le même motif transposé. Certains des personnages sont également liés à un son spécifique, comme l’Océan ou Snaut, et la musique se transforme quand les personnages changent d’humeur, par exemple quand Snaut est sincère, ce qui lui arrive rarement, ou quand Kelvin n’est pas honnête avec Hari, sa femme morte qui revient le hanter. J’ai par ailleurs dédoublé Kelvin. Un chanteur situé en dehors de la scène exprime ses pensées, permettant ainsi au public d’entendre la différence entre ce qu’il dit et ce qu’il pense. L’identité sonore du Kelvin hors du plateau est traitée par l’électronique, reprise et spatialisée dans la salle de manière à ce que l’auditoire soit en quelque sorte plongé dans sa tête. Hari, de son côté, chante plus lentement, dans un mètre régulier, ce qui lui donne une innocence bizarre, inquiétante. Sa part hystérique s’exprime Dai Fujikura

dans leurs studios. Quel rôle jouerontelles dans l’opéra ? L’électronique sera l’extension de l’ensemble instrumental. Un des principaux sujets de l’opéra est cette impression qu’ont les personnages d’évoluer dans un environnement radicalement étranger. Je voudrais que l’univers sonore de l’ensemble permette aux auditeurs de reconnaître quels instruments sont en train de jouer tout en ressentant qu’il y a dans chacun d’eux quelque chose de bizarre et de légèrement déplacé.

L’électronique sera jouée au cours de chaque représentation, en interaction avec le chef d’orchestre, les instruments, les voix, les danseurs, la vidéo et les lumières et chaque interprétation sonnera donc différemment des autres. L’électronique contribuera grandement à la constitution d’un son global, notamment en rapprochant les sons vocaux des sons instrumentaux. L’opéra aura le timbre d’un unique et vaste océan.

Propos recueillis par Bastien Gallet


66

67

Planète sous un crâne

par Mathieu Larnaudie, écrivain En contrepoint de la création de Solaris au Théâtre des Champs-Elysées, nous avons proposé à l’écrivain Mathieu Larnaudie d’écrire une libre variation sur le roman de Stanislas Lem. Adoptant le point de vue de son personnage principal, il raconte avec une rare intensité la solitude sans fin à laquelle la planète océan renvoie l’humanité.

Mais déjà les marques de brûlure se résorbent et disparaissent, la peau se reconstitue, les chairs rongées par l’acide se referment, le sang se rétracte, reflue et rentre dans sa plaie, comme absorbé, rappelé par le corps qui ressuscite à vue d’œil ; et, un instant plus tard, là où s’étirait une cicatrice béante – une crevasse érodée, un canyon dans la viande –, l’épiderme a retrouvé l’éclat diaphane dont Kelvin connaît la douceur, soie ou satin que ses lèvres ont mille fois effleuré, que ses dents ont mordu, et dont le grain immaculé attire maintenant irrépressiblement sa main, le force à toucher cette peau laiteuse et parfaite, à poser le doigt non sur la blessure mais sur son absence, à s’assurer qu’il peut croire ce qu’il voit et que le prodige (ou le sortilège) a bien eu lieu. Sa femme – ou quelle que soit la créature qui en a revêtu l’apparence – revient à elle et le regarde, regarde aussi le cylindre de verre fracassé au sol dans lequel se trouvait l’oxygène liquide qu’elle a bu et qui lui a dévoré le visage, la gorge, l’œsophage, les entrailles avant que le processus ne s’inverse et que la mort qu’elle espérait ne se retire de son corps, laissant celui-ci épouvantablement sain, intègre, indemne, vivant. Une lueur de désespoir passe dans les yeux de la suicidée contrariée, de retour d’entre les morts

parmi lesquels elle n’a pas même eu le temps d’établir son séjour, et qui s’offre désormais à l’incompréhension de l’homme qu’elle a tenté de fuir, son époux d’outre-monde, éploré coupable dont elle sent sur sa nuque ramper la paume chaude, presque moite, qui contraste avec la dalle métallique glacée contre laquelle sa joue repose. Elle est donc déjà morte trois fois, pense Kelvin en caressant les cheveux de sa femme, une première fois sur la Terre (son suicide réussi, son empoisonnement primitif comme on parle de scène primitive), une autre fois dans l’espace où il l’a fourbement expédiée à bord d’une capsule orpheline après son apparition initiale, son irruption soudaine dans la station, lorsqu’effrayé par ce spectre resurgi des zones les plus à vif de sa mémoire (la mémoire étant ce lieu paradoxal où le plus à vif est également le plus enfoui), il avait alors cru pouvoir (et préférer) s’en débarrasser, puis une dernière fois tout à l’heure, sans qu’il sache encore pourquoi ni même s’il y a le moindre pourquoi qui tienne, si elle s’est tuée pour répéter ce qu’elle avait fait sur Terre ou bien si c’est lui, Kelvin, qui la voue de la sorte, inéluctablement, puisqu’elle n’est après tout qu’un fantôme issu de sa mémoire et matérialisé au contact de la planète Solaris, à un suicide répété et sans fin, lui, Kelvin, qui voit en elle – qui réclame


68

69

pour ainsi dire – la suicidée qu’elle fut, ou encore si le geste de se donner la mort a été guidé comme on dit par la lassitude d’être là, d’être au monde dans ce monde qui n’en est pas un, pense Kelvin, ce monde qui n’est qu’un ersatz de monde, c’est-àdire, en vérité, rien d’autre que ce que les hommes, en construisant cette station sur Solaris, sont venus chercher, autrement dit leur propre monde sous les aspects d’un autre, car les hommes, finalement, ne recherchent que l’homme, ils n’explorent que pour annexer, ils ne parcourent que pour s’approprier, ils n’appareillent, ne traversent et n’accostent que pour étendre leur propre monde, pour établir dans les ailleurs les plus lointains des résidences secondaires, pour soumettre les altérités les plus inapprivoisables à leur raison et pour les convertir, pour en faire leurs prochains, pour rencontrer leur semblable ou le similaire à ce qu’ils connaissent déjà, aux lois qu’ils identifient ; car les hommes sont des chevaliers et des missionnaires qui veulent réduire tous les mondes au leur. Nous n’avons pas besoin d’autres mondes, nous avons besoin de miroirs, pense Kelvin en regardant son épouse suicidée, nous ne savons que faire d’autres mondes, se dit Kelvin en regardant sa femme morte par trois fois, un seul monde, notre monde, nous suffit, mais nous ne l’encaissons pas tel qu’il est, pense Kelvin en caressant la joue de son amour ressuscité, nous recherchons une image idéale de notre propre monde : nous partons en quête d’une planète, d’une civilisation supérieure à la nôtre, mais développée sur la base du prototype de notre passé primitif. Nous inventons et nous nous figurons d’autres mondes qui ne sont jamais que les prolongements, les déformations de notre monde et qui ne servent jamais qu’à mieux saisir et corriger et propager celui-ci. Nous écrivons des fables, nous transplantons nos questionnements dans d’autres sphères,

dans d’autres contextes magnétiques, sous d’autres ordres physiques, logiques, génériques, nous compilons les savoirs les plus précis et les plus exhaustifs possibles sur les objets les plus divers et mystérieux, nous exerçons notre entendement, nous croyons tenter de réduire l’irréductible et pourtant nous ne cherchons et ne trouvons jamais (pour ce que l’on croit trouver) que nous-mêmes, éventuellement nous-mêmes en un peu plus calmes ou effrayants. Quelles que soient les mécaniques que nous fabriquons, pense Kelvin, des fusées pour abolir les distances, des machines à explorer le temps, des théories en pagaille pour interpréter et tenter d’y plier l’ordre du chaos qui nous entoure et nous pénètre, des romans pour sonder nos âmes et bricoler d’autres mondes potentiels, pour transporter nos âmes dans d’autres mondes potentiels, des capsules pour y envoyer tour à tour nos fantômes, nos souvenirs encombrants, mais encore les signes de notre mémoire collective, les traces de notre présence, les témoignages de notre science, les séquelles de notre civilisation, c’est-à-dire censément le meilleur de nous-mêmes, nous sommes incapables de nous échapper, nous sommes incapables de faire fi de nos règles, nous sommes incapables de sortir de nos crânes. Nous débarquons sur Solaris pour étudier le fonctionnement d’une planète qui tourne en orbite autour de deux soleils, l’un rouge et l’autre bleu, une planète dont l’ellipse dessine des jours et des nuits tantôt rouges, tantôt bleus, des jours que nous n’avons pas l’heur de connaître et que nous croyons désirer connaître, et Solaris ne nous accueille que pour nous réfléchir, nous tendre ce miroir que nous traquons partout et nous donner à penser ce que nous sommes déjà ; ainsi, Solaris nous reste inaccessible, se cache et se détourne de nous, suscite et s’offre à toutes les théories avec la même souveraine

indifférence, nous renvoie un écran de fumée qui est l’écran fumeux de nos propres projections, et ne nous renvoie donc finalement qu’à la Terre, à notre arche malade et vieillissante, à notre connaissance et à ses limites, à notre passé, à notre mémoire dont Solaris convoque les figures qui la peuplent et qui reviennent s’agiter sous nos yeux, nous offrir leur peau à toucher, leur voix pour aiguillonner nos nerfs et perturber nos têtes malades et vieillissantes, leurs larmes à boire, leurs présences à porter en fardeaux. Nous ne trouvons rien sur Solaris qui ne se tienne pas déjà replié dans notre âme. Ici se dressent les fantômes qui nous hantent, qui prennent chair et demeurent auprès de nous ; ici les êtres que nous aimons ne sont que les représentations qui éclosent sous nos crânes malades et vieillissants, ne sont que les créatures d’os et de sang formées par les angoisses qui nous étreignent, ne sont que les figures objectivées de nos pensées morbides et coupables. Ici, en réalité, les êtres que nous aimons sont donc strictement la même chose que sur la Terre, et c’est précisément en cela que Solaris est le miroir dont nous avons besoin ; c’est précisément cela, l’enseignement que la planète dispense à ses visiteurs humains, ces chevaliers, ces missionnaires, ces scientifiques prétendus qui viennent étendre leur domaine à ses confins, et faire flotter leur médiocre savoir sur l’océan qui la recouvre. C’est bien cela que nous apprend Solaris, pense Kelvin tandis que sa femme se retourne et tremble, glisse sa main dans la sienne et se calme, se redresse, se relève peu à peu, engourdie et atterrée puis, bientôt, paisible et rassurée, et que son visage se hisse vers lui, que ses lèvres cherchent ses lèvres, que ses lèvres se posent sur les siennes. Ses lèvres sont chaudes et douces, ses épaules que Kelvin attrape, ses seins sont chauds, doux. Kelvin reconnaît cette chaleur et cette douceur.

Il existe une planète où le suicide et la douceur d’une peau sont sans fin. Kelvin sent le désir monter en lui en même temps que, d’un mouvement à la fois familier et renouvelé, il s’est laissé repousser par sa femme et basculer en arrière. Leurs lèvres restent attachées, leurs langues mêlées, leurs corps intriqués. Ainsi étendu, il sent sous son crâne, à travers sa chevelure comme irradiée par la glace, cristallisée, la dalle métallique du sol de la station. Ils se murmurent de ces obscénités stupides et ordinaires qui n’appartiennent qu’aux amants. Ses mains à elle enserrent les poignets de Kelvin comme il aime qu’elles le fassent et comme elles ont eu tellement l’habitude de le faire ; ses ongles s’accrochent dans la chair, y marquent leur empreinte. On ne s’habitue jamais aux résurrections. Mathieu Larnaudie est co-directeur de la revue et des éditions Inculte. Il est l'auteur de plusieurs livres dont Strangulations (Gallimard, 2008), La Constituante piratesque (Busozoïque, 2009) et Acharnement (Actes Sud, 2012).


70

71

Samedi 14 mars 15h - PARIS Philharmonie de Paris Amphithéâtre - Philharmonie 2 MUSIQUE DU GESTE Nicolaus A. HUBER Clash Music solo pour une paire de cymbales Vincent-Raphaël CARINOLA Toucher pour thereminvox, ordinateur et dispositif de diffusion six canaux Raymond Murray SCHAFER The Crown of Ariadne : Danse des insectes de nuit pour harpe Karlheinz STOCKHAUSEN Le Petit Arlequin pour clarinette Raymond Murray SCHAFER The Crown of Ariadne : Danse du Labyrinthe pour harpe Steve REICH Nagoya Marimbas pour deux marimbas François ROSSÉ Seven Shows for a Reptily Eight pour flûte, clarinette, harpe et percussion Solistes de l'Ensemble intercontemporain Nicolas Berteloot, régie son Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris Présentation du concert par Clément Lebrun à 14h15 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Tarif : 25€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr


72

73

Week-end pierre Boulez à l’occasion des 90 ans de leur fondateur, l’Ensemble intercontemporain et l’Ircam contribuent à l’hommage qui lui est rendu par la Philharmonie de Paris, avec des propositions artistiques inattendues durant le « week-end Pierre Boulez ». Compositeur, chef d’orchestre, essayiste, Pierre Boulez a puisé son inspiration dans la poésie, les musiques extra-européennes, le théâtre et n’a cessé de dialoguer avec des créateurs d’univers apparemment éloignés du sien. Entamée en 1973 avec la version dansée du Marteau sans maître, la rencontre avec Maurice Béjart illustre à merveille la résonance extramusicale de son œuvre. Dans ce premier programme partagé avec le Béjart Ballet Lausanne, le Dialogue de l’ombre double créé en 1998 est dansé avec deux autres œuvres de compositeurs chers à Boulez : Sonate à trois, sur des extraits de la Sonate pour deux pianos et percussion de Béla Bartók et Webern opus 5 à partir de l’œuvre éponyme du compositeur autrichien. En alternance avec ces pièces dansées, deux œuvres de Friedrich Cerha et Accords Perdus pour deux cors de Gérard Grisey forment une sorte d’écrin sonore à ces joyaux de la danse moderne. Avec la fanfare microtonale Zug d’Enno Poppe, ou le concerto pour basson torsion : transparent variation d’Olga Neuwirth, dédié à Pierre Boulez pour ses 75 ans, les œuvres programmées au cours du « Grand soir » explorent des régions esthétiques plus vastes et témoignent de la curiosité toujours vive de Pierre Boulez pour le travail des jeunes compositeurs. L’amitié qui le liait à Luigi Nono, l’une des principales figures de l’avant-garde musicale de l’aprèsguerre trouve également sa place dans ce concert avec A Pierre. Dell’azzuro silenzio, inquietum. Enfin, l’Académie de Lucerne, que Pierre Boulez dirige depuis 2004, est aussi représentée avec une création de Benjamin Attahir, jeune compositeur français dont une œuvre pour orchestre a été créée lors du festival 2013 et Scales du regretté Christophe Bertrand. La participation d’un ensemble de musiciens de free jazz donne toute la mesure du non-conformisme de ce parcours musical proposé par Matthias Pintscher et les solistes de l’Ensemble, que conclut …explosante fixe…, pour flûtes et ensemble, où le dispositif électronique diffracte la partie du soliste. Une conférence du musicologue Robert Piencikowski intitulée Pierre Boulez, ou l’émergence d’une personnalité musicale (19451970) suivie d’une table ronde, et des concerts donnés par les élèves du Conservatoire de Paris complètent le programme de ce week-end.

Jeudi 19 mars Vendredi 20 mars

Samedi 21 mars

Troisième partie

15h - PARIS

20H30 - PARIS

Philharmonie de Paris Amphithéâtre - Philharmonie 2

Pierre BOULEZ …explosante-fixe… pour flûte MIDI solo, deux flûtes, ensemble et électronique**

Philharmonie de Paris Salle des concerts - Philharmonie 2 BOULEZ / BÉJART Béla BARTÓK Sonate pour deux pianos et percussion : 1er et 2e mouvements* Friedrich CERHA Neuf Bagatelles, pour trio à cordes Anton WEBERN Cinq Mouvements, op. 5* pour quatuor à cordes Gérard GRISEY Accords perdus pour deux cors : I, II et III Pierre BOULEZ Dialogue de l'ombre double* pour clarinette, clarinette enregistrée et piano résonnant Maurice Béjart, chorégraphie* Béjart Ballet Lausanne* Solistes de l'Ensemble intercontemporain Andrew Gerzso, réalisation informatique musicale Nicolas Berteloot, régie son Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris Tarifs : 32€ / 26€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Conférence et table ronde BOULEZ ET LE PARTAGE DU SENSIBLE 15h : Conférence Pierre Boulez ou l’émergence d’une personnalité musicale Par Robert Piencikowski, musicologue 16h : Table ronde Entrée libre sur réservation

20h30 - PARIS Philharmonie de Paris Salle des concerts - Philharmonie 2 LE GRAND SOIR - À PIERRE Première partie Maurice RAVEL Frontispice (orchestration Pierre BOULEZ) pour ensemble Olga NEUWIRTH torsion : transparent variation pour basson et ensemble* Benjamin ATTAHIR Nouvelle œuvre Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain Christophe BERTRAND Scales pour ensemble -------entracte---------Deuxième partie Luigi NONO à Pierre. Dell'azzurro silenzio, inquietum pour flûte contrebasse, clarinette contrebasse et électronique en temps réel Die HOCHSTAPLER Session de Free Jazz *** Enno POPPE Zug pour sept cuivres -------entracte----------

Pascal Gallois, basson* Emmanuelle Ophèle, flûte midi ** Sophie Cherrier, Marion Ralincourt, flûtes** Die Hochstapler Jazz Quartet *** Matthias Pintscher, direction Andrew Gerzso, réalisation informatique musicale Ircam Eric Daubresse, réalisation informatique musicale Nicolas Berteloot, régie son Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris, en partenariat avec l’Ircam-Centre Pompidou Tarifs : 25€ / 20€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Et aussi : Dimanche 22 mars 14h30 à 17h30 - PARIS Philharmonie de Paris Musée de la Musique Concert-promenade Des élèves du Conservatoire de Paris interprètent des œuvres de Pierre Boulez et d’autres compositeurs qui l’ont inspiré. Tarif : 7€ Dimanche 22 mars 15h - PARIS Philharmonie de Paris Amphithéâtre - Philharmonie 2 Pierre BOULEZ Messagesquisse pour violoncelle solo et six violoncelles Marc Coppey, violoncelle Élèves du Conservatoire de Paris Tarif  : 25€

Que dire à propos de Boulez qui n’a pas encore été dit ! On en arrive à un point où les mots ne suffisent plus. J’éprouve tant de gratitude et de sympathie pour le personnage, mais aussi pour tout ce qu’il nous a légué : sa musique, sa pensée, sa pédagogie, l’Ircam, l'Académie du festival de Lucerne, sans oublier cet outil formidable qu’est l’Ensemble intercontemporain. C’est non seulement un honneur immense, mais une joie véritable que de partager cela. Je n’aurais jamais songé être ainsi investi dans le projet de l’Ensemble, mais cela s’est fait grâce notamment à mon amitié pour Pierre. Aujourd’hui, je constate qu’il n’y avait rien de plus naturel. Je nourris pour Pierre Boulez une grande admiration en même temps qu’une véritable affection, pour tout ce qu’il fait et pour ce qu’il est, pour la manière dont il voit et défend la musique. Je n’oublierai jamais le temps qu’il a pris pour se plonger avec moi dans des partitions de Debussy ou de Ravel. Quel autre musicien de cette envergure et de cette génération est disposé à partager ainsi, si volontiers, son savoir ? Cela peut paraître ridicule, mais je trouve cela extraordinaire. Et je suis très honoré de fêter son 90e anniversaire, avec l’Ensemble, à la Philharmonie de Paris, notamment avec son opus mega maximum, Répons – véritable manifeste d’une décennie de musique –, mais aussi avec Pli selon pli, d’une richesse et d’une complexité uniques. Étudier l’œuvre de Pierre, et l’interpréter, est toujours un plaisir pour moi. Je ne serais sans doute pas devenu compositeur et chef sans cette figure tutélaire.

• Matthias Pintscher


74

75

Mardi 24 mars

Dimanche 29 mars

Vendredi 10 avril

Mardi 21 avril

20h - LILLE

14h - PARIS

11h - PARIS

20h30 - PARIS

Jeudi 26 mars

Philharmonie de Paris Salle de répétition - Philharmonie 1

Philharmonie de Paris Amphithéâtre - Philharmonie 2

Philharmonie de Paris Salle des concerts - Philharmonie 2

CORTÈGE

Concert éducatif Au fil des cuivres

NEW-YORK

20h - LILLE

Samedi 28 mars 18h - LILLE Opéra SOLARIS Opéra en quatre actes Dai FUJIKURA, musique Saburo TESHIGAWARA, livret (d’après le roman éponyme de Stanislas Lem), mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, lumières Ulf LANGHEINRICH, conception images 3D et collaboration lumières Sarah Tynan : Hari Leigh Melrose : Kris Kelvin Tom Randle : Snaut Callum Thorpe : Gibarian Marcus Farnsworth : Kelvin Saburo Teshigawara, Rihoko Sato, Václav Kuneš : danseurs Avec la participation de Nicolas Le Riche Ensemble intercontemporain Erik Nielsen, direction Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam Coproduction Théâtre des ChampsÉlysées, Opéra de Lille, Opéra de Lausanne, Ircam-Centre Pompidou Spectacle en anglais, surtitré en français Renseignements et réservations : www.opera-lille.fr

Luciano BERIO Ricorrenze pour quintette à vent Kryštof MAŘATKA Exaltum pour trio à cordes et piano Aureliano CATTANEO Concertino pour trombone et ensemble amplifié Harrison BIRTWISTLE Cortege. A ceremony for fourteen musicians, in memory of Michael Vyner Solistes de l'Ensemble intercontemporain Nicolas Berteloot, amplification Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris Dans le cadre d’Orchestres en fête Tarifs : 12€ (adulte) / enfant 8€ (enfant) Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Solistes de l’Ensemble intercontemporain Clément Lebrun, présentation Durée : 1 heure Niveaux conseillés : du CM1 à la 5e Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris Tarif : 8€ Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

David FULMER Concerto pour cor et ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain Aaron COPLAND Appalachian spring (Ballet for Martha) suite pour treize instruments Sean SHEPHERD Concerto pour ensemble Création mondiale / commande Ensemble intercontemporain Avec le soutien du French-American Fund for Contemporary Music (un programme de FACE avec le soutien des Services Culturels de l'Ambassade de France, de la Sacem, de l'Institut français, de la Florence Gould Foundation et de la Andrew W. Mellon Foundation) Jens McManama, cor Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris Concert précédé de la conférence Pour une philosophie politique de la musique avec Lydia Goehr, philosophe 18h30, Amphithéâtre - Philharmonie 2 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Tarif : 18€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Je suis installé depuis quelques années aux États-Unis, et Aaron Copland fait là-bas partie du panthéon musical. Je le connaissais un peu quand j’étais plus jeune, mais je ne m’y étais jamais réellement intéressé. Non pas que je n’aime pas cette musique, mais je crois que j’avais une attitude un brin condescendante à son endroit : c’est une musique si simple, si américaine. Je ne savais qu’en faire. J’ai toutefois commencé à en jouer : les symphonies, le Concerto pour clarinette, et Appalachian Spring. Et – qui l’eût cru ? – je suis tombé amoureux de cette musique. Appalachian Spring traduit l’esprit de ce que l’Amérique peut offrir de meilleur. Quand on voyage dans le Midwest, dans les Rocheuses ou en Californie, on peut contempler ces paysages grandioses… La nature ici est d’une telle beauté, et cette beauté puissante et fantastique se retrouve dans la musique de Copland. Non seulement dans ses passages les plus dansants, mais aussi dans ses moments plus intimes. Appalachian Spring a tout à fait sa place au sein de ce concert consacré à deux très jeunes talents de la scène américaine, David Fulmer et Sean Shepherd : il témoigne des racines de cette musique. Au reste, quand on songe à la musique américaine, on pense bien sûr à Carter, Cage, Reich, Adams, Glass, mais on devrait aussi penser à Nancarrow, à Antheil, à Varèse, ou même à Barber… et à Copland, évidemment ! Bien sûr, j’aurais pu mettre du Carter à la place – Carter qui fait bien plus partie de l’univers de l’Ensemble –, mais j’ai voulu là encore mettre l’accent sur notre héritage, sur ce grand répertoire duquel naît la musique d’aujourd’hui, de la même manière qu’on a pu jouer la saison dernière du Mozart, du Schumann ou du Mahler. Appalachian Spring est une œuvre que j’adore, et je pense que, si je crois en une œuvre, j’ai la légitimité de la faire écouter à Paris pour laisser le public juger : c’est mon rôle.

• Matthias Pintscher


76

77

Vendredi 24 avril

Dimanche 26 avril

20h - LAUSANNE

15h - PARIS

Dimanche 26 avril

Philharmonie de Paris Amphithéâtre - Philharmonie 2

15h - LAUSANNE Opéra

Hommage à Elliott carter

SOLARIS Opéra en quatre actes

Elliott CARTER Scrivo in vento pour flûte Enchanted preludes pour flûte et violoncelle Sonate pour flûte, hautbois, violoncelle et clavecin Figment IV pour alto Tre Duetti pour violon et violoncelle Oboe Quartet pour hautbois, violon, alto et violoncelle

Dai FUJIKURA, musique Saburo TESHIGAWARA, livret (d’après le roman éponyme de Stanislas Lem), mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, lumières Ulf LANGHEINRICH, conception images 3D et collaboration lumières Sarah Tynan : Hari Leigh Melrose : Kris Kelvin Tom Randle : Snaut Callum Thorpe : Gibarian Marcus Farnsworth : Kelvin Saburo Teshigawara, Rihoko Sato, Václav Kuneš : danseurs Avec la participation de Nicolas Le Riche Ensemble intercontemporain Erik Nielsen, direction Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam Coproduction Théâtre des ChampsÉlysées, Opéra de Lille, Opéra de Lausanne, Ircam-Centre Pompidou Spectacle en anglais, surtitré en français Renseignements et réservations : www.opera-lausanne.ch

Solistes de l’Ensemble intercontemporain Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris Présentation du concert par Clément Lebrun à 14h15 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Tarif : 25€ Formules d'abonnements de 15 à 30% de réduction Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr


78

79

Mardi 28 avril

Samedi 9 mai

Samedi 16 mai

19h30 - LONDRES

20h - COLOGNE

21H - WROCLAW

Barbican Centre

Philharmonie ACHT BRÜCKEN

Lieu à déterminer Musica Electronica Nova Festival

Yoshiaki ONISHI Tramespace II pour grand ensemble Création mondiale / Commande Ensemble intercontemporain Marco STROPPA élet...fogytiglan pour ensemble Création mondiale de la version complétée Commande Acht Brücken / Musik für Köln Luciano BERIO Passaggio. Messa in scena pour soprano, deux chœurs et instruments

Pierre BOULEZ Incises pour piano ' Marcin STAnCZYK Aftersounds pour deux percussionnistes et électronique Magnus LINDBERG Related Rocks pour deux pianos, deux percussions et dispositif électroacoustique Philippe Leroux M pour deux pianos, deux percussions et dispositif électronique Philippe Hurel Tombeau pour percussion et piano

Claude DEBUSSY Syrinx pour flûte Pierre BOULEZ Mémoriale pour flûte et huit instruments Matthias PINTSCHER Choc (Monumento IV) pour grand ensemble Yann ROBIN Asymétriades pour contrebasse et ensemble Pierre BOULEZ sur Incises pour trois pianos, trois harpes et trois percussions-claviers Sophie Cherrier, flûte Nicolas Crosse, contrebasse Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Renseignements et réservations : www.barbican.org.uk

Julia Henning, soprano Kölner Vokalsolisten Ensemble intercontemporain Pablo Heras-Casado, direction Renseignements et réservations : www.achtbruecken.de

Samedi 16 mai MARSEILLE - Horaire à déterminer La Friche Belle de Mai FESTIVAL LES MUSIQUES Programme à déterminer Renseignements et réservations : www.lafriche.org

Solistes de l’Ensemble intercontemporain Serge Lemouton (Ircam) et Juhani Liimatainen (studio expérimental de la Radio Finlandaise), Cort ' Lippe, Marcin Stanczyk, réalisation informatique musicale Miller Puckette, conseiller scientifique Ircam Renseignements et réservations : www.musicaelectronicanova.pl


80

81

Jeudi 11 juin

Dimanche 14 juin

Du 22 juin au 4 juillet

20h30 - PARIS

AMSTERDAM - Horaire à déterminer

PARIS

Philharmonie de Paris Grande salle - Philharmonie 1

Gashouder HOLLAND FESTIVAL

Le 104 MANIFESTE 2015 - Académie

Michael JARRELL Assonance VII pour percussion* Helmut LACHENMANN Mouvement (-vor der Erstarrung) pour ensemble Pierre BOULEZ Répons pour six solistes, ensemble, sons électroniques et dispositif électronique en temps réel**

Pierre BOULEZ Répons pour six solistes, ensemble, sons électroniques et dispositif électronique en temps réel

Depuis sa création en 2012, l’Ensemble intercontemporain est associé aux ateliers de composition de l’académie du festival ManiFeste organisé par l’Ircam. Cette année encore les solistes accompagneront de jeunes compositeurs dans leur travail de création qui aboutira à un ou plusieurs concerts dirigés et de musique de chambre.

Victor Hanna, percussion* Gilles Durot, xylophone** Frédérique Cambreling, harpe** Samuel Favre, vibraphone** Hidéki Nagano, piano** Dimitri Vassilakis, piano** Mihai Trestian, cymbalum** Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Andrew Gerzso, Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris, Ircam-Centre Pompidou Dans le cadre du festival ManiFeste-2015 de l'Ircam Présentation du concert par Clément Lebrun à 19h45 Entrée libre sur réservation au 01 44 84 44 84 Tarifs : 20€ / 10€ / 5€ Réservations : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

Complément de programme à déterminer Gilles Durot, xylophone Frédérique Cambreling, harpe Samuel Favre, vibraphone Hidéki Nagano, piano Dimitri Vassilakis, piano Mihai Trestian, cymbalum Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Andrew Gerzso, Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam Renseignements et réservations : www.hollandfestival.nl

Samedi 20 juin ALDEBURGH - Horaire à déterminer Lieu à déterminer ALDEBURGH FESTIVAL Pierre BOULEZ Répons pour six solistes, ensemble, sons électroniques et dispositif électronique en temps réel Complément de programme à déterminer Gilles Durot, xylophone Frédérique Cambreling, harpe Samuel Favre, vibraphone Hidéki Nagano, piano Dimitri Vassilakis, piano Mihai Trestian, cymbalum Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher, direction Andrew Gerzso, Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam Renseignements et réservations : www.aldeburgh.co.uk

Informations à partir d’avril 2015 sur www.ensembleinter.com


82

83

L'anatomie de la sensation Du 4 au 16 juillet PARIS Opéra Bastille l'Anatomie de la sensation pour Francis Bacon Ballet Mark-Anthony Turnage, musique (Blood on the Floor) Wayne McGregor, chorégraphie John Pawson, scénographie Moritz Junge, costumes Lucy Carter, lumières Peter Erskine, batterie Martin Robertson, saxophone John Parricelli, guitare électrique Michel Benita, guitare basse Les Étoiles, les Premiers danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra Ensemble intercontemporain Peter Rundel, direction Willi Bopp, régie son Tarifs : de 5€ à 60€ selon la catégorie Représentation du 14 juillet gratuite ; entrée libre dans la limite des places disponibles Réservations : - 08 92 89 90 90 (0,34 € TTC/min hors coût éventuel selon opérateur) ou au +33 1 71 25 24 23 depuis l'étranger, du lundi au vendredi de 9h à 18h et le samedi jusqu'à 13h - Aux guichets du Palais Garnier et de l'Opéra Bastille - www.operadeparis.fr Samedi 4 juillet, 19h30 Dimanche 5 juillet, 14h30 Mardi 7 juillet, 19h30 Mercredi 8 juillet, 19h30 Vendredi 10 juillet, 19h30 Samedi 11 juillet, 19h30 Mardi 14 juillet, 14h30 Jeudi 16 juillet, 19h30

Entretien avec Mark-Anthony Turnage compositeur La chorégraphie sur Blood on the Floor a été créée alors que vous étiez en train de travailler avec le même chorégraphe, Wayne McGregor, sur un autre ballet, Undance, pour Sadler’s Wells, à Londres. Pourriez-vous nous parler des différences et des similarités entre ces deux œuvres ? Parce que Wayne McGregor est un chorégraphe très original, il y a dans ses ballets des mouvements distinctifs qui rendent son travail unique et immédiatement reconnaissable. Je n’étais pas présent pendant les premières étapes de travail sur le ballet, la chorégraphie fut donc une réponse autonome à ma musique – ce fut pour moi quelque chose de fascinant. De mon point de vue, la grande différence entre les deux créations est que Blood on the Floor existait déjà, alors que la musique d’Undance a été composée spécialement à partir d’un scénario détaillé que Wayne, Mark Wallinger et moi-même avions écrit. Avec Undance, j’ai travaillé sur des miniatures de deux à trois minutes. Blood on the Floor est une œuvre de quatre-vingts minutes et les mouvements dont elle est composée sont bien plus longs. La différence de format entre les deux canevas n’est pas sans effet sur la manière dont la danse est conçue. Parlant de canevas, Blood on the Floor a été influencé par les œuvres de Francis Bacon, et doit son titre à l’un de ses der-

niers tableaux. Wayne McGregor a appelé son ballet L’Anatomie de la sensation, un titre plus abstrait mais qui évoque également le travail de Bacon… Je pense que la manière dont Bacon traite la figure humaine a influencé la chorégraphie de Wayne. Mais ma musique fut sans doute inspirée par la couleur et la violence de Blood on the Floor, un tableau que j’ai découvert dans les années 1980 alors que je rendais visite à Bacon dans sa galerie – c’était un de ses tableaux les plus récents. Il possède une qualité viscérale qui me suggéra immédiatement de la musique. Avant Blood on the Floor, d’autres tableaux de Bacon m’avaient également beaucoup inspiré, en particulier la série des « Papes » d’après Velázquez, dans lesquels j’entenwdais toutes sortes de musiques – moins des choses religieuses que des choses en rapport avec la musique espagnole par exemple. Et cette image d’une personne en train de crier, de sa bouche… qui en soi est déjà de la musique. Votre musique avait déjà été fortement influencée par le jazz et vous avez, au début de votre carrière, collaboré longuement avec Martin Robertson (le saxophoniste originel de Blood on the Floor, qui jouera aussi dans les concerts qui seront donnés en 2015). Mais Blood on the Floor fut la première œuvre dans laquelle vous avez incorporé des parties

improvisées dans la trame même de la musique. Est-ce quelque chose qui apparaît dans la chorégraphie ? Blood on the Floor comprend un nombre important de passages improvisés. C’est particulièrement vrai pour le batteur et pour le trio de solistes (saxophone, guitare électrique, batterie) dans l’avant-dernier mouvement, « Crackdown », où la danse doit être libre. Cela a été particulièrement intéressant de voir Wayne concevoir la chorégraphie de ce mouvement ; le caractère improvisé de la musique de cette partie signifie que la durée peut varier de trois à sept minutes : la danse doit donc être à la hauteur de cela et les danseurs doivent également improviser. En général, danse et musique sont assez précisément construites malgré la liberté des parties solistes. En composant Blood on the Floor, j’ai découvert que le défi était d’inventer des procédés qui permettraient aux solistes venant du jazz contemporain de s’associer naturellement avec le langage de mon écriture pour ensemble. Par exemple, je m’intéresse beaucoup aux accords de voix, à la manière dont les notes sont espacées verticalement dans un accord – quelque chose qui remonte à Stravinsky – et j’ai découvert que le premier guitariste à avoir joué l’œuvre, John Scofield, travaillait de manière similaire. Cela nous donnait un point de contact. J’ai été heureux de découvrir, pendant les répétitions des premiers concerts à Paris en 2011, que les interprètes impliqués étaient également sensibles au langage compositionnel, capables d’écouter et de répondre au contexte musical dans lequel je les avais placés. Le principe de construction de la majeure partie de l’œuvre consiste à donner aux solistes des fragments mélodiques sur lesquels ils vont construire des improvisations : ils jouent pendant dix ou douze mesures, puis l’ensemble prend le relai sur du matériau écrit, avec des articulations et des dynamiques détaillées – et toutes les

choses que les compositeurs de la tradition à laquelle j’appartiens ont l’habitude de noter scrupuleusement –, puis il y a une autre intervention soliste, et l’ensemble à nouveau… Mon travail de compositeur a consisté à laisser des espaces pour ces interventions et à en contrôler précisément les alternances… Ainsi, le matériau improvisé ou libre existe dans un contexte qui est déterminé par le matériau écrit, et se développe à partir de ce contexte. J’ai été heureux d’offrir à Wayne la possibilité d’inventer des structures comparables dans sa chorégraphie. Le travail de Francis Bacon a toujours connu une vraie reconnaissance à Paris, notamment grâce à l’exposition monographique au Grand Palais en 1971 qui conforta sa réputation internationale. Vous avez initialement composé Blood on the Floor pour un ensemble allemand et l’œuvre est maintenant interprétée par l’Ensemble intercontemporain en tant que ballet. Est-ce que le caractère international de votre musique est quelque chose dont vous avez conscience en écrivant ? Mon œuvre n’a pas souvent été jouée en France et je suis très heureux qu’elle le soit à nouveau. Ma musique peut troubler les gens dans la mesure où elle n’est jamais ni entièrement tonale ni entièrement atonale. Par ailleurs, mes influences jazz ont parfois tendance à diviser le public. Si je me souciais de la réception de ma musique, je n’écrirais pas une seule note. Je me contente de composer, c’est une obsession. Une fois que c’est écrit, ça ne m’appartient plus.

Propos recueillis par John Fallas

Mark-Anthony Turnage


84

85

L’œuvre musicale et sa subversion Entretien avec Lydia Goehr philosophe

Dans The Imaginary Museum of Musical Works, vous soutenez – c’est la grande thèse du livre – que l’œuvre musicale n’est pas un concept ontologique (dont la fonction serait de définir ce que sont ces objets qu’on nomme les œuvres musicales), mais un concept historique et régulateur dont l’émergence remonte à l’extrême fin du xviiie siècle. Autrement dit, le concept d’œuvre musicale ne se contente pas de désigner une classe d’objets, il façonne et régule la pratique de la musique depuis 1800. Parce qu’il est apparu, nous pourrions penser qu’il disparaîtra un jour. Il semble pourtant qu’il soit toujours là, malgré la diversité de plus en plus grande des pratiques. Comment expliquez-vous cette longévité ? Plus le concept d’œuvre s’élargit, ce qui se passe quand on l’utilise pour penser des pratiques musicales qui n’ont que des liens très lâches avec la tradition occidentale, plus il perd de son contenu. Il tend à devenir un pur signifiant, une catégorie régulatrice vide. Cet usage débridé le neutralise. Ce phénomène n’est pas ontologique, comme certains philosophes tendent à le penser, il est social et politique. Un concept comme celui d’œuvre peut très bien prendre possession d’une pratique artistique et la réguler tout en étant par ailleurs complètement vide. Le problème est que ce concept, dans la mesure où il s’applique à tout, n’accomplit plus aucun travail substantiel. Il ne

permet même plus de distinguer une œuvre de son contraire. On pourrait considérer cela comme une démocratisation du concept, désormais accessible à tous, et donc comme un accomplissement. Mais on pourrait aussi considérer que cette égalisation lui ôte toute signification. Et si l’œuvre ne fonctionne plus comme catégorie régulatrice, il est peut-être temps de lui substituer un autre concept, par exemple celui d’expérimentation ou d’improvisation. Ils pourraient légitimement jouer un rôle plus important, voire être une alternative au concept d’œuvre, qui tend à devenir de plus en plus mortifère. Un certain nombre de musiciens utilisent ces concepts pour décrire et donner un contenu à des pratiques qui sont encore régulées par l’idée d’œuvre. C’est un phénomène dialectique, une manière de circonscrire les effets néfastes d’un concept toujours actif. Cette situation se manifeste clairement dans l’interprétation de la musique classique. Il ne suffit pas de jouer correctement toutes les notes de la partition pour l’interpréter. Et pourtant, c’est précisément ce que le concept d’œuvre requiert : l’exactitude. L’interprétation est tout autre chose. Elle ne peut s’accomplir qu’en dépassant l’œuvre, ce qui revient dialectiquement à la nier. Quand le pianiste Peter Serkin joue une œuvre du répertoire, il l’interprète « à rebrousse-poil » pour reprendre une expression de Walter Benjamin. Le rythme, par exemple, devient légèrement – à peine – non familier, comme si la musique

était sans cesse sur le point de trébucher. On reconnaît l’œuvre, bien sûr, mais sans cette familiarité qui accompagne en général notre écoute. Bach se met à sonner comme Schönberg et Schönberg comme Beethoven car Serkin joue en quelque sorte contre la partition. Une légère altération des hauteurs va lui permettre de rendre la musique d’Alban Berg harmonieuse malgré son atonalité. Il ne cesse de déjouer les attentes de l’auditeur. On pourrait comparer ses interprétations à la lecture critique des textes du passé, qui fait apparaître des contenus et des significations que la tradition a perdus. Dans Elective Affinities, votre dernier ouvrage, vous consacrez un long chapitre à la question de l’expérimentation mais c’est un thème qui traverse en fait tout le livre. La musique expérimentale n’a cessé de remettre en cause le concept d’œuvre et parfois avec une très grande radicalité. Étrangement, vous considérez que 4’33’’ de John Cage fut une expérience moins subversive que Times Square de Max Neuhaus, une installation sonore qui date de 1977. Parler d’expérimentation a-t-il encore un sens ? Quel rôle une musique expérimentale peut-elle espérer jouer aujourd’hui ? Avec 4’33’’, John Cage a clairement cherché à contester le concept d’œuvre, en rendant manifeste l’ensemble des contraintes sur lesquelles elle repose. Il n’en demeure pas moins que les bruits que


86

87

l’auditeur est amené à entendre pendant 4’33’’ sont cadrés par le temps et l’espace de l’institution musicale. Max Neuhaus revendique le statut d’œuvre pour Times Square alors même qu’elle ne peut exister indépendamment de son site et qu’elle est inaudible à ceux qui ignorent sa présence. Utiliser le nom d’œuvre pour une installation comme celle-ci est plus subversif que de composer une œuvre dont la finalité est de subvertir son concept. En ce sens, Times Square est une œuvre authentiquement expérimentale. Historiquement, le concept d’expérimentation a pris deux voies extrêmement divergentes, voire contradictoires : l’une en direction d’un contrôle et de conditions de plus en plus strictes, l’autre vers une liberté toujours plus grande. La liberté de l’expérimentalisme artistique d’un côté, les contraintes de l’expérimentation scientifique de l’autre. Je distingue clairement les deux termes. D’une certaine manière, l’interprétation musicale est passée, au cours de son histoire, d’un pôle à l’autre, de la stricte observance de la lettre de l’œuvre à la reproduction de plus en plus libre de son esprit. Une interprétation n’est expérimentale qu’à partir du moment où elle remet en cause l’œuvre interprétée, se confronte, voire s’oppose à elle. Il lui faut subvertir l’œuvre, questionner son autorité comme dans la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave. Mais ce faisant, l’œuvre est préservée, car il faut bien se battre

contre quelque chose. C’est l’argument de Theodor Adorno, qu’on retrouve d’ailleurs chez les post-structuralistes. Une liberté absolue est vide. On ne peut être autonome qu’en relation à quelque chose qui nous détermine. Pour ceux qui soutiennent la thèse de la fin ou de la mort de l’art, selon qu’on se réfère à Arthur Danto ou à Theodor Adorno, la revendication que l’artiste fait de son autonomie n’a plus aucun sens aujourd’hui car rien ne vient la contraindre. Toutes les productions musicales sont possibles et permises. Pourquoi revendiquerait-on une liberté que l’on possède déjà ? D’un autre côté, cette liberté n’a plus aucune valeur, car elle n’a plus rien à combattre, rien contre quoi exister et s’affirmer. S’interroger sur la musique expérimentale aujourd’hui, se demander si elle a toujours un rôle à jouer, n’est-ce pas poser à nouveau ces questions ? Le seul moyen de sortir de cette contradiction, c’est de se demander pourquoi il y a encore tant d’urgence à se poser ces questions. C’est ce que j’ai appris d’Adorno. Quelles sont les conditions sociales et politiques qui font que ces revendications sont si importantes ? Car je ne crois pas qu’il s’agisse là de questions artistiques ; ce sont des questions sociales et politiques. S’il est un concept qu’Adorno maintient malgré tous les changements qu’il lui fait subir, c’est celui d’œuvre. Comme si

l’œuvre était le dernier lieu possible de la critique et de la contestation. Il existe pourtant un certain nombre de pratiques artistiques engagées, par exemple participatives, qui ne font pas œuvre. Le livre que je suis en train d’écrire a pour sujet la compétition [contest] entre les arts, ce que les Grecs appelaient l’agôn. Ce combat est plus ancien que le concept d’œuvre. Il a trait à la manière dont les arts ont lutté, luttent toujours, les uns contres les autres. On l’observe déjà chez Platon et on n’a cessé de poser ces questions depuis lors : la peinture est-elle supérieure à la poésie et la poésie à la musique, la musique à l’architecture, l’architecture à la sculpture, etc. ? Faire l’histoire de ces combats ouvre des perspectives nouvelles et fascinantes. On écrit beaucoup sur le caractère agonistique de la démocratie et sur la question de la résistance, de la contestation, comme s’il s’agissait d’un même problème. Tout le monde nous dit de résister, mais qu’est-ce que cela veut dire exactement ? Je fais de ce point de vue une distinction très nette entre compétition [contest] et contestation [contestation]. J’écris sur les luttes qui ont traversé l’histoire des arts et qui n’ont pas toutes donné lieu à de réelles contestations. Il en est une, célèbre, que j’analyse dans The Quest for Voice : le concours que Richard Wagner met en scène dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg et qui remet en cause, conteste le concept

même d’opéra. L’enjeu de ce concours est de remplacer celui-ci par le concept wagnérien de « drame musical ». Une autre sorte de compétition est celle qui relève de l’idée d’ekphrasis, qui désigne les descriptions que les arts font les uns des autres, par exemple quand un poème décrit un tableau ou quand un tableau représente une architecture. Mais cela pourrait aussi s’appliquer aux œuvres qui citent ou reprennent des œuvres du passé et ce faisant se mesurent à elles. Cette tendance est aussi liée à l’idée nostalgique selon laquelle il serait impossible de faire mieux que Beethoven, Mozart ou Wagner. Alors, indéfiniment, on recompose leurs œuvres. Le dernier chapitre d’Elective Affinities est consacré à l’opéra américain, sous le titre énigmatique « Amerikamüde / Europamüde », que l’on pourrait traduire par « Fatigué de l’Amérique / Fatigué de l’Europe », comme si l’on était voué à passer d’une fatigue à l’autre. Vous montrez néanmoins qu’elles ne sont pas de la même nature : la seconde est inséparable d’un rêve d’Amérique, alors que la première est en partie l’effet de la tension produite par le rêve européen. Je dois commencer par dire que je suis moi-même entre ces deux mondes. Je suis née en Angleterre, je vis et travaille aux États-Unis et j’écris sur des penseurs et des musiciens allemands. Mais mon

intérêt pour l’exil tient à ce qu’il a à voir avec la transmission de la pensée en tant que celle-ci ne peut fonctionner que de manière dialectique. Rien ne se transmet simplement ou immédiatement, et particulièrement de l’Europe vers l’Amérique. Dans Elective Affinities, je me suis intéressée à un discours de la philosophie de l’histoire qui, surtout en Allemagne, présentait l’Amérique comme un idéal à venir, quelque chose qui ne faisait pas encore partie de l’Histoire. Dans ce discours, l’Amérique était toujours le continent du futur, du pas encore, un espace utopique où l’on pouvait, et devait, projeter toutes sortes de rêves. L’écart entre cet idéal européen et l’histoire réelle, empirique, du continent a été aux États-Unis la source d’une grande tension ; qui fut encore compliquée par le fait que l’Amérique est peuplée de personnes qui viennent du monde entier, dont un grand nombre d’Européens. Ces questions ont donc littéralement hanté la conscience américaine : Y a-t-il une musique américaine ? Un opéra américain ? Et si c’est le cas, que sont-ils ? Comment les définir ? Ce qui m’intéresse ici, ce sont moins les questions elles-mêmes, dont les réponses sont finalement assez évidentes, que l’urgence qu’il y a à les poser, urgence qui a un rapport direct avec l’inquiétude que le concept de nation transporte avec lui. Encore une fois, le problème n’est pas artistique mais politique. Il ne s’agit pas au fond de savoir ce qu’est une

musique ou un compositeur américain mais ce que cela veut dire qu’être américain. L’inquiétude vient de là et je crois qu’elle n’a jamais été aussi grande.

Propos recueillis par Bastien Gallet Philosophe, professeur à la Columbia University de New York, Lydia Goehr est née en Angleterre dans une famille de musiciens et d’artistes. Son père, le compositeur Alexander Goehr, a fait une grande partie de sa carrière en Angleterre. Il fut, en 1955 et 1956, l’élève d’Olivier Messiaen à Paris et se lia d’amitié avec Pierre Boulez. Son grand-père, le chef d’orchestre et compositeur Walter Goehr, étudia avec Arnold Schönberg à l’Académie des arts de Berlin et dirigea la première anglaise de la Turangalîla-Symphonie d’Olivier Messiaen en 1953. Sa grand-mère, Laelia Goehr, originaire de Kiev, étudia le piano avec Leonid Kreutzer à Berlin. Également photographe, elle est devenue célèbre pour ses portraits de musiciens. Lydia Goehr a fait ses études à Cambridge où elle a soutenu une thèse sous la direction du philosophe Bernard Williams. Elle est l’auteur de trois ouvrages de philosophie de la musique et d’histoire de la théorie esthétique (elle a notamment proposé une fascinante généalogie historique des concepts d’œuvre, d’autonomie et d’expérimentation) : The Imaginary Museum of Musical Works: An Essay in the Philosophy of Music (Clarendon Press, Oxford, 1992), The Quest for Voice: On Music, Politics, and the Limits of Philosophy (Clarendon Press, Oxford, 2002) et Elective Affinities: Musical Essays on the History of Aesthetic Theory (Columbia University Press, 2008). The Quest for Voice paraîtra aux Éditions de la Philharmonie de Paris dans une traduction de Lambert Dousson et Élise Marrou (printemps 2015).


88

89


90

91

Décade : Portrait d'ensemble

par Anne-James Chaton, poète sonore

Il lit.

Il lit Ray Bradbury. Il lit Chroniques martiennes. Il est dans l’Union Européenne. Il est en République Française. Il fume. Il fume du tabac. Il fume des pueblo. Il nuit à sa santé. Il nuit à son entourage. Il prend un kleenex. Il se mouche. Il mange un bonbon. Il est frais. Il a des sensations. Il est à Rouen. Il est rue Guillaumele-Conquérant. Il est au 7. Il est libre. Il est fraternel. Il est en République Française. Il a des droits. Il a des devoirs. Il vote. Il est en 2013. Il est le

11 septembre. Il est à Rouen. Il est rive gauche. Il est avenue de Caen. Il est au 31. Il est chez snoa. Il est client. Il est avec Catherine. Il est avec Marvin. Il est serviable. Il est rapide. Il est agréé. Il est avec le réceptionnaire. Il a une voiture. Il a une Opel. Il fait des réparations. Il remplace des pièces. Il remplace : - le silencieux arrière - le joint - le tuyau central échappement - le silent bloc echappt Il mange un bonbon. Il mâche du gingembre. Il a des douleurs. Il a de la fièvre. Il prend du paracétamol. Il prend un comprimé. Il voyage. Il prend le train. Il est en 2013. Il est le 11 novembre. Il est 13h40. Il est à Paris. Il est en zone urbaine. Il monte

dans un taxi. Il est avec Samuel. Il est à l’ircam. Il est adhérent. Il est à la spedidam. Il est adhérent. Il a des congés spectacle. Il est assuré. Il est à la maif. Il a un code. Il consulte son compte. Il est en République Française. Il est avec Samuel. Il est avec Amedé. Il est avec Gaspard. Il est à Paris. Il est en 2013. Il va bien. Il est en groupe. Il déjeune. Il paie par chèque. Il est en Europe. Il est en République Française. Il a un permis. Il conduit. Il est malade. Il a la grippe. Il prend un médicament. Il prend une dose. Il a le nez bouché. Il a le rhume. Il a une sinusite. Il est adulte. Il inhale de l’eau de mer. Il a une ouïe sensible. Il se protège les tympans. Il porte une protection auditive. Il utilise de la cire naturelle. Il perd 27 dB. Il se douche. Il met du déodorant. Il est le 31 décembre. Il est en 2013. Il est à la banque. Il est à la bnp paribas. Il est à Paris. Il est rue Raynal. Il est au 20. Il est à l’agence. Il est à l’agence Daumesnil. Il est avec Nicolas. Il a un compte. Il est au guichet. Il dépose un chèque. Il remplit le bordereau. Il est à Nice. Il est sur la Côte d’Azur.

Il est libre. Il voyage. Il monte dans un bus. Il est avec Ying. Il est avec un compositeur. Il est à leroy merlin. Il est client. Il a une carte. Il a des envies. Il prend vie. Il fait des achats. Il est assuré. Il est adhérent. Il a le tiers payant. Il est à Monaco. Il est le 2 janvier. Il est en 2014. Il est 20h02. Il est Galerie du Métropole. Il est au 113. Il est au restaurant. Il est chez Pizza et Pasta. Il mange une pizza 4 saisons. Il paie. Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est à Monte-Carlo. Il est aux Ballets de Monte-Carlo. Il est au Grimaldi Forum. Il est salle des Princes. Il est le 2 janvier. Il est en 2014. Il est 20h30. Il est avec Jenny. Il va voir un spectacle. Il est assis au parterre 2. Il est place 39. Il assiste à Casse-noisette. Il est à Paris. Il est rue Daguerre. Il est au 6. Il est samedi 4 janvier. Il est en 2014. Il est 21h09. Il est Maison Peret. Il est au restaurant. Il est table 46. Il appelle le serveur. Il commande du Côtes-du-rhône. Il mange une assiette de jambon à l’os. Il mange des pommes de terre. Il paie. Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est à Nice. Il est rue Centrale. Il est au 2. Il est le 22

janvier. Il est en 2014. Il est à la librairie Jean Jaurès. Il achète un livre. Il achète Les Bébés de la consigne automatique. Il est à la caisse. Il est avec la caissière. Il paie. Il dit merci. Il est rue Barberis. Il est au 5. Il est à Nice. Il est chez le fleuriste. Il achète des fleurs. Il paie. Il va à l’espace sportif. Il a un pass. Il fait du sport. Il est chez Carine. Il est avec Alex. Il est rue Gioffredo. Il est au 5. Il est à Nice. Il est au Bel-œil. Il est dans un café. Il est rue Emmanuel-Philibert. Il est au 12. Il est à Nice. Il est chez jean louis david. Il se fait coiffer. Il a une offre. Il est privilégié. Il est à l’Atelier. Il est avec Franck. Il visite une galerie. Il aime l’art. Il est contemporain. Il est à Nice. Il est rue des Congrès. Il est au 2. Il visite une galerie. Il est avec Guillaume. Il est avec le directeur. Il aime l’art. Il est à Nice. Il est avenue Saint-Jean-Baptiste. Il est 15h38. Il est dans une librairie. Il achète une bande dessinée. Il achète Terres maudites. Il est à la caisse. Il a un article. Il paie. Il a mal à la tête. Il prend de l’aspirine. Il prend un cachet. Il lit Kurt Schwitters. Il lit l’Ursonate :


92

93

Dedesnn nn rrrrr, desnn nn rrrrr nn nn rrrrr nn rrrrr Iiiii Eeeee m mpe mpff mpiffte mpiff tilll mpiff tillff mpiff tillff toooo, Dedesnn nn rrrrr, Ii Ee, mpiff tillff toooo, Dedesnn nn rrrrr, Ii Ee, mpiff tillff toooo, tillll Dedesnn nn rrrrr, Ii Ee, mpiff tillff toooo, tillll,Jüü-Kaa?llll,Jüü-Kaa? (cantado) Fümms bö wö tää zää Uu, pögiff, kwii Ee. Dedesnn nn rrrrr, Ii Ee, mpiff tillff toooo, tillll, Jüü-Kaa? Rinnzekete bee bee nnz krr müüüü, ziiuu ennze ziiuu rinnzkrrmüüüü, Rakete bee bee. Zikete bee bee (F) Rinnzekete bee bee Rakete bee bee Zikete bee bee ennze Rinnzekete bee bee ennze Rakete bee bee ennze Zikete bee bee nnz krr Rinnzekete bee bee nnz krr Rakete bee bee nnz krr Zikete bee bee nnz krr müüüü Rinnzekete bee bee nnz krr müüüü Rakete bee bee nnz krr müüüü

Il voyage. Il est sur air france. Il a une carte Flying blue. Il est à Strasbourg. Il est place Dauphine. Il est au 1. Il est à Musica. Il est à un festival. Il écoute de la musique. Il est avec Bénédicte. Il est avec la déléguée de production. Il est à Paris. Il est rue de la TombeIssoire. Il est au 60. Il est au Jugurtha. Il est au restaurant. Il est le 26 janvier. Il est en 2014. Il est 21h09. Il dîne. Il boit du vin. Il boit avec modération. Il paie. Il est à la banque. Il est à la bnp paribas. Il est 11h48. Il est le 27 janvier. Il est en 2014. Il est à l’agence. Il a un compte. Il dépose un chèque. Il conserve le reçu. Il est avec Nicolas. Il est à la poste. Il est le 27 janvier. Il est en 2014. Il est 12h15. Il parle au facteur. Il réceptionne un colis. Il est à la ratp. Il est à la station Alésia. Il est le 29 janvier. Il est en 2014. Il est 11h58. Il est à l’appareil. Il charge son pass. Il achète un forfait. Il prend une semaine. Il prend les zones 1 à 2. Il paie. Il est à Paris. Il est avenue du Général-Leclerc. Il est au 107 bis. Il est le 29 janvier. Il est en 2014. Il est 19h49. Il fait des courses. Il est à elan nature. Il achète : du pain, de la fleur de brebis, de la tomme de chèvre, du tarama blanc, de l’huile d’arachides, des abricots entiers Il est à la caisse n°2. Il est avec Benoît. Il paie. Il conserve le ticket.

Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est à Paris. Il est rue de l’Échelle. Il est au 4. Il est à l’Ensemble intercontemporain. Il joue de la contrebasse. Il lit une partition. Il joue un concerto de chambre. Il joue du Ligeti. Il est à la bibliothèque. Il emprunte une partition. Il emprunte Aus dem Nachlass de Kagel. Il lit. Il lit Elégies à Mytilène. Il lit le chapitre lxxxix. Il lit La Solitude. Il écrit. Il écrit un poème. Il écrit Altération Anatomique. Il travaille. Il étudie. Il déchiffre une partition : lento pochiss eco (ancora più piano) poco in rilievo la corda libera cresc. pochissimo poco poco in rilievo poco rinforzando poco sim

Il joue. Il joue de la musique. Il joue Louis Andriessen. Il joue Workers Union. Il est avec Nina. Elle est à Paris. Elle est avenue Jean-Jaurès. Elle est au 188. Elle est au Bœuf Couronné. Elle

est table n°1. Elle est un samedi. Elle est le 2 février. Elle déjeune. Elle est servie par Karim. Elle mange un pavé de rumsteck. Elle boit du vin. Elle boit du Gamay. Elle prend un verre de Touraine. Elle paie. Elle dit merci. Elle est à l’Ensemble intercontemporain. Elle prend un mouchoir. Elle se mouche. Elle met une crème. Elle est pure. Elle est à la camomille. Elle voyage. V Sloveniji je. V Ljubljani je. Piše ministru za kulturo. Na pošti je. Pošilja pošto. Priporočeno. Spravi potrdilo.V Ljubljani je. Na Poljanski ulici je. Na številki 17 je. V neki agenciji je. Išče koncerte. Pogovarja se z Moniko. Na Slovenski cesti je. Na številki 30 je. Pri Digitalnem Fotocentru je. Razvija fotografije. V Ljubljani je. Na Tomšičevi ulici je. Pripravlja turnejo. Igra v Avstriji. Igra v Bolgariji. Igra na Hrvaškem. Igra v Republiki Češki. Igra na Madžarskem. Igra v Moldaviji. Igra na Poljskem. Igra v Romuniji. Igra v Srbiji. Igra v Sloveniji. Igra v Turčiji. Igra v Ukrajini. V Ljubljani je. Na univerzi je. Študira. Študira glasbo. Slabo vidi. Nosi očala. Nakupuje. V H&M je. Posluša radio. Gleda televizijo. V mestu je. Gre na avtobus. V neki knjigarni je. Kupi knjige. V Republiki Sloveniji je. V Ljubljani je. Telefonira. V Music Boxu je. Na Levstikovi ulici je. Na 4a je. Najame en film. Je 3. februar. V hotelu je. V Grand Hotelu je. V Rogaški je. V Grand Hotelu Rogaška je. V Rogaški

je. V toplicah je. Kopa se. Sie ist auf Reisen. Sie ist in Frankfurt/Main. Sie ist in der Schwedlerstraße 2-4. Sie ist im Ensemble Modern. Sie spricht mit Sava. Sie spielt Trompete. Sie hat Kopfschmerzen. Sie nimmt ein Aspirin. Sie nimmt 500 mg. Sie ist bei ikea. Sie hat eine Prepaid-Karte. Sie kauft Möbel. She is travelling. She’s in Hungary. She’s in Budapest. She’s on Cseppkö Street. She’s at number 18. She’s at the Slovenian embassy. She’s seen by the first secretary. She’s talking to Matej. She is travelling. She’s in Washington. She’s on 21st Street, NW. She’s at number 1600. She’s at the Phillips Collection. She’s talking to the musical director. She’s talking to Caroline. She’s in Washington DC. She’s on 22nd St., NW. She’s at number 801. She’s at the George Washington University. She’s at the Columbian College of Arts & Sciences. She’s at the department of music. She’s talking to a professor. She’s talking to Douglas. She’s with Matthias. He’s in New York. He’s got a car. He’s driving. He’s on Riverside Boulevard. It’s winter. It’s February. He’s in the street. He chews a chewing gum. He takes the subway. He’s carrying a suitcase. He’s in 2014. He’s at Hook Up. He’s having lunch. He goes to see a show. He’s at the New York Philharmonic. He’s at a concert. It’s conducted by Alan Gilbert. He’s with Ethan.


94

95

He’s sick. He’s healing himself. He’s insured. He’s got health insurance. He’s at the bank. He’s at the Chase Bank. He’s got a credit card. He withdraws money. He goes into a store. He looks at the collection. He buys an Armani. Il voyage. Il est à Paris. Il est avenue Jean-Jaurès. Il est au 210. Il est le 4 février. Il est en 2014. Il est 14h05. Il est dans une brasserie. Il est au Biclowne. Il déjeune. Il prend le plat du jour. Il est avec l’employé. Il paie. Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est le 4 février. Il travaille. Il a un emploi du temps : • 10h - 13h partielle SCHUBERT / M. Andre : AZ. Intermèdes pour Winterreise D 911 chanteur + mise en scène + pianiste Georg NIGL / Andreas STAIER • 14h - 17h partielle WEBERN : op. 13 et op. 15. / SZYMANOWSKI op 46b Chef + soliste + pianiste MP / M. Montalvo / pianiste • 14h - 16h30 Répétition SCHUBERT / M. Andre : AZ. Intermèdes pour Winterreise D 911 tutti 3 + solistes Georg NIGL / Andreas STAIER / JL mise en scène • 16h30 - 18h Répétition ANDRIESSEN : Workers Union, symphonic movement for any loud... EO/JCJMC/GS/EMC/NC • 16h30 - 18h technique démontage scèno Winterreise / montage instruments • 18h - 21h Répétition WEBERN : Quatre Lieder, op. 13, pour soprano et ens. tutti + soliste WEBERN : Cinq Lieder spirituels, op. 15, pour sop. et ens. tutti + soliste RAVEL : Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé, tutti + soliste SZYMANOWSKI : Slopiewnie, cinq mélodies op. 46b tutti + soliste Matthias PINTSCHER / Marisol MONTALVO / Diana AXENTII • 22h - 22h30 technique démontage instruments / mise en scène Winterreise Il est à Paris. Il est avenue Jean-Jaurès. Il est au 210. Il est le 4 février. Il est en 2014. Il est 23h16. Il est dans une brasserie. Il est au Biclowne. Il dîne. Il prend le plat du jour. Il est avec l’employé. Il paie. Il prend la note. Il dit merci. Il dit à bientôt. Il est à l’Horloge. Il est à Paris. Il est le 6 février. Il est 13h47. Il est table numéro 5. Il déjeune. Il prend un repas complet. Il est à la caisse. Il est avec le serveur. Il paie. Il remercie l’équipe. Il est le 6 février. Il travaille. Il a un emploi du temps : • 9h - 10h technique remise en place du décor • 10h - 12h30 Répétition Captation vidéo SCHUBERT / M. Andre : AZ. Intermèdes pour Winterreise D 911 tutti 4 + solistes Georg NIGL / Andreas STAIER / JL + mise en scène • 14h - 17h générale Captation vidéo SCHUBERT / M. Andre : AZ. Intermèdes pour Winterreise D 911 comme ci-dessous • 17h - 18h30 technique démontage scéno Winterreise / montage percus Rihm • 18h30 - 21h30 Répétition RIHM : Tutuguri VI (Kreuze), Music after Antonin Artaud, for six... tutti MC + Étudiants CNSMDP • 21h30 - 23h30 technique démontage percus Rihm / mise en scène pour générale « longue nuit »

Il est à Paris. Il est rue des Envierges. Il est au 1. Il est le 6 février. Il est en 2014. Il est 23h16. Il est à L’O’Paris. Il dîne. Il boit du Côtes-du-rhône. Il mange un gravlax de saumon. Il commande un risotto d’orge perlé. Il paie. Il est à Paris. Il est à Bastille. Il est rue Saint-Sabin. Il est au 4 bis. Il est à casa bagno. Il est le 7 février. Il est en 2014. Il est avec le conseiller. Il a un projet. Il fait des choix. Il choisit des produits. Il prend du sur mesure. Il prend de la qualité. Il est libre. Il est fraternel. Il est en République Française. Il a des droits. Il a des devoirs. Il est en République Française. Il est en Europe. Il a un permis. Il conduit. Il est à nicobat. Il est rue des Rigoles. Il est au 26. Il est à Paris. Il est à Nation. Il est à castorama. Il est client. Il fait des achats. Il est avec le directeur. Il est avec Nicolas. Il présente un extrait Kbis. Il a une carte artisan. Il a une offre. Il a 15% de remise. Il est rue Saint-Opportune. Il est au 3. Il est à Paris. Il est au Vestibule. Il est à la spedidam. Il est artiste. Il est interprète. Il joue de la musique. Il danse. Il est adhérent. Il est rue Oberkampf. Il est au 154. Il est à Paris. Il est à l’Atelier 154. Il est avec Stéphane. Il parle au directeur. Il est à cinebank. Il loue une vidéo. Il a une carte. Il a des avantages. Il est au Conservatoire. Il est à Gennevilliers. Il est rue de la

Paix. Il est au 1. Il téléphone. Il est avec Nicolas. Il est à l’ircam. Il est à la fnac. Il est adhérent. Il est passionné. Il est avec Nicolas. Il est à Paris. Il est dans une agence immobilière. Il est rue du Jourdain. Il est au 2 bis. Il est dans l’agence. Il parle avec le directeur. Il est avec Alexandre. Il a des valeurs. Il a de la force. Il est chez corep. Il a une carte. Il fait des copies. Il imprime en couleur. Il est en France. Il est avenue Jean-Jaurès. Il est au 145. Il est à Paris. Il développe des photos. Il est pro. Il est à Paris. Il est avenue Jean-Jaurès. Il est au 210. Il est le 14 février. Il est en 2014. Il est 23h22. Il est dans une brasserie. Il est au Biclowne. Il dîne. Il prend le plat du jour. Il est avec l’employé. Il paie. Il prend la note. Il dit merci.

Il dit à

bientôt.

Voir aussi la présentation de ce texte par Anne-James Chaton dans le sommaire de cette brochure.


96

97

L’Ensemble intercontemporain Créé par Pierre Boulez en 1976 avec l’appui de Michel Guy (alors secrétaire d’État à la Culture) et la collaboration de Nicholas Snowman, l’Ensemble intercontemporain réunit 31 solistes partageant une même passion pour la musique du XXe siècle à aujourd’hui. Constitués en groupe permanent, ils participent aux missions de diffusion, de transmission et de création fixées dans les statuts de l’Ensemble. Placés sous la direction musicale du compositeur et chef d’orchestre Matthias Pintscher, ils collaborent, au côté des compositeurs, à l’exploration des techniques instrumentales ainsi qu’à des projets associant musique, danse, théâtre, cinéma, vidéo, arts plastiques, etc. Chaque année, l’Ensemble commande et joue de nouvelles œuvres, qui viennent enrichir son répertoire. En collaboration avec l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique (Ircam), l’Ensemble intercontemporain participe à des projets incluant de nouvelles technologies de production sonore.

Les actions éducatives et culturelles TOUT PUBLIC AUTOUR DES CONCERTS Les concerts donnés à Paris sont, pour la plupart, précédés d’une présentation des œuvres au programme. Elles offrent à chacun l’occasion d’être accompagné dans son expérience de la musique du xxe siècle à aujourd’hui. Certains concerts sont également suivis d’une rencontre avec les musiciens, ouverte aux questions du public sur les œuvres et leur interprétation.

Les spectacles musicaux pour le jeune public, les activités de formation des jeunes instrumentistes, chefs d’orchestre et compositeurs ainsi que les nombreuses actions de sensibilisation des publics, traduisent un engagement profond et internationalement reconnu au service de la transmission et de l’éducation musicale. Depuis 2004, les solistes de l’Ensemble participent en tant que tuteurs à l' Academie du festival de Lucerne, session annuelle de formation de plusieurs semaines pour des jeunes instrumentistes, chefs d’orchestre et compositeurs du monde entier. En résidence à la Cité de la musique (Paris) depuis 1995, et à partir de janvier 2015 à la Philharmonie de Paris, l’Ensemble se produit et enregistre en France et à l’étranger où il est invité par de grands festivals internationaux. Financé par le ministère de la Culture et de la Communication, l’Ensemble reçoit également le soutien de la Ville de Paris.

RÉPÉTITIONS PUBLIQUES Certaines répétitions à Paris et en région sont ouvertes au public. Une autre façon de découvrir les œuvres (parfois au tout début de leur processus de création) ainsi que le travail des compositeurs et des interprètes. Ces répétitions sont pour la plupart commentées par un médiateur en collaboration avec les musiciens.

personnalités des solistes. Elles peuvent être axées sur un thème, une période de l’histoire de la musique, un instrument et son répertoire, un compositeur, etc. Le rapport de proximité entre le public et les solistes renforce la dimension d’échange et de partage d’expérience.

SOLISTES EN BIBLIOTHÈQUES (en partenariat avec Paris Bibliothèques) Ces rencontres musicales dans les bibliothèques et les médiathèques parisiennes sont conçues et animées par les solistes de l’Ensemble. Elles ont pour but de faire découvrir l’univers de la musique du xxe siècle à aujourd’hui à un large public. La variété des interventions reflète la diversité des

Faire découvrir la musique du xxe siècle à aujourd’hui aux plus jeunes, c’est former le public de demain. Un enjeu décisif porté par des activités spécialement conçues pour le jeune public.

JEUNE PUBLIC

CONCERTS ÉDUCATIFS Imaginés par les solistes de l’Ensemble avec la collaboration d’auteurs et de metteurs en scène, ces concerts présentent au jeune

public, sous une forme ludique et originale, des œuvres du xxe siècle à aujourd’hui. Ils sont réalisés en partenariat avec le service pédagogique de la Cité de la musique. Concerts éducatifs de la saison 2014-15 p. 51 et p. 74 PARCOURS SCOLAIRES Pendant l’année scolaire 2014-15, les élèves d’une classe du collège Georges-Méliès viendront découvrir le monde musical de l’Ensemble intercontemporain. Ce parcours propose aux collégiens de se familiariser avec les lieux de concerts, les œuvres et les métiers de la musique, grâce à la rencontre avec les musiciens, les compositeurs, les chefs d’orchestre, les techniciens.... SÉANCES JEUNESSE EN BIBLIOTHÈQUES (en partenariat avec Paris Bibliothèques ) La relation directe avec un musicien, son instrument et bien sûr avec la musique, est toujours une source d’émerveillement pour les enfants. Les solistes de l’Ensemble les plus sensibles à la transmission au jeune public proposent des séances musicales pédagogiques et ludiques qui stimulent la curiosité et encouragent l’échange. Autant d’opportunités pour les enfants (et leurs parents) de découvrir des mondes musicaux qui nourrissent l’imagination et la créativité.

ENSEIGNANTS Stage « La face cachée de l’orchestre » Ce stage organisé par l’académie de Créteil s’adresse à des enseignants de toutes disciplines. En trois jours de formation ils découvrent les activités de trois orchestres : Les Talens Lyriques, l’Orchestre national d’Îlede-France et l’Ensemble intercontemporain.

Les spécificités artistiques, pédagogiques et institutionnelles de chacune de ces trois formations sont présentées aux enseignants. Ils rencontrent les musiciens et les responsables des services pédagogiques. Ils découvrent les différents métiers de l’orchestre et participent à des ateliers pratiques, des répétitions publiques, etc.

MASTER CLASSES ET ATELIERS EN CONSERVATOIRES Accompagnés par les solistes de l’Ensemble, les étudiants des conservatoires nationaux, régionaux et parfois internationaux, futurs professionnels (ou amateurs), découvrent les techniques et les modes de jeu propres au répertoire contemporain. Ils se familiarisent ainsi avec des écritures musicales actuelles et les projets des compositeurs d’aujourd’hui. Au Conservatoire national de musique et de danse de Paris, des ateliers pédagogiques de haut niveau, conçus à partir d’œuvres au programme d’un concert de la saison, permettent à de jeunes musiciens en voie de professionnalisation de se perfectionner au contact de leurs aînés expérimentés de l’Ensemble. Ce travail approfondi réalisé sur une période de plusieurs semaines aboutit à un concert réunissant l’Ensemble intercontemporain et l’orchestre du Conservatoire. En 2014-15, il aura lieu le 3 février 2015 à la Philharmonie de Paris. Un lieu exceptionnel pour un programme qui le sera tout autant puisqu’il donnera à entendre le cycle intégral Pli selon pli de Pierre Boulez et Amériques d’Edgard Varèse (voir p. 58 de cette brochure) La collaboration avec le Conservatoire de Paris se renforcera cette saison avec de nouveaux

projets d’accompagnement des étudiants des classes de composition et de direction d’orchestre.

ACADÉMIE DU FESTIVAL DE LUCERNE Depuis sa création en 2004, les solistes de l’Ensemble intercontemporain participent aux sessions de l’académie du festival de Lucerne, sous la direction artistique de Pierre Boulez. Internationalement réputés pour leur expérience pédagogique, ils contribuent au perfectionnement de la formation de jeunes musiciens de haut niveau venus du monde entier. Ce travail en profondeur se déploie sur plusieurs semaines et donne lieu à plusieurs concerts donnés dans le cadre du festival de Lucerne. www.academy.lucernefestival.ch academy@lucernefestival.ch

ACADÉMIE du festival MANIFESTE L’Ensemble intercontemporain est associé à l’académie du festival ManiFeste organisé par l’Ircam, depuis sa création en 2012. Pour cette nouvelle édition du 22 juin au 4 juillet 2015, l’Ensemble interviendra principalement dans les ateliers dédiés aux jeunes compositeurs, tant en créations dirigées que non dirigées. Ils aboutiront à un ou plusieurs concerts publics. www.ircam.fr/academie.html

Informations complémentaires et calendrier des activités sur www.ensembleinter.com


98

99

Matthias Pintscher

Composition et direction d’orchestre : dans l’esprit de Matthias Pintscher, ces deux domaines d’activité sont totalement complémentaires. « Ma réflexion de chef d’orchestre est enrichie par mon propre processus d’écriture, et vice versa », explique-t-il. Créateur d’œuvres majeures pour des orchestres de premier plan, sa sensibilité de compositeur lui apporte une compréhension de la partition « de l’intérieur » qu’il partage avec les musiciens. Matthias Pintscher entretient ainsi d’étroites collaborations avec de grands interprètes (Gil Shaham, Julia Fischer, Frank Peter Zimmermann, Truls Mørk, Emmanuel Pahud, Tabea Zimmermann, Antoine Tamestit, JeanYves Thibaudet, etc.) et des chefs du monde entier tels que Simon Rattle, Pierre Boulez, Claudio Abbado, Valery Gergiev, Christoph von Dohnányi, Kent Nagano, Christoph Eschenbach, Franz Welser-Möst ou Daniel Harding. Artiste associé du BBC Scottish Symphony Orchestra depuis la saison 2010-11, il est aussi artiste en résidence de l’Orchestre de la Radio danoise depuis mai 2014. Il dirige aujourd’hui régulièrement en Europe, aux États-Unis et

Directeur musical

en Australie de grandes formations internationales parmi lesquelles l’orchestre philharmonique de New York (depuis mai 2014), les orchestres symphoniques de Milwaukee et de l’Utah, ceux de la BBC, de la RAI, de Sydney et de Melbourne, les orchestres du Théâtre Mariinsky, de l’Opéra de Paris, de la Staatskapelle de Berlin, de la NDR d’Hambourg et du MDR de Leipzig, de la Tonhalle de Zürich, mais aussi le Mahler Chamber Orchestra, la Philharmonia de Londres, etc. En 2014-2015, il dirigera pour la première fois l’orchestre philharmonique de Los Angeles, l’Orchestre symphonique national de Washington DC, l’orchestre du Bayerischer Rundfunk et le National Arts Centre Orchestra d’Ottawa. Très engagé dans la diffusion du répertoire contemporain, Matthias Pintscher est nommé directeur musical de l’Ensemble intercontemporain en juin 2012. Il prend ses fonctions en septembre 2013. Il collabore avec de nombreux ensembles tels que l’Ensemble Modern, le Klangforum Wien, l’Ensemble Contrechamps, l’Ensemble Avanti ! (Helsinki), le Remix Ensemble (Porto)

et le Scharoun Ensemble du Philharmonique de Berlin. Matthias Pintscher est également directeur artistique de l’académie du festival de Printemps de Heidelberg, dédiée aux jeunes compositeurs. Sa passion pour la pédagogie trouvera un nouveau développement à la Juilliard School de New York où il a été nommé professeur de composition ; un poste qu’il occupera à partir de septembre 2014. En 2012, il est sélectionné par la Commission Roche pour sa création Chute d’Étoiles dont la première a lieu au festival de Lucerne en août de cette même année, avec l’orchestre de Cleveland sous la direction de Franz WelserMöst. L’œuvre est ensuite reprise au Severance Hall de Cleveland et au Carnegie Hall en novembre 2012. Matthias Pintscher suit une formation musicale dès son plus jeune âge (piano, violon, percussion). À 15 ans, il dirige l’orchestre symphonique des jeunes de la ville de Marl en Allemagne. Il commence à composer quelques années plus tard, parallèlement à sa formation en direction d’orchestre, qu’il suit

notamment à Vienne auprès de Peter Eötvös, en 1994. Depuis, il partage ses activités entre la composition et la direction d’orchestre. Ses créations se distinguent par la délicatesse de leur univers sonore, le raffinement de leur construction et leur précision d’expression. Elles sont interprétées par des grands orchestres philharmoniques et symphoniques (parmi lesquels ceux de Berlin, New York, Cleveland, Chicago, Londres et Paris) et des ensembles spécialisés cités pus haut. Matthias Pintscher est l’auteur de deux

opéras (dont L’Espace dernier, créé à l’Opéra national de Paris, Bastille en 2004), de nombreuses œuvres orchestrales, de concertos (dont Mar’eh, concerto pour violon créé en 2011 par Julia Fischer, le cycle en trois parties Sonic Eclipse, ou Bereshit créé en 2013), et d’œuvres de musique de chambre (dont Uriel pour violoncelle et piano, créé en 2013), toutes publiées aux éditions Bärenreiter. En début de saison 2014-15, l’orchestre de Cleveland dirigé par Franz Welser-Möst créera

idyl, une nouvelle composition pour orchestre. Matthias Pintscher a enregistré plus de vingt disques pour de nombreux labels : Kairos, EMI, ECM, Teldec, Wergo, Winter & Winter, etc. Il réside aujourd’hui à New York après avoir vécu à Paris, deux villes, deux cultures qu’il a choisies pour leur caractère complémentaire.

Les solistes de l’Ensemble intercontemporain

Équipe adminIstratiVe et technique

Conseil de l’Ensemble

Directeur général Hervé Boutry Directrice administrative et financière Sophie Quéré Coordinatrice artistique Alix Sabatier Responsable production et diffusion Marine Gaudry Responsable comptable Geneviève Weiss Régisseur général Jean Radel Régisseur son/plateau Nicolas Berteloot Régisseurs plateau Samuel Ferrand, Benjamin Moreau Bibliothécaire Damien Degraeve Adjointe régie/bibliothèque Caroline Barillon Chargée des actions éducatives Sylvie Cohen Responsable communication Luc Hossepied Chargée de communication et mécénat Émilie Roffi

Président d’honneur Pierre Boulez Président Henri Loyrette, conseiller d'État Membre d'honneur Jack Ralite

Flûtes Sophie Cherrier, Emmanuelle Ophèle Hautbois Philippe Grauvogel, Didier Pateau Clarinettes Jérôme Comte, Alain Damiens Clarinette basse Alain Billard Bassons Pascal Gallois, Paul Riveaux Cors Jens McManama, Jean-Christophe Vervoitte Trompettes Jean-Jacques Gaudon, Clément Saunier Trombones Jérôme Naulais, Benny Sluchin Tuba - nn Percussions Gilles Durot, Samuel Favre, Victor Hanna Pianos/claviers Hidéki Nagano, Dimitri Vassilakis, Sébastien Vichard Harpe Frédérique Cambreling Violons Jeanne-Marie Conquer, Hae-Sun Kang, Diégo Tosi Altos Odile Auboin, Grégoire Simon Violoncelles Éric-Maria Couturier, Pierre Strauch Contrebasse Nicolas Crosse

Membres de droit Aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication, représentée par Michel Orier, Directeur général de la création artistique Anne Hidalgo, Maire de Paris représentée par Bruno Juillard, Premier adjoint au Maire, chargé de la culture Pascale Henrot, Directrice de l'Office National de Diffusion Artistique Xavier Darcos, Président de l’Institut Français Jean-Pierre Tronche, Inspecteur de la création et des ensembles français artistiques, désigné par le Ministre de la Culture et de la Communication

Personnalités qualifiées Nicholas Snowman, vice-président Jean-Philippe Billarant, trésorier Pascal Dusapin, secrétaire Karine Gloanec Maurin Brigitte Lefèvre Suzanne Pagé


100

101

Faites un don ! Participez à l’aventure musicale de l’Ensemble intercontemporain Aller au-delà de ce qui a été fait, continuer à surprendre et à faire entendre « l’inouï », tels sont les défis que se lance l’Ensemble intercontemporain à travers ses trois missions : créer, diffuser, et transmettre. Reconnu dans le monde entier comme instrument unique au service de la création, l’Ensemble propose chaque année de nouvelles œuvres qui viennent enrichir le répertoire contemporain. Saison après saison, les solistes participent, aux côtés des compositeurs, à l’exploration de nouveaux territoires musicaux. Ce cheminement se nourrit d’innovations et de rencontres avec d’autres arts, pour proposer au public des projets toujours plus créatifs. Avec plus de 60 concerts par an en France et à l’étranger, l’Ensemble joue un rôle majeur dans la diffusion de la musique moderne et contemporaine. En donnant à entendre et voir la création contemporaine sans oublier les chefs-d’œuvre du répertoire musical du

vingtième siècle, l’Ensemble offre un espace de découverte et de partage à un large public. Cette volonté de transmettre une expérience, des savoirs et savoirfaire se manifeste également dans les nombreuses actions conçues avec les solistes pour toucher un public varié : concerts éducatifs, ateliers scolaires et instrumentaux, coaching d’étudiants, cycles de perfectionnement et académies internationales etc. La variété des activités proposées témoigne de l’engagement profond de l’Ensemble dans sa mission de sensibilisation. Si vous aussi souhaitez participer à cette aventure et permettre aux projets de l’Ensemble de voir le jour, soutenez-nous ! Quel qu’en soit le montant, votre don contribue à assurer la pérennité de ce projet unique, libre et créatif.

LES PROJETS À SOUTENIR EN 2014-15 L’art pour grandir Pendant une année scolaire, de septembre 2014 à juin 2015, les élèves d’une classe de 5e du collège parisien Georges-Méliès viendront découvrir le monde musical de l’Ensemble intercontemporain. Ce parcours propose aux collégiens de se familiariser avec les métiers de la musique, grâce à la rencontre avec les musiciens, les compositeurs, les chefs d’orchestre, les techniciens… Une douzaine de rendez-vous auront lieu avec les solistes ainsi qu’avec d’autres professionnels (un écrivain et une graphiste), permettant aux élèves de s’exprimer différemment sur les œuvres musicales (photos, écrits, dessins).

Le professeur de musique sera notre principal partenaire pour la mise en place de ce parcours. Les professeurs de lettres, d’histoire, d’arts plastiques et de technologie seront également impliqués dans cette démarche de transmission. En fin d’année scolaire, les élèves seront invités à réaliser un ouvrage collectif rassemblant les différentes étapes de leurs découvertes. Grâce à votre soutien, ce projet pourra s’ouvrir à une deuxième classe de 5e et ainsi élargir l’expérience à d’autres enfants.

Projet « TURBULENCES » AVEC Marko Nikodijevic Le jeune compositeur serbe Marko Nikodijevic est le représentant d’une nouvelle génération de créateurs aux multiples expressions et influences. Son travail mixe et synthétise les expériences, les techniques, les styles et les époques : de la techno à la musique de la Renaissance. Pour ce nouveau projet Turbulences, « clair-obscur », il nous propose un programme entre lumière et obscurité, entre

clarté appollinienne et extase dionysiaque. Pendant les entractes, il se transformera même en DJ pour remixer des œuvres de Carlo Gesualdo (1566-1613) qui dialogueront avec des improvisations des solistes de l’Ensemble. Grâce à votre soutien, l’Ensemble pourra réaliser un album discographique original autour des œuvres de ce week-end avec le label Æon.

COMMANDES DE NOUVELLES ŒUVRES

Don par chèque uniquement libellé à l’ordre de L’EIC

L’Ensemble intercontemporain mène une politique très active dans le domaine de la création. Chaque saison, il commande de nouvelles œuvres à des compositeurs reconnus ou émergents : Matthias Pintscher, Mark Andre, Hèctor Parra, Philippe Leroux, ou encore Enno Poppe. Ces œuvres sont créées par l’Ensemble et intégrées à son répertoire.

Pour la saison 2014-15, l’Ensemble a notamment passé commande à des compositeurs d’horizons différentes comme Felipe Lara, Nina Šenk, Jukka Tiensu, David Fulmer, Olga Neuwirth et David Hudry. En finançant tout ou partie de ces commandes, vous contribuez directement à enrichir le répertoire d’aujourd’hui !

À envoyer à : Ensemble intercontemporain - Service Mécénat 223 av. Jean-Jaurès 75019 Paris Tout don en faveur de l’Ensemble intercontemporain ouvre droit à une réduction de l’impôt sur le revenu à hauteur de 66% du montant du don dans la limite de 20 % du revenu imposable.

Pour plus d’informations Contact : Emilie Roffi, Chargée de communication et mécénat +33(0)1 44 84 44 53 e.roffi@ensembleinter.com


102

Informations pratiques Réservations

Opéra national de Paris

Ensemble intercontemporain

Toutes les réservations et les souscriptions aux différentes formules d’abonnement se font directement auprès des salles accueillant l’Ensemble intercontemporain. Coordonnées des salles et organisateurs parisiens ci-dessous. Pour les coordonnées en régions et à l’étranger voir directement les pages de ces concerts sur : www.ensembleinter.com

Opéra et Amphitéâtre Bastille Place de la Bastille 75012 Paris Réservations : - En ligne sur www.operadeparis.fr - Par téléphone au 08 92 89 90 90 (0,34€ la minute) ou au +33 1 71 25 24 23 depuis l’étranger du lundi au vendredi de 9h à 18h et le samedi jusqu’à 13h. - Aux guichets du Palais Garnier (à l’angle des rues Scribe et Auber) et de l’Opéra Bastille (130, rue de Lyon) du lundi au samedi. Les caisses spectacles sont ouvertes de 11h30 à 18h30, au Palais Garnier et de 14h30 à 18h30 à l’Opéra Bastille.

Association loi 1901 Licence d’entrepreneur de spectacles N° 2-1063215

MAISON DE LA RADIO Grand Auditorium 116 avenue du Président-Kennedy 75016 Paris Tél : 01 56 40 15 16 www.radiofrance.fr/concerts concert@radiofrance.com

Cité de la musique 221 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris Tél : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris 209 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris Tél : 01 40 40 45 45 www.conservatoiredeparis.fr

Ircam 1 place Igor-Stravinsky 75004 Paris Tél : 01 44 78 12 40 www.ircam.fr

Philharmonie de Paris 221 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris Tél : 01 44 84 44 84 www.philharmoniedeparis.fr

5 Rue Curial 75019 Paris Tél : 01 53 35 50 00 www.104.fr

Le Triton 11 bis rue du Coq Français 93260 Les Lilas Tél : 01 49 72 83 13 www.letriton.com

NOUS CONTACTER Ensemble intercontemporain 223 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris Tél : 01 44 84 44 50 Fax : 01 44 84 44 51 contact@ensembleinter.com www.ensembleinter.com

Relations presse Image Musique – Valérie Weill Tél : 01 47 63 26 08 valerie.weill@imagemusique.com

Théâtre des Champs-Elysées 15 Avenue Montaigne 75008 Paris Tél : 01 49 52 50 50 www.theatrechampselysees.fr CrÉdits Photos p. 08 photo du dessus (violonistes) © Stefano Corso ; photo du dessous © Luc Hossepied pour l’Ensemble intercontemporain p. 28 Nina Šenk : portrait du dessus : © Jenny Sieboldt ; portrait du dessous © Franck Ferville p. 35 Amir Shpilman : portrait du dessus DR ; photo du dessous © Luc Hossepied pour l’Ensemble intercontemporain p. 39 Helmut Lachenmann © Philippe Gontier

Le 104

Président d’honneur, Pierre Boulez Président, Henri Loyrette Hervé Boutry, directeur général Matthias Pintscher, directeur musical Sophie Quéré, directrice administrative et financière

p. 49 Marko Nikodijevic © Manu Theobald p. 52 Philharmonie de Paris : vue sur toiture © Philharmonie de Paris / Didier Ghislain p. 54 Philharmonie de Paris : intérieur salle 1 © Philharmonie de Paris / Arte Factory

contenus rédactionnels Ont participé à la réalisation des contenus rédactionnels de cette brochure : Hild Borchgrevink, Hervé Boutry, AnneJames Chaton, John Fallas, Bastien Gallet, Martin Kaltenecker, Mathieu Larnaudie, Matthias Pintscher, Jérémie Szpirglas, David Verdier. La reproduction même partielle d’un article de cette brochure est soumise à l’autorisation du comité éditorial : Hervé Boutry, Bastien Gallet, Luc Hossepied

p. 59 Marisol Montalvo © Jean Radel p. 65 Portrait Daï Fujikura © Jin Ohashi ; photo du dessous © Dorothée Smith p. 83 Mark-Anthony Turnage : portrait du dessus © Philip Gatward / Boosey and Hawkes Collection / ArenaPAL ; portrait du dessous : © Hanya Chlala / ArenaPAL p. 96 © Luc Hossepied pour l’Ensemble intercontemporain p. 97 © Luc Hossepied pour l’Ensemble intercontemporain p. 98 photo du dessus © Luc Hossepied pour l’Ensemble intercontemporain ; portrait du dessous © Franck Ferville p. 100 © Luc Hossepied pour l’Ensemble intercontemporain Autres photos © Dorothée Smith

Artwork is fake.fr Fabrication : Fabrikant Imprimé dans l’UE Programmes et informations donnés sous réserve de modifications. Exemplaire gratuit Ne pas jeter sur la voie publique © Ensemble intercontemporain




Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.