Endemix 10

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Critiques musique m

Par Sylvain Derne

usique calédonienne

LÉGENDE

de Kydam : ROUND 1

K ENDEMIX n° 10 mars-avril-mai 2015

ydam, pour les amateurs de clips sur le web, c’est d’abord « Kanaky Yes I » et ses dizaines de milliers de vues. Des bagnoles défoncées qui dérapent dans la poussière, du « rien à foutre » à gogo et beaucoup de gesticulations enragées : difficile de trouver un message constructif dans cet exutoire sorti en juin 2012. Mais si l’on retrouve ce morceau dans Légende, premier album de Kévin Rolland aka Kydam, par bonheur les autres thèmes abordés – parmi eux le respect de la nature ! – sont autrement significatifs.

Dessin extrait du livret de l’album Légende.

Parmi les très belles réussites de l’album, « Concentré mais jamais dispersé », savante alchimie entre chanté et rappé, featuring Kanekshan qui convainc avec son flow sobre et maîtrisé. « Le poison » évoque les dérives colonialistes, renouvelant le thème avec une mordante précision, tout en intégrant une belle référence au chant traditionnel ae-ae. Tandis que le pamphlet « Mets la gomme » règle leur compte en bonne et due forme à quelques « voleurs »... On retrouve également les morceaux « Clique sur j’aime », bande-son du court-métrage urbain réalisé fin 2013 avec l’équipe de 120 Prod’, et « Bats-toi », avec Aurore Lecren qui apporte un peu de suavité au menu fort épicé. L’équipe de Keskiya Prod, dont DJSE et K’sir qui accompagnent le rappeur depuis ses débuts, a veillé à l’architecture sonore de l’ensemble. Cette dernière n’a pas été conçue pour créer de continuité entre les ambiances qui colorent l’album. Mais hormis quelques déceptions (« Combien de révolutions » ou « Liberté » dont les boucles rythmiques et mélodiques, trop répétitives, s’essoufflent), la production de l’ensemble tient le choc et soutient brillamment le phrasé exalté de Kydam.

Cet album était annoncé et attendu depuis longtemps ; il faut remonter à 2011 et Ykar pour trouver trace d’un – dense et excellent – E.P. six titres. Depuis, Kydam mène un combat perpétuel. Contre lui-même, tiraillé entre ombre et lumière ; contre l’« État français » et les pouvoirs en place, les traîtres de tout Tantôt influencé par une diction et poil, le chaos... Le champ lexical « lutte – un vocabulaire « banlieusards » typiquement révolution » est d’ailleurs omniprésent dans hexagonaux, tantôt attaché aux références les lyrics assénés par le puncheur au crâne océaniennes (les dédicaces à la région rasé : « où est le mal que je me batte encore ? de Houaïlou sont légion !), Kydam affine peu Pas fini de lutter, si le bien est la clé, viens à peu son style. Sa voix éraillée, changeante, on se bat encore... » (dans « Encore un jour »). prend parfois des tonalités reggae et ragga. Fidèle à l’esprit contestataire initial Sa quête acharnée, sa recherche d’idéal Légende de Kydam, éd. Keskiya Prod, 2014. des mouvements hip-hop, Kydam amènent le jeune homme à progresser développe une prose caustique souvent constamment. Les dix-huit morceaux efficace. Beaucoup en prennent pour leur grade. Et la grande de Légende sont comme les jalons d’une introspection menée majorité des titres sont dopés par une rage de dire, une envie au fil des ans, guidée par le besoin viscéral de dompter les communicative de dissoudre les faux-semblants liés au contexte démons en soi et « d’éclairer la noirceur ». socio-politico-culturel du Caillou.


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