Phoenix Ancient Art 2008 No 1

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HYDRIE (KALPIS) ORNÉE D’UNE SIRÈNE

Art grec, deuxième moitié du Ve s. av. J.-C. Bronze Ht : 42 cm

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Ce vase est fait de plusieurs éléments, travaillés principalement à froid : le corps, l’épaule et le col sont obtenus par martelage d’une seule feuille de bronze, à laquelle sont soudées les anses et le pied ; l’applique en forme de sirène (avec les volutes et la palmette), qui est en bronze massif, a été coulée à part et ensuite fixée au vase. Bien que partiellement restaurée (la partie inférieure du vase est reconstituée et se démarque par sa couleur verte plus uniforme, mais le pied est d’origine), l’hydrie est en de bonnes conditions ; la surface d’origine est recouverte d’une belle patine verte. Le profil du corps est élégant, en forme de coeur avec une large épaule plate au contour arrondi et le col bas et évasé ; les anses sont enrichies de cannelures aux bords incisés ; des languettes, des petites perles et des volutes gravées ornent le pied, la lèvre et l’attache des anses. La qualité artistique et technique du travail est remarquable non seulement pour la partie martelée du récipient, mais aussi pour la statuette, qui malgré sa taille miniature est parfaitement rendue et pour la décoration subsidiaire des anses et du pied. Les hydries de ce type, caractérisées par le profil arrondi et ininterrompu de la lèvre jusqu’à la base, sont appelées kalpis et apparaissent uniquement vers la fin du VIe s. av. J.-C. et surtout au Ve. s. av. J.-C. Il s’agit d’une forme typiquement attique, connue non seulement par quelques exemplaires en bronze comme celui en examen, mais aussi par des imitations en terre cuite, peintes selon la technique de la figure rouge. Le motif décoratif principal est constitué par la statuette de sirène aux ailes déployées, qui se trouve à la base de l’anse verticale ; elle appuie ses griffes sur une boule qui semble surgir d’une palmette. Dans l’iconographie classique, la sirène était un monstre hybride à corps d’oiseau, griffes acérées et tête de jeune femme ; elle apparaît généralement en groupe de trois figures ou plus, en train de chanter et de jouer des instruments (lyre, flûte, etc.) tandis que sur les monuments funéraires plus tardifs elles sont souvent isolées. Dans le monde grec, déjà pendant le VIe s., de grands vases en bronze, et en particulier les hydries, ont été utilisés comme urnes funéraires destinées à contenir les cendres du défunt et à être déposées dans la sépulture. La présence d’une sirène dans un contexte funéraire s’explique aisément par la très forte relation avec la mort qu’entretenaient ces êtres : en effet les sirènes donnaient la mort aux marins qui les écoutaient chanter, mais se sont elles-mêmes précipitées dans la mer après l’exploit d’Ulysse, qui a réussi à doubler leur promontoire. Comme d’autres figures hybrides ou sauvages (sphinges, lions, etc.), il s’agissait peut-être d’un monstre à la signification apotropaïque, qui avait la fonction de gardienne de la tombe. A partir de la fin du Ve s. la signification des sirènes va probablement encore plus loin : en effet grâce à leur musique et à leur chant, elles accompagnaient la transition du défunt vers l’au-delà et égayaient leur journée dans le royaume des morts. Dans la mythologie antique, le récit homérique est le seul où les sirènes, excellentes musiciennes et chanteuses, ont joué un rôle de premier plan : Ulysse a osé écouter leurs mélodies en se faisant attacher au mat de son navire par ses compagnons, rendus sourds par des bouchons de cire dans leurs oreilles. De cette façon le bateau du héros a pu continuer sa navigation sans se soucier du chant des sirènes et ne s’est pas écrasé contre leur rocher (Homère, Odyssée, XXII, 142-200). Cet épisode est également bien représenté dans l’iconographie grecque. PROVENANCE Ancienne collection Zoumboulakis, Genève, vers 1977.

PUBLIÉ

DANS

Sotheby’s Antiquities, New York, 14 décembre 1994, n. 69.

BIBLIOGRAPHIE DIEHL E., Die Hydria, Mayence/Rhin, 1964, n. 137, pl. 14-15. LAMB W., Greek and Roman Bronzes, Londres, 1929, pl. 58. MITTEN D.G. - DOERINGER S.F., Master Bronzes from the Classical World, Mayence/Rhin, 1967, n. 107-108. D. VON BOTHMER, Glories of the Past, Ancient Art from the S. White and L. Levy, Collection, New York, 1991, p. 108, n. 89. Sur les représentations des sirènes v. : The Odyssey and An Ancient Art, An Epic in Word and Image, New York, 1992, pp. 108-111.

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