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« Il n’y a pas assez de sites récepteurs en Région wallonne »

Notre affilié Marcel Baguette (Groupe Baguette) vient de fêter ses 65 ans. Fondée en 1960, l’entreprise est active dans les travaux de terrassement, d’aménagement de voiries et de génie civil en région liégeoise. La thématique de la gestion des terres excavées est donc une réalité quotidienne au sein de cette société. Christian Royen, gestionnaire de chantiers, nous en parle.

Le rendez-vous est fixé à Soumagne, dans les bureaux d’Enrobés Baguette, une filiale du groupe spécialisée dans la réalisation des revêtements hydrocarbonés. CHRISTIAN ROYEN, actif dans l’entreprise depuis plus de trente ans, nous accueille. « Cette thématique nous concerne au premier plan. » Le décor est planté. Et le gestionnaire de chantiers nous plonge directement dans le passé. « Il y a une vingtaine d’années, un site récepteur de Tradecowall a bloqué provisoirement nos terres excavées à Herstal. À l’époque, sous l’ancienne législation, il y avait trois types de terres : les contaminées, les décontaminées et les polluées. Nous ne pouvions plus rien y mettre. Nous avons dû les stocker provisoirement en andains, une sorte de talus, pour analyse et ensuite en fonction des résultats, les envoyer en Flandre, où les sites récepteurs les acceptaient car les taux, notamment de pollution, ne sont pas les mêmes de l’autre côté de la frontière », explique le gestionnaire de chantiers.

Types d’usage

Cette solution n’étant pas idéale sur le long terme, Christian Royen a vu d’un très bon œil l’arrivée d’une nouvelle législation wallonne sur les terres excavées : l’AGW du 5 juillet 2018 relatif à la gestion et à la traçabilité des terres entré en vigueur le 1er mai 2020. « Imposer cette traçabilité sous la responsabilité de l’organisme Walterre était une très bonne mesure. Les trois types de terre ont été remplacés par des types d’usage, ce qui est beaucoup mieux : I naturel, II agricole, III résidentiel, IV récréatif/commercial et V industriel/voiries. 95 % des terres entrent dans ces différents types et les sites récepteurs sont aussi classés selon cette échelle de I à V. Et puis, vous avez les terres polluées de type 12. Dans la région liégeoise, on peut les évacuer à l’Ile Monsin ou alors en Flandre. »

Monopole

Comme notre membre travaille essentiellement dans le domaine de la pose d’égouttages, voiries et impétrants, il excave majoritairement des terres de type V. « Comme je l’ai dit, la loi est positive et très bien faite, mais je constate un problème. Nous devons absolument trouver des sites récepteurs de type V, car nous ne pouvons pas descendre vers un site de type III ou IV. Or, il n’y en a pas assez en Région wallonne et plus particulièrement dans la province de Liège, où nous sommes majoritairement actifs. Conséquence ? Les prix d’accès à ces sites augmentent et ils ont une sorte de monopole. Nous sommes obligés de répercuter ces coûts sur nos clients », explique Christian Royen. « Je sais que Walterre sensibilise les pouvoirs publics sur ce manquement et un représentant de la Région wallonne est d’ailleurs présent dans leur conseil d’administration. Il faut vraiment que les choses bougent à ce sujet. Car les évacuer vers la Flandre représente un coût supplémentaire et a un impact écologique en termes de transport non négligeable. Dans les travaux de voiries, nous avons rarement la possibilité de remblayer sur place. Nous pouvons aussi acheter des remblais, mais il s’agit également d’une solution coûteuse au vu de la rareté de ceux-ci. »

C’est le maître d’ouvrage qui est responsable du RQT et du CCQT, pas l’entrepreneur qui doit par contre trouver un site récepteur.
Notre affilié Marcel Baguette (Groupe Baguette) est actif au quotidien dans la gestion de terres excavées.
Enrobés Baguette est une filiale du groupe spécialisée dans la réalisation des revêtements hydrocarbonés.

RQT-CCQT-NMT

Le système de traçabilité des terres via Walterre est imposé à partir de 400 m³ de terres. Pour rappel, c’est le maître d’ouvrage qui est responsable de faire réaliser un Rapport Qualité (RQT) pour obtenir le Certificat (CCQT). « En tant qu’entrepreneur, nous intervenons après et nous avons besoin de ce document CCQT pour pouvoir effectuer notre Notification de Mouvement de Terre (NMT) et recevoir le document de transport (DT) émis par Walterre. Ce sont ces documents qui prouvent que nous avons respecté la traçabilité des terres, en cas de contrôle par la police de l’environnement, lors du transport. À la fin du chantier, nous recevons un accusé de réception (AR) de Walterre. Tout cela représente du travail administratif supplémentaire pour nos équipes. Mais cette traçabilité des terres était vraiment utile en Région wallonne. »

Maître d’ouvrage

Question : si la procédure semble claire pour les entrepreneurs, quid des maîtres d’ouvrage ? « Quand Walterre a commencé ses activités en 2020, il a fallu un certain temps avant que le processus à suivre soit compris et respecté par tout le monde. C’est le maître d’ouvrage qui est responsable du RQT et du CCQT, pas l’entrepreneur qui doit par contre trouver un site récepteur. Cela n’était pas clair au début pour certains. Mais nous travaillons à 95 % pour des maîtres d’ouvrage publics : communes, SPW, l’AIDE (Association intercommunale pour le démergement et l’épuration des communes de la province de Liège) et la SPGE (Société Publique de Gestion de l’Eau). Tout rentre dans l’ordre progressivement. Les pouvoirs publics maîtrisent de mieux en mieux cette procédure. »

L’asbl Walterre a d’ailleurs réalisé un roadshow partout en Wallonie pour expliquer son fonctionnement et la législation en vigueur. « Cela nous a été très utile et je les en remercie. Au début, par exemple, je trouvais leur site internet assez complexe, mais leur personnel est toujours disponible en cas de besoin et de question. Si j’avais une petite remarque à formuler sur leur site, ce serait de simplifier la liste des NMT pour introduire les demandes d’accusés de réception, elle n’est pas très conviviale. »

Centres de regroupement

Pour Christian Royen, la législation désormais en place en Wallonie est donc positive. « Même si c’est en route depuis quelques années désormais, on peut parler d’un bon début. Mais je le répète, la Région wallonne doit vraiment trouver des nouveaux sites récepteurs. Il existe aussi des projets de centres de regroupement, c’est-à-dire que tout le monde viendrait déposer ses terres à un seul endroit. Elles seraient triées par chantier et par type/ lot. Pour les entrepreneurs, ce serait très intéressant, il n’y aurait besoin que d’une seule notification de mouvement de terre pour un transport vers un seul site », conclut le gestionnaire de chantiers.

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