Guillaume COSTELEY - Mignonne allons voir si la rose - Ludus Modalis

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grave avec bassus) et de son cœur (quatuor aigu avec superius). Ainsi, la personnification est rendue par l'ajout ou le retrait de chacune des voix extrêmes, qui viennent colorer le continuum des trois voix centrales de l'effectif à cinq voix. Par la mise en valeur imagée des mots « s'envole » et « vole », Costeley termine en donnant une touche italianisante à l'ensemble. Le sonnet Du clair soleil, les chansons Bouche qui n'as point de semblable et Le plus grand bien célèbrent l'amour ; Muses chantez chante la vertu d'une Princesse dont les muses sont les servantes, ainsi que « celui qui tres fidellement, / La sert aussi ». Quant au texte de la célèbre odelette de Ronsard Mignonne, allon voir si la Roze, il reçoit ici un traitement musical particulièrement fin, avec une forme non dénuée de reprises, mais qui joue aussi des thèmes musicaux et des allègements au trio de l'effectif à quatre voix, afin de souligner la teneur très différente de chacune des trois strophes (invitation de la belle à admirer la beauté de la rose, constat de l'altération de la fleur, invitation conclusive à profiter de sa jeunesse). Pour mieux souligner le sens des paroles, Costeley va bien au-delà d'une simple lecture musicale répétitive. Enfin, Sus debout, gentils Pasteurs illustre le genre joyeux de la chanson de Noël.

met en scène Margot, Camusette, Robin et Marion. Dans La terre les eaux va buvant (également choisie par Lassus et Caietain), le compositeur utilise l'odelette de Ronsard comme chanson à boire. Enfin, dans l'étonnante Grosse Garce noire et tendre, chanson grivoise et scatologique (qui aurait certainement été considérée comme « scandaleuse » par le Puy de musique !), il met la polyphonie au service du comique, en ajoutant au seul bassus le bruit « Pauf » qui, manifestement, n'est pas inclus dans le poème… Comment rendre compte des multiples facettes de l'activité de l'infatigable organiste du roi, que l'on retrouve comme une personnalité pilote mêlée à toutes les expériences pionnières de son temps (salon de la Comtesse de Retz, Académie de poésie et de musique, confraternité de sainte Cécile, Puy de musique) ? Les importants conflits religieux de l'époque semblent aller de pair avec un soin particulier accordé à cet art de l'harmonie, dont on espère et attend visiblement beaucoup, y compris pour pacifier le pays. À l'image de la personnalité de ce compositeur particulièrement attachant, la riche production de Guillaume Costeley semble nous livrer un reflet assez fidèle de la Renaissance musicale en France. Puisse cet enregistrement, ainsi que la nouvelle édition de ses chansons, contribuer à sa redécouverte !

On terminera par la catégorie des « Chants gaillardz » qui, paradoxalement, cohabitent apparemment sans problème avec les chansons plus sérieuses évoquées ci-dessus : on y trouve des allusions légères aux invitations de la nature (Allons au vert boccage, qui fait intervenir Robin, ou Perrette disoit Jehan) ou aux plaisirs simples (Quand l'ennuy facheux vous prend ou Chassons ennuy, avec de nouveau Robinet et Margot) ; l'atmosphère pastorale est présente dans Quand le Berger et dans Venez dancer au son de ma musette, qui

Isabelle His

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