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DAVID B

semble être customisé par une jeune main. Celui-ci contient un bouquet de fleurs et d’une baguette de pain qui contrastent par leur présence concrète avec le reste du personnage très stylisé, constitué d’un assemblage de formes réalisées en bois. À la manière d’un acteur de One-Man-Show, les personnages de Sarah Tritz occupent une place centrale pour nous donner à lire une histoire tantôt personnelle, tantôt fictive, mais toujours universelle ou tout au plus, collective.

Dorothy, s’inscrit dans la série des Theater Computer d’une série développée par l’artiste en 2019 pour l’exposition au Crédac d’Ivry sur Seine. Réalisée en papier et en carton, cette “forme” pour reprendre le vocabulaire de l’artiste - représente un écran d’ordinateur ainsi qu’un clavier réalisé avec le souci de l’économie de moyen qui contraste avec son socle usiné sur mesure dans un matériau noble. Particularité de cette œuvre, l’écran est réversible d’un côté un dessin abstrait qui pourrait être celui d’un enfant, de l’autre un personnage féminin et deux personnages masculins sexualisés, autour de la répétition d’une photographie d’un buste féminin.

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Le train rouge, associé à l’univers de l’enfance et au jeu, cette œuvre représente une locomotive ainsi que deux wagons réalisés en carton mis en couleurs. Évoquant l’émerveillement face aux technologies et en particulier l’attrait des enfants pour les véhicules, camions de pompier, avions, tracteurs... C’est aussi un symbole fort repris régulièrement dans la littérature, soit pour évoquer le voyage et le renouveau, soit pour évoquer la monstruosité inéluctable (Cf. Emile Zola, La Bête Humaine).

Jeanne-Sara (mood 2) est une œuvre réalisée en 2022. Cette “forme” se matérialise par un coffre en bois de merisier, réalisé sur mesure par un ébéniste. Cette boîte ouvrable sur la partie supérieure est rehaussée sur la surface de gravures et peintures d’arc-en-ciel et de licornes réalisées par Sarah Tritz. À la manière d’un coffret à bijoux posé sur un socle bleu layette, cette œuvre laisse entrevoir plusieurs éléments, dessins, modelages en pâte à sel, jouets en carton. Chacun de ces éléments simulent de multiples “madeleines de Proust” chères à l’univers de l’enfance, herbier et dessins plastifiés, calculatrice en carton, pilulier en pâte à sel, pantin articulé en carton, bonhomme de pain d’épice en pâte à sel. Réalisés par Sarah Tritz, ces éléments simulent les trésors qui peuvent être accumulés secrètement à tout âge, autant qu’ils éveillent chez le regardeur un sentiment nostalgique face aux choses simples.

Cette sélection d’œuvres révèle un intérêt prononcé de l’artiste pour la notion de contenant et de contenu autant que pour la citation d’objets à double identité. Celle-ci implique un engagement de la part du regardeur

dont la curiosité est attisée par un jeu de caché/dévoilé que l’on retrouve dans chacune des œuvres, les wagons du Train Rouge, le Sac à dos de Allo Savigno, la boite à jeux de Jeanne-Sara et l’ordinateur de Dorothy.

Ci-dessus : Jeanne-Sara (mood 2), 2022, Technique mixte - 30 x 20 x 10 cm

Pages précédentes par ordre d’apparition : Le train rouge, 2019, Carton et matériaux divers, dimensions variables ; Dorothy (Theater computer), 2019, Carton, papier, crayon de couleur, corian - 44 x 40 x 31 cm

Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Extrait de la série de Katharina Bosse, Portraits d’enfants, série photographique, 2014 - 2022, Inkjet - 30 x 40 cm ; Sarah Tritz, Dorothy (Theater computer), 2019, Carton, papier, crayon de couleur, corian - 44 x 40 x 31 cm ; David B., L’homme dans le Labyrinthe, 2018, Encre de chine et feutre sur papier, 39 x 49 cm et Étoiles garde à vous !, 2018, Encre de chine et feutre sur papier, 39 x 49 cm

Né à Nîmes en 1959, David B. (Pierre-François Beauchard) est un dessinateur et scénariste de Bandes Dessinées. Il vit et travaille entre Paris et Bologne (Italie) et son travail est représenté par la galerie Anne Barrault, Paris.

Après des études en Arts Appliqués à l’École supérieure Duperré (Paris), il entame en 1985 une carrière dans le domaine de la Bande Dessinée avec Pas de samba pour capitaine Tonnerre. Ses scénarios et dessins sont alors publiés dans les revues : Okapi, (A SUIVRE), Tintin Reporter et Chic.

En 1990, il cofonde la maison d’édition indépendante l’Association, aux côtés six autres auteurs et prend alors la signature de David B. En 1992, il s’installe à l’Atelier Nawak avec Lewis Trondheim, Christophe Blain, Jean-Christophe Menu, Didier Tronchet suivi de Joann Sfar, et Fabrice Tarrin. La même année la parution du Cheval blême marque un tournant dans son parcours artistique et lui vaudra l’Alph’art du meilleur premier album au festival de Bande dessinée d’Angoulême en 1993. Cet album est l’une des parutions fondatrices de L’Association.

En 1995, il participe à la fondation de l’Atelier des Vosges avec la plupart des auteurs de l’Atelier Nawak ainsi que Frédéric Boilet, Emmanuel Guibert, Marjane Satrapi et Marc Boutavant. Cette mouvance d’auteurs est nommée dans les années 1990, la Nouvelle Bande Dessinée.

L’Ascension du Haut Mal, une série de Bandes Dessinées autobiographiques constituées de six tomes réalisés entre 1993 et 2003, aborde le sujet de la maladie de son frère aîné, atteint de crise d’épilepsie, ainsi que les répercussions de cette maladie sur l’ambiance familiale. Largement récompensée au sein de la profession (Prix International de la Ville de Genève en 2003 pour le sixième volume et deux fois prix Töpffer en 2000 et en 2003, Prix Max et Moritz en 2008, Prix Urhunden du meilleur album étranger en 2016), cette œuvre est reconnue comme l’une des références de la Bande Dessinée moderne.

L’œuvre de David B. se caractérise par la dominance du noir et du blanc. Il présente un travail de dessins très contrastés réalisés pour la plupart à l’encre et au crayon. Issus de parents professeurs de dessin dont un père pratiquant la peinture, il regarde très tôt les livres d’art de la bibliothèque familiale, développant un goût prononcé pour l’iconographie des civilisations égyptiennes, aztèques et de Nouvelle-Calédonie. Touché par l’immédiateté des représentations figuratives, dépouillées de perspective, il leur emprunte la représentation stylisée des corps ainsi que certains motifs : créatures fantastiques (notamment le Quetzalcóatl, divinité du serpent à plumes issus de la

mythologie aztèque), masques de Nouvelle-Guinée, etc. Motifs qu’il enrichit dans un vocabulaire de matières/ textures “non-nobles”, pierres, boue, poils et d’un style graphique très affirmé. Son univers parfois grave, mais toujours onirique mêle émotions personnelles, histoires collectives et mythes universels.

Son œuvre dessinée compte aujourd’hui une soixantaine d’œuvres. Le travail de David B. est reconnu en France et à l’étranger et il participe à de nombreuses expositions personnelles et collectives, il a notamment exposé au Musée de l’Abbaye à Sainte-Croix, au Museum of American Illustration à New York, au Centre Culturel de Chicago et au FRAC Aquitaine.

À l’ar[T]senal, David B. présente deux dessins à quatre mains réalisés en 2018 : Étoiles, garde à vous ! et L’homme dans le Labyrinthe. Ces deux œuvres ont été produites dans le cadre de l’exposition : Mon enfant peut en faire autant, qui s’est tenue à la galerie Anne Barrault la même année. Cette exposition proposait aux artistes de la galerie d’expérimenter la création à quatre mains, partant du constat que la naissance d’un enfant pouvait parfois entraîner une évolution dans la pratique des artistes, ceux-ci adoptant un nouveau point de vue sur la création à travers le regard de leur(s) enfant(s).

À l’origine du dessin Étoiles, garde à vous ! - dont le titre est issu du roman de science-fiction de Robert A. Heinlein, - son fils Ulysse avait dessiné à l’aide de feutres colorés une fusée. David B. est intervenu ensuite en y ajoutant un cosmonaute évoluant dans un ciel étoilé. L’homme dans le Labyrinthe a été réalisé d’après le même processus créatif, empruntant cette fois son titre au roman Best Seller de Robert Silverberg dont le nom apparaît au centre du dessin.

Par-delà la citation littéraire, ces œuvres révèlent son goût à la fois pour la culture populaire et la science-fiction. On y ressent l’influence des surréalistes dans la pratique du collage et de l’écriture automatique. Dans une démarche d’auteur engagé, David B. est désireux de s’affranchir des codes de la BD traditionnelle et s’engage dans la création de nouveaux récits collectifs à partir de son expérience individuelle tour à tour, fils, frère, artiste et père. L’évocation de son travail dans l’exposition Mettre au monde, montre ô combien les relations à la famille évolue en fonction de chaque artiste-parent et démontre qu’un artiste peut évoluer entre espace intime et espace universel, témoignant de son état de parent, sans pour autant chambouler l’ensemble de son univers artistique.

Ci-dessus : L’homme dans le Labyrinthe, 2018, Encre de chine et feutre sur papier - 39 x 49 cm Page précédente : Étoiles garde à vous !, 2018, Encre de chine et feutre sur papier - 39 x 49 cm

Sur la double page suivante, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Guillaume Pinard, La hantise du bonhomme bâton, 2021, Acrylique sur toile, 40x 40 cm et La rencontre du sage Crâne d’œuf aux confins de la Raccoon academy, 2020, Acrylique sur toile, 80x80 cm ; Katharina Bosse, Portraits d’enfants, extrait de la série photographique, 2014 - 2022, Inkjet, 30 x 40 cm ; Sarah Tritz, Allo Savigno, 2017, Bois, sac à dos, fleurs et baguette de pain, 259 x 116 x 43 cm et Dorothy (Theater computer), 2019, Carton, papier, crayon de couleur, corian - dimensions variables.

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