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FIAMMETTA HORVAT

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LIDIA KOSTANEK

LIDIA KOSTANEK

et le groupe auquel il appartient, ou au sein duquel il évolue : famille, couple, parenté, enfance, groupe social.

Au sujet de la série Pénélope Lying (le mensonge de Pénélope), l’artiste exprime que : « Cette série, […] se veut également une allégorie des tâches domestiques répétitives qui ne s’achèvent jamais, le travail quotidien et invisible non récompensé ni rémunéré, titanesque à l’échelle d’une vie. Tel le tissage de Pénélope qui recrée ce qu’il détruit et détruit ce qu’il a recrée. Il s’agit donc plus profondément pour moi d’une métaphore de ma démarche picturale. En défaisant la nuit ce qu’elle a fait le jour, Pénélope raconte son travail comme « praxis », une pratique sans aboutissement mais dont le temps passé à l’ouvrage donne lui seul son sens. Une pratique non productive, condition absolue de la réalisation de soi. Le tissage de Pénélope naît pourtant d’un mensonge. En simulant une réalisation qui tend vers l’aboutissement, elle parvient à sauvegarder sa liberté de faire...» C.S

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Ce texte de l’artiste sur une série réalisée entre 2018 et 2021 soit juste à la suite de la série dont sont issues les six œuvres présentées à l’ar[T]senal ironiquement appelée Everyday life in a happy Family permet également de comprendre le moteur de création de Charlotte Salvaneix qui en tant qu’artiste, enseignante et mère, doit chaque jour jongler entre toutes ces casquettes qui impliquent une multitude de tâches plus ou moins reluisantes, afin de maintenir cet équilibre qui pour elle est source d’épanouissement et d’équilibre.

Oscillant entre la peinture à l’huile, l’encre, la marbrure à la cuve, l’acrylique, Charlotte Salvaneix s’intéresse aux procédés techniques qu’elle emploie dans ses œuvres sur toile ou sur papier et les donne à voir de plus en plus exclusivement dans des formats plus raisonnables d’environ 30 x 40 cm avec parfois le souhait d’assumer des œuvres d’apparence non aboutie, pour transmettre l’importance du rapport au temps dans la création d’une œuvre.

Autrefois adepte des grands formats, Charlotte Salvaneix fait partie de ceux qui ont dû changer leur rapport à la peinture en devenant parents. Le temps de production, la technique de production, le format, chacun de ces éléments ont été revus pour permettre à l’artiste de retrouver une sincérité dans la création. Dans son nouveau mode de production, comme dans les thèmes qu’elle aborde, Charlotte Salvaneix cherche à transmettre la réalité du quotidien d’une artiste-mère tiraillée entre le temps à dédier chaque jour à l’éducation de ses enfants et celui voué à la création.

D’apparences sages, ne cherchant pas à transgresser les codes de la peinture, mais non moins critiques, les œuvres de Charlotte Salvaneix, mettent en scène les personnages issus de son cercle intime, familial ou amical dans un vocabulaire sans détour pour véhiculer un message contemporain en filigrane : la place de la femme active, de l’homme contemporain post-patriarcal, ainsi que celle des enfants dans le cercle familial, partagés entre liberté et obéissance.

Ainsi dans la série Everyday life in a happy Family, on peut voir : un homme, le regard dans le vide portant son bébé dans un fond vert qui semble évoquer les moments où malgré la maladie et la fatigue, le parent doit se surpasser pour prendre soin de sa progéniture. Juste à côté, nous sommes témoins d’une scène où, tantôt une mère nous tourne le dos, en train de peindre, imperturbable, avec au pied d’elle une coque berçant un nouveau-né qui semble babiller gentiment, ou bien, une mère, visiblement la même - car c’est bien Charlotte qui est représentée dans cette série - qui nous fixe avec un regard interrogatif et tente malgré l’enfant qui joue dans les rideaux derrière elle, de travailler sur son ordinateur à la page “Google agenda” se vouant désespérément à la technique pour emmagasiner tout son planning de la semaine. Toutes ces scènes de la vie quotidienne dans une famille heureuse, comme nous le dit l’artiste en nommant ainsi sa série, présentent sans artifice et au même plan des moments complexes traversés par les membres d’une famille et des moments de complicité dans la fratrie et entre parent et enfant.

Ces sujets, complètement absents dans l’histoire de la peinture et de l’art en général prennent avec la peinture de Charlotte, leurs lettres de noblesse et sont érigés en sujet noble à peindre, au même titre qu’une peinture d’histoire, une scène de genre ou un paysage.

Ci-contre : Sur ses épaules, 2016, Encre et huile sur toile - 40 x 30 cm

Pages précédentes par ordre d’apparition : Maternité à l’atelier, 2016, Encre et huile sur papier - 41 x 31 cm ; L’agenda, 2018, Encre et huile sur toile - 46 x 36 cm ; L’heure du bain, 2018, Encre et huile sur papier - 46 x 36 cm À droite, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Charlotte Salvaneix, L’agenda (détail), 2018, Encre et huile sur toile - 46 x 36 cm ; Fiammetta Horvat, Ventre pleureur, 2018, Vidéo couleur, 2 minutes

Fiammetta Horvat est née en 1979, elle vit et travaille à Paris. Familière des shootings de la mode depuis sa plus tendre enfance en suivant son père photographe Franck Horvat, elle développe peu à peu une passion pour l’art et l’envers du décor des plateaux de photo. Se refusant à un parcours d’études “classique”, elle part s’installer à Londres en 1998 alors qu’elle vient d’avoir dix-huit ans. Près de chez elle, elle travaille pour une petite branche de la maison de vente aux enchères Sothebys spécialisée dans la photographie ; encore assez discrète sur le marché de l’art à ce moment-là. Elle découvre par la suite l’univers du théâtre et en particulier l’art de la mise en scène britannique. Elle étudie alors à la Central School of Speech and Drama de Londres et débute une carrière de vingt-cinq ans en tant que designer, costumière et scénographe. En 2016, la perspective du Brexit la conduit à rentrer en France avec son époux et ses enfants. Elle dirige aujourd’hui le fond de photographies de son père et souhaite faire de son ancien studio de 300m², un lieu de diffusion dédié à la photographie contemporaine.

Dans son parcours de designer, Fiammetta Horvat a toujours pratiqué le dessin et la mise en espace. Le théâtre étant un espace où le temps se joue différemment que partout ailleurs ; constitué de moments de fortes tensions suivis de périodes plus calmes ; lui a permis de développer en parallèle une recherche artistique personnelle basée sur le dessin et le collage. À partir du matériel disponible en arrièrescène, l’artiste crée de courts récits imprégnés du style irrévérencieux et de l’humour britannique, pop-up, livre d’art, objets hybrides, à la fois didactique et ludique : dépliant, sculpture en papier, stop motion. Fiammetta Horvat crée avec beaucoup d’intuition, peut lui importe le support, elle répond surtout à l’urgence d’extérioriser une émotion personnelle ou simplement une idée.

Passionnée depuis sa propre expérience de la grossesse par des questionnements autour de la fécondité, Fiammetta Horvat s’intéresse aux mythes et légendes et en particulier aux figures féminines en lien avec ces sujets : Perséphone, Willendorf, Isis, Baubo, etc. En effet, toutes les civilisations ont tenté d’expliquer le mystère de la création ainsi que le pouvoir bienfaiteur de la femme. La question du cycle de la vie étroitement liée à la question de la mort habite la pratique de cette artiste.

« Quand j’étais enceinte, j’ai instinctivement eu cette impression d’appartenir à un cycle, d’être complètement devenu un élément mythologique, c’est un sentiment très animal, très essentiel, et l’on a l’impression de ne plus appartenir à une époque, à un pays, mais juste d’appartenir à quelque chose d’universel, et c’est ce sentiment-là, ce cycle qui m’est venu. J’avoue, il n’y a pas beaucoup de réflexions quand je fais ces œuvres, elles me viennent vraiment […] Elles sont innées. […]

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