THIERRY MARTENON De la nature à l’œuvre : le bois
Thierry Martenon, à l’écart et au cœur/apart yet at the heart
Il vit dans le hameau du Désert d’Entremont, dans le massif de la Chartreuse, à l’écart des bruits du monde et au cœur de la nature. Ébéniste de formation, Thierry Martenon a, depuis près de vingt ans, élu l’atelier — une ancienne étable familiale — pour façonner dans le bois des formes abstraites, aux surfaces texturées. Horizontales ou hiératiques, ces œuvres sont autant de réceptacles à la lumière. « Tout mon travail la célèbre », dit le sculpteur. C’est bien la lumière qui est à l’œuvre dans les aspérités du bois, elle qui se joue des vides et des pleins, ruisselle le long des veines sablées, arase les crêtes et les extrémités, à tel point que chacune de ses pièces semble respirer – vivantes, toujours.
He lives in the hamlet of Le Désert d’Entremont, in the Chartreuse massif, away from the noise of the world, at the heart of nature. Trained as a cabinet-maker, Thierry Martenon has, for almost 20 years, chosen to use his workshop – an old stable belonging to the family – to make abstract, textured shapes from wood. Whether horizontal or upright and hieratic, the sculptures are made to catch the light. ‘All my work celebrates it,’ says the sculptor. And it is definitely light that you see at work in the roughness of the wood; it plays among the voids and the solid areas, rippling along the sanded veins, grazing the ridges and extremities, so much so that every one of his sculptures seems to breathe – as though still alive.
Le très haut
In highest heaven
Depuis le village-promontoire s’offre un paysage prodigieux. À l’est, des vallées de brumes jusqu’aux falaises abruptes ocre gris des Lances de Malissard. Au nord, les contreforts du Jura, les Aravis, les Bauges et le mont Granier. Au sud, la dent de Crolles, 2 062 m, le « toit » de la Chartreuse et la cime du Grand Som… Le cirque de montagnes étincelle. Entre les sommets, court un territoire vallonné, ponctué de terres pâturées et de hameaux. Un vaste plateau de lapiaz, aux profondes ciselures, et des gradins rocheux déroulent des forêts de feuillus et résineux jusqu’en bordure du Désert. L’air est chargé de remugles de tanin et de résine. Seules les volées d’oiseaux — bouvreuils, pinsons, mésanges bleue et charbonnière — ponctuent la musique du silence. Ce territoire, que l’on croyait perdu à jamais, invite au détachement et nourrit un goût des éléments. C’est ici, au Désert d’Entremont — « entre les montagnes », refuges hier des derniers rois lombards vaincus par les Carolingiens — que Thierry Martenon est né en 1967. Puissant et solitaire, sans artifice ni faux semblant, l’homme ressemble à sa terre.
From its promontory, a breathtaking landscape opens out below the village. To the east, mist-filled valleys stretch as far as the steep, grey-ochre cliffs of Les Lances de Malissard. North lie the foothills of the Jura, Aravis and Bauges mountain ranges and Mont Granier. To the south is the 2,062m Dent de Crolles, the ‘roof’ of the Chartreuse and the summit of the Grand Som… a sparkling ring of mountains. Between the summits lies a hilly land, dotted with pastures and hamlets. A vast plateau of deeply fissured karst limestone pavement and rock terraces stretches from the hardwood and softwood forests right up to the edge of Le Désert. The musty scents of tannin and resin fill the air. Only the flocks of birds — bullfinches, chaffinches, blue tits and coal tits — pierce the sound of silence. This landscape, which seems to have been lost forever, instils a sense of detachment and feeds a love for the elements. Here, in Le Désert d’Entremont — ‘between the mountains’, former refuge of the last Lombard kings defeated by the Carolingians — Thierry Martenon was born in 1967. Strong and solitary, without artifice or pretence, the man and his homeland seem alike.
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« La nature coule dans mon sang. J’ai grandi dans les forêts alentours », dit Thierry, descendant d’une lignée de paysans de montagne. « Tout le monde dans le village travaillait le bois de près ou de loin. L’économie de la région reposait sur les scieries. Mon grand-père était scieur. Nous n’avions pas de télévision et les longues soirées d’hiver nous gardaient dans l’atelier. Mon oncle m’installait devant l’établi avec ses outils. Enfant, je confectionnais moi-même avec mon opinel des jouets en bois… Je n’ai rien inventé, le bois est ma langue natale ». Très tôt, deux exigences ont dicté son choix de vie : « rester au pays et travailler le bois ». Aîné de quatre enfants, Thierry suit les traces de ses pères. « Je n’ai pas fait d’école d’art mais un CAP d’ébénisterie. Enfant, les seules sculptures que je connaissais étaient la statuaire religieuse — la montagne ici est piquée de croix et d’oratoires, ces petites niches renfermant des statuettes de la Vierge. L’art était perçu comme bourgeois. Il n’y avait pas de galerie ou de musée. La première galerie où je suis allé est celle qui m’a exposé en 1995 à Paris. J’ai exercé pendant dix ans le métier d’ébéniste et charpentier. Et j’aurais pu continuer ! Je serais tout aussi heureux. Mon plaisir est dans l’acte de sculpter, dans le maniement du bois, ses odeurs, ses textures, ses couleurs. »
‘Nature is in my blood. I grew up in the forests around here,’ says Thierry, who is descended from a long line of mountain country folk. ‘More or less everyone in the village worked with wood. The economy of the region depended on sawmills. My grandfather was a sawyer. We had no television so we spent the long winter evenings in the workshop. My uncle set me up at a workbench with his tools. As a boy I made wooden toys for myself with my penknife. I haven’t invented anything, wood is my mother tongue.’ Very soon, two needs dictated the course of his life: ‘to stay here and to work with wood’. Eldest of four children, Thierry followed in his forefathers’ footsteps. ‘I didn’t go to art school, but I took a Professional Certificate of Aptitude in Cabinetry. As a child, the only sculptures I knew were religious statuary — the mountain here is dotted with crosses and chapels, small niches with little statues of the Virgin. Art was considered bourgeois. There was no gallery or museum. The first gallery I ever set foot in was the one in Paris that showed my work in 1995. I worked for ten years as a cabinet-maker and carpenter, and I could have continued! I was happy enough. I take pleasure in the act of carving, in handling the wood, in its smells, its textures, its colours.’
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À GAUCHE :
N° 010505 Érable, Maple 850 x 150 x 55 mm 590 x 140 x 55 mm À DROITE :
N° 040505 Érable, Maple 1 150 x 250 x 80 mm
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N° 200705 Érable et ardoise, Maple and slate 700 x 400 x 100 mm
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2006 21
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CI-DESSUS :
N° 110706 Érable, Maple 600 x 420 x 110 mm PAGE PRÉCÉDENTE :
N° 050806 Érable, Maple 1 000 x 240 x 100 mm
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N° 300706 Frêne, Ash wood 1 030 x 380 x 110 mm
Thierry Martenon sculpte les bois vénérables issus des forêts environnantes : frêne, érable, épicéa. Sous ses mains, ce matériau noble devient œuvre d’art, véritable réceptacle à la lumière. C’est bien la lumière, dans les aspérités du bois, qui se joue des vides et des pleins, ruisselle le long des veines sablées, arase les crêtes et les extrémités, à tel point que chacune de ses pièces semble respirer — vivante, toujours.
Thierry Martenon est sculpteur. Il vit dans le hameau du Désert d’Entremont, dans le massif de la Chartreuse, à l’écart des bruits du monde et au cœur de la nature. Si son œuvre est désormais saluée par les plus grandes institutions et les collectionneurs, et si ses sculptures voyagent par-delà les océans, Thierry, lui, poursuit son voyage immobile et vertical, à l’écoute de ce qu’il tient pour vrai : la nature, le bois, les outils, l’atelier.
978-2-84138-872-1
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