3 minute read

Trouver l’argile

D Couvrir La Richesse Des Sols Que Nous Foulons

Trouver par ses propres moyens l’argile qui donnera sa matérialité à nos objets est une aventure vertueuse, où la promenade se confond avec la chasse au trésor et où notre curiosité est immédiatement récompensée par la générosité de la nature, qui nous offre des gisements pleins de promesses.

Advertisement

À cette étape de notre quête de poterie, comme à celles qui vont suivre, nous aiguiserons nos sens et nous ferons preuve de patience et d’humilité, toujours accompagnés par nos intuitions. Nous serons en grande partie des autodidactes, parce qu’un manuel technique ne remplacera jamais l’expérience et la curiosité du potier.

Immisçons-nous dans le lent processus naturel de transformation de la matière. Repérons les indices de sa présence dans le paysage, et en en grattant la surface, laissons-y notre empreinte.

Une Roche Molle

Quand elle est hydratée, l’argile, ou glaise, est un minéral qui a la particularité d’être plastique, c’est-àdire malléable. Ce phénomène est rendu possible par sa structure en feuillets, particules de moins d’un micromètre. Chaque « paillette » d’argile glisse en concordance avec les autres grâce aux molécules d’eau imbriquées dans la matière.

Cristaux d’argile en feuillets.

L’EAU QUI MÉTAMORPHOSE

Si l’argile est sèche, sans micropellicules d’eau, elle est friable et cassante. Humidifiée avec la quantité d’eau adéquate, la terre glaise est souple et garde la marque d’une empreinte. Noyée dans l’eau, ses molécules se suspendent pour former ce que l’on appelle une barbotine, de l’argile sous forme liquide.

À chaque degré d’hydratation son volume : humide, la terre glaise gagne le volume de l’eau qu’elle renferme ; sèche, elle connaît un retrait, ce qui forme des craquèlements ou des fissures que nous connaissons bien sur certaines étendues momentanément arides, et dont nous devons nous prémunir dans nos poteries.

Une Roche Vivante

La matière organique et l’activité des bactéries ont aussi leurs rôles dans la plasticité d’une argile, formant respectivement une sorte de colle et une gelée qui agissent dans le comportement de la pâte.

L’argile existe à différentes échelles de temps, depuis celle du temps minéral (la durée géologique dont on a l’impression qu’elle est immuable) au temps du micro- et du macrocosme, celui de l’humain et des micro-organismes dont nous percevons chaque jour la vie bouillonnante.

Si la roche elle-même n’est pas inerte, alors qu’est-ce qui l’est ?

Une Mati Re Qui Vient De Loin

Depuis les entrailles de notre planète, par un magma liquide, une masse solide se forme, roche volcanique ou granite. C’est la roche mère de l’argile.

Difficile de trouver de l’argile blanche très pure, formée à proximité directe de sa roche mère. De beaux gisements comme celui destiné à la porcelaine de Limoges, il n’y en a pas partout.

Plus communes sont les argiles dont la roche originelle s’est érodée avec les intempéries, et dont les particules sont portées par les vents ou les eaux. Ces dépôts sédimentaires, accumulés sur des centaines de milliers d’années, ont en eux la marque de l’eau qui les a chimiquement modifiés et des oxydes dont ils ont croisé le chemin et qui les colorent. Ces pâtes font le caractère des poteries populaires.

Les minéraux argileux sont les témoins de l’évolution de la croûte terrestre car ils persistent bien après que les fluides ont disparu. Quand nous marchons dans un désert, peut-être avons-nous sous la semelle les vestiges d’un lac, d’un torrent ou d’une mer.

C’est ainsi que l’on a pu attester de la présence d’eau sur Mars il y a 3,5 milliards d’années, en découvrant de l’argile sur son sol.

Formation Des Roches S Dimentaires

1. Altération et érosion des roches par la pluie, le vent, le gel. Les argiles se forment alors au contact de leur roche mère ou voyagent sous forme de particules qui s’affinent au fil du ruissellement de l’eau.

2. Les sédiments se déposent dans le lit des rivières et des fleuves, au fond des lacs et sur les sols marins.

Pister Un Bon Filon

Toute terre n’est pas argileuse. On trouve souvent en surface la terre végétale, qu’on appelle aussi humus, riche en substrats organiques, en vie animale et végétale. S’il y a de la glaise, elle est en dessous. Et si nous devions creuser plus profondément, nous trouverions de la roche dure… comme de la roche !

Dans notre environnement proche, on peut reconnaître des vallées, des plaines, des cours d’eau et leurs lits qui rassemblent les conditions nécessaires à de substantiels dépôts sédimentaires. Il y a des chances que les pics montagneux et les grandes plages de sable ou de galets ne soient pas les bons complices de notre vadrouille. Nous cherchons plutôt un endroit où l’argile affleure (ce qui facilite le prélèvement) et où elle a des chances d’être la plus pure. Il est toujours possible de récupérer suffisamment d’argile plastique pour modeler un bol en partant d’une terre légèrement argileuse, mais le travail de préparation n’en est que plus fastidieux, eu égard à la quantité de terre qu’il nous faut alors manipuler.