Very good Bowie trip, Michka Assayas / France Inter - GM éditions

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PAYS :France

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SURFACE :35 %

PERIODICITE :Quotidien

8 juin 2023 - N°13047

RUBRIQUE :Autre

DIFFUSION :101616

JOURNALISTE :Éric Dahan

«Very Good Bowie Trip», le droit de retour de Michka Assayas

L’écrivainpublie la transcription desonfeuilleton pour FranceInter sur la rock star avant-gardiste, dont il admet n’avoirréalisé l’importance qu’aprèssa disparition.

Pourquoi parler d’un énième livre sur David Bowie quand on a gardé le silence sur tous les autres?Parceque Michka Assayas a collaboré à Libération, àRock &Folk, signé un Dictionnaire du rock chez Robert Laffont etanime Very Good Trip, tous les soirs ou presque, sur France Inter ?Ce seraient d’excellentes raisons s’il n’avait manqué aucune destournées du musicien et était devenu son confident, cequ’il afait avecle chanteur de U2 comme l’atteste Bono par Bono, publié chez Grasset. Or, il l’avoue dès la préface de VeryGoodBowie Trip –assorti d’un CD,Live in Rio, inédit, capté en 1990 –, le «Siegfried rock» l’a toujours indifféré : «Il m’a fallu du temps pour comprendre à quel point j’avais tort… ce livre raconte comment je me suis converti à David Bowie.» SiFrance Inter ne lui avait pas commandé une

série d’émissions l’été dernier, dont ce livre est la retranscription, Assayas n’aurait donc jamais réécouté ses disques ni épluché les biographies qui lui ont été consacrées

«Unheimlich». Pour certains, avoir vécu les années 70et être passéàcôté de safigure rock la plus emblématique etinfluente disqualifie d’écrire sur lui. Mais ce livre d’un authentique amoureux du rock aaussivaleur de symptôme, permet de comprendre les résistances rencontrées, en France, par Bowie et son œuvre, de Philippe Manœuvre fustigeant, en 1974 dans Rock & Folk, «l’artiste en carton-pâte» , à Bayon le surnommant, en 1983dans Libération, «œil crevé»et «gestapette», avant de conclure qu’il «n’existe pas». Résistances compréhensibles : il fallait sans doute être doté de la «troi-

sièmeoreille», dont Nietzsche dit qu’elle est l’apanage «des philosophes et des femmes», pour goûter la poétique bowienne, ses mélodies unheimlich («inquiétantes»), ses hybridations stylistiques conjuguant moderne et postmoderne, sestextes prenant acte, dèsQuicksand (1971),de la «mort de l’homme» nietzschéo-foucaldienne, déconstruisant les logiques du propre, du genre et de l’identité et projetant l’auditeur dans le monde, alors naissant, du simulacre et de l’intertextualité. Assayas confesse avoir été désarçonné par l’art distancié et «théâtral» du Zarathoustra bisexuel, traduisant l’impossibilité de coïncider avec soi, quand le rock, comme toute religion, est censéproposer des dieux fiables et «authentiques».

«Désir de joie». Pendant sa série d’émissions estivales, on guettait chaque occur-

Tous droits de reproduction réservés

8 juin 2023 - N°13047

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rence du mot «dépravation», nous confortant dans l’idée que les Français sont un peuple étrange, àla fois libertin et puritain, révolutionnaire etconservateur. Son ouvrage estd’une autre tenue même s’il confirme, d’allers-retours dans la chronologie –improvisation radiophonique oblige –en inexactitudes factuelles, que le communiant tardif n’aobservé que de loin la carrière du rockeur avantgardiste.Qu’importe, Michka Assayas y pointe l’essentiel, en fin lettré, notamment lorsqu’il écrit à propos de l’artiste : «Il existe, comme gelédans soncœur hivernal, un désir de joie et de danse, qui ne demande qu’à être libéré.»

ÉRIC DAHAN

MICHKA ASSAYAS

VERY GOOD BOWIE TRIP GM Editions, 192 pp., 20 €.

RUBRIQUE :Autre

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JOURNALISTE :Éric Dahan

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David Bowie en 1973. PHOTO STUDIOCANAL. MARY EVANS. SIPA
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