Rivages 9

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Vivre la simplicité volontaire Alain Adriaens Propos recueillis par Pascale Otten

Alain Adriaens est aujourd’hui « objecteur de croissance » après avoir été actif à en politique pendant 40 ans, dont député ECOLO. Il nous livre sa réflexion sur le monde d’aujourd’hui. Je constate que notre société est en difficulté : les gens sont mal dans leur peau et de plus l’équilibre des écosystèmes est menacé. La réponse des « objecteurs de croissance » à cette « obsession de croissance », qui devient dangereuse, est notamment la recherche d’une vie plus simple, plus frugale. Cela se marque par des actions politiques mais aussi des attitudes personnelles. La prise de conscience des dangers de la croissance à tout prix n’est pas généralisée : seuls 15 à 30 % de la population sont sensiblisés. « Malgré tout », comme dit Miguel Benasayag1, on agit. Cela ne va peut-être pas tout changer, mais « au moins moi » je ne participerai pas à cette croissance effrénée et je m’en sens mieux. Dans votre livre, « Un millénaire de simplicité volontaire », vous montrez que par le passé et dans les communautés, notamment religieuses, certains ont déjà choisi de vivre plus simplement. J’ai voulu rechercher, en Occident, les endroits, lieux, groupes, qui ont choisi la simplicité volon-

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ivages | n° 9 | mars-avril 2018

taire durant le dernier millénaire. Je me suis limité, car, j’aurais pu aussi parler de l’Orient où les philosophies bouddhistes et autres en ont fait le centre de leur pensée. Certains lecteurs ont découvert que dans l’histoire d’Occident, il n’y avait donc pas que les rois, les guerres ! Suite à cette recherche, diriez-vous que cela correspond à une tendance naturelle de l’humain ? Il y a dans l’être humain, la quête de l’avoir, qui est nécessaire dans des temps de pauvreté subie, de manque : il est normal d’aspirer à une vie digne ! Une autre aspiration humaine est effectivement de se détacher de ce qui est matériel et rechercher un sens, une spiritualité que l’on ne trouve pas quand on est à la recherche de l’avoir. Ces deux tendances existent dans l’homme. En général, une minorité se tourne vers la recherche de sens, la majorité cherche à posséder. Ces deux manières de vivre sont parfois en conflit et cela peut créer de la violence, des massacres. Être centré sur l’« avoir » pourrait-il développer la dominance, la violence ? Si on parle du minimum pour avoir une vie digne, en effet, certains ne peuvent pas l’obtenir, car d’autres confisquent tous les biens. Gandhi disait : « Je vis simplement pour que les autres puissent simplement vivre. » Or, depuis quelques décennies, on constate que les richesses sont à nouveau concentrées chez quelques-uns. Une ­recherche d’Oxfam a montré que 8 personnes possédaient aujourd’hui autant que la moitié de l’humanité ! Tant de personnes qui vivent avec moins d’un dol-


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