Cannes 2021
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positionner Bruxelles certes comme territoire de tournage, mais aussi comme Ă©lĂ©ment ou sujet dâhistoires, de scĂ©narios. Nous voulons mettre en valeur les caractĂ©ristiques intrinsĂšques de la ville, la multiplicitĂ© de ses dĂ©cors. Cela va des espaces de verdure aux souterrains glauques, des tours hypermodernes aux merveilles architecturales classiques ou Art nouveau⊠Nous essayons dâattirer non seulement des tournages mais aussi des entreprises, puisque depuis 2016, quelque 122 entreprises se sont localisĂ©es ou relocalisĂ©es dans la capitale.
NoĂ«l Magis pilote le fonds rĂ©gional bruxellois screen.brussels qui, depuis mai 2016, dynamise lâĂ©cosystĂšme audiovisuel dans la capitale belge. Au sortir de la crise sanitaire, il voit se dessiner de nouvelles opportunitĂ©s pour le secteur en Belgique.
Screen.brussels compte six longs mĂ©trages en sĂ©lection cannoise ; cela reflĂšte-t-il la typologie des projets et les choix stratĂ©giques privilĂ©giĂ©s par le fondsâ?
Cela nous fait bien sĂ»r trĂšs plaisir, mĂȘme si le fait quâun projet soit susceptible de gagner des prix nâest pas un critĂšre dĂ©terminant chez nous. Câest la preuve que les projets, les sociĂ©tĂ©s et les talents que lâon soutient produisent des contenus apprĂ©ciĂ©s par le marchĂ© et le public. Mais dans notre stratĂ©gie on regarde avant tout la qualitĂ© des dĂ©penses, les commandes aux entreprises, la structuration des sociĂ©tĂ©s de production⊠Joue aussi le fait quâil sâagisse de projets portĂ©s par des jeunes rĂ©alisateur.rice.s belges ou bruxellois.e.s. Les films dâanimation comme Where is Anne Franck?, hors compĂ©tition, sâavĂšrent Ă©galement particuliĂšrement structurants pour notre secteur. Les Intranquilles est, lui, le fruit dâun attelage rĂ©unissant un rĂ©alisateur expĂ©rimentĂ© et une jeune sociĂ©tĂ© de production bruxelloise, S  tenola, qui se sont bien trouvĂ©s sur ce projet lĂ . LâaccĂšs au soutien de screen.brussels est-il trĂšs sĂ©lectifâ?
Paradoxalement, la grande qualitĂ© des projets que lâon reçoit ne mâĂ©pargne pas une grande frustration : 80â% dâentre eux sont bons, voire trĂšs bons, mais les moyens dont on dispose nous obligent Ă sĂ©lectionner quatre Ă cinq projets sur dix. Pour des raisons budgĂ©taires, on ne peut malheureusement pas intervenir sur des projets qui sont pourtant de qualitĂ©, tant la concurrence est rude. Parfois, on aimerait aussi pouvoir intervenir avec des moyens plus importants, notamment sur les films majoritaires belges, quâil soient dâinitiative flamande ou francophone. Nous sommes parfois frustrĂ©s de ne pas pouvoir ĂȘtre suffisamment moteurs sur la territorialisation de coproductions internationales dont on a aussi besoin sur un marchĂ© aussi ouvert que la Belgique. On doit toujours Ă©quilibrer les curseurs entre les productions majoritaires et les coproductions internationales. Notre budget de 3,5 M⏠est un peu Ă©triquĂ© en regard des besoins du marchĂ©. Existe-t-il des perspectives dâaugmentation, Ă court ou moyen termeâ?
Sur le plan conjoncturel liĂ© Ă la pandĂ©mie, on a reçu lâan dernier 1 M⏠supplĂ©mentaire. Nous avons demandĂ© un bonus de 500â000âŻâŹ pour la session de septembre car les projets continuent aujourdâhui Ă subir les mesures sanitaires, qui reprĂ©sentent des surcoĂ»ts de 10 Ă 15âŻ%. Structurellement, la rĂ©gion
Au cĆur du systĂšme de financement belge figure le tax shelter, pour lequel des amĂ©nagements et des rééquilibrages sont rĂ©clamĂ©s par les producteurs. Quâen pensez-vousâ?
NoĂ«l Magis « La combinaison des fonds fait la force de la coproduction en Belgique » aurait intĂ©rĂȘt, me semble-t-il, Ă pouvoir porter le fonds Ă hauteur de 5âŻM⏠par an. Les finances rĂ©gionales bruxelloises sont malheureusement assez Ă©triquĂ©esâ; mais le fonds screen.brussels peut dĂ©montrer Ă lâeuro prĂȘt quâun euro injectĂ© en rapporte neuf en retombĂ©es audiovisuelles Ă Bruxelles.
toutes les barriĂšres sanitaires, les coproductions internationales vont repartir, mĂȘme si dans les deux annĂ©es Ă venir les productions de longs mĂ©trages seront impactĂ©es dans les apports des vendeurs et des distributeurs. Bruxelles dispose dâune filiĂšre audiovisuelle assez complĂšte dans tous les mĂ©tiers de lâimage, du son, de la postproduction⊠Que comptez-vous faire pour renforcer son image en tant que lieu de tournageâ?
Vos derniĂšres sĂ©lections dĂ©notent un certain repli sur les projets dâinitiative belge. Est-ce un effet passager dĂ» Ă la pandĂ©mie ou une tendance plus lourdeâ?
A mon avis, on va assez rapidement voir des coproductions internationales revenir en Belgique. Je constate pour lâinstant que, tant pour les longs mĂ©trages que les sĂ©ries, le marchĂ© belge Ă tendance Ă augmenter en qualitĂ© et en volume. nous recevons beaucoup de projets de sĂ©ries belges francophones, nĂ©erlandophones et internationales. Impliquant des mois de production et de grosses Ă©quipes, elles sont extrĂȘmement structurantes sur le plan Ă©conomique. Je crois que, avec la levĂ©e progressive de
Nous avons, comme dans toutes les grandes villes, des pressions sur certains quartiers extrĂȘmement prisĂ©s et le partage de lâespace sâavĂšre parfois compliquĂ© sur le plan logistique, par exemple, lorsquâil faut bloquer la circulation pendant une Ă deux semaines. Câest un vrai challenge dans toutes les grandes villes et singuliĂšrement aujourdâhui Ă Bruxelles, mais il existe une bonne volontĂ© au sein des autoritĂ©s communales. Nous lançons une nouvelle campagne âTell Your Story in Brusselsâ pour
Le tax shelter reste le levier de financement le plus important pour lâaudiovisuel en Belgique. Si le systĂšme peut ĂȘtre amĂ©liorĂ© et adaptĂ© avec agilitĂ©, ce qui a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© pendant la crise du Covid, il faut le manipuler avec prĂ©caution. Il faut garder Ă lâesprit que ce qui fait lâintĂ©rĂȘt et la force de la coproduction en Belgique, câest de pouvoir combiner les fonds communautaires, rĂ©gionaux et fĂ©dĂ©raux. Le tax shelter a un impact direct Ă ces diffĂ©rents niveaux sur la production de contenus. On peut souhaiter un rééquilibrage vers la production locale, mais il faut aussi rester dans les clous de la lĂ©gislation europĂ©enne. Si on devait basculer vers un crĂ©dit dâimpĂŽt, il faudrait quâil soit au moins aussi concurrentiel que le tax shelter. Tout cela participe dâun Ă©quilibre extrĂȘmement fragile. DerniĂšrement, la ministre de la Culture, BĂ©nĂ©dicte Linard, a souhaitĂ© explorer des pistes pour une meilleure coordination entre les diffĂ©rents guichets en Belgique. Sous quelle forme cela pourrait-il se rĂ©aliserâ?
Je suis un fervent partisan dâune approche concertĂ©e, car Bruxelles est au cĆur des deux marchĂ©s, francophone et flamand. Câest compliquĂ©, car les cultures sont diffĂ©rentes, mais sur certains types de projets, il y a moyen de partager des ambitions et de mutualiser des moyens. Je pense, par exemple, Ă la sĂ©rie 1985, qui implique la VRT, la RTBF, le VAF, Wallimage, screen.brussels... Si la production belge veut Ă©merger dans la compĂ©tition internationale qui ne fait que se renforcer, il faut passer Ă la vitesse dĂ©multipliĂ©e avec des stratĂ©gies ambitieuses. Je vois dâun trĂšs bon oeil que RTL Belgique soit rachetĂ© par les groupes de mĂ©dias francophone (Rossel) et flamand (DPG Media)â; et si demain Telenet rachĂšte VOO/Be TV, on pourrait voir des choses intĂ©ressantes se mettre en place. On a besoin dâalliances un peu solides en Belgique. Propos recueillis par Thierry Leclercq
Juillet 2021 / Ăcranâtotal â Hors-sĂ©rie n° 2
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