L'Anabase de May et Fusako Shigenobu, Masao Adachi, et 27 Années sans Images

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Xénophon, Anabase, Paris, Les Belles Lettres, 1964 Pictures of Documents : Fusako Shigenobu’s transfer to Tokyo police headquarters, Nov 8, 2000 (détail) Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu : Une Chronologie Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu: A Chronology Masao Adachi, « Le circuit de l’information et de la création », Eiga Hihyô, Octobre 1971 Masao Matsuda, « La double structure du terrorisme dans les films de Wakamatsu », Art Theatre Guild Journal nº 93 Pictures of documents : Female Student Guerillas, 1969 (détail) Le Monde, 1 er Juin 1972 Pictures of documents : Ecstasy of the Angels, 1972 (détail) Pictures of documents : Lod airport, Tel Aviv, May 31, 1972 (détail) Pictures of documents : The Red Army / PFLP: Declaration of World War, 1971 (détail) The New York Times, June 6, 1972 L’Internationalisme et les tâches de la période actuelle dans la révolution japonaise. En commémoration de la 9 e année de l’opération de l’aéroport d’al-Lydd, Armée Rouge Japonaise, 1981 Pictures of documents : Prisoner / Terrorist, 2006 (détail) Pictures of documents : Pregnant Fusako Shigenobu, 1973 (détail) Pictures of documents : Wanted poster, Tokyo, 2010 (détail) Anabases : Une Chronologie Anabases: A Chronology Alain Badiou, Le Siècle, Paris, Le Seuil, 2005 L’Anabase de la Terreur : vouloir (ne pas) comprendre, Pierre Zaoui Masao Adachi, November 2011 Anabasis of Terror: Trying (Not) to Understand, Pierre Zaoui May Shigenobu, May 2008


XĂŠnophon . Anabase

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Pictures of Documents . Fusako Shigenobu’s transfer to Tokyo police headquarters . 2000 (dÊtail)


Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu : Une chronologie Naissance de Masao Adachi à Fukuoka au Japon. Naissance de Fusako Shigenobu à Tokyo au Japon. Masao Adachi entre à l’Université de Nihon, dé­ partement de cinéma. 1965 Fusako Shigenobu entre à l’Université de Meiji à Tokyo. 1967 Après avoir réalisé plusieurs films expérimen­ taux reconnus, notamment Rice Bowl (Wan, 1961) et Blocked Vagina (Sa-in, 1963), Masao Adachi entame une longue série de collaborations, principalement en tant que scénariste, avec Koji Wakamatsu, l’un des maîtres d’un nouveau genre de films de sexploitation, appelés « pink films » (pinku eiga). 1968 À travers tout le Japon, des groupes d’étudiants de gauche organisent de grandes manifestations pour protester contre la corruption au sein des universi­ tés, s’opposer au renouvellement du Traité Mutuel de Sé­ curité États­Unis – Japon (ANPO), et contrecarrer le sou­ tien logistique du Japon à la guerre des États­Unis au Vietnam. Le mouvement étudiant s’intensifie au travers de violents affrontements entre les manifestants, la po­ lice et des factions d’extrême droite. Les principales ac­ tions sont des rassemblements contre la construction de l’aéroport de Narita, la prise de la station de Shinjuku où les trains de carburant transitent pour ravitailler l’avia­ tion américaine, et l’occupation de l’Université Todaï, la plus prestigieuse de Tokyo. 1969 Masao Adachi écrit et réalise Female Student guerillas (Jogakusei Guerilla), le premier d’une série de films politiques « pink » radicaux qui présagent singulièrement des événements politiques à venir au Japon. Mettant en scène un groupe de lycéens en termi­ nale qui volent des armes militaires et installent un camp de guérilla dans la montagne, le film définit les thèmes jumeaux de plusieurs œuvres futures — la libération se­ xuelle et les politiques révolutionnaires — dont les leit­ motivs omniprésents sont une soif d’émancipation socia­ le et des excès de violence désespérés. Au moment où les distributeurs commencent à cataloguer les films écrits par Adachi comme trop subversifs, Wakamatsu suggère à Adachi de signer le scénario de Female Student Guerillas sous le pseudonyme Izuru Deguchi. 1939 1945 1959

Dans le même temps, nombre de factions d’extrême gau­ che se forment au sein du mouvement étudiant, s’oppo­ sant les unes aux autres lors d’affrontements violents. Après un siège de plusieurs mois, la police lance l’assaut contre l’occupation de l’Université de Todai par les étu­ diants. Comme la répression policière s’intensifie et que les organisations plus anciennes de la Nouvelle Gauche se divisent, un mouvement clandestin dévoué à la lutte révolutionnaire armée voit le jour, la Faction Armée Rou­ ge (Sekigun-ha). Fusako Shigenobu en devient un mem­ bre actif à Tokyo. En novembre, cinquante trois militants de la FAR sont arrêtés au moment où ils préparent une attaque contre le premier ministre japonais. En tant que membre d’un collectif de réalisateurs qui comprend le théoricien et anarchiste Masao Matsuda, Masao Adachi co­réalise A.K.A. Serial Killer (Ryakusho Renzoku Shasatsuma). D’une durée de 86 minutes, ce mon­ tage d’images en couleur de paysages, tournées dans cin­ quante cinq sites différents à travers l’archipel japonais retrace tout le périple d’un jeune homme vagabond nom­ mé Norio Nagayama, de sa naissance à Hokkaido jusqu’à son arrestation pour meurtre à Tokyo. Le film débute avec une voix­off, celle de Masao Adachi : L’automne dernier, quatre assassinats ont été commis dans quatre villes avec le même revolver. Ce printemps, un jeune garçon de 19 ans a été arrêté. On l’a surnommé « serial killer».

Parce qu’il concentre sa critique sociale et politique de l’aliénation non sur des gens mais sur des paysages, A.K.A. Serial Killer représente un tournant esthétique et politique dans les formes du documentaire. Grâce à un geste simple mais non moins radical, destiné à reconcep­ tualiser l’idée militante du film­comme­arme, Adachi et Matsuda introduisent le fûkeiron : une « théorie du pay­ sage » cherchant à déceler les structures du pouvoir qui conditionnent les gestes des hommes, en dirigeant la ca­ méra vers des lieux du quotidien. 1970 Le 31 mars, neuf membres de la Faction Armée Rouge procèdent au spectaculaire détournement du vol Yodo de la compagnie Japan Airlines et atterris­ sent en Corée du Nord. Le traité ANPO étant sur le point d’être ratifié en dépit des manifestations importantes, l’ap­ parente insuffisance de la mobilisation de masse des étu­ diants et l’écrasante répression policière à laquelle ceux­ ci font face, provoquent un tournant vers la lutte armée. Le détournement de Yodo ouvre la voie à d’autres actions directes et médiatiques de groupuscules radicaux, notam­ ment des vols d’armes, des braquages de banques ainsi que des attentats à la bombe contre des postes de police. suite page 7

Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu . Une chronologie

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Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu: A Chronology 1939 1945 1959

Masao Adachi is born in Fukuoka, Japan. Fusako Shigenobu is born in Tokyo, Japan. Masao Adachi enrolls at Nihon University in the Film Studies program. 1965 Fusako Shigenobu enrolls at Meiji University in Tokyo. 1967 After having directed several acclaimed exper­ imental films including Rice Bowl (Wan, 1961) and Blocked Vagina (Sa-in, 1963), Masao Adachi begins a long series of collaborations, mostly as a screenwriter, with Koji Wakamatsu, an emerging master of the “pink films” (pinku eiga) sexploitation genre. 1968 Throughout Japan, national left­wing student groups organize large­scale demonstrations to protest corruption at universities, oppose the renewal of the Japan­US Treaty of Mutual Security (ANPO), and counter Japan’s logistical support to the American war in Vietnam. The student movement escalates with vio­ lent clashes involving demonstrators, the police, and fac­ tions on the far right. The major flashpoints are rallies against the construction of Narita airport, the takeover of Shinjuku station where fuel trains transit to supply the US air force, and the occupation of Tokyo’s elite Todai University. 1969 Masao Adachi writes and directs Female Student Guerillas (Jogakusei Guerilla), the first of sever­ al radical political “pink” films that uncannily foreshad­ ow future political developments in Japan. Depicting a group of high school seniors who steal army weapons and set up a guerilla camp in the mountains, the film also es­ tablishes the twin themes of several later works: sexual liberation and revolutionary politics, with the thirst for social emancipation and surges of violence as pervasive leitmotifs. As distributors begin to blacklist films writ­ ten by Adachi as too subversive, Wakamatsu suggests that Adachi sign the screenplay for Female Student Guerillas (and several later films) under the pseudonym Izuru Deguchi. Meanwhile, a number of radicalized left wing factions emerge from within the student movement, battling each other in violent clashes. The police storm the student oc­ cupation of Todai University after a siege lasting sever­ al months. As the police crackdown intensifies and older New Left organizations fracture, the Red Army Faction (Sekigun-ha) is founded as an underground movement dedicated to armed revolutionary struggle. Fusako Shi­ genobu becomes an active member in Tokyo. In Novem­ ber, fifty­three RAF militants are arrested as they pre­ pare an attack against the Japanese prime minister.

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Masao Adachi, as part of a filmmaking collective that in­ cludes anarchist theorist Masao Matsuda, co­directs A.K.A. Serial Killer (Ryakusho Renzoku Shasatsuma). The 86­minute montage of color landscapes shot in fifty­five locations across the Japanese archipelago, retraces the life­ long vagrant itinerary of a young man named Norio Nagaya­ ma, from his birth in Hokkaido to his arrest for murder in Tokyo. The film opens with a voiceover by Masao Adachi: In the fall of 1968, four murders took place in four cities. In all four, the same gun was used. In the spring of 1969, a 19­year­old boy was arrested. He became known as “serial killer.”

By focusing its social and political critique of alienation exclusively on landscape rather than people, A.K.A. Serial Killer represents an aesthetic and political shift in docu­ mentary forms. In a simple yet radical gesture aimed at reconceptualizing the militant ideal of film­as­weapon, Adachi and Matsuda introduce fûkeiron, or landscape the­ ory, as a way of capturing the ubiquity of state power, by turning the camera towards everyday scenery. 1970 On March 31 st, nine Red Army Faction members carry out the spectacular highjacking of the Jap­ an Airlines Yodo flight and land it in North Korea. With the ANPO treaty on its way to ratification despite the wide­ spread mobilization against it, the perceived insufficien­ cy of mass student mobilization, and the heavy police re­ pression of the student movement lead to a shift towards armed struggle. The Yodo highjacking signals a turn to­ wards media­focused direct action by armed groups. Their violent tactics escalate from weapon thefts and bank heists to bomb attacks against police stations. continued on page 8

Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu . A Chronology


Masao Adachi . Le circuit de l’information et de la création

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Masao Matsuda . La double structure du terrorisme dans les films de Wakamatsu


Alors que l’opération Yodo est considérée comme un succès en termes de propagande par la Fac­ tion Armée Rouge, son résultat concret est la décapita­ tion du groupe. Ses responsables se trouvant bloqués en Corée du Nord, la FAR désigne de nouveaux responsa­ bles qui ne font pas l’unanimité. Fusako Shigenobu dé­ fend la nécessité de lier les stratégies du groupe à une internationalisation de la révolution. En dépit des objec­ tions des responsables de la FAR, elle prévoit un voyage à l’étranger pour établir des liens avec d’autres organi­ sations radicales. Son casier judiciaire l’empêche d’obte­ nir un passeport, mais par son mariage avec Tsuyoshi Okudaira, un camarade non­fiché par la police, elle devient officiellement Fusako Okudaira. Le 28 février, Okudaira et elle quittent Tokyo et se rendent à Beyrouth pour leur lune de miel. Sur place, ils entrent en contact avec l’or­ ganisation marxiste Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP). À Tokyo, la Faction Armée Rouge fusionne avec la Faction Révolutionnaire de Gauche pour former l’Armée Rouge Unifiée (Rengo Sekigun). Rassemblant les fonds provenant du braquage des banques et des armes volées, l’ARU se regroupe et se cache dans des camps d’entraî­ nement de montagne au centre du Japon. Le film “pink” de Koji Wakamatsu Sex Jack (Seizoku), écrit par Masao Adachi, est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes. Grâce aux bénéfices tirés du succès commercial du film, Adachi et Wakamatsu font escale à Beyrouth en revenant de Cannes pour y tourner un documentaire sur la lutte palestinienne. Au Liban, les réalisateurs engagent Fusako Shigenobu, qui travaille pour le service de presse du FPLP, comme in­ terprète et guide. Le film qui s’ensuit, tourné à Beyrouth, dans la vallée de la Bekaa et dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban et en Jordanie, mêle des plans de paysages fûkeiron à des images d’entraînement de la gué­ rilla palestinienne, des interviews avec des responsables du FPLP, des énoncés théoriques de Fusako Shigenobu et des discours de la Faction Armée Rouge au Japon. Le film explore une nouvelle forme de documentaire de pro­ pagande autour d’une théorie de l’information militante qui s’oppose aux informations issues du pouvoir. The Red Army / PFLP: Declaration of World War (Sekigun / PFLP: Sekai Senso Sengen) s’ouvre sur des images d’archives du groupe Yodo et du récent détourne­ ment de trois avions par le FPLP suite à « Septembre noir ». Une voix­off déclare : 1971

La meilleure forme de propagande est la lutte armée.

Le film ayant été interdit dans les cinémas, Adachi et Wakamatsu installent un système de projection mobile dans un bus rouge et parcourent le Japon pour une tour­ née de séances publiques, déclarant que la projection d’un film est en soi une forme politique et une plateforme de mobilisation. Dans un article du numéro d’octobre de la revue Critique Cinématographique (Eiga Hihyô), Adachi publie des extraits de son journal de tournage : Je me demandais pourquoi il fallait traduire en « paroles » les activités stratégiques du FPLP (…) Et par ailleurs, je risquais de m’effondrer si je ne prenais pas en compte mes limites physiques et continuais à filmer, une Kalashnikov à la main, tout en participant à l’entraînement des combattants de la guérilla.

Alors qu’ils s’entraînent dans une base près du Mont Haruna en janvier et février, quatorze membres de l’Armée Rouge Unifiée sont battus et tor­ turés à mort par leurs camarades lors d’une série de séances d’autocritique et de purges sadiques. Plusieurs membres dont l’autocritique est jugée insuffisante sont attachés à un arbre et meurent de froid dans les bois — parmi eux se trouve la femme d’un des militants, en­ ceinte de huit mois. Le 16 février, les deux chefs du Rengo Sekigun et six membres ayant survécu à la purge sont arrêtés par la po­ lice, alors que cinq autres militants prennent la fuite et se réfugient au chalet d’Asama Sans , où ils prennent en otage la femme du gérant. Après un siège de dix jours pendant lequel deux policiers et un civil sont tués, les mi­ litants sont capturés. La découverte des cadavres des purges du Mont Haruna et la couverture télévisée non­ stop du siège d’Asama Sans provoquent un vif retour­ nement de l’opinion publique contre les groupes radicaux de gauche au Japon, marquant le début de la fin pour la Nouvelle Gauche et le mouvement progressiste. Au cours de la même période, Masao Adachi signe, sous le pseudonyme de De Deguchi, le scenario du film L’Extase des Anges (Tenshi No Kôkotsu) de Wakamatsu et y joue aussi un petit rôle. Plusieurs membres de la Faction Armée Rouge y tiennent des seconds rôles de mi­ litants travaillant pour une organisation clandestine ins­ pirée par la Société des Saisons du révolutionnaire Louis­ Auguste Blanqui. Après avoir volé des bombes sur une base militaire américaine, des membres de la cellule « Octobre » sont violemment attaqués par une faction ri­ vale. Le film est construit à partir de séquences de scènes sexuelles explicites et de discussions théoriques entre militants menant à une campagne nihiliste d’attentats dans des lieux publics — un crescendo d’explosions ac­ compagné d’une bande son de free jazz délirant. Un poste de police de Shinjuku, qui explose dans le film, devien­ dra plus tard la cible réelle d’un attentat le soir de Noël. 1972

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Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu . Une chronologie

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1971

While the Yodo operation is perceived as a pro­ paganda success by the Red Army Faction, its practical result is the decapitation of the group. With its leadership stuck in North Korea, the RAF appoints new, contested leaders. Fusako Shigenobu argues for the need to tie the group’s strategies to an internationalization of the revolution. Despite the RAF leaders’ objections, she makes plans to travel abroad and forge ties with other radical organizations. Her police file prevents her from obtaining a passport, but by marrying Tsuyoshi Oku­ daira, a comrade without a record, she officially becomes Fusako Okudaira. On February 28th, she and Okudaira leave Tokyo for Beirut on their honeymoon. There they link up with the Marxist Popular Front for the Liberation of Palestine (PFLP). In Tokyo, the Red Army Faction merges with the Revolutionary Left Faction to form the United Red Army (Rengo Sekigun). Pooling funds from bank heists and sto­ len weapons, the URA regroups and hides at training bas­ es in the remote mountains of central Japan. Koji Wakamatsu’s pink film Sex Jack (Seizoku), writ­ ten by Masao Adachi, is selected by the Quinzaine des Réalisateurs at the Cannes Film Festival. With the pro­ ceeds from the film’s commercial success, Adachi and Wakamatsu stop in Beirut on the way back from Cannes, and begin shooting a documentary about the Palestin­ ian struggle. In Lebanon, the filmmakers hire Fusako Shigenobu, who has been working at the PFLP press of­ fice, as an interpreter and guide. The resulting film, shot in Beirut, Bekaa valley, and Palestinian refugee camps in Lebanon and Jordan, combines fûkeiron landscape im­ agery with footage of Palestinian guerilla training, inter­ views with PFLP leaders, theoretical discourse by Fusako Shigenobu, and Red Army Faction speeches in Japan, de­ veloping a prototype for a theory of militant news / propa­ ganda documentary. The Red Army / PFLP: Declaration of World War (Sekigun / PFLP: Sekai Senso Sengen) opens with newsreel images of the Yodo and recent “Black September” PFLP airplane highjackings, with a voice­over declaring:

1972

While training at the Haruna Mountain base in January and February, fourteen members of the United Red Army are beaten and tortured to death by their comrades in a series of sadistic self­criticism ses­ sions and purges. Several members whose self­critique is deemed insufficient (including one militant’s wife who is eight months pregnant) are tied to a tree and left to freeze to death in the woods. On February 16th, the two leaders who had orchestrat­ ed the purge, and six surviving Rengo sekigun members are arrested by the police, while five others flee, taking refuge at the Asama Sans mountain lodge and holding the caretaker’s wife hostage. After a ten­day pitched bat­ tle during which two police officers and a civilian are killed, the remaining United Red Army militants are captured. The discovery of the shallow graves from the purg­ es at Haruna Mountain, and the continuous television coverage of the Asama Sans siege cause an intense pub­ lic backlash against radical leftist groups in Japan, and mark the beginning of the end for the New Left and pro­ gressive movement. During the same period, under the pseudonym De Deguchi, Masao Adachi writes the screenplay of the Wakamatsu Production film Ecstasy of the Angels (Tenshi No Kôkotsu) in which he also plays a small role. Several Red Army Faction members play supporting roles as activists in an underground organization with code names based on 19 th century French revolutionary Louis­ Auguste Blanqui’s secret Society of Seasons (Société des Saisons). After stealing bombs from a US Army base, members of the “October” cell are brutally assaulted by a rival faction. The film is built on a sequence of explic­ it sex scenes and theoretical discussions among the mil­ itants who opt for a nihilist campaign of random public bombings, ending in a crescendo of explosions over a manic free jazz soundtrack. A police station in Shinjuku, which is blown up in the film, later becomes the real tar­ get of a bombing on Christmas Eve. continued on page 12

The best form of propaganda is armed struggle.

With the film blacklisted from theaters, Wakamatsu and Adachi set up a mobile projection system in a red bus and tour Japan, declaring the screening itself a political form and platform for mobilization. In the October issue of the journal Film Criticism (Eiga Hihyô), Adachi publishes passages from his travel journal: I was concerned with two thoughts: why should I try to translate into “words” the strategic activities of the PFLP, (…) and did I not risk collapsing if I ignored my physical limits and continued filming, Kalashnikov in hand, while undergoing guerilla training.

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Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu . A Chronology


Pictures of documents . Female Student Guerillas . 1969 (dĂŠtail)

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Le Monde . 1 er Juin 1972


Dans le numéro 93 du magazine Artist Theatre Guild, le critique et compagnon de route Masao Matsuda, qui avait co­réalisé A.K.A. Serial Killer avec Adachi, écrit : En décrivant tout crime de façon « criminelle », le couple Wakamatsu­Adachi approfondit sa réflexion ontologique et, finalement, à travers l’étude de la structure dualiste du terrorisme, continue de montrer inlassablement la raison pour laquelle tout crime est révolutionnaire. Leur nouveau film, l’Extase des Anges, suit en sens inverse le circuit de la structure dualiste du terrorisme, et soulève une nou­ velle question audacieuse, à savoir dans quelle mesure toute révolution ne doit­elle pas être « criminelle » ?

Le 30 mai, à l’aéroport de Tel Aviv, à Lod, trois passagers japonais débarquant d’un vol en provenance de Rome sor­ tent des fusils mitrailleurs et des grenades de leurs vali­ ses et tirent sur la foule dans la zone des bagages. Vingt­ six passagers sont tués, y compris dix­neuf pèlerins catho­ liques venant de Porto Rico. Kozo Okamoto, le seul des trois assaillants à survivre, est interpellé. Le 31 mai, le FPLP revendique l’attentat dans un communiqué. Les au­ torités israéliennes annoncent que Kozo Okamoto se ré­ clame de l’Armée de l’Étoile Rouge, et que le commando a suivi un entraînement et reçu ses instructions dans des camps palestiniens au Liban. Le massacre de l’aéroport de Lod, considéré comme la première mission suicide de l’histoire du conflit israélo­arabe, est condamné de maniè­ re unanime en Occident, mais est perçu comme une victoi­ re dans une grande partie du monde arabe. Dans une in­ terview donnée alors qu’il est en prison, Okamoto dit « s’il n’y avait pas eu la purge de Rengo Sekigun (dans la mon­ tagne d’Haruna), il n’y aurait pas eu d’attaque contre l’aé­ roport de Lod. » Des années plus tard, dans une interview avec le journal du dimanche japonais Mainichi, Fusako Shigenobu explique qu’afin d’effacer les erreurs de la pur­ ge, il était nécessaire de « montrer au monde ce que la mort d’un vrai révolutionnaire signifiait ». 1973 Le 1 er mars, Fusako Shigenobu donne naissance à une fille prénommée May (écrit également Mei) Shigenobu. Le prénom se réfère à la fois au mot « revolu­ tion » en japonais, kakumei, dans lequel l’idéogramme « mei » signifie « la vie », ainsi qu’aux événements de mai 1972 (May en anglais) à l’aéroport de Lod. Le père est un militant palestinien dont l’identité n’est pas révélée. En juillet, un vol de la Japan Airlines est détourné au dessus des Pays­Bas. Les passagers et l’équipage sont libérés à Benghazi, en Libye, où Osamu Maruoka, le res­ ponsable japonais du commando international, fait explo­ ser l’avion vide sur le tarmac. Les pirates de l’air se font appeler Sons of the Occupied Territories (Fils des Terri­ toires Occupés).

1974

En janvier, un commando mixte palestino­japo­ nais sabote, sur ordre du FPLP, une raffinerie de pétrole Shell à Singapour et détourne un ferry dont les cinq membres d’équipage sont libérés en échange d’une rançon et la garantie d’un passage vers le Sud Yémen. Masao Adachi retourne à Beyrouth pour filmer un deuxième volet de son documentaire propagandiste The Red Army / PFLP: Declaration of World War. Le film n’est jamais terminé et les séquences qu’il tourne au Liban sont détruites lors de trois bombardements différents pen­ dant la guerre civile et l’occupation israélienne. Adachi ne retournera plus au Japon pendant vingt­six ans. À Paris, un groupe de militants japonais présumés, comprenant Masao Matsuda, est interpellé par la DST et expulsé vers le Japon. Le responsable de la cellule, Yoshiaki Yamada, est incarcéré à la prison de la Santé. Le 13 septembre, un commando de trois militants japonais attaque l’ambassade de France à La Haye. L’opération est une fois de plus organisée par le FPLP et les armes four­ nies par le terroriste vénézuélien connu sous le nom de Carlos. La prise d’otages dure plusieurs jours avant que l’ambassadeur et le personnel ne soient libérés en échan­ ge de Yoshiaki Yamada, d’une rançon de 300 000 dollars et de la mise à disposition d’un avion. Le gouvernement du Sud Yémen refuse au groupe l’autorisation d’atterrir à Aden et l’avion se dirige vers Damas. Le gouvernement syrien déclare qu’une prise d’otages pour de l’argent est anti­révolutionnaire, et confisque la rançon au comman­ do Japonais. Pendant l’occupation de l’ambassade à La Haye, Adachi est à Paris, où il effectue des annonces au nom des ravisseurs. Lorsqu’il retourne au Liban, il devient of­ ficiellement le porte­parole d’un nouveau groupe, l’Armée Rouge Japonaise (Nihon Sekigun), d’obédience marxiste révolutionnaire internationaliste, créée sous l’égide de Fusako Shigenobu. Parfois appelée Arabu Sekigun, l’ARJ comprend une douzaine de militants venus du Japon pour se joindre, depuis 1971, à Shigenobu. L’Armée Rouge Ja­ ponaise revendiquera a posteriori la responsabilité d’un certain nombre d’opérations antérieures, organisées et conduites par le FPLP et auxquelles des militants japo­ nais ont participé en tant que soldats — y compris le massacre de l’aéroport de Lod. À Tokyo, les autorités ajoutent Adachi à la liste des terroristes Sekigun recher­ chés — liste où Fusako Shigenobu est déclarée ennemie publique numéro un. Leurs photographies figurent sur des avis de recherche placardés dans les postes de poli­ ce à travers tout le pays. suite page 17

Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu . Une chronologie

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In issue 93 of the magazine Artist Theatre Guild, critic and fellow traveller Masao Matsuda, who had co­direct­ ed A.K.A. Serial Killer with Adachi, writes: Describing all crime in a “criminal” way, the Wakamatsu­ Adachi team deepens its ontological reflection and, ultima­ tely through the study of terrorism’s dualist structure, continues to relentlessly show why all crime is revolutio­ nary. Their new film, Ecstasy of the Angels, follows the circuit of terrorism’s dualist structure in the opposite direction, and raises new, audacious questions, namely to what extent is every revolution necessarily “criminal”?

On May 30th, at Lod airport near Tel Aviv, three Japanese passengers arriving on a flight from Rome retrieve ma­ chine guns and grenades from their luggage and open fire on the crowd in the baggage area. Twenty­six passen­ gers are killed, including nineteen Catholic pilgrims from Puerto Rico. Kozo Okamoto, the only one of the three as­ sailants to survive, is arrested. In a statement on May 31st the PFLP claims responsibility for the attack. Israe­ li authorities announce that Kozo Okamoto and his com­ rades belong to the Army of the Red Star, and received training and instructions from Palestinian camps in Lebanon. The Lod airport massacre, described as the first suicide mission in the history of the unfolding Mideast conflict, draws unanimous condemnation in the west, but is greeted as a success in much of the Arab world. In an interview given from prison, Okamoto declares “if there had not been a Rengo Sekigun purge (in the Haruna moun­ tain camp) there would have been no Lod airport attack.” Years later, in an interview with the Japanese Mainichi Sunday newspaper, Fusako Shigenobu explained that in order to erase the faults of the mountain purges, there was a need to “show the world what the death of a true revolutionary meant.” 1973 On March 1st, Fusako Shigenobu gives birth to a daughter named May (also spelled Mei) Shige­ nobu. The name is both a reference to the Japanese word for revolution, kakumei, where the kanji character “mei” means “life,” and a reference to the events of May 1972 at Lod Airport. The father is a Palestinian militant whose identity is not revealed. In July, a Japan Airlines flight is highjacked over the Netherlands. The passengers and crew are released in Benghazi, Libya, where Osamu Maruoka, the japanese leader of the international commando, blows up the emp­ ty plane on the tarmac. The highjackers identify them­ selves as Sons of the Occupied Territories. 1974 In January, a joint Palestinian­Japanese comman­ do under PFLP leadership sabotage a Shell oil refinery in Singapore and highjack a ferryboat with five crew members, releasing them in exchange for a ransom and safe passage to South Yemen. Masao Adachi returns to Beirut to film a sequel to his propaganda documentary The Red Army / PFLP: Declaration of World War. The film is never made, and the footage he shoots in Lebanon is destroyed on three dif­ ferent occasions during the civil war and Israeli occupa­ tion. Adachi will not return to Japan for twenty­six years.

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In Paris, a group of suspected Japanese militants includ­ ing Masao Matsuda is rounded up by the police and deport­ ed to Japan. The presumed cell leader, Yoshiaki Yamada, is arrested. On September 13th, a group of three Japanese militants storms the French Embassy in The Hague. The operation was once again planned by the PFLP and the weapons were supplied by the Venezuelan terrorist op­ erative known as Carlos. The hostage crisis lasts sever­ al days before the ambassador and staff are released in exchange for Yoshiaki Yamada, $ 300,000 and the use of a plane. The government of South Yemen refuses au­ thorization to land in Aden, so the plane is diverted to Damascus, where the government declares hostage­tak­ ing for money un­revolutionary, and forces the Japanese to give up their ransom. During The Hague embassy occupation, Adachi is in Paris, where he makes announcements on behalf of the hostage takers. Upon returning to Lebanon, Adachi for­ mally becomes the spokesman for a new group, the Jap­ anese Red Army (Nihon sekigun), a Marxist internation­ alist revolutionary outfit under the leadership of Fusako Shigenobu. Sometimes referred to as Arabu sekigun, the JRA comprises a dozen militants who have joined Shige­ nobu from Japan since 1971. The Japanese Red Army will retroactively claim responsibility for a number of earli­ er PFLP­planned and led operations in which Japanese militants were involved as soldiers—including the Lod airport massacre. Authorities in Tokyo add Adachi to the list of sought Sekigun terrorists topped by Fusako Shi­ genobu. Their pictures are placed on wanted posters dis­ played in police stations across the country. continued on page 18

Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu . A Chronology


Pictures of documents . Ecstasy of the Angels . 1972 (dĂŠtail)

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Pictures of documents . Lod airport . Tel Aviv . May 31, 1972 (dĂŠtail)


Pictures of documents . The Red Army / PFLP: Declaration of World War . 1971 (dĂŠtail)

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The New York Times . June 6, 1972


Le 4 août, un commando de l’ARJ occupe le consu­ lat américain et l’ambassade suédoise à Kuala Lumpur. En échange des cinquante otages, le gouverne­ ment japonais accepte de libérer cinq militants emprison­ nés, notamment Kunio Bando, un soldat de l’Armée Rou­ ge Unifiée sorti vivant des purges de l’hiver 1971 et du siège du refuge d’Asama. Ils sont envoyés par avion en Malaisie, puis poursuivent vers Beyrouth avec les ravis­ seurs, rejoignant ainsi les rangs de l’ARJ. Deux autres militants, dont la libération avait également été deman­ dée par l’ARJ, refusent leur libération, préférant finir de purger leur peine au Japon. 1977 Le 28 septembre, l’ARJ détourne le vol 472 de la Japan Airlines et atterrit à Dhaka au Bangladesh. Le gouvernement japonais accepte de payer 6 millions de dollars de rançon et de libérer six prisonniers, y compris Junzo Okudaira, le plus jeune frère de Tsuyoshi Okudaira mort lors du massacre de l’aéroport de Lod. 1982 En juin, Israël occupe le sud Liban et remonte jusqu’à Beyrouth pour chasser les forces palesti­ niennes. Fusako Shigenobu fuit vers l’Europe et, peu de temps après, rejoint sa fille May, Masao Adachi et la ma­ jeure partie de l’ARJ en Libye. 1983 Lors d’une interview avec un journaliste japonais, Fusako Shigenobu annonce que son mouvement a « renoncé au moyen de la terreur absolue », admettant que cette tactique avait manqué de rallier de nouveaux mem­ bres et d’accroître leur soutien populaire, et reconnaissant le besoin de trouver de nouvelles approches. Au bout de quelques mois, l’ARJ publie un communiqué annonçant un retour à la lutte armée car « les méthodes pacifiques ne sont pas efficaces. » Une annonce de recrutement pour l’ARJ est publiée dans un magazine de gauche au Japon : 1975

Nous sommes au milieu de nulle part mais si vous nous rejoignez, il ne sera pas difficile de nous trouver.

Kozo Okamoto, le seul attaquant de l’aéroport de Lod à avoir survécu, est libéré lors d’un échange de prisonniers entre Israéliens et Palestiniens. Il rejoint Fusako Shigenobu en Libye. 1985

1986 à 1996

Yoshiaki Yamada, le soldat de l’ARJ libéré par les autorités françaises lors de la prise d’otages à l’ambassade de La Haye et impliqué par la suite dans le sabotage de la raffinerie Shell à Singapour, se présente à un poste de police au Japon pour se consti­ tuer prisonnier. Osamu Maruoka, qui avait mené le pre­ mier détournement d’avion de l’ARJ en 1973, est arrêté quelques mois plus tard après être lui aussi retourné au Japon sous une fausse identité. L’Armée Rouge Japonaise se distancie du mouvement palestinien de plus en plus nationaliste et cesse de reven­ diquer, en tant qu’organisation, la responsabilité d’autres opérations. Les membres de l’ARJ sont néanmoins soup­ çonnés, à titre individuel, de participer à un certain nom­ bre d’attaques terroristes anti­impérialistes au cours des années suivantes, notamment l’attaque au mortier contre les ambassades du Japon, du Canada et des États­Unis à Jakarta, une attaque similaire contre les ambassades bri­ tannique et américaine à Rome en 1987, et un attentat à la bombe contre un club de loisir du United Service Orga­ nizations (USO) à Naples en 1988, attentat qui tua cinq personnes. La chute du Mur de Berlin et la dissolution d’un cer­ tain nombre de services de sécurité d’Europe de l’Est qui avaient soutenu les groupuscules d’extrême gauche ar­ més transforment soudainement les dynamiques poli­ tiques au Proche­Orient. La première Guerre du Golfe et la signature des Accords d’Oslo entre Israël et l’OLP changent la nature des relations entre les gouverne­ ments arabes et les États­Unis, diminuant d’autant plus les soutiens logistiques et financiers des organisations terroristes basées au Liban. En 1995, Yukiko Ekita, une militante de l’ARJ libé­ rée par les autorités japonaises lors de l’échange d’otages à Dakha en 1977, est arrêtée à Bucarest. Dans ses baga­ ges, la police trouve une disquette où sont enregistrés les textes d’un manifeste pour une nouvelle organisation, un pamphlet destiné à recruter auprès d’un lectorat ja­ ponais et attestant d’un changement de position en fa­ veur d’un retour vers le Japon suite aux transformations substantielles du New World Order. Dans son introduc­ tion, le manifeste stipule : Le scénario d’une révolution doit être écrit à la manière du script d’un film.

1997

Masao Adachi, Kozo Okamoto et trois autres sol­ dats japonais de l’ARJ sont arrêtés par les auto­ rités libanaises à Beyrouth. Ils sont inculpés pour falsi­ fication de passeports et emprisonnés pendant trois ans. suite page 23

Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu . Une chronologie

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On August 4th, a JRA commando occupies the US Consulate and Swedish Embassy in Kuala Lumpur. In exchange for the fifty hostages, the Japanese government agrees to release five incarcerated militants including Kunio Bando, a United Red Army soldier who had survived both the 1971 winter purges and the Asama lodge siege. They are flown to Malaysia, and on to Beirut with the hostage­takers, rejoining the ranks of the JRA. Two other militants, whose release the JRA also demand­ ed, decline to go to Malaysia, preferring to remain incar­ cerated in Japan. 1977 On September 28th, the JRA hijacks Japan Air­ lines Flight 472 and lands in Dhaka, Bangladesh. The Japanese Government agrees to pay a $ 6 million ran­ som and free six prisoners, including Junzo Okudaira, the younger brother of Tsuyoshi Okudaira who died dur­ ing the Lod Airport massacre. 1982 In June, Israel occupies southern Lebanon and pushes on to Beirut to dislodge Palestinian forces. Fusako Shigenobu flees to Europe, and soon joins her daugh­ ter May, Masao Adachi, and most the JRA in Libya. 1983 In an interview with a Japanese journalist, Fusa­ ko Shigenobu announces that her movement has “renounced the way of absolute terror,” acknowledging that the tactics had failed to gain new members or in­ crease popular support, and recognizing the need to find new approaches. Within a few months, the JRA issues a statement announcing a return to armed struggle, since “peaceful methods are not effective.” A help­wanted ad­ vertisement for the JRA is printed in a left­wing maga­ zine in Japan: 1975

The collapse of the Berlin Wall and of a number of East­ ern European security services that had provided sup­ port for left­wing armed organizations alters the politi­ cal dynamics in the Near East. The first Gulf War and the signing of the Oslo Accords between Israel and the PLO further alter the relationship between Arab governments and the United States, greatly complicating the logistical and financial prospects of terrorist organizations based in Lebanon. In 1995, Yukiko Ekita, a JRA militant who had been released by Japanese authorities during the Dakha hos­ tage exchange of 1977, is arrested in Bucharest. The po­ lice find a computer disc in her luggage containing drafts of a manifesto for a new organization aiming to recruit from a domestic Japanese readership, signaling a shift in focus back towards Japan after the sea changes of the New World Order. The leaflet states in its introduction: The scenario of a revolution must be written in the manner of a film script.

1997

Masao Adachi, Kozo Okamoto and three other Japanese Red Army soldiers are arrested by Leb­ anese authorities in Beirut. They are charged with pass­ port violations and jailed for three years. continued on page 24

We are based in the middle of nowhere but if you come to join us it won’t be difficult to locate us.

Surviving Lod airport attacker Kozo Okamoto is freed in an Israeli­Palestinian prisoner exchange and joins Fusako Shigenobu in Libya. 1986 Yoshiaki Yamada, the JRA soldier freed by the to French authorities during the embassy crisis in 1996 The Hague, and later involved in the Shell sabo­ tage in Singapore, walks into a police station in Japan to turn himself in. Osamu Maruoka, who had led the first JRA airplane highjacking in 1973, is captured a few months later after having also returned to Japan un­ der a false identity. The Japanese Red Army distances itself from the in­ creasingly nationalist Palestinian cause, and ceases to claim responsibility as an organization for any further operations. Individual JRA members are nonetheless suspected of participating in a number of anti­imperial­ ist terrorist attacks over the next few years, including a mortar attack on the embassies of Japan, Canada and the United States in Jakarta, a similar attack on the British and US embassies in Rome in 1987, and the 1988 bomb­ ing of a US military recreational (USO) club in Naples that killed five people. 1985

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Ci-contre : L’internationalisme et les tâches de la période actuelle dans la révolution japonaise. En commémoration de la 9 e année de l’opération de l’aéroport d’al-Lydd. 30 mai 1981 || L’Armée Rouge Japonaise Next page: Internationalism and the tasks ahead in the current phase of the Japanese revolution. In commemoration of the 9th year of the operation at al-Lydd airport. May 30th 1981 || Japanese Red Army

Masao Adachi, Fusako & May Shigenobu . A Chronology


L’Internationalisme et les tâches de la période actuelle dans la révolution japonaise . 1981

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Pictures of documents . Prisoner / Terrorist . 2006 (détail)


Pictures of documents . Pregnant Fusako Shigenobu . 1973 (dĂŠtail)

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Pictures of documents . Wanted poster . Tokyo . 2010 (dĂŠtail)


Masao Adachi et trois de ses camarades sont ex­ pulsés vers la Jordanie où ils sont immédiatement transférés dans un avion russe rempli d’officiers de police japonais et rapatriés de force à Tokyo. Kozo Okamoto, qui souffre de graves troubles mentaux, est autorisé à demeu­ rer à Beyrouth et il lui est accordé la citoyenneté liba­ naise en tant que réfugié politique et « héro ». En novembre, un résident de la ville d’Osaka au Japon informe la police qu’il soupçonne la femme ayant emmé­ nagé, en juillet, dans l’appartement en face du sien, d’être Fusako Shigenobu. La police est dubitative, mais place toutefois l’appartement sous surveillance et récupère des détritus sur lesquels elle trouve une empreinte digitale qui correspond à celle du fichier de l’ennemie publique numéro un. Le 7 novembre, Fusako Shigenobu prend une chambre dans un hôtel à la périphérie d’Osaka. Au petit matin, elle quitte l’hôtel en signant le registre de son vé­ ritable nom légal, Okudaira. Lorsqu’elle atteint la rue, elle est appréhendée par les forces spéciales de la police. La nouvelle de son arrestation fait sensation dans le pays. Son transfert vers Tokyo à bord d’un train à grande vitesse assigné à cet effet est diffusé en direct à la télévision na­ tionale. Lors de sa comparution au tribunal le 16 novem­ bre, Fusako Shigenobu lit une déclaration par laquelle elle proclame que l’Armée Rouge Japonaise n’est ni une organisation terroriste, ni un « monstre ». Elle demande pardon « pour les souffrances mentales et physiques cau­ sées aux personnes innocentes qui se sont trouvées mal­ gré elles impliquées dans la lutte de l’Armée Rouge Japo­ naise. » Elle explique que, suite à la révélation des événe­ ments du refuge d’Asama, la plupart des partisans de gauche ont abandonné la lutte parce qu’ « une révolution qui ne rend pas les gens heureux n’est pas une révolu­ tion », mais que l’ARJ a, quant à elle, entretenu la flamme en « poursuivant la lutte sur le sol arabe ». La déclaration de Shigenobu évoque également son retour : 2000

Rentrer au Japon était pour moi devenu un objectif priori­ taire. Je voulais créer ici les conditions nécessaires à la poursuite de la lutte dans mon pays. Je voulais combattre à nouveau, mais sans armes, loyalement, et sous mon vérita­ ble nom. C’était là le seul objet de mon retour. L’opportunité ne s’est pas présentée car j’ai été arrêtée plus tôt que je ne l’avais prévu. (…) C’est ainsi qu’après l’effondrement de l’URSS, en passant par la Guerre du Golfe, nous avons cherché des moyens de lutte acceptables par notre époque.

Une étudiante sans­papiers de 27 ans inscrite à l’American University se présente à l’ambassade du Japon à Beyrouth accompagnée d’un avocat japonais et déclare officiellement être May Shigenobu, fille de Fusako Shigenobu, et dépose une demande de nationalité japonaise. Quelques semaines plus tard, May Shigenobu fait sa première apparition publique et raconte son his­ toire lors d’une interview enregistrée à Beyrouth par la chaine de télévision Asahi. L’interview est diffusée au Japon alors que May Shigenobu se trouve dans un avion qui l’emmène à Tokyo pour la première fois. Une masse de caméras de télévision l’attendent à son arrivée à l’aé­ roport de Narita. 2001

Le 14 avril, Fusako Shigenobu annonce la dissolution de l’Armée Rouge Japonaise dans une déclaration envoyée par fax de prison, indiquant que : « Ceci sera la dernière déclaration du Nihon Sekigun. » 2002 Masao Adachi est jugé coupable de falsification de passeports lors de son procès à Tokyo. Condam­ né à dix­huit mois de prison, il est libéré, ayant déjà pur­ gé sa peine en détention préventive. 2006 À l’issue de son procès, Fusako Shigenobu est à condamnée à vingt ans de prison pour falsifica­ 2011 tion de passeports et tentative d’homicide invo­ lontaire pour l’organisation de l’occupation de l’ambassade de France à La Haye en 1974. La Cour suprê­ me maintient ce verdict en 2010. Le gouvernement japonais refuse à Masao Adachi le passeport dont il a besoin pour se rendre à une projec­ tion de ses films à la New York University. Dans un « mes­ sage au public américain », Adachi écrit : Mon principe est de considérer la politique et les média comme une seule et même chose. Je ne les ai jamais séparés dans ma manière de penser. Je crois qu’il est temps de faire de l’art à nouveau.

Trente ans après avoir réalisé son dernier film, Masao Adachi débute la production de Prisoner / Terrorist (Terorisuto) en 2006, une histoire inspirée par les treize années de détention, en Israël, de Kozo Okamoto, l’un des auteurs du massacre de l’aéroport de Lod. Le film est une adaptation libre d’un texte philosophique de Louis­ Auguste Blanqui écrit en 1872, L’Éternité par les Astres. Le film évoque la prison, la torture et la descente vers la folie d’un protagoniste qui s’interroge sur le sens de sa propre existence, du temps passé et de la révolution. Adachi travaille actuellement à son prochain film, Le Banquet de Mevius, une comédie noire sur la lutte armée et les révoltes arabes du printemps 2011. May Shigenobu s’installe de manière permanente au Japon et publie ses mémoires sous le titre De la Palestine au Pays des Cerisiers : 28 années avec ma mère, en 2002. Elle joue son propre rôle dans le film de Nobuyuki Oura, 9 / 11– 8 / 15 Japan Suicide Pact, sorti en novembre 2006, et obtient l’un des rôles principaux dans un film japonais sur le patinage artistique, Coach, interprétant une jour­ naliste sportive pour la télévision. Elle travaille comme commentateur politique, journaliste et spécialiste du Moyen­Orient pour la chaîne de télévision Asahi Newstar, et soutient sa thèse dans le département Media de l’Uni­ versité Doshisha en février 2011. suite page 27

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2000

Masao Adachi and three of his comrades are de­ ported to Jordan where they are immediately taken to a chartered Russian airplane full of Japanese po­ lice officers, and forcibly flown to Tokyo. Kozo Okamoto, who has become severely mentally ill, is allowed to re­ main in Beirut and is granted Lebanese citizenship as a political refugee and “hero.” In November, a resident of Osaka, Japan, informs the police of his suspicions that the woman who has moved into the apartment across the hall from him in July is Fusako Shigenobu. The police are dubious but nonethe­ less place the apartment under surveillance and retrieve garbage containing a fingerprint that matches the file of Japan’s public enemy number one. On November 7th, Fusako Shigenobu checks into a hotel in the outskirts of Osaka. In the morning, she signs out of the hotel under her legal name, Okudaira. When she reaches the sidewalk, she is arrested by the police. News of her capture is a na­ tional sensation. Her transfer to Tokyo on a dedicated high­speed train is broadcast live on national television. At her arraignment in court on November 16th, Fusako Shigenobu reads a statement in which she declares that the Japanese Red Army is neither a terrorist organization nor a “monster.” She asks for forgiveness “for the men­ tal and physical suffering inflicted upon innocent people who found themselves unwillingly caught up in the strug­ gle of the Japanese Red Army.” She explains that after the Asama lodge events came to light, most people on the left abandoned the struggle because “a revolution that does not make people happy is not a revolution,” yet the JRA kept the flame alive by “pursuing the struggle on Arab land.” Shigenobu’s statement also addresses her presence in Osaka: Returning to Japan became an important objective for me. Here I wanted to establish the conditions necessary for pursuing the struggle in my own country. I wanted to fight anew, but without weapons, loyally, and under my own name. That was the only point of my return. The opportunity did not arise since I was arrested sooner than expected. [...] After the collapse of the Soviet Union and the Gulf War, we searched for new means of struggle that would be acceptable to our time.

At the Japanese embassy in Beirut, an undocu­ mented 27­year­old student from the American University, accompanied by a Japanese lawyer, formal­ ly declares herself to be May Shigenobu, daughter of Fusako Shigenobu, and applies for Japanese citizenship. A few weeks later, May Shigenobu makes her first pub­ lic appearance and tells her story in an interview with Asahi Television taped in Beirut. The interview is broad­ cast in Japan while she is on the plane taking her to Tokyo for the first time. A crowd of TV cameras awaits her ar­ rival at Narita airport. On April 14th, Fusako Shigenobu announces the dis­ solution of the Japanese Red Army in a statement faxed from prison, declaring: “This will be the last statement from the Japanese Red Army.” 2002 Masao Adachi is found guilty of passport viola­ tions at his trial in Tokyo. He is released based on the eighteen months he has already served. 2006 Fusako Shigenobu’s trial ends with a sentence to of 20 years for passport forgery and attempted 2011 manslaughter for masterminding the 1974 occu­ pation of the French Embassy in The Hague. The Supreme Court upholds the verdict in 2010. The Japanese government refuses to issue Masao Adachi the passport he needs in order to attend a screen­ ing of his films at New York University. In a “message to the American audience” Adachi writes: 2001

My principle is to see politics and media as one and the same thing. I have never separated them in my thinking. I think it is time to make art again.

Thirty years after directing his last film, Masao Adachi begins production on Prisoner / Terrorist (Terorisuto) in 2006, a story inspired by the thirteen­year detention in Israel of Kozo Okamoto, the surviving perpetrator of the Lod airport massacre. The film is a loose adaptation of Louis­Auguste Blanqui’s 1872 philosophical text Eternity Through the Stars (L’Éternité par les Astres). It is a story of confinement, torture, and the descent into madness of a protagonist who questions the meaning of his own ex­ istence, of time and of revolution. He is currently work­ ing on his next film, Banquet of Mevius, a black comedy about armed struggle and the Arab spring revolts of 2011. May Shigenobu settles permanently in Japan and pub­ lishes a memoir entitled Secrets—from Palestine to the Country of Cherry Trees, 28 years with my mother in 2002. She plays herself in Nobuyuki Oura’s movie 9/11 - 8/15 Japan Suicide Pact released in November 2006, and co­ stars in a Japanese movie on figure skating, Coach, play­ ing the role of a TV sports reporter. She works as a jour­ nalist, political commentator and Middle Eastern affairs specialist for TV channel Asahi Newstar, and receives a doctorate in media studies at Doshisha University in 2011. continued on page 28

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Pictures of Documents . Fusako Shigenobu’s transfer to Tokyo police headquarters . 2000 (dÊtail)

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XĂŠnophon . Anabase


Anabases : Une Chronologie

Parution de La Rose de Personne par Paul Celan, pseudonyme de Paul Ancell. Le recueil comprend ce poème nommé Anabase, traduit de l’Allemand par Martine Broda : 1963

Dix Mille mercenaires grecs à la solde de Cyrus le Jeune, frère du roi de Perse, marchent à tra­ vers l’Anatolie. En franchissant le Tigre près de Babylone, Cyrus révèle qu’il veut affronter son frère Artaxerxes II et s’emparer du trône. Lors de la bataille de Cunaxa, les mercenaires grecs dominent l’armée Perse, mais Cyrus est tué dans un combat contre son frère. La mort imprévue du commanditaire met un terme à la mission des Grecs qui sont désormais livrés à eux­mêmes. C’est alors que commence « l’anabase », errance incertaine et sans guide à travers des terres inconnues et dangereuses qui s’achève lorsque les Grecs atteignent la mer qui les conduira chez eux. Période pendant laquelle est rédigé L’Anabase, 391 premier récit chroniquant la retraite des Dix à 371 avant Mille. Ces mémoires militaires sont attribuées à Xénophon, élève de Socrate, bien que signées J­C. Thémistogène — pseudonyme visant à prêter une certaine objectivité à un récit dont Xénophon ne fut pas simplement le chroniqueur, mais aussi un des ac­ teurs principaux : parti en simple observateur auprès de Cyrus, Xénophon est élu commandant de l’arrière­garde par les Grecs en déroute, et donc protagoniste de leurs déambulations. « Anabase » désigne un mouvement vers « chez eux » de gens égarés, hors lieu et hors la loi. Le terme symbolise l’effondrement de l’ordre qui donnait sens à la présence des mercenaires Grecs chez les Perses — de héros ils deviennent des étrangers dans un pays hostile. Comme le voyage relaté dans l’Odyssée trois siècles plus tôt, l’Anabase transcende le simple ré­ cit militaire pour devenir une allégorie littéraire fécon­ de. Le titre renvoie au verbe αναβανειν qui signifie à la fois « s’embarquer » et « revenir ». Chez les auteurs qui ont successivement repris ce terme, l’anabase contient deux idées apparemment contraires mais pourtant liées : chercher le chemin du retour vers une terre familière et s’inventer un destin dans le nouveau. Alexis Léger, futur prix Nobel, utilise pour la pre­ 1924 mière fois le nom de plume Saint­John Perse pour publier le recueil Anabase, inspiré d’un voyage en Asie Centrale. On y trouve ces vers :

Écrite étroite entre des murs Impraticable­vraie, cette montée et retour dans l’avenir clair­coeur.

401 à 399 avant J­C.

Là­bas. Môles de syllabes, couleur mer, loin dans le non­navigué. Puis : espalier de bouées, bouées­chagrin, avec, beaux comme secondes, bondissants, les reflets du souffle ­ : sons de la cloche lumineuse (dum­ dun­, un­ unde suspirat cor), répétés, rédimés, nôtres. Du visible, de l’audible, le mot­tente qui se libère : Ensemble

Le philosophe Alain Badiou, dans une conféren­ ce au Collège International de Philosophie por­ tant sur la manière dont le XX e siècle s’est « pensé lui­ même », s’appuie sur l’anabase comme allégorie pour dé­ crire la trajectoire du siècle qui s’achève. Le huitième chapitre du séminaire prend pour nom ce terme qui « laisse indécidées, dans la trajectoire qu’il nomme, les parts respectives de l’invention disciplinée et de l’erran­ ce hasardeuse, [qui] fait synthèse disjonctive de la volon­ té et de l’égarement. » L’anabase y est décrite comme un itinéraire dans le nouveau qui n’est pas un simple retour, puisqu’il « invente le chemin, sans savoir s’il est réelle­ ment celui du retour. L’anabase est donc libre invention d’une errance qui aura été un retour, un retour qui, avant l’errance, n’existait pas comme chemin­de­retour. » 1999

Un pays­ci n’est point le mien. Que m’a donné le monde que ce mouvement d’herbes ?

Anabases . Une chronologie

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Anabases: A Chronology

Future Nobel laureate Alexis Léger, using his pen name Saint­John Perse for the first time, publishes the collection Anabasis, inspired by a journey in central Asia. T.S. Eliot’s 1930 translation of the title po­ em includes these verses: 1924

Ten thousand Greek mercenaries retained by Cyrus the Young, the king of Persia’s brother, march across Anatolia. As they cross the Tigris near Babylon, Cyrus reveals his intention to seize the throne from his brother Artaxerxes II. At the battle of Cunaxa, the Greek mercenaries outmaneuver the Per­ sian army, but Cyrus is killed as he charges the king. The sudden death of the commander who brought the Greeks to Persia, and whose service they were in, marks the begin­ ning of a journey known as the “anabasis”: an unguided wandering through unknown territories that ends when the Greeks reach the sea, leading them home. Period during which the Anabasis is written, an 391 to 371 account of the famous retreat of the Ten Thousand. The military memoir is attributed to Xenophon, B.C. a student of Socrates, despite being signed by a mysterious Themistogenes—a pseudonym intended to lend objectivity to a story that Xenophon not only chron­ icles but in which he also plays a leading role. Having joined Cyrus’ expedition as a simple observer, Xenophon is eventually elected rear­guard commander by the rout­ ed Greek mercenaries and becomes a protagonist of their journey. “Anabasis” names a movement towards home of men who are lost, outlawed, and out of place. In Xenophon’s memoir, the term symbolizes the collapse of a sense of order that gave meaning to the Greeks’ pres­ ence in Persia. In a single instant, their status shifted from that of heroes to strangers in a hostile land. Like the voyage recounted in the Odyssey three centuries ear­ lier, the Anabasis transcends the military memoir form to become a much­referenced literary allegory. The name comes from the Greek verb αναβανειν which means at once ‘to embark’ and ‘to return.’ For the lineage of authors who have since appropriated the term, anabasis contains two linked yet seemingly opposed literary motifs: a quest for home and the invention of a destiny in the new. 401 to 399 B.C.

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A country here, not mine. What has the world given me but this swaying of grass?

Paul Celan (the pseudonym used by poet Paul Ancell) publishes The No-One’s-Rose which in­ cludes a poem named Anabasis. Michael Hamburger’s translation from German reads: 1963

This narrow sign between walls the impassable­true Upward and Back to the heart­bright future. There Syllable­ mole, sea­ coloured, far out into the unnavigated. Then: buoys, espalier of sorrow­buoys with those breath reflexes leaping and lovely for seconds only­: light­ bellsounds (dum­, dun­, un­, unde suspirat cor) re­ leased, re­ deemed, ours. Visible, audible thing, the tent­ word growing free: Together

In a series of conferences at the Collège Interna­ tional de Philosophie on ways in which the twen­ tieth century “reflects upon itself,” philosopher Alain Badiou uses the anabasis as an allegory to describe the trajectory of a century drawing to a close. The seminar’s eighth chapter is named Anabasis: for Badiou the term, in the movement it names, “leaves undecided the parts respectively allotted to disciplined invention and uncer­ tain drifting. In so doing, it constitutes a disjunctive syn­ thesis of will and wandering.” Anabasis is described as an itinerary into the new which isn’t simply a return be­ cause it “invents the path, without knowing whether it is a path home. Anabasis is the free invention of a mean­ dering which will have been a return, a return which, pri­ or to the wandering, did not exist as a return.” 1999

Anabases . A Chronology


XĂŠnophon . Anabase

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Alain Badiou . Le Siècle


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Alain Badiou . Le Siècle


L’Anabase de la Terreur : vouloir (ne pas) comprendre Pierre Zaoui

L’unique œuvre et opération de la liberté universelle est donc la mort, et, plus exactement, une mort qui n’a aucune portée intérieure, qui n’accomplit rien, car ce qui est nié, c’est le point vide de contenu, le point du Soi absolument libre. C’est ainsi la mort la plus froide et la plus plate, sans plus de signification que de trancher une tête de chou ou d’engloutir une gorgée d’eau.

Hegel, Phénoménologie de l’Esprit J’ai derrière moi deux ou trois cercueils que je ne pardonnerai plus à personne. Antonin Artaud, Cahiers de Rodez

Comment imaginer acte plus ignoble et aberrant que l’attentat terro­ riste du 30 mai 1972 à l’aéroport de Lod en Israël ? Trois kamikazes japonais, à 9 000 km de chez eux, tirent à l’aveugle dans une foule constituée d’une majorité de catholiques portoricains en pèlerinage, au nom de la cause palestinienne et de la révolution mondiale. On ne sait pas très bien si l’on a spontanément envie de rire ou de pleurer tant le grotesque le dispute ici à l’abjection sanglante, et donc on com­ mence par balancer entre répulsion morale dostoïevskienne : « Des possédés ! » et stupéfaction moliéresque : « Mais qu’allaient­ils donc faire dans cette galère ? ». Il suffit toutefois de penser un peu plus longuement aux vingt six victimes de cet attentat, aux purges immondes au sein même de l’Armée Rouge Unifiée qui l’ont précédé, à leur fascination pour la violence, à leurs confusions radicales du réel et de l’image, de l’in­ ternationalisme et du nationalisme, de la liberté et de la mort, pour cesser définitivement de rire : cette dérive tragique non pas d’une génération mais de quelques jeunes Japonais perdus n’a rien de fas­ cinant — elle est sinistre, lamentable. Lamentation qui oblige, symé­ triquement, de sortir de toute perspective trop morale. Car après tout, à leur façon, ces jeunes gens de l’Armée Rouge Japonaise ne manquaient pas de moralité, en tous cas ne manquaient pas de cou­ rage, de désintéressement, de dévouement à leur communauté, de solidarité, de sens du sacrifice, de toutes les vertus qui tissent aussi bien les morales les plus communes. Comment d’ailleurs ne pas lire comme un regret moral profond le fait qu’après cet attentat aucune

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de leurs « opérations » n’aura pour but de tuer, se perdant bien plu­ tôt dans de purs spectacles terroristes ? On aura beau chercher, la lecture sera toujours une impasse, on ne trouvera pas de « parfaits » salauds, ni même de « banals » salauds au sens arendtien du terme. Autant donc que leurs victimes réelles, ces « terroristes » ne prêtent pas à rire, parce qu’ils ne sauraient être non plus objets de moque­ rie — il s’agit là d’une affaire un peu plus sérieuse. Ce sont donc plutôt les mots de Hegel décrivant la Terreur ré­ volutionnaire qui résonnent ici avec plus de vérité que jamais : leur idéal de libération et de révolution n’était qu’un idéal vide de contenu, sans médiation, confondant l’image et la réalité effective, le senti­ ment et la raison, dépourvu de tout sentiment et de toute pensée dia­ lectique, ce qui ne pouvait aboutir qu’à « la mort la plus froide et la plus plate », dans le réel puis en image. Autrement dit, cet attentat de Lod et toute l’histoire de l’Armée Rouge Japonaise qui l’entoure ne sont pas insupportables pour des raisons esthétiques ou morales, mais parce qu’elles relèvent d’une sensibilité et d’une pensée politi­ ques essentiellement impatientes. Or, et cela Hegel l’a très fortement montré, au­delà de toute morale, la sentimentalité impatiente est la pire faute politique qui soit, bien pis même qu’une cruauté patiente et réfléchie à la Machiavel. C’est un désastre pour l’Esprit qui fait re­ tomber la pensée la plus apparemment haute et généreuse de l’Uni­ versalité dans la particularité la plus insignifiante. Et c’est tout au­ tant un désastre pour les corps réduits au pire au rang d’obstacles sans importance, au mieux au rang d’images sans contenu véritable. Aussi vrai qu’apparaisse un tel jugement, il n’est pas sûr toute­ fois qu’il soit entièrement suffisant pour aujourd’hui. D’abord parce que Hegel ne peut l’énoncer qu’a posteriori, depuis le point de vue d’une réconciliation ultérieure entre liberté abstraite et communau­ té morale concrète, en l’occurrence l’Empire, puis l’État de droit hé­ gélien. Mais depuis quelle réconciliation parler aujourd’hui de ces attentats terroristes des années 1970 ? Que sont devenues la ques­ tion palestinienne et les chances de paix dans le conflit israélo­arabe sinon une désespérance sans fin ? Qu’est devenu le terrorisme au­ jourd’hui sinon un sinistre métier d’avenir ? Et si l’horizon révolution­ naire s’est discrédité à force d’infamies sanglantes qu’est devenue la pensée des causes qui l’avait produit — oppressions, inégalités, mi­ sère, exploitation ? Ensuite et surtout, parce que Hegel prétend plei­ nement comprendre le geste terroriste : cette fureur de l’universa­ lité abstraite a sa place définie dans son système en tant que moment

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d’arrêt de la vie de l’Esprit, appelé nécessairement à être dépassé. Or qui peut prétendre véritablement comprendre le terrorisme non plus d’État mais de groupuscules multiples ? Prétendre comprendre sans reste c’est soit accabler, soit excuser, c’est­à­dire se contenter de juger et donc en vérité ne rien comprendre. Plus intéressant apparaît donc à cet égard une démarche comme celle d’Eric Baudelaire qui vise à la fois à comprendre et à ne pas comprendre : à comprendre jusqu’au point où l’on ne comprend plus ; et tout autant à montrer en refusant de comprendre ou d’expliquer jusqu’au point où l’on se surprend, avec un trouble lourd d’angoisse, à comprendre, à se découvrir une subite sympathie, à se dire que la monstruosité est peut­être notre commune condition. Mettre en scène comme une sorte de volonté constamment double, volonté de com­ prendre et de ne pas comprendre, volonté de comprendre ce que l’on ne comprend pas et volonté de ne pas comprendre ce que l’on craint de comprendre trop bien. Ce qu’on pourrait écrire : volonté de (ne pas) comprendre, en son triple sens de voir, entendre et partager. **** D’où peut venir une telle volonté si elle rejette d’avance toute fasci­ nation, toute nostalgie, mais aussi toute position de surplomb depuis laquelle énoncer « la » vérité du passé ? Peut­être justement d’aujour­ d’hui, du piétinement d’aujourd’hui à comprendre et à ne pas com­ prendre ce qui s’est passé et perdu dans ces années de plomb et de poudre. Qu’est­ce qui a déraillé ? Où ? Pourquoi ? On ne sait pas. L’ir­ rémissible et criminelle déroute de ces jeunes idéalistes d’hier ne saurait donc nous dédouaner de notre propre déroute, de notre inca­ pacité actuelle à ressasser autre chose qu’un nouveau départ impen­ sable et un retour impossible. On pourrait presque énoncer cela sous la forme d’un faux proverbe zen : l’assurance que l’autre s’est perdu ne garantit en rien que l’on s’est soi­même trouvé, ni même qu’on est seulement capable de se chercher. Reprenant l’intuition profonde d’Alain Badiou voyant dans l’Anabase, entendue à la fois comme embarquement, errance et retour, l’une des figures possibles du Siècle qui vient (ou non) de se finir, Eric Baudelaire propose ainsi de revenir à l’un des mouvements qui a sans doute poussé cette forme moderne d’anabase jusqu’à l’un de ses plus hauts points de folie : l’Armée Rouge Japonaise. Il s’agit toutefois d’être précis. Pas sur l’idée de folie qui à la fois n’explique rien et explique trop, mais justement sur cette idée

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d’anabase. Car de quoi s’agit­il précisément ici ? L’Anabase de May et Fusako Shigenobu, et de Masao Adachi, est en vérité beaucoup plus littérale que l’anabase d’Alain Badiou, métaphore d’un siècle en errance et en retour que symboliserait l’espace poétique ouvert entre l’anabase lyrique de Saint John Perse d’un côté et l’anabase tragique de Paul Celan de l’autre. Eric Baudelaire est au contraire beaucoup plus méfiant vis­à­vis de toute poésie et de toute métapho­ re. Pas en refus, tant ses sérigraphies comme ses longs travelling à Tokyo ou Beyrouth demeurent gros d’une tragique richesse poéti­ que, mais plus méfiant. Ou dit autrement : d’avance du côté de Celan, d’avance sourd à tout le pesant pathos d’un Saint John Perse. Son anabase ne cherche pas à dire prophétiquement la vérité d’un siècle, mais tourne autour des images absentes d’un crime, tâtonne à tra­ vers ses traces, ne s’attache qu’à ceux qui furent moins acteurs que spectateurs de cette expédition atroce du Japon à Beyrouth et retour. Un peu comme dans Circumambulation, l’un de ses films précédents, lorsqu’il tournait avec sa caméra autour de Ground Zero : voulant comprendre, tournant, tournant, et ne voulant pas comprendre, re­ fusant de voir, tête baissée. Et effectivement, quand il s’agit d’ana­ base, d’errance et de retour, il vaut peut­être mieux tourner que dire, y compris en son sens cinématographique — littéralité des images contre métaphore poétique. De ce fait, Eric Baudelaire est beaucoup plus proche aussi bien du texte même de Xénophon. On pourrait même dire qu’il en suit l’ordre de manière plus précise. De quoi s’agit­il en effet dans cette dite « Expédition des Dix Mille » ? D’abord un départ vers l’ailleurs de jeunes Grecs de presque toutes les Cités de l’époque, assoiffés d’aventure, de gloire et d’argent. L’ailleurs de l’époque c’est la Perse, c’est­à­dire, géographiquement, le Moyen­Orient d’aujourd’hui. Mais le but est déjà ancillaire, merce­ naire : il s’agissait d’aider Cyrus à renverser son frère, tout comme, mutatis mutandis, l’Armée Rouge Japonaise est venue se mettre au service du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP). Au­ cune complaisance romantique ici : ni l’appel du désert, ni l’appel de la route vers l’inconnu. L’Anabase c’est d’abord l’histoire d’une confu­ sion initiale entre la soif du dehors et l’intérêt mercenaire. Ensuite une errance, quand Cyrus meurt à la bataille de Cunaxa et que l’armée grecque se retrouve sans horizon et sans but. Errance et déshérence où vaincre ne signifie plus que repousser la défaite. In­ tense solitude des groupes. Donc disputes, scissions, trahisons. Misè­

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re d’une meute déracinée. Et nostalgie du royaume de l’eau (la Grèce ? le Japon ?) : « thalatta ! thalatta ! ». Et plus encore ennui : Xénophon n’est décidément pas un grand auteur, il s’abîme dans l’image au lieu de s’atteler à la construction et à la vraisemblance, et on s’ennuie ferme à sa lecture, sans doute toutefois à la hauteur de l’ennui que les Grecs ont dû ressentir à parcourir pendant des mois et des mois ces terres étrangères en quête de quelque sanctuaire de l’abîme. Mais c’est une errance qui n’est pas neutre, qui n’est pas voyage enivrant ou série de rencontres picaresques, mais crime organisé et obligatoire. De quoi peut survivre une armée en déroute sinon de ra­ pines, de pillages et de meurtres ? Même Xénophon ne parvient pas à le cacher. L’Anabase c’est en son cœur l’histoire de crimes para­ doxalement à la fois nécessaires et inutiles : très étrange guerre de conquête devenue subitement défensive, défense de soi hors de soi, conquérants traqués, criminels obligés qui se rêvaient plutôt en hé­ ros glorieux. D’où le retour. Mais qui n’a rien à voir avec une retraite organi­ sée, quelles que soient les louanges que peut se tresser Xénophon à l’occasion (son génie, son entregent, sa prudence). Plutôt une déban­ dade : combien sont partis ? combien sont revenus ? L’Anabase, c’est le retour au même, en pire : la dialectique stérile de l’enthousiasme et de la déception qui reconduit au point de départ, grevé seulement d’un peu plus de morts et de remords. Et même un effondrement : non pas rentrer dans sa cité couvert de gloire mais rentrer plutôt chez sa mère ou chez personne quand celle­ci est déjà en prison. L’Anabase n’est pas l’histoire d’un naufrage de naufragés, mais d’un naufrage de naufrageurs, de ceux qui sont les premiers responsables de leur naufrage. Encore une fois, Xénophon n’est pas Homère et l’Anabase est l’Odyssée du pauvre. Enfin, une apologie, une justification perpétuelle. Quoi qu’en di­ sent certains spécialistes, l’Anabase est essentiellement un plaidoyer pro domo. Et il n’y a même pas à le lui reprocher tant on comprend bien pourquoi : quand on survit à sa propre déroute, quel autre des­ tin peut­on espérer sinon celui d’avoir à se justifier sans fin, de res­ sasser son crime, sa nécessité, son erreur, et de se « bunkeriser » derrière ses nobles raisons initiales ? Plus encore quand cette justi­ fication coïncide avec une déroute bien plus vaste, l’effondrement de la Cité athénienne : pendant les siècles suivants les Athéniens se reconnaîtront dans ce récit devenu symbolique de leur destin, et l’Anabase connaîtra un succès considérable. Comprise cette fois dans

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sa réception historique, elle apparaît ainsi non simplement comme l’histoire de quelques jeunes perdus, mais plus encore comme l’his­ toire de leur déroute au sein d’une déroute plus grande encore et qui marquera la fin de toute une époque. Naufrage dans le naufrage, des Athéniens d’hier comme de nos sociétés d’aujourd’hui, où l’on ne sait plus très bien qui manipule qui, ni même au nom de quoi (un passé ou un avenir ? une image privée ou un destin collectif ?). À croire que non seulement l’échec mais sa vaine justification en soi, et face à un échec plus grand encore, faisaient d’avance partie du plan. **** Pas question, donc, de céder ni à une romantisation des anabases, an­ ciennes ou modernes, ni à une condamnation univoque et trop confor­ table de ses acteurs. Ils sont certes rentrés misérablement chez eux, criminels sans gloire, mais nous, nous errons encore, on ne sait à l’au­ be de quels nouveaux crimes peut­être encore plus infâmes. Mais à quoi bon alors un tel constat ? Désespoir nihiliste ou ren­ gaine de jeunes impuissants, à jamais spectateurs d’un passé qui leur échappe autant que leur présent ? Peut­être pas, car c’est là où tout se renverse et où l’on est pris de vertige. L’exposition d’Eric Baudelaire, en effet, n’est pas une analyse politique mais une exposi­ tion d’art. On n’y a pas d’abord affaire à des idées mais à des images et des paroles. Images détournées, opacifiées, commandées, manipu­ lées dans les deux sens. Paroles brutes, ni jugées, ni décryptées (au nom de quel code supérieur ?). Ce faisant, on ne peut s’empêcher de penser aux gestes primitifs de l’art contemporain : celui de Duchamp détournant les objets et images du commun, celui de Malevitch fon­ dant toute figure dans l’abstraction de la couleur. Et à ses finalités initiales : sauver le concret par détournement et abstraction (qui n’a plus rien à voir avec l’abstraction philosophique) ; sauver la beauté du monde et du paysage en refusant son esthétisation humaine, trop humaine ; sauver l’art en le niant. En bref, revenir à une tout autre anabase, celle­là même de l’art contemporain qui ne cesse de cher­ cher du nouveau dans le point de déroute d’un retour, d’une reprise, d’un remake. Vertiges alors de l’analogie, comme dirait Jacques Bouveresse ? Et vertiges infiniment douteux qui finiraient par mettre la souffrance indistincte des hommes, de tous les hommes — juifs, palestiniens, is­ raéliens, japonais, grecs, portoricains... — au service de l’artiste ? Mais non, au moins trois fois non. D’abord, car si l’on admet, avec

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Gérard Wacjman dans L’Objet du siècle, que l’art contemporain c’est d’abord Duchamp et Malevitch, force est de constater que la figure de l’anabase est bien plus ancienne en art qu’en politique et donc que s’il y a un sens dans le fait que l’art s’y intéresse aujourd’hui, c’est peut­être moins sous la forme d’une bouée de secours que sous la forme d’un miroir inquiétant que lui renvoie son époque et qui donne au moins à penser. Ce ne sont ni la politique ni la poésie qui ont modernisé en premier lieu cette figure antique de l’anabase, mais des plasticiens de l’image conscients de sa chute et de sa relè­ ve perpétuelles dans un monde à nouveau clos. De surcroît comment nier que nous vivons en un sens aujour­ d’hui dans des sociétés d’anabase généralisée où en art comme en politique ou en science, dans les vies les plus publiques comme dans les plus privées, on n’entend plus parler que de ça : de nouveau dé­ part et de retour, de conquête et d’enlisement, de perte et de retrou­ vaille du sens ? Enfin, car si l’on admet que la plus grande sagesse est non seulement de ne pas « railler, déplorer, maudire » pour re­ prendre les mots de Spinoza, mais même pas de comprendre comme il l’aurait pourtant voulu, juste de transmettre ce qui s’est passé, avec tout ce que ce passé comporte d’opacité et de lancinantes ques­ tions, alors force est de reconnaître que l’art sert autant le passé qu’il ne s’en sert, sert autant le présent qu’il ne s’en détourne pour recher­ cher du nouveau. Dans tous les cas s’attacher à cette figure de l’anabase apparaît donc au moins comme un peu plus intéressant que de parler de mon­ de post­moderne, de fin de l’histoire ou de choc des civilisations. Cela permet de sortir de toute opposition stérile entre l’élan et le ressas­ sement : nous n’avons pas le choix, notre époque s’est érigée entre les deux, et c’est l’art contemporain qui l’a compris en premier. Et surtout, cela nous libère de toute nostalgie du passé comme de toute espérance en un avenir plus glorieux. Notre époque n’est pas une grande époque, et son art doit donc s’interdire de se vouloir le plus grand art, art vrai comme chez Hegel ou art propagande comme chez les derniers thuriféraires du terrorisme révolutionnaire. Mais si ce constat lucide peut nous libérer de toutes les saloperies de la grandeur — la gloire, le fanatisme, le sacrifice, la guerre — alors l’art modeste d’aujourd’hui qu’incarne avec une profonde rigueur Eric Baudelaire mérite d’être remercié à sa juste mesure. C’est un art de paix, de questions, et d’appels à de nouveaux partages plutôt qu’à de nouveaux jugements et de nouveaux conflits.

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Masao Adachi . November 2011


Anabasis of Terror: Trying (Not) to Understand Pierre Zaoui

The sole and only work and deed accomplished by universal freedom is therefore death—a death that achieves nothing, embraces nothing within its grasp; for what is negated is the unachieved, unfulfilled punctual entity of the absolutely free self. It is thus the most cold-blooded and meaningless death of all, with no more significance than cleaving a head of cabbage or swallowing a draught of water Hegel, Phenomenology of Spirit I have behind me two or three coffins for which I will never forgive anyone. Antonin Artaud, Rodez Notebooks

It is hard to imagine a more horrid and absurd act than the terrorist attack of May 30th 1972 at Lod Airport in Israel. Three Japanese ka­ mikazes 5 000 miles from home shot blindly into a crowd—mostly made up of Puerto Rican Catholics on a pilgrimage—in the name of the Palestinian cause and of world revolution. One is not quite sure whether to break into laughter or tears, so much does ridiculousness clash here with bloody abjection. So one wavers between Dostoyev­ skian moral repulsion (“Demons!”) and Monty Pythonesque disbe­ lief (the Judean People’s Front in The Life of Brian comes to mind). But one need only spend a little more time thinking about the twenty­six victims of that attack, the vile purges that preceded it within the United Red Army, their fascination with violence, and their total confusion between reality and images, between interna­ tionalism and nationalism, between freedom and death, to stop laughing altogether. These tragic excesses—not of a generation but of a few lost Japanese—are not fascinating; they are wicked, lamen­ table. A lament that forces us, symmetrically, to abandon any overly moral perspective. Because after all, in their own way these young members of the Japanese Red Army did not lack morality. At least, they lacked none of the courage, selflessness, loyalty to community, solidarity, sense of sacrifice and other virtues that are the stuff of the most common morals. And it is hard not to detect a profound moral regret in the fact that after this attack, none of their “opera­ tions” aimed to kill, as they got lost instead in pure terrorist specta­ cles. Search as one might, interpretation will always reach a dead

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end. There will be no “perfect” scumbags nor even “banal” scumbags, in Hannah Arendt’s sense of the word. So these terrorists do not in­ spire laughter any more than do their victims, because like them, they do not make good objects of mockery. The situation is a little more serious than that. Here it is rather Hegel’s words describing revolutionary Terror that ring truer than ever: their liberation and revolution ideal was nothing but an ideal devoid of content, without mediation, a confusion between images and reality, feelings and reason, deprived of all feeling and all dialectical thought, which could only lead to “the most cold­blooded and meaningless death,” in reality as well as in images. In other words, the Lod attack and the whole associated story of the Japanese Red Army are not intolerable for aesthetic or moral rea­ sons, but because they stem from a political sensibility and mindset that are essentially impatient. Indeed, as Hegel showed persuasively, beyond all morality, impatient sentimentality is the absolute worst political fault, much worse even than patient, well­considered Machi­ avellian cruelty. It is a disaster for the mind, taking the apparently highest and most generous thought of universality and reducing it to the most insignificant particularity. And it is also a disaster for the body, reduced at worst to the level of an obstacle without impor­ tance, at best to the level of an image without real content. As true as Hegel’s judgment may seem, it is not necessarily wholly adequate for today’s world. First, because he could only formulate it after the event, from the perspective of a subsequent reconciliation between abstract freedom and concrete moral community, specifically the Empire, then the Hegelian constitutional state. But which subse­ quent reconciliation enables us to speak of those terrorist attacks of the 1970s? What have the Palestinian question and the chances for peace in the Israeli­Arab conflict become if not an endless despair? What has terrorism become today if not a sinister profession of the future? And if the revolutionary perspective has been discredited by bloody, loathsome acts, what has become of the thought on its un­ derlying causes—oppression, inequality, poverty, exploitation? Second, and most importantly, because Hegel claims to fully un­ derstand the terrorist act. That fury of abstract universality has a de­ termined place in his system as a pause in the life of the spirit which must be overcome. Yet who can really claim to understand terror­ ism, no longer of the State but by various splinter groups? Claiming to fully understand it amounts to either condemning or excusing it,

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that is, contenting oneself to judge and therefore not really under­ standing anything at all. In this respect, a more fruitful approach might be the kind taken by Eric Baudelaire, who aims to understand and not to understand at the same time—to understand up to the point that one no longer understands—and also to show, refusing to understand or explain, so that with a dreadful feeling of confusion we are surprised to find our­ selves understanding, discovering a subtle sympathy, telling our­ selves that maybe monstrosity is our shared condition. He sets be­ fore us a kind of ever­divided desire: the desire to understand and to not understand, the desire to understand what we do not under­ stand and the desire not to understand what we are afraid of under­ standing all too well. Or it could be written: the desire (not) to un­ derstand, in its threefold sense—to see, to hear, and to share. **** Where does this desire come from, if it rejects from the start not just all fascination, all nostalgia, but also any elevated position from which to pronounce “the” truth of the past? Perhaps from today, ac­ tually, from our latter­day reluctance to understand and not under­ stand what happened and what was lost in those years of powder and lead. What went off the rails? Where? Why? We do not know. The un­ pardonable criminal failure of those young idealists of yesterday in no way clears us of our own failure, our current inability to offer anything more than talk of an unthinkable new departure and an im­ possible return. This could almost be expressed as a fake Zen prov­ erb: the certainty that someone else is lost does not in any way guar­ antee that we have found ourselves, nor even that we have the abil­ ity at least to find ourselves. Taking up the profound intuition of Alain Badiou, who sees in Anabasis—understood as an embarking, a wandering and a return— one of the possible symbols of the century that has (or has not) just ended, Eric Baudelaire suggests that we take another look at one of the movements that drove this modern form of anabasis to one of its highest levels of insanity: the Japanese Red Army. It is a matter of being precise, however. Not about the idea of in­ sanity, which explains both nothing and too much, but about this very notion of anabasis. Because what exactly is it about here? The anabasis of May and Fusako Shigenobu and that of Masao Adachi is, in truth, much more literal than Alan Badiou’s. His is a metaphor for

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a century’s wandering and returning, symbolizing the poetic space opened between Saint­John Perse’s lyrical anabasis and Paul Celan’s tragic anabasis. Eric Baudelaire is by contrast more mistrustful of poetry and metaphor. It is no refusal, so much are his silkscreen prints and his tracking shots of Tokyo and Beirut fraught with tragic po­ etic richness; yet more mistrustful. Or put otherwise: he is naturally on Celan’s side, deaf to the heavy pathos of the likes of Saint­John Perse. His anabasis does not try prophetically to speak the truth of a century, but circles around absent images of a crime, gropes among its traces, and focuses on those who were not so much actors as spec­ tators of that atrocious expedition from Japan to Beirut and back again. A bit like in Circumambulation, one of his previous films, when he circled around Ground Zero with his camera: wanting to under­ stand, circling, filming, wanting not to understand, refusing to see, his head lowered. And when it is a matter of anabasis, of a wander­ ing and a return, maybe it is better to circle and film than to speak— the literality of images versus poetic metaphor. For this reason, Eric Baudelaire is also much closer to Xenophon’s text itself. You could even say that he follows its sequence more pre­ cisely. What in fact does this so­called “march of the Ten Thousand” entail? First the departure elsewhere of young men from all of over Greece, thirsty for adventure, glory and money. The elsewhere of that period was Persia, geographically the present­day Middle East. But the goal was already ancillary, mercenary; they were helping Cyrus overthrow his brother, much in the way that, mutatis mutandis, the Japanese Red Army placed itself at the service of the Popular Front for the Liberation of Palestine (PFLP). No romantic indulgence here—not the call of the desert, nor the call of the road to the unknown. Anabasis is primarily the story of an initial confu­ sion between thirst for the outside and mercenary interest. Next, a wandering, when Cyrus dies in the battle of Cunaxa and the Greek army finds itself lacking any plan or goal. Victory no lon­ ger means anything more than warding off defeat. Both groups suffer deep solitude, leading to arguments, division, treason. The destitution of an uprooted herd. And nostalgia for the kingdom of water (Greece? Japan?): “thalatta! thalatta!”. And even worse, boredom. Xenophon is obviously not a great author. He loses himself in images, instead of getting down to construction and verisimilitude, and you get bored stiff reading his work, but it is doubtless a boredom worthy of what

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the Greeks experienced as they spent months crisscrossing foreign lands in search of some sort of sanctuary from despair. But this is not a neutral wandering. It is not an intoxicating jour­ ney or a series of picaresque encounters, but an organized, compul­ sory crime. What can a routed army survive on if not plunder, pillage and murder? Even Xenophon could not hide this. At heart, Anabasis is the story of crimes that are paradoxically both necessary and point­ less; a very strange war of conquest that has suddenly become defen­ sive, the defense of self outside oneself, hunted conquerors, compul­ sory criminals that dream they are glorious heroes. Hence the return. But it was far from being an organized retreat, however much Xenophon may have showered himself with praise at the time (his genius, his know­how, his prudence). It was more of a chaotic flight. How many men had set out? How many returned? Anabasis is a return to the same thing, worse off; it is the sterile di­ alectic of an enthusiasm and a disappointment that lead back to the point of departure, only burdened by a few more deaths and regrets. And even a collapse: returning not to one’s city steeped in glory, but instead home to Mother, or to no one if she is already in prison. Anabasis is not the tale of a ruin of the ruined, but of a ruin of ruiners, of people who are the chief architects of their own ruin. Once again, Xenophon is no Homer, and Anabasis is the poor man’s Odyssey. Finally, an apology, a perpetual justification. No matter what some specialists say, Anabasis is essentially an exercise in self­justifica­ tion. And there is no reason to reproach it for this, so well do we un­ derstand why. After surviving one’s own rout, what destiny can one hope for other than having to endlessly justify, to keep mulling over one’s crime, its necessity, the error it represents, and to bunker down behind one’s initial noble reasons? Especially when this justification coincides with a much greater rout, the collapse of Athens. Over sub­ sequent centuries, Athenians were to recognize themselves in this story, which came to symbolize their destiny, and Anabasis was to enjoy considerable success. Understood in terms of its historical re­ ception, it is thus no longer simply the tale of a few lost youths, but more the story of their rout at the heart of an even greater rout that was to mark the end of an era. Ruin within ruin, Athenians of yester­ day just like people in today’s societies who are no longer quite sure who is manipulating who, or even for what reason (a past or a fu­ ture? a private image or a collective destiny?). You would think that

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not only the failure but its vain justification had been—in itself and in face of an even greater failure—part of the plan all along. **** There is no question then of giving in to a romanticization of anaba­ sis, ancient or modern, nor to an unequivocal, too comfortable con­ demnation of its actors. They certainly had a wretched homecoming as criminals without glory, but we ourselves are still wandering, away from the scene of who knows what new and even viler crimes. What is the good of such a realization? Is it nihilistic despair, or the same old song about impotent youth, forever spectators of a past that eludes them as much as the present? Maybe not, since this is where everything turns around, where we are seized by vertigo. Eric Baudelaire’s exhibition, in fact, is not a political analysis, it is an art exhibition. We are not dealing primarily with ideas, but with images and voices, images that are indirect, clouded, controlled, and manip­ ulated in both senses of the word. Raw voices, neither judged nor de­ crypted (in the name of which higher code?). One cannot help think­ ing of the primitive gestures of contemporary art: of Duchamp di­ verting common objects and images, of Malevitch melting all figures into the abstraction of color. And of its original purpose: saving the concrete by means of diversion and abstraction (which no longer has anything to do with philosophical abstraction); saving the beauty of the world and the landscape by refusing its human, all too human aestheticization; saving art by denying it. In short, going back to an entirely different anabasis, that of contemporary art, which never stops searching for something new in the point of rout that leads to a return, a reprise, a remake. So is this the vertigo of analogy, as Jacques Bouveresse would say? An infinitely doubtful vertigo that will end up placing the indistinct suffering of men, all men—Jews, Palestinians, Israelis, Japanese, Greeks, Puerto Ricans—at the service of artists? Absolutely not. First, because if we accept Gerard Wacjman’s assertion in L’Objet du siècle (The Object of the Century) that contemporary art begins with Duchamp and Malevitch, we have no choice but to recognize that the anabasis image has a much longer history in art than in pol­ itics. If art’s interest in this image gives it meaning today, it is per­ haps not so much as a lifeline, but as a disturbing mirror that shows a reflection of one’s time and at least provides food for thought. It was neither politics nor poetry that first modernized that ancient image

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of the anabasis, it was the visual artist working with images, conscious of their perpetual fall and resurrection in a world closed anew. Moreover, it is hard to deny that in a sense today we live in societ­ ies of widespread anabasis where in art, politics and science, in the most public lives as well as the most private, we hear people speak­ ing of nothing but that: of new departures and returns, of conquests and quagmires, of the loss and rediscovery of meaning. Finally, because if we concede that the greatest wisdom consists in more than just “not to ridicule, not to bewail, not to scorn,” to use Spinoza’s words, but also not to understand as Spinoza would rather have wished, only to convey everything that has happened, with all of the nebulousness and the nagging questions the past entails, then we have no choice but to recognize that art makes use of the past as much as it does not make use of it, makes use of the present as much as it diverts from it to find something new. In any case, latching onto this anabasis image at least seems a lit­ tle more interesting than speaking of a postmodern world, the end of history or a clash of civilizations. It allows us to avoid sterile con­ trasts between fervor and brooding. We have no choice, our age has set itself up between the two, and contemporary art was the first to understand this. And above all, this liberates us from all nostalgia for the past as well as all hope for a more glorious future. Our age is not a great one, and its art must therefore forbid itself from trying to be the greatest art, true art in the Hegelian sense or propaganda art like that of the last thurifiers of revolutionary terrorism. But al­ though this lucid realization can liberate us from all of the garbage of grandeur—glory, fanaticism, sacrifice, war—the modest art of today, which Eric Baudelaire’s work embodies rigorously, deserves its fair measure of thanks. It is an art of peace, of questions, and a call for more sharing, instead of more judgment and conflict.

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May Shigenobu . May 2008


Ce livret a été édité par le centre d’art contemporain — la synagogue de Delme, dans le cadre de l’exposition d’Eric Baudelaire : L’Anabase de May et Fusako Shigenobu, Masao Adachi et 27 années sans images qui s’est tenue à Delme du 20 mai au 25 septembre 2011. Conception éditoriale et chronologies : Eric Baudelaire L’Anabase de la Terreur : vouloir (ne pas) comprendre : Pierre Zaoui Traduction anglais / français : Céline Curiol Traduction français / anglais : Matthew Cunningham Traduction japonais / français : Eléonore Mahmoudian Design graphique : Regular Composé en : Olympian, Graphik, Bitstream Geometric 706, Akzidenz Grotesk Old Face Imprimeur : Cassochrome, Waregem, Belgique. Achevé d’imprimer en mai 2011.

Eric Baudelaire tient à remercier ceux qui ont rendu possible cette recherche, tout particulièrement Eléonore Mahmoudian, Abi Sakamoto, Mirene Arsanios, Siska Habib, UMAM, Marwa Arsanios, Yuriko Furuhata, Shoko Takahashi, Patricia Steinhoff, William R. Farrell, Michaël Prazan, Kieu Nguyen, Pierre Zaoui, Minori Akimoto, Hiroshi Matsui, Laure Vermeersch et Marie Cozette. Réalisé avec le concours du CNAP / Centre National des Arts Plastiques (allocation de recherche) — Ministère de la Culture et de la Communication, et de la Villa Kujoyama / Institut Français.



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