Creuser le ciel

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Le mot des interprètes Les noms des grandes disparues de 2023 sont spontanément ressortis lorsque nous avons entamé notre recherche de répertoire en préparation de ce récital. Notre rôle d’interprètes prend tout son sens au moment de commémorer ces compositrices, alors que leur présence est encore palpable. Mais nous avons voulu orienter notre programme aussi vers la vie, vers la transmission, vers la passation des savoirs, des idées, des perceptions. C’est ainsi que quelques créatrices bien vivantes, et dont l'œuvre nous remplit d’espoir, se sont imposées au programme. Les textes choisis sont tous liés aux pièces musicales selon l’inspiration de chaque compositrice; à l’exception de celui de Virginia Woolf, sur lequel nous sommes tombées par hasard. Ce texte dépeint avec une étonnante justesse l’approche que nous avons de la pratique de notre art; où le cumul de notre parcours, les rencontres et les événements dont nous sommes témoins affectent chaque son, chaque phrase, chaque prestation. Et comme notre réflexion porte sur l’art vivant ainsi que sur la richesse et la force poétique de l’instant, nous vous offrons les textes récités, incarnés dans le vivant. Nous croyons que la force de ce programme réside dans la grande place accordée à la vulnérabilité et à l'imparfait, au travers de ces œuvres aux esthétiques diverses. Des compositrices inspirées, puisant tantôt dans l’écriture “classique”, tantôt dans l’exploration de textures sonores éclatées, forment ensemble un tout empreint d’humanité et de vérité. Le champ lexical et poétique autour de la thématique du deuil est omniprésent et assumé; nous croyons qu’il permet d’apprivoiser un aspect de l’expérience humaine qui est souvent occulté, et pourtant nécessaire. Ce concert est dédié à Estelle, Félicité et Jeanne, les feux délicats qui nous illuminent.

Fabienne Gosselin et Geneviève Savoie Janvier 2024

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Valerie Coleman (Née en 1970) -

Programme

Requiem Milonga

Jocelyn Morlock (1963 - 2023) -

I conversed with you in a dream -

I conversed with you in a dream (I) Mingled with all kinds of colours A delicate fire I conversed with you in a dream (II)

Rachel Laurin (1961 - 2023) -

Sonate pour flûte et piano op.29

Kaija Saariaho (1952 - 2023) -

Dolce Tormento pour piccolo solo

Zosha Di Castri (Née en 1985) -

Sprung Testament -

I. (A generosity of belief) II. (Tears of elation at a liminal moment) III. Its presence lingered a while, then it was gone)

À partir de cela j’atteins à ce que j’appellerais une philosophie ; en tous cas, c’est une idée que je ne perds jamais de vue, que derrière la ouate se cache un dessin ; que nous — je veux dire tous les êtres humains — y sommes rattachés ; que le monde entier est une œuvre d’art ; que nous participons à l’œuvre d’art. Hamlet ou un quatuor de Beethoven constituent la vérité sur cette énorme masse qu’on appelle monde. Mais il n’existe pas de Shakespeare, pas de Beethoven ; certainement et une fois pour toutes, Dieu n’existe pas. Nous sommes les mots ; nous sommes la musique ; nous sommes la chose en soi. Et c’est ce que je vois quand je reçois un choc. Virginia Woolf

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Valerie Coleman, Requiem Milonga Valerie Coleman est une flûtiste, pédagogue et compositrice afro-américaine, considérée comme une artiste emblématique. Nominée aux Grammy Award et mise en lumière comme l'une des 35 meilleures compositrices par The Washington Post, elle a été nommée “Classical Woman of the Year 2020” par Performance Today, une distinction décernée à une femme ayant apporté une contribution significative à la musique en tant qu'interprète, compositrice ou éducatrice. Ses œuvres ont reçu des distinctions telles que le MAPFund, le ASCAP Honors Award, le Classical Commissioning Program de Chamber Music America, le Herb Alpert Ragdale Residency Award, ainsi que des nominations de l'American Academy of Arts and Letters et des United States Artists. Elle contribue activement à enrichir et renouveler le répertoire pour flûte et vents par un généreux corpus d'œuvres. Pour Valerie Coleman, le Requiem Milonga est “A song of longing and remembrance for those who have loved and lost” que nous traduirons un peu maladroitement par « Une pièce de nostalgie et de souvenirs pour celles et ceux qui ont aimé et perdu ». Il est clair que la compositrice intègre plusieurs influences dans sa musique; la musique française pour flûte, le jazz, la musique traditionnelle de différents pays et même la musique de film. C’est de manière délibérée qu’elle espère contribuer à amincir, voire abolir, les frontières entre les différents langages musicaux. Le Requiem est également à mi-chemin entre une pièce lyrique et la milonga, danse latino-américaine à l’origine du tango. Comme on chante la vie et on danse parfois avec la mort…

Jocelyn Morlock, I conversed with you in a dream Jocelyn Morlock était l’une des plus grandes compositrices canadiennes. Elle a écrit une musique fascinante qui a fait l’objet d’un grand nombre d’enregistrements et a été jouée et diffusée à de nombreuses reprises en Amérique du Nord et en Europe. Née à Winnipeg, elle a étudié le piano à l’Université de Brandon, puis a obtenu une maîtrise et un doctorat en arts musicaux à l’Université de Colombie-Britannique, où elle était encore récemment chargée de cours de composition. Première compositrice en résidence de la Music on Main Society de Vancouver, elle a par la suite assumé le même rôle pour l’Orchestre symphonique de Vancouver, de 2014 à 2019.

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La musique de Jocelyn Morlock est saluée comme étant « aérée, mais rythmée, mélodieuse, mais complexe » et d’une « beauté troublante, mais séduisante » (Georgia Straight). « Merveille lyrique, exquise écriture » avec « un sens aigu de la sonorité » et une approche « habilement idiomatique » (Vancouver Sun), sa musique apparaît sur 24 disques compacts. Une grande partie de la musique de Jocelyn Morlock est inspirée par les oiseaux, l’insomnie ou une combinaison particulière de ces éléments. « Les trois brefs morceaux qui composent I conversed with you in a dream sont inspirés des fragments poétiques de Sappho. La poésie de Sappho a, dans sa quasiintégralité, uniquement été préservée sous forme de fragments. (Parmi les diverses expressions que j’ai utilisées, seule “a delicate fire” est tirée d’un poème complet.) Ces fragments possèdent, selon moi, une force évocatrice incroyable; les divers univers sonores suggérés par ces différents morceaux courts ont été conçus en réaction à l’imaginaire piquant qui caractérise la poésie de Sappho (Ve et VIe siècle av JC). »

Je dis que l'avenir se souviendra de nous. Je désire et je brûle. A nouveau, l'Amour, le briseur de membres, Me tourmente, doux et amer. Il est insaisissable, il rampe. A nouveau l'amour a mon cœur battu, Pareil au vent qui, des hauteurs, Sur les chênes s'est abattu. Tu es venue, tu as bien fait: J'avais envie de toi. Dans mon cœur tu as allumé Un feu qui flamboie. Je ne sais ce que je dois faire, Et je sens deux âmes en moi. Je ne sais quel désir me garde possédée De mourir, et de voir les rives Des lotus, dessous la rosée. Et moi, tu m'as oubliée.

— Jocelyn Morlock.

Rachel Laurin, Sonate pour flûte et piano op.29 Organiste et compositrice québécoise très prolifique, Rachel Laurin a consacré sa carrière au concert, à la composition, à l’animation de classes de maître et de conférences. Sa discographie comporte douze disques comme soliste ou avec divers ensembles. Elle a donné de nombreux récitals dans les grandes villes du Canada, des États-Unis et d’Europe et était régulièrement invitée comme concertiste, compositrice, professeure et conférencière dans les universités canadiennes et américaines. Compositrice agréée du Centre de Musique Canadienne depuis 1989, Rachel a composé des centaines d’œuvres pour instruments solos, chant, formations de chambre, chœur, et orchestre. Ces œuvres sont exécutées et enregistrées fréquemment à l’échelle nationale et internationale. En 2020, l’American Guild of Organists reconnaissait sa contribution exceptionnelle au répertoire de l’orgue, comme compositrice, en lui remettant le « Distinguished Composer Award 2020 ». Elle était organiste attitrée à la paroisse St-Clément d’Ottawa depuis 2015.

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La Sonate opus 29 a été écrite en 1995, à la demande du flûtiste Michel Bellavance et du pianiste Marc Bourdeau. Il s’agit de la pièce la plus ancrée dans la tradition se trouvant au programme. Proche de celles de Sergei Rachmaninov ou de César Frank, l’écriture pour piano est ample, harmoniquement riche et d’une expressivité poignante. On pourrait presque percevoir cette pièce comme une sonate pour piano avec accompagnement de flûte, mais une cadence à la fin de la pièce permet une douce revanche à la flûte. La structure se résume à un allegro de forme sonate de large dimension comportant deux idées musicales de base, l’une rythmique et l’autre mélodique. Celles-ci sont développées tout au long des différentes sections qui s’enchaînent sans interruption, comprenant une exposition de fugue et la cadence pour la flûte, et qui s’acheminent vers une fin de caractère triomphal.

Kaija Saariaho, Dolce Tormento Kaija Saariaho est une compositrice finlandaise qui a d’abord étudié les arts visuels à l’université des arts industriels (aujourd’hui Université d’art et de design) d’Helsinki. Elle se consacre à la composition à partir de 1976, à l’académie Sibelius où elle obtient son diplôme en 1980. Elle étudie à la Musikhochschule de Freibourg-en-Breisgau (Allemagne), puis s’intéresse à l’informatique musicale à l’Ircam à Paris. Elle a par la suite enseigné la composition à San Diego, Californie et à l’Académie Sibelius à Helsinki. Son parcours est jalonné de nombreux prix qui couronnent ses œuvres les plus importantes; elle a joué un rôle de pionnière en tant que femme compositrice dans un univers de compositeurs masculins, au coeur du 20e siècle. Saariaho a composé autant des œuvres de chambre, des pièces pour orchestre, ainsi que des opéras, avec ou sans électronique. Elle a notamment travaillé avec Robert Lepage sur l’opéra L’Amour de loin en 2016, premier opéra à avoir été écrit par une femme et joué au Metropolitain Opera de New-York depuis 1903. Le travail de Kaija Saariaho s’inscrit dans la lignée spectrale avec, au cœur de son langage depuis les années quatre-vingt, l’exploration du principe d’« axe timbral », où « une texture bruitée et grenue serait assimilable à la dissonance, alors qu’une texture lisse et limpide correspondrait à la consonance ». Elle prendra plaisir à explorer en continue ces sonorités avec des œuvres pour flûte telles que le Laconisme de l’aile, NoaNoa et Dolce Tormento, où les sons éthérés et clairs sont travaillés en miroir avec les sons saturés, bruités. Peut-être inspirée de sa première pratique en arts visuels, on a l’impression que Saariaho colorie, colle, sculpte et donne texture au son.

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Écrit avec la collaboration de et pour la flûtiste Camilla Hoitenga, la pièce Dolce Tormento évoque, à l’instar du titre, le paradoxe entre douceur et tourments. Malgré les défis liés à la taille, à la facture et au registre de l’instrument, Saariaho a réussi à créer une pièce polyphonique, à forte dimension théâtrale et d’une grande liberté pour l’interprète. Le vocabulaire habituel de Saariaho est présent : sons aériens, vibrato contrôlé, glissandi, trilles, multiphoniques, utilisation de la voix, et surtout, chevauchement entre ces effets. Dans cette pièce, elle affectionne particulièrement l’instabilité et la transformation du timbre sonore; faisant ainsi un écho particulièrement convaincant au sonnet de François Pétrarque (13041374) qui vogue entre intuition, doute et certitudes.

Si l' amour n' exi ste pas Si l'amour n'existe pas, O Dieu, alors qu'est-ce que je ressens? Et si l'amour existe, quelle chose est-il, qui n'est pas le néant? Si l'amour est bon, d'où vient mon malheur? S'il est mauvais, une merveille, il me semble, en demeure, Quand chaque adversité et tourment Qui viennent de lui, me semblent nectar gourmand, Car plus j'en ai soif, plus j'en suis buveur. Et s'il vient de mon propre désir que ma brûlure jamais ne soit extincte, D'où viennent mes gémissements et ma plainte? Si mes maux m'agréent, alors à qui est-ce que me plains? Je ne sais pourquoi, infatigable, je n'en défaille pas moins. O mort vivace, O doux coup, aux si désuètes arrière-pensées, Comment, se peut-il, de toi, y avoir, en moi, si grande quantité, A moins que je ne consente que tu sois ainsi invité? Et si j'y consens, elle est à ma charge Ma plainte, vraiment: Ainsi ballotté de long en large Sans gouvernail _dans un bateau je suis; Au milieu de la mer, deux risées essuie, Qui toujours l'une contre l'autre, soufflent batailleuses. Hélas! Quelle est cette maladie merveilleuse? De la chaleur du froid, de la froidure du chaud, mourant je suis.

Traduction française par Gilles de Sèze

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Zosha Di Castri, Sprung Testament Zosha Di Castri est une compositrice et pianiste canadienne qui vit à New York. Ses œuvres (présentées au Canada, aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Asie et en Europe) englobent des travaux qui vont au-delà de la musique de concert, recourant à l’électronique, aux arts sonores, et intégrant occasionnellement vidéo et danse. Jouée par les plus grands orchestres d’Amérique du Nord, Zosha occupe présentement le poste de professeure adjointe Francis Goelet à la Faculté de musique de Columbia University. Le premier album de Zosha, Tachitipo, est sorti sur le label New Focus Recordings en novembre 2019, recevant des éloges de la critique, et le morceau éponyme a été nominé pour le prix de la Composition Classique de l'Année aux JUNO Awards 2021. Zosha est lauréate de la bourse Guggenheim 2021 et a été fellow inaugurale à l'Institute for Ideas and Imagination à Paris en 2018-2019. Elle a obtenu son baccalauréat en musique en piano et composition à l'Université McGill, ainsi que son DMA (Doctor of Musical Arts) en composition à l'Université Columbia. Kaija Saariaho a été un mentor pour elle. Née à St.Albert, en Alberta, Canada, Zosha vit actuellement avec sa famille à New York. La pièce Sprung Testament fait écho à la Sonate du Printemps de Ludwig van Beethoven. Écrite d’abord pour violon et piano en 3 mouvements, la version flûte et piano a été adaptée à notre intention. La compositrice s’est inspirée du Testament de Heiligenstadt (1802) de Beethoven, une lettre écrite à ses frères dans laquelle il choisit de transcender ses problèmes auditifs, émotionnels et psychologiques et renonce au suicide pour réaliser ses aspirations artistiques. De Beethoven, Di Castri hérite dans son écriture des idées contrastantes placées en dialogue dans un caractère fougueux mais capable d’une délicatesse sans pareil. Une deuxième source d'inspiration pour le projet est le livre de RoseLynn Fisher "The Topography of Tears", où des larmes photographiées au microscope rappellent « des clichés macro-topographiques de paysages étendus, tout en étant étrangement délicats, poétiquement complexes et intimes. Dans son livre, Fisher donne des légendes à chaque image, traduisant le visuel en quelque chose d'évocateur de nos vies intérieures. »

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À mes frères Carl et

Beethoven à lire et à exécuter après ma mort

Oh ! Vous autres qui me croyez hostile, rébarbatif ou misanthrope, ou me déclarez tel, comme vous me faites tort, car vous ne savez rien de la cause secrète de ce qui vous semble tel. Dès l'enfance mon cœur et mes sens étaient faits pour les tendres sentiments de bienveillance ; j'étais même toujours prêt à faire de grandes actions. Considérez donc que, depuis six ans, je suis dans un état désastreux, empiré par des médecins stupides, d'année en année, trompé par l'espoir d'aller mieux et, finalement, forcé d'envisager un mal interminable, dont la guérison durerait des années ou serait même impossible. Né avec un tempérament fougueux, sensible même aux plaisirs de la société, je dus très vite m'isoler, passer ma vie dans la solitude. Si, de temps en temps, je voulais échapper à tout cela, comme j'étais durement repoussé par la triste expérience, doublée de mon ouïe si mauvaise. Il ne m'était cependant pas possible de dire aux gens : parlez plus haut, criez, car je suis sourd. Comment me serait-il possible d'admettre la faiblesse d'un sens qui chez moi devrait être d'un degré plus parfait que chez les autres, un sens que je possédais autrefois à un tel degré de perfection que peu de gens de ma profession l'ont, ou l'ont eu. - Oh ! Je ne le puis, c'est pourquoi vous devrez me pardonner, lorsque vous verrez que je me retire quand j'aimerais tant me mêler à vous. Mon malheur me fait doublement mal, car à cause de lui, je suis méconnu. Pour moi il n'y a ni récréation en société, ni fines conversations, ni épanchements mutuels. Il ne m'est permis de me mêler à la société que lorsque la plus haute nécessité l'exige. Il me faut vivre comme un proscrit - quand je m'approche d'une société, une peur poignante d'être obligé de laisser voir mon état me saisit. Il en fut ainsi pendant les six mois que je passai à la campagne, ayant suivi le conseil de mon raisonnable médecin, de ménager, autant que possible, mon ouïe, qui déjà correspondait presque à mon actuelle disposition naturelle. Quelquefois, poussé par mon besoin de compagnie, je me laissais tout de même tenter ; mais quelle humiliation quand quelqu'un, à côté de moi, entendait une flûte, et que moi je n'entendais rien ; ou que quelqu'un entendait chanter le berger et que je n'entendais rien non plus. De tels incidents me portaient presque au désespoir et il s'en fallut de peu que je ne misse fin à ma vie, mais seul, lui, l'art m'en retint. Oh ! Il me semblait impossible de quitter ce monde avant d'avoir accompli ce à quoi je me sentais disposé et, ainsi je prolongeai cette vie misérable, vraiment misérable, cette nature si fragile qu'un assez rapide changement me fit passer du meilleur état dans le pire. Patience, c'est vous que désormais je dois choisir comme guide, comme on me le dit ; c'est fait - j'espère que ma décision de persévérer sera durable, jusqu'à ce qu'il plaise aux inexorables Parques de rompre le fil. Peut-être les choses iront-elles mieux, peutêtre que non, je suis prêt à subir mon sort, forcé que je fus, dès ma vingt-huitième année, à être philosophe. Ce n'est pas facile, et pour un artiste c'est plus difficile que pour tout autre. Divinité, du haut tu vois sur mon âme, tu la connais, tu sais que l'amour du prochain et le besoin de faire le bien l'habitent. Oh ! Humains, quand vous lirez ceci, pensez que vous m'avez fait du tort, que les malheureux se consolent d'avoir trouvé un de leurs semblables qui, malgré

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tous les obstacles de la nature, a fait tout ce qui était en son pouvoir pour être recueilli dans le rang des artistes et des hommes dignes. Vous, mes frères, Carl et , dès que je serai mort, si le professeur Schmidt vit encore, priez-le, en mon nom, de faire une description de ma maladie et ajoutez cette feuille à l'histoire de ma maladie, afin qu'au moins, après ma mort, le monde se réconcilie avec moi autant que possible. En même temps, je vous déclare ici, tous deux, héritiers de ma petite fortune (si l'on peut dire ainsi). Partagez-là honnêtement, entendez-vous , et aidez-vous mutuellement. Ce que vous m'avez fait de mal, vous le savez, vous est depuis longtemps pardonné. Toi, cher frère Carl, je te remercie en particulier de l'attachement que tu m'as prouvé ces derniers temps. Mon vœu est que vous ayez une vie meilleure que la mienne, exempte de soucis. Recommandez la vertu à vos enfants, elle seule, et non l'argent, peut les rendre heureux. J'en parle par expérience, c'est elle qui m'a soutenu, même dans le malheur, c'est à elle ainsi qu'à mon art que je dois de n'avoir pas mis fin à mes jours par un suicide. Adieu, aimez-vous ! Je remercie tous mes amis, en particulier le prince Lichnowski et le professeur Schmidt. Je désirerais que les instruments du prince L. soient gardés chez l'un de vous deux, mais qu'aucune dispute ne s'élève entre vous à cause d'eux. Dès qu'ils pourront vous être d'un plus grand profit, vendez-les. Combien je serai heureux, si même sous la tombe, je puis vous être encore utile. Alors, ce serait fini, joyeux, je cours à la rencontre de la mort. Si elle vient avant que je n'aie eu l'occasion de développer toutes mes capacités artistiques, elle viendra trop tôt, malgré mon triste sort et, j'aimerais bien qu'elle vienne plus tard. Mais alors je serai aussi content ; ne me libérera-t-elle pas d'un état de souffrances sans fin ? Viens quand tu voudras, je vais à ta rencontre avec courage. Adieu, ne m'oubliez pas après ma mort, je ne l'ai pas mérité ayant dans ma vie souvent pensé à vous rendre heureux, soyez-le. Ludwig van Beethowen Heiligenstadt. le 6 octobre 1802 Heilingenstadt, le 10 octobre 1802 Ainsi je prends congé de vous - et avec tristesse en vérité - cher espoir - espoir que je portais en moi, en venant ici, d'obtenir du moins jusqu'à un certain point ma guérison - cet espoir doit à présent m'abandonner complètement. Comme tombent les feuilles d'automne qui sont fanées - cet espoir lui aussi pour moi s'est atrophié. A peu près tel que je suis venu ici - je m'en retourne - Le grand courage - qui m'inspira souvent au cours de ces belles journées d'été - a disparu - Ô Providence -fais apparaître une seule fois à mes yeux un jour de joie sans mélange - Depuis si longtemps l'écho de la vraie joie est absent de mon cœur -Quand donc - ô Dieu pourrai-je de nouveau le sentir dans le temple de la Nature et dans le contact avec l'humanité - Jamais plus ? Non ! - Oh ! Ce serait trop dur.

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Natalie Fontalvo, récitante Natalie Fontalvo aurait voulu être pirate. Née au mauvais siècle pour la piraterie, elle est plutôt devenue artiste pluridisciplinaire. En 2023, elle a été finaliste du prix Artiste de la relève de la Capitale Nationale de CCNCA. Au cours des dernières années, elle a notamment dirigé le projet multidisciplinaire Le vieil homme et la mer (Québec en toutes lettres, 2023); été co-autrice et interprète de Titre(s) de travail (Théâtre Périscope, 2022, finaliste des Prix de la critique, dans la catégorie “meilleur texte”); co-autrice, cometteuse en scène, co-conceptrice vidéo et interprète d’On sentait déjà la dynamite (Théâtre Premier Acte, 2022, finaliste des Prix Théâtre, pour sa conception vidéo); ainsi qu’interprète et co-créatrice de .ES - chapitre 1 - SOI, finaliste du prix CALQ – œuvre de la relève de la CapitaleNationale 20-21. En tant qu’interprète, Natalie a aussi fait partie de la distribution de Là où je me terre (La Bordée, 2023), Les Muses orphelines (La Bordée, 2022) et Le réveil des oiselles (Carrefour international de théâtre 2022 et 2023), en plus de jouer un premier rôle dans la saison 2 de Le temps de framboises (TVA, diffusion à venir). On a aussi pu la voir en tant que performeuse littéraire au Mois de la poésie, à Québec en toutes lettres, à la Maison de la littérature, entre autres.

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Remerciements: Zosha Di Castri Natalie Fontalvo L’équipe de l’Arquemuse Myriam Beaulieu Marie-Loup Cottinet Christine Lavallière Xavier Mercier Méthé Nos familles Finalement, merci aux personnes présentes de partager ce moment avec nous.


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