Gustav Meyrink - Le Golem, 1915

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C’était le brocanteur. – Seulement un petit instant, monsieur de Pernath, me demanda-t-il déconcerté, comme je lui signifiais que je n’avais pas le temps. « Un tout petit instant. Quelques mots. La sueur lui coulait sur le visage et il tremblait de surexcitation. « Est-ce qu’on peut vous parler ici sans être dérangé, monsieur de Pernath ? Je ne voudrais pas que… que ce Hillel entre encore une fois. Fermez donc la porte à clef ou, mieux encore, passons dans la chambre à côté. Il me tira à sa suite avec les mouvements violents qui lui étaient habituels. Puis il regarda craintivement autour de lui et chuchota très bas : « J’ai réfléchi, vous savez la chose – on venait d’en parler. – C’est mieux comme ça. Motus. Bon, ce qui est passé est passé. Je tentai de lire dans ses yeux. Il soutint mon regard, mais au prix d’un tel effort que sa main se crispa sur le dossier de la chaise. – J’en suis très heureux, monsieur Wassertrum, lui dis-je aussi amicalement que je pus. La vie est trop triste pour qu’on l’assombrisse encore par des haines réciproques. – Sûr, c’est comme si on entendait lire ce qu’il y a dans un livre imprimé, grogna-t-il, soulagé.

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