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Afin de combler leur retard dans la numérisation de leurs offres et de leurs procédures internes, les compagnies peuvent désormais s’adresser à une pléthore de jeunes pousses.

Quentin Velluet

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Certaines carrières professionnelles épousent parfaitement les mutations des secteurs au sein desquels elles se construisent. Celle de Roch Guinko en est le parfait exemple. Ingénieur télécoms et informatique diplômé en France en 2009, le Franco-Burkinabè revient sur le continent en 2015 pour accompagner la numérisation des filiales de BNP Paribas dans la zone Uemoa. À l’époque, le secteur bancaire est engagé dans une transition numérique qui doit lui permettre d’optimiser son fonctionnement et d’imaginer de nouveaux produits pourconvaincredepotentielsclients.

Cinq ans plus tard, l’explosion du nombre d’entreprises de la fintech confirme la tendance et participe à moderniser le secteur par la technologie. La banque africaine entre dans une nouvelle ère de sophistication de ses produits et services tandis que Roch Guinko entame, lui, une nouvelle aventure : l’assurance

«Auquotidien,montravailn’estpas toujours aisé. Il requiert beaucoup de pédagogieetdepatience »,expliquele directeurdessystèmesd’information etdelatransformationdigitaledel’assureur Sunu Group. Positionné entre la nécessité de numériser les procédures internes de son employeur et celle d’imaginer de nouveaux canaux de distribution et de produits d’assurances, le dirigeant doit apprendre à accompagnerdanslechangementses collaborateurs ainsi que ses homologues dirigeants. Le plan de transformation de Sunu Assurances est ainsi structuré en 7 grands programmes et 21 projets dans 15 pays et pour 22 filiales. Et ce, principalement pour améliorer la relation client du groupe ainsiquesonfonctionnementinterne.

La tâche n’est pas aisée, tant le secteur de l’assurance – comme celui de la banque – est réputé rétif à la nouveauté. Hormis les grands comme Old Mutual, Sanlam, Sunu ou le marocain Wafa, « beaucoup d’acteurs n’ont ni site web ni application », relève Souleymane Gning, fondateur de la start-up sénégalaise Assuraf, spécialisée dans le courtage en ligne. « Le secteur de l’assurance est extrêmement fragmenté en Afrique, et les régulateurs ont longtemps fait en sorte de garder ce paysage de multiples microentreprises familiales qui ne prennent aucun risque majeur », explique Ridha Meftah, partenaire au sein du cabinet EY (Ernst & Young) de Tunis et spécialiste du marché africain des services financiers.

Réflexe culturel

En 2019, la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima), qui réunit 14 pays membres, principalement en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, comptait 185 sociétés d’assurances agréées et 19 acteurs de la réassurance. Ces dernières ont émis pour 1,3 milliard de F CFA (un peu moins de 2 millions d’euros) de primes, en vie et non-vie.

L’augmentation du montant minimal de capital social, imposé par l’institutionen2016,apourtantintroduitunmouvementdeconcentration dans le secteur, tel le rapprochement entre Sanlam et Allianz. Mais nombreuses sont les compagnies d’assurances qui négligent encore ce que la technologie pourrait apporter à leur activité, et ce non pas faute de moyens, mais par réflexe culturel.

« C’est un secteur plombé par une réglementationlourdequireprésente une bonne partie de l’activité quotidienne des entreprises Elles en ont oublié leurs clients finaux, à qui elles ne parlent pas, souligne le fondateur d’Assuraf De plus, les compagnies d’assurances, en Afrique comme ailleurs, se concentrent principalement sur les grands comptes, qui sont pour la plupart des clients captifs. Ce qui ne les pousse pas à développer le marketing et de nouveaux canaux de distribution. »

En conséquence, une pléthore de start-up voit le jour, non pas afin de concurrencer les acteurs traditionnels, mais plutôt pour accomplir un travail de modernisation tout en évangélisant de nouveaux publics. En 2022, le cabinet de conseil londonien Briter Bridges dénombrait 75 start-up actives dans l’assurance en Afrique « Il y a quatre positionnements possibles dans l’assurtech, analyse Souleymane Gning. Ceux qui tententd’améliorerlesproduits,ceux qui veulent améliorer les process, les entreprisesspécialiséesdansl’analyse de données et celles qui s’intéressent aux canaux de distribution. »

C’est ce dernier modèle d’affaires qu’exploite Assuraf. Fondée en 2018, l’entreprise est partenaire des principales compagnies d’assurances actives au Sénégal, pour le compte desquelles elle distribue et gère, via une plateforme en ligne et une application, des produits liés à l’automobile,l’habitation,lesvoyages,lasanté ou l’assurance vie.

Établie à Dakar, la jeune pousse vient d’accueillir l’investisseur kényan Catalyst Fund, qui a injecté 100 000 dollars dans son capital. Le fonds est présent notamment au capital de la centrale d’achat marocaine Chari et de son homologue égyptien Brimore. En plein développement en Côte d’Ivoire grâce à un partenariat avec un courtier local, Assurafprétendavoirfourni,àcejour, près de 15000 devis et compte poursuivresalevéedefondsafind’étendre son modèle à d’autres marchés de l’Afrique de l’Ouest.

« Commencer par distribuer et ramener des revenus aux assureurs permet d’avoir davantage leur attention lorsque vous souhaitez ensuite entrer dans les détails de leur fonctionnement et leur proposer des améliorations sur certains produits à partir de vos propres analyses de données », résume le dirigeant et ingénieurtélécoms,quiaparticipéau succèsdudéveloppementdu mobile money chez Sonatel

«Malgré lesconsolidations en cours, le secteur de l’assurance souffretoujoursd’unmaillageterritorial faible,car construiredes agences dans deszonesreculées coûtetrop cher,souligneRidha Meftah.C’est sur ce point que le numériquepeut faireladifférence,en simplifiant l’accès àl’assurance pour le grand public. »

Au Kenya, Lami, fondéepar Jihan Abas, n’estautreque l’équivalent est-africain d’Assuraf.Financée également par CatalystFund, elle ouvre, elle aussi, l’assurance àdenouveaux clientspour le compte de plus de 25 partenaires.Lajeune société,

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