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Politique, économie, culture & société SPÉCIAL CÔTE D’IVOIRE – INVESTITURE D’ALASSANE OUATTARA
Droits de l’homme, enquête à hauts risques
AU COURS DE LEUR ENTRE TIEN, avant la cérémonie d’investiture le 21 mai à Yamoussoukro, les deux chefs d’État ont abordé la reprise de la coopération entre les deux pays. Paris va envoyer à Abidjan deux coopérants – un militaire et un magistrat – comme LES DEUX CHEFS D’ÉTAT, àYamoussoukro, conseillers auprès du président le 21 mai. ivoirien. Le militaire aura en charge la restructuration de l’armée ivoirienne. À la manœuvre également à Paris, au ministère des Affaires étrangères, l’ancien patron de la force Licorne, le général Bruno Clément-Bollée. Le juriste devra, quant à lui, aider ADO à organiser les services de la présidence, de la primature et du secrétariat de gouvernement. ●
La bouderie d’Alpha LE 20 MAI, VEILLE de l’investiture, l’atmosphère était électrique entre Guinéens à l’hôtel Président de Yamoussoukro.AlphaCondélogeaitau 10e étage. Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré étaient au 4e. Furieux d’apprendre que ses deux principaux opposants étaient de la fête, le président guinéen a boudé le dîner offert par Alassane Ouattara à ses homologues africains. Le lendemain, il est reparti à Conakry avant le déjeuner organisé par le chef de l’État nouvellement investi. ●
Robert Bourgi privé d’investiture MALGRÉ UN LOBBYING auprès de Claude Guéant, ministre français de l’Intérieur, Robert Bourgi, l’avocat parisien fortement impliqué dans les affaires africaines, n’a pu être de la partie. À Paris Alain Juppé, et à Abidjan les diplomates français et le camp Ouattaraonttoutfaitpourempêchersa venue. Du coup, il est allé se consoler à Venise. ●
Chocolate Finger était là
LE PATRON D’ARMAJARO, Anthony Ward, a dîné à la table d’honneur de Dominique Ouattara, la veille de la cérémonie. Surnommé Chocolate Finger pour sa capacité à réaliser des coups sur le marché du cacao, le dirigeant du groupe de négoce était notamment accompagné de son directeur Afrique, Loïc Folloroux, le fils de la première dame. ● JEUNE AFRIQUE
P
AS SÛR QUE LES CONVIVES aient abordé le sujet. C’est le 9 juin que la Commission d’enquête de l’ONU chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises en Côte d’Ivoire depuis le 28 novembre 2010 (date du second tour de la présidentielle) devrait rendre son rapport, qui sera transmis au Conseil de sécurité.
Bouygues, Bolloré: invités VIP
LUDOVIC/REA
REUTERS/STRINGER
Sarkozy-Ouattara: ambiance kakie
VINCENT BOLLORÉ (à g.), avec Michael Zaoui (banquier), Anne Méaux (présidente d’Image 7) et Michel Roussin (conseiller du président d’EDF).
LES DEUX PATRONS FRANÇAIS, Martin Bouygues et Vincent Bolloré, ne voulaient pas manquer l’investiture. Dès le 20 mai au soir, ils faisaient les cent pas dans le grand hall de l’Hôtel Président, avant de se rendre au dîner offert par Dominique Ouattara. Pour Martin Bouygues, le changement de régime n’a pas posé de problème. Alassane Ouattara et lui sont des amis de vingt ans. Pour Vincent Bolloré, le virage a été plus difficile à négocier. Jusqu’en décembre 2010, Bolloré a tenté de plaider la cause de Gbagbo auprèsdeNicolasSarkozy.Finalement, dans les dernières semaines de la crise, l’homme d’affaires français a compris que le vent tournait et a appelé Alassane Ouattara à deux reprises. ●
Dirigée par le juriste thaïlandais Vitit Muntabhorn assisté de l’avocate béninoise Reine Alapini Gansou et de l’universitaire soudanais – formé en France – Souleïmane Bado, qui ont enquêté sur le terrain pendant un mois, ses conclusions sont très attendues et pourraient servir de base de travail aux procédures initiées devant la Cour pénale internationale. Ce dossier est l’une des priorités les plus sensibles du président Ouattara, que le rapport d’Amnesty International sur la même période, rendu public le 24 mai, ne ménage guère. Une bonne partie de ce document – qui stigmatise également les atrocités commises par les milices et les forces de sécurité loyales à Laurent Gbagbo – est en effet consacrée (y compris le titre même du rapport) aux multiples exactions commises dans l’Ouest par ses partisans entre fin mars et début mai. Or, estime Amnesty, dans la mesure où « les liens de subordination entre les forces armées des Forces nouvelles et Alassane Ouattara ont été définitivement éclaircis » à la suite de l’intégration de celles-ci au sein des FRCI par décret présidentiel le 17 mars, le nouveau président « assumait » à partir de cette date « la responsabilité de tous les actes commis ou tolérés par ces forces armées ». Une interprétation déjà contestée à Abidjan. Il est vrai qu’Amnesty ne fait que rapporter des témoignages de victimes et n’a pas enquêté sur les auteurs et commanditaires directs de ces tueries. La commission de l’ONU devrait être beaucoup plus précise – et nominative. ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011