ja 2615 du 20 au 26 février 2011

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ÉGYPTE LES VERTIGES DE L A RÉVOLUTION 27 >>>

soutenir les mouvements endogènes. Le discours du Caire au monde mu s u l m a n , l e 4 j u i n 2009, sonnait comme un appel. Il a été entendu. Et pour une fois, des manifestants arabes n’ont pas brûlé de drapeau américain.

LA TURQUIE EN MODÈLE

>>> PARIS ET BRUXELLES À CONTRETEMPS

Engluée dans l’affaire de l’escapade tunisienne de Michèle Alliot-Marie puis la polémique sur le voyage en Égypte de François Fillon, la France a toujours été en porteà-faux par rapport aux événement s, don na nt le sentiment d’être à la traîne des Américains. Après la spectaculaire « journée de colère » du 28 janvier, le Quai d’Orsay, particulièrement frileux, s’était contenté d’exprimer sa « vive préoccupation » en appelant à la « retenue » ; Washington avait déjà durci le ton par la voix de Barack Obama. Jusqu’à la chute du raïs, le 11 février, ce décalage n’a jamais été comblé. Nicolas Sarkozy, qui avait misé sur Ben Ali et Moubarak pour construire l’Union du Maghreb arabe (UMA) et renforcer l’influence de Paris dans la région, se retrouve désarmé. L’Élysée va devoir, en urgence, revoir sa copie avec une ministre des Affaires étrangères affaiblie, alors que la suite des événements dans le monde arabe demeure floue. Quant à l’Union européenne, sans leadership, elle est inaudible sur les KHALED ABDULLAH/REUTERS

Après un retard à l’allumage – il a fallu attendre le 28 janvier pour que la Turquie « soutienne les aspirations des Tunisiens à plus de démocratie » –, Recep Tayyip Erdogan, héros de la r ue arabe depuis ses cr itiques à l’égard de la politique d’Israël dans les territoires palestiniens, a compris le triple parti que son pays pouvait tirer de ces événements. Durant la crise égyptienne, Obama a téléphoné plusieurs fois au Premier ministre turc pour le consulter. Flatté et ravi, ce dernier s’est aussitôt aligné sur les positions américaines Manifestation devant l’université pour exiger le départ de de Sanaa, au Yémen, le 13 février. Moubarak. Après un coup de froid dû à ses relations avec Téhéran, Ankara conforte ainsi Depuis, les femmes de l’opposition sa place d’allié de Washington dans un organisent des sit-in pour la libération Moyen-Orient instable. Ensuite, face de leurs fils et de leurs maris. Figure à des pays affaiblis (Irak, Égypte) ou de proue : Mariam el-Mahdi, la fille du marginalisés (Syrie, Iran), la Turquie Premier ministre Sadek el-Mahdi, rens’affirme en tant que puissance régioversé par El-Béchir en 1989. Vers une nale. Enfin, elle améliore encore son nouvelle Benazir Bhutto ? image dans un monde arabo-musulman admiratif de son développement >>> OBAMA LʼÉQUILIBRISTE économique et qui voit dans son modèLe 11 février au soir, le président le politique une « synthèse réussie d’isaméricain était visiblement heureux. lam et de démocratie ». Après avoir demandé avec insistance le départ de Hosni Moubarak mais >>> EL-BÉCHIR À LʼABRI ? subi l’affront du raïs, la veille, lors de Omar el-Béchir ne tremble pas. Du son dernier discours, Barack Obama a moins veut-il donner cette image. Le finalement obtenu ce qu’il recherchait : 16 février, lors d’une rencontre avec des un changement « irréversible ». Depuis officiers à Omdurman, il a mis au défi le début de la crise, la position de l’opposition de descendre dans la rue. Washington a été fluctuante, oscillant Pourquoi une telle morgue ? D’abord entre l’obsession de la le général-président s’appuie sur une « stabilité » régionale combinaison politique redoutable : un et la prise en compte du ticket entre militaires et islamistes. « droit à la liberté ». Le système tient depuis vingt-deux La diplomatie a tanans. Prudemment, fin janvier, il a fait g ué – avec plus de arrêter le trublion du régime, le vieil 2 milliards de dollars islamiste Hassan el-Tourabi. Ensuite, par an, l’Égypte est le le président soudanais fait le pari que, deuxième récipiendaire de l’aide améjusqu’à l’indépendance du Sud-Soudan, ricaine après Israël –, mais la méthoprogrammée en juillet prochain, les de Obama, faite de conviction et de Américains ne lèveront pas le petit pragmatisme, a marqué des points. doigt. D’où la répression brutale des Les néoconservateurs à la manœuvre manifestations du 30 janvier dernier, sous George W. Bush croyaient à tort à Khartoum et dans d’autres villes du à l’imposition de la démocratie par la nord du pays. Près de cent arrestations. force, le président démocrate préfère

Cette « révolution postislamiste » contraint Al-Qaïda à réinventer sa propagande.

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bouleversements en cours chez ses voisins du Sud. S’il veut être utile dans l’accompagnement de ces révolutions arabes, il est urgent pour le Vieux Continent de changer de braquet. ■ CHRISTOPHE BOISBOUVIER, JOSÉPHINE DEDET, CONSTANCE DESLOIRE, MARIANNE MEUNIER, PHILIPPE PERDRIX


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